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Le Canada dans le monde : Politique internationale du Canada
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Entrevue vidéo
Martin Wolf
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Martin Wolf discute de la mondialisation contemporaine et ce qu'elle implique pour les grandes puissances. 

Après des études à l'Université d'Oxford, M. Wolf a été économiste principal à la Banque mondiale, où il s'est bâti une réputation de penseur rigoureux ayant une excellente connaissance intuitive et un discours clair. Il a rédigé de nombreux articles et plusieurs livres sur l'économie politique et l'économie mondiale, puis il a remporté plusieurs prix prestigieux pour ses qualités de journaliste, dont le titre de commandeur de l'Empire britannique (CBE) en 2000 « pour services rendus au journalisme financier » et le prix Decade of Excellence (décennie d'excellence) en 2003 à l'occasion des Business Journalists of the Year Awards. Il est présentement le corédacteur et commentateur économique en chef au Financial Times.

Regardez son exposé intitulé « Avenir de la mondialisation » (PDF), présenté au personnel d'Affaires étrangères Canada déroulée en février 2006.

Résumé de la présentation du M. Martin Wolf :
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Entrevues vidéo:
(en anglais avec transciption en français )

Note: Les opinions exprimées ne sont pas nécessairement celles du gouvernement du Canada.


 Mondialisation contemporaine
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 Les changements économiques et politiques

4 min 19 sec 

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 La mondialisation et les grandes puissances

4 min 1 sec 

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 Beaucoup à gagner

2 min 52 sec

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(Les vidéolecteurs sont disponibles ici : QuickTimeWindows Media)


Transcription

Mondialisation contemporaine

Je m'appelle Martin Wolf et je suis le commentateur économique en chef du Financial Times à Londres. On dit souvent du processus actuel de mondialisation que c'est le deuxième processus du genre, et il est important de remettre cette affirmation dans son contexte historique. Il y a effectivement eu une autre période, entre 1870 et 1914, où l'économie mondiale était intégrée. Il y a ensuite eu un recul entre les deux guerres en raison d'une suite de fléaux, après quoi l'intégration a repris lentement. Cette intégration a commencé entre pays développés, au cours des années 1950, 1960 et 1970, avant de se répandre assez rapidement dans le reste du monde avec une suite de changements stratégiques importants : les réformes entreprises en Chine par Deng Xiaoping à partir de 1978; l'effondrement de l'Union soviétique, qui a eu une importance considérable; les réformes en Inde, particulièrement en 1991; et une suite de réformes d'ouverture similaires, orientées sur le marché, qui ont eu lieu un peu partout dans le monde, y compris dans les pays développés. De manières différentes, Ronald Reagan et Margaret Thatcher ont aussi participé au processus. En réalité, on a commencé à se rendre compte, vers la fin des années 1970, que le système de planification centrale, le type de développement plutôt introverti que certains considéraient comme le plus avancé du monde -- le modèle de Staline, en grande partie -- ne fonctionnait pas très bien. Il s'agissait de l'élément intellectuel du processus.

 

De plus, il y a eu certains changements technologiques assez importants au cours de cette période, surtout dans le domaine des technologies des communications. Il s'en est suivi une chute énorme des coûts associés à la collecte et à la distribution de l'information dans le monde. Cette situation a permis l'intégration des entreprises à l'échelle mondiale. L'intégration de la production a vraiment atteint une ampleur extraordinaire, et aujourd'hui les détaillants peuvent gérer leurs réseaux de production et d'approvisionnement par-delà les océans, alors qu'auparavant ils pouvaient à peine le faire au‑delà des frontières terrestres. Aujourd'hui, par exemple, Wal-Mart achète d'énormes quantités de choses en Chine et gère le tout de manière extrêmement précise, grâce à la technologie moderne de même qu'au savoir-faire et à l'organisation qui s'y rapportent. La technologie moderne a entraîné la création de marchés financiers mondiaux, actifs 24 heures sur 24, ce qui représente un phénomène nouveau. Voilà en quelque sorte le deuxième élément du processus de mondialisation moderne.

