DISCOURS
M. KILGOUR - ALLOCUTION À L'OCCASION D'UN SYMPOSIUM COMMÉMORANT 50 ANS DE RELATIONS DIPLOMATIQUES ENTRE L'INDONÉSIE ET LE CANADA - OTTAWA (ONTARIO)
SOUS RÉSERVE DE MODIFICATIONS
NOTES POUR UNE ALLOCUTION
DE
L'HONORABLE DAVID KILGOUR,
SECRÉTAIRE D'ÉTAT (ASIE-PACIFIQUE),
À L'OCCASION D'UN SYMPOSIUM COMMÉMORANT 50 ANS
DE RELATIONS DIPLOMATIQUES
ENTRE L'INDONÉSIE ET LE CANADA
OTTAWA (Ontario)
Le 13 mars 2003
Monsieur l'ambassadeur, merci pour vos aimables paroles. Je suis très heureux d'avoir
la chance de m'adresser à vous, ce soir. Je sais que nous avons tous hâte de profiter
pleinement de la chaleureuse hospitalité de monsieur l'ambassadeur!
Nous devons, une fois de plus, remercier beaucoup de gens, particulièrement nos
invités indonésiens, Ali Alatas, Rokhmin Dahuri et Hasjim Djalal, entre autres, qui ont
effectué un long voyage afin de se joindre à nous. Elliot Tepper, qui a commencé à
planifier cette conférence il y a deux ans, le comité interfacultaire sur les études
asiatiques de l'Université Carleton, l'ambassadeur Eki et son personnel, les
fonctionnaires de la Division de l'Asie du Sud-Est du ministère des Affaires étrangères et
du Commerce international, ainsi que l'Agence canadienne de développement
international [ACDI] ont tous contribué à faire de ce symposium un événement que nous
n'oublierons jamais. Ce fut une digne célébration de 50 années de relations entre le
Canada et l'Indonésie.
Comment, en quelques minutes, décrire 50 ans de relations diplomatiques, 50 ans de
dialogue, 50 ans d'entente et, parfois, de mésentente et, surtout, 50 ans d'amitié?
Nous savons tous que l'Indonésie occupe une position clé en Asie du Sud-Est et qu'elle
est le pivot des relations du Canada avec cette région. Du point de vue culturel et
géographique, l'Indonésie relie l'Asie du Sud-Est avec l'Asie du Sud, l'Asie du Nord,
l'Australasie et le Pacifique Sud. Au cours des siècles, elle s'est enrichie de diverses
cultures provenant de partout en Asie et du monde entier. Elle compte aujourd'hui parmi
les pays dont l'histoire est la plus riche, la culture la plus diversifiée, les communautés
ethniques les plus variées et la politique la plus intéressante au monde. Elle est le plus
grand pays islamique au monde. Elle occupe le quatrième rang mondial quant à la taille
de sa population. Elle a fondé le mouvement des pays non alignés, le G77, dont elle est
un pilier. Son apport à l'Organisation de la Conférence islamique est considérable. Elle
est la conscience du G22. L'Indonésie est donc très, très importante, et c'est pourquoi
elle est l'un des principaux partenaires du Canada de sa région, et au-delà.
L'Indonésie a souvent joué le rôle de chef de file de la promotion du développement et
de la stabilité économiques de sa région et a vivement encouragé le Canada à y
contribuer. Elle a été essentielle à la formation de l'Association des Nations de l'Asie du
Sud-Est [ANASE] et maintient des dialogues de partenariat avec le Canada depuis
25 ans. L'Indonésie a également ouvert le dialogue entre les États revendiquant les îles
contestées de la mer de Chine méridionale. Nous avons le plaisir aujourd'hui d'avoir
avec nous Hasjim Djalal et Townsend-Gault, de l'Université de la Colombie-Britannique,
qui ont contribué à ce processus, aidés de l'ACDI et d'autres intervenants.
Échanges de personne à personne
Nos relations étroites ont également été soutenues par des contacts réguliers entre nos
politiciens, nos universitaires et nos gens d'affaires. En 1996, le premier ministre
Chrétien s'est rendu en Indonésie à la tête d'une mission d'Équipe Canada. L'année
suivante, nous avons organisé un forum consultatif bilatéral et planifié une journée
d'information bilatérale portant sur les droits de la personne qui, d'après ce que je
comprends, est prévue pour le mois de juin prochain.
