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Page d'accueil L'ambassadeur Chefs de la representation du Canada aux É-U Frank McKenna Discours et déclarations Le 26 septembre 2005

Frank McKennas, ambassadeur du Canada aux États-Unis

Assemblée générale annuelle de la Chambre de commerce du Canada
Charlottetown (Île-du-Prince-Édouard)
le 26 septembre 2005

(transcription)


Merci beaucoup, Russ, pour cette excellente présentation. Et merci à vous, Mesdames et Messieurs, de m’avoir invité dans ce si beau coin de pays qu’est l’Île-du-Prince-Édouard. Je tiens d’abord à féliciter chaudement la Chambre de commerce car je crois qu’elle a été dirigée de main de maître au fil des ans par des gens qui font figure de meneurs inspirants, et je sais que le flambeau sera passé à un autre excellent capitaine.

J’ai eu le plaisir d’effectuer de nombreuses visites en compagnie de Nancy Hughes Anthony, notamment à Washington il y a quelque temps, et je peux vous dire qu’une Chambre de commerce comptant 170 000 membres, avec elle à sa tête, est influente où qu’elle aille. Et je tiens à vous féliciter pour cela. Félicitations... Et félicitations également pour les excellentes séances que vous avez tenues ici. On voit le prestige de cette organisation aux invités qu’elle a été en mesure d’attirer, en l’occurrence le premier ministre du Canada, le ministre des Finances, mon bon ami Jim Carroll, qui a également été invité si je ne m’abuse et David Wilkins, l’ambassadeur des États-Unis au Canada. Je crois réellement que vous aviez là la liste d’invités par excellence.

Au sujet de mon bon ami David Wilkins qui, j’ai cru comprendre, s’est un peu amusé à mes dépens lors de son allocution d’hier, je dois dire qu’il s’agit d’une personne très intéressante que j’apprécie au plus haut point. Je crois qu’il accomplit un travail formidable pour les États-Unis, soucieux qu’il est d’en apprendre le plus possible au sujet du Canada et le parcourant en tout sens à cette fin. Lorsque je l’ai rencontré à Washington lorsqu’il a été nommé à ce poste pour la première fois, nous avons eu une petite discussion informelle afin de tenter de nous connaître un peu mieux. Je lui ai demandé de quelle façon il se décrivait du point de vue philosophique, ce à quoi il m’a répondu très simplement : « C’est très simple, je suis un conservateur du Sud ». Je lui ai ensuite demandé ce qu’il aimait vraiment faire, et il m’a répondu : « Vous savez ce que j’aimerais vraiment faire? J’aimerais, si j’en avais le temps, m’asseoir sur mon porche et boire de la Moosehead en fumant des cigares ». Il m’a ensuite demandé, en me regardant dans les yeux, de quelle façon je me décrivais. Je lui ai répondu : « Je crois que je suis un conservateur du Sud moi aussi ».

Alors que je venais à l’Île-du-Prince-Édouard, qui est juste de l’autre côté du détroit de Northumberland pour moi, un de mes amis m’a fait parvenir une petite anecdote qui, croyait-il, pourrait m’être utile, particulièrement avec les nouvelles responsabilités qui m’incombent. Il s’agit selon toute vraisemblance de la transcription d’une conversation radio qui aurait eu lieu entre un navire de la marine américaine et les autorités canadiennes en poste dans le golfe du Saint-Laurent, où nous nous trouvons à l’heure actuelle. Cette conversation radio a été déclassifiée par le directeur des Opérations navales.

« - Canadiens : Veuillez dévier de votre route de 15 degrés vers le sud afin d’éviter une collision

- Américains : Nous recommandons que vous déviiez de votre route de 15 degrés vers le nord.

- Canadiens : Négatif, vous devez dévier de votre route de 15 degrés vers le sud pour éviter une collision.

- Américains : Ici le capitaine du navire de la Marine des États-Unis, je répète : déviez de votre route.

- Canadiens : Non, je répète : déviez de votre route.

- Américains : Ici le porte-avions USS Lincoln, deuxième navire en importance de la flotte atlantique des États-Unis, nous sommes accompagnés de trois destroyers, de trois croiseurs, de plusieurs navires de soutien ainsi que par des sous-marins, et je demande que vous déviiez de votre route de 15 degrés vers le nord. Je répète, déviez de votre route de 15 degrés vers le nord ou des contre-mesures seront prises pour assurer la sécurité du navire. Nous fonçons droit devant.

