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Le Canada dans le monde : Politique internationale du Canada
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Abdoulaye Gueye
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Le Dr. Abdoulaye Gueye discute de l'impact de la migration internationale sur les relations Nord-Sud et les pays en développement.

Dr. Gueye est assistant professeur et superviseur au baccalauréat au sein du programme de développement international et de mondialisation de l'Université d'Ottawa. Il détient un doctorat en sociologie de l'École des Hautes Études en sciences sociale de Paris et a largement écrit sur les défis de la migration pour le continent africain, particulièrement en ce qui concerne le Sénégal.

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Note: Les opinions exprimées ne sont pas nécessairement celles du gouvernement du Canada.


  Tendances de la migration internationale 4 min 59 secWindows Media | QuickTime

  Les implications scientifiques et politiques de la migration
 
4 min 10 sec
 
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  Le Canada et les organisations internationales

3 min 33 sec

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  Les effets sur le Nord et le Sud en général

4 min 9 sec

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  L'immigration et la mondialisation

3 min 36 sec

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(Les vidéolecteurs sont disponibles ici : QuickTimeWindows Media)


Transcription

Tendances de la migration internationale

Je m’appelle Abdoulaye Gueye et je suis professeur au département de sociologie de l’Université d’Ottawa. J’ai une trajectoire qui ressemble beaucoup à ce que je vais décrire tout à l’heure et à ce dont nous allons discuter, à savoir le fait que je suis originaire d’un pays qui n’est pas le Canada, mais bien d’un pays africain qui est le Sénégal. J’ai vécu longtemps en France avant d’arriver au Canada, où maintenant j’y exerce ma profession. Bien évidemment, tout ceci n’est pas étranger à mon intérêt pour la migration. Je pense qu’en m’intéressant à la migration, j’essaie aussi, dans une certaine mesure, de réfléchir sur moi-même, sur ma propre trajectoire.

 

Les tendances migratoires… Il est très difficile de dire qu’elle est véritablement la tendance migratoire aujourd’hui. J’ai plutôt tendance à dire qu’en fait, la migration n’a pas véritablement changé de cours. Comme on le sait, il y a toujours les pays d’émigration et les pays d’immigration. Les pays d’émigration sont, pour la plupart, des pays du tiers-monde — bien que ce terme ne soit pas suffisant pour tout expliquer. Ce sont en fait des pays d’Afrique, d’Amérique latine et en partie d’Asie — parce que l’Asie du Sud-Est, notamment l’Inde est une région pourvoyeuse d’immigrants à travers le monde. Mais il y aussi des disparités à l’intérieur d’une seule région. Par exemple, on nous présente souvent l’Afrique comme étant un continent qui pourvoit énormément de migrants aux pays occidentaux. Si on regarde les chiffres de plus près, on s’aperçoit qu’il faut relativiser tout ça, parce qu’en 2002 par exemple, d’après la terminologie retenue par les Nations Unies, il y avait 14 millions de migrants internationaux africains. Ce qu’il faut regarder c’est que, sur ces 14 millions, il y avait seulement environ 2 millions de migrants qui avaient quitté le continent africain pour aller sur un continent étranger. Autrement dit, 12 millions de migrants africains sont partis d’un pays d’Afrique pour s’installer dans un autre pays d’Afrique. Ceci est un phénomène que les observateurs oublient souvent de mentionner ou, en tous cas, un phénomène auquel ils ne prêtent pas beaucoup d’attention et qui fait aussi que, sur le plan international, lorsque l’on parle de l’Afrique, on nous la présente comme étant un vaste continent pourvoyeur de migrants.

 

Toujours en restant sur la même question, il faut également savoir que l’histoire joue un rôle très important dans les tendances migratoires. Les personnes qui partent de leur pays ne vont pas n’importe où. Habituellement, ces personnes choisissent des pays qui ont entretenu par le passé des relations politiques avec leur pays de départ. Par exemple, encore aujourd’hui, les migrants provenant de l’Afrique francophone se dirigent généralement vers la France et la Belgique. Évidemment, les États-Unis sont en train de prendre une place considérable dans cette migration. Certains avancent l’idée que New York est la troisième destination pour les migrants du Sénégal, après Paris et Rome. Il faut bien évidemment aussi expliquer le phénomène à la lumière des transformations politiques que l’on note dans tel ou tel pays. La France, de plus en plus, ferme ses frontières aux migrants alors qu’en contrepartie, des pays comme l’Italie ont largement ouvert leurs portes aux migrants.


