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Le Canada dans le monde : Politique internationale du Canada
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Entrevue vidéo
Jagdish N. Bhagwati
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Le Dr. Jagdish N. Bhagwati examine le rôle du commerce dans le développement international et les craintes amenant les gens à s'opposer à un processus qui, croit il, peut être plus bénéfique que dommageable. 

Le Dr. Bhagwati est professeur de droit et d'économie à la Columbia University, ainsi qu'agrégé supérieur de recherches au Council of Foreign Relations. Il a été conseiller du Directeur général de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce, et conseiller spécial auprès de l'ONU et de l'Organisation mondiale du commerce. Il est présentement membre du Groupe consultatif spécial de Kofi Annan sur le processus du Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique (NEPAD).

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Entrevues vidéo  (en anglais avec transcription en français )

Note: Les opinions exprimées ne sont pas nécessairement celles du gouvernement du Canada.

 Pays en développement 1 min 58 sec Windows Media | QuickTime

 Les avantages de la mondialisation
 4 min 52 sec Windows Media | QuickTime

 Négociations commerciales de l'OMC
 1 min 54 sec Windows Media | QuickTime

 Manifestations contre la mondialisation
 2 min 50 sec Windows Media | QuickTime

 L'avenir de la mondialisation
 4 min 25 sec Windows Media | QuickTime

(Les vidéolecteurs sont disponibles ici : QuickTimeWindows Media)


Transcription

Introduction : pays en développement


Je m'appelle Jagdish Bhagwati, professeur d'économie internationale à l'Université Columbia. Je suis également membre du Council of Foreign Relations. Mon travail touche divers domaines, notamment le commerce international, le développement, l'aide étrangère, la façon de faire face à la mondialisation, etc. D'une façon ou d'une autre, tous ces domaines sont liés parce que tous les aspects de l'économie le sont.

 

À mes débuts, il y a 45 ans, de nombreux pays en développement croyaient que de se lancer dans l'économie internationale -- s'y intégrer par le commerce, l'investissement, etc. -- leur était en fait nuisible. Ils croyaient que les pays de la périphérie ne pouvaient pas coexister avec les pays du centre parce qu'ils ne pouvaient pas soutenir la concurrence sur la scène commerciale internationale. Ils avaient besoin de protection; il était question de facteurs comme les mouvements du capital humain et des spécialistes. On craignait de perdre des personnes au profit des pays riches, de souffrir de ce qu'on appelle l'exode des cerveaux, que si les multinationales étrangères entraient, elles empêcheraient en fait la croissance des entreprises « nationales ».

 

Chaque interaction avec l'économie mondiale était considérée comme dangereuse. Certaines personnes allaient même jusqu'à dire que cet effet « pervers » était en fait délibéré -- les pays riches, ayant perdu leurs colonies, utilisaient tous leurs contacts internationaux pour emprisonner les pays pauvres dans la toile du néocolonialisme. C'était le point de vue de l'intention mauvaise.

 
Les choses ont considérablement changé depuis.


Les avantages de la mondialisation


Le grand avantage, dirais-je spontanément, est que la mondialisation apporte aux pays la prospérité économique, s'ils peuvent participer à l'économie mondiale. Prenons le Mexique : pendant des années, en fait des décennies, on pensait dans ce pays qu'être voisin immédiat des États-Unis était un handicap insurmontable. Porfirio Díaz, l'un des présidents du Mexique, avait dit il y a longtemps à peu près ceci : « Pauvre Mexique, si loin de Dieu et si près des États-Unis! » Un jour, les Mexicains ont décidé que leur avenir serait meilleur s'ils profitaient de la proximité des États-Unis pour se développer plus rapidement. Voilà pourquoi ils ont adhéré à l'Accord de libre-échange nord‑américain. En regardant de l'autre côté du Rio Grande, ils se sont dit : « Comment se fait-il que l'Amérique du Nord soit si prospère et comment se fait-il que nous traînions si loin en arrière? Tout ce qui nous sépare, c'est le Rio Grande, 3 200 kilomètres de frontière. » Ils se sont dit encore : « C'est évidemment la culture et les institutions économiques américaines qui nous font défaut. » Ainsi, les Mexicains ont décidé d'« embarquer » avec nous. Cela ne signifie pas qu'ils abandonnent leur propre culture, qui est en fait plus profonde que la culture américaine, si l'on excepte les Américains autochtones. La culture américaine a à peine plus de 200 ans. Si l'on regarde les ruines mayas du Yucatan, on doit convenir que c'est l'une des cultures les plus grandes de tous les temps. Et cela continue, mais sur le plan économique, les Mexicains se sont dit : « Voyons, nous avons besoin d'institutions et d'idées, ainsi que de moyens de nous organiser pour y parvenir, et cela signifie : commercer, être capables d'utiliser les investissements étrangers. »