- Canadiens : Continuez, mais nous vous informons que nous sommes un phare sur l’Île-du-Prince-Édouard. »

Finalement, après une ou deux semaines de nouvelles déprimantes et moroses dans l’ensemble, une bonne nouvelle a réveillé et excité les Canadiens à l’extérieur des États-Unis et partout dans le monde, et je peux vous dire qu’en tant qu’ancien participant moi-même et fervent partisan, je suis vraiment enthousiaste de ce que nous allons voir cette semaine. Nous allons assister au retour des doubles-échecs féroces, des coups de coude élevés, des nez ensanglantés, des conduites antisportives, et des échanges grossiers interminables maintenant que les travaux du Parlement ont repris.

Passons maintenant au message que je tenais à passer ici aujourd’hui. Le Canada et les États-Unis ont probablement, et cela ne fait aucun doute, la relation bilatérale par excellence dans le monde entier. Mais comme toute relation, et vous le vivez vous-même au sein de votre famille, cette relation connaît des hauts et des bas. Le fait est qu’après quelque 200 ans d’expérience géographique partagée sur ce continent et malgré nos divergences d’opinion sur certaines questions d’actualité, nous avons réussi à perpétuer une relation incroyablement riche des échelons les plus élevés jusqu’aux échelons les plus bas. Or, cette relation au cours des dernières semaines s’est encore approfondie, et je peux en témoigner personnellement.

La réaction du Canada à la tragédie qui touche les Américains à la suite du passage de l’ouragan Katrina a profondément touché les citoyens du sud des États-Unis. Ils voient que nous avons été là dès les lendemains de l’ouragan, que nous y étions nombreux et que nous continuons d’être là pour eux. Partout où je vais à Washington, que ce soit les sénateurs, les secrétaires de cabinet ou les dirigeants du Congrès, ils prennent tous la peine de remercier le Canada et d’affirmer qu’ils apprécient notre amitié.

L’importance de cette relation est digne de records historiques. Des échanges commerciaux de presque 2 milliards de dollars par jour......de quelque 500 milliards de dollars, voire davantage, par année .... il s’agit de la relation commerciale la plus importante du monde...un camion passe la frontière au 1,2 seconde... 300 000 personnes par jour franchissent la frontière... des chiffres tout simplement colossaux qui sont révélateurs de la robustesse et de la valeur de cette relation sans égale qui nous unit.

Malgré tout cela, le plus gros défi qui nous attend, un problème que toute la bonne volonté et la profondeur de la relation ne suffisent pas à contrebalancer, le plus gros défi qui nous attend sur le plan de la relation bilatérale, c’est le manque flagrant de connaissance et l’indifférence complète des Américains envers nous. Je me rappelle une anecdote que je raconte au sujet d’une réunion du conseil d’administration que j’ai eue en Australie. En route vers l’Australie, nous nous sommes arrêtés en Nouvelle-Zélande pour quelques jours afin de faire un peu de tourisme. Partout où nous allions, les gens ne cessaient de se plaindre des Australiens. Ils disaient : « Si vous n’aimiez pas les opossums, blâmez les Australiens. Ce sont eux qui ont amené ces foutus opossums ici ».

Puis ils disaient : « Vous voyez tous ces lièvres? Ils sont venus d’Australie. C’est la faute des Australiens. » Les Néo-Zélandais ont même, dans les magasins locaux, des chandails sur lesquels il est inscrit qu’ils supportent l’équipe de rugby de la Nouvelle-Zélande et toutes les équipes qui jouent contre l’Australie. De toute évidence, ce sentiment de haine est ancré profondément. Quelques jours plus tard, je me trouvais en Australie pour assister à la réunion du conseil, et je dis à l’un d’eux : « Mon Dieu, je ne peux pas dire que je connaisse bien vos politiques, mais je peux dire sans trop me tromper que les Néo-Zélandais ne vous aiment pas beaucoup, vous les Australiens ». L’homme à qui je m’adressais m’a regardé, très sérieux, et m’a dit : « C’est amusant, nous savons à peine qu’ils existent ». À mes yeux, cela représente bien, d’une manière symbolique, la relation que nous avons avec les États-Unis