Les implications scientifiques et politiques de la migration

Sur la question de l’avenir, disons qu’il y a des choses très intéressantes sur le plan statistique. Par exemple, on sait qu’en 1977, il y avait environ 77 millions d’immigrants à travers le monde. En 2005, ce chiffre s’élevait à 200 millions. Autrement dit, on a une migration qui a plus que doublé en l’espace de 30 ans. Pour le futur, les chercheurs ne s’accordent pas toujours parce que ce sont des prévisions, donc on ne peut pas savoir ce qui va se passer réellement. Certains disent que d’ici 2020, il faudrait s’attendre à ce que le nombre de migrants augmente de 10 %. D’autres avancent des chiffres supérieurs, mais le fait est qu’il y a de fortes chances que nous assistions à une augmentation importante du nombre de migrants d’ici à 2020.

 

La question des tendances futures est très intéressante parce qu’elle n’est pas seulement scientifique, elle est aussi politique. Selon notre coloration politique, nous avons plus ou moins tendance à voir la migration comme étant quelque chose de très positif ou quelque chose de très négatif, si on est plus rangé du côté de certains partis extrémistes. Au plan scientifique, ce qui est clair, c’est que la migration a eu un impact considérable sur le plan démographique, notamment pour les pays développés. Pour les pays sous-développés, on a encore du mal à cerner véritablement les effets. Si nous prenons le cas des pays développés, on voit les effets au niveau de l’augmentation de la taille de la population. Dans le cas d’un pays comme la France, on a démontré qu’entre 1990 et 2000, la croissance démographique était assurée par la migration à plus de 80 %. Ce qu’il faut entendre par là, c’est qu’il y a d’abord les personnes qui ont quitté leur pays pour aller s’installer en France, mais aussi les enfants de ces mêmes personnes qui sont nés sur le territoire français. Si vous regardez le Canada, les effets de la migration sur la démographie canadienne ressemblent aussi, clairement, à ce que l’on observe en France parce que, comme vous le savez, le Canada est un pays qui réussit à attirer à chaque année entre 100 000 et 200 000 personnes. Les chiffres démontrent le même phénomène concernant le taux de fécondité puisque les femmes canadiennes ont en moyenne 1,2 enfant alors que ce taux est de loin supérieur chez les femmes migrantes. Ceci est la réalité actuelle. Dans l’avenir, on ne sait pas précisément quel pourrait être l’apport véritable de ces migrants parce que les chercheurs ont constaté que les migrants, par le fait de l’assimilation, finissent par adopter les mêmes comportements que les personnes vivant dans le pays d’accueil. Autrement dit, les enfants des femmes qui sont fécondes par rapport aux critères de leur pays d’origine n’auront pas le même taux de fécondité sur leur territoire d’arrivée que leur propre mère. Donc à terme, on ne sait pas quel sera l’effet véritable de cette migration sur la démographie.


Le Canada et les organisations internationales

Je pense que l’exemple idéal que l’on pourrait donner est l’affaire Arar. Maher Arar, d’origine syrienne, mais citoyen canadien, a rencontré des problèmes avec les administrations américaine et syrienne. En tant que pays dont cet homme détient la citoyenneté, le Canada était bien évidemment tenu de réagir. On sait que ni la Syrie ni les États-Unis n’ont vu d’un œil positif la réaction du Canada. Ce type de problème, à force de se multiplier, pourrait bien évidemment, à court ou à long terme, affecter considérablement les relations diplomatiques entre un pays comme le Canada et un pays comme la Syrie ou les États-Unis. Aussi longtemps que le Canada acceptera que ses citoyens aient la possibilité de détenir plus d’une nationalité; aussi longtemps que le Canada s’affirmera comme étant un pays qui respecte les droits de l’Homme et aussi longtemps que les migrants se considéreront comme des citoyens canadiens, mais aussi comme des citoyens d’autres pays, il y a de fortes chances que le type de problème dont je viens de parler se reproduise et donc que les relations diplomatiques entre le Canada et d’autres pays soient affectées en conséquence.

 

Le rôle des organisations internationales dans la migration diffère selon que l’on parle du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), de l’Office des migrations internationales (OMI), etc. Il y a certaines organisations qui sont là pour faire respecter les droits des migrants. Il y a certaines organisations, par exemple la Convention de Genève, qui par leur rôle, garantissent à tout individu victime de persécution dans son propre pays la possibilité ou le droit de quitter ce pays et de s’installer ailleurs. On voit bien, à travers le rôle de certaines organisations internationales que l’on peut nourrir la migration des pays du Sud vers les pays du Nord. Tout pays qui se considère comme étant un pays démocratique qui respecte les droits de l’Homme aura tendance à appliquer les conventions telle la Convention de Genève. Par conséquent, à travers le respect de ces conventions, on aide plus ou moins la migration des personnes originaires des pays du Sud — qui sont malheureusement les pays où le respect des droits de l’Homme existe le moins — vers les pays du Nord.


