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Le Canada dans le monde : Politique internationale du Canada
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Entrevue vidéo
Jaap Doek
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Jaap Doek explique le rôle du Comité des droits de l’enfant et le Protocole facultatif relatif à la participation des enfants soldats dans les conflits armés, traite de la criminalisation du recrutement des enfants dans le contexte des conflits armés et fait état du rôle que des pays comme le Canada peuvent jouer pour aider les victimes des conflits armés.

 

Jaap Doek préside le Comité des droits de l’enfant des Nations Unies. Professeur de droit à la retraite de l’Université Vrije d’Amsterdam, il est juge suppléant à la Cour d’appel d’Amsterdam et a siégé au tribunal de la jeunesse des cours de district d’Alkmaar et de La Haye. Il est l’auteur de nombreux ouvrages et articles sur diverses questions relatives aux droits des enfants et au droit de la famille, et ses articles ont paru dans des revues nationales, en néerlandais, et étrangères, en anglais.

 Surveillance et communication des renseignements relatifs aux violations des droits des enfants dans les conflits armés

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Entrevues vidéo  (en anglais avec transcription en français )

Note: Les opinions exprimées ne sont pas nécessairement celles du gouvernementdu Canada.

 La protection des enfants en Ouganda 4 min 51 secWindows Media | QuickTime

 

 Pas de refuge pour les contrevenants

 

4 min 13 sec

 

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 Faire plus que voter des lois

 

5 min 13 sec

 

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(Les vidéolecteurs sont disponibles ici : QuickTimeWindows Media)



Transcription


Une pratique inacceptable

 

Je m’appelle Jaap Doek, et je suis président du Comité des droits de l’enfant des Nations Unies, qui est chargé de surveiller la mise en œuvre de la Convention relative aux droits de l’enfant dans 192 pays. La surveillance se fonde sur les rapports que ces derniers présentent au Comité, lequel fait ensuite ses recommandations aux États parties. C’est la manière la plus simple de vous décrire le travail du Comité. Il s’agit d’une activité à plein temps, qui n’est pas rémunérée. Par ailleurs, je suis professeur de droit à la retraite de l’Université libre d’Amsterdam, et je suis toujours juge suppléant de la Cour d’appel d’Amsterdam. Quand j’ai le temps, et que je suis aux Pays-Bas, je travaille parfois pour les tribunaux.

 

À partir de ce que j’ai constaté, j’en conclus que la communauté internationale a jugé que la participation d’enfants aux conflits armés est une grave violation des droits de l’enfant — une violation assez grave pour élaborer un protocole facultatif afin de resserrer les exigences de l’article 38 de la Convention. Bon nombre d’États ont critiqué cet article, dont ils étaient très insatisfaits parce qu’il n’apportait rien de nouveau : il confirmait les conventions de Genève, sans plus. Il stipulait qu’il était interdit de recruter des enfants de moins de 15 ans ou d’y avoir recours. Tout compte fait, ses exigences étaient très peu rigoureuses. C’est pourquoi la communauté internationale, soutenue par l’Assemblée générale, a adopté le protocole facultatif en question. Les États membres l’ont adopté à l’unanimité, et il a donc été ouvert à la ratification. À l’heure actuelle, près de 110 États l’ont ratifié. Ainsi, la majorité des 192 États parties à la Convention souhaitent déjà en faire davantage pour les enfants qui participent aux conflits armés. À tout le moins, ils sont prêts à accepter le resserrement des exigences liées au recrutement : aucun recrutement obligatoire ni aucune participation aux conflits avant 18 ans. Voilà des exigences bien plus rigoureuses que celles mentionnées à l’article 38 de la Convention. Or, il y a presque 110 États qui s’engagent à les respecter.

 

Ce que le Comité leur dit, c’est qu’on peut, et qu’on doit, faire un pas de plus. Il ne faut pas limiter ses actions à son propre pays; il faut s’intéresser à ce qui se passe à l’échelle de la planète. Je crois que c’est important, car, sur le plan du concept et des idées, aucun acteur à l’échelle mondiale n’ira défendre ou chercher à justifier le recrutement d’enfants pour qu’ils participent à des conflits armés. D’autres pratiques très délicates, comme la mutilation génitale des femmes, qui représente une violation tout aussi grave des droits des fillettes, sont largement acceptées dans un nombre assez important de pays, par les femmes elles-mêmes. Les gouvernements doivent donc mener une lutte très difficile pour convaincre les gens qui jugent ces pratiques acceptables, pour leur dire qu’en fait ce n’est pas acceptable et qu’il faut y mettre fin. Pour ce qui est du recrutement des enfants dans le cadre de conflits armés, je n’ai pas besoin de dire aux gens que c’est inacceptable, tous sont d’accord. Nous devons donc déployer des efforts importants et très ciblés pour nous débarrasser de cette pratique, car personne ne peut l’accepter, selon aucun critère. Nous pouvons au moins nous appuyer sur ce genre de soutien moral et sur l’appui du public.

