DISCOURS
PETTIGREW - ALLOCUTION DEVANT LE SOUS-COMITÉ DU COMMERCE, DES DIFFÉRENDS ET DES INVESTISSEMENTS INTERNATIONAUX DU COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL - OTTAWA (ONTARIO)
SOUS RÉSERVE DE MODIFICATIONS
NOTES POUR UNE ALLOCUTION
DE
L'HONORABLE PIERRE PETTIGREW,
MINISTRE DU COMMERCE INTERNATIONAL,
DEVANT LE
SOUS-COMITÉ DU COMMERCE, DES DIFFÉRENDS ET DES
INVESTISSEMENTS INTERNATIONAUX DU COMITÉ PERMANENT
DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL
OTTAWA (Ontario)
Le 19 mars 2001
Il me fait plaisir de me présenter devant le Sous-comité pour vous entretenir d'un des enjeux commerciaux des
plus importants pour le gouvernement, et en fait pour le pays tout entier. Il s'agit de nos relations commerciales
avec les Américains dans le secteur du bois-d'oeuvre résineux. J'apprécie l'occasion que vous m'offrez de
discuter avec vous de l'approche adoptée par le gouvernement du Canada à l'égard de cet enjeu crucial.
Avant de commencer, j'aimerais vous présenter M. Doug Waddell, sous-ministre adjoint responsable de la
Politique commerciale. Jusqu'à récemment, M. Waddell était en poste à l'ambassade du Canada à
Washington. Il est maintenant depuis plus d'un an le représentant principal du Canada durant les consultations
avec les intervenants canadiens concernés par le dossier du bois-d'oeuvre.
Nous savons tous bien sûr que le tison brûle à nouveau au sujet du bois-d'oeuvre résineux puisque l'Accord
sur le bois-d'oeuvre résineux entre le gouvernement du Canada et le gouvernement des États-Unis vient à
échéance le 31 mars 2001. Cet accord, qui a été respecté tout au long de son parcours, tire maintenant à sa
fin. Au Canada, la grande majorité des intéressés est d'avis qu'il est temps de tourner la page et de remplacer
le commerce administré du bois-d'oeuvre résineux par une approche qui aurait dû être adoptée depuis
longtemps, c'est-à-dire le libre-échange.
C'est certainement ce que les Canadiens désirent et aussi ce qu'ils méritent. Malheureusement, c'est aussi
précisément ce que l'industrie américaine du bois-d'oeuvre résineux craint le plus.
Celle-ci réclame à nouveau d'autres restrictions sur nos exportations. Elle s'est engagée à déposer une
nouvelle pétition en faveur de l'application de droits compensateurs -- et peut-être aussi de droits antidumping,
et ce dès l'expiration de l'Accord. Des membres du Congrès ont aussi soumis résolution sur résolution pour
faire adopter des restrictions additionnelles applicables à nos exportations.
Les enjeux sont de taille. Nous sommes tous conscients de l'importance que représente le secteur du bois-d'oeuvre résineux d'un bout à l'autre du pays. Permettez-moi ici de faire un bref rappel de quelques aspects
plutôt éclairants :
• Le bois-d'oeuvre résineux est notre plus important produit d'exportation vers les États-Unis. La valeur de nos
expéditions de bois-d'oeuvre résineux vers notre voisin du Sud dépasse les 10 milliards de dollars et
représente 34 p. 100 des importations américaines. Le Canada détient 20 p. 100 du marché mondial
d'exportation du bois-d'oeuvre résineux. Nous pouvons être fiers de notre rendement dans ce secteur vital de
notre économie.
• L'industrie du bois-d'oeuvre résineux est une des plus importantes sources d'emploi au Canada. Un emploi
canadien sur seize est directement ou indirectement tributaire de ce secteur. La subsistance de plus de
330 collectivités au Canada, de la Colombie-Britannique à Terre-Neuve, repose sur l'industrie du bois-d'oeuvre
résineux.
• Cette industrie n'est pas uniquement créatrice d'emplois. Elle fournit également un toit à des millions de gens
partout dans le monde.
• Dans l'optique de notre différend avec les États-Unis, ce qu'il faut peut-être retenir par-dessus tout, c'est que
nos scieries comptent parmi les plus modernes et les plus performantes au monde. Nous sommes non
seulement compétitifs, mais nous livrons également une saine concurrence sur les marchés du bois-d'oeuvre.