 

Toutes ces choses réunies ont amené l'intégration de milliards de personnes à l'économie mondiale. Il y a donc eu à l'échelle mondiale un accroissement phénoménal de l'offre de main-d'oeuvre -- principalement non spécialisée et surtout en Asie -- ce qui a en quelque sorte suralimenté l'ensemble du processus. Voilà donc les trois principaux éléments en jeu : les changements technologiques, les changements stratégiques et, par voie de conséquence, l'accès de milliards de personnes à l'économie mondiale. C'est ce qui caractérise la mondialisation contemporaine.


Les changements économiques et politiques

Le monde vit actuellement de profonds changements économiques, bien sûr, mais aussi sociaux, culturels et politiques. Je me concentre principalement sur l'économie et la politique, mais j'estime que l'aspect culturel est aussi très important, de toute évidence. Étant donné la facilité de communication, aussitôt que des idées et des images se mettent à circuler dans une partie du monde, elles circulent immédiatement partout dans le monde. Par conséquent, on obtient des réactions qui historiquement n'auraient jamais été possibles lorsque les sociétés fonctionnaient encore quelque peu en vase clos. C'est donc un changement important.

 

Sur le plan économique, il y a eu avant tout une immense ouverture économique de la part de tous les pays du monde. Les pays sont de plus en plus intégrés à l'échelle mondiale, de plus en plus dépendants du commerce, ce qui est vrai non seulement pour les biens, mais aussi pour les services. Pour la première fois, une grande partie des services -- surtout les services qui peuvent être fournis par le biais d'ordinateurs, transformés en données et transmis par des fils --, ces services, donc, sont encore plus faciles à échanger que les biens. C'est une énorme révolution, qui a encouragé un accroissement considérable de l'investissement étranger direct [IED], dont la vitesse d'augmentation a été deux fois et demie plus élevée que celle de l'économie mondiale au cours des 15 dernières années. Ce fait est lié à l'ouverture au savoir-faire étranger, qui est associée à l'investissement étranger direct. C'est vrai pour les États-Unis, et c'est vrai pour la Chine. Des pays passablement différents ont accepté ce fait.

 

Par ailleurs, l'augmentation du commerce, l'augmentation de l'investissement étranger direct, et en conséquence le rôle grandissant des multinationales sont  de plus en plus associés à de très grands changements de prix relatifs. Bien entendu, le prix des ordinateurs et les coûts associés à l'informatique et aux communications ont baissé en flèche, comme on le sait. Mais il y a aussi eu des changements dans les coûts relatifs de la main-d'oeuvre non spécialisée -- ce qui s'est traduit en particulier par des baisses dans le monde développé --, notamment en raison de la concurrence accrue des zones à faible salaire, et aussi en raison des nouvelles technologies, qui ont entraîné une augmentation importante du salaire relatif des travailleurs hautement spécialisés. Il s'agit d'un autre facteur important. La qualité des emplois non spécialisés s'est donc détériorée, menant à des diminutions de salaire ou à une augmentation du chômage, selon le niveau d'aide sociale accordée par chaque pays. D'ailleurs, l'aide sociale s'en trouve fortement mise à l'épreuve.

 

D'autre part, on constate depuis peu une grande augmentation de la demande en ressources, due à la croissance de la Chine et, à un moindre degré, de l'Inde, qui ont besoin d'une très grande quantité de ressources et d'énergie. Ils sont donc responsables d'une très grande proportion de l'augmentation graduelle de la demande mondiale en ressources. Ces pays sont responsables d'environ 45 % de l'augmentation mondiale de la demande de pétrole, ce qui est beaucoup plus que les pays développés. C'est un changement important, et il se poursuivra, car ces pays en sont à une phase très énergivore de leur développement. Voilà donc des changements économiques très profonds.