 

Dans ce contexte, les États parties ne doivent pas avoir peur de faire un pas de plus, peut-être, que ce qu’exige le protocole facultatif, et de chercher à arrêter les personnes qui recrutent des enfants de moins de 18 ans ou qui les impliquent dans des hostilités. Les États doivent ériger des barrières pour protéger les enfants contre le recrutement et la participation à des hostilités. Puisqu’ils le peuvent, ils n’ont qu’à le faire. Il leur suffit de faire pour les enfants susceptibles d’être recrutés et utilisés pour des hostilités ce qu’ils sont prêts à faire pour protéger les enfants contre l’exploitation sexuelle à des fins commerciales, le trafic de personnes et la prostitution, entre autres. C’est ce que nous recherchons.

 

Regarder au-delà des frontières nationales

 

La problématique des enfants-soldats occupe une place grandissante dans les travaux du Comité, en raison du protocole facultatif sur la participation des enfants aux conflits armés. Nous recevons de plus en plus de rapports sur la mise en œuvre de ce protocole, de la part d’États qui l’ont ratifié, dont le Canada. D’ailleurs, nous avons présenté récemment nos recommandations au gouvernement du Canada, en mai dernier. Le protocole facultatif traite surtout de la problématique des enfants-soldats en fonction des âges minimums de recrutement et de participation aux conflits. Il traite relativement peu de toute la question de DDR, comme on l’appelle, c'est-à-dire le processus de désarmement, de démobilisation et de réintégration. Ce que nous avons à cet égard se fonde en majorité, je crois, sur les rapports que nous recevons des ONG, qui soulignent quelques-uns des problèmes pouvant exister, mais nous recevons aussi des rapports de pays comme l’Islande, qui n’ont pas de forces armées. Alors, que pouvons-nous dire à l’Islande? En fait, la même chose que nous avons dit au Canada : que le Comité aimerait voir un mouvement international s’amorcer en vue d’une interdiction plus efficace du recrutement obligatoire chez les enfants de moins de 18 ans, et du recrutement volontaire chez les enfants de moins de 15 ans.

 

Chose intéressante dans l’expérience du Comité, quand on examine les rapports, on constate que les dispositions de la plupart des États, dont le Canada, sont parfaites dans les lois. Les lois stipulent qu’on ne peut pas recruter d’enfants de moins de 18 ans, qu’on ne peut pas y avoir recours dans le cadre d’hostilités. C’est bien, mais la question qui se pose est la suivante : que faites-vous si on vous informe qu’un citoyen canadien recrute des enfants au Rwanda?

 

Prenez-vous des mesures de redressement dans ce cas? Le fait est que ce n’est pas un crime dans votre pays, vous n’avez pas criminalisé le recrutement d’enfants; vous avez simplement stipulé, dans la législation sur les forces armées, que l’âge minimum de recrutement est de 18 ans. Rien dans le code pénal ou le code criminel ne mentionne que le recrutement d’un enfant de moins de 18 ans est un acte passible de poursuites, ou que sa perpétration à l’étranger justifierait l’exercice d’une juridiction extraterritoriale, comme on dit en termes juridiques. Cela signifierait que si un citoyen canadien perpétrait ce genre de crime à l’étranger, ou s’il y avait une victime canadienne — car il pourrait arriver qu’un Canadien de moins de 18 ans, de passage en Colombie, soit recruté de force par un groupe de rebelles armés — et si vous saviez qui a commis ce crime, par exemple le commandant du groupe en cause, vous chercheriez à le traduire en justice.

 

Ultimement, ce que souhaite le Comité, c’est de faire appliquer le même genre de mesures qu’en matière d’exploitation sexuelle à des fins commerciales. Il faut envoyer un signal selon lequel il n’existe aucun refuge, dans le monde, pour les individus qui recrutent des enfants de moins de 18 ans et les impliquent dans des conflits armés et qu’en tant que membres de la communauté internationale, nous allons poursuivre ces individus jusqu’au bout du monde.

