DISCOURS
M. AXWOTHY - ALLOCUTION À L'OCCASION DE L'ACCEPTATION DU PRIXMCGILL INTERNATIONAL REVIEW AWARD OF DISTINCTION - MONTRÉAL (QUÉBEC)
2000/2 SOUS RÉSERVE DE MODIFICATIONS
NOTES POUR UNE ALLOCUTION
DE
L'HONORABLE LLOYD AXWORTHY,
MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES,
À L'OCCASION DE L'ACCEPTATION DU PRIX
McGILL INTERNATIONAL REVIEW AWARD OF DISTINCTION
MONTRÉAL (Québec)
Le 27 janvier 2000
Permettez-moi, tout d'abord, de vous exprimer ma gratitude d'avoir fait de moi le premier lauréat du prix McGill
International Review Award of Distinction. L'engagement du jury de ce prix envers la qualité et la stimulation de
la réflexion contribuera, j'en suis persuadé, au débat très animé qui a cours dans notre pays au sujet des
affaires internationales. En outre, il donnera encore un peu plus de lustre à la réputation qu'a l'Université McGill
sur la scène internationale, soit celle d'un centre d'excellence universitaire.
Je suis donc très honoré d'accepter cette expression de votre appréciation. Je partage ce prix avec tous mes
collaborateurs qui oeuvrent au service de nos compatriotes et des intérêts du Canada à l'étranger.
Cet honneur revêt une importance toute particulière en raison du moment où vous l'attribuez. Il y a une
décennie, la Simulation des Nations Unies voyait le jour à l'Université McGill; elle témoignait de l'intérêt et de
l'engagement actifs du corps professoral et des étudiants pour le monde qui les entoure.
Ces 10 dernières années, la Simulation a pris beaucoup d'ampleur. Elle constitue aujourd'hui le plus important
rassemblement de ce genre en Amérique du Nord et elle réunit plus de 1000 participants. Cela tient, dans une
mesure qui est loin d'être négligeable, au dynamisme des étudiants bénévoles qui en sont les organisateurs.
Je rends hommage ce soir à l'énergie et à la détermination de chacun d'eux.
Leur dévouement, leur volonté d'agir et leur optimisme sont caractéristiques d'une nouvelle génération de
Canadiens. J'ai pu l'observer encore une fois plus tôt ce mois-ci pendant une visite en Colombie. J'y ai
rencontré deux jeunes diplomates canadiens qui consacrent bénévolement tout leur temps libre à un projet
visant à aider les enfants de la rue de ce pays. Ce n'est pas là le seul exemple. On le retrouve dans le monde
entier. Par l'intermédiaire du Programme canadien de stages internationaux pour les jeunes, par exemple, des
milliers de Canadiens travaillent, ou ont travaillé, à l'étranger pour prodiguer une aide.
Je suis sans cesse impressionné par le sentiment bouillonnant de confiance des jeunes d'un bout à l'autre de
notre pays et par l'enthousiasme sans borne avec Iequel ils abordent -- et vous abordez -- le nouveau monde
complexe à l'extérieur de nos frontières, un monde chargé de tant de promesses et de tant de défis.
Nous sommes effectivement confrontés au meilleur des mondes. Cette dernière décennie de réalisations pour
la Simulation des Nations Unies a correspondu étroitement à une décennie de changements spectaculaires sur
la scène internationale -- changements des enjeux, des sujets et des protagonistes --, et vous êtes réunis ici
pour les commenter et en débattre.
Le caractère évolutif des concepts de paix et de sécurité mondiales est au coeur de tous ces changements.
L'aspiration centrale de la Charte de l'Organisation des Nations Unies, formulée il y a plus de 50 ans, est de
préserver les générations futures du fléau de la guerre. Cet objectif demeure le même.
Toutefois, dans un contexte mondial profondément différent, les moyens d'atteindre cet objectif doivent faire
l'objet d'un examen attentif. Traditionnellement, on a mis l'accent sur le relèvement de la sécurité et de la
stabilité nationales. Cette dimension reste importante, mais elle ne suffit plus.
