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Le 17 août 2005 Monsieur Allan MacGillivray
Directeur exécutif
Secrétariat du Groupe d’étude sur le cadre réglementaire des
télécommunications
280, rue Albert
Pièce 1031
Ottawa (Ontario)
K1A 0C8
Monsieur,
Vous trouverez ci-joint la version révisée du Document de discussion que
le Conseil a rédigé à l'intention du Groupe d'étude sur le cadre
réglementaire des télécommunications et où les paragraphes 173 et 193 ont été
modifiés. Cette version remplace la version antérieure que nous vous avons
fait parvenir le 15 août 2005.
Je vous prie de recevoir, Monsieur, l’expression de mes sentiments les
meilleurs.
La secrétaire générale,
Diane Rhéaume
p.j.
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|
ÉTUDE DU CADRE RÉGLEMENTAIRE DES TÉLÉCOMMUNICATIONS AU CANADA
|
|
Document de discussion
|
|
Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes
|
|
Cette publication est offerte par voie
électronique :
http://www.crtc.gc.ca |
|
On peut obtenir cette publication en média
substitut, sur demande. |
|
Pour obtenir des exemplaires du rapport : |
|
Salle d'examen publique
CRTC
1, promenade du Portage
Gatineau (Québec) |
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Adresse postale :
CRTC
Ottawa (Ontario)
K1A 0N2 |
|
Téléphone : 1 (819) 997-2429
1 (877) 249-2782 (sans frais)
ATS : 1 (877) 909-2782 (sans frais) |
|
ISBN # BC92-58/2005F
0-662-74808-5 |
Le 15 août 2005
Monsieur Allan MacGillivray
Directeur exécutif
Secrétariat du Groupe d’étude sur le cadre réglementaire des
télécommunications
280, rue Albert
Pièce 1031
Ottawa (Ontario)
K1A 0C8
Monsieur,
Le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes est
heureux de présenter le document de discussion ci-joint au Groupe d’étude du
cadre réglementaire des télécommunications. Il ose espérer que le document aidera
le Groupe d’étude dans ses travaux.
Je vous prie de recevoir, Monsieur, l’expression de mes sentiments les
meilleurs.
La secrétaire générale,
Diane Rhéaume
p.j.
|
Table des matières |
|
|
Paragraphe |
|
Introduction |
1 |
|
D'où venons-nous et où allons-nous? |
9 |
|
Évolution de la législation et de la
politique canadiennes en matière de télécommunications |
15 |
|
Ère du monopole
|
19 |
|
La Loi sur les télécommunications
|
44 |
|
Gérer la transition vers des marchés
concurrentiels aux termes de la Loi sur les télécommunications |
52 |
|
Examen du cadre de réglementation
|
54 |
|
Rapprochement des tarifs et des coûts et rationalisation des subventions
|
62 |
|
Ouverture à la concurrence des marchés restants
|
70 |
|
Réglementation des services locaux fondée sur des incitatifs
|
76 |
|
Abstention de la réglementation
|
78 |
|
Efficacité de la réglementation
|
83 |
|
Examen des objectifs de la politique de
télécommunication |
85 |
|
Se préparer pour l'avenir |
94 |
|
L'avenir du service universel |
96 |
|
L'avenir de la réglementation économique
|
107 |
|
Changement technologique
|
125 |
|
La concurrence fondée sur les installations par rapport à la concurrence
fondée sur les services
|
141 |
|
Une réglementation propre au secteur ou des lois d'application générale?
|
153 |
|
Traitement réglementaire des fournisseurs de services
de télécommunication
|
172 |
|
Accès aux structures de soutènement et aux immeubles à logements
multiples
|
177 |
|
Création d'un pouvoir de donner des amendes
|
187 |
|
Changement de contrôle
|
191 |
|
Les cinq prochaines années |
194 |
|
ÉTUDE DU CADRE RÉGLEMENTAIRE DES TÉLÉCOMMUNICATIONS AU
CANADA
Document de discussion
Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications
canadiennes
|
|
Introduction
|
1. |
L'étude portant sur le cadre réglementaire des
télécommunications donne aux Canadiens une importante occasion d'apprendre où
nous nous situons dans la société mondiale de l'information, de déterminer
dans quelle mesure notre infrastructure de télécommunication suffira à
répondre aux futurs besoins des particuliers et des entreprises, partout au
Canada, et d'étudier comment notre cadre politique et réglementaire actuel
pourrait être amélioré afin de mieux satisfaire ces exigences. |
2. |
Le Conseil de la radiodiffusion et des
télécommunications canadiennes (le Conseil ou le CRTC) accueille cette
initiative du gouvernement du Canada et espère qu'elle donnera lieu à une
discussion éclairée et stimulante sur ces importantes questions. |
3. |
Les télécommunications, comme le transport, ont
toujours été d'une importance vitale pour les Canadiens.1
En raison de la grande superficie du territoire et du fait que la population
est relativement dispersée, elles ont permis de maintenir des liens
économiques et sociaux importants pour la vie de notre nation. Maintenant
plus que jamais, elles servent de base à la participation du Canada au marché
mondial de l'information et elles offrent aux Canadiens de toutes les régions
de nouvelles occasions de participer à la « nouvelle économie », peu importe
où ils se trouvent. |
4. |
Malgré la complexité des dossiers sur lesquels
se penche le Groupe d'étude sur le cadre réglementaire des
télécommunications, et les nombreuses questions importantes soulevées dans
son document de consultation, certains objectifs très généraux recueillent
probablement un vaste soutien : les Canadiens veulent avoir accès à des
services de télécommunication de grande qualité, à des prix raisonnables; le
Canada veut être à l'avant-garde du développement technologique et nous
voulons participer à fond à la nouvelle économie. |
5. |
La grande question sur laquelle doit se pencher
le Groupe d'étude sur le cadre réglementaire des télécommunications est celle
de savoir comment atteindre ces importants objectifs économiques et sociaux. |
6. |
À titre d'organisme de réglementation
indépendant chargé de l'interprétation et de l'application de la législation
canadienne en matière de télécommunications depuis trois décennies, le
Conseil est bien en mesure de nous renseigner au sujet des répercussions des
réformes législatives éventuelles sur la réglementation. |
7. |
Articulé dans cette optique, le document de
discussion du Conseil traite de l'évolution de la législation sur les
télécommunications au Canada et de son influence sur le cadre réglementaire.
Il décrit ce qui a fonctionné et ce qui n'a pas fonctionné. Il décrit la
situation en 1993, lorsque la législation a été substantiellement remaniée
pour la dernière fois, et la situation actuelle, ce qui a été accompli et ce
qu'il reste à faire. Le principe traditionnel d'un service universel offert à
un prix juste et raisonnable est-il toujours pertinent en 2005, ou peut-on
s'en passer? Les compagnies de téléphone titulaires devraient-elles être
déchargées de leur obligation d'offrir un service? Les restrictions
législatives imposées à l'égard des taux discriminatoires ou préférentiels,
ou des modalités de service devraient-elles être levées? Les consommateurs
ont-ils besoin d'une protection supplémentaire contre les pratiques
commerciales des entreprises - ou les lois d'application générale
suffiront-elles? Les entreprises et les fournisseurs de services à qui on
refuse l'accès aux réseaux des autres entreprises devraient-ils pouvoir
solliciter un redressement auprès d'un organisme de réglementation spécifique
- comme le CRTC - ou bien l'intérêt public sera-t-il mieux servi par les
tribunaux ou par le Tribunal de la concurrence. |
8. |
Le Conseil espère faire avancer le débat sur ces
questions et sur d'autres en trouvant des solutions et en étudiant leurs
répercussions possibles. |
|
D'où venons-nous et où allons-nous?
