DISCOURS
NOTES POUR UNE ALLOCUTIONDEL'HONORABLE JOHN MANLEY,MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES,DEVANT L'ASSOCIATION PARLEMENTAIRE CANADA-EUROPE
SOUS RÉSERVE DE MODIFICATIONS
NOTES POUR UNE ALLOCUTION
DE
L'HONORABLE JOHN MANLEY,
MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES,
DEVANT L'ASSOCIATION PARLEMENTAIRE CANADA-EUROPE
OTTAWA (Ontario)
Le 18 septembre 2001
J'espérais vous rendre compte ce soir d'un voyage agréable et fructueux en Europe. Mais nous avons,
évidemment, des affaires bien plus urgentes à traiter, des affaires qui auront des conséquences pour
les relations du Canada et de l'Amérique du Nord en général avec l'Europe et, plus important encore,
pour la construction politique, économique et de sécurité future de ce continent qui est le nôtre. Nous
en avons beaucoup parlé pendant notre débat parlementaire spécial, hier, et il ne fait aucun doute à
mes yeux que ces enjeux occuperont notre nation pendant longtemps encore.
Je vous ferai un bref récapitulatif de mes entretiens en Europe, comme promis, et parlerai de quelques-uns des intérêts et des thèmes clés en jeu dans ces relations. Mais à partir de là, nous pourrons
orienter la conversation de ce soir sur la question primordiale de savoir quelle direction prendra le
Canada, en tant que nation, en tant que pays membre de l'OTAN [Organisation du Traité de l'Atlantique
Nord] et en tant que principal partenaire des États-Unis, après les terribles événements du
11 septembre?
Il n'y a rien de tel qu'une crise pour nous obliger à nous concentrer sur ce qui compte le plus. Cette
dernière semaine, nous l'avons vu, bien entendu, au niveau personnel, à travers les milliers de drames
humains provoqués par cette tragédie. Nous l'avons vu aussi au niveau politique.
Ces dernières années, les relations entre l'Amérique du Nord et l'Europe ont connu leur part de
tensions, -- des litiges commerciaux et des opinions divergentes sur divers aspects de certains des
grands enjeux actuels de ce monde, à la crainte d'un dérapage éventuel des priorités tandis que les
deux continents étudient de nouvelles sphères d'intérêt régional.
Toutefois, rien n'a jamais aussi bien montré la solidité durable et l'importance primordiale de l'alliance
transatlantique que les événements de la semaine dernière. Nous faisons front commun. Nous avons
exprimé très clairement notre solidarité et notre détermination commune.
Pour la première fois en 52 ans d'existence de l'alliance de défense collective qu'incarne l'OTAN, nos
alliés et nous avons décidé d'invoquer l'article V. Que cela se produise non pas pour défendre
directement l'Europe, mais en réponse à une attaque contre l'Amérique du Nord, aurait sans doute été
impensable pour ceux qui ont rédigé la Charte en 1949. Nous vivons dans un monde nouveau, mais nos
amitiés les plus anciennes restent aussi vitales aujourd'hui que pendant toutes les années écoulées.
Permettez-moi de dire clairement ce qu'est l'Alliance atlantique et ce que signifie l'article V : une
attaque menée contre un des pays membres est considérée comme une attaque menée contre tous.
Tandis que chacun de nous compte ses morts et ses disparus -- présentement quelque 40 à 75
Canadiens; peut-être beaucoup plus en Allemagne et en Grande-Bretagne --, ses propres victimes de
ces actes de terrorisme ignobles, cette phrase prend pour nous tous une résonnance douloureuse.
La déclaration de l'OTAN datée du 12 septembre signifie que, s'il est déterminé que cette attaque est
partie de l'extérieur des États-Unis et que ceux-ci demandent l'aide de leurs alliés, nous agirons de
concert. Aucune décision n'a encore été prise. Nous devons adopter un plan d'action et obtenir plus
d'information. Toutefois, à la fin de la journée, nous respecterons nos obligations envers l'OTAN,
consulterons nos alliés et offrirons notre aide aux États-Unis.
Tant à l'intérieur de l'Alliance qu'en dehors, les dirigeants canadiens et européens, de Londres jusqu'à
Moscou, ont appuyé très énergiquement les États-Unis. Au Canada, nous l'avons fait tout simplement
parce que nos intérêts nationaux et nos valeurs en tant que peuple ont été menacés, de sorte que nous
nous devons d'agir.
Les chefs d'État et de gouvernement de l'Union européenne ont déclaré la semaine dernière que « cette
terrible attaque terroriste est aussi dirigée contre nous tous, contre nos sociétés ouvertes,
démocratiques, multiculturelles et tolérantes ».