 

Ensuite, la mondialisation entraîne aussi ce que j'appelle la « mondialisation des maux », car le libre-échange ne se limite pas aux bonnes choses. Il y a notamment eu augmentation du trafic de stupéfiants et de personnes, de même que des problèmes liés à la transmission des maladies au-delà des frontières. On s'inquiète aussi du piratage et de la contrefaçon de produits, qui dans certains cas n'ont pas une si grande importance, mais en ont énormément dans d'autres, comme pour les pièces de moteurs d'avion et les médicaments. La gestion de cette situation est un gros problème, et les migrations -- le trafic de personnes -- sont également problématiques.

 

Finalement, on constate une modification considérable du pouvoir relatif des pays dans le cadre de la mondialisation, avec la montée de nouvelles grandes puissances. Déjà, la Chine dépasse le Royaume-Uni sur le plan économique. Elle devrait atteindre le deuxième rang mondial d'ici dix ans, peut-être avant, en plus de devenir le plus grand pays commerçant du monde. Vraiment, il s'agit d'une grande modification du pouvoir relatif des pays. Comme on peut le constater, il y a donc une vaste gamme de changements économiques, politiques et sociaux en cours.


La mondialisation et les grandes puissances

Il y aura toujours une certaine compétition entre les grandes puissances. Toutefois, je demeure optimiste et je crois que cette compétition peut être gérée sans guerre. Il y a des raisons évidentes pour entretenir cet optimisme. Lorsqu'un pays a la capacité de détruire la civilisation, ce qui est le cas de ces pays, la guerre n'apparaît pas comme un choix stratégique particulièrement intelligent, même si l'objectif se rapporte à la sécurité. En réalité, ce choix ne ferait qu'entraîner une insécurité absolue. D'ailleurs, il n'y a pas eu de guerre directe entre grandes puissances depuis la Seconde Guerre mondiale. Ce n'est pas un accident. Vraiment, ce serait incroyablement dangereux, au point où il est devenu difficile de continuer de voir la guerre comme un recours stratégique normal. Oui, la guerre par pays interposés est possible, mais la guerre entre grandes puissances l'est beaucoup moins.

 

Dans ce contexte, je crois que la question de Taïwan est gérable. Les Américains ont clairement fait savoir aux Taïwanais qu'ils ne les soutiendraient pas s'ils faisaient une déclaration unilatérale d'indépendance. Les Taïwanais en sont conscients. Cela dit, je crois que les Chinois peuvent s'accommoder du statu quo, car ils doivent se rendre compte que le temps joue en leur faveur. Inévitablement, les Taïwanais s'intègrent de plus en plus à leur système économique. C'est pourquoi je crois que la situation est gérable.

 

Il est vrai que les États-Unis cherchent à créer un groupe d'alliés régionaux pour contenir l'expansion de la Chine -- ce que fait la Chine plus ou moins systématiquement -- et qu'un certain nombre d'entre eux sont assez provocateurs dans la mer de Chine méridionale. Le Japon fait partie de ce groupe, de même que l'Inde. Quant à la Russie, on ne sait pas vraiment de quel côté elle penchera. Quoi qu'il en soit, je ne pense pas qu'on doive y accorder trop d'importance, parce qu'aucun de ces pays ne songe sérieusement à entrer en guerre avec la Chine, pas plus que l'inverse. Je conviens qu'il y a un élément de compétition et que les États-Unis chercheront clairement à équilibrer la puissance militaire de la Chine, c'est vrai. Cependant, il me semble que la situation peut se gérer sans guerre, du moins je l'espère. Je le crois notamment parce -- contrairement aux relations d'autrefois entre grandes puissances -- ces pays ont des liens économiques extrêmement étroits et grandissants. Il y a en Chine un très haut niveau d'investissement américain et de très nombreuses entreprises américaines dépendent de la Chine pour leurs produits, leurs activités et même leurs opérations au jour le jour. Ces entreprises couvrent une vaste gamme de secteurs, et on s'attend à ce que leur dépendance continue de s'accroître. La Chine, bien sûr, représente aussi pour elles une importante source de demande potentielle. Elle possède d'ailleurs une grande quantité de bons du Trésor américains, et il s'avère qu'elle les gère de manière tout à fait satisfaisante, en faisant preuve de stabilité et en contribuant au maintien de faibles taux d'intérêt.