|
9. |
Avant d'envisager l'avenir, il est utile de se
tourner vers le passé pour voir comment notre approche à l'égard de la
réglementation des télécommunications a évolué au fil des ans. Cet exercice
est utile parce qu'il permet d'expliquer certaines caractéristiques de notre
cadre législatif actuel. Il facilite le processus qui consiste à concilier
les objectifs politiques historiques et les dispositions législatives et
offre un cadre intellectuel pour établir si les objectifs politiques en
question sont toujours valables dans l'environnement actuel. Il est utile de
regarder en arrière pour voir si les dispositions législatives pertinentes
ont eu l'effet recherché à l'origine. À partir de ce cadre, il est aussi
possible de déterminer si d'autres dispositions législatives, ou des lois
d'application générale, permettraient de mieux atteindre les objectifs
politiques pertinents. |
10. |
En menant à bien cet exercice, il est important
de comprendre qu'un texte législatif est l'expression formelle d'une
politique législative et qu'avant de pouvoir rédiger un texte législatif, il
faut déterminer quelle politique on cherche à mettre en œuvre.2
C'est alors aux rédacteurs législatifs de veiller à ce que la législation
corresponde exactement à la politique législative et c'est aux tribunaux ou
aux organismes de réglementation désignés d'interpréter et d'appliquer la
législation. |
11. |
Il ne faut donc pas mettre la charrue avant les
bœufs lorsqu'il s'agit de décider ce qui doit être changé. Est-ce la
politique législative qui n'est plus pertinente? Est-ce la législation
elle-même qui ne permet pas de mettre en œuvre une politique législative
pertinente? Ou bien le CRTC ou les tribunaux ont-ils mal interprété la
législation, de manière à atténuer ou à bloquer l'esprit de la loi? |
12. |
Voilà les questions qui doivent être posées
lorsqu'il s'agit de déterminer à quel point notre cadre législatif et
réglementaire applicable aux télécommunications répondra aux exigences
canadiennes au cours de la prochaine décennie. Avant de reformuler certaines
parties de la Loi sur les télécommunications, ou avant de laisser
tomber des dispositions qui en font partie depuis longtemps, il faut veiller
à se rapprocher de l'objectif politique sous-jacent et déterminer si cet
objectif reste valable aujourd'hui. Ce n'est qu'après qu'un débat intelligent
peut avoir lieu quant aux diverses options qui permettront de mieux donner
effet à cette politique. |
13. |
Le Conseil est lui-même issu d'un texte
législatif. Il se fonde sur la législation telle que rédigée et cherche à
donner effet aux politiques qui y sont exprimées. Le pouvoir discrétionnaire
confié au Conseil pour l'administration de la Loi sur les
télécommunications varie beaucoup dans différentes parties de la Loi.
Il peut déterminer si les tarifs d'une entreprise de télécommunication sont
« justes et raisonnables », mais il ne peut pratiquement rien décider en ce
qui concerne les restrictions relatives à la propriété étrangère. Lorsque des
parties touchées par des décisions du Conseil sont d'avis que l'organisme de
réglementation a outrepassé ses pouvoirs de réglementation, ou qu'il a mal
interprété la législation applicable, les tribunaux vérifient qu'il s'est
bien conformé à ses obligations. Si des parties sont d'avis que le Conseil a
mal interprété les objectifs de la politique de télécommunication qui
sous-tendent la Loi, elles peuvent présenter une demande écrite au
gouverneur en conseil pour qu'il modifie la décision en question, l'annule ou
la renvoie au CRTC pour réexamen. Le gouverneur en conseil peut également
procéder ainsi de sa propre initiative et il détient le pouvoir
supplémentaire de donner au Conseil des orientations à l'égard de questions
stratégiques générales. Même s'il n'a jamais été utilisé en rapport avec les
télécommunications, ce dernier pouvoir donne l'occasion de préciser des
points de la politique gouvernementale qui ne sont pas clairement décrits
dans la législation elle-même. |
14. |
La législation applicable est donc essentielle
pour confier au Conseil le rôle de principal organisme de réglementation des
entreprises canadiennes de télécommunication et, dans une moindre mesure, des
fournisseurs de services de télécommunication. Elle définit à la fois le
champ de compétence du Conseil et la portée de ses pouvoirs de réglementation
ou juridiques. Elle oriente la politique au moyen des objectifs spécifiques
de l'article 7 de la Loi, ainsi qu'au moyen de certains articles en
particulier. |
|
Évolution de la législation et de la politique canadiennes en matière de
télécommunications
|
15. |
Dans un sens large, l'évolution d'un monopole
vers une structure plus concurrentielle caractérise depuis un siècle le
secteur des télécommunications au Canada. Durant les différentes phases de
cette évolution, la législation applicable en matière de télécommunications a
donné corps aux règles qui étaient nécessaires pour permettre de poursuivre
certains objectifs stratégiques du gouvernement et de concilier les intérêts
des fournisseurs et des utilisateurs de services de télécommunication. |
16. |
Au bout d'une période initiale d'environ
vingt-six ans (de 1880 à 1906) durant laquelle la structure de
l'environnement de la fourniture du service téléphonique au Canada était
relativement inexistante, nous avons connu la première phase de
réglementation globale. Caractérisée par la fourniture monopolistique des
services téléphoniques et par la réglementation indépendante des compagnies
de téléphone en vertu de la Loi sur les chemins de fer, cette première
phase aura duré quatre-vingt-sept ans, soit de 1906 à 1993. Durant les
dernières années de cette phase, et plus particulièrement après 1976, où les
pouvoirs du Conseil ont été étendus aux télécommunications, une certaine
concurrence avait été autorisée dans la fourniture de services de
télécommunication autres que les services de base, mais le monopole des
compagnies de téléphone dans la fourniture des services téléphoniques de base
est resté pratiquement intact.3 |
17. |
La transition du secteur des télécommunications,
dont la structure était surtout monopolistique, vers une structure de libre
concurrence a été la deuxième phase du processus évolutif. Quoique ce
processus ait commencé vers la fin des années 1970, et qu'il ait fait l'objet
d'examens au cas par cas en ce qui concerne les services de télécommunication
autres que de base, ce n'est qu'au moment de l'adoption de la Loi sur les
télécommunications, en 1993, que le cadre législatif a été modifié de
manière à encourager — voire même à exiger — la poursuite d'une structure
plus concurrentielle pour la fourniture des services de télécommunication au
Canada. |
18. |
Cette deuxième phase a été caractérisée par un
mélange de concurrence et de réglementation. On a compris dès le départ qu'il
n'y aurait pas de coupure franche entre la décennie de structure
monopolistique et la nouvelle industrie pleinement concurrentielle, et qu'il
faudrait conserver la réglementation pour protéger les intérêts des
utilisateurs dans cet environnement hybride. En raison de la nature très
interdépendante des réseaux de télécommunication, on a également reconnu
qu'il faudrait mettre en place une surveillance réglementaire, tant pour
gérer la transition que pour veiller en permanence à ce que l'objectif de la
connectivité entre les réseaux et d'autres objectifs de politique publique
continuent d'être atteints. Comme il en est question plus loin dans le
présent document, le cadre de la Loi sur les télécommunications a été
façonné de manière à doter le Conseil des mêmes pouvoirs dont il a toujours
joui pour réglementer la fourniture des services de télécommunication, plus
quelques nouveaux pouvoirs lui permettant de mieux gérer l'environnement
hybride qui prendrait forme. |
|
Ère du monopole
|
19. |
Pendant la plus grande partie du siècle dernier,
la politique de télécommunication au Canada a été axée sur l'expansion d'un
service téléphonique fiable, de grande qualité, offert aux Canadiens à un
prix raisonnable dans toutes les régions du Canada. En général, pour
atteindre cet objectif, on a eu recours au monopole réglementé par le
gouvernement. On pensait alors que la meilleure façon d'atteindre cet
objectif consisterait à exploiter les économies d'échelle et à éviter la
reproduction coûteuse d'installations au sein de ce qui était considéré comme
un « monopole naturel ». |
20. |
Aux États-Unis, on considère généralement que
c'est Theodore Vail qui est parvenu à convaincre les organismes de
réglementation étatiques de négocier avec son entreprise, AT&T Long Lines,
une « entente réglementaire » destinée à regrouper une multitude
d'entreprises téléphoniques locales indépendantes dans des monopoles
régionaux intégrés qui seraient reliés par son entreprise, Long Lines. En
échange de cette franchise monopolistique, Vail a accepté d'étendre le
service téléphonique aux résidants des territoires visés par l'entente et de
se soumettre à la réglementation imposée par le gouvernement. De 1915 à 1925,
les circonscriptions locales concurrentes, qui avaient été la norme dans les
grands centres urbains américains, ont été fusionnées en monopoles
territoriaux et rattachées à un système national. La réglementation a servi à
protéger le monopole, ainsi qu'à offrir un substitut pour les aspects
incitatifs des prix et des services concurrentiels.4 |
21. |
Au Canada, nos monopoles régionaux se sont
formés de manière plutôt différente - mais le résultat était sensiblement
pareil. Même si Bell Canada a initialement établi des réseaux dans diverses
régions du Canada, elle a donné l'impression de ne pas accorder d'attention à
l'Ouest, ce qui a amené les gouvernements de l'Alberta, de la Saskatchewan et
du Manitoba à acheter les actifs de Bell Canada dans ces provinces et à
mettre sur pied leurs propres entreprises de service téléphonique régional en
1907 et en 1908. Bell Canada avait aussi vendu ses intérêts dans les
provinces de l'Atlantique à des investisseurs privés. De nombreuses
compagnies locales indépendantes de téléphone ont aussi émergé dans certaines
parties du Canada qui étaient peu ou pas desservies par Bell Canada ou par
les autres compagnies de téléphone. Environ 850 de ces entreprises
indépendantes étaient encore en exploitation lorsque, en 1976, le CRTC a vu
son champ de compétence s'étendre pour inclure la réglementation des
télécommunications. Depuis lors, les entreprises indépendantes continuent de
fusionner en compagnies régionales de grande taille. En fait, il ne reste
plus que 38 compagnies de téléphone indépendantes au Québec et en Ontario, et
une seule en Colombie-Britannique. |
22. |
Contrairement à la croyance populaire, le Canada
n'a pas commencé par offrir des services de télécommunication
monopolistiques. En plus des lignes télégraphiques concurrentielles longeant
les servitudes des voies ferroviaires concurrentes, il existait dans de
nombreuses zones urbaines une concurrence vigoureuse dans la prestation des
services locaux. Le problème venait du fait que les réseaux concurrentiels
n'étaient habituellement pas interconnectés, ce qui empêchait les clients de
systèmes concurrents de se parler. Même si Bell Canada possédait une charte
nationale lui permettant d'offrir le service téléphonique partout au Canada,
d'autres fournisseurs ont fait leur apparition dans de nombreuses régions.
