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Le Canada dans le monde : Politique internationale du Canada
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Entrevue vidéo
Dane Rowland
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Le Dr. Dane Rowlands discute de la Banque Mondiale.

Le Dr. Rowlands est le Directeur adjoint du Norman Paterson School of International Affairs, à l'Université Carleton. Il se spécialise dans les institutions financières internationales, principalement la Banque mondiale et le Fonds monétaire international.

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Entrevues vidéo: (en anglais avec transcription en français)

Note: Les opinions exprimées ne sont pas nécessairement celles du gouvernement du Canada.

  Survol de la Banque mondiale

3 minutesQuicktime


  La Banque mondiale aujourd'hui

1 minutesQuicktime


  La Banque est-elle nécessaire?

2 minutesQuicktime

  Rendement de la Banque mondiale
4 minutesQuicktime

  La Banque mondiale et le FMI
4 minutesQuicktime

(Les vidéolecteurs sont disponibles ici : QuickTimeWindows Media)


Transcription

Survol de la Banque mondiale

La Banque mondiale constitue en fait un ensemble d’institutions. Elle a commencé par porter le nom de Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD), lorsqu’elle a été créée en même temps que le Fonds monétaire international, à la fin de la Deuxième Guerre mondiale. Initialement, le mandat de la Banque comportait deux volets : la reconstruction dans les pays touchés par la guerre, principalement en Europe, et, dans la perspective de l’avenir, les besoins de développement ultérieurs dans le reste du monde. Le volet reconstruction a rapidement disparu puisque le Plan Marshall l’a supplanté dans le contexte européen, et cette institution s’est rapidement concentrée sur le développement de pays qui, à l’époque, étaient ou avaient été récemment des colonies des grandes puissances européennes.

La Banque avait pour rôle de canaliser les fonds du secteur privé vers des projets de développement utiles. Elle constituait un mécanisme de financement qui reposait sur la garantie de la capacité financière de ses principaux États partenaires, c’est-à-dire les pays industrialisés développés. Elle utilisait leur cote de solvabilité pour emprunter sur les marchés privés et consentir des prêts à un taux qui demeurait favorable du point de vue d’un pays en développement. En effet, si ces pays avaient emprunté directement sur les marchés financiers, on leur aurait imposé un taux d’intérêt plus élevé. Il s’agissait donc, si vous voulez, de l’arbitrage qui permettait à la BIRD de fonctionner.

La BIRD, que nous appelons souvent la Banque mondiale, constituait le pilier du Groupe de la Banque mondiale. Quatre autres institutions composent ce groupe : les deux autres principales sont la Société financière internationale, qui a pour mandat de promouvoir l’investissement privé  par l’entremise d’investissements étrangers directs dans les pays en développement, et l’Association internationale de développement, qui constitue l’antenne de la Banque mondiale offrant des prêts à des conditions avantageuses. Ces deux institutions accordent des prêts aux pays en développement et aux pays les plus pauvres à des taux d’intérêt favorables pour de longues périodes. La Banque mondiale consent aussi des prêts, mais elle traite avec une gamme plus étendue de pays. 

En ce qui concerne le type d’activités que mène la Banque, celles-ci sont passées par différentes phases. Au départ, pendant une longue période qui a duré jusqu’à la fin des années 1960, les activités portaient principalement sur de grands projets d’infrastructure, notamment dans les secteurs des routes, du transport et de l’énergie. À cette époque, la Banque accordait beaucoup d’attention à ce type de projets d’infrastructure de grande envergure, qui représentaient alors la conception que l’on avait du processus de développement.

À la fin des années 1960 et au cours des années 1970, sous la direction d’un nouveau président, M. Robert McNamara, les activités de la Banque ont commencé à s’orienter davantage sur la réduction de la pauvreté, soit sur la satisfaction des besoins fondamentaux que les ouvrages sur le développement avaient ajoutée au mandat de la Banque mondiale. À partir de ce moment-là, la Banque a concentré ses efforts sur des projets liés à l’éducation et à la santé, tout en s’occupant de projet d’infrastructure. Ce changement d’orientation a été maintenu pendant plusieurs années.

Plus tard, au cours des années 1980, les activités de la Banque mondiale ont pris une nouvelle orientation lorsqu’elles ont mis l’accent sur les ajustements structurels. Cette période a été l’une des plus controversées de l’histoire de la Banque mondiale, qui a alors commencé, en collaboration ou en parallèle avec le Fonds monétaire international (FMI), à imposer dans la pratique des conditions relativement strictes aux pays emprunteurs. En effet, au lieu d’être liés à des projets concrets, les prêts étaient associés à des programmes au sein des pays emprunteurs. Ils ont alors été utilisés pour appuyer les efforts des pays bénéficiaires sur le plan budgétaire : les prêts n’étaient alors plus consentis pour appuyer des projets, mais essentiellement pour soutenir de vastes thèmes pragmatiques. Ils ne servaient donc plus à construire un pont ou un barrage, mais étaient plutôt utilisés pour exécuter des programmes et des politiques d’ordre beaucoup plus général.

