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  Le 17 août 2005

Monsieur Allan MacGillivray
Directeur exécutif
Secrétariat du Groupe d’étude sur le cadre réglementaire des télécommunications
280, rue Albert
Pièce 1031
Ottawa (Ontario)
K1A 0C8

Monsieur,

Vous trouverez ci-joint la version révisée du Document de discussion que le Conseil a rédigé à l'intention du Groupe d'étude sur le cadre réglementaire des télécommunications et où les paragraphes 173 et 193 ont été modifiés. Cette version remplace la version antérieure que nous vous avons fait parvenir le 15 août 2005.

Je vous prie de recevoir, Monsieur, l’expression de mes sentiments les meilleurs.

La secrétaire générale,

Diane Rhéaume

p.j.


 

 

ÉTUDE DU CADRE RÉGLEMENTAIRE DES TÉLÉCOMMUNICATIONS AU CANADA

 

Document de discussion

 

Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes


 

  Cette publication est offerte par voie électronique :
http://www.crtc.gc.ca
  On peut obtenir cette publication en média substitut, sur demande.
  Pour obtenir des exemplaires du rapport :
  Salle d'examen publique
CRTC
1, promenade du Portage
Gatineau (Québec)
  Adresse postale :
CRTC
Ottawa (Ontario)
K1A 0N2
  Téléphone : 1 (819) 997-2429
1 (877) 249-2782 (sans frais)
ATS : 1 (877) 909-2782 (sans frais)
  ISBN # BC92-58/2005F
0-662-74808-5

 

Le 15 août 2005

Monsieur Allan MacGillivray
Directeur exécutif
Secrétariat du Groupe d’étude sur le cadre réglementaire des
  télécommunications
280, rue Albert
Pièce 1031
Ottawa (Ontario)
K1A 0C8

Monsieur,

Le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes est heureux de présenter le document de discussion ci-joint au Groupe d’étude du cadre réglementaire des télécommunications. Il ose espérer que le document aidera le Groupe d’étude dans ses travaux.

Je vous prie de recevoir, Monsieur, l’expression de mes sentiments les meilleurs.

La secrétaire générale,

Diane Rhéaume

p.j.


 

 

Table des matières

   

Paragraphe

  Introduction 1
  D'où venons-nous et où allons-nous? 9
  Évolution de la législation et de la politique canadiennes en matière de télécommunications 15
 

Ère du monopole

19
 

La Loi sur les télécommunications

44
  Gérer la transition vers des marchés concurrentiels aux termes de la Loi sur les télécommunications 52
 

Examen du cadre de réglementation

54
 

Rapprochement des tarifs et des coûts et rationalisation des subventions

62
 

Ouverture à la concurrence des marchés restants

70
 

Réglementation des services locaux fondée sur des incitatifs

76
 

Abstention de la réglementation

78
 

Efficacité de la réglementation

83
  Examen des objectifs de la politique de télécommunication 85
  Se préparer pour l'avenir 94
  L'avenir du service universel 96
 

L'avenir de la réglementation économique

107
 

Changement technologique

125
 

La concurrence fondée sur les installations par rapport à la concurrence fondée sur les services

141
 

Une réglementation propre au secteur ou des lois d'application générale?

153
 

Traitement réglementaire des fournisseurs de services
de télécommunication

172
 

Accès aux structures de soutènement et aux immeubles à logements multiples

177
 

Création d'un pouvoir de donner des amendes

187
 

Changement de contrôle

191
  Les cinq prochaines années 194

 

ÉTUDE DU CADRE RÉGLEMENTAIRE DES TÉLÉCOMMUNICATIONS AU CANADA

Document de discussion

Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes

 

Introduction

1.

L'étude portant sur le cadre réglementaire des télécommunications donne aux Canadiens une importante occasion d'apprendre où nous nous situons dans la société mondiale de l'information, de déterminer dans quelle mesure notre infrastructure de télécommunication suffira à répondre aux futurs besoins des particuliers et des entreprises, partout au Canada, et d'étudier comment notre cadre politique et réglementaire actuel pourrait être amélioré afin de mieux satisfaire ces exigences.

2.

Le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (le Conseil ou le CRTC) accueille cette initiative du gouvernement du Canada et espère qu'elle donnera lieu à une discussion éclairée et stimulante sur ces importantes questions.

3.

Les télécommunications, comme le transport, ont toujours été d'une importance vitale pour les Canadiens.1 En raison de la grande superficie du territoire et du fait que la population est relativement dispersée, elles ont permis de maintenir des liens économiques et sociaux importants pour la vie de notre nation. Maintenant plus que jamais, elles servent de base à la participation du Canada au marché mondial de l'information et elles offrent aux Canadiens de toutes les régions de nouvelles occasions de participer à la « nouvelle économie », peu importe où ils se trouvent.

4.

Malgré la complexité des dossiers sur lesquels se penche le Groupe d'étude sur le cadre réglementaire des télécommunications, et les nombreuses questions importantes soulevées dans son document de consultation, certains objectifs très généraux recueillent probablement un vaste soutien : les Canadiens veulent avoir accès à des services de télécommunication de grande qualité, à des prix raisonnables; le Canada veut être à l'avant-garde du développement technologique et nous voulons participer à fond à la nouvelle économie.

5.

La grande question sur laquelle doit se pencher le Groupe d'étude sur le cadre réglementaire des télécommunications est celle de savoir comment atteindre ces importants objectifs économiques et sociaux.

6.

À titre d'organisme de réglementation indépendant chargé de l'interprétation et de l'application de la législation canadienne en matière de télécommunications depuis trois décennies, le Conseil est bien en mesure de nous renseigner au sujet des répercussions des réformes législatives éventuelles sur la réglementation.

7.

Articulé dans cette optique, le document de discussion du Conseil traite de l'évolution de la législation sur les télécommunications au Canada et de son influence sur le cadre réglementaire. Il décrit ce qui a fonctionné et ce qui n'a pas fonctionné. Il décrit la situation en 1993, lorsque la législation a été substantiellement remaniée pour la dernière fois, et la situation actuelle, ce qui a été accompli et ce qu'il reste à faire. Le principe traditionnel d'un service universel offert à un prix juste et raisonnable est-il toujours pertinent en 2005, ou peut-on s'en passer? Les compagnies de téléphone titulaires devraient-elles être déchargées de leur obligation d'offrir un service? Les restrictions législatives imposées à l'égard des taux discriminatoires ou préférentiels, ou des modalités de service devraient-elles être levées? Les consommateurs ont-ils besoin d'une protection supplémentaire contre les pratiques commerciales des entreprises - ou les lois d'application générale suffiront-elles? Les entreprises et les fournisseurs de services à qui on refuse l'accès aux réseaux des autres entreprises devraient-ils pouvoir solliciter un redressement auprès d'un organisme de réglementation spécifique - comme le CRTC - ou bien l'intérêt public sera-t-il mieux servi par les tribunaux ou par le Tribunal de la concurrence.

8.

Le Conseil espère faire avancer le débat sur ces questions et sur d'autres en trouvant des solutions et en étudiant leurs répercussions possibles.
 

D'où venons-nous et où allons-nous?

9.

Avant d'envisager l'avenir, il est utile de se tourner vers le passé pour voir comment notre approche à l'égard de la réglementation des télécommunications a évolué au fil des ans. Cet exercice est utile parce qu'il permet d'expliquer certaines caractéristiques de notre cadre législatif actuel. Il facilite le processus qui consiste à concilier les objectifs politiques historiques et les dispositions législatives et offre un cadre intellectuel pour établir si les objectifs politiques en question sont toujours valables dans l'environnement actuel. Il est utile de regarder en arrière pour voir si les dispositions législatives pertinentes ont eu l'effet recherché à l'origine. À partir de ce cadre, il est aussi possible de déterminer si d'autres dispositions législatives, ou des lois d'application générale, permettraient de mieux atteindre les objectifs politiques pertinents.

10.

En menant à bien cet exercice, il est important de comprendre qu'un texte législatif est l'expression formelle d'une politique législative et qu'avant de pouvoir rédiger un texte législatif, il faut déterminer quelle politique on cherche à mettre en œuvre.2 C'est alors aux rédacteurs législatifs de veiller à ce que la législation corresponde exactement à la politique législative et c'est aux tribunaux ou aux organismes de réglementation désignés d'interpréter et d'appliquer la législation.

11.

Il ne faut donc pas mettre la charrue avant les bœufs lorsqu'il s'agit de décider ce qui doit être changé. Est-ce la politique législative qui n'est plus pertinente? Est-ce la législation elle-même qui ne permet pas de mettre en œuvre une politique législative pertinente? Ou bien le CRTC ou les tribunaux ont-ils mal interprété la législation, de manière à atténuer ou à bloquer l'esprit de la loi?

12.

Voilà les questions qui doivent être posées lorsqu'il s'agit de déterminer à quel point notre cadre législatif et réglementaire applicable aux télécommunications répondra aux exigences canadiennes au cours de la prochaine décennie. Avant de reformuler certaines parties de la Loi sur les télécommunications, ou avant de laisser tomber des dispositions qui en font partie depuis longtemps, il faut veiller à se rapprocher de l'objectif politique sous-jacent et déterminer si cet objectif reste valable aujourd'hui. Ce n'est qu'après qu'un débat intelligent peut avoir lieu quant aux diverses options qui permettront de mieux donner effet à cette politique.

13.

Le Conseil est lui-même issu d'un texte législatif. Il se fonde sur la législation telle que rédigée et cherche à donner effet aux politiques qui y sont exprimées. Le pouvoir discrétionnaire confié au Conseil pour l'administration de la Loi sur les télécommunications varie beaucoup dans différentes parties de la Loi. Il peut déterminer si les tarifs d'une entreprise de télécommunication sont « justes et raisonnables », mais il ne peut pratiquement rien décider en ce qui concerne les restrictions relatives à la propriété étrangère. Lorsque des parties touchées par des décisions du Conseil sont d'avis que l'organisme de réglementation a outrepassé ses pouvoirs de réglementation, ou qu'il a mal interprété la législation applicable, les tribunaux vérifient qu'il s'est bien conformé à ses obligations. Si des parties sont d'avis que le Conseil a mal interprété les objectifs de la politique de télécommunication qui sous-tendent la Loi, elles peuvent présenter une demande écrite au gouverneur en conseil pour qu'il modifie la décision en question, l'annule ou la renvoie au CRTC pour réexamen. Le gouverneur en conseil peut également procéder ainsi de sa propre initiative et il détient le pouvoir supplémentaire de donner au Conseil des orientations à l'égard de questions stratégiques générales. Même s'il n'a jamais été utilisé en rapport avec les télécommunications, ce dernier pouvoir donne l'occasion de préciser des points de la politique gouvernementale qui ne sont pas clairement décrits dans la législation elle-même.

14.

La législation applicable est donc essentielle pour confier au Conseil le rôle de principal organisme de réglementation des entreprises canadiennes de télécommunication et, dans une moindre mesure, des fournisseurs de services de télécommunication. Elle définit à la fois le champ de compétence du Conseil et la portée de ses pouvoirs de réglementation ou juridiques. Elle oriente la politique au moyen des objectifs spécifiques de l'article 7 de la Loi, ainsi qu'au moyen de certains articles en particulier.
 

Évolution de la législation et de la politique canadiennes en matière de télécommunications

15.

Dans un sens large, l'évolution d'un monopole vers une structure plus concurrentielle caractérise depuis un siècle le secteur des télécommunications au Canada. Durant les différentes phases de cette évolution, la législation applicable en matière de télécommunications a donné corps aux règles qui étaient nécessaires pour permettre de poursuivre certains objectifs stratégiques du gouvernement et de concilier les intérêts des fournisseurs et des utilisateurs de services de télécommunication.

16.

Au bout d'une période initiale d'environ vingt-six ans (de 1880 à 1906) durant laquelle la structure de l'environnement de la fourniture du service téléphonique au Canada était relativement inexistante, nous avons connu la première phase de réglementation globale. Caractérisée par la fourniture monopolistique des services téléphoniques et par la réglementation indépendante des compagnies de téléphone en vertu de la Loi sur les chemins de fer, cette première phase aura duré quatre-vingt-sept ans, soit de 1906 à 1993. Durant les dernières années de cette phase, et plus particulièrement après 1976, où les pouvoirs du Conseil ont été étendus aux télécommunications, une certaine concurrence avait été autorisée dans la fourniture de services de télécommunication autres que les services de base, mais le monopole des compagnies de téléphone dans la fourniture des services téléphoniques de base est resté pratiquement intact.3

17.

La transition du secteur des télécommunications, dont la structure était surtout monopolistique, vers une structure de libre concurrence a été la deuxième phase du processus évolutif. Quoique ce processus ait commencé vers la fin des années 1970, et qu'il ait fait l'objet d'examens au cas par cas en ce qui concerne les services de télécommunication autres que de base, ce n'est qu'au moment de l'adoption de la Loi sur les télécommunications, en 1993, que le cadre législatif a été modifié de manière à encourager — voire même à exiger — la poursuite d'une structure plus concurrentielle pour la fourniture des services de télécommunication au Canada.

18.

Cette deuxième phase a été caractérisée par un mélange de concurrence et de réglementation. On a compris dès le départ qu'il n'y aurait pas de coupure franche entre la décennie de structure monopolistique et la nouvelle industrie pleinement concurrentielle, et qu'il faudrait conserver la réglementation pour protéger les intérêts des utilisateurs dans cet environnement hybride. En raison de la nature très interdépendante des réseaux de télécommunication, on a également reconnu qu'il faudrait mettre en place une surveillance réglementaire, tant pour gérer la transition que pour veiller en permanence à ce que l'objectif de la connectivité entre les réseaux et d'autres objectifs de politique publique continuent d'être atteints. Comme il en est question plus loin dans le présent document, le cadre de la Loi sur les télécommunications a été façonné de manière à doter le Conseil des mêmes pouvoirs dont il a toujours joui pour réglementer la fourniture des services de télécommunication, plus quelques nouveaux pouvoirs lui permettant de mieux gérer l'environnement hybride qui prendrait forme.
 

Ère du monopole

19.

Pendant la plus grande partie du siècle dernier, la politique de télécommunication au Canada a été axée sur l'expansion d'un service téléphonique fiable, de grande qualité, offert aux Canadiens à un prix raisonnable dans toutes les régions du Canada. En général, pour atteindre cet objectif, on a eu recours au monopole réglementé par le gouvernement. On pensait alors que la meilleure façon d'atteindre cet objectif consisterait à exploiter les économies d'échelle et à éviter la reproduction coûteuse d'installations au sein de ce qui était considéré comme un « monopole naturel ».

20.

Aux États-Unis, on considère généralement que c'est Theodore Vail qui est parvenu à convaincre les organismes de réglementation étatiques de négocier avec son entreprise, AT&T Long Lines, une « entente réglementaire » destinée à regrouper une multitude d'entreprises téléphoniques locales indépendantes dans des monopoles régionaux intégrés qui seraient reliés par son entreprise, Long Lines. En échange de cette franchise monopolistique, Vail a accepté d'étendre le service téléphonique aux résidants des territoires visés par l'entente et de se soumettre à la réglementation imposée par le gouvernement. De 1915 à 1925, les circonscriptions locales concurrentes, qui avaient été la norme dans les grands centres urbains américains, ont été fusionnées en monopoles territoriaux et rattachées à un système national. La réglementation a servi à protéger le monopole, ainsi qu'à offrir un substitut pour les aspects incitatifs des prix et des services concurrentiels.4

21.

Au Canada, nos monopoles régionaux se sont formés de manière plutôt différente - mais le résultat était sensiblement pareil. Même si Bell Canada a initialement établi des réseaux dans diverses régions du Canada, elle a donné l'impression de ne pas accorder d'attention à l'Ouest, ce qui a amené les gouvernements de l'Alberta, de la Saskatchewan et du Manitoba à acheter les actifs de Bell Canada dans ces provinces et à mettre sur pied leurs propres entreprises de service téléphonique régional en 1907 et en 1908. Bell Canada avait aussi vendu ses intérêts dans les provinces de l'Atlantique à des investisseurs privés. De nombreuses compagnies locales indépendantes de téléphone ont aussi émergé dans certaines parties du Canada qui étaient peu ou pas desservies par Bell Canada ou par les autres compagnies de téléphone. Environ 850 de ces entreprises indépendantes étaient encore en exploitation lorsque, en 1976, le CRTC a vu son champ de compétence s'étendre pour inclure la réglementation des télécommunications. Depuis lors, les entreprises indépendantes continuent de fusionner en compagnies régionales de grande taille. En fait, il ne reste plus que 38 compagnies de téléphone indépendantes au Québec et en Ontario, et une seule en Colombie-Britannique.

22.

Contrairement à la croyance populaire, le Canada n'a pas commencé par offrir des services de télécommunication monopolistiques. En plus des lignes télégraphiques concurrentielles longeant les servitudes des voies ferroviaires concurrentes, il existait dans de nombreuses zones urbaines une concurrence vigoureuse dans la prestation des services locaux. Le problème venait du fait que les réseaux concurrentiels n'étaient habituellement pas interconnectés, ce qui empêchait les clients de systèmes concurrents de se parler. Même si Bell Canada possédait une charte nationale lui permettant d'offrir le service téléphonique partout au Canada, d'autres fournisseurs ont fait leur apparition dans de nombreuses régions. Dans certains cas, c'était à cause d'un manque d'attention de la part de Bell Canada, et dans d'autres cas, c'était simplement une réaction d'affaires - résultant du désir d'offrir un service concurrentiel à meilleur prix.

23.

Dans son livre intitulé « A voice from afar: the history of telecommunications in Canada », Robert Collins a décrit comme suit l'état de la concurrence téléphonique en 1902 :
 

Cette année-là, en 1902, Fort-William et Port-Arthur ont activé des systèmes téléphoniques municipaux faisant concurrence à Bell. Un comité civique à Saint John, au N.-B., a recommandé de faire de même. Peterborough a accordé une franchise à une entreprise indépendante. Ottawa et London n'ont renouvelé la franchise de Bell qu'après une amère controverse. Même l'immortelle Brantford a refusé de renouveler la franchise exclusive, après tout ce qu'avait fait Alec Bell pour la mettre sur la carte. La concurrence était si féroce que dans certaines régions les monteurs de lignes coupaient les poteaux des entreprises rivales. En 1905, la Dominion Grange, une association agricole, et la Conférence des maires du Dominion réclamaient que les lignes téléphoniques interurbaines relèvent du gouvernement fédéral. Les trois provinces des Prairies rongeaient leur frein sous le joug de Bell.5 (traduction libre).

24.

Avant l'adoption de la Loi sur les télécommunications en 1993, la Loi sur les chemins de fer renfermait les principales dispositions de fond applicables à la réglementation des télécommunications au palier fédéral au Canada.6 La Loi sur les chemins de fer a été modifiée pour la première fois pour s'appliquer au service téléphonique en 1906, mais dès les années 1880, le gouvernement fédéral avait limité sa compétence sur le marché du service téléphonique, d'abord en 18807 en constituant Bell Canada en société conformément à une loi du Parlement, puis en 1892, en interdisant à l'entreprise d'augmenter ses tarifs sans l'approbation du gouverneur en conseil. Il en a résulté un « plafonnement des prix » qui a duré dix ans. En 1902, la Loi spéciale de Bell Canada a aussi été modifiée afin d'imposer « l'obligation de servir ». Fait intéressant, cette obligation législative, signe avant-coureur de notre politique de service universel, renfermait aussi un volet portant sur la qualité du service :
 

Sur la demande de toute personne, compagnie ou corporation dans une cité, ville ou village, ou autre territoire, où il se donne un service général et où un téléphone est demandé pour quelque objet légitime, la compagnie devra, avec toute diligence raisonnable, fournir des téléphones du dernier type amélioré dont fera alors usage la compagnie dans la localité, et un service de téléphone pour les propriétés situées sur toute voie publique, rue, ruelle ou autre lieu, sur ou sous lesquels la compagnie a établi ou pourra établir ci-après un service ou système principal ou d'embranchement de téléphone, sur l'offre ou le paiement semi-annuel et d'avance des taux légaux; pourvu que l'instrument ne soit pas placé au-delà de deux cents pieds de la voie publique, rue, ruelle ou autre lieu.8

25.

Après un certain nombre d'années plutôt tumultueuses de réglementation directe par le gouverneur en conseil, le Parlement a adopté en 1906 un projet de loi suivant lequel Bell Canada et toutes les autres compagnies de téléphone de charte fédérale relevaient de la compétence de la Commission des chemins de fer du Canada, projet de loi qui donnait à la Commission le pouvoir de réglementer toutes les taxes, tous les contrats et toutes les ententes téléphoniques de ces entreprises.

26.