Dans certains cas, c'était à cause d'un manque d'attention de la part de
Bell Canada, et dans d'autres cas, c'était simplement une réaction d'affaires
- résultant du désir d'offrir un service concurrentiel à meilleur prix. |
23. |
Dans son livre intitulé « A voice from afar:
the history of telecommunications in Canada », Robert Collins a décrit
comme suit l'état de la concurrence téléphonique en 1902 : |
|
Cette année-là, en 1902, Fort-William et Port-Arthur ont activé des
systèmes téléphoniques municipaux faisant concurrence à Bell. Un comité
civique à Saint John, au N.-B., a recommandé de faire de même. Peterborough
a accordé une franchise à une entreprise indépendante. Ottawa et London
n'ont renouvelé la franchise de Bell qu'après une amère controverse. Même
l'immortelle Brantford a refusé de renouveler la franchise exclusive, après
tout ce qu'avait fait Alec Bell pour la mettre sur la carte. La concurrence
était si féroce que dans certaines régions les monteurs de lignes coupaient
les poteaux des entreprises rivales. En 1905, la Dominion Grange, une
association agricole, et la Conférence des maires du Dominion réclamaient
que les lignes téléphoniques interurbaines relèvent du gouvernement
fédéral. Les trois provinces des Prairies rongeaient leur frein sous le
joug de Bell.5
(traduction libre).
|
24. |
Avant l'adoption de la Loi sur les
télécommunications en 1993, la Loi sur les chemins de fer
renfermait les principales dispositions de fond applicables à la
réglementation des télécommunications au palier fédéral au Canada.6
La Loi sur les chemins de fer a été modifiée pour la première fois
pour s'appliquer au service téléphonique en 1906, mais dès les années 1880,
le gouvernement fédéral avait limité sa compétence sur le marché du service
téléphonique, d'abord en 18807
en constituant Bell Canada en société conformément à une loi du Parlement,
puis en 1892, en interdisant à l'entreprise d'augmenter ses tarifs sans
l'approbation du gouverneur en conseil. Il en a résulté un « plafonnement des
prix » qui a duré dix ans. En 1902, la Loi spéciale de Bell Canada a
aussi été modifiée afin d'imposer « l'obligation de servir ». Fait
intéressant, cette obligation législative, signe avant-coureur de notre
politique de service universel, renfermait aussi un volet portant sur la
qualité du service : |
|
Sur la demande de toute personne, compagnie ou corporation dans une
cité, ville ou village, ou autre territoire, où il se donne un service
général et où un téléphone est demandé pour quelque objet légitime, la
compagnie devra, avec toute diligence raisonnable, fournir des téléphones
du dernier type amélioré dont fera alors usage la compagnie dans la
localité, et un service de téléphone pour les propriétés situées sur toute
voie publique, rue, ruelle ou autre lieu, sur ou sous lesquels la compagnie
a établi ou pourra établir ci-après un service ou système principal ou
d'embranchement de téléphone, sur l'offre ou le paiement semi-annuel et
d'avance des taux légaux; pourvu que l'instrument ne soit pas placé au-delà
de deux cents pieds de la voie publique, rue, ruelle ou autre lieu.8
|
25. |
Après un certain nombre d'années plutôt
tumultueuses de réglementation directe par le gouverneur en conseil, le
Parlement a adopté en 1906 un projet de loi suivant lequel Bell Canada et
toutes les autres compagnies de téléphone de charte fédérale relevaient de
la compétence de la Commission des chemins de fer du Canada, projet de loi
qui donnait à la Commission le pouvoir de réglementer toutes les taxes, tous
les contrats et toutes les ententes téléphoniques de ces entreprises. |
26. |
La Loi sur les chemins de fer a été
remaniée en 1919 et elle est restée en grande partie telle quelle pendant
soixante-quinze ans par la suite, jusqu'à ce que la Loi sur les
télécommunications soit adoptée en 1993. En vertu de la Loi sur les
chemins de fer, seulement six articles de fond et deux articles
interprétatifs (articles 335 à 341) étaient applicables exclusivement aux
compagnies de téléphone. Les autres articles applicables étaient les
dispositions ferroviaires adaptées aux télécommunications en vertu de
l'article 339 de la Loi sur les chemins de fer. Chose étonnante, avec
seulement six dispositions de fond applicables spécifiquement au service
téléphonique, la Commission des chemins de fer, la Commission canadienne des
transports et le CRTC (ci-après désignés collectivement le Conseil) ont
successivement réglementé les entreprises de télécommunication relevant du
gouvernement fédéral, y compris les deux plus grandes compagnies de téléphone
du Canada, pendant quatre-vingt-sept ans. |
27. |
Dans ses dispositions de base, la Loi
n'énonçait pas expressément des objectifs stratégiques comme le fait
aujourd'hui la Loi sur les télécommunications à l'article 7.
Toutefois, il est possible d'en dégager trois objectifs stratégiques
distincts. |
28. |
Le premier principe est celui du service
universel. Ce principe, qui donnait corps au « marché » conclu entre le
gouvernement et la compagnie de téléphone, obligeait celle-ci à fournir aux
utilisateurs dans son territoire d'exploitation un service de qualité
supérieure à des taux abordables. En contrepartie, la compagnie de téléphone
était assurée d'un rendement juste sur les capitaux qu'elle avait investis
pour tenir la part de sa promesse. Ce principe, élaboré par les organismes de
réglementation et les tribunaux, a été dérivé de la disposition qui prévoit,
dans la Loi sur les chemins de fer, que toutes les taxes, ou tarifs,
doivent être « justes et raisonnables ». Ce principe a été consacré dans des
dispositions qui exigeaient que tous les tarifs soient déposés auprès du
Conseil pour son approbation préalable, et qui conféraient au Conseil de
vastes pouvoirs l'autorisant à approuver ces tarifs, à les rejeter, à les
modifier, à les remplacer ou à en reporter l'entrée en vigueur. |
29. |
Le deuxième principe obligeait les compagnies de
téléphone à traiter leurs abonnés de façon équitable et sans discrimination.