Les menaces pesant sur la sécurité humaine -- les défis posés directement à la sécurité et au bien-être des
populations -- définissent de plus en plus le programme d'action mondial en matière de sécurité, du fait des
conflits armés, de la dégradation de l'environnement, des répercussions de la criminalité et du terrorisme
internationaux, ainsi que de la propagation des maladies infectieuses. La réaction à ces menaces constitue de
plus en plus le moteur central d'une action mondiale concertée.
Les événements de l'année qui vient de s'écouler, qui ont retenu notre attention et nous ont forcés à agir, en
attestent plus que largement. Au Kosovo, au Timor-Oriental et en Sierra Leone, par exemple, des gens
ordinaires ont été victimes de violations massives des droits de la personne et du droit humanitaire.
D'aucuns, au Canada, ont été tentés de croire que ces événements -- aussi tragiques soient-ils -- se
produisent loin de chez eux et n'ont guère de conséquences sur leurs vies, leurs soucis, leurs espoirs et leur
avenir. Ils devraient revoir leur position. Nous devrions tous le faire.
Songez à l'épreuve vécue par Shirley Macklin, de Winnipeg, prise en otage par des terroristes dans le
détournement d'un appareil d'Air India; à l'enlèvement, l'an dernier, en Équateur, de huit travailleurs albertains
du secteur du pétrole; aux répercussions insidieuses du commerce illicite des drogues sur les jeunes
Canadiens; aux conséquences pour le Canada du trafic mondial d'êtres humains devenus des marchandises;
au spectre d'une activité terroriste dans notre pays. Il s'agit là d'autant de menaces à la sécurité humaine qui
touchent aujourd'hui le Canada et les Canadiens.
C'est pourquoi il nous faut porter attention à la dimension humaine des affaires mondiales. Pourquoi? Parce
que les réalités de la mondialisation unissent nos destins plus que jamais auparavant. Parce que l'action
motivée par le souci de l'autre constitue une tradition humanitaire canadienne dont nous sommes fiers. Parce
que, de plus, cette action revêt une très grande importance, une importance très directe pour les intérêts des
Canadiens eux-mêmes.
Le moment est donc venu d'adapter notre pensée en matière de politique étrangère, de reconfigurer les
instruments des rapports diplomatiques, de nous mettre en quête de nouveaux partenariats et de solutions
créatrices, tout cela afin de suivre une approche de la paix et de la sécurité mondiales qui place les êtres
humains au premier rang. Voilà l'orientation qui sous-tend les objectifs du Canada en matière de sécurité
humaine.
Pour que nous atteignions cet objectif, il est indispensable que l'Organisation des Nations Unies soit
vigoureuse et pertinente. Le soutien d'une ONU efficace est depuis longtemps la pierre angulaire de notre
politique étrangère. Cela fait pratiquement partie intégrante de la personnalité internationale des Canadiens.
Une longue liste de Canadiens éminents, de John Humphrey à Lester Pearson, de Louise Arbour à
Louise Fréchette, se sont mis au service des objectifs de leur pays avec imagination et dévouement. C'est
dans cet esprit que nous déployons des efforts en vue d'adapter l'Organisation afin qu'elle relève les défis du
nouveau siècle en ce qui concerne la sécurité humaine.
Au début de la semaine, je me trouvais au Conseil de sécurité pour assister à une séance extraordinaire
consacrée au conflit dans la République démocratique du Congo. Cette séance a mis en évidence la dualité de
la dynamique en cours aux Nations Unies : d'une part, le monde des limousines, des salles de réunion
majestueuses et, effectivement, les beaux discours des hommes d'État, et, d'autre part, la réalité de la
violence, du dénuement et de la souffrance auxquels tant de gens ordinaires sont assujettis. L'atténuation de
ces problèmes constitue la raison d'être même de l'Organisation.
Le document fondateur des Nations Unies, où l'accent est mis sur « nous, peuples des Nations Unies », et non
sur « nous, les pays membres », ni sur « nous, les chefs d'État » ou « nous, les ambassadeurs », fait déjà de
la promotion de la sécurité humaine un principe directeur.