La Loi sur les chemins de fer a été remaniée en 1919 et elle est restée en grande partie telle quelle pendant soixante-quinze ans par la suite, jusqu'à ce que la Loi sur les télécommunications soit adoptée en 1993. En vertu de la Loi sur les chemins de fer, seulement six articles de fond et deux articles interprétatifs (articles 335 à 341) étaient applicables exclusivement aux compagnies de téléphone. Les autres articles applicables étaient les dispositions ferroviaires adaptées aux télécommunications en vertu de l'article 339 de la Loi sur les chemins de fer. Chose étonnante, avec seulement six dispositions de fond applicables spécifiquement au service téléphonique, la Commission des chemins de fer, la Commission canadienne des transports et le CRTC (ci-après désignés collectivement le Conseil) ont successivement réglementé les entreprises de télécommunication relevant du gouvernement fédéral, y compris les deux plus grandes compagnies de téléphone du Canada, pendant quatre-vingt-sept ans.

27.

Dans ses dispositions de base, la Loi n'énonçait pas expressément des objectifs stratégiques comme le fait aujourd'hui la Loi sur les télécommunications à l'article 7. Toutefois, il est possible d'en dégager trois objectifs stratégiques distincts.

28.

Le premier principe est celui du service universel. Ce principe, qui donnait corps au « marché » conclu entre le gouvernement et la compagnie de téléphone, obligeait celle-ci à fournir aux utilisateurs dans son territoire d'exploitation un service de qualité supérieure à des taux abordables. En contrepartie, la compagnie de téléphone était assurée d'un rendement juste sur les capitaux qu'elle avait investis pour tenir la part de sa promesse. Ce principe, élaboré par les organismes de réglementation et les tribunaux, a été dérivé de la disposition qui prévoit, dans la Loi sur les chemins de fer, que toutes les taxes, ou tarifs, doivent être « justes et raisonnables ». Ce principe a été consacré dans des dispositions qui exigeaient que tous les tarifs soient déposés auprès du Conseil pour son approbation préalable, et qui conféraient au Conseil de vastes pouvoirs l'autorisant à approuver ces tarifs, à les rejeter, à les modifier, à les remplacer ou à en reporter l'entrée en vigueur.

29.

Le deuxième principe obligeait les compagnies de téléphone à traiter leurs abonnés de façon équitable et sans discrimination. Il s'agissait d'un principe important, car sans lui, les abonnés n'auraient joui d'aucun pouvoir de compensation pour composer avec le fournisseur monopolistique. Une interdiction statutaire donnant corps au principe obligeait la compagnie de téléphone à éviter, en ce qui concerne les tarifs ou les services ou installations qu'elle fournissait, d'établir de discrimination injuste contre une personne ou une compagnie quelconque, d'instaurer ou d'accorder une préférence ou un avantage indu ou déraisonnable à l'égard ou en faveur d'une personne ou d'une compagnie ou d'un trafic donné, et de faire subir à cette personne, à cette compagnie ou à ce trafic un désavantage ou préjudice indu ou déraisonnable. Cette interdiction était renforcée par l'imposition du fardeau de la preuve aux entreprises de télécommunication — lesquelles devaient prouver que cette discrimination n'était pas injuste ou que cette préférence n'était pas indue ou déraisonnable, selon le cas — et par le fait qu'elle conférait au Conseil les mêmes vastes pouvoirs dont il jouissait à l'égard des tarifs, c'est-à-dire de tirer des conclusions et de faire exécuter ces exigences. Une mesure de protection du consommateur est venue renforcer la consécration du principe d'équité : elle exigeait que le Conseil approuve au préalable toute clause de limitation de responsabilité qui serait prévue dans un contrat de services de télécommunication.

30.

Le troisième principe consacré dans la Loi sur les chemins de fer concernait la connectivité des réseaux. On a reconnu très tôt dans l'évolution du système téléphonique que son utilité serait grandement améliorée si les clients des différents réseaux pouvaient communiquer entre eux. Il s'agissait d'un point important, même dans un environnement monopolistique, en raison de la présence de monopoles régionaux et de centaines de compagnies de téléphone indépendantes. Le point était important également pour la fourniture des télécommunications internationales. Ce principe a pris forme dans une disposition statutaire qui autorisait toute compagnie de téléphone réglementée (par une province, une municipalité ou le gouvernement fédéral) à présenter une demande de redressement au Conseil si elle désirait une interconnexion avec une compagnie de téléphone réglementée par le gouvernement fédéral, mais ne pouvait pas s'entendre sur l'interconnexion ou les modalités. Le Conseil s'est vu conférer de vastes pouvoirs pour accorder l'interconnexion, établir les modalités et les conditions, fixer la compensation et imposer les normes d'interconnexion dans ces cas. Il a également reçu le pouvoir d'examiner et d'approuver — ou rejeter — toutes les ententes d'interconnexion entre les entreprises de télécommunication.

31.

La Loi sur les chemins de fer était importante pour l'établissement d'un modèle de réglementation par une agence réglementaire indépendante. L'identité de cette agence a changé trois fois depuis 1906, mais le modèle a survécu. Depuis près de cent ans, il incombe à cette agence d'interpréter la Loi et de concilier les intérêts des utilisateurs et ceux des fournisseurs de services de télécommunication. Ce modèle conférait à l'organisme de réglementation une grande discrétion dans l'exécution de son mandat; en effet, l'organisme pouvait interjeter appel devant le gouverneur en conseil et devant les tribunaux sur des questions de loi et de compétence.

32.

Les principes de la réglementation du taux de rendement, qui s'appliquaient aux entreprises de télécommunication jusqu'à récemment, ont été élaborés par les organismes de réglementation et les tribunaux en conformité avec le principe du service universel, par l'entremise du processus d'approbation des tarifs, et en tenant compte de l'exigence que tous les tarifs soient justes et raisonnables. Le service consistait en l'accès au réseau et en son utilisation, de même qu'en l'utilisation du téléphone proprement dit.9 Les tarifs étaient fixés en tenant compte de leur abordabilité pour les consommateurs et les entreprises, et en vue de générer un rendement suffisant pour permettre au monopole de continuer d'investir dans les installations et l'équipement nécessaires à la prestation d'un service très répandu et de qualité. On fixait les prix de manière à rendre l'accès au service téléphonique local de base abordable pour le plus grand nombre possible de consommateurs. On a approuvé des prix plus élevés pour l'interurbain et d'autres services « facultatifs » dans le but de compenser tout manque à gagner qui serait attribuable à la fourniture de services téléphoniques locaux à faible coût dans les zones de desserte à coût élevé. Cette pratique a donné lieu à une structure tarifaire plutôt complexe qui donnait corps à un système d'interfinancement interne par service et par région. Elle a également eu pour résultat de créer un cadre réglementaire qui nécessitait l'intervention de l'organisme de réglementation dans la structure tarifaire, dans la supervision des travaux de construction et de mise à niveau des réseaux, et dans l'examen des prévisions de dépenses et de revenus de l'entreprise.

33.

Ce modèle de monopole réglementé a contribué grandement à l'atteinte de l'objectif du service universel. Le taux de pénétration du service téléphonique au pays compte parmi les plus élevés au monde, le prix du service étant parmi les plus bas. Le modèle de monopole réglementé a aussi introduit une norme très élevée de service téléphonique. Ces résultats, qui ont haussé le Canada au rang des chefs de file mondiaux de la fourniture de services de télécommunication, étaient d'autant plus remarquables que la taille du pays était vaste, sa densité de population faible, sa topographie difficile et son climat aride.

34.

Malgré cette réussite, des pressions en faveur d'un changement de la structure de notre système de télécommunication ont commencé à se faire sentir durant les années 1970. La technologie évoluait et laissait entrevoir l'avènement d'une plus grande variété de services; elle a même fini par déclencher une remise en question de la légitimité de la théorie du « monopole naturel ». L'introduction aux États-Unis de services concurrentiels et d'options pour l'équipement a fait voir aux entreprises et aux consommateurs canadiens qu'il était possible d'aspirer à une plus grande sélection de services et d'équipements à des prix moins élevés — autant d'avantages qu'offrait déjà le modèle de plus en plus concurrentiel de notre voisin du Sud. En outre, les frais inférieurs aux États-Unis pour les services interurbains et l'équipement de télécommunication d'affaires ont amené les compagnies canadiennes à réclamer des changements. Les revendications se sont intensifiées à mesure que l'on prenait de plus en plus conscience de l'importance des télécommunications pour l'économie, et de la structure comparative des coûts au Canada par rapport à celle des entreprises concurrentes aux États-Unis. Le système d'interfinancement qui avait soutenu la quête réussie du service téléphonique universel au Canada était devenu une arme pour ceux qui clamaient l'introduction de la concurrence. Ceux-ci pouvaient blâmer les frais interurbains et les coûts des télécommunications d'affaires plus élevés au Canada (qui subventionnaient implicitement le service dans les régions rurales et le service local de résidence) pour justifier un changement dans la structure de l'industrie et dans notre façon de la réglementer.

35.

À partir de la fin des années 1970 et jusqu'à l'adoption en 1993 de la Loi sur les télécommunications, le Conseil a commencé à recevoir des demandes visant l'introduction de la concurrence dans différents secteurs du marché des télécommunications. Il traitait ces demandes selon leur bien-fondé, au cas par cas, en soupesant les avantages et les inconvénients que présentait l'introduction de la concurrence dans le secteur en question.

36.

Le principe d'équité a occupé une place importante dans ce processus. Bien que les dispositions non discriminatoire prévues dans la Loi sur les chemins de fer étaient issues des lois sur le transport pour compte d'autrui qui s'appliquaient à l'industrie des transports, le Conseil les a adaptées, durant les années 1970 et 1980, et en a fait un mécanisme important de mise en œuvre d'une certaine concurrence dans le marché des télécommunications.

37.

À commencer par l'affaire Challenge Communications en 1977, le Conseil a interprété la disposition non discriminatoire prescrite dans la Loi sur les chemins de fer comme interdisant à une compagnie de téléphone réglementée de se conférer un avantage indu ou déraisonnable (au lieu de restreindre le sens aux préférences accordées à un tiers).10 Dans cette décision, le Conseil a jugé que Bell Canada avait enfreint cette disposition lorsqu'elle a refusé qu'un fournisseur concurrentiel de services radiotéléphoniques interconnecte son service et le réseau téléphonique public commuté pour pouvoir fournir à ses clients une nouvelle capacité de commutation. Le fait que Bell Canada permettait à son service radiotéléphonique de fonctionner de cette façon et qu'elle refusait la même possibilité à un concurrent a mené le Conseil à conclure qu'il y avait préférence ou avantage indu. Par suite de cette conclusion, Bell Canada a dû produire, pour la première fois, des normes et un tarif d'interconnexion. La Cour d'appel fédérale a confirmé cette interprétation de la disposition.11

38.

Cette importante application de la disposition a vite ouvert la porte à d'autres percées de la concurrence dans la recherche de personnes par radio,12 dans l'interconnexion de lignes directes,13 dans le raccordement de terminaux14 et dans les services améliorés, dits aussi évolués.15

39.

Le principe de connectivité et le pouvoir qu'avait le CRTC d'obliger les entreprises de télécommunication à interconnecter leurs réseaux ou lignes et les réseaux ou lignes d'autres entreprises, de fixer les modalités et d'approuver les ententes d'interconnexion, ont été, eux aussi, extrêmement importants pour l'évolution de l'industrie canadienne des télécommunications.

40.

Initialement, ces pouvoirs ont servi à assurer la connectivité entre les divers monopoles régionaux et les compagnies de téléphone indépendantes qui exploitaient dans les régions qu'ils desservaient. Le pouvoir d'examiner les ententes d'interconnexion permettait à l'organisme de réglementation de surveiller les ententes de partage des revenus entre les grandes compagnies de téléphone et les petites, et d'examiner les ententes qui entraient en vigueur entre les membres du Réseau téléphonique transcanadien (rebaptisé plus tard Telecom Canada, puis Stentor), mis sur pied en 1932.

41.

Étant donné que les compagnies de téléphone jouissaient de monopoles de fait sur les réseaux des services téléphoniques locaux et que nombre d'applications des services concurrents nécessitaient l'accès à ces réseaux pour faciliter les communications entre l'ensemble des utilisateurs de télécommunications, le pouvoir d'ordonner l'interconnexion était une arme à double tranchant qui pouvait être utilisée tantôt pour préserver le monopole, tantôt pour permettre à la concurrence de se développer. Avant 1979, l'année où le Conseil a ordonné pour la première fois à Bell Canada de permettre que CNCP Telecommunications interconnecte les lignes locales de Bell Canada et son réseau de lignes directes et de transmission de données pour que les abonnés n'aient plus besoin d'avoir deux téléphones,16 ce pouvoir avait généralement été utilisé pour exclure la concurrence. Cependant, à partir de 1979, le Conseil s'en est servi conjointement avec la disposition non discriminatoire pour transformer progressivement la structure monopolistique de l'industrie en une structure de libre concurrence. Ces pouvoirs ont été interprétés de manière à conférer au Conseil l'autorité de faire plus que simplement publier des ordonnances d'interconnexion : ils lui ont également permis d'établir des tarifs ainsi que des modalités et conditions d'interconnexion que les nouveaux venus n'auraient pas été capables d'obtenir du monopole en raison de leur faible pouvoir de négociation. Au fil du développement de réseaux de télécommunication de plus en plus complexes, ces dispositions ont permis au Conseil d'établir des ententes d'interconnexion de systèmes de signalisation, d'instaurer des normes d'interconnexion, et de ménager l'accès aux bases de données requises pour fournir des voies de communication fluides entre réseaux concurrents. Au cours des années subséquentes, ces dispositions ont également servi de fondement à l'élaboration de mécanismes visant la transférabilité des numéros et « l'égalité d'accès » pour les fournisseurs de services interurbains concurrents. Comme les compagnies de téléphone se sont opposées à la plupart de ces projets, il est à peu près certain que la concurrence n'aurait pas pu se développer sur une base commerciale si le Conseil n'avait pas joui de tels pouvoirs.

42.

En dépit des percées de la concurrence, et malgré l'adaptabilité de certaines dispositions de l'ancienne Loi sur les chemins de fer à de rôles nouveaux, la majorité des nouveaux services concurrentiels étaient connexes au service téléphonique local de base, n'entraînant donc pas de changement fondamental dans la structure de l'industrie. L'ancienne Loi sur les chemins de fer était incomplète à certains égards. Par exemple, la tentative du Conseil de s'abstenir de réglementer les tarifs facturés par certaines entreprises de services sans fil et par CNCP Telecommunications avait été invalidée par la Cour d'appel fédérale parce que la Loi ne conférait pas un tel pouvoir discrétionnaire au Conseil.17 En outre, on réclamait une déclaration plus claire de l'intention du législateur à l'égard de la structure de l'industrie.

43.

En 1987, la ministre des Communications a présenté un énoncé de politique qui visait un nouvel environnement de concurrence fondée sur les installations par des réseaux réglementés, et fondée sur les services par les revendeurs.18 La ministre énonçait également une nouvelle politique relative à la propriété canadienne, et indiquait que le gouvernement adopterait une loi pour donner effet à la politique. On s'apercevait de plus en plus qu'il faudrait des changements législatifs pour orienter la structure de l'industrie, et qu'il faudrait doter le Conseil de nouveaux pouvoirs pour gérer cet environnement, qui serait de nature hybride, composé d'un mélange de services concurrentiels et réglementés fournis par une variété d'entreprises et de revendeurs. C'est dans ce contexte que la Loi sur les télécommunications a été promulguée en 1993.
 

La Loi sur les télécommunications

44.

La Loi sur les télécommunications établissait un cadre pour assurer la transition ordonnée de l'industrie canadienne des télécommunications, dont la structure était surtout monopolistique et définie par un système de compagnies de téléphone interconnectées, vers une structure hybride plus concurrentielle se caractérisant par un plus large réseau composé d'entreprises dotées d'installations, de revendeurs et d'autres fournisseurs de services de télécommunication concurrents.

45.

Il importe de savoir, lorsqu'on examine les modifications législatives apportées par la Loi sur les télécommunications, que la nouvelle Loi n'a pas remplacé le cadre réglementaire existant. En fait, c'est tout à fait l'inverse : mises à part quelques légères modifications, la nouvelle Loi a conservé toutes les dispositions de fond de la Loi sur les chemins de fer, dont il est question plus haut. Ces dispositions de fond ont ensuite été complétées par l'ajout d'une série d'objectifs stratégiques explicites et de nouveaux pouvoirs conçus pour aider le Conseil à réglementer la nouvelle structure hybride de l'industrie et à gérer la transition de la réglementation de monopoles basée sur le taux de rendement, vers une formule de réglementation plus souple.

46.

Les objectifs stratégiques prévus à l'article 7 de la Loi sur les télécommunications sont traités un peu plus loin. Pour l'instant, cependant, il importe de savoir que ces objectifs appuient fortement le principe du service universel tout en encourageant l'industrie à se fonder davantage sur les forces du marché pour fournir les services de télécommunication, et en améliorant l'efficience et la compétitivité des télécommunications canadiennes aux niveaux national et international.

47.

La Loi sur les télécommunications a conféré au Conseil un nouveau pouvoir discrétionnaire lui permettant, en vertu de certains articles de la Loi, de s'abstenir de réglementer certains services lorsqu'il conclut comme question de fait qu'une abstention irait dans le sens des objectifs stratégiques des télécommunications canadiennes. Elle lui a imposé l'obligation de s'abstenir dans les cas où il conclut qu'un service ou qu'une catégorie de services de télécommunication fait l'objet — ou fera l'objet — d'une concurrence assez forte pour protéger les intérêts des utilisateurs. De plus, la Loi a confirmé expressément que le Conseil n'était pas tenu d'utiliser la réglementation basée sur le taux de rendement pour déterminer si les taux facturés par les entreprises canadiennes étaient justes et raisonnables, ce qui a ouvert la porte au plafonnement des prix ou à d'autres formes de réglementation basées sur des incitatifs. En outre, la Loi a complémenté le pouvoir de réglementer les tarifs qu'elle conférait au Conseil en prévoyant une nouvelle disposition qui l'habilitait à assortir de conditions l'offre et la fourniture de tout service de télécommunication par une entreprise canadienne.

48.

Un autre changement substantiel à la Loi sur les télécommunications consistait à imposer des restrictions à la propriété étrangère des entreprises canadiennes, qui étaient devenues partie intégrante de la politique de télécommunication du gouvernement en 1987.

49.

Conformément à l'énoncé de politique de 1987, la nouvelle législation était principalement axée sur la réglementation des entreprises de télécommunication canadiennes – caractérisées par le fait qu'elles étaient propriétaires ou exploitantes des « installations de transmission » employées, soit par elles-mêmes, soit par des tierces parties, pour offrir des services de télécommunication au public moyennant rétribution. Les revendeurs et autres fournisseurs de services qui utilisaient ces installations étaient largement exclus du champ de réglementation du Conseil, mais, d'après l'énoncé de politique de 1987, ils devaient quand même avoir accès aux réseaux des entreprises de télécommunication à des conditions justes et raisonnables. Or, en venant axer la réglementation sur les services que fournissent les entreprises canadiennes et en élargissant la définition d'installations de télécommunication de manière à y inclure tous les modes de fourniture, la Loi a appuyé implicitement, à l'égard des télécommunications, une approche réglementaire reposant sur la neutralité technologique.

50.

Les autres innovations de la Loi sur les télécommunications étaient les suivantes : le pouvoir du gouverneur en conseil de donner au CRTC des instructions exécutoires concernant la politique; le pouvoir du Conseil d'exempter toutes les entreprises canadiennes de télécommunication de l'application de la Loi; le pouvoir d'ordonner à une entreprise de télécommunication réglementée d'offrir certains types de services (généralement des services monopolistiques) d'une entreprise affiliée dans le cadre de ses activités réglementées, ou d'ordonner à une entreprise réglementée d'arrêter d'offrir des services concurrentiels; d'éclaircir la répartition de la compétence en vertu des lois sur les télécommunications et sur la radiodiffusion; le pouvoir d'interdire des communications non sollicitées et le pouvoir de dispenser les entreprises de télécommunication de l'interdiction législative d'influer sur le contenu des messages transmis ou de le limiter.

51.

Littéralement, la Loi sur les télécommunications de 1993 pourrait être considérée comme le prolongement des dispositions fondamentales de la Loi sur les chemins de fer, tout en offrant au Conseil une plus grande souplesse lui permettant de s'abstenir de réglementer certains aspects définis au fur et à mesure que se développent des marchés concurrentiels. Néanmoins, la Loi ne prévoyait pas la déréglementation générale de l'industrie des télécommunications. En effet, les pouvoirs d'abstention que lui confère l'article 34 ne s'appliquent qu'à cinq articles de la Loi. Aucun pouvoir discrétionnaire ne lui était imparti pour qu'il puisse s'abstenir de réglementer aux termes d'autres articles, comme l'article 40, qui porte sur l'interconnexion d'installations, et la Loi visait sans conteste le maintien d'un rôle de réglementation de l'industrie dans ce nouveau contexte hydride.
 

Gérer la transition vers des marchés concurrentiels aux termes de la Loi sur les télécommunications

52.