Il s'agissait d'un principe important, car sans lui, les abonnés n'auraient
joui d'aucun pouvoir de compensation pour composer avec le fournisseur
monopolistique. Une interdiction statutaire donnant corps au principe
obligeait la compagnie de téléphone à éviter, en ce qui concerne les tarifs
ou les services ou installations qu'elle fournissait, d'établir de
discrimination injuste contre une personne ou une compagnie quelconque,
d'instaurer ou d'accorder une préférence ou un avantage indu ou déraisonnable
à l'égard ou en faveur d'une personne ou d'une compagnie ou d'un trafic
donné, et de faire subir à cette personne, à cette compagnie ou à ce trafic
un désavantage ou préjudice indu ou déraisonnable. Cette interdiction était
renforcée par l'imposition du fardeau de la preuve aux entreprises de
télécommunication — lesquelles devaient prouver que cette discrimination
n'était pas injuste ou que cette préférence n'était pas indue ou
déraisonnable, selon le cas — et par le fait qu'elle conférait au Conseil les
mêmes vastes pouvoirs dont il jouissait à l'égard des tarifs, c'est-à-dire de
tirer des conclusions et de faire exécuter ces exigences. Une mesure de
protection du consommateur est venue renforcer la consécration du principe
d'équité : elle exigeait que le Conseil approuve au préalable toute clause de
limitation de responsabilité qui serait prévue dans un contrat de services de
télécommunication. |
30. |
Le troisième principe consacré dans la Loi
sur les chemins de fer concernait la connectivité des réseaux. On a
reconnu très tôt dans l'évolution du système téléphonique que son utilité
serait grandement améliorée si les clients des différents réseaux pouvaient
communiquer entre eux. Il s'agissait d'un point important, même dans un
environnement monopolistique, en raison de la présence de monopoles régionaux
et de centaines de compagnies de téléphone indépendantes. Le point était
important également pour la fourniture des télécommunications
internationales. Ce principe a pris forme dans une disposition statutaire qui
autorisait toute compagnie de téléphone réglementée (par une province, une
municipalité ou le gouvernement fédéral) à présenter une demande de
redressement au Conseil si elle désirait une interconnexion avec une
compagnie de téléphone réglementée par le gouvernement fédéral, mais ne
pouvait pas s'entendre sur l'interconnexion ou les modalités. Le Conseil
s'est vu conférer de vastes pouvoirs pour accorder l'interconnexion, établir
les modalités et les conditions, fixer la compensation et imposer les normes
d'interconnexion dans ces cas. Il a également reçu le pouvoir d'examiner
et d'approuver — ou rejeter — toutes les ententes d'interconnexion entre les
entreprises de télécommunication. |
31. |
La Loi sur les chemins de fer était
importante pour l'établissement d'un modèle de réglementation par une agence
réglementaire indépendante. L'identité de cette agence a changé trois fois
depuis 1906, mais le modèle a survécu. Depuis près de cent ans, il incombe à
cette agence d'interpréter la Loi et de concilier les intérêts des
utilisateurs et ceux des fournisseurs de services de télécommunication. Ce
modèle conférait à l'organisme de réglementation une grande discrétion dans
l'exécution de son mandat; en effet, l'organisme pouvait interjeter
appel devant le gouverneur en conseil et devant les tribunaux sur des
questions de loi et de compétence. |
32. |
Les principes de la réglementation du taux de
rendement, qui s'appliquaient aux entreprises de télécommunication jusqu'à
récemment, ont été élaborés par les organismes de réglementation et les
tribunaux en conformité avec le principe du service universel, par
l'entremise du processus d'approbation des tarifs, et en tenant compte de
l'exigence que tous les tarifs soient justes et raisonnables. Le service
consistait en l'accès au réseau et en son utilisation, de même qu'en
l'utilisation du téléphone proprement dit.9
Les tarifs étaient fixés en tenant compte de leur abordabilité pour les
consommateurs et les entreprises, et en vue de générer un rendement suffisant
pour permettre au monopole de continuer d'investir dans les installations et
l'équipement nécessaires à la prestation d'un service très répandu et de
qualité. On fixait les prix de manière à rendre l'accès au service
téléphonique local de base abordable pour le plus grand nombre possible de
consommateurs. On a approuvé des prix plus élevés pour l'interurbain et
d'autres services « facultatifs » dans le but de compenser tout manque à
gagner qui serait attribuable à la fourniture de services téléphoniques
locaux à faible coût dans les zones de desserte à coût élevé. Cette pratique
a donné lieu à une structure tarifaire plutôt complexe qui donnait corps à un
système d'interfinancement interne par service et par région. Elle a
également eu pour résultat de créer un cadre réglementaire qui nécessitait
l'intervention de l'organisme de réglementation dans la structure tarifaire,
dans la supervision des travaux de construction et de mise à niveau des
réseaux, et dans l'examen des prévisions de dépenses et de revenus de
l'entreprise. |
33. |
Ce modèle de monopole réglementé a contribué
grandement à l'atteinte de l'objectif du service universel. Le taux de
pénétration du service téléphonique au pays compte parmi les plus élevés au
monde, le prix du service étant parmi les plus bas. Le modèle de monopole
réglementé a aussi introduit une norme très élevée de service téléphonique.
Ces résultats, qui ont haussé le Canada au rang des chefs de file mondiaux de
la fourniture de services de télécommunication, étaient d'autant plus
remarquables que la taille du pays était vaste, sa densité de population
faible, sa topographie difficile et son climat aride. |
34. |
Malgré cette réussite, des pressions en faveur
d'un changement de la structure de notre système de télécommunication ont
commencé à se faire sentir durant les années 1970. La technologie évoluait et
laissait entrevoir l'avènement d'une plus grande variété de services; elle a
même fini par déclencher une remise en question de la légitimité de la
théorie du « monopole naturel ». L'introduction aux États-Unis de services
concurrentiels et d'options pour l'équipement a fait voir aux entreprises et
aux consommateurs canadiens qu'il était possible d'aspirer à une plus grande
sélection de services et d'équipements à des prix moins élevés — autant
d'avantages qu'offrait déjà le modèle de plus en plus concurrentiel de notre
voisin du Sud. En outre, les frais inférieurs aux États-Unis pour les
services interurbains et l'équipement de télécommunication d'affaires ont
amené les compagnies canadiennes à réclamer des changements. Les
revendications se sont intensifiées à mesure que l'on prenait de plus en plus
conscience de l'importance des télécommunications pour l'économie, et de la
structure comparative des coûts au Canada par rapport à celle des entreprises
concurrentes aux États-Unis. Le système d'interfinancement qui avait soutenu
la quête réussie du service téléphonique universel au Canada était devenu une
arme pour ceux qui clamaient l'introduction de la concurrence. Ceux-ci
pouvaient blâmer les frais interurbains et les coûts des télécommunications
d'affaires plus élevés au Canada (qui subventionnaient implicitement le
service dans les régions rurales et le service local de résidence) pour
justifier un changement dans la structure de l'industrie et dans notre façon
de la réglementer. |
35. |
À partir de la fin des années 1970 et jusqu'à
l'adoption en 1993 de la Loi sur les télécommunications, le Conseil a
commencé à recevoir des demandes visant l'introduction de la concurrence dans
différents secteurs du marché des télécommunications. Il traitait ces
demandes selon leur bien-fondé, au cas par cas, en soupesant les avantages et
les inconvénients que présentait l'introduction de la concurrence dans le
secteur en question. |
36. |
Le principe d'équité a occupé une place
importante dans ce processus. Bien que les dispositions non discriminatoire
prévues dans la Loi sur les chemins de fer étaient issues des lois sur
le transport pour compte d'autrui qui s'appliquaient à l'industrie des
transports, le Conseil les a adaptées, durant les années 1970 et 1980, et en
a fait un mécanisme important de mise en œuvre d'une certaine concurrence
dans le marché des télécommunications. |
37. |
À commencer par l'affaire Challenge
Communications en 1977, le Conseil a interprété la disposition non
discriminatoire prescrite dans la Loi sur les chemins de fer comme
interdisant à une compagnie de téléphone réglementée de se conférer un
avantage indu ou déraisonnable (au lieu de restreindre le sens aux
préférences accordées à un tiers).10
Dans cette décision, le Conseil a jugé que Bell Canada avait enfreint cette
disposition lorsqu'elle a refusé qu'un fournisseur concurrentiel de services
radiotéléphoniques interconnecte son service et le réseau téléphonique public
commuté pour pouvoir fournir à ses clients une nouvelle capacité de
commutation. Le fait que Bell Canada permettait à son service
radiotéléphonique de fonctionner de cette façon et qu'elle refusait la même
possibilité à un concurrent a mené le Conseil à conclure qu'il y avait
préférence ou avantage indu. Par suite de cette conclusion, Bell Canada a dû
produire, pour la première fois, des normes et un tarif d'interconnexion.