Ces mêmes valeurs -- notre attachement commun à la démocratie, à la liberté, à la tolérance, à la
justice et à des sociétés fondées sur le respect de la primauté du droit -- cimentent cette alliance
indestructible. C'est également ce qui sert de point d'appui à nos efforts de maintien de la paix dans les
Balkans, et motive des démocraties émergentes de l'Europe centrale et de l'Europe de l'Est à se joindre
à l'Alliance ainsi qu'à l'Union européenne.
Et ce sont ces valeurs mêmes, comme le progrès et la prospérité qu'elles engendrent, que les
terroristes ont essayé de détruire, mais que nous ne leur permettrons jamais de faire.
Il arrive sans doute à certains de penser que l'on tient les relations transatlantiques pour acquises. Si
tel est le cas, et je ne pense pas que ce le soit, c'est parce que ces relations sont tellement stables,
tellement solides et tellement essentielles à la perception que nous avons de nous-mêmes. Elles ont
toujours existé et elles existeront toujours. Cette année marque le 25e anniversaire du cadre de
coopération entre le Canada et l'Europe, et nous avons choisi cette occasion pour affirmer clairement
que le Canada et l'Europe -- tout comme l'Amérique du Nord et l'Europe -- sont importants l'un pour
l'autre, même si cela va sans dire.
Les relations transatlantiques ont été le thème principal de mes entretiens à Paris et à Berlin, ainsi que
lors de mon passage à Londres et à Riga, où nous avons couvert toute une gamme d'intérêts
transatlantiques, de l'OTAN à la sécurité européenne, à la prochaine présidence du G8, qu'assumera le
Canada. Nous avons beaucoup parlé aussi des affaires mondiales et du leadership dont doivent faire
preuve l'Amérique du Nord et l'Europe pour que progresse la cause de la paix, du développement, de la
prospérité et de la justice à divers égards et partout dans le monde. Nous ne pouvons nous permettre
de ne pas assumer ce leadership, surtout pas maintenant.
J'énumérerai brièvement quelques-uns des éléments clés de ces entretiens, mais j'en laisserai les
détails pour notre séance de questions et réponses, plus tard dans la soirée. Je souhaite cependant
insister sur le rôle essentiel que doivent jouer les parlementaires sur tous les plans dans le
renforcement de la coopération et la conduite du dialogue public. Car les parlementaires sont les yeux
et les oreilles, ainsi que les voix de leur nation, et ils ont un rôle unique à jouer pour ce qui est de
présenter le Canada à l'Europe et au reste du monde.
Voici donc quelques-unes des questions clés examinées pendant ma visite :
• élargir notre relation commerciale et d'investissement, grâce au processus de libéralisation entamé à
l'OMC et en cherchant à libéraliser encore plus les échanges commerciaux transatlantiques;
• approfondir les aspects généraux de nos relations, y compris en ce qui concerne la justice et les
affaires intérieures, la coopération scientifique, les échanges culturels et les liens entre les
populations;
• notre rôle dans les Balkans, ainsi que les derniers événements en Macédoine et les poursuites
intentées contre Milosevic à La Haye;
• le plan d'action du G8 pour l'Afrique, mis de l'avant par le Canada et qui sera une priorité au cours de
la présidence canadienne en 2002;
• la crise toujours aussi aiguë au Moyen-Orient, où le premier ministre et moi-même continuons à
dialoguer directement avec les parties, les engageant à mettre un terme à la violence et à retourner à la
table de négociation;
• la Conférence de Durban sur le racisme, où le Canada a souligné clairement que la question du
Moyen-Orient n'avait pas sa place dans les discussions. C'est pourquoi nous nous sommes dissociés
de la déclaration finale.
La haine et la manipulation dont nous avons été témoins à Durban ont découragé beaucoup d'entre
nous. Un débat qui aurait dû être tourné vers l'avenir et porter sur l'élimination de toutes les formes de
racisme et de discrimination a semé la division, aggravant les divergences. Pour faire en sorte que le
monde soit meilleur pour tous, et telle est notre vocation, il faut du courage et de la conviction.
Ce qui s'est passé la semaine dernière à New York, à Washington et en Pennsylvanie n'est qu'un acte
terroriste. Que cela. Toute tentative pour l'expliquer, le rationaliser ou l'intellectualiser est vaine. Il
s'agit d'une action malveillante. Rien de plus. Nous ne permettrons pas à ceux qui veulent propager la
haine et la terreur d'utiliser ces événements pour créer des divisions artificielles entre les pays et les
gouvernements, entre les gens et les cultures.