Nous avons une relation asymétrique. Et pour vous donner un bon exemple d’une relation asymétrique, prenons la relation entre l’Î.-P.-É. et l’Alberta. C’est le type de relation qui unit des parties de taille différente. Or, nous avons une relation asymétrique hors du commun avec les États-Unis. Cela commence par la population, puisque les Etats-Unis comptent quelque 300 millions d’habitants alors que nous sommes approximativement 30 millions de personnes, soit un ratio de dix pour un. Mais cela va plus loin et se reflète vraiment dans les statistiques sur le commerce. Au Canada, nous exportons entre 35 et 40 % de notre PIB; on peut donc dire que notre richesse nationale s’en va aux États-Unis. Or, le pourcentage de leur PIB injecté au Canada se situe entre 3,5 et 4 %. Cela signifie que du point de vue du pourcentage de notre économie, dix fois plus de richesses canadiennes se dirigent vers les États-Unis que l’inverse. Un autre exemple d’une relation asymétrique.

Si vous avez un client, je répète, un client qui consomme près de 40 % de votre production, vous allez prendre soin de ce client. Pour reprendre un adage populaire, il n’y a rien de mal à avoir, comme nous, tous nos œufs dans le même panier, tant que vous ne perdez pas des yeux ce panier. Et ma fonction à Washington est de garder mes yeux sur le panier. Et notre travail aux États-Unis est de garder nos yeux sur le panier. Parce que cela ne se limite pas seulement à Washington et ce sont les 250 personnes qui défendent les intérêts du Canada aux États-Unis. Nous avons aujourd’hui environ 19 consulats dispersés sur le territoire américain doté d’un personnel complet, cela sans compter les douze consuls honoraires actuellement en poste, qui auront atteint le nombre de vingt à la fin de l’initiative. Ce que je constate, c’est que nous cherchons à étendre notre marque, à faire sentir une présence canadienne partout aux États-Unis, comme se doit de le faire toute entité ayant un si grand intérêt dans ce pays.

Cela dit, une caractéristique importante d’une telle relation asymétrique pourrait être son volet personnel. Ce que j’entends par là, c’est qu’il est peut-être possible de surmonter cette asymétrie grâce à une relation personnelle solide et étroite. Il est indéniable que ce type de relation personnelle est avantageux. Et il n’y a rien de mal à cela. Or, vous savez que le président et le premier ministre entretiennent de bonnes relations, comme c’est le cas entre les secrétaires de cabinet et les ministres, comme c’est le cas de David Wilkins et de moi-même, en fait tous les intervenants de la hiérarchie ascendante et descendante ont de bonnes relations, et cela aide incontestablement.

Mais cela ne suffit pas. Il faut également trouver un petit quelque chose dans la relation qui revête une importance décisive, et ce petit quelque chose, c’est l’intérêt personnel. Mon expérience m’a appris que le critère le plus important pour résoudre des dossiers de la manière dont nous le souhaitons, c’est de trouver l’intérêt, pour les Américains, d’arriver à la conclusion à laquelle nous voulons qu’ils arrivent.

Les fondateurs des États-Unis, en raison des antécédents historiques à l’origine de la naissance de ce pays, ont tenté de mettre en place un équilibre des pouvoirs qui leur est unique. Et ce qu’ils ont réussi à créer, c’est un engorgement institutionnalisé. Dans une grande mesure, le gouvernement des États-Unis est si engorgé qu’il ne fonctionne pas de la manière dont plusieurs d’entre nous croyons qu’un gouvernement devrait fonctionner. Au risque de vous surprendre, le président des États-Unis n’a pas tant de pouvoir que cela. Il n’a aucun pouvoir en matière de commerce à moins que ces pouvoirs ne lui soient attribués. Il ne peut déposer de projet de loi. Il n’a pas ce pouvoir. Même le budget produit par le président doit gravir les échelons du Congrès, qui peut en faire ce qu’il veut. Il n’a que très peu de pouvoir lorsque vous le comparez au premier ministre du Canada..

La discipline de parti est pratiquement inexistante aux États-Unis. Tout le monde veut être indépendant. Ce serait comme si vous aviez 535 Carolyn Parrish laissées en liberté dans votre pays. (Rires) C’est pourquoi au sein du 107e Congrès, sur les 9 000 projets de loi qui ont été déposés récemment, seulement 377 projets de loi ont été adoptés. Il est si difficile de faire avancer un projet de loi et de rallier un consensus dans ce système que c’est virtuellement impossible.