La Cour d'appel fédérale a confirmé cette interprétation de la disposition.11 |
38. |
Cette importante application de la disposition a
vite ouvert la porte à d'autres percées de la concurrence dans la recherche
de personnes par radio,12
dans l'interconnexion de lignes directes,13
dans le raccordement de terminaux14
et dans les services améliorés, dits aussi évolués.15 |
39. |
Le principe de connectivité et le pouvoir
qu'avait le CRTC d'obliger les entreprises de télécommunication à
interconnecter leurs réseaux ou lignes et les réseaux ou lignes d'autres
entreprises, de fixer les modalités et d'approuver les ententes
d'interconnexion, ont été, eux aussi, extrêmement importants pour l'évolution
de l'industrie canadienne des télécommunications. |
40. |
Initialement, ces pouvoirs ont servi à assurer
la connectivité entre les divers monopoles régionaux et les compagnies de
téléphone indépendantes qui exploitaient dans les régions qu'ils
desservaient. Le pouvoir d'examiner les ententes d'interconnexion permettait
à l'organisme de réglementation de surveiller les ententes de partage des
revenus entre les grandes compagnies de téléphone et les petites, et
d'examiner les ententes qui entraient en vigueur entre les membres du Réseau
téléphonique transcanadien (rebaptisé plus tard Telecom Canada, puis
Stentor), mis sur pied en 1932. |
41. |
Étant donné que les compagnies de téléphone
jouissaient de monopoles de fait sur les réseaux des services téléphoniques
locaux et que nombre d'applications des services concurrents nécessitaient
l'accès à ces réseaux pour faciliter les communications entre l'ensemble des
utilisateurs de télécommunications, le pouvoir d'ordonner l'interconnexion
était une arme à double tranchant qui pouvait être utilisée tantôt pour
préserver le monopole, tantôt pour permettre à la concurrence de se
développer. Avant 1979, l'année où le Conseil a ordonné pour la première fois
à Bell Canada de permettre que CNCP Telecommunications interconnecte les
lignes locales de Bell Canada et son réseau de lignes directes et de
transmission de données pour que les abonnés n'aient plus besoin d'avoir deux
téléphones,16
ce pouvoir avait généralement été utilisé pour exclure la concurrence.
Cependant, à partir de 1979, le Conseil s'en est servi conjointement avec la
disposition non discriminatoire pour transformer progressivement la structure
monopolistique de l'industrie en une structure de libre concurrence. Ces
pouvoirs ont été interprétés de manière à conférer au Conseil l'autorité de
faire plus que simplement publier des ordonnances d'interconnexion : ils lui
ont également permis d'établir des tarifs ainsi que des modalités et
conditions d'interconnexion que les nouveaux venus n'auraient pas été
capables d'obtenir du monopole en raison de leur faible pouvoir de
négociation. Au fil du développement de réseaux de télécommunication de plus
en plus complexes, ces dispositions ont permis au Conseil d'établir des
ententes d'interconnexion de systèmes de signalisation, d'instaurer des
normes d'interconnexion, et de ménager l'accès aux bases de données requises
pour fournir des voies de communication fluides entre réseaux concurrents. Au
cours des années subséquentes, ces dispositions ont également servi de
fondement à l'élaboration de mécanismes visant la transférabilité des numéros
et « l'égalité d'accès » pour les fournisseurs de services interurbains
concurrents. Comme les compagnies de téléphone se sont opposées à la plupart
de ces projets, il est à peu près certain que la concurrence n'aurait pas pu
se développer sur une base commerciale si le Conseil n'avait pas joui de tels
pouvoirs. |
42. |
En dépit des percées de la concurrence, et
malgré l'adaptabilité de certaines dispositions de l'ancienne Loi sur les
chemins de fer à de rôles nouveaux, la majorité des nouveaux services
concurrentiels étaient connexes au service téléphonique local de base,
n'entraînant donc pas de changement fondamental dans la structure de
l'industrie. L'ancienne Loi sur les chemins de fer était incomplète à
certains égards. Par exemple, la tentative du Conseil de s'abstenir de
réglementer les tarifs facturés par certaines entreprises de services sans
fil et par CNCP Telecommunications avait été invalidée par la Cour d'appel
fédérale parce que la Loi ne conférait pas un tel pouvoir
discrétionnaire au Conseil.17
En outre, on réclamait une déclaration plus claire de l'intention du
législateur à l'égard de la structure de l'industrie. |
43. |
En 1987, la ministre des Communications a
présenté un énoncé de politique qui visait un nouvel environnement de
concurrence fondée sur les installations par des réseaux réglementés, et
fondée sur les services par les revendeurs.18
La ministre énonçait également une nouvelle politique relative à la propriété
canadienne, et indiquait que le gouvernement adopterait une loi pour donner
effet à la politique. On s'apercevait de plus en plus qu'il faudrait des
changements législatifs pour orienter la structure de l'industrie, et qu'il
faudrait doter le Conseil de nouveaux pouvoirs pour gérer cet environnement,
qui serait de nature hybride, composé d'un mélange de services concurrentiels
et réglementés fournis par une variété d'entreprises et de revendeurs. C'est
dans ce contexte que la Loi sur les télécommunications a été
promulguée en 1993. |
|
La Loi sur les télécommunications
|
44. |
La Loi sur les télécommunications
établissait un cadre pour assurer la transition ordonnée de l'industrie
canadienne des télécommunications, dont la structure était surtout
monopolistique et définie par un système de compagnies de téléphone
interconnectées, vers une structure hybride plus concurrentielle se
caractérisant par un plus large réseau composé d'entreprises dotées
d'installations, de revendeurs et d'autres fournisseurs de services de
télécommunication concurrents. |
45. |
Il importe de savoir, lorsqu'on examine les
modifications législatives apportées par la Loi sur les télécommunications,
que la nouvelle Loi n'a pas remplacé le cadre réglementaire existant.
En fait, c'est tout à fait l'inverse : mises à part quelques légères
modifications, la nouvelle Loi a conservé toutes les dispositions de
fond de la Loi sur les chemins de fer, dont il est question plus haut.
Ces dispositions de fond ont ensuite été complétées par l'ajout d'une série
d'objectifs stratégiques explicites et de nouveaux pouvoirs conçus pour aider
le Conseil à réglementer la nouvelle structure hybride de l'industrie et à
gérer la transition de la réglementation de monopoles basée sur le taux de
rendement, vers une formule de réglementation plus souple. |
46. |
Les objectifs stratégiques prévus à l'article 7
de la Loi sur les télécommunications sont traités un peu plus loin.