Des rencontres entre hauts dirigeants ont régulièrement lieu. En 1999, l'ancien président
Wahid venait au Canada, tandis qu'en 2001 et 2002, le premier ministre Chrétien
rencontrait la présidente Megawati en marge des sommets des dirigeants de l'APEC
[Coopération économique Asie-Pacifique]. L'an dernier, le ministre des Affaires
étrangères, Bill Graham, rencontrait son homologue, Hassan Wirajuda, lors du Forum
régional de l'ANASE et de la Conférence postministérielle. En juin dernier, j'ai eu le
plaisir de me rendre en Indonésie et de lancer les célébrations du 50e anniversaire des
relations Canada-Indonésie. Ali Alatas était aussi présent ce jour-là et je suis tout à fait
ravi que la présidente Megawati l'ait envoyé à Ottawa afin de poursuivre les
célébrations!
L'éducation canadienne en Indonésie a également eu des répercussions très positives à
long terme. Le Maple Leaf Club, ou Calindo, est une association de diplômés canadiens
et indonésiens d'universités et de collèges du Canada qui aide à entretenir de bonnes
relations entre les gens d'affaires, les fonctionnaires et les universitaires indonésiens
qui partagent des expériences semblables au Canada, par l'entremise de ses sections à
Jakarta, à Medan et à Surabaya.
Coopération au développement
L'importante population et l'énorme potentiel économique de l'Indonésie font de ce pays
un partenaire majeur du développement du Canada en Asie du Sud-Est. Depuis 1954, le
Canada a officiellement versé à l'Indonésie plus de 1 milliard de dollars en aide publique
au développement et le montant annuel actuel de cette aide est d'environ 24 millions de
dollars. Comme nous l'avons appris cet après-midi, le Canada appuie les efforts de
l'Indonésie en matière de développement et de réduction de la pauvreté en l'aidant à
améliorer la capacité institutionnelle de ses secteurs public et privé et de sa société
civile.
Commerce
Finalement, les relations commerciales entre le Canada et l'Indonésie sont encore plus
anciennes que nos relations diplomatiques. Le Canada y a ouvert son premier bureau
commercial en 1932. Aujourd'hui, nos échanges bilatéraux s'élèvent à plus de
1,2 milliard de dollars par année. L'Indonésie est également la deuxième destination des
investissements canadiens en Asie, après le Japon. Les investissements canadiens, qui
touchent les secteurs miniers, pétroliers et des services financiers, sont évalués à 8
milliards de dollars.
Le potentiel d'augmentation de cette somme est important, car l'économie de l'Indonésie
montre des signes de reprise : son produit intérieur brut a connu une hausse de plus de
3 p. 100 au cours des deux dernières années. Le succès des réformes économiques et
juridiques ne peut qu'accélérer le processus de relance. Le respect des réformes de la
règle de droit, de l'exercice efficace des pouvoirs, du secteur financier et des tribunaux
aidera à soutenir la confiance des investisseurs canadiens envers le marché indonésien.
Tendances et défis
L'Indonésie connaît une profonde transformation. Il y a à peine quelques années, elle
accueillait la démocratie. Le Canada approuve l'engagement de l'Indonésie envers les
pratiques démocratiques qui résultent des récentes révisions constitutionnelles, dont
les élections directes du président, du vice-président et des membres du parlement, et le
retrait de l'armée du pouvoir législatif prévu en 2004.
En 1999, le gouvernement indonésien a édicté deux lois de décentralisation qui
permettent de transmettre des pouvoirs du gouvernement central aux gouvernements
locaux. Le Canada continuera à offrir son programme de développement afin de soutenir
la mise en œuvre de cette décentralisation.
En 2002, le Mouvement pour l'indépendance de l'Aceh et le gouvernement de l'Indonésie
ont signé un accord de cessez-le-feu historique marquant la fin d'un conflit armé qui
durait depuis 26 ans. Les parties en conflit à Ambon et à Poso ont également signé des
accords de paix. Nous espérons que la fin des hostilités dans ces provinces offrira la
base d'une paix et d'une réconciliation réelles.
L'attentat à la bombe du 12 octobre dernier, à Bali, démontre qu'aucun pays n'est
immunisé contre les effets du terrorisme. Deux Canadiens ont perdu la vie lors de cette
tragique attaque. Tous les Canadiens compatissent avec les Indonésiens touchés par
cet effroyable événement.
La police nationale indonésienne a fait d'énormes progrès relativement aux enquêtes sur
l'attentat à la bombe de Bali. Le gouvernement travaille également en étroite
collaboration avec les gouvernements de l'ANASE afin de lutter contre le terrorisme. Le
Canada est prêt à travailler avec l'Indonésie et l'ANASE à cette tâche critique.