Il nous faut maintenant donner un nouveau sens à ces mots pour que l'action des Nations Unies soit
davantage pertinente du point de vue de la sécurité et du bien-être des individus; il s'agit, d'une certaine façon,
de redonner l'Organisation aux populations du monde pour lesquelles elle a été fondée.
C'est pourquoi le Canada a été candidat à un siège au Conseil de sécurité. Ce dernier demeure la seule
instance mondiale ayant le mandat de maintenir la paix et la sécurité. Pourtant, il ne s'est pas toujours montré
résolument à la hauteur des défis posés par les nouvelles menaces pesant sur la sécurité.
En réalité, par suite des rapports politiques entre grandes puissances, de notions absolutistes de la
souveraineté soutenues par certains de ses membres et d'un engagement sélectif dans certains conflits et non
dans d'autres, le Conseil s'est parfois soustrait à une partie de ses obligations. Du même coup, il a perdu de sa
pertinence.
Lorsque nous avons obtenu un siège à la table du Conseil, nos objectifs étaient de trois ordres : réaffirmer le
leadership mondial du Conseil, accroître la transparence de ses opérations et les relier à des développements
plus larges au sein du système des Nations Unies et, avant tout, prendre en compte les nouvelles réalités de la
paix mondiale, qui sont de plus en plus axées sur la problématique de la sécurité humaine. En bref, nous nous
employons à édifier un Conseil pour le nouveau siècle, et non pour le précédent.
À peu près à la même période l'an dernier, j'ai pris la parole devant un autre groupe, ici même à Montréal. J'ai
exposé les moyens que nous prévoyions prendre pour atteindre nos objectifs. Douze mois plus tard, j'estime
que nous avons accompli certains progrès et que notre action a changé des choses.
La vérité tragique et toute simple, en ce qui concerne les conflits armés de l'ère moderne, c'est que ce sont des
gens ordinaires -- des civils innocents -- qui en souffrent le plus. Pendant la Première Guerre mondiale,
1,5 p. 100 des victimes étaient des civils; de nos jours, cette proportion avoisine plutôt les 80 p. 100.
La guerre fait des civils ses cibles directes et ces derniers vivent sur son champ de bataille; ils sont devenus,
de plus en plus, les instruments de la pratique de la guerre : on les déplace comme des troupeaux pour
déstabiliser des gouvernements, on leur impose un service militaire, on les prend en otages, on les exploite
sexuellement, on s'en sert comme boucliers humains. De plus, ils sont exploités et terrorisés par les nouvelles
économies de la guerre, où des seigneurs de la guerre de la nouvelle génération vendent des ressources pour
financer la violence. J'ajoute que les agents humanitaires, qui s'efforcent d'atténuer les répercussions des
conflits sur les personnes vulnérables, se trouvent eux-mêmes exposés à de plus grands risques.
Le plus souvent, ces attaques contre des civils sont menées en toute impunité, ce qui viole directement le droit
international.
De toute évidence, la victimisation des civils ne constitue pas un résultat fortuit des conflits armés modernes,
mais le volet central. Il s'ensuit que la protection des civils doit occuper le premier rang des préoccupations du
Conseil de sécurité.
À cette fin, nous avons amorcé un débat au début de notre mandat au Conseil de sécurité afin de relever le
degré de sensibilisation et de façonner les mesures à prendre. Il en a résulté un rapport d'ensemble du
Secrétaire général sur la protection des civils touchés par les conflits armés, lequel a été soumis au Conseil en
septembre dernier, et l'adoption à l'unanimité par le Conseil d'un projet de résolution rédigé par le Canada.
Dans ce rapport, le Secrétaire général présentait un plan directeur des mesures à prendre, à savoir
40 recommandations quant aux mesures que le Conseil et la communauté internationale devraient mettre en
oeuvre afin de renforcer la protection à la fois physique et juridique des civils.