Pour l'instant, cependant, il importe de savoir que ces objectifs appuient
fortement le principe du service universel tout en encourageant l'industrie à
se fonder davantage sur les forces du marché pour fournir les services de
télécommunication, et en améliorant l'efficience et la compétitivité des
télécommunications canadiennes aux niveaux national et international. |
47. |
La Loi sur les télécommunications a
conféré au Conseil un nouveau pouvoir discrétionnaire lui permettant, en
vertu de certains articles de la Loi, de s'abstenir de réglementer
certains services lorsqu'il conclut comme question de fait qu'une abstention
irait dans le sens des objectifs stratégiques des télécommunications
canadiennes. Elle lui a imposé l'obligation de s'abstenir dans les cas où il
conclut qu'un service ou qu'une catégorie de services de télécommunication
fait l'objet — ou fera l'objet — d'une concurrence assez forte pour protéger
les intérêts des utilisateurs. De plus, la Loi a confirmé expressément
que le Conseil n'était pas tenu d'utiliser la réglementation basée sur le
taux de rendement pour déterminer si les taux facturés par les entreprises
canadiennes étaient justes et raisonnables, ce qui a ouvert la porte au
plafonnement des prix ou à d'autres formes de réglementation basées sur des
incitatifs. En outre, la Loi a complémenté le pouvoir de réglementer
les tarifs qu'elle conférait au Conseil en prévoyant une nouvelle disposition
qui l'habilitait à assortir de conditions l'offre et la fourniture de tout
service de télécommunication par une entreprise canadienne. |
48. |
Un autre changement substantiel à la Loi sur
les télécommunications consistait à imposer des restrictions à la
propriété étrangère des entreprises canadiennes, qui étaient devenues partie
intégrante de la politique de télécommunication du gouvernement en 1987. |
49. |
Conformément à l'énoncé de politique de 1987, la
nouvelle législation était principalement axée sur la réglementation des
entreprises de télécommunication canadiennes – caractérisées par le fait
qu'elles étaient propriétaires ou exploitantes des « installations de
transmission » employées, soit par elles-mêmes, soit par des tierces parties,
pour offrir des services de télécommunication au public moyennant
rétribution. Les revendeurs et autres fournisseurs de services qui
utilisaient ces installations étaient largement exclus du champ de
réglementation du Conseil, mais, d'après l'énoncé de politique de 1987, ils
devaient quand même avoir accès aux réseaux des entreprises de
télécommunication à des conditions justes et raisonnables. Or, en venant axer
la réglementation sur les services que fournissent les entreprises
canadiennes et en élargissant la définition d'installations de
télécommunication de manière à y inclure tous les modes de fourniture, la
Loi a appuyé implicitement, à l'égard des télécommunications, une
approche réglementaire reposant sur la neutralité technologique. |
50. |
Les autres innovations de la Loi sur
les télécommunications étaient les suivantes : le pouvoir du gouverneur
en conseil de donner au CRTC des instructions exécutoires concernant la
politique; le pouvoir du Conseil d'exempter toutes les entreprises
canadiennes de télécommunication de l'application de la Loi; le
pouvoir d'ordonner à une entreprise de télécommunication réglementée d'offrir
certains types de services (généralement des services monopolistiques) d'une
entreprise affiliée dans le cadre de ses activités réglementées, ou
d'ordonner à une entreprise réglementée d'arrêter d'offrir des services
concurrentiels; d'éclaircir la répartition de la compétence en vertu des lois
sur les télécommunications et sur la radiodiffusion; le pouvoir d'interdire
des communications non sollicitées et le pouvoir de dispenser les entreprises
de télécommunication de l'interdiction législative d'influer sur le contenu
des messages transmis ou de le limiter. |
51. |
Littéralement, la Loi sur les
télécommunications de 1993 pourrait être considérée comme le prolongement
des dispositions fondamentales de la Loi sur les chemins de fer, tout
en offrant au Conseil une plus grande souplesse lui permettant de s'abstenir
de réglementer certains aspects définis au fur et à mesure que se développent
des marchés concurrentiels. Néanmoins, la Loi ne prévoyait pas la
déréglementation générale de l'industrie des télécommunications. En effet,
les pouvoirs d'abstention que lui confère l'article 34 ne s'appliquent qu'à
cinq articles de la Loi. Aucun pouvoir discrétionnaire ne lui était
imparti pour qu'il puisse s'abstenir de réglementer aux termes d'autres
articles, comme l'article 40, qui porte sur l'interconnexion d'installations,
et la Loi visait sans conteste le maintien d'un rôle de réglementation
de l'industrie dans ce nouveau contexte hydride. |
|
Gérer la transition vers des marchés concurrentiels aux termes de la Loi sur les télécommunications
|
52. |
La Loi de 1993 offrait un cadre
réglementaire pour gérer la transition de l'industrie canadienne des
télécommunications d'un monopole vers un nouveau marché concurrentiel
hybride. Tel qu'il est précisé plus haut, la Loi poursuivait entre
autres objectifs de favoriser le libre jeu du marché dans la prestation des
services de télécommunication et offrait une série d'outils de réglementation
destinés à alléger le fardeau réglementaire, voire à permettre l'abstention
de la réglementation à l'égard de certains pouvoirs qu'exerce le Conseil
lorsque le libre jeu du marché suffirait à protéger les intérêts des
utilisateurs à la place de la réglementation. |
53. |
Depuis douze ans, le cadre de réglementation a
changé de façon substantielle. Certains des changements marquants sont
abordés dans les paragraphes qui suivent. |
|
Examen du cadre de réglementation
|
54. |
Le 16 décembre 1992, juste avant l'entrée en
vigueur de la Loi sur les télécommunications, le Conseil a amorcé une
instance publique pour déterminer si le cadre réglementaire existant devrait
être modifié à la lumière de l'évolution de l'industrie.19
Dans cette instance, le Conseil a noté que dans une économie axée sur
l'information, une infrastructure moderne et efficiente de télécommunication
constitue un élément et un véhicule fondamental pour ce qui est de la
production et de la consommation de biens et services. Le Conseil a aussi
noté que depuis quelques années, l'évolution de la technologie et la
concurrence croissante avaient nettement modifié la nature de l'industrie des
télécommunications, de sorte qu'en plus de répondre aux besoins fondamentaux
de communication de tous les abonnés, les télécommunications sont devenues un
outil de gestion de l'information ainsi qu'un outil d'amélioration de la
productivité pour les entreprises. Ces changements ont permis aux compagnies
de téléphone de développer une large gamme de nouveaux services audio, vidéo
et de services de transmission de données haute vitesse pour satisfaire la
demande des abonnés d'affaires et de résidence dans les marchés des services
téléphoniques locaux et interurbains. |
55. |
En réponse à l'évolution de l'environnement, le
Conseil a rendu un certain nombre de décisions favorisant la concurrence dans
un certain nombre de segments de marché. Même si par suite de la concurrence
accrue les compagnies de téléphone faisaient l'objet d'une plus grande
discipline sur le marché, en 1992, elles ont continué à détenir le contrôle
effectif de la fourniture des services d'accès au réseau et les services
locaux, ainsi qu'à dominer le marché des services interurbains publics. |
56. |
Ce nouvel environnement des télécommunications a
poussé le Conseil à sonder le public pour savoir si le cadre réglementaire de
l'époque convenait le mieux pour servir l'intérêt public. Dans son avis
public, le Conseil posait les questions ci-après, qui s'apparentent
d'ailleurs à certaines des questions posées par le Groupe d'étude sur le
cadre réglementaire des télécommunications dans le contexte de l'examen qu'il
effectue actuellement : |
|
(1) La forme de réglementation axée sur le monopole que le Conseil a
adoptée depuis longtemps reste-t-elle la plus appropriée?
|
|
(2) Existe-t-il des solutions de rechange à la réglementation base
tarifaire/taux de rendement qui donneraient aux compagnies de téléphone
plus de souplesse pour ce qui est d'innover et de livrer concurrence tout
en maintenant un équilibre entre les intérêts des abonnés, des actionnaires
et des concurrents?