C’est un fait aux États-Unis que la popularité des sénateurs et gens du Congrès est à son faîte lorsque le Sénat et le Congrès sont en période de relâche. La population des États-Unis en a assez de l’engorgement qu’elle voit à Washington. Du fait même de cet engorgement, de la complexité du système, tout le monde a besoin de son propre conseiller. Conséquence directe de cela, on assiste à une explosion du nombre de conseillers. Un sénateur compte approximativement 75 personnes à son service, soit trois fois plus que ce que comptait mon propre cabinet lorsque j’étais premier ministre de la province du Nouveau-Brunswick, juste pour fonctionner efficacement dans ce système et entretenir des relations avec d’autres dirigeants du Congrès aux États-Unis.

On compte, seulement à Washington, 35 000 lobbyistes enregistrés. Imaginez, 35 000 lobbyistes, tous disposés à vous aider à faire votre chemin dans ce système complexe. Washington compte plus d’avocats par habitant que partout ailleurs dans le monde. C’est d’ailleurs pour cela que l’on dit qu’il n’est pas sûr d’y marcher dans les rues le soir. (Rires). Le point où je veux en venir, c’est qu’il y a des milliers de personnes qui sont payées pour vous aider à faire votre chemin dans le système et pour protéger les intérêts d’un groupe d’intérêts particulier. Et mon message à vous, chefs d’entreprise canadiens, c’est que vous ne pouvez vous permettre de ne pas être là..

Si jusqu’à 40 % de votre production s’en va sur ce marché, vous vous devez d’être là, au même titre que les lobbyistes et les avocats américains y sont. Et il faut avouer qu’en tant que pays, nous ne sommes pas particulièrement efficaces pour protéger nos intérêts dans ce marché. Mais pour cela aussi, il faut revenir à ce que j’ai dit plus tôt au sujet de l’intérêt personnel. Pour résoudre un conflit, nous devons faire ressortir l’intérêt personnel qui nous ouvrira les portes dans ce labyrinthe et nous permettra d’atteindre le but visé.

Pour citer un exemple, je vais revenir sur un cas récent, qui n’a pas fait les manchettes donc vous l’avez peut-être oublié, soit le lancement d’un missile de cap Canaveral dont le propulseur d’appoint à poudre pouvait tomber à Terre-Neuve. Inutile de dire que Terre-Neuve n’aimait pas cela du tout. Quoi d’étonnant, puisque le missile allait tomber à proximité. Nous avons bien tenté de faire du bruit à Washington, et vous n’imaginez pas les réponses que nous avons eues, on nous disait qu’on ne savait même pas où se trouvait Terre-Neuve, alors pourquoi s’en faire? Un propulseur d’appoint à poudre tombe à Terre-Neuve, et puis après? Eh bien, saviez-vous que beaucoup d’entreprises pétrolières du Texas ont des plates-formes pétrolières à Terre-Neuve? Vraiment? Mais pourquoi ne l’avez-vous pas dit plus tôt? (Rires). Cette stratégie a pour effet de changer la dynamique du dossier très très rapidement.

La même chose s’est passée dans le dossier de Devils Lake. Nous avons cessé de vouloir convaincre les Américains qu’ils pollueraient le Canada et avons plutôt opté pour les convaincre des effets néfastes que ce projet pourrait avoir sur le Michigan et le Missouri, leurs États voisins et les groupes d’intérêts aux États-Unis. Une fois que nous avons renseigné ces collectivités et éveillé un intérêt chez celles-ci, la Maison Blanche est intervenue dans le dossier et nous sommes arrivés à une forme d’entente entre les parties. Si nous n’insistions que sur le Canada, l’intérêt personnel des Américains ne serait pas touché.

Il y a un dossier qui se profile à l’horizon sur lequel je tiens à attirer l’attention de la Chambre, soit l’exigence prochaine de présenter le passeport ou une pièce d’identité à la frontière. Cette question, pourtant de première importance, est bizarrement passée sous silence. Or, le Conference Board estime que cette mesure provoquera une réduction du nombre de visites au Canada de l’ordre de 7,7 millions, ce qui équivaut à une perte de près de 2 milliards de dollars en revenus, la majorité dans l’industrie du tourisme puisque les gens ne traverseront plus la frontière car sur le chemin du retour, ils devront présenter un passeport ou une pièce d’identité similaire.