Dialogue
Comme nous l'avons mentionné hier soir au cours de notre réception, notre amitié va
au-delà des dollars et des rupiahs, ainsi que des liens interpersonnels. Nous partageons
une compréhension profonde du fait d'être des nations culturellement et
linguistiquement diversifiées dans une société en pleine mondialisation. Au milieu de
2002, durant un voyage en Indonésie, j'ai été frappé par les similarités, souvent
négligées, que partagent nos pays. Le Canada et l'Indonésie sont exceptionnellement
diversifiés; ce sont des modèles de sociétés accueillantes et culturellement riches.
Comme les frontières deviennent moins hermétiques et que les limites du monde
rapetissent, nos deux vastes pays auront un rôle de plus en plus important à jouer en
tant qu'exemples à suivre pour les autres pays partout dans le monde.
Entre autres, le Canada et l'Indonésie peuvent travailler encore plus étroitement à
favoriser le dialogue entre les différentes communautés culturelles et religieuses. Citons
Un dialogue sur la politique étrangère, document récemment élaboré à la demande du
ministre Bill Graham :
En tendant la main à nos partenaires, au Canada et à l'étranger, nous pouvons montrer à
toutes les nations que la diversité des religions est compatible avec les valeurs
fondamentales communes que sont la démocratie, les droits de la personne, la diversité
et le respect mutuel. De plus, en valorisant la diversité inhérente aux religions, nous
pourrons mieux répondre aux extrémistes qui cherchent à radicaliser les croyances à
des fins politiques.
Le professeur Uner Turgay, de l'Institut des études islamiques de l'Université McGill,
s'est rendu en Indonésie et dans d'autres pays de l'Asie du Sud-Est afin d'évaluer la
façon dont le Canada peut aider à favoriser les relations avec les communautés
musulmanes de la région. Notre Comité permanent des affaires étrangères examine les
relations du Canada avec le monde musulman. En tant que citoyens d'un pays
caractérisé par une mosaïque d'orientations culturelles, les Canadiens apprécient
grandement l'Islam et les autres religions. Nous cherchons à créer une compréhension
mutuelle entre les personnes de différentes croyances religieuses, car cette
compréhension peut fortement contribuer à la paix mondiale.
L'institut des études islamiques de l'Université McGill et l'Institut d'État des études
islamiques indonésien semblent avoir reconnu ce potentiel depuis longtemps. Il y a plus
de 50 ans, l'Université McGill offrait de former les étudiants indonésiens de deuxième
cycle. Aujourd'hui, ces universitaires indonésiens formés au Canada constituent le
noyau de l'Institut d'État des études islamiques. Ce partenariat rassemble les Canadiens
et les Indonésiens depuis plus d'un demi-siècle; il a créé la compréhension et le respect
mutuel réels qui sont la seule façon par laquelle les habitants de ce monde peuvent
triompher de leurs différences.
En ce nouveau siècle, le pouvoir des religions à mobiliser les personnes dans de
nombreuses parties du monde augmente considérablement. Toute une série d'autres
philosophies et idéologies politiques -- ou, si vous préférez, tous les « ismes » --
semblent par contre frappées de discrédit et sont aujourd'hui incapables de motiver un
grand nombre d'hommes et de femmes.
Par conséquent, la naissance de nouvelles démocraties et l'émergence de nouvelles
économies risquent d'entraîner une exacerbation des divergences religieuses et
culturelles, comme nous l'avons appris cet après-midi. Nous ne pouvons pas permettre
cela. Je suis certain qu'en travaillant en collaboration afin d'évoluer à partir de nos
expériences en tant que sociétés pluralistes et multiculturelles, nous pouvons servir
d'exemples pour le reste du monde sur la façon de régler les divergences qui existent
entre les diverses religions à l'intérieur d'un pays et entre différents pays.
Conclusion
Pour conclure, j'aimerais paraphraser notre cher ex-ambassadeur Ali Alatas. Dans son
discours qu'il a adressé en 1999 à l'Assemblée générale des Nations Unies, à titre de
ministre des Affaires étrangères, il nous a rappelé avec justesse que la tragédie de
l'humanité ne réside pas dans son ignorance, mais dans la dilapidation de sa sagesse.
Mesdames, Messieurs, les Canadiens et les Indonésiens ont beaucoup de sagesse à
partager, sur les plans politique, culturel et social. Depuis un demi-siècle, nous
bâtissons une solide fondation sur laquelle nous appuyons cette sagesse, que nous
nous devons de perpétuer dans les années à venir.
Je vous remercie.
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