C'est cette réalité que les producteurs américains refusent de regarder en face. L'industrie américaine donne
donc l'impression qu'il est plus facile de se prémunir contre la concurrence que de relever le défi de la
modernisation et de la recherche d'une efficience accrue. C'est précisément le défi que l'industrie canadienne
est parvenue à relever.
Les démarches protectionnistes persistantes assorties de fausses allégations de subventionnement déforment
depuis longtemps le débat sur nos échanges commerciaux dans le secteur du bois-d'oeuvre résineux. Je
désire profiter de la tribune qui m'est offerte aujourd'hui pour mettre le présent enjeu en perspective. À cette fin,
j'exposerai brièvement les cinq paramètres fondamentaux de ce dossier. Il est important de les garder à l'esprit
car ils forment la base de la position canadienne en ce qui a trait au commerce du bois-d'oeuvre résineux.
Je répéterai ici les cinq paramètres dont j'ai fait état la semaine dernière à la Chambre :
• La position de l'industrie américaine du bois-d'oeuvre résineux n'est nullement fondée sur des allégations
légitimes de pratiques déloyales de la part du Canada, mais purement et simplement sur le protectionnisme.
• En vertu de nos accords commerciaux, le Canada jouit de droits que les États-Unis doivent reconnaître,
notamment le droit d'accès au marché américain du bois-d'oeuvre résineux.
• Les programmes forestiers canadiens ne sont pas des programmes de subventionnement de l'industrie
canadienne.
• Le Canada est un leader mondial en ce qui a trait aux méthodes de gestion durable des ressources
forestières.
• Le rôle du gouvernement est de protéger les intérêts canadiens face au protectionnisme et d'oeuvrer à
l'instauration du libre-échange dans ce secteur vital.
Au sujet du premier point, je tiens à insister à nouveau sur le fait que la position de l'industrie américaine en
matière de bois-d'oeuvre résineux a toujours été motivée par sa traditionnelle approche protectionniste.
Voilà maintenant près d'un siècle que les producteurs américains de bois-d'oeuvre résineux cherchent à
entraver les exportations canadiennes; ils ont toujours voulu se protéger contre la concurrence canadienne. En
arrière-plan de leurs demandes, ils ont toujours souhaité préserver leur part de marché et maintenir les prix au
niveau maximum. Cette orientation est bien entendu accentuée lorsque l'industrie se retrouve dans un
ralentissement cyclique, comme c'est le cas aujourd'hui des deux côtés de la frontière.
La pratique consistant à limiter les importations pour protéger une industrie nationale n'a toutefois plus sa place
aujourd'hui. Il n'y a plus lieu, ni pour le Canada ni pour les États-Unis, de répondre par le protectionnisme. Les
accords commerciaux que nous avons âprement négociés sont fondés sur la conviction que le Canada a tout à
gagner de l'ouverture des marchés.
Cela m'amène au deuxième fait essentiel, à savoir que les menaces protectionnistes actuellement formulées
par les États-Unis vont directement à l'encontre de ces accords eux-mêmes, c'est-à-dire l'ALENA [Accord de
libre-échange nord-américain] et l'OMC [Organisation mondiale du commerce].
En vertu de l'ALENA et de l'OMC, il est interdit aux États-Unis d'imposer des restrictions quantitatives ou des
droits de douane aux exportations canadiennes de bois-d'oeuvre résineux, à moins qu'ils démontrent, par
l'intermédiaire d'une application équitable des règles commerciales internationalement reconnues, que ces
exportations constituent un commerce inéquitable, que ce soit par un subventionnement qui cause un
préjudice, par un dumping ou quoi que ce soit d'autre. Les États-Unis ont toujours été incapables de faire ce
genre de démonstration, et jusqu'à preuve du contraire, le Canada dispose d'un droit d'accès au marché
américain du bois-d'oeuvre résineux et les États-Unis ont l'obligation d'accorder cet accès.
Le gouvernement se propose de veiller à ce que nos droits, en vertu de l'OMC et de l'ALENA, soient respectés
et nous avons déjà pris des mesures à cet égard. Nous avons lancé deux importantes procédures de
règlement des différends contre les États-Unis à l'OMC, procédures qui ont des incidences directes sur la
question du bois-d'oeuvre résineux.
D'abord, nous constatons l'intention déclarée des États-Unis de traiter nos contrôles des billes à l'exportation
comme étant des subventions donnant droit à des droits compensateurs dans les prochaines enquêtes sur
l'imposition éventuelle de droits compensateurs.
Deuxièmement, nous avons demandé des consultations avec les États-Unis au sujet d'une nouvelle disposition
de la loi américaine qui empêcherait le remboursement des droits compensateurs et antidumping dans les cas
où ces droits ont été contestés avec succès et doivent être abrogés.