La Loi de 1993 offrait un cadre réglementaire pour gérer la transition de l'industrie canadienne des télécommunications d'un monopole vers un nouveau marché concurrentiel hybride. Tel qu'il est précisé plus haut, la Loi poursuivait entre autres objectifs de favoriser le libre jeu du marché dans la prestation des services de télécommunication et offrait une série d'outils de réglementation destinés à alléger le fardeau réglementaire, voire à permettre l'abstention de la réglementation à l'égard de certains pouvoirs qu'exerce le Conseil lorsque le libre jeu du marché suffirait à protéger les intérêts des utilisateurs à la place de la réglementation.

53.

Depuis douze ans, le cadre de réglementation a changé de façon substantielle. Certains des changements marquants sont abordés dans les paragraphes qui suivent.
 

Examen du cadre de réglementation

54.

Le 16 décembre 1992, juste avant l'entrée en vigueur de la Loi sur les télécommunications, le Conseil a amorcé une instance publique pour déterminer si le cadre réglementaire existant devrait être modifié à la lumière de l'évolution de l'industrie.19 Dans cette instance, le Conseil a noté que dans une économie axée sur l'information, une infrastructure moderne et efficiente de télécommunication constitue un élément et un véhicule fondamental pour ce qui est de la production et de la consommation de biens et services. Le Conseil a aussi noté que depuis quelques années, l'évolution de la technologie et la concurrence croissante avaient nettement modifié la nature de l'industrie des télécommunications, de sorte qu'en plus de répondre aux besoins fondamentaux de communication de tous les abonnés, les télécommunications sont devenues un outil de gestion de l'information ainsi qu'un outil d'amélioration de la productivité pour les entreprises. Ces changements ont permis aux compagnies de téléphone de développer une large gamme de nouveaux services audio, vidéo et de services de transmission de données haute vitesse pour satisfaire la demande des abonnés d'affaires et de résidence dans les marchés des services téléphoniques locaux et interurbains.

55.

En réponse à l'évolution de l'environnement, le Conseil a rendu un certain nombre de décisions favorisant la concurrence dans un certain nombre de segments de marché. Même si par suite de la concurrence accrue les compagnies de téléphone faisaient l'objet d'une plus grande discipline sur le marché, en 1992, elles ont continué à détenir le contrôle effectif de la fourniture des services d'accès au réseau et les services locaux, ainsi qu'à dominer le marché des services interurbains publics.

56.

Ce nouvel environnement des télécommunications a poussé le Conseil à sonder le public pour savoir si le cadre réglementaire de l'époque convenait le mieux pour servir l'intérêt public. Dans son avis public, le Conseil posait les questions ci-après, qui s'apparentent d'ailleurs à certaines des questions posées par le Groupe d'étude sur le cadre réglementaire des télécommunications dans le contexte de l'examen qu'il effectue actuellement :
 

(1) La forme de réglementation axée sur le monopole que le Conseil a adoptée depuis longtemps reste-t-elle la plus appropriée?

 

(2) Existe-t-il des solutions de rechange à la réglementation base tarifaire/taux de rendement qui donneraient aux compagnies de téléphone plus de souplesse pour ce qui est d'innover et de livrer concurrence tout en maintenant un équilibre entre les intérêts des abonnés, des actionnaires et des concurrents?

 

(3) Les compagnies de téléphone oeuvrant dans des marchés compétitifs devraient-elles jouir d'une plus grande souplesse du point de vue de la réglementation?20

57.

Dans sa décision de 1994 sur l'Examen du cadre de réglementation,21 le Conseil a établi un plan pour résoudre la question de l'interfinancement, pour éliminer les obstacles à l'entrée sur le marché local, pour ouvrir à la concurrence tous les segments restants du marché des télécommunications, y compris le marché local, pour favoriser l'ouverture de l'accès et la réciprocité entre les fournisseurs de services de télécommunication, y compris l'obligation imposée aux entreprises téléphoniques de dégrouper les tarifs pour faciliter l'interconnexion, pour diviser les bases tarifaires des compagnies de téléphone en deux segments -- « services publics » et « services concurrentiels » --, pour supprimer les services concurrentiels de la base tarifaire autorisée, et pour introduire la réglementation incitative des tarifs des services publics locaux en remplacement de la réglementation traditionnelle reposant sur les taux de rendement, pour établir les critères lui permettant de s'abstenir de réglementer des marchés suffisamment compétitifs et d'accroître les mesures de protection visant à prévenir les pratiques anticoncurrentielles des compagnies de téléphone.22

58.

Même si la décision relative au cadre de réglementation ne règle pas directement les questions de radiodiffusion, le Conseil a indiqué dans un communiqué apparenté que cette décision réglait des questions liées à la convergence :
 
  • les entreprises de câblodistribution seront autorisées à livrer concurrence dans le marché des services téléphoniques locaux, et ce, aux mêmes conditions que les autres fournisseurs;
 
  • on s'attend à ce que les câblodistributeurs et les compagnies de téléphone rivalisent en vue d'offrir un vaste assortiment de services d'information, y compris dans les domaines de la conception et de la distribution de services interactifs ou axés sur le contenu;
 
  • les compagnies de téléphone peuvent acheminer des émissions radiodiffusées jusqu'au foyer à titre d'entreprises de télécommunication opérant pour le compte de radiodiffuseurs autorisés (accès vidéo);
 
  • même si cette décision ne porte pas sur l'accès des compagnies de téléphone au marché des services de radiodiffusion autorisés, le Conseil a annoncé dans un avis public connexe que les compagnies de téléphone pouvaient maintenant entreprendre des essais technologiques de services de radiodiffusion de vidéo sur demande;
 
  • si un service est assimilé à de la radiodiffusion au sens de la Loi sur la radiodiffusion, les compagnies de téléphone ou leurs affiliées devront, à l'instar de tout autre fournisseur, demander une licence ou être admissibles à une exemption si elles désirent fournir ce service.23

59.

C'était un plan ambitieux. Comme on le verra ci-après, il n'était tout simplement pas possible de façonner un marché concurrentiel sans d'abord éliminer les effets qu'ont eu des décennies de structure monopolistique. Certains aspects du plan, comme la déréglementation de l'industrie des équipements terminaux pouvaient être mis en œuvre rapidement de manière isolée, alors que d'autres nécessitaient une série de réformes s'étalant sur plusieurs années.

60.

C'est particulièrement le cas de l'introduction de la concurrence locale, qui exigeait un travail important afin d'isoler et de quantifier le prix de revient du service local pour les compagnies de téléphone, pour déterminer et réduire le niveau des subventions, pour rajuster les tarifs sans imposer soudainement aux consommateurs un choc économique et pour repérer et isoler le coût des composantes réseau qui doivent être dégroupées afin de faciliter l'interconnexion avec les nouveaux venus. Dans certains cas, comme pour le plan triennal de « rééquilibrage » des tarifs des services locaux et interurbains des compagnies de téléphone, le moment a été choisi par le Conseil, alors que dans d'autres cas, comme pour l'établissement des tarifs basés sur les coûts pour le dégroupement des réseaux et la co-implantation, la tâche s'est révélée considérablement plus difficile que prévue et il a fallu tenir de nombreuses instances pour réussir. La mise en œuvre d'une réglementation par plafonnement des prix basé sur des incitatifs a aussi dû attendre que le processus de rééquilibrage soit terminé afin que les tarifs initiaux puissent être harmonisés avec les coûts. D'autres aspects du plan, comme le régime de contribution, ont fait l'objet d'un certain nombre de réformes entre-temps, au fur et à mesure que d'autres réformes ont rapproché les tarifs locaux des coûts. En raison de la nature dynamique de cette industrie mue par la technologie, les arrangements d'interconnexion ont aussi évolué au cours de cette période et les arrangements interentreprises ont dû être modifiés de temps en temps, pour suivre l'évolution technologique.

61.

L'OCDE a commenté ce processus pluriannuel dans son rapport de 2002 sur la Réforme de la réglementation dans l'industrie des télécommunications au Canada :
 

À première vue, il apparaît que le cadre réglementaire a évolué plutôt lentement au Canada. A titre d'exemple, le cadre régissant la concurrence sur le marché des services locaux a été présenté quatre ans après la loi sur les télécommunications de 1993, mais il n'était lui-même que très général et ne donnait pas les détails nécessaires à la mise en œuvre d'une concurrence dans ce domaine. Chacune des questions clés a cependant été abordée de façon méthodique. Ainsi, on a supprimé dans une large mesure les subventions de la boucle locale avant d'ouvrir celle-ci à la concurrence. Par ailleurs, les aspects techniques et opérationnels ont été confiés au Comité directeur sur l'interconnexion du CRTC, qui est composé de représentants de l'industrie, de groupes de consommateurs, de groupes d'intérêts sociaux et du CRTC. Cette procédure, plus lente et consensuelle, s'est vraisemblablement avérée plus fructueuse que celle de nombreux pays où l'entrée en vigueur rapide des réglementations, alors que plusieurs des mesures de sauvegarde réglementaires nécessaires n'étaient pas prêtes, a soulevé des difficultés considérables pour les nouveaux entrants. L'application de ces mesures dans le secteur des télécommunications a été beaucoup mieux organisée et moins problématique au Canada que dans plusieurs pays de l'OCDE. Cela dit, maintenant que les éléments fondamentaux sont en place, il doit être possible d'accélérer le changement dans les domaines où il est nécessaire.24

 

Rapprochement des tarifs et des coûts et rationalisation des subventions

62.

Un des plus gros obstacles à l'avènement de marchés concurrentiels au Canada a été le système complexe d'interfinancement interne qu'avaient constitué les structures tarifaires des compagnies de téléphone pendant les quatre-vingt-cinq années de réglementation du taux de rendement et de tarification basée sur la valeur du service. Ce système avait engendré une tarification inférieure aux coûts dans de nombreux marchés de services locaux, ce qui rendait l'arrivée de nouveaux concurrents sur le marché improbable, ainsi qu'une tarification bien supérieure aux coûts sur le marché de l'interurbain, ce qui rendait le marché concurrentiel attrayant pour les nouveaux venus, mais pas nécessairement de façon efficiente sur le plan économique ou à des conditions équitables pour les compagnies de téléphone titulaires, dont les tarifs interurbains intégraient ces subventions implicites aux services locaux.

63.

Afin de s'attaquer à ce problème très complexe, le Conseil a entamé un processus de réforme réglementaire en 1992, avant l'entrée en vigueur de la nouvelle Loi. Un peu plus tôt la même année, il avait ouvert le marché de l'interurbain à la concurrence et avait mis en place des mécanismes pour faire en sorte que les nouveaux venus contribuent également au coût des services téléphoniques locaux de niveau universel en acquittant des frais de « contribution ». À ce moment-là, le niveau total de contribution requis, exception faite des provinces des Prairies et des compagnies de téléphone indépendantes qui ne relevaient pas encore du CRTC, s'élevait à plus 2,8 milliards de dollars. Cela équivalait à une subvention ou une « contribution » combinée comprise entre 14 et 19 cents par minute pour deux parties d'un appel interurbain, selon la ou les provinces de départ et d'arrivée de l'appel.25

64.

Dans sa décision, le Conseil a dû tenir compte du juste équilibre à atteindre entre les principes du service universel et la nécessité de promouvoir l'efficience économique dans le marché des télécommunications. Il a établi que la subvention du service local par l'interurbain était beaucoup plus élevée que ne l'exigeait le maintien d'un accès abordable et qu'elle imposait un fardeau inéquitable et inutile à un grand nombre d'utilisateurs de l'interurbain. Le Conseil avait également relevé les répercussions négatives que cette situation pourrait avoir sur les « entreprises fortement tributaires des services d'information ». Le plan de rééquilibrage des tarifs adopté par le CRTC en 1994 prévoyait une hausse du tarif du service local de 2,00 $ par mois en 1995, 1996 et 1997 pour les secteurs de résidence et d'affaires.26

65.

Pendant ce temps, le Conseil a poursuivi plusieurs autres initiatives conçues pour supprimer le lien de longue date entre les tarifs locaux et interurbains des compagnies de téléphone et pour déterminer plus précisément le prix de revient de la fourniture du service téléphonique local dans les régions urbaines et rurales du pays. Parmi ces initiatives, il y a eu un examen approfondi de la répartition des coûts et des méthodes d'établissement des coûts qu'utilisent les compagnies de téléphone pour un large éventail de services (Enquête sur le prix de revient - phase III), et le « partage » ultérieur de la base tarifaire des compagnies de téléphone entre les services publics, qui comprenaient les services monopolistiques encore assujettis à la réglementation tarifaire, et les services concurrentiels, qui comprenaient les services interurbains de transmission de la voix et de données et d'autres services de télécommunication fournis sur une base concurrentielle. Les subventions implicites entre les services locaux et interurbains ont été ensuite calculées par minute et explicitées dans un tarif d'accès des entreprises aux services publics, qui s'appliquait à la fois aux services interurbains des compagnies de téléphone et à ceux de leurs concurrents. Même si les compagnies de téléphone n'avaient pas à séparer leurs services concurrentiels du segment des services publics d'un point de vue structurel, elles devaient néanmoins imputer les coûts d'accès des entreprises, notamment le paiement des contributions, à leurs tarifs interurbains et comptabiliser ces recettes dans le segment des services publics.

66.

Avec l'arrivée potentielle de la concurrence locale en 1997, ce régime a été affiné pour permettre aux entreprises concurrentes d'avoir accès aux fonds de contribution lorsqu'elles fournissaient des services dans des zones de desserte à coût élevé. Le CRTC a agi de la sorte pour tenir compte du fait que la concurrence ne se développerait pas dans ces régions si seuls les services offerts par les compagnies de téléphone étaient subventionnés. Cette réforme a nécessité un calcul approfondi des coûts afin qu'il soit possible de déterminer à combien revenait aux compagnies de téléphone la fourniture du service téléphonique local dans différentes régions de leurs territoires d'exploitation où les structures de coûts étaient similaires. On a ensuite établi les prix de revient associés à la fourniture des services dans ces « tranches de tarification » et on les a comparés au tarif facturé afin d'obtenir le montant de contribution reçu par les compagnies de téléphone, montant qui devrait donc être accordé aux concurrents. La Loi sur les télécommunications a été modifiée en 1998 de manière à permettre la nomination d'un administrateur indépendant des fonds de contribution chargé d'administrer la collecte de ces fonds auprès des entreprises concurrentes et d'effectuer les paiements adéquats aux bénéficiaires admissibles qui fournissent des services locaux dans des zones de desserte à coût élevé.27 La subvention par voie de contribution est liée aux lignes d'accès dans les régions de desserte à coût élevé et est versée à l'entreprise choisie par le client. Lorsqu'un client décide de changer d'entreprise, la contribution est alors versée à la nouvelle entreprise.

67.

L'étendue des services devant payer une contribution a également été élargie en 1997 de manière à inclure, dans la liste de ces services, un large éventail de services interurbains, dont l'interurbain sans fil.28 Cet élargissement de la base a permis d'alléger le fardeau de la contribution qui pesait sur les services filaires interurbains et a entraîné d'autres réductions de prix des appels interurbains.

68.

Finalement, en 2000, on a complètement supprimé le lien existant entre les services locaux et interurbains en remplaçant le régime de contribution fondé sur les minutes d'interurbain par un régime de contribution fondé sur les revenus de télécommunication générés par l'ensemble des fournisseurs de services de télécommunication (ce régime exclut les revenus attribuables à l'équipement, aux services Internet de détail et aux services de radiomessagerie).29 Cet important élargissement de la base des services devant payer une contribution a permis d'abaisser les taux de contribution à un niveau où ils n'ont plus une incidence significative sur le prix des services interurbains ou de tout autre service de télécommunication.

69.

Les résultats de ce processus plutôt ardu ont été impressionnants. Les services téléphoniques locaux sont maintenant offerts à la plupart des Canadiens à des tarifs basés sur les coûts, qui n'exigent aucune contribution. Dans les régions du Canada qui sont encore considérées comme des zones de desserte à coût élevé, les subventions ont été calculées et on les a rendues transférables. Toutefois, même dans ces régions, les tarifs ont été ramenés presque au niveau des coûts dans toutes les tranches sauf dans celles à coût très élevé. En gros, le montant des contributions nécessaire à l'échelle du Canada est passé d'environ 3,5 milliards de dollars en 1993 à environ 240 millions de dollars en 2004, ce qui représente une baisse de plus de 93 p. 100. La plus grande compagnie de téléphone du Canada, Bell Canada, a vu sa contribution passer de plus de 2 milliards de dollars en 1993 à 46 millions de dollars en 2004, ce qui représente une chute de plus de 97 p. 100. Depuis que le régime de contribution fondé sur les minutes d'interurbain a été converti en un régime fondé sur les revenus de télécommunication, la contribution en tant que pourcentage de revenus provenant des services de télécommunication admissibles à une contribution a constamment baissé chaque année, passant de 4,5 p. 100 en 2001 à 1,1 p. 100 en 2004.30 Il est important de souligner que ce processus pluriannuel qui comporte plusieurs volets a été mené à bien sans baisse significative de l'accessibilité aux services de télécommunication au Canada.
 

Ouverture à la concurrence des marchés restants

70.

Depuis 1993, tous les autres segments du marché des télécommunications ont été ouverts à la concurrence. Cela comprend le plus grand segment de l'industrie, à savoir le marché des services locaux en 1997,31 le marché des services interurbains outre-mer en 1998,32 le marché des services de téléphoniste en 199533 et le marché des téléphones payants en 1998.34 Dans la plupart des cas, il a fallu mettre en œuvre de nouvelles dispositions en matière d'accès et de nouvelles mesures de protection des consommateurs de manière à favoriser des communications harmonieuses entre les réseaux et les fournisseurs de services et de manière à protéger les consommateurs contre le « maraudage » et d'autres abus découlant de ces nouvelles dispositions.

71.

Parmi ces nouvelles initiatives, la plus complexe était de loin celle concernant le marché des services locaux, où de nouvelles mesures novatrices ont été nécessaires pour permettre l'interopérabilité harmonieuse et le transfert en douceur des clients entre les réseaux concurrents. Ces mesures comprenaient l'introduction de la transférabilité des numéros locaux (en plus de la contribution transférable mentionnée plus haut) pour faire en sorte que les clients puissent changer d'entreprises sans changer leur numéro de téléphone, l'introduction de nouveaux arrangements relatifs à l'interconnexion des réseaux et à la compensation dans le but de reconnaître le statut de coentreprise des entreprises de services locaux concurrentes (ESLC), au lieu de les traiter comme des clients d'entreprises de services locaux titulaires (ESLT), ainsi que l'introduction d'un accès accru à certains éléments réseau essentiels ou quasi essentiels qui étaient demandés par les nouveaux concurrents afin de faciliter la pénétration dans ce qui était toujours un monopole de facto présentant de grands obstacles à l'entrée.

72.

Bien que le Conseil ait approuvé ce cadre dans sa décision de 1997 sur la Concurrence locale, tout comme certains autres aspects de l'Examen du cadre de réglementation de 1994, on a mis beaucoup plus de temps à mener à bien certains aspects de cette décision. Cela comprenait notamment ce qui suit : trouver une solution technique aux problèmes posés par la transférabilité des numéros locaux; établir des tarifs basés sur les coûts pour les composantes réseau dégroupées mis à la disposition des ESLC; établir des ententes opérationnelles relatives à l'interconnexion entre les ESLC, les ESLT, les entreprises de services interurbains, les entreprises de services sans fil et les revendeurs; mettre en œuvre des mécanismes permettant le transfert en douceur des clients qui décident de changer de fournisseur de service local. Afin de faciliter le processus de mise en œuvre de toutes ces dispositions et de résolution des problèmes techniques, le Conseil a énormément eu recours aux services du Comité directeur du CRTC sur l'interconnexion (CDCI), qui fait appel à l'industrie pour mettre en œuvre, sous la supervision du Conseil, des dispositions consensuelles en matière d'interconnexion.

73.

S'il est vrai que tous ces mécanismes sont maintenant mis en œuvre et complètement opérationnels, il est juste de dire rétrospectivement qu'on a mis beaucoup plus de temps à finaliser certains aspects du plan de mise en œuvre qu'on ne l'avait prévu au départ. Cela a été particulièrement vrai pour le processus de dégroupement du réseau, qui comprenait l'établissement de tarifs basés sur les coûts pour certains éléments du réseau demandés par les ESLC. Les tarifs étaient très controversés compte tenu de leur incidence potentielle à la fois sur les ESLT et les ESLC, et les ESLT étaient contre le concept de l'accès à des installations essentielles ou quasi essentielles. L'établissement des tarifs finals a nécessité un certain nombre de débats qui ont eu lieu pendant plusieurs années.

74.

