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Le Canada dans le monde : Politique internationale du Canada
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Entrevue vidéo
John Mearsheimer
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Le Dr. John Mearsheimer discute du réalisme et du monde.

Le Dr. Mearsheimer a la mention du R. Wendell Harrison Distinguished Service Professor of Political Science et est le co-directeur du programme sur la politique de sécurité internationale de l'Université de Chicago. M. Mearsheimer a produit plusieurs ouvrages sur les relations internationales, particulièrement en ce qui concerne la sécurité et la géopolitique mondiale. Il est un partisan de l'école réaliste des relations internationales. Dans ces vidéos, M. Mearsheimer explique les principes à la base du réalisme et ce qu'ils suggèrent au regard de l'évolution de la géopolitique mondiale. 


Lire la conférence du Dr. Mearsheimer ''Le monde en 2020'' présentée à Affaires étrangères Canada en avril 2004.

Informations sur les discussions en ligne sur la politique internationale du Canada du MAECI:


 

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Entrevues vidéo  (en anglais avec transcription en français)

Note: Les opinions exprimées ne sont pas nécessairement celles du gouvernement du Canada.


 

 Introduction : Les réalistes1 min 36 sec

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  La politique des «grandes puissances»

2 min 52 sec


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Les États Unis et la Chine

2 min 19 sec


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Les États Unis et l’Iraq

3 min 11 sec


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L’État

3 min 00 sec


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 Institutions

3 min 40 sec


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(Les vidéolecteurs sont disponibles ici : QuickTimeWindows Media)


Transcription

Introduction : Les réalistes

Je m’appelle John Mearsheimer et j’enseigne les sciences politiques à l’Université de Chicago, où je suis depuis 1983.

Au fond, je suis ce qu’on appelle généralement un réaliste. Pour moi, cela signifie que les États sont les principaux acteurs du système international et qu’ils opèrent dans un environnement anarchique, c’est à dire qu’il n’y a pas d’autorité supérieure à la leur. Les États sont comme des boules sur une table de billard.

Étant ce que je suis, je pense aussi que les États sont surtout à la recherche du pouvoir, qui est l’unité de valeur de la politique internationale pour les réalistes. J’entends par là le pouvoir tant économique que militaire. Enfin, j’ajouterai à propos des réalistes qu’ils ont tendance à penser que le type de régime adopté par un État n’a pas d’importance.

De nombreux Américains et certainement de Canadiens croient que la politique étrangère d’un État a beaucoup à voir avec le caractère démocratique ou non démocratique de cet État. Les réalistes estiment au contraire que les États, qu’ils soient démocratiques ou autocratiques, se comportent fondamentalement de la même façon, parce que les impératifs et la structure du système ne leur laissent guère le choix.


La politique des « grandes puissances »

À mes yeux, la concurrence entre grandes puissances aujourd’hui présente deux volets. D’abord, il importe de comprendre que nous traversons une période inhabituelle de l’histoire, où un seul pays, nommément les États Unis d’Amérique, est suffisamment puissant pour qu’aucun autre grand pays, que ce soit la Chine ou la Russie, ne soit susceptible de lui chercher noise et d’entrer en conflit avec lui. Il est donc peu probable qu’on assiste à une guerre impliquant les grandes puissances. Je pense que cela est dû en grande partie au déséquilibre des forces en présence. Ensuite, je dirai, au vu des relations américano chinoises aujourd’hui, et certainement dans l’avenir, qu’il y a de bonnes raisons de penser que la joute politique entre grandes puissances n’est pas prête de s’éteindre. Il est en effet raisonnable de penser, et personne ne le niera, que les États Unis et la Chine auront maille à partir à propos de Taïwan au cours de la prochaine décennie. Je ne dis pas que cela va arriver, je dis simplement que c’est plausible. Et si on ne considère que le dossier de Taïwan, il est évident que les tiraillements politiques entre ces deux pays sont une réalité bien ancrée.

Quand on ajoute toute la question coréenne à ce scénario — la Corée du Nord contre la Corée du Sud et la possibilité d’une guerre dans la péninsule coréenne qui aspirerait les États Unis et la Chine dans son sillage — on a un autre exemple frappant de la vitalité de la rivalité politique entre grandes puissances. Prenons la chose sous un angle légèrement différent, et greffons le Japon à cette équation. Il suffit d’observer les Japonais aujourd’hui, de voir ce qu’ils disent et font, pour conclure sans hésitation qu’ils sont très nerveux devant les Chinois, et qu’ils commencent à rebâtir certaines capacités militaires pour le cas où. La dynamique des relations entre le Japon et la Chine vient donc aussi illustrer mon propos.

Enfin, il y a l’Inde. Les Indiens sont aussi très nerveux devant les Chinois. Ils se sont d’ailleurs considérablement rapprochés des Américains depuis la fin de la guerre froide, un rapprochement dû en grande partie à la peur que leur inspire la Chine.