Donc, nous avons un intérêt à intervenir dans ce dossier, mais les Américains aussi. Dans l’ensemble, on évalue à 15 millions de dollars les randonnées de plus d’une journée des Américains au Canada, ce qui représente une activité économique à ne pas négliger. Nous devons donc attirer l’attention du Caucus de la frontière Nord, des législateurs des États du Nord et même des législateurs au sud de la frontière sur cette question afin qu’ils en parlent à Washington, qui sera beaucoup plus encline à les écouter. Dans la foulée, j’encourage votre Chambre et toutes les chambres de commerce locales à intervenir dans ce dossier de première importance, sur lequel on évite d’attirer l’attention, mais sur lequel nous travaillons très très fort et pour lequel nous avons besoin de beaucoup d’appui pour tenter d’obtenir de meilleurs résultats.

Au chapitre du bois d’œuvre résineux, en quelque sorte la « question d’actualité » sur les lèvres de tout un chacun, ce dossier problématique se trouve dans une impasse depuis maintenant environ 20 ans, et on arrive tout au plus à trouver une solution temporaire tous les quatre ou cinq ans. Toujours est-il que ce dossier comporte beaucoup d’enjeux de part et d’autre de la frontière. Mais deux choses ont changé qui pourraient contribuer à faire avancer le dossier vers une solution acceptable pour toutes les parties. La première, ce sont les ouragans Katrina et Rita qui créent un énorme potentiel. Les phases de reconstruction engendrent vraisemblablement une demande considérable pour la production de bois de charpente. Il ne fait aucun doute que ces événements auront pour effet d’embraser un marché déjà très actif et de susciter une demande à un point tel qu’on envisage – je dis bien « envisage » – à Washington de régler le problème des tarifs imposés sur ce produit et d’autres produits de construction. Voilà donc un nouveau facteur qui pourrait jouer dans l’équation.

L’autre facteur important dans l’équation est les dernières mesures prises par la coalition des producteurs de bois d’œuvre résineux américains, notre antagoniste dans ce combat. Après leurs défaites devant trois groupes spéciaux de l’ALENA, dont la « contestation extraordinaire », les producteurs de bois d’œuvre américains vont plus loin et s’apprêtent à contester la constitutionnalité du chapitre 19 de l’ALENA. Je mentionne cela pour deux raisons. D’abord, cela devrait vous inquiéter car il s’agit de la relation la plus importante dans le monde. Si nous réduisons à néant l’intégrité du processus institutionnalisé qui régit cette relation, cela aura des conséquences considérables des deux côtés de la frontière. Vous devez donc être très vigilants et protéger vos intérêts.

Mais vous savez quoi? Ce différend qui nous oppose porte atteinte aux intérêts de plusieurs groupes américains de premier plan. Tout d’abord, même si je disais plus tôt que nous faisons plus de commerce avec eux que l’inverse, il reste que pour 39 États de l’Union, nous représentons le plus gros marché au monde, parfois même quatre ou cinq fois plus important que notre plus proche concurrent. On ne peut donc pas dire que le marché canadien soit insignifiant; c’est plutôt le contraire, il est très important. Ensuite, les Américains voient l’ALENA en quelque sorte comme un cadre pour conclure des accords commerciaux avec d’autres pays dans le monde. Ils ont conclu récemment un accord de libre-échange avec des pays d’Amérique centrale, et ils œuvrent à la conclusion de nouveaux accords commerciaux. Si l’accord qui nous lie est mis en pièce, cela ne donne pas vraiment l’image d’un bon modèle.

Troisièmement, si vous sapez l’ALENA, si vous faites enlever le chapitre 19 ou si vous lui enlevez toute valeur d’application et détruisez complètement l’intégrité de cette relation, cela aura invariablement un effet sur la gestion de nombreux produits de première importance qui sont transigés entre nos deux pays, l’énergie étant probablement le plus important. Fait probablement inconnu de la majorité aux États-Unis, le Canada a désormais remplacé l’Arabie saoudite au titre de principal fournisseur de pétrole, de pétrole brut, de gaz naturel, d’uranium et d’électricité aux États-Unis. Nous représentons le plus important fournisseur d’énergie dans le monde.