 

Il en va de même en ce qui a trait à l'Inde : jusqu'au milieu des années 1980 environ, le pays était fermé sur lui-même et voyait dans le commerce et l'investissement une menace plutôt qu'une source de possibilités. Le pays a connu une croissance modeste de 3,5 p. 100 et un taux d'accroissement démographique de 2 p. 100, ce qui se traduit par une croissance du revenu par habitant de 1,5 p. 100. Comment, de la sorte, lutter contre l'immense pauvreté sévissant dans ce pays? Par la suite, le pays a commencé à s'ouvrir et à participer davantage au commerce international, à « nettoyer » le système par ce que l'on a condamné comme étant des réformes « néolibérales ». Bien souvent, dire de quelqu'un qu'il est néolibéral est une insulte. Par contre, si c'est ce que vous voulez faire, je vous qualifierai de Néanderthalien; nous pouvons partir sur ces bases, mais sinon, abordons les véritables questions : les réformes que les gens ont introduites dans toutes sortes de dimensions, et non simplement dans l'investissement et le commerce internationaux. Le taux de croissance de l'Inde depuis 15 à 20 ans se situe à 5,5 p. 100.

 

La Chine, elle aussi, a fait volte-face, et a commencé à utiliser le commerce international et les flux d'investissements de façon étonnante. Les Chinois ont changé d'idée en ce qui a trait aux avantages offerts par l'économie mondiale et leur croissance se situera dans les deux chiffres (soit 10 p. 100 ou plus) sur une très longue période. Ils ont pu lutter très efficacement contre la pauvreté, une véritable préoccupation de beaucoup de jeunes idéalistes de la rue.

 

À mon sens, ce n'est pas simplement un cas de figure, mais la preuve que nous pouvons prendre des orientations différentes. Les preuves factuelles sont les suivantes : si l'on veut augmenter le mieux-être des gens, réduire la famine, etc., l'un des intrants nécessaires doit être un accroissement de la prospérité. L'accroissement de la prospérité est source directe d'emplois. Un pays qui stagne ne peut créer des emplois. Un pays dont la croissance est rapide, par contre, en créera. De plus, il générera des revenus pour le gouvernement, et ces revenus, à leur tour, peuvent être dépensés pour la santé, l'éducation, etc., pour les pauvres.

 

Bien sûr, cela ne va pas nécessairement de soi, car le gouvernement peut dépenser ces recettes pour acquérir davantage d'avions -- des F18 ou autres -- et gaspiller de l'argent et, par-là même, nuire à ses citoyens. Cela peut renforcer une dictature. Par contre, c'est quelque chose qu'il faut amener en travaillant dans d'autres dimensions : mettre à contribution d'autres instruments qui ouvreront dans ce sens. Mais c'est là une toute autre question.

 

L'intégration internationale est, à la base, une force très importante pour créer la prospérité qui, en retour, peut avoir et a bien souvent des effets positifs sur le bien-être et le mieux-être des gens et citoyens de ces pays, particulièrement ceux qui sont pauvres. C'est là en fait l'objectif de toutes les personnes qui s'opposent à la mondialisation, mais ils n'ont pas poussé leur réflexion assez loin.