Il y a donc en Asie, prise au sens large, toutes sortes de situations montrant que la politique des grands est toujours à l’œuvre. Je n’irai pas jusqu’à dire que nous sommes au seuil d’une troisième guerre mondiale en Asie, parce que ce n’est certainement pas le cas. Mais ces États, y compris les États Unis, se font concurrence et se surveillent du coin de l’œil, et c’est là l’essence même de la politique des grandes puissances.


Les États Unis et la Chine

Quand elle est arrivée au pouvoir en janvier 2001, l’administration Bush s’est intéressée presque exclusivement à la Chine, et n’a guère prêté attention au terrorisme. Grâce aux travaux de la Commission 9/11, nous savons maintenant que l’administration Clinton se préoccupait beaucoup plus du problème d’Oussama ben Laden que ce ne fût le cas pour l’administration Bush, du moins dans sa première mouture. Et cela parce que l’administration Bush ne pensait qu’à la Chine. Mais après les événements du 11 septembre, les États Unis, pour des raisons évidentes, sont devenus obsédés par le terrorisme, ce qui les a amenés à se concentrer presque entièrement sur le Moyen Orient. On peut donc dire qu’ils ont détourné leur collimateur de la Chine pour le braquer sur le Moyen Orient, au sens large du terme. Sous le président Bush, les Américains se sont donc montrés moins intéressés par la Chine. Cela n’est pas allé jusqu’à l’indifférence complète, mais disons que la Chine n’était plus une grande priorité.

À mon avis, si les attentats du 11 septembre ne s’étaient pas produits, l’administration Bush aurait poursuivi une politique d’endiguement assez vigoureuse à l’égard de la Chine. Le président lui même l’avait donné clairement à entendre pendant la campagne de 2000; de plus, il est entouré de conseillers qui prônent une solide politique d’isolement de la Chine. Mais quand vous vous lancez dans la guerre contre le terrorisme et que toute votre attention se tourne vers le Moyen Orient, vous ne voulez pas avoir de problèmes avec la Chine.

En fait, vous voulez tout faire pour entretenir de bonnes relations avec elle, parce que vous en avez déjà plein les bras avec l’Iraq et les autres points chauds du Moyen Orient, et que la dernière chose dont vous avez besoin, c’est d’une crise avec la Chine en Asie. Les Américains ont donc tempéré leur enthousiasme pour une politique d’endiguement de la Chine et ont plutôt, sous l’administration Bush, mené une large politique de dialogue avec ce pays, ce qui n’est pas ce à quoi on se serait attendu en janvier 2001.


Les États Unis et l’Iraq

Presque sans exception, les réalistes étaient opposés à la guerre en Iraq. Le seul qui, à ma connaissance, y était favorable — et aussi le seul, toujours à ma connaissance, qui était favorable à la guerre du Vietnam — a été Henry Kissinger. Les autres, dont Brent Scowcroft et James Baker à Washington, et tous ceux qui évoluent dans le monde universitaire, se sont dès le début opposés catégoriquement à la guerre en Iraq.

En fait, ce sont les libéraux et les néo conservateurs qui ont formé une coalition pour entraîner les États Unis dans la guerre. Dès le départ, les réalistes voyaient là une entreprise malavisée. À mon avis, il y a à cela deux raisons majeures.

D’abord et avant tout, ils ne considéraient pas l’Iraq comme une grande menace. La plupart croyaient que même s’il avait des armes de destruction massive, l’Iraq ne pouvait pas les utiliser parce que les États Unis avaient amplement les moyens de riposter. Ensuite, la majorité des réalistes estimaient que si les États Unis envahissaient l’Iraq, ils se retrouveraient dans la position de l’occupant et auraient à composer avec une insurrection généralisée pour cause de nationalisme. Et c’est exactement ce qui s’est produit.

Beaucoup pensent que le pouvoir des États Unis s’en trouvera affaibli. Je ne crois pas que ce sera le cas, parce que le pouvoir se mesure habituellement en termes de capacités matérielles, et que cette guerre aura peu d’effet sur les nôtres. Par contre, le prestige des États Unis dans le monde a été considérablement amoché. En outre, il sera extrêmement difficile pour les États Unis de privilégier le recours à la force militaire dans l’avenir, même dans les cas où cela serait indiqué.

Imaginons, par exemple, une situation semblable à celle du Rwanda dans quatre ou cinq ans d’ici. La plupart des Américains seraient alors très réticents à l’idée que leur pays intervienne, même s’il le devrait pour des raisons morales ou stratégiques. Dans une telle situation, aucune raison stratégique ne s’oppose à une intervention, et l’impératif moral est évident. Mais je pense que de nombreux Américains seraient contre une telle intervention, en raison de la cuisante leçon infligée par la guerre en Iraq. Nous ne sommes pas intervenus au Rwanda en 1994 essentiellement à cause de ce qui s’était produit en Somalie l’année précédente.

On peut ainsi imaginer toutes sortes de scénarios où notre expérience négative en Iraq nous causera des problèmes plus tard, parce que les gens, le public américain, ne voudront pas du recours à la force militaire. J’en conclus que la guerre en Iraq n’aura rien donné de bon, et qu’elle aura au contraire de nombreuses conséquences négatives.