Nous devons trouver les terroristes et les punir. Il faut également éliminer les sources mêmes du
terrorisme pour nous débarrasser de ce fléau.
Comme l'a déclaré le premier ministre [Jean] Chrétien hier, et comme l'a juré le président [Gorge] Bush
à son peuple, nous sommes maintenant en guerre contre le terrorisme. Cette guerre ne ressemblera à
aucune autre que nous avons livrée par le passé et nous devrons être prêts à déployer tout l'arsenal
des outils dont nous disposons, toutes nos ressources diplomatiques, juridiques, financières et
militaires, pour combattre ce mal. La solidarité et la détermination farouche d'une communauté
internationale unie doivent être nos armes les plus puissantes. Nous en avons déjà eu l'exemple aux
Nations Unies, au Conseil de sécurité et avec les pays du G8. Je note également que l'Union
européenne entend tenir un sommet extraordinaire sur le terrorisme le 21 septembre.
L'heure est à la fois à la réaffirmation et à la réévaluation.
Nous réaffirmons les principes et les valeurs qui font de nous une société libre, juste et tolérante, et
nous nous engageons à les défendre à tout prix.
Nous respectons les obligations que nous avons prises librement et dans le respect de la primauté du
droit.
Nous réaffirmons l'importance primordiale de l'OTAN ainsi que des liens essentiels et des
engagements mutuels qui sous-tendent l'Alliance. Et nous nous faisons l'écho du Conseil de sécurité
des Nations Unies, qui a déclaré que les auteurs d'actes de terreur ainsi que ceux qui les soutiennent
ou les abritent seront tenus responsables de leurs gestes.
Nous devrons également réévaluer la situation pour voir comment nous pouvons atteindre ces
objectifs et nous examinerons de près les stratégies et les mécanismes dont nous aurons besoin pour
promouvoir et protéger au mieux les intérêts de nos citoyens dans ce monde nouveau.
Cette phrase que nous entendons sans cesse -- « la vie ne sera plus jamais la même » -- s'appliquera
très directement à ce continent et très probablement à la vie quotidienne de tous les Canadiens. Nous
ne faisons que commencer à entrevoir tout ce que cela pourrait signifier. Nous devrons nous pencher
sur les contrôles frontaliers, l'immigration, la sécurité des aéroports et de l'espace aérien, la collecte de
renseignements, la défense et les politiques de sécurité, et plus généralement, sur les mécanismes qui
permettront le mieux de garantir notre sécurité commune.
Cependant, toute la communauté internationale doit participer à cette tâche.
Vous savez sans doute qu'il semble probable à présent que la partie débat général de l'Assemblée
générale annuelle des Nations Unies, qui devait avoir lieu la semaine prochaine, sera reportée. Cette
décision, qui devrait être prise d'ici un ou deux jours, vise à épargner à la ville de New York le tracas de
la sécurité et des questions logistiques que ce rassemblement imposerait et qui représente déjà toute
une entreprise lorsque les meilleures conditions sont réunies. Or, cela est loin d'être le cas à l'heure
actuelle.
Toutefois, nous pouvons être certains que les dirigeants, les ministres et leurs représentants
diplomatiques et militaires continuent de travailler et qu'ils se réuniront dans une salle des nations dès
que ce sera possible. Le système multilatéral, notre communauté mondiale d'États justes et
démocratiques, demeure solide. Nous sommes résolus, nous ne nous laisserons pas détourner de
notre objectif commun.
Les médias ont posé la question de l'avenir des sommets et des rencontres internationales, y compris
de la sécurité des dirigeants politiques dans ces assemblées. Ces questions s'avèrent encore plus
pertinentes après les événements qui ont secoué les États-Unis. Mais ce ne sont pas les terroristes qui
décident si les dirigeants doivent se rencontrer, ni du moment choisi pour le faire.
Le Canada et les autres pays libres ne vont pas laisser des terroristes leur dicter ce qu'ils ont à faire, ni
laisser la peur influer sur les mesures qu'ils prendront en réponse à ces attaques. Les gouvernements
des pays démocratiques continuent de remplir leur mandat.
La communauté des nations de l'Atlantique est l'un des piliers de l'ordre mondial. Les événements
horribles de la semaine dernière nous rappellent, s'il en est besoin, et mieux qu'aucune parole,
l'importance des relations transatlantiques et la nécessité d'une action commune pour promouvoir et
défendre ce à quoi nous attachons le plus de prix.
Je vous remercie.
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