Malgré les prévisions faites par les ESLT concernant la perte d'importantes parts de marché lors des audiences publiques ayant précédé la décision de 1997, le Conseil avait conclu que la concurrence se développerait plus lentement sur le marché local que sur le marché des services interurbains, et ce, en grande partie à cause de la nature capitalistique du marché local et d'autres obstacles importants à l'entrée sur le marché. Toutefois, il est juste de dire que la concurrence sur le marché local s'est développée plus lentement que prévu. Cela est en partie attribuable au fait qu'il a fallu beaucoup de temps pour mettre en œuvre les différents éléments de la décision de 1997 et qu'il a fallu prendre plusieurs années pour rapprocher des coûts les tarifs applicables aux lignes locales dégroupées et aux autres composantes réseau dégroupées que réclamaient les ESLC. Par ailleurs, l'éclatement de la « bulle » technologique a clairement nui à la capacité de l'industrie naissante des ESLC d'obtenir des fonds supplémentaires pour la mise en place de leur réseau, ce qui a fait que bon nombre de ces entreprises ont échoué financièrement.

75.

Pour finir, la concurrence provenant de certaines sources prévues ne s'est pas concrétisée. Pensons, par exemple, aux grands câblodistributeurs canadiens qui ont commencé à faire leur entrée dans le marché local seulement cette année. Comme il fallait s'y attendre, les ESLT ont tout fait pour ne pas céder une miette du marché, usant de tous les outils à leur disposition, notamment des campagnes de « reconquête » destinées aux clients qui avaient décidé de changer d'entreprise ainsi que diverses promotions et réductions de prix ciblées conçues pour récupérer des clients perdus. Tandis que les nouveaux venus devaient pénétrer un marché déjà desservi à cent pour cent par les ESLT, celles-ci pouvaient axer leurs stratégies de marketing sur les clients particuliers qui décidaient de les quitter, de telles stratégies amenant souvent le client à revenir sur sa décision si l'entreprise qu'il s'apprête à quitter lui propose une nouvelle offre. De telles pratiques, qui gênaient l'avènement d'un marché concurrentiel, a amené le Conseil à mettre en œuvre un certain nombre de mesures de protection réglementaires conçues pour limiter les stratégies de marketing déployées à titre de riposte par les ESLT jusqu'à ce que les concurrents réussissent à s'implanter sur le marché. Le Conseil a également fixé des prix planchers afin d'empêcher les ESLT de baisser les tarifs en dessous des coûts pour nuire aux nouveaux concurrents.
 

Réglementation des services locaux fondée sur des incitatifs

76.

En 1998, après le processus de rééquilibrage des tarifs explicites amorcé dans l'Examen du cadre de réglementation tel qu'il a été précisé plus haut, le Conseil a remplacé la réglementation du taux de rendement des services téléphoniques locaux des ESLT par une réglementation par plafonnement des prix fondée sur des incitatifs. En vertu de ce nouveau régime, le Conseil s'est soustrait au processus d'examen du caractère raisonnable des dépenses et des revenus prévus des ESLT ainsi qu'au processus d'établissement d'un rendement approprié du capital investi. Il a plutôt mis en place un système fondé sur les incitatifs qui a plafonné l'ensemble des niveaux de tarification à l'inflation moins un facteur de productivité et a incité les ESLT à accroître la productivité au-delà du facteur de productivité approuvé et à garder les bénéfices supplémentaires réalisés grâce à leurs efforts. Ce mécanisme, qui est entré en vigueur le 1er mai 1998 pour une période initiale de quatre ans,35 a été ensuite examiné et révisé en date du 31 mai 2002 pour une autre période de quatre ans.36 Le régime de plafonnement des prix a entraîné une approbation rationalisée des changements de tarifs qui respectent le plafond prescrit et d'autres restrictions en matière de tarification imposées sur certains ensembles de services prescrits, comme le service local de résidence. Ces restrictions ont été conçues pour permettre le partage des bénéfices liés aux réductions de tarifs parmi les groupes d'abonnés, plutôt que de donner carte blanche aux ESLT pour les cibler en tant que clients spécifiques.

77.

Le passage vers la réglementation par plafonnement des prix pour ce qui a trait aux services locaux du segment des services publics a permis d'éliminer une grande partie du fardeau réglementaire qui avait été associé aux tarifs généraux, aux programmes d'examen des constructions et à l'étude approfondie des changements de tarifs dans le cadre d'un régime basé sur le taux de rendement. Les plans de plafonnement des prix du Conseil ont carrément mis les décisions relatives à la technologie et à l'investissement dans les mains des ESLT, le Conseil n'effectuant aucun examen, et ont axé la réglementation sur les prix de détail à l'aide de l'index de plafonnement des prix.
 

Abstention de la réglementation

78.

Tel qu'il a été précisé plus haut, le Conseil a essayé de s'abstenir de réglementer les prix facturés par CNCP Telecommunications et diverses entreprises de télécommunication sans fil au milieu des années 1980,37 mais ses tentatives en ce sens ont été rejetées par la Cour d'appel fédérale, qui jugeait que le Conseil outrepassait sa compétence en vertu de la Loi sur les chemins de fer.38 Le Conseil n'a donc été habilité à s'abstenir de réglementer les tarifs qu'après l'adoption de la Loi sur les télécommunications en 1993.

79.

Après l'entrée en vigueur de cette nouvelle législation, le Conseil a pris des mesures immédiates pour s'abstenir de réglementer les prix de l'équipement sans fil39 et de l'équipement terminal, ainsi que de la plupart des services qu'offraient les concurrents non dominants des ESLT.40 L'abstention de la réglementation des services interurbains à communications tarifées est venue en 1997, lorsque les forces concurrentielles étaient devenues suffisamment fortes pour protéger les consommateurs contre la position dominante des ESLT sur le marché.41 L'abstention de la réglementation s'est également étendue aux services téléphoniques et aux services de données sur lignes directes qui étaient fournis sur les routes desservies de manière concurrentielle.42

80.

Lorsque la concurrence est arrivée sur le marché des services téléphoniques locaux en 1997, les ESLC ont fait l'objet d'une abstention de la réglementation des prix de détail, alors que les ESLT sont restées soumises à la réglementation des prix en raison de leur domination sur ce marché. Dans l'ensemble des autres segments du marché, les entreprises non dominantes ont fait l'objet d'une abstention de la réglementation des tarifs, bien que le Conseil ait conservé le pouvoir, en vertu du paragraphe 27(2) de la Loi, de régler les questions d'interconnexion et d'accès entre les entreprises ou entre les fournisseurs de services et les entreprises.

81.

En 1999, le Conseil a également décidé qu'il s'abstiendrait de réglementer le contenu d'Internet en vertu de la Loi sur la radiodiffusion,43 et il a approuvé les demandes qu'ont présentées les ESLT en vue d'obtenir la permission de modifier le contenu de l'information diffusée sur leurs réseaux en vertu de l'article 36 de la Loi.44 Cela a ouvert la porte à la pleine participation des ESLT à l'industrie des services Internet.

82.

À ce jour, environ 70 p. 100 du marché canadien des télécommunications (exprimé en revenus) a fait l'objet d'une abstention de la réglementation des tarifs, les tarifs des services téléphoniques locaux des ESLT et les tarifs des services d'accès concurrentiels restant essentiellement réglementés.45 Même sur le marché des services locaux, le Conseil examine actuellement une demande d'abstention présentée par Aliant Telecom et a convoqué une instance publique afin d'établir les critères permettant de déterminer quand les marchés des services locaux peuvent faire l'objet d'une abstention de la réglementation des tarifs en vertu de l'article 34 de la Loi sur les télécommunications.46
 

Efficacité de la réglementation

83.

Comme cela a été dit plus haut, la majorité du programme de réglementation des 12 dernières années, depuis l'entrée en vigueur de la Loi sur les télécommunications, a été axée sur le démantèlement du système de monopole, sur la réglementation du taux de rendement, qui s'était développée au cours des 85 années précédentes, sur l'ouverture des marchés à la concurrence, sur l'élimination des obstacles à l'entrée sur le marché, sur l'arbitrage de différends en matière de concurrence et sur la gestion d'une transition ordonnée entre une structure d'industrie de monopole à une structure concurrentielle qui tient toujours compte des objectifs de la politique canadienne en matière de télécommunications énoncée à l'article 7 de la Loi. Il se peut que le caractère ambitieux du processus entamé en 1994 et les nombreuses étapes pour le mener à terme aient créé l'impression que la réglementation a augmenté, alors que c'est plutôt le contraire qui s'est produit. Ce qui a nécessité autant de temps et d'efforts et entraîné le processus réglementaire à un point tel au cours des années écoulées, c'est la transition laborieuse entre un régime de réglementation omniprésente à un régime comportant moins d'intervention directe, moins de mécanismes d'approbation et des procédures de règlement de différends rationalisées.

84.

En plus de l'élimination de la réglementation des tarifs dans près de 70 p. 100 du marché des télécommunications et l'assouplissement de celle-ci dans les 30 p. 100 restants grâce à l'introduction du plafonnement des prix, le Conseil a récemment pris des mesures pour rationaliser encore davantage le processus d'approbation des tarifs afin de permettre aux ESLT de mieux répondre aux conditions liées au marché concurrentiel.47 En effet, il est désormais possible d'effectuer les changements de prix respectant les critères relatifs au plafonnement des prix au moyen d'un processus d'approbation provisoire ex parte, ce qui permet aux ESLT de procéder aux changements de prix sans prévenir d'abord leurs concurrents d'éventuels changements. Il y a 17 mois, le Conseil a également lancé un processus accéléré de règlement des différends en matière de concurrence qui permet de régler de manière expéditive des différends bipartites au moyen d'un processus de médiation mené par les employés et de mini-audiences tenues par une équipe spéciale composée d'employés et de conseillers qui sont chargés de régler les différends rapidement.48 Depuis la mise en œuvre de cette nouvelle procédure, on a constaté que le taux de règlement des différends en matière de concurrence a largement dépassé le nombre d'audiences concrètes qu'il a fallu tenir. Ce mécanisme s'ajoute à d'autres formes de règlement de différends que le Conseil a rendues disponibles depuis 1994.49
 

Examen des objectifs de la politique de télécommunication

85.

Comme on l'a vu ci-haut, l'une des innovations de la Loi sur les télécommunications était l'inclusion, à l'article 7 d'une série d'objectifs. Conjointement avec l'alinéa 47a) de la Loi, qui exige du Conseil qu'il exerce les pouvoirs et exécute les fonctions que lui confie la Loi pour mettre en œuvre les objectifs et les orientations politiques exprimés par le gouverneur en conseil en vertu de l'article 8 de la Loi, la législation était clairement conçue pour orienter le Conseil en ce qui concerne les grands dossiers politiques.

86.

Il est plutôt rare que les lois canadiennes énoncent expressément une politique, mais c'est ce qui caractérise la Loi sur la radiodiffusion depuis 1968. La Directive « cadre » de la Communauté européenne (la CE), dont nous parlerons plus loin, énonce elle aussi des objectifs stratégiques destinés à guider les autorités réglementaires nationales au sein de la CE.

87.

Certains commentateurs ont critiqué les objectifs de la politique énoncée à l'article 7, soutenant qu'ils sont trop nombreux pour guider clairement le Conseil et qu'ils confèrent trop de latitude au Conseil du fait qu'ils ne sont pas assortis d'un ordre de priorité. Nous ne sommes pas d'accord.

88.

À l'article 7, le Parlement a voulu formuler une série d'objectifs stratégiques généraux que le secteur des télécommunications canadiennes devrait, selon lui, chercher à atteindre. Dans la Loi, il est explicite que le Conseil doit tenir compte de ces objectifs lorsqu'il se prononce sur les questions dont il est saisi. En revanche, il est implicite que le Conseil, en tant qu'organisme de réglementation indépendant, s'en remettra à son jugement pour soupeser et concilier ces objectifs puisque qu'ils risquent d'entrer en conflit l'un avec l'autre dans des cas particuliers. En fait, c'est l'essence même de son rôle dans le processus de réglementation.

89.

Lorsque le gouverneur en conseil désapprouve le jugement du Conseil, il peut réviser la décision concernée et la modifier. À en juger par le très petit nombre de décrets qui ont servi à modifier des décisions du Conseil au fil des ans, le processus semble bien fonctionner en général.

90.

Dans le cadre de ses travaux, le Conseil s'emploie toujours à concilier les objectifs de la politique, mais tout particulièrement ceux énoncés aux alinéas 7b) et 7f). L'alinéa 7b), qui énonce le principe du service universel, vise à permettre l'accès aux Canadiens dans toutes les régions, rurales ou urbaines, du Canada à des services de télécommunication sûrs, abordables et de qualité. Quant à l'alinéa 7f), il vise à favoriser le libre jeu du marché en ce qui concerne la fourniture de services de télécommunication. Théoriquement, subventionner le service téléphonique dans les zones de desserte à coût élevé et chercher à promouvoir le libre jeu du marché (ce qui entraînerait une hausse des prix dans les zones où les coûts sont déjà élevés) sont deux objectifs contradictoires. Néanmoins, il est possible de les concilier. Comment? En abaissant les subventions à un niveau qui permet de maintenir des prix abordables tout en s'assurant que les subventions revêtent un caractère de neutralité sur le plan de la concurrence et qu'elles peuvent être transférées à l'entreprise qui réussira à conquérir le client, quelle que soit cette entreprise. Voilà le genre d'exercice nécessitant souvent la conciliation d'objectifs sociaux et économiques que le Conseil est appelé à faire en application de la Loi sur les télécommunications.

91.

Cela étant dit, il s'est écoulé une douzaine d'années depuis l'adoption de la Loi sur les télécommunications, et il est peut-être possible que certains des objectifs de la politique ne soient pas aussi pertinents en 2005 qu'en 1993. Pensons par exemple, à la promotion de l'utilisation d'installations de transmission canadiennes, que prévoit l'alinéa 7e).

92.

L'alinéa 7e) se lit comme suit :
 

e) promouvoir l'utilisation d'installations de transmission canadiennes pour les télécommunications à l'intérieur du Canada et à destination ou en provenance de l'étranger;

93.

Même si le gouvernement du Canada avait pour objectif en 1993 de faire acheminer au moyen des installations canadiennes les services de télécommunication à l'intérieur du Canada et à destination ou en provenance de l'étranger, et même si cet objectif transparaissait dans les politiques du Conseil, il ne s'applique plus à la scène internationale. Depuis la signature de l'accord de l'OMC sur les services de télécommunication de base et la modification subséquente de la Loi sur les télécommunications, de manière à permettre la concurrence dans les services de communication avec l'étranger, toutes les restrictions relatives à l'acheminement ont été éliminées.50 Maintenant, même les appels Canada-Canada peuvent être acheminés à travers d'autres pays à l'aide d'installations étrangères situées dans ces pays.
 

Se préparer pour l'avenir

94.

Aucune loi n'est parfaite, mais la Loi sur les télécommunications contient quand même de nombreuses dispositions qui ont permis de passer d'un monopole tous azimuts à un marché plus concurrentiel. De plus, elle comporte une série de dispositions réglementaires souples qui permettent de gérer cette difficile transition. Dans le cadre de notre réflexion prospective, il convient maintenant de se demander si la Loi fournit un modèle approprié pour la prochaine décennie.

95.

Tel qu'il est mentionné précédemment, le Conseil, dans le présent document, a dirigé son attention vers la Loi et les grandes questions stratégiques que le Groupe d'étude sur le cadre réglementaire des télécommunications a soulevées dans son document de consultation. Plutôt que d'essayer de répondre aux questions qui y sont soulevées, le Conseil a tenté de placer certaines de ces questions dans le contexte du cadre réglementaire afin d'examiner l'incidence que des modifications à la Loi auraient sur les résultats stratégiques et d'évaluer quelle serait cette incidence. Le Conseil a pour objectif d'alimenter le débat en explorant les résultats des modifications potentielles.
 

L'avenir du service universel

96.

Tel que mentionné plus haut, depuis bien des années, le service universel a été un élément important de la politique canadienne de télécommunication, conformément à la Loi sur les chemins de fer et à la Loi sur les télécommunications. Cette politique a généralement porté sur trois aspects du service de télécommunication : la disponibilité, le prix et la qualité. L'objectif est que tous les Canadiens, partout au pays, aient accès à des services téléphoniques de qualité à des prix abordables. La qualité du service s'est généralement améliorée plus rapidement dans les régions urbaines que dans les régions rurales et éloignées, en raison de ce qu'il en coûte d'offrir le service dans les régions rurales et éloignées, mais malgré tout, de grands progrès ont été réalisés au fil des ans. Les lignes collectives ont cédé la place aux lignes directes et une série de programmes de modernisation de commutateurs a fait avancer la technologie jusque dans les réseaux des compagnies de téléphone, si bien que la grande majorité de la population canadienne a maintenant accès à un service téléphonique local de qualité et à un prix abordable.

97.

Pendant les 20 dernières années, autant le gouvernement que les organismes de réglementation ont déployé des efforts considérables pour resserrer l'écart restant en matière d'accès et pour améliorer la qualité du service offert aux régions rurales et éloignées. Certains gouvernements ont fait des investissements directs et des programmes réglementaires spéciaux ont permis l'élaboration de plans d'amélioration du service (PAS) approuvés par le Conseil et financés autant par les compagnies de téléphone que les abonnés.

98.

En 1999, le Conseil a effectué un examen du Service téléphonique dans les zones de desserte à coûts élevés.51 Cet examen lui a permis de conclure qu'en 1999, au Canada, plus de 99 p. 100 des lignes d'accès étaient des lignes individuelles de base et que 97 p. 100 d'entre elles étaient raccordées à un commutateur numérique qui donnait accès au service de dispositif à clavier et permettait la connexion à Internet par voie de transmission de données à basse vitesse, sans frais d'interurbain. Dans sa décision, le Conseil a ordonné aux compagnies de téléphone d'élaborer de nouveaux plans d'amélioration du service à l'intention des collectivités qui n'étaient pas encore desservies ou qui étaient mal desservies. Déjà en 2004, 1 703 collectivités avaient pu bénéficier de tels plans et 12 877 clients qui, auparavant, n'avaient pas le service, disposaient désormais du service de ligne individuelle de base et 34 200 clients qui, auparavant, étaient mal desservis, disposaient eux aussi du service de ligne individuelle de base. Les plans d'amélioration du service ont réellement bien réussi à élargir l'accès au service téléphonique dans les régions rurales et éloignées de desserte à coût élevé et à améliorer la qualité du service.

99.

Il convient de mentionner que dans les régions urbaines, le Conseil a réussi à éliminer le financement par subvention pour la plupart du service local, mais que dans de nombreuses zones rurales et éloignées, l'accès au service local demeure fortement subventionné.

100.

Par exemple, dans la tranche G du territoire d'exploitation de Bell Canada, les lignes d'accès local font toujours l'objet d'un financement de 23,79 $ par mois. La même tranche G pour le territoire de TELUS (C.-B.) reçoit un financement de 22,86 $ par mois tandis qu'au Manitoba et en Saskatchewan, le financement est respectivement de 67,31 $ et de 33,65 $ par mois.52 Le prix du service téléphonique dans ces régions serait plus du double si les subventions étaient abolies. En Ontario et au Québec, l'impact pour les abonnés de certaines compagnies de téléphone indépendantes plus petites serait également considérable.

101.

L'impact serait particulièrement fort dans le Grand Nord, où la fourniture du service téléphonique pose des défis uniques en raison de la géographie, du climat et de la démographie. Prenons Northwestel, par exemple, qui dessert le Yukon, le Nunavut, les Territoires du Nord-Ouest et une partie du nord de la Colombie-Britannique. Il s'agit du plus vaste territoire de desserte au pays, mais pourtant, il ne compte que la moitié d'un pour cent de toute la population canadienne et la vaste majorité des collectivités qui y sont établies comptent moins de 500 lignes téléphoniques, dont bon nombre ne peuvent être desservies que par voie aérienne. La plupart des 80 000 lignes dans ce territoire sont subventionnées.

102.

Dans l'ensemble, le régime de contribution sert encore à subventionner le service téléphonique dans le cas de 2,5 millions de lignes, soit 19,4 p. 100 de toutes les lignes de résidence. Voilà autant de faits à prendre en considération lorsque viendra le moment de tenir compte de l'opinion de ceux qui se demandent si l'objectif du service universel demeure valable pour les dix prochaines années.

103.

Le concept du service universel n'a jamais eu d'objectif clairement défini et il a évolué au fil des ans au rythme des avancées technologiques et en fonction des attentes accrues des clients.

104.

Au XXIe siècle, le gouvernement a décidé de mettre davantage l'accent sur Internet, sur l'accès à large bande et sur sa promesse de développement économique et social au Canada. Tel qu'énoncé dans le document de consultation du Groupe d'étude sur le cadre réglementaire des télécommunications, de nombreux programmes financés par les gouvernements fédéral et provinciaux ont encouragé le développement à grande échelle de l'accès aux réseaux à large bande et ils ont fourni des investissements directs destinés à étendre l'accès à la large bande aux régions où le coût du service n'aurait pas autrement justifié l'extension du service. Ces efforts, qui se poursuivent encore aujourd'hui, ont réussi dans une grande mesure à offrir l'accès à la large bande à des écoles, des hôpitaux, des bibliothèques et des communautés qui, autrement, seraient restés en marge de la société de l'information.

105.