Les effets sur le Nord et le Sud en général

Concernant les effets que cette migration aura sur les pays moins développés, il faut retenir en premier lieu le fait que, par exemple si on prend le cas de l’Afrique, c’est tout de même une certaine catégorie spécifique de la population qui a le plus tendance à migrer. Un organisme comme l’OMI a démontré qu’en 2000, il y avait 100 000 cadres africains — donc des Africains ayant fait des études universitaires de niveau élevé — qui sont allés s’installer ailleurs que sur le continent africain. Ce même institut a aussi démontré que la même année, il y avait 30 000 Africains titulaires d’un doctorat qui exerçaient leur profession hors de leur pays d’origine. Si c’est principalement ce type d’individu que l’on attire dans les pays occidentaux, on peut se douter qu’à terme, peut-être dans 20 ans, 40 ans, ceci aura un impact considérable sur la situation économique et politique des sociétés africaines. Nous savons pertinemment que nous sommes aujourd’hui dans un monde où le développement repose notamment sur l’innovation scientifique et technologique et que ce sont précisément ces chercheurs qui doivent être à la pointe de l’innovation scientifique et technique. Si ces chercheurs ne restent pas sur le continent africain, on pourrait annihiler les chances de développement du continent.

 

Pour les sociétés occidentales, le problème est également très complexe à saisir puisque tout dépend du type de migrant et de la politique mise sur pied par le pays en question. Il y a des pays, comme par exemple le Canada, qui ont une politique hypersélective. Ils savent quels sont les types d’immigrants qu’ils souhaitent accueillir sur leur territoire et quels sont les immigrants dont ils n’ont pas besoin. Aussi longtemps que ces pays réussiront à appliquer convenablement cette politique, ils subiront moins les effets négatifs de la migration, comparativement à un autre pays qui n’a pas de politique migratoire. Il n’en demeure pas moins que ceci est seulement l’aspect économique. Au plan culturel, un des défis, que d’ailleurs le Canada et les États-Unis ont réussi à relever, est de devoir repenser sa propre identité culturelle. Évidemment, on ne peut demander à ces migrants qui arrivent de laisser leur culture, leur identité à l’aéroport au moment où ils prennent leurs bagages. Ils entrent au Canada avec leur propre culture et cette culture aura bien évidement une influence considérable sur l’identité culturelle canadienne ou américaine. Comme je disais tout à l’heure, le Canada et les États-Unis ont compris cela, à travers leurs politiques multiculturalistes, mais il y a des pays comme la France qui s’accrochent encore à leur politique « assimilationniste » et qui n’ont pas encore vu ce problème se poser. C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles l’immigration est plus perçue comme un problème sur le territoire français que dans d’autres pays, en particulier le Canada.


L'immigration et la mondialisation

Quel est l’avenir de l’immigration dans le contexte de la mondialisation? Je me suis posé cette question pour la raison suivante : étant donné que j’enseigne beaucoup sur la mondialisation, je me suis aperçu que l’on constate un phénomène de délocalisation des emplois. Au départ, la délocalisation des emplois touchait particulièrement les emplois les moins rémunérés. Donc, au lieu de créer une usine de construction de bois au Canada où ça coûterait beaucoup plus cher que de faire travailler des Mexicains ou des Indiens, on préfère installer l’usine là-bas.

 

Ce qui se passe aujourd’hui, c’est que ce n’est plus seulement ce type d’emploi qui est délocalisé. On constate également une délocalisation des emplois hyperqualifiés à travers le monde. Je lisais récemment dans un article du journal Le Monde qu’il y a aujourd’hui plus de 10 000 ingénieurs en Inde qui travaillent pour des compagnies françaises. Ce qui veut dire que si on assiste à la délocalisation des emplois moins bien rémunérés aussi bien que des emplois hautement rémunérés, une des raisons fondamentales de la migration, c’est-à-dire la raison économique, n’aura plus lieu d’être. En effet, c’est cette raison qui poussait les migrants à venir s’installer au Canada, aux États-Unis ou en Europe. En conséquence, les migrants resteront chez eux et ce sont les emplois qui viendront à eux. Les entreprises pourraient y trouver leur compte aussi bien que les migrants. Si on prend par exemple le secteur de la haute technologie en Inde, il s’avère qu’une entreprise américaine faisant travailler des ingénieurs indiens sur place, économisera entre 30 et 40 % sur la masse salariale. Si cet ingénieur indien allait travailler aux États-Unis, l’entreprise ne serait pas en mesure de faire cette économie. On a déjà démontré qu’avec la délocalisation des emplois moins bien rémunérés, on observait le même phénomène. Si vous faites travailler un ouvrier en Inde, vous gagnerez de l’argent sur son salaire tandis que si vous le faites travailler aux États-Unis, il sera en droit de demander un salaire aussi élevé qu’un Américain né aux États-Unis, en raison des lois — si c’est un migrant qui n’est pas en situation illégale. Donc, vous avez ce facteur de délocalisation — dont on devrait pousser la réflexion — qui pourrait à terme ralentir le taux de croissance de la migration à travers le monde.