Toutefois, comme je l’ai dit, ce changement d’orientation a entraîné, dans une certaine mesure, la perte d’autonomie politique des pays à qui étaient accordés les prêts. Cette réorientation peut s’avérer une bonne ou une mauvaise chose, selon votre position dans le débat sur la politique des ajustements structurels. Ces ajustements ont provoqué beaucoup de controverse et la Banque mondiale a admis qu’elle était allée trop loin dans certains cas et pas assez dans d’autres et qu’elle modifierait ces ententes. Néanmoins, ces ajustements ont été perçus comme une violation, jusqu’à un certain point, de la capacité des États emprunteurs à formuler des politiques.



La Banque mondiale aujourd’hui

Au fil des ans et de ses activités, la Banque a reconnu l’importance de la participation et des préoccupations des ONG, comme celles liées à l’environnement, le besoin de structures participatives dans ses programmes de prêt et la nécessité d’une plus grande intégration et cohésion entre les prêteurs et les donateurs qui fournissent des ressources financières aux pays en développement.

Le débat se poursuit toujours quant à savoir dans quelle mesure la Banque mondiale a tenu compte de certaines de ces préoccupations et de ces critiques dans ses activités ou dans quelle mesure elle les a observées, mais a manifesté un intérêt de pure forme à leur égard et n’a pas vraiment tenu ses promesses. L’ampleur de la transformation véritable de la Banque en vue de devenir un instrument de développement plus réceptif demeure également un sujet de débat.



La Banque est-elle nécessaire?

Avons-nous besoin d’une Banque mondiale? Si elle n’existait pas, en voudrions-nous une? Il s’agit là d’une question intéressante. Vous avez sûrement entendu récemment des commentaires sur le fait que la Banque mondiale ne devrait probablement pas exister sous sa forme actuelle. Cette affirmation est à mon avis un peu révolutionnaire. Selon certains, l’intérêt réel de la Banque mondiale réside dans ses employés, dans leur expertise dans le domaine du développement. Ceux-ci devraient donc vraiment devenir une source de connaissances en matière de développement pour les pays peu développés, qui pourraient faire appel à eux pour obtenir des renseignements et pas nécessairement de l’argent.

Je demeure convaincu que la BIRD, l’AID et la SFI, les trois composantes clés de la Banque mondiale, conservent leur mandat original. À mon avis, les prêts ont leur utilité. J’estime cependant que ces institutions doivent se montrer plus prudentes et qu’elles ne devraient pas utiliser ces prêts pour influencer les politiques gouvernementales dans les mêmes proportions que, comme le prétendent certains, l’ont fait les programmes et les politiques de la Banque mondiale. Toutefois, celle-ci devra manœuvrer dans une situation très délicate et je suis donc d’avis que la Banque a vraiment besoin de ces ressources financières pour présenter un intérêt et j’hésiterais à recommander qu’on supprime ce volet de son mandat. 



Rendement de la Banque mondiale

Selon moi, la Banque remplit son mandat conformément à l’idéologie dominante du développement, ce qui n’est pas une critique. Ses programmes et ses activités reflètent clairement la pensée qui se dégage des principaux ouvrages, notamment des documents de nature économique, au sujet des éléments nécessaires au développement. Les préoccupations relatives à la corruption des gouvernements et à la participation, tous ces éléments que vous trouvez dans les ouvrages se refléteront éventuellement dans les activités de la Banque. 

Par exemple, si vous vous demandiez « qu’est-ce que la Banque aurait dû faire différemment? », je ne crois pas que vous pourriez l’accuser de poursuivre une série de politiques qui vont à l’encontre des idées de la majorité des économistes en développement. Il est vrai que l’économie est une discipline dominante, mais elle n’est pas la seule discipline qui influence les politiques de la Banque. D’un point de vue économique, et probablement de celui d’une vaste gamme de disciplines, la conception du développement est généralement assez bien reflétée dans les réalisations de la Banque. Aussi, à mon avis, accuser celle-ci de mener des activités déplacées équivaudrait à condamner une grande quantité d’ouvrages qui appuient ce modèle de développement. 

Manifestement, il faut faire la distinction entre la théorie et les pratiques véritables de la Banque. Je ne voudrais cependant pas accuser celle-ci de faire délibérément obstacle au développement. Je crois qu’elle fait de son mieux dans des conditions très difficiles.