Qui sont nos principaux concurrents? Le Venezuela, la Bolivie, aux prises avec une révolution, le Nigéria, l’Iran, l’Iraq, pour n’en nommer que quelques-uns. Voyez-vous où je veux en venir? Non seulement nous sommes le plus important fournisseur d’énergie, mais nous sommes le fournisseur d’énergie le plus fiable pour les États-Unis dans le monde. Une démocratie saine, un pays stable, une source fiable d’énergie, l’ensemble régi par une relation sous la tutelle de l’ALENA qui nous unit avec un pays qui dépend, dans une proportion avoisinant 60 %, de sources extérieures pour son énergie.

Dans ce contexte, les États-Unis, sachant que nous sommes leur principal fournisseur de ces produits, devraient selon moi, s’ils sont conscients des conséquences de cette contestation contre l’ALENA, voir leur propre intérêt dans la situation et faire tout en leur pouvoir pour tenter de protéger l’intégrité de cette relation commerciale institutionnalisée.

Parlant d’intérêt propre, il y a un autre dossier que nous avons en commun avec les États-Unis et qui font de nous des frères de sang sur plusieurs questions, et c’est la préoccupation qu’éveille le rôle sans cesse croissant de l’Asie, à savoir la Chine et l’Inde, dans l’économie mondiale. En d’autres mots, nous avons un intérêt commun à tailler une place dominante à l’Amérique du Nord dans la vague commerciale mondiale, et cela n’est possible que si nous regardons les États-Unis, le Canada et le Mexique comme le marché nord-américain.

En d’autres mots, les États-Unis reconnaissent que nous sommes tous ensemble dans cette lutte, et cela nous rapproche invariablement. Les Américains sont obsédés par la Chine, à juste titre d’ailleurs. Je sais que vous avez abordé la question de la Chine en long et en large (Inaudible) je vais donc être bref sur ce sujet. Depuis que le premier ministre Xioaping a fait le vœu en 1977 que la Chine devienne un pays riche et influent, celle-ci fait figure d’étoile filante dans le firmament de l’économie mondiale. Les chiffres sont faramineux. Premier marché en importance au monde pour l’acier, la viande, le charbon, les céréales, et la liste continue. Elle double ses chiffres de vente d’ordinateurs tous les 28 mois. Elle représente le plus grand fabricant d’ordinateurs et de DVD du monde, dans une proportion de 60 % pour ces derniers. La Banque mondiale évalue que le nombre d’habitants en Chine qui vivent dans une pauvreté extrême chutera, passant de 375 millions en 1990 à 16 millions d’ici à 2015.

Tout ce qui se passe dans cette région du globe est si considérable au chapitre de la création de richesses et du capitalisme que tout le monde à l’extérieur de la Chine et de l’Asie n’a d’autre choix que de suivre cette croissance avec grand intérêt. Voici des statistiques qui devraient de mon point de vue donner des frissons à tous ceux qui doivent concurrencer ce monstre. L’année dernière, 367 000 ingénieurs ont obtenu leur diplôme en Chine. Par comparaison, aux États-Unis, qui remportaient habituellement la palme à ce chapitre, 50 000 ingénieurs ont obtenu le leur. Alors en haut de la chaîne alimentaire, la Chine produit une quantité considérable de nouvelles ressources, et elle n’est pas seule. N’oublions pas l’Inde, avec son milliard d’habitants, qui affiche un taux de croissance de 38 % dans le secteur des technologies de l’information.

Donc, à ce chapitre, nous avons un intérêt commun. Nous sommes un intérêt pour les États-Unis, qui devraient à leur tour représenter un intérêt pour le Canada, afin que nous joignions nos forces pour relever le défi. Pour représenter une forteresse nord-américaine, le Canada doit accroître sa productivité. Je sais que vous en avez entendu parler abondamment et que nous en parlons à profusion avec la Chambre. Le fait est qu’on n’en parle jamais assez. Notre productivité est près de 20 % inférieure à celle des États-Unis. C’est un fait que je veux vous transmettre parce que j’estime qu’il change la nature même du débat.

Si notre productivité équivalait celle des États-Unis, une étude réalisée par Roger-Martin révèle que 75 milliards de dollars supplémentaires iraient gonfler les coffres du gouvernement. 75 milliards de dollars. Dès lors, ce n’est plus seulement une question de productivité, c’est également une question de qualité de vie. Imaginez ce que ce pays pourrait faire pour ceux qui affirment que les soins de santé sont la priorité la plus importante. Je leur répondrais, oui, dès que la hausse de la productivité nous en donnera les moyens. Ou à ceux qui affirment que la priorité c’est l’éducation, je leur répondrais oui, nous y arriverons grâce à une hausse de la productivité. D’autres pourraient dire que c’est la manne pour les municipalités. Autrement dit, c’est par là que les grands et les petits se rejoignent. Une productivité accrue crée de la richesse, laquelle crée en retour une meilleure qualité de vie pour les Canadiens. Nous devons donc aborder la productivité comme un moyen d’améliorer la qualité de vie de nos citoyens.