|
|
(3) Les compagnies de téléphone oeuvrant dans des marchés compétitifs
devraient-elles jouir d'une plus grande souplesse du point de vue de
la réglementation?20
|
57. |
Dans sa décision de 1994 sur l'Examen du
cadre de réglementation,21
le Conseil a établi un plan pour résoudre la question de l'interfinancement,
pour éliminer les obstacles à l'entrée sur le marché local, pour ouvrir à la
concurrence tous les segments restants du marché des télécommunications, y
compris le marché local, pour favoriser l'ouverture de l'accès et la
réciprocité entre les fournisseurs de services de télécommunication, y
compris l'obligation imposée aux entreprises téléphoniques de dégrouper les
tarifs pour faciliter l'interconnexion, pour diviser les bases tarifaires des
compagnies de téléphone en deux segments -- « services publics » et
« services concurrentiels » --, pour supprimer les services concurrentiels de
la base tarifaire autorisée, et pour introduire la réglementation incitative
des tarifs des services publics locaux en remplacement de la réglementation
traditionnelle reposant sur les taux de rendement, pour établir les critères
lui permettant de s'abstenir de réglementer des marchés suffisamment
compétitifs et d'accroître les mesures de protection visant à prévenir
les pratiques anticoncurrentielles des compagnies de téléphone.22 |
58. |
Même si la décision relative au cadre de
réglementation ne règle pas directement les questions de radiodiffusion, le
Conseil a indiqué dans un communiqué apparenté que cette décision réglait des
questions liées à la convergence : |
|
- les entreprises de câblodistribution seront autorisées à livrer
concurrence dans le marché des services téléphoniques locaux, et ce, aux
mêmes conditions que les autres fournisseurs;
|
|
- on s'attend à ce que les câblodistributeurs et les compagnies de
téléphone rivalisent en vue d'offrir un vaste assortiment de services
d'information, y compris dans les domaines de la conception et de la
distribution de services interactifs ou axés sur le contenu;
|
|
- les compagnies de téléphone peuvent acheminer des émissions
radiodiffusées jusqu'au foyer à titre d'entreprises de télécommunication
opérant pour le compte de radiodiffuseurs autorisés (accès vidéo);
|
|
- même si cette décision ne porte pas sur l'accès des compagnies de
téléphone au marché des services de radiodiffusion autorisés, le Conseil a
annoncé dans un avis public connexe que les compagnies de téléphone
pouvaient maintenant entreprendre des essais technologiques de services de
radiodiffusion de vidéo sur demande;
|
|
- si un service est assimilé à de la radiodiffusion au sens de la Loi
sur la radiodiffusion, les compagnies de téléphone ou leurs affiliées
devront, à l'instar de tout autre fournisseur, demander une licence ou être
admissibles à une exemption si elles désirent fournir ce service.23
|
59. |
C'était un plan ambitieux. Comme on le verra
ci-après, il n'était tout simplement pas possible de façonner un marché
concurrentiel sans d'abord éliminer les effets qu'ont eu des décennies de
structure monopolistique. Certains aspects du plan, comme la déréglementation
de l'industrie des équipements terminaux pouvaient être mis en œuvre
rapidement de manière isolée, alors que d'autres nécessitaient une série de
réformes s'étalant sur plusieurs années. |
60. |
C'est particulièrement le cas de l'introduction
de la concurrence locale, qui exigeait un travail important afin d'isoler et
de quantifier le prix de revient du service local pour les compagnies de
téléphone, pour déterminer et réduire le niveau des subventions, pour
rajuster les tarifs sans imposer soudainement aux consommateurs un choc
économique et pour repérer et isoler le coût des composantes réseau qui
doivent être dégroupées afin de faciliter l'interconnexion avec les nouveaux
venus. Dans certains cas, comme pour le plan triennal de « rééquilibrage »
des tarifs des services locaux et interurbains des compagnies de téléphone,
le moment a été choisi par le Conseil, alors que dans d'autres cas, comme
pour l'établissement des tarifs basés sur les coûts pour le dégroupement des
réseaux et la co-implantation, la tâche s'est révélée considérablement plus
difficile que prévue et il a fallu tenir de nombreuses instances pour
réussir. La mise en œuvre d'une réglementation par plafonnement des prix basé
sur des incitatifs a aussi dû attendre que le processus de rééquilibrage soit
terminé afin que les tarifs initiaux puissent être harmonisés avec les coûts.
D'autres aspects du plan, comme le régime de contribution, ont fait l'objet
d'un certain nombre de réformes entre-temps, au fur et à mesure que d'autres
réformes ont rapproché les tarifs locaux des coûts. En raison de la nature
dynamique de cette industrie mue par la technologie, les arrangements
d'interconnexion ont aussi évolué au cours de cette période et les
arrangements interentreprises ont dû être modifiés de temps en temps, pour
suivre l'évolution technologique. |
61. |
L'OCDE a commenté ce processus pluriannuel dans
son rapport de 2002 sur la Réforme de la réglementation dans l'industrie
des télécommunications au Canada : |
|
À première vue, il apparaît que le cadre réglementaire a évolué plutôt
lentement au Canada. A titre d'exemple, le cadre régissant la concurrence
sur le marché des services locaux a été présenté quatre ans après la loi
sur les télécommunications de 1993, mais il n'était lui-même que très
général et ne donnait pas les détails nécessaires à la mise en œuvre d'une
concurrence dans ce domaine. Chacune des questions clés a cependant été
abordée de façon méthodique. Ainsi, on a supprimé dans une large mesure les
subventions de la boucle locale avant d'ouvrir celle-ci à la concurrence.
Par ailleurs, les aspects techniques et opérationnels ont été confiés au
Comité directeur sur l'interconnexion du CRTC, qui est composé de
représentants de l'industrie, de groupes de consommateurs, de groupes
d'intérêts sociaux et du CRTC. Cette procédure, plus lente et consensuelle,
s'est vraisemblablement avérée plus fructueuse que celle de nombreux pays
où l'entrée en vigueur rapide des réglementations, alors que plusieurs des
mesures de sauvegarde réglementaires nécessaires n'étaient pas prêtes,
a soulevé des difficultés considérables pour les nouveaux entrants.
L'application de ces mesures dans le secteur des télécommunications a
été beaucoup mieux organisée et moins problématique au Canada que
dans plusieurs pays de l'OCDE. Cela dit, maintenant que les éléments
fondamentaux sont en place, il doit être possible d'accélérer le changement
dans les domaines où il est nécessaire.24
|
|
Rapprochement des tarifs et des coûts et rationalisation des subventions
|
62. |
Un des plus gros obstacles à l'avènement de
marchés concurrentiels au Canada a été le système complexe d'interfinancement
interne qu'avaient constitué les structures tarifaires des compagnies de
téléphone pendant les quatre-vingt-cinq années de réglementation du taux de
rendement et de tarification basée sur la valeur du service. Ce système avait
engendré une tarification inférieure aux coûts dans de nombreux marchés de
services locaux, ce qui rendait l'arrivée de nouveaux concurrents sur le
marché improbable, ainsi qu'une tarification bien supérieure aux coûts sur le
marché de l'interurbain, ce qui rendait le marché concurrentiel attrayant
pour les nouveaux venus, mais pas nécessairement de façon efficiente sur le
plan économique ou à des conditions équitables pour les compagnies de
téléphone titulaires, dont les tarifs interurbains intégraient ces
subventions implicites aux services locaux. |
63. |
Afin de s'attaquer à ce problème très complexe,
le Conseil a entamé un processus de réforme réglementaire en 1992, avant
l'entrée en vigueur de la nouvelle Loi. Un peu plus tôt la même année,
il avait ouvert le marché de l'interurbain à la concurrence et avait mis en
place des mécanismes pour faire en sorte que les nouveaux venus contribuent
également au coût des services téléphoniques locaux de niveau universel en
acquittant des frais de « contribution ». À ce moment-là, le niveau total de
contribution requis, exception faite des provinces des Prairies et des
compagnies de téléphone indépendantes qui ne relevaient pas encore du CRTC,
s'élevait à plus 2,8 milliards de dollars. Cela équivalait à une subvention
ou une « contribution » combinée comprise entre 14 et 19 cents par minute
pour deux parties d'un appel interurbain, selon la ou les provinces de départ
et d'arrivée de l'appel.25 |
64. |
Dans sa décision, le Conseil a dû tenir compte
du juste équilibre à atteindre entre les principes du service universel et la
nécessité de promouvoir l'efficience économique dans le marché des
télécommunications. Il a établi que la subvention du service local par
l'interurbain était beaucoup plus élevée que ne l'exigeait le maintien d'un
accès abordable et qu'elle imposait un fardeau inéquitable et inutile à un
grand nombre d'utilisateurs de l'interurbain. Le Conseil avait également
relevé les répercussions négatives que cette situation pourrait avoir sur les