Pour sa part, le Conseil n'a pas redéfini le service universel en fonction de l'accès à la large bande. Puisqu'il s'est employé pendant la dernière décennie à réduire à des niveaux économiquement viables le montant du financement du service téléphonique local, il n'a pas jugé bon de réintroduire un programme de financement de plusieurs milliards de dollars pour fournir l'accès à large bande sur une base universelle au Canada. Le Conseil s'est plutôt efforcé de créer un environnement qui soit propice à la fourniture de services à large bande sur une base concurrentielle et il a laissé les gouvernements fédéral et provinciaux assumer un rôle de chef quant au financement direct de la construction de réseaux à large bande dans les régions où les coûts élevés rendent l'idée de concurrence peu probable.53

106.

Le taux de pénétration de notre service à large bande est supérieur à celui de nos principaux partenaires commerciaux,54 ce qui place le Canada dans une excellente position pour tirer profit des avantages sociaux et économiques de la nouvelle économie.
 

L'avenir de la réglementation économique

107.

Avec le temps, la réglementation économique perd de son ampleur, mais elle continue de jouer un rôle important dans certains secteurs de l'industrie des télécommunications. Dans l'ensemble, le Conseil a suivi un continuum, passant de la réglementation du taux de rendement à une réglementation incitative pour finir par s'abstenir de réglementer certains segments du marché ou certaines catégories de services là où les critères d'abstention, tels qu'ils sont prescrits à l'article 34 de la Loi, étaient satisfaits. Ces dernières années, c'est essentiellement le marché local qui a fait l'objet d'une réglementation, secteur où les ESLT sont demeurées dominantes. Il a fallu réglementer les prix et imposer aux ELST des restrictions à la commercialisation pour empêcher les abus de pouvoir et la discrimination dans les prix à l'endroit des consommateurs ainsi que des entreprises concurrentes et des fournisseurs de services qui dépendent de l'accès local pour fournir leurs services au public.

108.

Le Conseil entend assouplir et ultimement abolir ces formes de réglementation économique dès que les forces du marché suffiront à protéger les intérêts des consommateurs et à maintenir la concurrence. Le Conseil tient actuellement une vaste instance afin d'examiner les critères régissant l'abstention de la réglementation des services locaux.55 Sans nullement vouloir prédire l'issue de cette instance, et tel que nous en parlerons plus loin, il est peu probable qu'un jour tous les marchés, dans toutes les régions du pays, soient concurrentiels au point de répondre aux critères d'abstention. Dans l'avenir prévisible, toutefois, il est fort probable que les consommateurs et les fournisseurs de services continueront de dépendre des ELST pour obtenir l'accès local dans certaines régions.

109.

Les dispositions législatives en vigueur sont assez souples pour permettre de gérer la transition d'un monopole vers un marché concurrentiel offrant une structure hybride où évoluent des concurrents qui sont dotés d'installations et d'autres qui ne le sont pas. La question qui se pose maintenant est de savoir si nous avons cheminé assez loin sur ce continuum pour envisager une approche différente à l'avenir.

110.

Une des questions qui se pose est de savoir si la présomption de réglementation des tarifs et la présomption d'approbation tarifaire préalable, qui sont prescrites aux articles 25 et 27 de la Loi, devraient être maintenues et si l'on devrait opter pour un système où la réglementation économique devrait être justifiée au cas par cas par l'organisme de réglementation, et où la réglementation des prix devrait être davantage axée sur l'analyse ex post facto des plaintes.

111.

La Communauté européenne (la CE) est souvent citée à titre d'exemple de cette approche de réglementation. Dans sa Directive « cadre » publiée le 7 mars 2002,56 la CE a cherché à uniformiser la réglementation parmi ses États membres en réduisant les obstacles à l'entrée aux marchés nationaux et en encourageant l'établissement de la concurrence dans les marchés intérieurs et entre les États membres. Un volet important de la Directive prescrit de ne réglementer des secteurs particuliers à l'échelle nationale que si un marché exerce une « puissance significative sur le marché » (PSM). De plus, la mesure réglementaire doit être proportionnelle à l'ampleur du problème et ne s'appliquer plus longtemps que nécessaire. Conformément à cette Directive, les règles réglementaires ex ante ne sont autorisées que si elles sont jugées plus efficaces que les recours courants prévus par la loi en matière de concurrence et elles doivent être retirées dès que les objectifs visés sont atteints dans le marché.

112.

Conformément à sa Directive, la CE a cerné 18 marchés distincts dans le secteur des télécommunications que les autorités réglementaires nationales (ARN) compétentes doivent examiner afin de déterminer si l'on est en présence d'une PSM. Si les ARN souhaitent définir des segments de marché supplémentaires, elles peuvent le faire, mais elles doivent se servir des principes législatifs de la CE en matière de concurrence pour définir le marché et la méthode utilisée à cette fin doit être conforme aux lignes directrices de la CE applicables à l'analyse de marché et à l'évaluation d'une PSM.

113.

Les tests utilisés pour déterminer si un exploitant exerce une PSM dans un secteur donné sont décrits dans le passage suivant tiré du document rédigé par Arnold & Porter intitulé The New EU Regulatory Framework for Electronic Communications :
 

[Traduction]

…Un exploitant sera réputé être dominant si, individuellement ou collectivement, il jouit d'une position de force économique qui lui donne le pouvoir de se comporter dans une large mesure indépendamment de ses concurrents, de ses clients et des consommateurs. Si un exploitant exerce une PSM sur un marché donné, il peut aussi être réputé avoir exercé pareille puissance sur un marché ayant des liens étroits, si les liens entre ces marchés sont tels que le pouvoir exercé dans un marché puisse bénéficier au deuxième marché.

 

Un exploitant sera présumé exercer un pouvoir dominant s'il jouit d'une part du marché supérieure à 40 p. 100, comparé aux 25 p. 100 actuels. La part du marché est un des facteurs pris en considération quand on se demande si un marché est en position de domination, mais la Commission et les tribunaux européens tiennent également compte d'autres facteurs pertinents, notamment :

 
  • la taille globale de l'entreprise;
 
  • le contrôle des infrastructures de type « installations essentielles »;
 
  • les avantages technologiques;
 
  • l'absence d'un pouvoir d'achat compensateur;
 
  • les économies d'échelle et l'ampleur du marché;
 
  • l'intégration verticale;
 
  • l'ampleur des réseaux de distribution et de vente;
 
  • l'absence de concurrence potentielle.57

114.

Conformément à ces directives, certaines ARN ont cherché à déterminer quels secteurs du marché étaient desservis par un exploitant exerçant une PSM. Une fois la PSM établie, certaines exigences de dégroupement des lignes locales s'appliquent, conformément à la Directive « accès »58 de la CE, et il est loisible à l'ARN d'appliquer la réglementation propre à ce secteur sur une base ex ante ou ex post, selon ce qu'elle estime justifié.

115.

Pour ce qui est de l'abstention, les ARN doivent s'abstenir de réglementer un marché dès qu'il est jugé « effectivement concurrentiel » par suite d'une analyse du marché qui conclut qu'il n'existe aucune PSM.

116.

Avant de se demander ce qu'il adviendrait si ce genre d'approche était importée au Canada, il faut se rappeler du contexte dans lequel la CE a imposé ce régime en 2002. Pour le secteur des télécommunications, le principal objectif de la CE était de développer un marché concurrentiel commun pour les services de communication, de réduire la réglementation au strict minimum et d'atteindre la neutralité technologique et la convergence des marchés.59 La CE cherchait donc surtout à abolir les obstacles à la concurrence. Dans son réexamen de 1999, elle a constaté que les mesures mises en œuvre en 1997 dans le but d'uniformiser et de réduire les exigences nationales en matière d'attribution de licences et les autres obstacles à un marché commun, avaient en grande partie échoué. En effet, plutôt que d'arriver à un régime harmonisé, la CE s'est retrouvée avec 15 régimes nationaux distincts comportant de 2 à 49 exigences réglementaires différentes pour les nouveaux venus. C'est dans ce contexte qu'il faut voir la Directive « cadre » et les autres directives connexes mises en œuvre par la CE en 2002.

117.

Cette situation est bien différente du contexte canadien où une juridiction fédérale unifiée du secteur des télécommunications, en place depuis le début des années 1990, a permis l'instauration d'un régime uniformisé partout au Canada. Ici, nous avons établi des modèles libres d'accès à la concurrence dans tous les secteurs du marché des télécommunications (sous réserve d'obligations liées à la propriété étrangère) et contrairement à la CE, nous n'avons pas les mêmes problèmes structurels à résoudre pour établir un marché pancanadien.

118.

De plus, notre législation en matière de télécommunications n'est pas unidimensionnelle. Tel que mentionné plus haut, l'essor des marchés concurrentiels est un élément important de la politique de télécommunication au Canada, mais ce n'est pas le seul. D'autres objectifs stratégiques ont tendance à être écartés de l'équation si l'on ne tient compte que des principes législatifs en matière de concurrence.

119.

Si l'on fait abstraction de ces autres objectifs stratégiques, il y a lieu de se demander si l'approche de la CE aurait au Canada un effet différent de celui obtenu en application de l'article 34 de la Loi sur les télécommunications. À compter de 2002 en Europe, les organismes de réglementations nationaux ont commencé à examiner les marchés des services de télécommunication relevés par la CE dans le but de déterminer si un exploitant exerçait une PSM. Or, ce processus n'a commencé au Canada qu'en 1993 et, bien avant 2002, environ 70 p. 100 du marché (exprimé en revenus) avait fait l'objet d'une abstention de réglementation des prix ex ante. Les seuls grands marchés qui sont encore assujettis à une réglementation des prix ex ante au Canada sont ceux des services locaux et de l'accès local, là où l'on a constaté que les compagnies de téléphone exerçaient une PSM.

120.

Les critères dont le Conseil s'est servi conformément à l'article 34 de la Loi sur les télécommunications pour déterminer s'il convenait de s'abstenir de réglementer comprennent également ceux que la loi en matière de concurrence prescrit et qui permettent de déterminer si une entreprise exerce une PSM. Tel que mentionné plus haut, dans la CE, une part de marché de 40 p. 100 permet de conclure à une présomption réfutable d'une PSM. Selon ce critère, toutes les ESLT au Canada serait réputées exercer une PSM.

121.

Quoique le Conseil soit en train d'examiner ses critères d'abstention dans le contexte du marché des services locaux et qu'il ne veuille pas se prononcer par anticipation sur la conclusion de cette instance, il soulignerait simplement qu'en application des lignes directrices de la CE, aucune ARN en Europe ne s'est encore abstenue de réglementer le marché des services téléphoniques locaux, et ce, en dépit du fait que certaines autorités privilégient la réglementation ex post plutôt que la réglementation ex ante.

122.

Dans les circonstances, il y a lieu de se demander si le modèle de la CE conviendrait aux réalités canadiennes. Nous savons que le développement de la concurrence dans le marché des services téléphoniques locaux n'est pas uniforme d'un bout à l'autre du Canada; que certaines régions n'ont que peu ou pas de concurrence, et que d'autres encore — plus éloignées — en auront peut-être jamais. Si la présomption de réglementation des taux était éliminée et l'organisme de réglementation devait justifier la réglementation des taux par des critères tels que l'existence d'une puissance significative sur le marché, il se pourrait que l'organisme de réglementation ait à procéder à une analyse de tous les marchés des services téléphoniques locaux (même s'ils sont déjà définis aux fins des critères d'abstention) pour déterminer s'il existe une PSM. Et s'il en existait vraiment une, le Conseil devrait alors vérifier si d'autres formes d'intervention réglementaire moins radicales garantiraient la même efficacité que la réglementation des prix ex ante. Un tel exercice pourrait s'avérer colossal dans un pays comme le Canada, compte tenu de la diversité des régions, et aussi de ses nombreuses zones rurales et éloignées. Qui plus est, il faudrait répéter l'exercice régulièrement pour s'assurer que la structure du marché n'a pas changé.

123.

Sommes-nous rendus assez loin dans le continuum monopole-concurrence, dans les marchés des services téléphoniques locaux, pour justifier une inversion de la charge de la preuve? Le résultat serait-il bien différent de celui que nous obtenons en application de l'article 34 de la Loi, où nous faisons une même analyse des marchés qui semblent désormais concurrentiels et décidons s'il y a lieu ou non de s'abstenir lorsqu'il n'existe aucune puissance significative sur le marché? Dans le cadre de l'instance qu'il a amorcée sur l'abstention, le Conseil cherche à établir des points de référence objectifs fondés sur les principes de droit concurrentiel pour déterminer le moment où les forces concurrentielles sont suffisantes pour justifier l'abstention. Si l'instance aboutit aux résultats souhaités, les compagnies de téléphone pourront demander l'abstention lorsqu'elles estimeront que ces points de référence ont été atteints. Cette démarche paraît plus efficiente que de procéder à l'examen de tous les marchés des services téléphoniques locaux au Canada, avant même que des conditions préalables aient pu être satisfaites, pour déterminer s'il existe une puissance significative sur le marché.

124.

En ce qui concerne le recours aux approches ex post ou ex ante, nous aimerions apporter trois observations. Premièrement, précisons que bon nombre des mesures de protection réglementaires actuelles ont été adoptées en réaction à des plaintes relatives aux pratiques d'entreprises dominantes, lesquelles pratiques constituaient un manquement au paragraphe 27(2) de la Loi. Au fil du temps, les mesures de protection ont été modifiées à maintes reprises en raison des nouvelles infractions commises par les compagnies. Deuxièmement, selon une approche ex post, le marché peut subir les contrecoups des pratiques anticoncurrentielles avant même que la plainte ne soit déposée et traitée, voire réglée. Troisièmement, si on jette un coup d'œil au modèle de plafonnement des prix qui s'applique actuellement aux ESLT et si on s'arrête sur les mesures que le Conseil a récemment adoptées en vue de simplifier le processus tarifaire, on constate que les ESLT peuvent apporter de nombreux changements à leurs prix, et ce, sans préavis au public et sans vraiment rien de plus que respecter l'obligation de déposer un tarif.
  Changement technologique

125.

Comme nous l'avons dit précédemment, la Loi sur les télécommunications traite de technologie dans deux des objectifs de la politique prévus à l'article 7. Ainsi, à l'alinéa 7b), la Loi parle de permettre l'accès à des services de télécommunication sûrs, abordables et de qualité, alors qu'à l'alinéa 7g), elle parle de stimuler l'innovation en ce qui touche la fourniture de services de télécommunication.

126.

Historiquement, à l'époque de la réglementation du taux de rendement, le Conseil abordait le changement et l'innovation technologiques en télécommunication par des examens des programmes de construction et de la qualité du service. Dans le cadre de ce régime, le Conseil examinait les plans des compagnies de téléphone pour le développement du réseau et l'introduction de nouvelles technologies, et il se prononçait sur leur caractère raisonnable du point de vue financier. De nouvelles technologies et de nouveaux services ont été lancés selon le meilleur jugement des compagnies de téléphone, sous la surveillance du Conseil. Dans le cadre de ce régime, nous avons vu l'introduction de générations successives d'équipements de commutation, notamment, l'introduction du service commuté numérique dans les années 1980 et des services correspondants de gestion des appels. Nous avons également été témoins, à l'occasion, de rejets par le Conseil des plans d'investissement des compagnies de téléphone, comme celui visant à inclure une part considérable des investissements dans les installations à large bande (Beacon) dans le segment des services publics de la base tarifaire juste avant l'introduction de la concurrence dans le marché des services téléphoniques locaux et de la réglementation sur les prix plafonds.60 Comme nous l'avons dit, un autre mécanisme qui a servi au cours de la dernière décennie était le concept des plans d'amélioration du service. Il était conçu pour financer la mise à niveau du service offert par les ESLT dans les zones mal desservies — en l'occurrence, remplacer le service de ligne de résidence à plusieurs abonnés par le service de ligne individuelle — et pour combler des lacunes dans le service.

127.

L'avènement de la concurrence et de l'abstention de réglementer de nombreux services de télécommunication ont fait diminuer de beaucoup le rôle que le Conseil jouait dans la stimulation de la recherche et du développement ou dans la prise de décisions sur le caractère raisonnable des investissements des ESLT dans la nouvelle technologie à l'extérieur des régions rurales et éloignées. Avec l'introduction, vers la fin des années 1990, d'un régime de plafonnement des prix visant les services téléphoniques locaux, ce rôle s'est atténué encore plus. En effet, le régime de plafonnement des prix attribuait aux ESLT la responsabilité de leurs investissements. L'incitatif économique qui poussait les ESLT à améliorer davantage leur productivité est le facteur qui les motivent maintenant à choisir de nouvelles technologies dans le marché local, alors que les forces concurrentielles du marché les motivent dans d'autres secteurs plus concurrentiels.

128.

À la lumière de ces changements dans la structure et la réglementation de l'industrie, le Conseil a perçu que son rôle dans les marchés concurrentiels était de permettre aux forces concurrentielles de stimuler l'innovation et la technologie, et de veiller, dans la mesure du possible, à ce que ses politiques n'entravent pas les décisions en matière d'investissement.

129.

Dans les marchés où la concurrence ne s'est pas développée, le Conseil a cherché à garantir la disponibilité d'un service de qualité au moyen de plans d'amélioration du service.

130.

Dans ce nouveau contexte, le Conseil a adopté pour politique la neutralité technologique afin d'éviter que les interventions de la réglementation dans le marché n'encouragent ou ne découragent, par inadvertance, le choix d'une technologie. Le régime de la concurrence locale est un bel exemple de l'application du principe de la neutralité technologique. Il permet autant aux ESLT qu'aux nouveaux venus d'utiliser la technologie de leur choix pour se livrer concurrence dans la fourniture des services téléphoniques locaux. Grâce à cette politique, les concurrents utilisent aujourd'hui divers types d'accès sans fil, de fibres, de câble coaxial, de lignes d'abonnés numériques (LAN) sur paires de lignes de cuivre, de même que des paires de lignes de cuivre traditionnelles pour fournir les services téléphoniques analogiques, numériques et IP. Au Canada, on a même entrepris des essais de mise en marché concernant les services à large bande qui sont transmis sur lignes électriques. Récemment, Industrie Canada a d'ailleurs amorcé une consultation publique sur les systèmes de communication large bande sur ligne électrique (BPL).61 L'assise théorique de cette approche se trouve dans les objectifs de la politique de télécommunication, article 7 de la Loi, ainsi que dans la documentation sur l'économie, à savoir que la concurrence est le meilleur répartiteur des ressources financières et que les forces du marché stimuleront l'innovation et l'emploi efficient de nouvelles technologies mieux que ne le fera la réglementation.

131.

Cette approche réduit l'ampleur du rôle que l'organisme de réglementation doit jouer, sauf dans les régions du pays où les forces du marché sont trop faibles pour stimuler l'innovation ou permettre la fourniture de nouveaux services. Pour ces endroits, l'objectif du service universel énoncé à l'alinéa 7b) exige que le Conseil trouve actuellement les moyens de garantir aux Canadiens la disponibilité de services de télécommunication de qualité et abordables, tant dans les régions urbaines que rurales, et dans le Canada entier. C'est ici qu'interviennent les plans d'amélioration du service et les autres programmes de financement gouvernemental; ils visent à financer le prolongement des services de télécommunication de qualité jusque dans les régions où les forces concurrentielles du marché n'y parviennent pas parce qu'elles sont insuffisantes ou tout simplement absentes.

132.

Le Conseil reconnaît également l'importance de la réglementation, laquelle incite de nouveaux investissements dans l'infrastructure des télécommunications canadiennes en vue d'améliorer la qualité des services et l'innovation dans les services fournis. Comme nous l'avons mentionné plus haut, à l'époque de la réglementation du taux de rendement, l'incitatif découlait du fait que le Conseil accordait à l'égard des investissements des compagnies de téléphone un taux de rendement suffisamment élevé que les compagnies pouvaient financer une nouvelle infrastructure et qu'il approuvait des programmes de construction. Dans le nouvel environnement concurrentiel, une politique de neutralité technologique ne signifie pas que le Conseil ferme nécessairement les yeux devant la technologie. Le rôle du Conseil, davantage subtil, est d'encourager la concurrence fondée sur les installations et de veiller à ce que ses politiques n'étouffent pas les nouveaux investissements.62 Le Conseil reconnaît l'importance des changements technologiques et les répercussions qu'ils peuvent avoir sur l'état de la concurrence nationale et internationale. Il est essentiel que le Canada ne se laisse pas dépasser par les progrès technologiques — lesquels constituent une composante de base de l'économie — qui surviennent en Amérique du Nord et ailleurs, s'il veut rester prospère à l'ère de l'information.

133.

Dans le document de consultation du Groupe d'étude, on traite du virage vers les technologies IP et ses conséquences pour l'industrie canadienne des télécommunications. Il y est question de « réseaux uniques à applications multiples », et on se demande si le contexte au Canada pourrait donner lieu à une forme de duopole.

134.

Le Conseil nourrit des réserves quant à savoir si la législation sur les télécommunications devrait anticiper les changements dans la technologie ou prévoir la structure de l'industrie qui est susceptible de se former par suite du changement technologique, et si elle devrait fonder les réformes de la réglementation sur les résultats possibles.