Négociations commerciales de l'
OMC


Dans le domaine de l'agriculture, je crois que la libéralisation est importante et que nous en tirerons quelque chose. Par contre, j'estime qu'elle est en grande partie mue par les intérêts des pays en développement à revenus intermédiaires, ce que j'appelle les pays du groupe Cairns, c'est-à-dire l'Argentine, le Brésil, le Mexique, les Philippines, la Thaïlande, la Nouvelle-Zélande (mais oui, la Nouvelle-Zélande est l'un des pays les plus avancés, tout comme l'Australie). Mais ce ne sont pas là les pays du monde vraiment pauvres. Les pays vraiment pauvres sont ceux qu'on appelle les pays les moins avancés; il y en a actuellement une cinquantaine qui correspondent à cette définition, par exemple le Bangladesh et de nombreux pays d'Afrique. Il n'est pas si certain qu'ils bénéficieraient de la libéralisation, car nombre d'entre eux importent des aliments et des produits agricoles. Si les prix augmentent dans ces pays, si l'on élimine les subventions européennes et américaines, cela ne serait pas très utile pour ces gens, qui devront payer davantage.

 

Ainsi, nous devons prendre d'autres séries de mesures, ce qui ne signifie pas qu'il ne faut pas libéraliser l'agriculture. Cet aspect est important parce que les pays à revenus intermédiaires sont importants également; dans nombre d'entre eux, on trouve encore des zones de pauvreté, et ces pays pourraient être en mesure d'accorder de l'aide s'ils gagnaient davantage.

 

Il faut libéraliser l'agriculture, mais n'oublions pas que cette mesure ne sera pas nécessairement utile; en fait, elle pourrait même nuire à de nombreux pays parmi les moins avancés. Nous devons réfléchir à d'autres moyens par lesquels nous pourrions les aider. Si l'on prend l'ensemble du cycle des négociations, il existe un grand nombre de secteurs où ces pays tendent vraiment à tirer des avantages et, tout compte fait, ils en sortiront gagnants. Par contre, dans le secteur de l'agriculture, nous devons les appuyer de diverses façons par d'autres moyens.


Manifestations contre la mondialisation

Selon moi, ces manifestations ont commencé en grande partie dans les pays riches et, grosso modo, s'y confinaient. Il s'agissait de nombreux jeunes qui, probablement, avaient des opinions de gauche ou « gauchisantes » et qui, fondamentalement, réagissaient à l'idée selon laquelle le capitalisme était vraiment une mauvaise chose. Ils voyaient dans la mondialisation une extension du capitalisme à l'échelle mondiale, un peu comme pour Lénine, Boukharine, Immanuel Wallerstein, etc. Ils considéraient les multinationales, notamment, comme les B52 du processus de mondialisation.

 

Nombreux sont les jeunes qui sont très idéalistes; c'est normal et il faut espérer qu'ils le demeureront toute leur vie -- mais il reste que, dans leur jeunesse, ils sont très idéalistes. Ils croyaient donc que le système capitaliste n'offrait vraiment pas grand-chose en matière de valeurs humaines, etc., qu'il ne permettait pas d'aboutir à la justice sociale, ni sur le plan national, ni entre les pays. Ainsi, il s'agissait d'un effet viscéral, mais qui provenait de l'idée que le régime mondial était fondamentalement injuste.

 

D'une certaine façon, c'était un bon mouvement, car ces jeunes se sentaient « concernés ». Et la raison de cela, comme je l'écris dans mon livre In Defense of Globalization, est la technologie moderne. Le philosophe David Hume, et Adam Smith, ont dit que si des millions de personnes perdaient la vie à l'étranger, par exemple en Chine ou ailleurs, personne n'en perdrait le sommeil. Par contre, une blessure à l'auriculaire suffit à nous garder éveillé. Il n'en est plus ainsi. De nos jours, grâce à la télévision, chacun peut voir où sévit la famine, la peste ou l'angoisse à l'étranger. Naturellement, lorsqu'on est jeune, on sent que cela fait partie de sa responsabilité sociale. Et lorsqu'on se tourne vers le système en place, on se demande de quelle façon ce système peut tolérer tout cela. Ainsi, les jeunes tendent à condamner ce qu'ils voient autour d'eux, qui est en fait le système mondial.