 

De plus, il y a beaucoup de questions géopolitiques -- la lutte contre le terrorisme, par exemple -- sur lesquelles les grandes puissances doivent manifestement collaborer. Si nous devons un jour finir par songer aux questions liées au réchauffement de la planète, elles devront également collaborer à cet égard. Alors même si je conviens qu'il existe un élément de compétition dans ces relations, il existe aussi un besoin assez impérieux de collaborer, puisque nous avons une planète passablement fragile à partager. Quant à la guerre, les grandes puissances y faisaient bien appel par le passé pour régler leurs problèmes en dernier recours, mais cette option me semble tout simplement ingérable, impensable dans ce cas. et à mesure que la Chine gagne en puissance, la destruction qu'apporterait une telle guerre semble à chaque année de plus en plus ahurissante.


Beaucoup à gagner

Jusqu'à présent, les pays développés s'en sont plutôt bien sortis, en général, en cette nouvelle ère de mondialisation. Comme je l'ai mentionné, il y a certains éléments de nos collectivités pour lesquels ce n'est pas vrai, mais puisque l'Occident -- et j'inclus ici le Japon, enfin, en quelque sorte -- dispose de l'essentiel du savoir-faire mondial, des entreprises les plus avancées du monde et des institutions qui créent de nouvelles connaissances, c'est dire à quel point il dispose de grands éléments de pouvoir dans le monde. La Chine veut donc obtenir toutes ces choses. Que cherche-t-elle à faire? Elle cherche à acquérir ce que nous avons, les connaissances que nous avons. Alors oui, la Chine accorde de l'importance à ce que nous avons, et il y a des avantages à tirer de l'accès que nous lui en donnerons. Il y a là des profits potentiels pour nos entreprises, et aussi des marchés pour nos entreprises. Il me semble donc que nous avons beaucoup à gagner en échange.

 

L'élément crucial qu'il faut comprendre, c'est que la Chine exporte pour être en mesure d'importer, comme tous les autres pays. Elle dispose plus ou moins d'un léger surplus, mais surtout elle importe : des matières premières, d'une part, ce qui est bon pour les exportateurs de ces matières, les exportateurs de ressources naturelles comme le Canada. D'autre part, elle importe beaucoup de savoir-faire, directement et indirectement, par le biais de l'IED, mais aussi par le biais de biens d'investissement, de composantes, et ainsi de suite. Nos pays fournissent ce genre de choses. Les services commerciaux de toutes sortes, par exemple -- le Royaume-Uni y excelle. Il y a bien des choses que les Chinois ne savent pas comment faire : ils ne savent pas comment gérer un système financier, ils ne savent pas vraiment comment diriger une entreprise. Ce sont des choses nouvelles pour eux. Leurs institutions juridiques sont encore très primitives. Ils ont besoin de beaucoup d'aide. En fait, une bonne partie des travaux juridiques liés à la Chine passent par Hong Kong, et il y a là d'autres belles occasions.

 

L'autre élément crucial à comprendre, c'est qu'il y a une formidable concurrence dans certains secteurs, et de formidables occasions dans d'autres. Les pays du reste du monde -- y compris les pays développés, qui sont en très bonne situation de ce point de vue -- doivent s'efforcer de devenir complémentaires. Jusqu'à un certain point, ce genre de chose se produira naturellement -- le marché s'en occupera -- mais nous devons penser à des manières de devenir complémentaires à la Chine plutôt que de la concurrencer, et accepter de jouer un plus petit rôle au sein d'une économie mondiale élargie. Bon nombre de pays développés, et le Japon et l'Allemagne en sont de très bons exemples, tirent très bien leur épingle du jeu avec la renaissance de la Chine, car ils lui fournissent des choses que les Chinois n'ont pas et n'auront pas avant longtemps. Après tout, c'est encore un pays pauvre, et ses fondements technologiques demeurent passablement sous-développés.