135.

Un pays qui fait des prédictions exactes concernant une technologie qui en est à ses premiers balbutiements pourrait, par rapport aux nations concurrentes, être avantagé sur le plan du développement de l'infrastructure, du développement d'applications et des retombées économiques. Mais qu'arrive-t-il si la mise est placée sur la mauvaise technologie, ou si la technologie de la prochaine génération se développe plus rapidement que prévu? Nos institutions et nos industries seront-elles capables de s'adapter aux changements aussi facilement et rapidement qu'elles le pourraient peut-être dans un environnement plus dynamique où il revient au marché de déterminer les choix technologiques?

136.

On a cessé depuis longtemps de compter les prédictions technologiques qui ne se sont pas avérées et, à mesure que le rythme des changements technologiques accélère, il devient plus risqué de faire ce type de prédictions. Il est risqué de deviner où se dirige la technologie, ou d'influer sur les issues technologiques, et il peut être très risqué de concevoir des réformes de la réglementation en fonction d'une technologie donnée, ou d'anticiper l'aspect que revêtira la structure du marché dans cinq ou dix ans.

137.

Il convient de se rappeler également que le Canada est encore un pays relativement petit qui est intégré dans le marché nord-américain. La majorité des décisions d'ordre technologique ne sont pas prises au Canada, mais dans le marché bien plus gros de l'Amérique du Nord qui est mu par les forces concurrentielles du marché. Dans cet environnement, il est difficile pour l'industrie canadienne des télécommunications de décider unilatéralement des nouvelles orientations technologiques. Si elle le fait, elle risque de perdre le bénéfice d'une technologie à faible coût produite pour un marché de masse et de se retrouver, par conséquent, incapable de poursuivre une stratégie indépendante. Le choix de la technologie CT2+ dans le milieu des années 1990 est un exemple criant de cet obstacle : malheureusement, il a fallu l'abandonner parce que le reste du monde a pris une autre tangente.63

138.

Les forces concurrentielles du marché sont le moteur des choix technologiques en Amérique du Nord et dans le reste du monde, et ce sont elles qui tendent à stimuler l'innovation. Le marché du sans-fil montre très bien comment le marché mène le changement technologique : en seulement 20 ans, les concurrents ont implanté successivement trois générations de la technologie réseautique sans fil. Ce ne sont pas les politiques réglementaires qui incitent ces mises à niveau réseautiques, mais bien les forces concurrentielles du marché et la demande pour de nouveaux produits et services exercée par les consommateurs. Dans un environnement pareil, on ne discute pas de la manière dont on peut recouvrer les investissements dans l'équipement existant. Passer à l'action est plutôt une question de survie pour les concurrents qui veulent garder leur longueur d'avance sur la concurrence, conserver leurs clients, mousser leurs recettes et augmenter leur part de marché.

139.

Il s'agit en général d'un phénomène positif et, lorsque les forces du marché s'exercent de cette façon, le rôle de l'intervention réglementaire s'amoindrit.

140.

Ce qui ne veut pas dire qu'il n'est pas productif d'essayer d'entrevoir ce que la technologie peut nous amener. Que l'on aboutisse avec des réseaux uniques capables de transmettre de multiples services, ou de multiples réseaux qui transmettent des services spécialisés, il reste qu'il est possible, avec la législation actuelle, d'élaborer un cadre réglementaire pouvant s'adapter à la structure de l'industrie et aux technologies utilisées.
 

La concurrence fondée sur les installations par rapport à la concurrence fondée sur les services

141.

Pendant la dernière décennie, le CRTC s'est surtout employé à encourager la concurrence fondée sur les installations. Selon lui, c'était la meilleure façon de tirer profit de la concurrence sur le plan des prix, de l'innovation et des choix, et la meilleure façon, au bout du compte, de s'abstenir de réglementer les services offerts par les ESLT.

142.

Toutefois, la concurrence fondée sur les installations n'a pas été l'unique préoccupation du Conseil. Conformément à l'Énoncé de politique de 1987 dans lequel le gouvernement du Canada prévoyait mettre un réseau de réseaux concurrentiel à la disposition de nombreux autres fournisseurs de services qui l'utiliseraient moyennant des modalités et des conditions raisonnables, le Conseil a encouragé la concurrence fondée sur les services et les activités de revente en garantissant aux fournisseurs de services l'accès aux réseaux et aux services offerts par les entreprises dotées d'installations. Même avant la publication de l'Énoncé de politique de 1987, le Conseil avait réagi à l'essor du marché des services électroniques en autorisant la revente axée sur la fourniture de services améliorés.64 En 1990, il autorisait la revente de lignes directes,65 et en 1992, il ouvrait le marché des services SICT/WATS à la concurrence.66 Après l'entrée en vigueur de la Loi sur les télécommunications, le Conseil a continué d'appliquer sa politique d'accès en accordant l'égalité d'accès aux revendeurs aux mêmes conditions que celles qui s'appliquaient aux entreprises dotées d'installations,67 accordant ainsi aux fournisseurs de services la possibilité d'être co-implantés dans les centraux des ESLT et d'avoir accès aux lignes locales pour offrir des services LAN,68 et accordant aux fournisseurs de services Internet (FSI) le droit d'accès aux réseaux haute vitesse à large bande des compagnies de télévision par câble pour la fourniture de services Internet sur une base concurrentielle.69

143.

Le Conseil estime que cette approche hybride est conforme à la politique du gouvernement qui est d'encourager la concurrence fondée sur les installations. Il reconnaît cependant le rôle important que jouent les revendeurs et les autres fournisseurs de services dans le contexte des services de l'information.

144.

Si la concurrence fondée sur les installations a été lente à démarrer dans le marché local filaire, elle a connu du succès dans les marchés du sans-fil et de l'interurbain, lesquels font l'objet d'une abstention de la réglementation tarifaire depuis quelques années déjà. Même dans le marché local filaire, huit ans après avoir pris la décision d'ouvrir le marché, nous sommes probablement sur le point d'atteindre l'objectif visé d'une concurrence locale à grande échelle qui est fondée sur les installations. La promesse faite aux compagnies de télévision par câble est qu'elles pourront pénétrer le marché téléphonique local en se servant, soit de leur réseau à commutation de circuits pour offrir des services téléphoniques traditionnels, soit de réseaux haute vitesse à large bande pour offrir des services VoIP, et livrer concurrence aux compagnies de téléphone. Si cette promesse se matérialise, le Canada pourrait se trouver dans la position très enviable d'offrir deux réseaux à large bande en situation de concurrence à un grand nombre de résidences et d'entreprises canadiennes, ainsi que tous les services concurrentiels qui peuvent être transmis par ces réseaux.

145.

Cependant, notre approche hybride à l'égard de réseaux et de services concurrentiels n'est pas le seul modèle. Au fil des ans, certains intervenants ont demandé que l'on accorde moins d'importance à la concurrence fondée sur les installations et plus à la fourniture de l'accès de gros aux réseaux des ESLT.

146.

Différents pays, dont le Royaume-Uni et les États-Unis, ont utilisé le modèle d'accès de gros comme mesure destinée à stimuler l'instauration de la concurrence dans les services. Ce modèle offre un certain attrait puisqu'il permet de justifier l'abstention de la réglementation des tarifs de détail sans que des réseaux concurrents ne soient effectivement créés. En principe, cela signifie que si le fournisseur de réseau fournit des services réseau sous-jacents à ses concurrents, à des tarifs basés sur les coûts, il ne pourra pas imposer de tarifs excessifs à ses propres clients sans risquer que des concurrents fassent leur entrée dans le marché.

147.

Il reste que la dichotomie services de gros/services de détail n'est pas une panacée. En effet, même si le fournisseur de réseau met son réseau à la disposition de ses concurrents, au coût qu'il peut éviter, le concurrent risque de ne pas être plus en mesure d'offrir des prix concurrentiels à cause des économies que le fournisseur de réseau réalise grâce à son réseau intégré. Aussi, plus le concurrent dépend du réseau déjà en place, moins grandes sont les chances que ses propres coûts d'exploitation, même s'ils sont inférieurs à ceux du fournisseur de réseau, aient une incidence appréciable sur les prix. Et ce n'est pas tout, il est essentiel que le prix de gros soit juste. L'organisme de réglementation doit donc s'assurer de fixer le tarif de gros à un taux qui n'avantage ni ne désavantage les concurrents. La tâche n'est pas simple et si l'on envisage les tarifs de gros comme seule stratégie pour créer un marché concurrentiel, trouver le bon prix devient une source de pression énorme pour l'organisme de réglementation. Dans les pays qui ont opté pour cette stratégie, les organismes de réglementation se sont retrouvés dans une situation difficile en ce sens qu'on leur a demandé de rajuster le tarif de gros lorsque les concurrents jugeaient que le taux adopté à l'origine ne leur permettait pas d'être rentables. Étant donné que l'abstention de la réglementation des tarifs de détail des titulaires est tributaire de la concurrence que livrent ses clients des services de gros, l'organisme de réglementation risque de se retrouver dans une situation où il aurait à rajuster les tarifs de gros pour influer sur la concurrence : une recette parfaite pour systématiquement donner lieu à des litiges et à des instances réglementaires.

148.

Adopter seulement l'approche fondée sur le tarif de gros pourrait également freiner l'investissement et l'innovation à l'égard des nouvelles installations. Évidemment, si le tarif de gros est réduit dans l'espoir que la concurrence s'intensifie dans le secteur de détail, il devient alors moins tentant d'investir dans les installations concurrentes. De plus, si les concurrents se voient accorder un accès de gros à toutes les fonctions des réseaux des titulaires, la situation pourrait dissuader les titulaires d'investir dans de nouvelles technologies et dans de nouvelles fonctions qu'elles devront partager avec leurs concurrents. À long terme, l'investissement dans l'infrastructure et dans les nouvelles technologies risque d'en souffrir.

149.

C'est pourquoi le Conseil y est allé avec modération pour imposer des tarifs de gros dans les segments de marché où les concurrents ne sont pas encore dotés d'installations et où leurs volumes de trafic sont relativement faibles.70 En général, le Conseil a toujours considéré les tarifs de gros comme un moyen de favoriser l'essor de la concurrence chez les entreprises dotées d'installations et chez les fournisseurs de services de télécommunication, et non comme un moyen de remplacer la concurrence fondée sur les installations.

150.

Des commentateurs ont laissé entendre que dans certains pays, où le modèle de concurrence privilégié a échoué, forçant ainsi l'État à opter pour leur deuxième ou troisième option, les organismes de réglementation se sont rabattus sur un continuum, passant de la concurrence fondée sur les installations, à celle fondée sur l'accès aux installations essentielles dégroupées et finalement à celle fondée sur les tarifs de gros obligatoires.71

151.

Il y a lieu de se demander si le Canada doit suivre un tel exemple ou encore s'il doit privilégier un type de concurrence plutôt qu'un autre. Avec le développement massif des réseaux à large bande concurrents au Canada et avec la récente entrée des entreprises de télévision par câble dans le marché de la téléphonie locale, nous sommes désormais très bien placés pour mener à bien la concurrence fondée sur les installations. En même temps, nous savons que ces nouveaux réseaux à large bande sur IP peuvent distribuer une foule d'applications et de services que les tierces entreprises peuvent fournir. À titre d'exemples récents, mentionnons les services VoIP que fournissent Primus Canada et Vonage Canada. Ces fournisseurs de services, qui ne sont pas dotés d'installations, peuvent offrir de nouvelles innovations et de nouveaux services aux consommateurs en empruntant les réseaux des entreprises concurrentes, ce qui entraîne une utilisation accrue de ces réseaux et une intensification de la concurrence en ce qui concerne la fourniture des services de télécommunication.

152.

Étant donné que les fournisseurs de services concurrents dépendent de l'accès aux réseaux à large bande sous-jacents dont ils ne sont pas propriétaires, il importe de préserver le droit des clients de la large bande de recourir au fournisseur de leur choix ainsi que le droit des fournisseurs de services d'accéder au réseau afin qu'ils puissent exploiter pleinement les possibilités qu'offrent autant la concurrence fondée sur les installations que la concurrence fondée sur les services.
 

Une réglementation propre au secteur ou des lois d'application générale?

153.

Un débat a éclaté depuis quelques années autour de la question de savoir s'il ne faudrait pas, au Canada, passer d'une réglementation propre au secteur à une mise en œuvre plus répandue, dans le secteur des télécommunications, de lois d'application générale. En particulier, on a soulevé la question de savoir si les principes de droit concurrentiel et les lois régissant la concurrence ne devraient pas remplacer l'actuelle politique et l'actuelle Loi dans ce secteur.

154.

En réalité, le problème comporte plusieurs éléments souvent relégués au second plan, ce qui brouille le débat. Faut-il compter davantage sur le droit concurrentiel d'application générale et moins sur la législation propre au secteur pour réglementer les pratiques dans l'industrie des télécommunications? Faudrait-il avoir un organisme unique ou bien deux organismes distincts pour administrer la législation sur les télécommunications et la concurrence visant l'industrie des télécommunications? Et si cette fonction était attribuée à un organisme unique, quel organisme serait le mieux indiqué pour l'exécuter?

155.

Un regard sur ce qui se passe dans le reste du monde nous permet de constater qu'on y adopte des combinaisons et permutations diverses.

156.

Si l'on examine la question du choix à faire entre la réglementation propre au secteur et le droit concurrentiel, il est très difficile de trouver ne serait-ce qu'un seul pays qui a abandonné la réglementation propre au secteur en faveur du droit concurrentiel. Bien qu'un grand nombre de pays, dont le Canada, ont commencé à compter davantage sur les forces concurrentielles du marché et moins sur la réglementation pour atteindre leurs objectifs stratégiques, aucun n'a encore atteint la déréglementation totale.

157.

Le seul pays qui a fait l'expérience de se fonder entièrement sur les lois d'application générale dans le secteur des télécommunications est la Nouvelle-Zélande. Elle a déréglementé une bonne part de son économie vers la fin des années 1980 et s'est servie de sa Commerce Act, un statut de droit concurrentiel d'application générale, pour régler les litiges dans l'industrie des télécommunications. Il est bien connu que ce moyen s'est révélé lent et inefficace pour régler les différends concurrentiels.

158.

L'historique du litige relatif à l'interconnexion locale opposant Clear et Telecom New Zealand, en Nouvelle-Zélande, fait ressortir les problèmes qui surgissent lorsque sont renvoyés aux tribunaux des différends qui portent sur des questions d'interconnexion touchant un aspect technique et présentant une incidence appréciable sur le plan financier. En dépit du protocole d'entente initial qu'elles ont conclu le 24 août 1990, les entreprises n'ont pas réussi à convenir des modalités et Clear a intenté une poursuite contre Telecom New Zealand, alléguant un manquement à l'article 36 de la Commerce Act pour abus de domination. De nombreux éléments de preuve à caractère technique et économique ont été déposé devant le tribunal. Une décision de la High Court en décembre 1992 a été renversée par la Court of Appeal en 1993, puis, en 1994, les deux parties ont interjeté appel devant ce qui était à l'époque la dernière instance de la Nouvelle-Zélande, le Judicial Committee of the British Privy Council (comité judiciaire du conseil privé britannique). Plus de quatre ans après le début du litige, une décision a enfin été rendue. Dans l'intervalle, cependant, il n'y avait toujours pas de concurrence dans la fourniture des services téléphoniques locaux filaires en Nouvelle-Zélande.72 Même après la décision du conseil privé, il restait des domaines litigieux qui ont fait l'objet d'une poursuite. Quatre ans et plusieurs comparutions plus tard, les parties faisaient des requêtes interlocutoires concernant leurs mémoires (une décision de la High Court ayant été infirmée par la Court of Appeal en juin 1998, huit ans après le protocole d'entente initial signé par les deux parties), et certains éléments de la question de fond de l'affaire n'avait toujours pas été réglés. En 1999, les élections générales en Nouvelle-Zélande ont produit un nouveau gouvernement dont le programme comprenait la promesse d'un régime de réglementation des télécommunications, et la nouvelle Telecommunications Act est entrée en vigueur en 2001.

159.

Soulignons, toutefois, que même durant la période qui a précédé la nouvelle loi, le gouvernement de la Nouvelle-Zélande avait conservé un certain pouvoir sur la conduite de Telecom New Zealand par l'intermédiaire de ce qu'on appelle dans ce pays les « Kiwi Share Obligations ». Cette part symbolique, qui a été retenue par le gouvernement lors de la privatisation de Telecom New Zealand, obligeait la compagnie de téléphone titulaire à maintenir le service Internet par accès commuté et le service téléphonique local à tarif fixe, ainsi que la disponibilité du service, et elle imposait un prix plafond sur le service local, lequel était équivalent au taux d'inflation.

160.

La nouvelle Telecommunications Act, adoptée en Nouvelle-Zélande en 2001, contient des dispositions réglementaires propres au secteur du marché des télécommunications. Un commissaire des télécommunications a été nommé en conformité avec cette loi, laquelle lui a conféré le pouvoir de réglementer l'interconnexion, de régler les litiges d'accès, d'élaborer des obligations quant au service, de créer des mécanismes comptables et d'établissement des prix, de fixer les taux et d'instaurer un régime de contribution.

161.

D'autres pays, qui ont opté pour déplacer certains volets de leur régime de réglementation en télécommunication sous leur autorité en matière de concurrence, ont néanmoins conservé la réglementation propre au secteur. En Australie, les pouvoirs en la matière ont été partagés entre la Competition and Consumer Commission (ACCC) et la Communications and Media Authority (ACMA).73 L'ACCC est chargée de la réglementation financière, de l'interconnexion et d'autres questions de concurrence, alors que l'ACMA s'occupe d'aspects plus techniques de la réglementation en télécommunication, comme la délivrance des licences de radio et la mise en œuvre de la transférabilité des numéros locaux ou de l'égalité d'accès. Cependant, même l'ACCC réglemente l'aspect concurrentiel des télécommunications en vertu d'une législation propre au secteur, laquelle est comprise dans les parties XIB et XIC de la Trade Practices Act. Ces parties comptent près de 200 pages de dispositions législatives qui ne s'appliquent qu'à l'industrie des télécommunications. Ainsi, le partage du pouvoir n'a rien changé à la nature « propre au secteur » de la législation. Quoiqu'elle constitue un organisme de réglementation unique, l'ACCC s'est organisée en composantes distinctes chargées de la législation antitrust et de la réglementation financière. Pour cette dernière division, on a établi une structure de groupes axés chacun sur les télécommunications, l'énergie et le transport, trois domaines qui sont régis par une partie différente de la loi.

162.

L'Australie constitue donc une autorité où la réglementation propre au secteur s'applique encore, mais une autorité dans laquelle le pouvoir a été partagé autrement qu'au Canada, soit entre deux agences de réglementation.

163.

Au Royaume-Uni, l'approche adoptée a été différente, en partie en réaction à la Directive « cadre » de la CE. Plutôt que de partager le pouvoir entre l'autorité antitrust (Office of Fair Trading) et l'organisme de réglementation propre au secteur (Ofcom), le Royaume-Uni a conféré à Ofcom des compétences simultanées pour administrer les lois sur la concurrence qui touchent le secteur des télécommunications ainsi que la législation propre au secteur qui est énoncée dans la Telecommunications Act. Cette mesure permet à Ofcom de satisfaire les exigences de la Directive « cadre » de la CE et d'appliquer le droit conventionnel de la CE, lequel l'emporte sur les lois nationales pour ce qui est de certaines questions concurrentielles et réglementaires.

164.

Il serait donc inexact de supposer que la réglementation propre au secteur a été abandonnée au Royaume-Uni, car c'est faux. Même la Directive « cadre » de la CE exige que les organismes de réglementation tiennent compte d'un large éventail d'objectifs en matière de politique sociale qui ne figurent pas dans les lois antitrust. En Europe, ces objectifs sont, notamment :
 
  • veiller à ce que les utilisateurs, y compris les utilisateurs handicapés, retirent un bénéfice maximal en termes de choix, de prix et de qualité;
 
  • assurer à tous l'accès à un service universel spécifié dans la directive 2002/22/CE (Directive « service universel »);
 
  • assurer un niveau élevé de protection des consommateurs dans leurs relations avec les fournisseurs, en particulier en garantissant l'existence de procédures de règlement des litiges simples et peu coûteuses mises en œuvre par un organisme indépendant des parties concernées;
 
  • contribuer à assurer un niveau élevé de protection des données à caractère personnel et de la vie privée;
 
  • encourager la fourniture d'informations claires, notamment en exigeant la transparence des tarifs et des conditions d'utilisation des services de communications électroniques accessibles au public;
 
  • répondre aux besoins de groupes sociaux particuliers, notamment les utilisateurs handicapés;
 
  • garantir l'intégrité et la sécurité des réseaux de communication publics.74

165.