Pourtant, cela ne veut pas dire qu’on ne peut pas remettre en question les activités de la Banque, en particulier après coup. Certains des programmes dans lesquels elle a pris part se sont révélés incorrects ou inappropriés a posteriori, ce qui est également vrai pour certains ouvrages portant sur le développement. Aussi, il semble que la Banque, après plusieurs échecs, ait réalisé que les grands projets d’infrastructure ne sont pas toujours la meilleure façon de procéder. La Banque réussit assez bien à s’autocritiquer et à s’autoévaluer, au moins autant qu’on peut s’y attendre d’une institution. À cet égard, il est possible de suivre l’évolution de sa pensée. Dans les années 1980, lorsqu’elle a commencé à estimer que le principal problème des pays en développement était la gouvernance, des problèmes de corruption et de cohésion politique, cette conception a commencé à inspirer les politiques qu’elle a élaborées par la suite, ce qui se serait traduit par une démarche qui a été considérée comme une ingérence sur le plan politique. Les exigences en matière de politique que la Banque imposait dans le cadre de ses programmes de prêts étaient perçues comme exagérées même si elles étaient motivées par la  prise de conscience que, sans ce type d’ingérence, on n’obtiendrait aucun développement véritable.

La Banque doit donc accomplir certaines tâches difficiles et je pense qu’elle y parvient relativement bien, étant donné les problèmes auxquels doit faire face toute grande institution. Cela dit, il est clair qu’il y a place à l’amélioration. La Banque a commis de nombreuses erreurs dans certains projets particuliers et, à mon avis, elle le reconnaît dans une grande mesure. Toutefois, on ignore avec quelle rapidité elle peut s’adapter et améliorer son rendement à cet égard.



La Banque mondiale et le FMI

Les institutions de Bretton Woods, les deux plus importantes, soit la Banque mondiale et le FMI, reflétaient la structure des pouvoirs de l’époque, soit à la fin de la Deuxième Guerre mondiale. Elles ont donc une structure des pouvoirs qui est dominée par les pays les plus riches, ce qui, à certains égards, est considéré comme essentiel puisque ce sont des institutions qui prennent maintenant, bien qu’il n’en ait pas toujours été ainsi, de l’argent acquis sur les marchés des pays riches ou provenant de pays donateurs riches pour l’envoyer aux pays en développement. On assiste donc à une bifurcation de l’adhésion. D’un côté on trouve les donateurs qui fournissent des ressources au FMI et à la Banque mondiale et de l’autre, les pays plus pauvres qui constituent les récipiendaires ou les bénéficiaires potentiels de cet argent.

En conséquence, si vous désirez que des réformes soient apportées au FMI et à la Banque mondiale, je ne crois pas que le fait de cibler ces deux institutions constitue nécessairement la meilleure façon de procéder. À mon avis, les lobbyistes devraient plutôt se tourner vers les gouvernements qui constituent la majorité électorale de ces institutions. Si vous voulez condamner la Banque ou le FMI, je crois qu’il faut d’abord déterminer qui, dans leur conseil d’administration, milite pour le type de politiques auxquelles vous vous opposez.

Traditionnellement, ce sont les États Unis qui représentent le principal actionnaire, mais il faut compter aussi notamment avec l’Europe, avec le Canada, quoique dans une moindre mesure, et avec le Japon. Les pays les plus riches sont certainement ceux qui prennent généralement les décisions au sein de ces deux institutions. Donc, lorsque vous pensez à réformer celles-ci, vous devez faire porter vos efforts sur ces gouvernements. 

Le FMI et la Banque mondiale n’ont pas la capacité de faire grand chose sans le soutien des acteurs clés de leur direction. Il s’agit donc là, à mon avis, du premier élément à prendre en considération. Si vous voulez vraiment critiquer la Banque mondiale et le FMI, en fait vous remettez en cause les politiques financières et de développement des principaux gouvernements qui en sont actionnaires.

La deuxième chose dont vous devez être conscient, je pense, est le fait qu’il est facile de critiquer ces institutions parce qu’elles traitent de problèmes extrêmement délicats. Vous devez vous poser honnêtement la question suivante : « que se passerait-il si elles n’existaient pas? ». Il est possible de répondre que le monde s’en porterait mieux, mais je ne crois pas que cet argument soit aussi solide que voudraient le faire croire certains critiques. Ces institutions peuvent sans contredit jouer un rôle plus constructif que celui qu’elles ont joué jusqu’à présent. Toutefois, il est faux d’attribuer tous les problèmes de développement, ou une grande partie de ceux-ci, à la Banque et au FMI, comme le font certains critiques. Ces institutions donnent des résultats raisonnablement bons étant donné le niveau de connaissance dont elles disposaient lorsqu’elles ont mené leurs activités, qui, de toute façon, ont été critiquées. Il serait donc difficile de condamner l’une ou l’autre de ces institutions sous prétexte qu’elles avaient délibérément l’intention de nuire dans leurs interactions avec les pays en développement. 

Par ailleurs, il se peut qu’elles soient mal informées. Le fait qu’elles soient des institutions de pouvoir, tant en raison de leur position du côté donateur de la direction que de leurs obligations à traiter avec les gouvernements récipiendaires, qui ne sont pas eux-mêmes toujours des structures de pouvoir idéales, signifie qu’elles sont extrêmement limitées quant aux types d’activités qu’elles peuvent entreprendre. Je crois donc que vos efforts en vue d’obtenir des changements au sein de ces institutions devraient être dirigés vers les principaux gouvernements qui en sont membres plutôt que vers ces deux institutions directement.