Parmi les principales recommandations, mentionnons les interventions suivantes : mettre en oeuvre des
mesures concrètes de prévention des conflits, y compris le maintien de la paix à titre préventif et la surveillance
des déploiements; renforcer la capacité de l'ONU de réagir rapidement lorsqu'une crise éclate, ce qui suppose
des unités pouvant être déployées rapidement et l'établissement d'un quartier général de mission; imposer des
embargos sur les armes; recourir davantage à des sanctions ciblées à l'encontre des belligérants; souligner
que les civils doivent disposer d'un accès sans entrave à l'aide humanitaire; autoriser des missions ayant pour
but de fermer les médias qui propagent la haine; et enfin, en cas de violations massives et persistantes des
droits de la personne et du droit humanitaire, envisager les mesures coercitives voulues.
Notre initiative et le rapport du Secrétaire général ont placé la dimension humaine de la paix et de la sécurité
au centre du programme d'action du Conseil. Ses membres sont bien disposés à maintenir la dynamique
enclenchée par le rapport et à traduire la sensibilisation en action concrète. Le Canada préside actuellement
un processus visant à garantir l'exécution de certaines recommandations cruciales.
Dans l'intervalle, nous avons accompli des progrès sur d'autres fronts.
Le pouvoir dont dispose le Conseil d'imposer des sanctions est un instrument puissant et légitime permettant
d'infléchir le comportement des belligérants, de résoudre des conflits et, en dernière analyse, de mettre fin aux
souffrances d'êtres humains. Toutefois, ces sanctions n'ont pas toujours été efficaces, ni utilisées pour les
bons motifs, ni ciblées comme il convient; on n'a également pas toujours veillé à ce qu'elles ne fassent pas
payer un lourd tribut aux populations civiles. Il faut les adapter de manière à ce qu'elles fassent mal là où elles
sont censées le faire.
Tel est l'objectif du Canada dans le cadre des efforts qu'il déploie à l'égard de l'Iraq. Peu de temps après son
entrée au Conseil, le Canada a présenté une proposition dans le but de faire avancer ce dossier d'une façon
qui garantirait le respect intégral par le régime iraquien de ses obligations en matière de désarmement, tout en
prenant en compte les répercussions d'ordre humanitaire des sanctions et en traçant clairement l'avenue qui
mènera éventuellement à leur suspension. Cette initiative a concouru à la levée de l'impasse au sein du
Conseil et a ouvert la voie à la décision prise par le Conseil, le mois dernier, de rétablir les inspections des
armements par l'ONU et d'appliquer des mesures humanitaires de plus grande ampleur.
En Angola, le Canada, en sa qualité de président du Comité des sanctions du Conseil, s'efforce de définir des
moyens concrets d'accroître l'efficacité du régime des sanctions visant le commerce illicite des diamants, des
armes et du pétrole. Ces mesures ont pour but de mettre fin au conflit civil insensé qui a coûté tant de vies. Si
elles sont acceptées -- et si elles portent fruit --, ces nouvelles mesures ciblées pourraient avoir valeur de
modèle en vue d'entraver le marché de la guerre et, du même coup, de limiter autant que possible les
souffrances et de sauver la vie de civils innocents.
En ce qui concerne le maintien de la paix, le lancement de nouvelles opérations de paix en faveur de la Sierra
Leone et du Timor-Oriental constitue une manifestation encourageante du consentement du Conseil lorsqu'il
faut agir pour protéger et faire progresser les intérêts des civils. À la demande répétée du Canada, ces
missions, la MONUSIL, en Sierra Leone, puis d'abord l'INTERFET, et maintenant l'ATNUTI au Timor-Oriental,
disposent de mandats qui comprennent expressément la protection des civils; on leur a donné les ressources
pour ce faire, ce qui est une première dans le cas de l'ONU.
Au début de la semaine, à New York, j'ai attiré l'attention sur le soutien du Canada à une vigoureuse opération
de l'ONU en République démocratique du Congo visant à faciliter la mise en oeuvre d'un accord de paix, ce qui
comprend l'autorisation, sans aucune équivoque, d'assurer la sécurité des civils.