Aux États-Unis, la Federal Communications Commission (la FCC) s'est vu accorder à peu près le même pouvoir, mais pas au même degré qu'Ofcom, pour administrer les lois antitrust américaines dans le secteur des communications. L'octroi de ce pouvoir n'a cependant pas détrôné la Communications Act qui demeure la plus importante loi propre à l'industrie régissant le secteur des télécommunications, et il n'a pas dépossédé le Department of Justice de sa prééminence comme principale compétence en vertu de la législation antitrust.

166.

De toute évidence, les pays délimitent différemment les frontières de la réglementation propre au secteur et celles du droit concurrentiel d'application générale, et sont en train de diviser le travail différemment, parmi des autorités de réglementation différentes. Or, ils se trouvent à réagir à des circonstances nationales particulières et également, dans le cas des pays membres de la CE, à un cadre juridique différent dans lequel interviennent des lois supranationales.

167.

Au Canada, il nous faut considérer ce qui répondrait le mieux à nos objectifs stratégiques. Si nous devions passer à un modèle de droit concurrentiel, quelles seraient les conséquences?

168.

Une conséquence serait l'éventuelle disparition d'autres objectifs stratégiques énoncés dans la Loi sur les télécommunications. L'objet de la Loi sur la concurrence est énoncé au paragraphe 1.1, cité ci-dessous :
 

1.1 La présente loi a pour objet de préserver et de favoriser la concurrence au Canada dans le but de stimuler l'adaptabilité et l'efficience de l'économie canadienne, d'améliorer les chances de participation canadienne aux marchés mondiaux tout en tenant simultanément compte du rôle de la concurrence étrangère au Canada, d'assurer à la petite et à la moyenne entreprise une chance honnête de participer à l'économie canadienne, de même que dans le but d'assurer aux consommateurs des prix compétitifs et un choix dans les produits.

169.

C'est un excellent objectif. Cependant, c'est le seul qui ait été prévu dans la Loi. Les principes de droit concurrentiel n'abordent pas l'objectif de service universel qui vise à rendre accessibles aux Canadiens des régions rurales et urbaines partout au pays des services de télécommunication sûrs, abordables et de qualité, pas plus qu'ils n'abordent les questions de discrimination injuste, de préférence indue ou de désavantage indu dans le contexte de la fourniture ou de la tarification des services de télécommunication. Ces principes ne prévoient aucunement l'interconnexion des réseaux ou l'accès aux bases de données connexes auxquelles les concurrents ont besoin; ils ne contribuent en rien à la protection de la vie privée des personnes; ils ne prévoient aucune mesure qui garantit aux personnes handicapées l'accès aux réseaux de télécommunication; ils ne renferment pas de dispositions prévoyant l'établissement des services d'urgence 9-1-1; et ils n'assurent aucune protection contre l'importunité que causent les communications non sollicitées. La Loi sur la concurrence ne crée pas non plus d'organisme doté d'un savoir-faire technique dans le secteur des communications ou d'organisme quasi judiciaire habilité à régler les litiges portant sur l'interconnexion ou les tarifs d'accès. Le Commissaire de la concurrence a le pouvoir de mener des enquêtes par suite des plaintes déposées et de recommander au procureur général des poursuites au criminel ou des actions en justice devant le Tribunal de la concurrence concernant des pratiques examinables. Toutefois, il s'agit dans chaque cas d'une procédure formelle qui prend énormément de temps. En effet, jusqu'à cinq ans peuvent s'écouler entre l'occurrence de l'infraction alléguée et la prise de décision par le Tribunal de la concurrence ou d'autres tribunaux. De plus, le Tribunal n'est pas organisé pour traiter des myriades de cas et il a déclaré que sa fonction n'est pas de surveiller ou de réglementer les industries. Depuis sa création en 1993, le Tribunal ne s'est prononcé que sur quelques cas d'abus de domination et de prix d'éviction, et ce, dans l'ensemble des secteurs de l'économie. (Par contraste, durant les sept premiers mois de cette année, le Conseil a publié 41 décisions de télécommunication.)

170.

Soulignons aussi que la Loi sur les télécommunications et la Loi sur la concurrence sont établies dans des optiques différentes. En effet, la Loi sur la concurrence suppose la présence d'un marché concurrentiel et vise à faire exécuter les principes de la concurrence loyale. La Loi sur les télécommunications traite de marchés où la concurrence n'a pas encore évolué au point où on peut raisonnablement s'attendre à ce qu'elle dicte le pouvoir sur le marché. Dans un environnement pareil, la supervision réglementaire est peut-être mieux indiquée que les poursuites judiciaires.

171.

Dans l'environnement actuel, il serait peut-être plus productif de chercher à trouver la meilleure façon de marier l'expertise du Bureau dans la définition des marchés et l'évaluation du pouvoir sur le marché, au savoir propre aux secteurs et au statut d'organisme administratif quasi judiciaire du Conseil. Par exemple, il faudrait songer à permettre au commissaire et à son personnel de participer plus directement aux instances du CRTC liées aux questions de concurrence où l'expertise du Bureau pourrait être mise à contribution. Certains pays disposent d'arrangements du genre, comme les États-Unis et l'Allemagne, où les agences sont autorisées à partager des renseignements et à se consulter sur des questions de concurrence qui les intéressent mutuellement.
 

Traitement réglementaire des fournisseurs de services de télécommunication

172.

Tel que mentionné plus haut, la plupart des dispositions de la Loi sur les télécommunications ne s'appliquent pas aux revendeurs ou aux fournisseurs de services qui ne possèdent pas ou qui n'exploitent pas « d'installations de transmission ». Les définitions énoncées à l'article 2 de la Loi ont été interprétées de façon à exclure de la définition d'« entreprise canadienne » les fournisseurs de services qui sont peut-être dotés d'équipement de commutation, mais qui louent des installations de transmission d'autres entreprises ou qui se servent des réseaux de tiers pour offrir leurs services.75 Pour cette raison, les revendeurs et les fournisseurs de services ne relèvent pratiquement pas de la compétence réglementaire du Conseil, sauf pour quelques articles de la Loi.

173.

Depuis l'adoption de la Loi sur les télécommunications, le Parlement a jugé bon de déroger à cette règle générale à deux égards. En effet, des modifications ont été apportées à la Loi afin que les « fournisseurs de services de télécommunication » fassent partie du champ d'application du paragraphe 16.1 de la Loi, pour ce qui est du régime d'attribution de licences de télécommunication internationale, et du paragraphe 46.5 en ce qui a trait à la contribution à un fonds pour les zones de desserte à coût élevé.

174.

À part ces quelques exceptions, le Conseil n'a pas le pouvoir de réglementer directement les revendeurs et autres fournisseurs de services. Toutefois, afin de s'assurer que ces entités tiennent compte des grands objectifs stratégiques publics, le Conseil leur a imposé certaines obligations par l'intermédiaire des tarifs des entreprises qui leur fournissent des installations et des services sous-jacents. Ces obligations sont prescrites dans les dispositions des tarifs des ESLT concernant les activités de revente, ainsi que dans les tarifs d'accès applicables à divers types de services. Puisque les fournisseurs de services et les revendeurs sont considérés comme des clients de l'entreprise sous-jacente, la seule façon de garantir le respect des modalités de ces ententes est d'interrompre le service ou de le débrancher.

175.

Maintenant que les réseaux à large bande sont créés et que les fournisseurs de services peuvent dédoubler les services IP qu'offrent les entreprises, il y a lieu de se demander si cette forme indirecte de réglementation suffira à mettre en œuvre des politiques publiques relatives à des sujets aussi importants que les services d'urgence 9-1-1, l'accès pour les personnes handicapées, la protection de la vie privée, l'interdiction de nuisance et l'interaction avec les organismes d'application de la loi. L'instance publique qui a eu lieu récemment au sujet des services VoIP a remis cette question à l'avant-plan.76 En effet, les services VoIP actuellement offerts sur le marché sont équivalents, sur le plan fonctionnel, au service téléphonique local, le but visé étant de remplacer le service téléphonique de base. Dans le passé, les revendeurs pouvaient revendre le service local de base qu'offraient les entreprises de services locaux, puisque ce service incluait toutes les fonctions importantes. Maintenant, à l'ère de la téléphonie Internet, les revendeurs peuvent offrir leur propre service avec ou sans les fonctions du service de base. Or, en vertu des objectifs énoncés à l'article 7 de la Loi, le Conseil doit tenir compte de ces questions mais la Loi actuelle ne lui donne pas le pouvoir de le faire, sauf de façon indirecte.

176.

Le Conseil ne préconise nullement l'application d'une quelconque réglementation tarifaire aux fournisseurs de services de télécommunication, mais il se demande si le pouvoir d'imposer des conditions à l'offre de services de télécommunication, pouvoir que lui confère l'article 24 de la Loi, ne devrait pas être élargi pour inclure les fournisseurs de services de télécommunication, tout comme la portée de certains autres articles de la Loi a été élargie dans le passé. Dans le même ordre d'idées, de telles modifications devraient être assorties de pouvoirs accrus afin que le Conseil puisse faire respecter ces obligations. Actuellement, l'interruption du service est le seul recours à la disposition du Conseil si un fournisseur de services enfreint le règlement. C'est une mesure plutôt draconienne et qui va probablement à l'encontre de l'intérêt public, quand on pense qu'en interrompant le service VoIP d'un fournisseur de services, tous ses clients sont automatiquement débranchés et ne peuvent plus, à leur tour, offrir le service téléphonique local de base. Il serait souhaitable que le Conseil dispose d'options coercitives plus souples qui ne compromettraient pas l'accès au service pour la population canadienne. Il pourrait s'agir du pouvoir de donner des amendes, comme on le verra plus loin.
 

Accès aux structures de soutènement et aux immeubles à logements multiples

177.

Dans un contexte monopolistique, l'accès des compagnies de téléphone aux structures de soutènement ou aux immeubles n'était généralement pas problématique, étant donné que les propriétaires d'immeubles avaient intérêt à s'assurer que leurs locataires aient accès au service téléphonique et qu'il était dans l'intérêt des compagnies de services d'électricité et de téléphone de donner accès à leurs structures de soutènement et de s'accorder mutuellement des droits afin d'éviter le dédoublement des poteaux, proposition coûteuse et peu esthétique.

178.

Avec l'implantation de l'industrie de la télévision par câble dans les années 1960, l'accès aux structures de soutènement en place a commencé à devenir problématique quand les câblodistributeurs ont demandé à fixer leurs câbles coaxiaux sur les poteaux qui appartenaient aux compagnies de téléphone ou aux services d'électricité. Cette question a finalement été réglée quand l'accès aux installations des compagnies de téléphone a fait l'objet d'une ordonnance et que de tarifs approuvés par le Conseil ont été imposés. Même si les tarifs, les modalités et les conditions applicables à cet accès ont fait l'objet de controverses au fil des ans, le Conseil a réglé la question en exerçant les pouvoirs que lui confère la Loi sur les chemins de fer, et dernièrement, en vertu de la Loi sur les télécommunications. Des droits d'accès semblables ont ultérieurement été accordés à d'autres entreprises de télécommunication concurrentes.

179.

L'accès aux structures de soutènement qui appartiennent aux services d'électricité s'est avéré plus compliqué. Pendant de nombreuses années, le Conseil a examiné les tarifs, les modalités et les conditions applicables à l'accès des entreprises de télécommunication et des câblodistributeurs aux structures de soutènement appartenant aux services d'électricité municipaux, conformément au pouvoir qu'a le Conseil d'examiner les ententes conclues avec des entreprises de télécommunication réglementées. Cependant, la surveillance des tarifs applicables aux structures de soutènement des installations électriques n'a pas été uniformisée et les tarifs, les modalités et les conditions d'accès varient considérablement d'une province à l'autre. En 1999, les choses se sont envenimées quand le Conseil a dû se prononcer, conformément aux pouvoirs que lui confère la Loi sur les télécommunications, pour régler un litige concernant les tarifs et mettant en cause les câblodistributeurs et les services d'électricité municipaux. Le différend portait sur l'interprétation du paragraphe 43(5) de la Loi, où il est prescrit ce qui suit :
 

Lorsqu'il ne peut, à des conditions qui lui sont acceptables, avoir accès à la structure de soutien d'une ligne de transmission construite sur une voie publique ou un autre lieu public, le fournisseur de services au public peut demander au Conseil le droit d'y accéder en vue de la fourniture de ces services; le Conseil peut assortir l'autorisation des conditions qu'il juge indiquées.

180.

Dans sa décision,77 le Conseil a soutenu que le paragraphe 43(5) lui conférait le pouvoir d'imposer des tarifs, des modalités et des conditions visant l'accès aux structures de soutènement à quiconque offre des services au public, y compris les entreprises canadiennes et les entreprises de distribution de radiodiffusion. Dans son interprétation du paragraphe 43(5), le Conseil a jugé que les modalités et les phrases qui y sont énoncées devaient être interprétées dans leur sens large, ainsi que dans le contexte de la Loi. Il a conclu qu'une « ligne de transmission », telle que définie dans les dictionnaires généraux, comprend les lignes utilisées pour distribuer l'électricité. Selon lui, l'expression n'était pas restreinte aux lignes de transmission appartenant à une entreprise canadienne ou à un câblodistributeur, comme c'était le cas pour les autres paragraphes de l'article 43.

181.

La décision du Conseil à cet égard a été portée en appel devant la Cour d'appel fédérale et finalement devant la Cour suprême du Canada.78 Cette dernière a soutenu que l'expression « ligne de transmission » ne peut pas être interprétée de façon à inclure les lignes de distribution d'électricité, étant donné que l'on tient pour acquis que le Parlement savait que les poteaux électriques supportent des « lignes de distribution » et non pas des « lignes de transmission ». La Cour a également soutenu que le paragraphe 43(5) ne pouvait pas être interprété de façon à s'appliquer aux propriétés privées, y compris aux servitudes d'utilité privée sur lesquelles se trouvent des poteaux électriques. Enfin, la Cour a affirmé que le Conseil ne pouvait pas invoquer les objectifs stratégiques énoncés à l'article 7 pour déroger aux restrictions du paragraphe 43(5).

182.

Cette décision des tribunaux a fait en sorte que la question de l'accès aux structures de soutènement appartenant à des services d'électricité débordait le champ de compétence du Conseil. Certains organismes provinciaux chargés de réglementer les installations électriques, comme la Commission de l'énergie de l'Ontario, ont maintenant le pouvoir de réglementer cette question. Il n'y a cependant aucune garantie que ce sera le cas dans toutes les provinces ou qu'une approche uniforme sera adoptée en matière d'accès et de tarifs. Maintenant que la compétence fédérale en matière de télécommunications est unifiée, l'accès aux structures de soutènement apparaît comme une exception importante qu'il faudra peut-être réexaminer.

183.

La question de l'accès aux immeubles à logements multiples (ILM) a également gagné de l'importance dans le nouveau contexte concurrentiel des télécommunications. Avec l'arrivée sur le marché des entreprises concurrentielles qui veulent offrir des services aux locataires d'immeubles appartenant à des tiers, certains propriétaires ont tenté de restreindre l'accès à leurs immeubles ou d'imposer des conditions sévères pour y donner accès. Pendant la dernière décennie, le Conseil a déployé des efforts et des ressources considérables pour encourager la mise en place d'un marché concurrentiel et pour abolir les obstacles à l'entrée sur le marché, et ce, dans le but d'accroître le choix des consommateurs. Il semble bien que les ILM sont devenus le nouveau « goulot d'étranglement », la nouvelle embûche, susceptible de limiter l'accès et de restreindre le choix des consommateurs.

184.

Le Conseil a réagi à ce problème en élaborant un code d'accès ainsi que des lignes directrices applicables aux ententes conclues entre les propriétaires d'immeubles et les entreprises, et en établissant des règles concernant l'utilisation du câblage intérieur. Le Conseil a également indiqué son intention de faire respecter ces règles par les propriétaires d'immeubles qui cherchent à empêcher l'accès aux ILM ou qui, d'une façon ou d'une autre, font fi des règles en invoquant des pouvoirs prévus à l'article 42 de la Loi pour exiger ou pour permettre que des installations de télécommunication soient fournies ou installées.79

185.

La décision du Conseil a suscité une contestation judiciaire immédiate quant à la compétence du Conseil prévue à l'article 42 de rendre ce genre d'ordonnance contre les propriétaires d'immeubles. Même si la Cour d'appel fédérale a rejeté la demande au motif qu'elle devançait l'émission d'une ordonnance en bonne et due forme à l'encontre des propriétaires d'immeubles,80 le fait que la demande a été faite avant qu'une ordonnance soit émise permet de croire qu'une nouvelle contestation judiciaire pourrait avoir lieu si le Conseil décidait de prendre ce genre d'ordonnance à l'avenir.

186.

Le cas échéant, même si le Conseil a confiance en son pouvoir, compte tenu de l'importance de cette question pour l'atteinte des objectifs stratégiques énoncés à l'article 7 de la Loi, le Groupe d'étude sur le cadre réglementaire des télécommunications devra peut-être envisager d'autres façons de la rendre exécutoire.
 

Création d'un pouvoir de donner des amendes

187.

Actuellement, le Conseil n'a pas le pouvoir de donner des amendes aux entreprises de télécommunication ou aux fournisseurs de services qui enfreignent la Loi ou les ordonnances ou les décisions du Conseil. Les amendes prévues aux articles 73 et 74 à l'égard des entreprises qui enfreignent la Loi sont de nature criminelle et la poursuite doit être faite par le procureur général. Le pouvoir prévu à l'article 63 concernant l'assimilation des ordonnances du Conseil par voie de dépôt auprès du greffier de la Cour fédérale peut entraîner un processus compliqué qui est mal adapté aux sanctions à imposer aux entreprises qui enfreignent le règlement. Tel que mentionné plus haut, en raison du pouvoir relativement limité que le Conseil exerce sur les revendeurs et autres fournisseurs de services de télécommunication, la plupart des dispositions de la Loi ne peuvent leur être appliquées.

188.

Les sanctions pénales ne conviennent à aucune infraction, sauf aux violations les plus évidentes de la Loi, des ordonnances ou des décisions du Conseil. C'est pourquoi le Conseil ne dispose d'aucun recours véritable pour rappeler à l'ordre les entreprises coupables d'infractions. Si des revendeurs ou des fournisseurs de services ignorent les modalités et les conditions régissant l'accès aux installations des entreprises, le seul recours contre eux est le débranchement qui, comme nous l'avons déjà mentionné, est une punition plutôt draconienne pour la plupart des infractions, sauf les plus flagrantes. Le débranchement a aussi des répercussions fâcheuses sur les clients des fournisseurs de services qui comptent sur leurs fournisseurs pour avoir accès au service.

189.

Dans pareilles circonstances, l'introduction dans la Loi d'un pouvoir de donner des amendes, sans connotation pénale, serait une nette amélioration. Dans son dernier plan budgétaire, le gouvernement a indiqué son intention de modifier la Loi pour accorder au CRTC un pouvoir général de donner des amendes. Le gouvernement a également jugé bon d'inclure un tel pouvoir dans les modifications proposées à la Loi sur les télécommunications en ce qui a trait à la mise en œuvre et à l'administration par le Conseil d'une « liste de numéros à ne plus appeler ».81 Il convient de mentionner que d'autres organismes de réglementation des télécommunications, comme la Federal Communications Commission (la FCC) aux États-Unis, jouissent d'un tel pouvoir.

190.

Si le Parlement entérine cette modification, le pouvoir de donner des amendes s'appliquera aux personnes qui enfreignent les nouvelles dispositions, peu importe leur statut, qu'il s'agisse d'entreprises, de fournisseurs de services ou de particuliers. Des efforts considérables ont déjà été déployés pour définir le pouvoir de donner des amendes prévu dans le Projet de loi C-37 et pour l'assortir de garanties adéquates. Il se peut que le Groupe d'étude sur le cadre réglementaire des télécommunications puisse tirer profit du travail déjà accompli dans ce domaine.
 

Changement de contrôle

191.

Pour l'instant, la Loi sur les télécommunications n'oblige pas les entreprises canadiennes à obtenir l'approbation du Conseil pour effectuer un changement de contrôle. L'absence d'une telle obligation donne lieu à un régime au sein duquel le Conseil doit réglementer dans le but d'accroître la compétitivité du secteur canadien des télécommunications et faire en sorte que l'on se fie de plus en plus aux forces du marché, et ce, dans un contexte où il a ouvert à la concurrence presque tous les marché des télécoms, mais où il ne peut ni empêcher ni les fusions ni le retour du monopole de l'industrie que suscitent les fusions et les acquisitions.

192.

Cette disparité dans les pouvoirs conférés au Conseil fait contraste par rapport au secteur de la radiodiffusion, où toutes les entreprises de radiodiffusion, y compris les entreprises de distribution de radiodiffusion (EDR) doivent obtenir l'approbation du Conseil pour effectuer un changement de contrôle.82 Même si dans les faits les principaux groupes d'EDR et les ESLT offrent (ou sont sur le point d'offrir) à la fois des services de distribution de radiodiffusion et de télécommunication, pour l'instant, en vertu de la Loi sur la radiodiffusion, ces entreprises doivent obtenir l'approbation du CRTC avant de faire des changements de contrôle. Cette exigence ne s'appliquerait plus si une ESLT cessait d'exploiter en tant qu'entreprise de radiodiffusion.