Ce qui compte ici, c'est qu'aucun pays, pas même les États-Unis, n'a le droit d'élaborer sa propre version des
règles qui ont été convenues à l'échelle internationale ni de choisir celles de ses obligations qu'il est disposé à
honorer.
Passons maintenant à la vérité la plus centrale dans le dossier du bois-d'oeuvre résineux. Malgré des
allégations persistantes des États-Unis allant dans le sens contraire, le secteur canadien du bois-d'oeuvre
résineux n'est pas subventionné au moyen des taux provinciaux des droits de coupe ni par aucun autre
programme.
Telle était la conclusion dégagée par le Département américain du Commerce lui-même dans la première
affaire de droits compensateurs engagée contre nous en 1983. Lorsque ce Département a fini par céder à des
pressions politiques et a inversé sa position dans une affaire ultérieure, nous avons contesté sa constatation
d'un subventionnement devant un groupe spécial de règlement des différends de l'Accord de libre-échange
entre le Canada et les États-Unis, et nous avons eu gain de cause. Les allégations de subventions sont tout
aussi dénuées de fondement aujourd'hui qu'elles l'étaient alors.
Parfois, ces allégations ont comporté l'idée selon laquelle des normes environnementales insuffisantes
constituent une subvention à notre secteur d'activité. Nous arrivons ici à un autre fait essentiel dans le dossier
du bois-d'oeuvre résineux. Le Canada est un chef de file mondial en matière de gestion durable des forêts :
• Le Canada, dont 94 p. 100 des terrestres forestières sont de propriété publique, contrôle les niveaux de
récolte de manière à assurer que les forêts ne soient pas épuisées. Au Canada, dans les faits, il pousse deux
fois plus de bois qu'il n'en est récolté chaque année.
• Moins de 0,5 p. 100 de nos forêts commerciales sont récoltées chaque année, ce qui est bien en-deçà des
niveaux durables de récolte.
• Le Canada, qui possède davantage de terres forestières commerciales, coupe moins de la moitié de ce qui
est récolté aux États-Unis chaque année.
Nous pouvons nous enorgueillir de notre bilan environnemental dans le secteur forestier.
Mon observation finale concerne le rôle et les objectifs du gouvernement pour l'avenir. J'ai affirmé plus tôt que
notre rôle et notre responsabilité sont clairement définis : sauvegarder l'intérêt canadien dans son ensemble,
en prenant en considération les intérêts de tous les intervenants et de toutes les régions.
Au cours de l'année qui vient de s'écouler, j'ai tenu des consultations étroites avec l'industrie canadienne d'un
bout à l'autre du pays et j'ai invité tous les Canadiens à me soumettre leur opinion. J'ai également tenu des
consultations approfondies avec les provinces. J'ai récemment rencontré à Ottawa des représentants de tous
les gouvernements provinciaux et territoriaux pour discuter de leurs préoccupations et pour déterminer,
ensemble, la voie que nous devrions suivre.
Un consensus clair s'est dégagé : le Canada devrait permettre à l'Accord sur le bois-d'oeuvre résineux de
prendre fin, et s'orienter vers le libre-échange. Lorsque j'ai rencontré le représentant américain au Commerce,
M. Robert Zoellick, à Washington, il y a un peu plus de trois semaines, j'ai exposé clairement la position du
Canada. J'ai aussi réitéré notre position que deux émissaires spéciaux soient nommés pour recommander des
solutions constructives de ce différend.
Je suis disposé à oeuvrer avec le gouvernement américain pour mettre au point une approche des défis qui se
posent à ce secteur d'activité en Amérique du Nord, fondée sur la collaboration.
Donc, quelle est la prochaine étape? Pour favoriser l'atteinte de notre objectif de nous orienter vers le libre
échange du bois-d'oeuvre résineux, le gouvernement :
• continuera de préconiser la nomination d'émissaires spéciaux qui jetteraient un regard neuf sur la situation et
recommanderaient de nouvelles approches constructives;
• affirmera les droits du Canada en vertu de nos accords commerciaux et se défendra vigoureusement contre
toute pétition en faveur de l'imposition de droits compensateurs ou antidumping soumise par l'industrie
américaine;
• continuera de consulter étroitement tous les intervenants au Canada et de veiller à ce que les intérêts de
toutes les régions soient pris en considération.
J'accueillerai favorablement les vues du Comité, et je serais heureux de répondre à vos questions.
Je vous remercie.
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