Enfin, un mot au sujet des efforts déployés par le Canada afin de rehausser la transparence des travaux du
Conseil. Cela ne paraît pas nécessairement captivant. D'ailleurs, ce ne l'est pas. Cela dit, le fait de modifier les
modes de fonctionnement du Conseil peut avoir des incidences tout à fait réelles sur son efficacité, sur sa
crédibilité et, au bout du compte, sur la pertinence de ses interventions.
Sur ce plan également, le Canada a concouru à l'ouverture des modes de fonctionnement et aux processus
décisionnels internes par les moyens suivants : l'exposition des membres du Conseil à un éventail de plus en
plus large d'acteurs et de préoccupations relativement aux questions humanitaires; la plus grande participation
de non-membres aux discussions du Conseil; l'établissement de liens entre les activités du Conseil et celles du
reste du système de l'ONU; et enfin, l'actualisation des méthodes de travail du Conseil. Pris collectivement, ces
changements rendront le Conseil plus accessible, davantage comptable de son action et plus démocratique.
Pendant la première année de notre mandat au Conseil, notre présence a compté. Grâce à elle, le Conseil
prend des mesures visant la protection des civils en situation de conflit; grâce aux efforts déployés par le
Canada, le Conseil s'attaque maintenant à des questions qui menacent directement des populations, comme
les enfants touchés par la guerre, la prolifération des armes légères, ou comme la réunion sans précédent du
Conseil, le mois dernier, consacrée à la pandémie du SIDA -- et qui aurait été inimaginable, ne serait-ce qu'un
an plus tôt. C'est également à la suite des initiatives du Canada que la voix de la souffrance humaine se fait
entendre et qu'on l'écoute à la table du Conseil, et ce, grâce à la toute première comparution de la Haut
Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme et du président du CICR [Comité international de la
Croix-Rouge].
C'est là une évolution qui accroît la pertinence du Conseil pour les populations. Ce sont là de réels progrès.
Nous avons dressé un bilan de nos travaux pendant notre première année au Conseil. Je suis heureux de faire
remarquer que nous le mettons à la disposition des participants à la présente Simulation des Nations Unies et
du grand public. Toutefois, notre présence au Conseil demeure très certainement un travail en cours. Les défis
qui nous attendent sont d'importance. La promotion de la sécurité humaine étant notre leitmotiv, permettez-moi
de tracer brièvement les contours des domaines qui seront prioritaires pour nous au cours des 12 prochains
mois :
1. Assurer le suivi du rapport du Secrétaire général sur la protection des civils. Pour qu'elles changent des
choses, les recommandations du Secrétaire général doivent trouver, officiellement et fermement, un point
d'ancrage dans les pratiques du Conseil. Celles qui concernent des activités à l'extérieur du Conseil doivent
être mises en oeuvre par l'instance pertinente. D'ici avril, lorsque le Canada assumera la présidence du
Conseil, nous espérons conclure un accord sur l'application de bon nombre de ces propositions, en particulier
celles qui ont trait à la protection physique des civils.
2. Donner un élément de cohérence à l'examen par le Conseil des conflits et de la crise de la sécurité humaine.
La tendance du Conseil à faire fi de certains conflits tout en mettant l'accent sur d'autres demeure très
problématique. Par exemple, loin des projecteurs, le conflit armé qui fait rage depuis longtemps au Soudan a
coûté plus de 2 millions de vies humaines, tandis que des millions d'autres personnes ont été blessées ou
déplacées. De plus, il n'existe guère de motifs d'espérer autre chose que de nouvelles souffrances chez les
êtres humains. Pourtant, ce conflit n'apparaît toujours pas dans le radar du Conseil. Il importe que le Conseil
exerce son influence afin d'appuyer les efforts régionaux de médiation en cours.