193.

Cette situation semble incompatible avec le mandat du Conseil qui est de mettre en œuvre les objectifs de la Loi sur les télécommunications. Elle est également contraire à ce qui se passe aux États-Unis, où la FCC a le pouvoir d'approuver les fusions en matière de télécommunications sans égard aux stratégies de convergence adoptées par les entreprises en cause.
 

Les cinq prochaines années

194.

Depuis que la Loi sur les télécommunications a été adoptée, des progrès considérables ont été réalisés pour changer la structure du système canadien de télécommunications et pour passer d'un système où les compagnies de téléphone exerçaient un monopole, ce qui limitait la concurrence dans certains secteurs de marché, vers un marché plus concurrentiel, où l'on retrouve des entreprises filaires, sans fil et basées sur le protocole Internet, ainsi qu'un éventail considérable d'autres fournisseurs de services de télécommunication.

195.

Le Conseil a travaillé très fort pour abolir les obstacles à l'entrée dans divers secteurs du marché des télécommunications. Après avoir connu un départ lent et pénible vers la concurrence dans la fourniture des services locaux, il se peut que le Canada soit sur le point d'arriver à une concurrence fondée sur les installations.

196.

Ces dernières années, le Canada est devenu un chef de file mondial dans le déploiement de réseaux haute vitesse à large bande, en avant de la plupart de ses partenaires commerciaux de l'OCDE, y compris les États-Unis et le Royaume-Uni.83  Même si cette longueur d'avance a diminué au cours des deux ou trois dernières années,84 le Canada demeure en excellente position pour tirer profit de la nouvelle économie basée sur l'information et les consommateurs sont également bien positionnés pour bénéficier de la concurrence sur les prix et les services dans un marché de plus en plus axé sur la fusion.

197.

Dans ses commentaires sur le processus laborieux que fut la mise en œuvre d'un nouveau cadre concurrentiel au Canada, l'OCDE a applaudi les résultats obtenus :
 

[…] Le Canada se place au premier rang des pays de l'OCDE en termes de performance dans ce secteur. Il doit en grande partie ses excellents résultats à ses procédures et à son régime réglementaire, ainsi qu'à ses structures politiques. Le développement de la concurrence dans le secteur des services de télécommunications a bien progressé mais, comme dans d'autres pays de l'OCDE, reste insuffisant en ce qui concerne les services téléphoniques locaux, l'accès local, et le marché des lignes louées de courte distance. Cela dit, les problèmes réglementaires litigieux qui ont entaché la performance d'autres pays de l'OCDE ont été partiellement résolus dans le secteur des télécommunications au Canada. Celui-ci se caractérise par des prix bas, un service de bonne qualité et la diffusion plutôt rapide des nouvelles technologies. Le cadre réglementaire est transparent et autorise la pleine participation de l'ensemble des parties intéressées. La concertation a été un élément clé de l'élaboration et de l'application des règlements.85

198.

Pour le système canadien de télécommunications, l'avenir est des plus prometteur. Comme l'a mentionné l'OCDE, l'énorme travail de base effectué depuis l'adoption de la Loi sur les télécommunications pour abolir les obstacles à l'entrée, pour encourager la concurrence et uniformiser le prix des services de télécommunication, nous place en excellente position pour tirer pleinement profit de la nouvelle économie de l'information. Le haut niveau de pénétration de nos services d'accès à large bande met en valeur notre structure de télécommunication par rapport à nos partenaires commerciaux importants, et l'introduction de nouveaux services IP comme VoIP par des fournisseurs de services et des entreprises concurrentes permet de croire que nous aurons bientôt un environnement concurrentiel. Le travail ardu qu'a exigé la mise en place de la réglementation des télécommunications au cours des 12 dernières années est sur le point de porter fruit.

199.

Même si un jour les tarifs de tous les secteurs étaient déréglementés, le secteur canadien des télécommunications n'aurait toujours pas fini sa transition d'un contexte monopolistique vers une pleine concurrence, où aucune réglementation ne serait plus nécessaire. Or, la Loi sur les télécommunications n'a pas été conçue dans cette optique et il ne serait pas réaliste non plus de prétendre que nous y arriverons dans un avenir prévisible.

200.

Peu importe dans quelle mesure nous réussissons à introduire la concurrence fondée sur les installations, la géographie et la démographie de notre pays sont telles qu'il y aura toujours des régions où les choix concurrentiels seront inexistants et où les coûts de desserte élevés rendront la fourniture de services au prix du marché peu attrayante. Tant que nous défendons nos objectifs de service universel, nous devons continuer d'intervenir sur le plan de la réglementation pour régler ces questions. La concurrence sera forcément inégale, et la possibilité d'une fourniture monopolistique de fait ainsi que le retour du monopole dans certaines régions demeurent une nette possibilité.

201.

Même dans les marchés où la concurrence s'accentue et prospère, les organismes de réglementation auront un rôle à jouer si nous voulons continuer d'assurer l'accès au réseau par les personnes handicapées, d'offrir le service 9-1-1, soit l'accès à un système national d'intervention en cas d'urgence et l'accès pour les organismes d'application de la loi, et atteindre d'autres objectifs d'intérêt public.

202.

Dans le contexte du réseau des réseaux que nous avons créé, l'interconnexion de réseaux concurrentiels et l'accès aux installations resteront notre principale préoccupation. Les ententes conclues sont loin d'être statiques et elles doivent évoluer sur le plan technique, à la longue, de façon uniforme et systématique. Notre infrastructure de télécommunication est tout simplement trop interdépendante pour qu'on puisse la laisser aux mains des forces du marché comme si c'était un produit quelconque. Trop de parties intéressées comptent sur l'accès et sur les services qu'elles reçoivent de leur principal concurrent pour que nous puissions imaginer que tout continuera de fonctionner comme sur des roulettes sans surveillance continue. D'un point de vue socio-économique, le réseau des télécommunications est trop important pour nous pour que nous prenions ce genre de risque et que nous nous lancions dans une expérimentation judiciaire qui présuppose des conditions de libre marché.

203.

Notre modèle hybride de concurrence, autant au niveau du réseau que des services, aura besoin d'une protection continue des droits d'accès des fournisseurs de services non fondés sur les installations et nous devrons également protéger le droit des consommateurs d'utiliser le réseau de leur fournisseur de services pour accéder au fournisseur de services de leur choix. Ce rôle sera particulièrement important dans le contexte IP où des applications et des services de toutes sortes passeront par des réseaux interconnectés, et où l'accès équitable offert par des fournisseurs de services concurrents sera une préoccupation d'importance vitale.

204.

Ce pronostic est loin d'être sombre. En effet, on ne fait que constater la nature unique de l'industrie des télécommunications et son importance pour la subsistance et le bien-être de notre pays. Contrairement à l'opinion de certains commentateurs, nous ne sommes pas déphasés par rapport au reste du monde. À bien des égards, nous sommes même en tête du peloton. Le Conseil ne croit pas en la réglementation pour le simple fait de réglementer, mais bien en une réglementation qui est nécessaire pour protéger les consommateurs contre les effets néfastes d'une emprise sur le marché, pour veiller à ce que les objectifs stratégiques du gouvernement en matière de télécommunications soient atteints quand les forces du marché concurrentiel sont inadéquates ou quelles ne sont pas conçues de façon à atteindre les résultats escomptés, et pour assurer l'implantation ordonnée partout au Canada d'un système de télécommunication de premier ordre.

205.

L'avenir de l'industrie canadienne des télécommunications ne devrait pas nous inquiéter. Bien au contraire, nous devrions être enthousiasmés par cette perspective et nous réjouir des progrès continus que connaît ce secteur important et dynamique de notre économie et de notre société.

____________________________

Notes en bas de page :

1    Dans l'examen de la réforme de la réglementation au Canada effectué en 2002, l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a indiqué que : « Contrairement à d'autres pays de l'OCDE, le Canada estime que les télécommunications revêtent un « caractère essentiel pour l'identité et la souveraineté canadiennes… »».

2    Driedger, The composition of legislation: legislative forms and precedents, ministère de la Justice 1976, 2e édition.

3    Le marché des services interurbains a été ouvert à la concurrence fondée sur les installations en 1992, juste avant l'adoption de la Loi sur les télécommunications, en 1993. Cependant, la fourniture monopolistique du service téléphonique local de base local a perduré jusqu'en 1997.

4    Milton Mueller, Telecommunications Access in the Age of Electronic Commerce: Toward a Third‑Generation Universal Service Policy.

5    Page 181.

6    Il existait aussi dans chaque province une législation régissant les activités des entreprises de télécommunication relevant de leur compétence. Cette situation a persisté jusqu'à ce que la Cour suprême du Canada rende un jugement déterminant dans l'affaire Alberta Government Telephones c. CRTC en 1989, précipitant ainsi la compétence fédérale unifiée sur les entreprises téléphoniques interconnectées. [1989] 2 SRC 225.

7    Loi spéciale de Bell Canada, S.C. 1880, c. 67, révisé.

8    S.C. 1902, c. 41, art. 2.

9    Ce fut le cas jusqu'en 1982, lorsque le Conseil a dégroupé le téléphone et la ligne et qu'il a autorisé la fourniture concurrentielle des terminaux. Décision Télécom CRTC 82‑14, Raccordement d'équipements terminaux fournis par l'abonné, 23 novembre 1982.

10  Challenge Communications Ltd. v. Bell Canada, Décision Télécom CRTC 77‑11, 7 octobre 1977.

11  Re Bell Canada c. Challenge Communications Ltd. (1978), 86 DLR (3d) 351.

12  Décision Télécom CRTC 79‑14, Collins Inc. c. Bell Canada, 26 juillet 1979.

13  Décision Télécom CRTC 79‑11, Les Télécommunications du CNCP, Interconnexion avec Bell Canada, 17 mai 1979.

14  Décision Télécom CRTC 82‑14, Raccordement d'équipements terminaux fournis par l'abonné, 23 novembre 1982.

15  Décision Télécom CRTC 84‑18, Services améliorés, 12 juillet 1984.

16  Décision Télécom CRTC 79‑11, Les Télécommunications du CNCP, Interconnexion avec Bell Canada, 17 mai 1979.

17  Syndicat des travailleurs en télécommunications c. Canada (Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes), (1989) 2 C.F. 280, (C.A.F.).

18  Un cadre de politique pour les télécommunications au Canada, ministère des Communications de l'époque, 22 juillet 1987.

19  Avis public Télécom CRTC 92‑78, Examen du cadre de réglementation, 16 décembre 1992.

20  Avis public Télécom CRTC 92‑78, 16 décembre 1992, p. 2‑3.

21  Décision Télécom CRTC 94‑19, 16 septembre 1992.

22  Ce plan renferme de nombreux autres éléments, y compris l'élaboration d'arrangements de co‑implantation entre les entreprises et un examen de l'abordabilité des services téléphoniques au Canada.

23  Fiche d'information CRTC : Convergence, 16 septembre 1994.

24  La réforme de la réglementation dans l'industrie des télécommunications, OCDE, 2002, p. 8.

25  Décision Télécom CRTC 92‑12, Concurrence dans la fourniture de services téléphoniques publics vocaux interurbains et questions connexes relatives à la revente et au partage, 12 juin 1992, annexe.

26  Décision Télécom CRTC 94‑19, Examen du cadre de réglementation, 16 septembre 1994.

27  S.C. 1998, c. 8, art. 6.

28  Ordonnance Télécom CRTC 97‑590, 1er mai 1997.

29  Décision Télécom CRTC 2000‑745, Modifications au régime de contribution, 30 novembre 2000.

30  Décision de télécom CRTC 2004‑81, Frais en pourcentage des revenus définitifs pour 2004 et questions connexes, 9 décembre 2004.

31  .Décision Télécom CRTC 97‑8, Concurrence locale, 1er mai 1997.

32  Décision Télécom CRTC 98‑17, Régime réglementaire pour la fourniture de services de télécommunication internationale, 1er octobre 1998.

33  Ordonnance Télécom CRTC 95‑316, Garanties pour les consommateurs ‑ Services de téléphoniste, 15 mars 1995.

34  Décision Télécom CRTC 98‑8, Concurrence des services téléphoniques payants locaux, 30 juin 1998.

35  Décision Télécom CRTC 97‑9, Réglementation par plafonnement des prix et questions connexes, 1er mai 1997.

36  Décision de télécom CRTC 2002‑34, Cadre de réglementation applicable à la deuxième période de plafonnement des prix, 30 mai 2002.

37  Voir, à titre d'exemple, l'avis public Télécom CRTC 1984‑55, Service radio cellulaire, 25 octobre 1984.

38  La Cour a jugé que le Conseil n'avait pas le pouvoir discrétionnaire de dispenser CNCP Telecommunications de son obligation législative de lui soumettre ses tarifs interurbains aux fins d'approbation.

39  Décision Télécom CRTC 94‑15, Réglementation des services sans fil, 12 août 1994.

40  Décision Télécom CRTC 95‑19, Abstention ‑ services fournis par des entreprises canadiennes non dominantes, 8 septembre 1995.

41  Décision Télécom CRTC 97‑19, Abstention ‑ Réglementation des services interurbains fournis par les compagnies de téléphone titulaires, 18 décembre 1997.

42  Décision Télécom CRTC 97‑20, Centre de ressources Stentor Inc. ‑ Abstention de la réglementation des services de liaison spécialisée intercirconscriptions, 18 décembre 1997.

43  Nouveaux médias, Avis public radiodiffusion CRTC 1999‑84, 17 mai 1999, Avis public Télécom CRTC 99‑14, 17 mai 1999.

44  Décision Télécom CRTC 99‑4, Stentor ‑ Demande d'approbation en vertu de l'article 36 de la Loi sur les télécommunications, 31 mars 1999.

45  Il est impossible de calculer ce pourcentage avec précision parce que le Conseil recueille les données sur les revenus en fonction de grandes catégories de services et non en fonction des services qui font l'objet d'une abstention ou non. Étant donné que certaines catégories de services ne font que partiellement l'objet d'une abstention, le Conseil a effectué une estimation.

46  Avis public Télécom 2005‑2, Abstention de la réglementation des services locaux, 28 avril 2005.

47  Circulaire de télécom CRTC 2005‑6, Lancement d'un processus simplifié pour le traitement des dépôts tarifaires concernant les services de détail, 25 avril 2005.

48  Circulaire de télécom CRTC 2004‑2, Procédure accélérée de règlement des questions de concurrence, 10 février 2004.

49  Voir à titre d'exemple : Avis public Télécom CRTC 95‑51, Nouvelles procédures concernant les questions de concurrence, 8 décembre 1995; Avis public CRTC 2000‑65, Pratiques et procédures de règlement des différends en matière de concurrence et d'accès, 12 mai 2000.

50  Décision Télécom CRTC 98‑17, Régime réglementaire pour la fourniture de services de télécommunication internationale, 1er octobre 1998.

51  Décision Télécom CRTC 99‑16, 19 octobre 1999.

52  Décision de télécom CRTC 2004‑81, Frais en pourcentage des revenus définitifs pour 2004 et questions de connexes, 9 décembre 2004.

53  Pour ce qui est de l'accès commuté à Internet, le Conseil a exigé des compagnies de téléphone qu'elles incluent l'accès sans frais à Internet dans leurs plans d'amélioration du service local.

54  Les statistiques de l'OCDE en matière de large bande, décembre 2004.

55  Avis public de télécom CRTC 2005‑2, Abstention de la réglementation des services locaux, 28 avril 2005.

56  Directive 2002/21/CE, JO L 108/33.

57  Page xix.

58  Directive 2002/19/CE, JO L 108/7.

59  Vers un nouveau cadre pour les infrastructures de communications électroniques et les services associés ‑ Réexamen 1999 du cadre réglementaire des communications, COM (1999) 539.

60  Décision Télécom CRTC 95‑21, Mise en œuvre du cadre de réglementation ‑ Partage de la base tarifaire et questions connexes, 31 octobre 1995.

61  Avis de la Gazette du Canada SMSE‑005‑05, Document de consultation sur les systèmes de communication large bande sur ligne électrique (BPL), juillet 2005.

62  Consulter, à titre d'exemple, la Décision de télécom CRTC 2005‑6, Services de réseau numérique propres aux concurrents, 3 février 2005, pour lire les propos du Conseil à ce sujet.

63  Désignation de fréquences pour les téléphones sans fil et propositions concernant l'utilisation future des bandes 944‑952 MHz et 953‑956 MHz, Industrie Canada, juillet 1996.

64  Décision Télécom CRTC 84‑18, Services améliorés, 12 juillet 1984.

65  Décision Télécom CRTC 90‑3, Revente et partage des services téléphoniques de ligne directe, 1er mars 1990.

66  Décision Télécom CRTC 92‑12, Concurrence dans la fourniture de services téléphoniques publics vocaux interurbains et questions connexes relatives à la revente et au partage, 12 juin 1992.

67  Décision Télécom CRTC 93‑8, Accès côté réseau des revendeurs aux réseaux téléphoniques publics commutés, 23 juillet 1993.

68  Ordonnance CRTC 2000‑983, Approbation de l'accès par les fournisseurs de services de lignes d'abonnés numériques aux lignes dégroupées et à la co‑implantation, 27 octobre 2000.

69  Décision Télécom CRTC 99‑8, Réglementation en vertu de la Loi sur les télécommunications de services d'accès des entreprises de câblodistribution, 6 juillet 1999; et Décision Télécom CRTC 99‑11, Demande concernant l'accès des fournisseurs de services Internet aux installations de télécommunications d'entreprises de câblodistribution titulaires, 14 septembre 1999.

70  Voir, à titre d'exemple, Décision de télécom CRTC 2005‑6, Services de réseau numérique propres aux concurrents, 3 février 2005.

71  Voir, à titre d'exemple, l'exposé intitulé Regulation, competition and infrastructure investment: an evolving policy présenté par Michael H. Ryan à l'occasion de la World Bank/European Commission Conference on Private Participation in Mediterranean Infrastructure, Rome, septembre 2003.

72  Voir On the Frontier of Deregulation: New Zealand Telecommunications and the Problem of Interconnecting Competing Networks, par Milton Mueller, Reason Public Policy Institute, mai 1994.

73  En 2005, la Australian Communications Authority (ACA) et la Australian Broadcasting Authority (ABA) ont fusionné pour former, en vertu de la Australian Communications and Media Authority Act de 2005, la Australian Communications and Media Authority (ACMA).

74  Directive « cadre », par. 2 et 4.

75  Avis public Télécom CRTC 93‑62, Exemption de la réglementation pour les revendeurs, 4 octobre 1993.

76  Décision de télécom CRTC 2005‑28, Cadre de réglementation régissant les services de communication vocale sur protocole Internet, 12 mai 2005.

77  Décision télécom 99‑13, Demande en vertu de la partie VII ‑‑ Accès aux structures de soutènement des services publics d'électricité municipaux ‑‑ ACTC c. MEA et al ‑‑ Décision finale, 28 septembre 1999.

78  Barrie Public Utilities c. L'Association canadienne de télévision par câble, 2003 CSC 28, 16 mai 2003.

79  Décision de télécom CRTC 2003‑45, Fourniture de services de télécommunication aux clients d'immeubles à logements multiples, 30 juin 2003.

80  Institut Canadien des Compagnies Immobilières Publiques et Privées c. Bell Canada et autres; 2004 CAF 243.

81  Projet de loi C‑37 : Loi modifiant la Loi sur les télécommunications, 13 juin 2005.

82  Voir, à titre d'exemple, le Règlement sur la distribution de radiodiffusion (DORS/97‑555), paragraphe 4(4), 8 décembre 1997, tel qu'il a été modifié; et le Règlement de 1986 sur la radio, paragraphe 11(4), DORS/86‑982, tel qu'il a été modifié. Une condition semblable fait partie des conditions de licence applicables aux grandes classes de licences attribuées en vertu de la Loi sur la radiocommunication comme les licences relatives aux téléphones cellulaires, aux services de communications personnelles (SCP) et aux systèmes de communication multipoint (SCM). Ces conditions nécessitent l'approbation d'Industrie Canada pour tout changement de contrôle.

83  Les dernières données indiquent que le Canada est le cinquième au monde après la Corée, les Pays‑Bas, le Danemark et l'Islande. Les États‑Unis sont au 12e rang et le Royaume‑Uni est au 14e rang. (Statistiques de l'OCDE en matière de large bande, décembre 2004.)

84  En 2001, le Canada a enregistré un taux de pénétration de la large bande de 8,8 p. 100, soit le double de ce que tous les autres pays ont connu, sauf la Corée. En 2004, ce taux a plus que doublé au Canada, pour atteindre 17,8 p. 100, alors que dans les 11 pays affichant les meilleurs résultats, exclusion faite du leader mondial, le taux de pénétration oscillait entre 19,0 p. 100 et 14,5 p. 100. (Ibid.)

85  La réforme de la réglementation dans l'industrie des télécommunications, OCDE, 2002, p. 6.

 

Mise à jour : 2005-08-17

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