L’État

Il était de bon ton dans les années 1990 de dire que l’État perdait de son aura, qu’il n’était plus l’acteur important qu’il avait été sur la scène internationale. Je pensais à l’époque que cela était une erreur, et je pense aujourd’hui que le temps m’a amplement donné raison.

J’ai quelques observations à ce sujet. D’abord, beaucoup pensaient que l’Union européenne représentait la voie de l’avenir et signalait l’affaiblissement de l’État. Or, la progression de l’Union européenne a ralenti. Bien sûr, l’intégration se poursuit, mais au pas de tortue, et on pourrait même dire qu’elle s’est arrêtée. Et si cela n’était pas le cas, si l’Union européenne allait vraiment de l’avant, nous aurions tout simplement un immense État européen plutôt qu’une série d’États plus petits. Autrement dit, l’État n’aurait pas disparu.

Ensuite, si l’État disparaît, qu’est-ce qui le remplacera? Il faut un système politique pour régir la vie de tous les jours, et rien ne remplace l’État à cet égard. Quelqu’un oserait il dire que les multinationales peuvent remplacer l’État? Je ne le crois pas. Certes, toutes les institutions internationales que nous connaissons, par exemple l’ONU, sont utiles. Cela est indéniable. Mais l’ONU n’est pas en mesure d’assurer une gouvernance mondiale utile. Il n’y a donc rien pour remplacer l’État.

Mon troisième argument, et le plus important, pour expliquer que l’État ne disparaîtra pas, c’est le nationalisme. Idéologie politique la plus puissante de la planète, le nationalisme privilégie l’État. Fondamentalement, il prescrit que le monde peut être divisé en nations, en groupes ethniques et même en tribus si on veut, et que chacune de ces entités devrait avoir son État.

Prenons le cas des Palestiniens aujourd’hui. Ce qu’ils désirent le plus, c’est avoir leur propre État. Il en va de même pour les Kurdes.

Nous pourrions citer une kyrielle d’autres exemples dans le monde où des groupes ethniques réclament leur propre État. Et puis, il y a tous ces États qui se sont finalement affranchis de l’Union soviétique, comme la Pologne, la Tchécoslovaquie et la Hongrie. Ces pays ne sont pas près d’abandonner leur souveraineté. Alors, je pense que la notion d’État est là pour durer, du moins dans un avenir prévisible.


Institutions

En ce qui concerne les institutions, je pense qu’on peut les aborder sous trois grands angles. Il y a d’abord la perspective libérale, très répandue aux États Unis et au Canada, selon laquelle les institutions ont le pouvoir indépendant d’imposer leur volonté aux États. Quand des pays comme les États Unis ou le Canada adhèrent à une institution, ils n’ont guère le choix que d’en suivre les règles. Il s’ensuit qu’un pays comme les États Unis ne peut pas commettre un écart de conduite, même s’il y songe, parce qu’il sait très bien qu’il doit se plier aux règles de l’institution en question. Pour les libéraux qui ont cette vision mondiale, les institutions sont un puissant facteur de paix dans le système international.

Et puis il y a la perspective des néo conservateurs, qui est aussi celle de l’administration Bush. Comme les libéraux, les néo conservateurs croient que les institutions sont très puissantes, et qu’elles peuvent dicter leur conduite aux États. Mais ils croient aussi, contrairement aux libéraux, que cela a des conséquences néfastes. En d’autres termes, ce sont les Lilliputiens qui arrivent à immobiliser Gulliver, ce sont les petits États du système, comme le Canada, qui parviennent à coincer les États Unis. Les néo conservateurs détestent donc les institutions, car ils y voient des entités très puissantes capables de nuire gravement aux intérêts nationaux des Américains.

Enfin, il y a les réalistes, qui ont une toute autre vision des choses. Pour eux, les institutions ne sont pas capables d’imposer leur volonté aux grandes puissances. Quand une institution dit aux États Unis qu’ils doivent faire ceci ou cela, et que les élites américaines pensent autrement parce que ce n’est pas dans l’intérêt national du pays, alors les États Unis ignorent cette institution ou réécrivent les règles. Mais ils ne feront rien qui irait à l’encontre de l’intérêt national. Et cette logique ne s’applique pas seulement aux États Unis, mais aussi aux autres grandes puissances.

Dans une perspective réaliste donc, les institutions ne peuvent pas s’imposer devant une grande puissance comme les États Unis. Cependant, les réalistes pensent que si vous devez mener le monde, ou être une superpuissance mondiale, vous avez besoin d’institutions parce que le monde est trop grand et trop compliqué pour être dirigé unilatéralement.

Dans le contexte de la guerre froide, l’OTAN était une merveilleuse institution qui s’est révélée extrêmement utile pour les États Unis. L’Organisation mondiale du commerce et les Nations Unies sont aussi des institutions à la création desquelles les États Unis ont largement contribué, et qu’ils ont utilisées à bon escient. Le réaliste dirait donc qu’il est insensé d’ignorer les institutions, de chercher à les détruire et même de ne pas en créer, car ce sont des mécanismes très utiles, surtout pour les États Unis.