3. Lancer un examen de l'approche suivie par le Conseil en ce qui concerne les sanctions. J'ai fait allusion plus
tôt à l'approche au cas par cas retenue par le Canada, en Iraq et en Angola, afin d'accroître l'efficacité des
régimes de sanctions et d'amoindrir leurs effets négatifs sur les civils. Il faut assortir cette démarche d'un
réexamen plus global visant à faire en sorte que le processus des sanctions soit moins ponctuel, mieux ciblé,
plus rigoureux et plus humain. À cette fin, le Canada a commandé à l'Académie mondiale pour la paix un
rapport contenant des recommandations qui pourraient éventuellement jeter les fondements de délibérations
au sein du Conseil.
4. Encourager un examen intégral par le Conseil des interventions humanitaires. L'an dernier, les responsables
de deux enquêtes indépendantes ont publié leurs constatations au sujet du massacre de Srebrenica et du
génocide au Rwanda. Elles ont constitué une inculpation dévastatrice de l'échec et de l'inaction du Conseil
devant des crises humanitaires atroces. La paralysie du Conseil pendant la crise du Kosovo démontre qu'il lui
reste encore à s'attaquer à cette question. Dans une déclaration prononcée devant l'Assemblée générale en
septembre, et qui fera date, le Secrétaire général a exposé les défis. Les enjeux sont très importants. Les
membres du Conseil et, d'ailleurs, la totalité des membres de l'ONU doivent participer à ce débat.
5. Réaffirmer le rôle directeur de l'ONU en matière de maintien de la paix. La tendance consistant à s'en
remettre à des « coalitions ponctuelles de pays qui y consentent et qui paient » -- plutôt qu'aux opérations des
Nations Unies -- pour engager de vigoureuses opérations de maintien de paix est troublante. Quelles qu'en
soient les raisons -- motifs politiques, considérations financières, capacités ou crainte des risques --, il faut
inverser cette tendance. L'approche volontaire impose un fardeau indu aux pays en mesure de payer et érode
le principe de la participation universelle à la sécurité collective, qui est codifié dans la Charte. De plus,
lorsqu'on confie une tâche à l'ONU, on doit lui donner le mandat et les ressources qui lui permettront de la
mener à bien. Srebrenica et le Rwanda constituent des rappels tragiques de ce qui se produit lorsque ce n'est
pas le cas.
6. Renforcer encore davantage les liens entre l'activité du Conseil et le programme d'action plus large en
matière de sécurité humaine. Par exemple, les besoins des enfants touchés par la guerre -- question prioritaire
pour le Canada -- suscitent des inquiétudes considérables à l'échelle internationale. La semaine dernière à
Genève, le Protocole facultatif sur les enfants-soldats a été adopté. Ce printemps, le Canada et le Ghana
coparraineront un séminaire à Accra; un peu plus tard cette année, le Canada accueillera une conférence
internationale sur ce sujet afin de faire progresser l'action mondiale. Cette question est également inscrite à
l'ordre du jour du Conseil. Nous devons nous assurer que les mesures du Conseil soient complémentaires de
ces initiatives prises à l'extérieur du Conseil.
Incontestablement, il s'agit là d'un ordre du jour ambitieux en vue du renouvellement du Conseil de sécurité.
Toutefois, pour préserver la pertinence du Conseil, nous n'avons guère d'autre choix que de l'adapter aux
nouvelles réalités de la vie internationale, à la nouvelle dynamique mondiale qui met la promotion de la sécurité
humaine à l'avant-plan des préoccupations et des interventions.
Il s'agit donc d'un programme d'action que nous sommes déterminés à mettre en oeuvre. Un programme
d'action fermement enraciné dans la tradition canadienne de soutien aux Nations Unies et nous sommes
résolument décidés à concrétiser ses nobles aspirations.
J'espère que vous aurez l'occasion de tenir des débats et des échanges sur certaines des idées que je vous ai
soumises ce soir. Pour vous venir en aide, nous avons mis à jour le Guide de référence canadien sur les
Nations Unies, qui est conçu dans le but d'aider les Canadiens à comprendre l' ONU et le rôle du Canada. Je
suis heureux de lancer cette nouvelle édition ici même, d'en remettre un exemplaire à chacun de vous et de
présenter à votre secrétaire général une édition bilingue commémorative pour souligner le 10e anniversaire de
la Simulation des Nations Unies.
Je vous remercie.
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