 

Plus que de bonnes intentions

 

L’histoire des 20 ou 25 dernières années nous montre que les conflits internes entre minorités, ou entre une minorité et un gouvernement, parfois avec des répercussions transfrontalières, impliquent souvent des enfants, soit en tant que combattants, qui sont habitués à accomplir certains actes d’ordre militaire, ou soit en tant que victimes. Or, sur la scène internationale, il y a très, très peu de forces armées régulières pour lesquelles le recrutement d’enfants de moins de 18 ans est obligatoire.

 

Lorsqu’on écoute les participants à la conférence, on constate que le grand problème tient aux conflits internes et à certains conflits transfrontaliers en Afrique, de même que dans certains pays d’Asie et d’Amérique latine. À quelques exceptions près, le principal problème ne concerne pas les enfants recrutés dans des forces armées régulières, mais bien les enfants utilisés et recrutés, volontairement ou non, par tous ces petits groupes armés. Le gouvernement concerné peut alors se retrouver devant un dilemme qui n’est pas si facile à résoudre : s’il choisit d’exécuter les obligations internationales comme la non-utilisation d’enfants dans les conflits armés, ou leur non-recrutement, il doit assumer la possibilité de dommages collatéraux, ce qui signifie la mort de civils, lorsqu’il essaiera d’avoir accès aux zones sous le contrôle de ces groupes armés.

 

Il ne s’agit donc pas d’une voie facile pour aucun gouvernement, dans ce genre de situation. Le moins qu’on puisse demander au gouvernement peut se formuler ainsi : « Montrez-moi non seulement vos bonnes intentions, mais aussi les mesures que vous prenez pour y donner suite. » Nous ne pouvons nous limiter à dire : « Bon, le gouvernement a beaucoup de bonnes intentions, mais il ne fait rien. » Le gouvernement doit montrer qu’il essaie de faire quelque chose. Il doit me le montrer, car simplement me dire que la participation des enfants aux conflits armés le préoccupe beaucoup n’a rien de nouveau pour moi; je l’ai aussi entendu de la part d’autres gouvernements. Qu’il le veuille ou non, il doit faire quelque chose de son côté, alors il n’a qu’à me dire ce qu’il a déjà envisagé et pourquoi il n’est pas passé aux actes. Il se peut qu’il ait un argument très valable pour ne pas faire ce que je crois être faisable, mais je ne connais pas les dessous de l’affaire, et lui les connaît, donc il n’a qu’à me les expliquer.

 

Par ailleurs, je crois que le fait de rendre des comptes est important aussi. Si on ratifie un traité international sur les droits de la personne, quel qu’il soit, on s’engage bien sûr à prendre certaines mesures, mais on s’engage aussi à rendre des comptes. Il faut expliquer pourquoi on n’a pas fait ce à quoi les autres s’attendaient, conformément au traité en question. Comme je l’ai dit, la raison peut être justifiée, et il peut s’agir d’une inaction acceptable à court ou à moyen terme, mais, ultimement, il faut veiller à la mise en œuvre complète du traité concerné, dans ce cas la Convention relative aux droits de l’enfant.

 

En respectant l’ordre des priorités, s’il y a 100 $ à consacrer aux victimes d’un conflit armé, par exemple, il faut accepter que le gouvernement puisse vouloir en dépenser au moins 90 % pour l’éducation. Évidemment, certains pourront se plaindre qu’on affecte seulement 10 $ aux enfants impliqués dans des conflits armées, d’autant plus s’il y a beaucoup de conflits dans ce pays. Or, songeons simplement à la Sierra Leone, qui est un pays dévasté. Il y manque des milliers d’écoles, et d’autres tombent complètement en ruines. Il faut énormément d’argent juste pour reconstruire les installations. Et lorsque les écoles sont là, il peut arriver qu’il n’y ait pas d’enseignants, car ils sont partis. Ainsi, on peut bien dire à un gouvernement : « Voici, vous avez 100 $ à dépenser, et comme vous avez tant de victimes de conflits armés, vous devez consacrer 50 de ces 100 $ à ces victimes. » Alors, le gouvernement répondra peut-être en disant : « Non, non, nous ne ferons pas ça. Nous allons consacrer 10 $ à ces enfants, et les 90 $ qui restent à l’éducation. »

 

Fort bien! Ultimement, je dois l’accepter, car cette situation découle de l’autonomie de chaque État partie, qui est libre d’établir ses priorités — pourvu qu’il soit déterminé à faire tout ce qu’il peut pour aider aussi les victimes de conflits armés.