Je voulais également m’attarder sur les relations de cause à effet, une réalité dont la Chambre, à l’instar de tout le monde, est parfaitement consciente, une réalité dont parlera vraisemblablement le ministre Goodale ici aujourd’hui, je ne vais donc qu’effleurer le sujet. Je me contenterai de dire que le Canada a retroussé ses manches ces dernières années. Occupant autrefois le sixième rang au monde au chapitre des dépenses injectées dans la recherche et le développement par habitant, nous occupons aujourd’hui le premier rang, grâce à des sommes de 11 milliards de dollars investies dans ce domaine. Donc c’est important.

Notre secteur privé toutefois, et je vous dis cela sans pointer du doigt quiconque, ne se compare pas à celui des États-Unis au chapitre des dépenses dans la R et D et l’innovation. Le secteur privé doit pourtant faire sa part et accroître ses dépenses. C’est la même chose avec la formation. Les États-Unis dépensent beaucoup plus dans la formation que le Canada. Même si le Canada affiche le plus haut pourcentage de diplômés postsecondaires au sein du G7, les États-Unis tirent considérablement plus profit de leur système d’éducation postsecondaire que nous.

Les États-Unis comptent 4 000 collèges et universités. Le reste du monde en compte moins de 8 000 en tout. Vous avez là la preuve de la concentration de la puissance intellectuelle aux États-Unis. Et selon moi, les États-Unis tirent beaucoup plus profit de ce système que nous au Canada. Bien entendu, nous avons des exceptions au Canada, et l’une d’elle est justement assise dans cette pièce, Wade McLaughlin, qui a vraiment mis l’université de l’Île-du-Prince-Édouard sur les rails.

Mais de mon point de vue, et je suis un astrologue amateur qui tente de percer la question, cela tient beaucoup au fait qu’aux États-Unis, les universités n’hésitent pas à collaborer avec le gouvernement et l’industrie. Le secteur privé n’est pas un monde à éviter, le capitalisme non plus, et les universités, invariablement, retroussent leurs manches et se mettent au travail, de concert avec le gouvernement et le secteur privé. Cela a pour effet de tirer beaucoup plus d’énergie de ce système, beaucoup plus de résultats dont nous avons été à même de profiter ici et partout dans le monde.

En 2003, les universités américaines ont récolé 1,3 milliard de dollars en brevets seulement. Au Canada, douze fois plus de brevets sont délivrés aux étrangers qu’aux Canadiens. Force est de constater qu’au Canada, nous ne récoltons pas autant de flux intellectuel de nos universités. Le MIT à lui seul peut se targuer du fait que ses diplômés ont fondé quelque 4 000 entreprises, créant plus d’un million d’emplois. Une seule université qui crée beaucoup de richesse et qui contribue à énormément de prospérité. Je vous dirais donc qu’une partie, pas la totalité, de l’équation pour la hausse de la productivité tient de cette collaboration entre nos institutions de haut niveau.

Cette présentation tirant à sa fin, je dirais qu’en dernière analyse, s’il est vrai que le Canada et les États-Unis ont des divergences d’opinion somme toute mineures, ce qui importe, c’est que les deux pays se ressemblent et ont les mêmes intérêts directs qui devraient constituer les assises d’une collaboration plus étroite et étendue sur les questions mondiales et de portée mondiale. Car que vous soyez prêts ou non, Mesdames et Messieurs, l’Asie s’en vient. Et que vous le vouliez ou non, il vaut mieux être prêts.

Je vais conclure sur un adverbe – que dis-je, un proverbe – africain bien connu : chaque matin en Afrique, une gazelle se réveille. Elle sait qu’elle doit courir plus vite que le plus rapide des lions sinon elle sera tuée. Chaque matin, un lion se réveille et sait qu’il doit courir plus vite que la moins rapide des gazelles sinon il mourra de faim. Donc, que vous soyez un lion ou une gazelle, lorsque le soleil se lève, vous êtes mieux de commencer à courir.

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Dernière mise à jour :
2006-11-06
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