 

Je crois que nous devons canaliser ces réactions magnifiques, auxquelles il vaut la peine d'applaudir, et les orienter dans des voies créatrices, où existent de véritables solutions à ces problèmes, plutôt que d'opter pour des solutions contre-productives, car, dans nombre de cas, la mondialisation est une grande source de bien.


L'avenir de la mondialisation


La mondialisation est animée par deux facteurs. Le premier est la politique et l'autre, les changements qui interviennent sur le plan du revenu. Plus la croissance s'accentue, quel que soit le niveau des obstacles au commerce, plus les échanges réels augmentent. Par contre, l'expansion du commerce est également le résultat d'une réduction des obstacles au commerce. Dans la mesure où les politiques influent sur la mondialisation par l'élimination des obstacles, il est vrai qu'un recul des politiques peut l'affecter.

 

Et des reculs, il y en a eu. Avant la Première Guerre mondiale, il y a eu une première époque de mondialisation croissante. Elle a été interrompue entre les deux guerres mondiales. Tous les systèmes ont paniqué, d'où le retour du protectionnisme, etc. Depuis, la libéralisation a repris, amorçant une deuxième époque de mondialisation. Ainsi, revenir en arrière est possible.

 

Actuellement, de nombreuses institutions sont en place. Comme en 1929, à l'époque de la Grande Crise, et en 1930 quand est entré en vigueur le tarif Smoot-Hawley, par lequel les États-Unis mettaient en place d'importants obstacles au commerce, qui se sont par la suite répandus dans l'ensemble du système. Il y a eu ensuite la crise financière asiatique à la fin des années 1990. À cette époque, il n'y a pas eu de recrudescence du protectionnisme parce que nous avions appris quelque chose; nous avions appris que ce n'était pas ainsi qu'il fallait procéder et que nous ne pouvions pas simplement élever des obstacles, parce qu'il y avait désormais le GATT et l'Organisation mondiale du commerce. On voulait qu'il soit obligatoire de n'élever les obstacles au commerce que par des étapes spécifiques. Nous avons mis en place des obstacles au recul désordonné de la mondialisation sur le plan des échanges. Cela nous a beaucoup aidés. Nous avons tiré des leçons de la période précédente de recul de la mondialisation et créer des institutions où nous discutons et acceptons l'obligation de ne pas nous lancer à corps perdu dans des actions dictées par la panique. Tout cela est utile.

 

Sur le plan économique, en raison des nouvelles institutions que nous avons mises en place, des nouvelles formes de coopération qui se sont développées, des idées nouvelles qui ont surgi et qui sont favorables à la mondialisation, nous tiendrons bon tout en évitant d'agir précipitamment. Tous ces facteurs font qu'il est difficile au système de reculer pour des motifs de politiques. Par contre, sur le plan politique, personne n'est devin. La Première Guerre mondiale a éclaté à la suite d'un incident, un assassinat. Tout peut arriver et seuls ceux qui veulent perdre leur réputation se risqueraient à faire des prédictions dans ce domaine. Personne ne connaît l'avenir.

 

Ainsi, il se pourrait que, subitement, quelque chose tourne mal. Prenons le cas du Moyen-Orient, par exemple. Supposons que la guerre en Iraq ne fonctionne pas et dégénère en guerre civile. Et supposons également que l'Iran se porte au secours des Chiites; la Syrie et d'autres puissances sunnites interviennent du côté des Sunnites et les Kurdes déclarent alors leur indépendance. Ensuite, les Turcs entrent en scène parce qu'ils ne veulent pas d'un Kurdistan. Cela pourrait dégénérer en une conflagration beaucoup plus vaste. Nul ne sait à quoi pourrait ressembler le processus de déstabilisation.

 

Je pourrais imaginer les scénarios les plus sombres, où nous serions tous perdants, mais ce serait sans grande conviction, simplement parce vous m'auriez posé la question. J'ajouterais par contre que c'est quelque chose auquel les hommes politiques, les spécialistes des relations internationales et les gens de la politique étrangère doivent accorder leur attention. La plupart du temps, si on y pense, on aurait pu éviter bien des guerres.