« entreprises fortement tributaires des services d'information ». Le plan de
rééquilibrage des tarifs adopté par le CRTC en 1994 prévoyait une hausse du
tarif du service local de 2,00 $ par mois en 1995, 1996 et 1997 pour les
secteurs de résidence et d'affaires.26 |
65. |
Pendant ce temps, le Conseil a poursuivi
plusieurs autres initiatives conçues pour supprimer le lien de longue date
entre les tarifs locaux et interurbains des compagnies de téléphone et pour
déterminer plus précisément le prix de revient de la fourniture du service
téléphonique local dans les régions urbaines et rurales du pays. Parmi ces
initiatives, il y a eu un examen approfondi de la répartition des coûts et
des méthodes d'établissement des coûts qu'utilisent les compagnies de
téléphone pour un large éventail de services (Enquête sur le prix de revient
- phase III), et le « partage » ultérieur de la base tarifaire des compagnies
de téléphone entre les services publics, qui comprenaient les services
monopolistiques encore assujettis à la réglementation tarifaire, et les
services concurrentiels, qui comprenaient les services interurbains de
transmission de la voix et de données et d'autres services de
télécommunication fournis sur une base concurrentielle. Les subventions
implicites entre les services locaux et interurbains ont été ensuite
calculées par minute et explicitées dans un tarif d'accès des entreprises aux
services publics, qui s'appliquait à la fois aux services interurbains des
compagnies de téléphone et à ceux de leurs concurrents. Même si les
compagnies de téléphone n'avaient pas à séparer leurs services concurrentiels
du segment des services publics d'un point de vue structurel, elles devaient
néanmoins imputer les coûts d'accès des entreprises, notamment le paiement
des contributions, à leurs tarifs interurbains et comptabiliser ces recettes
dans le segment des services publics. |
66. |
Avec l'arrivée potentielle de la concurrence
locale en 1997, ce régime a été affiné pour permettre aux entreprises
concurrentes d'avoir accès aux fonds de contribution lorsqu'elles
fournissaient des services dans des zones de desserte à coût élevé. Le CRTC a
agi de la sorte pour tenir compte du fait que la concurrence ne se
développerait pas dans ces régions si seuls les services offerts par les
compagnies de téléphone étaient subventionnés. Cette réforme a nécessité un
calcul approfondi des coûts afin qu'il soit possible de déterminer à combien
revenait aux compagnies de téléphone la fourniture du service téléphonique
local dans différentes régions de leurs territoires d'exploitation où les
structures de coûts étaient similaires. On a ensuite établi les prix de
revient associés à la fourniture des services dans ces « tranches de
tarification » et on les a comparés au tarif facturé afin d'obtenir le
montant de contribution reçu par les compagnies de téléphone, montant qui
devrait donc être accordé aux concurrents. La Loi sur les
télécommunications a été modifiée en 1998 de manière à permettre la
nomination d'un administrateur indépendant des fonds de contribution chargé
d'administrer la collecte de ces fonds auprès des entreprises concurrentes et
d'effectuer les paiements adéquats aux bénéficiaires admissibles qui
fournissent des services locaux dans des zones de desserte à coût élevé.27
La subvention par voie de contribution est liée aux lignes d'accès dans les
régions de desserte à coût élevé et est versée à l'entreprise choisie par le
client. Lorsqu'un client décide de changer d'entreprise, la contribution est
alors versée à la nouvelle entreprise. |
67. |
L'étendue des services devant payer une
contribution a également été élargie en 1997 de manière à inclure, dans la
liste de ces services, un large éventail de services interurbains, dont
l'interurbain sans fil.28
Cet élargissement de la base a permis d'alléger le fardeau de la contribution
qui pesait sur les services filaires interurbains et a entraîné d'autres
réductions de prix des appels interurbains. |
68. |
Finalement, en 2000, on a complètement supprimé
le lien existant entre les services locaux et interurbains en remplaçant le
régime de contribution fondé sur les minutes d'interurbain par un régime de
contribution fondé sur les revenus de télécommunication générés par
l'ensemble des fournisseurs de services de télécommunication (ce régime
exclut les revenus attribuables à l'équipement, aux services Internet de
détail et aux services de radiomessagerie).29
Cet important élargissement de la base des services devant payer une
contribution a permis d'abaisser les taux de contribution à un niveau où ils
n'ont plus une incidence significative sur le prix des services interurbains
ou de tout autre service de télécommunication. |
69. |
Les résultats de ce processus plutôt ardu ont
été impressionnants. Les services téléphoniques locaux sont maintenant
offerts à la plupart des Canadiens à des tarifs basés sur les coûts, qui
n'exigent aucune contribution. Dans les régions du Canada qui sont encore
considérées comme des zones de desserte à coût élevé, les subventions ont été
calculées et on les a rendues transférables. Toutefois, même dans ces
régions, les tarifs ont été ramenés presque au niveau des coûts dans toutes
les tranches sauf dans celles à coût très élevé. En gros, le montant des
contributions nécessaire à l'échelle du Canada est passé d'environ 3,5
milliards de dollars en 1993 à environ 240 millions de dollars en
2004, ce qui représente une baisse de plus de 93 p. 100. La plus grande
compagnie de téléphone du Canada, Bell Canada, a vu sa contribution passer de
plus de 2 milliards de dollars en 1993 à 46 millions de dollars en 2004, ce
qui représente une chute de plus de 97 p. 100. Depuis que le régime de
contribution fondé sur les minutes d'interurbain a été converti en un régime
fondé sur les revenus de télécommunication, la contribution en tant que
pourcentage de revenus provenant des services de télécommunication
admissibles à une contribution a constamment baissé chaque année, passant de
4,5 p. 100 en 2001 à 1,1 p. 100 en 2004.30
Il est important de souligner que ce processus pluriannuel qui comporte
plusieurs volets a été mené à bien sans baisse significative de
l'accessibilité aux services de télécommunication au Canada. |
|
Ouverture à la concurrence des marchés restants
|
70. |
Depuis 1993, tous les autres segments du marché
des télécommunications ont été ouverts à la concurrence. Cela comprend le
plus grand segment de l'industrie, à savoir le marché des services locaux en
1997,31 le
marché des services interurbains outre-mer en 1998,32
le marché des services de téléphoniste en 199533
et le marché des téléphones payants en 1998.34
Dans la plupart des cas, il a fallu mettre en œuvre de nouvelles dispositions
en matière d'accès et de nouvelles mesures de protection des consommateurs de
manière à favoriser des communications harmonieuses entre les réseaux et les
fournisseurs de services et de manière à protéger les consommateurs contre le
« maraudage » et d'autres abus découlant de ces nouvelles dispositions. |
71. |
Parmi ces nouvelles initiatives, la plus
complexe était de loin celle concernant le marché des services locaux, où de
nouvelles mesures novatrices ont été nécessaires pour permettre
l'interopérabilité harmonieuse et le transfert en douceur des clients entre
les réseaux concurrents. Ces mesures comprenaient l'introduction de la
transférabilité des numéros locaux (en plus de la contribution transférable
mentionnée plus haut) pour faire en sorte que les clients puissent changer
d'entreprises sans changer leur numéro de téléphone, l'introduction de
nouveaux arrangements relatifs à l'interconnexion des réseaux et à la
compensation dans le but de reconnaître le statut de coentreprise des
entreprises de services locaux concurrentes (ESLC), au lieu de les traiter
comme des clients d'entreprises de services locaux titulaires (ESLT),
ainsi que l'introduction d'un accès accru à certains éléments réseau
essentiels ou quasi essentiels qui étaient demandés par les nouveaux
concurrents afin de faciliter la pénétration dans ce qui était toujours un
monopole de facto présentant de grands obstacles à l'entrée. |
72. |
Bien que le Conseil ait approuvé ce cadre dans
sa décision de 1997 sur la Concurrence locale, tout comme certains
autres aspects de l'Examen du cadre de réglementation de 1994, on a
mis beaucoup plus de temps à mener à bien certains aspects de cette décision.
Cela comprenait notamment ce qui suit : trouver une solution technique aux
problèmes posés par la transférabilité des numéros locaux; établir des tarifs
basés sur les coûts pour les composantes réseau dégroupées mis à la
disposition des ESLC; établir des ententes opérationnelles relatives à
l'interconnexion entre les ESLC, les ESLT, les entreprises de services
interurbains, les entreprises de services sans fil et les revendeurs; mettre
en œuvre des mécanismes permettant le transfert en douceur des clients qui
décident de changer de fournisseur de service local. Afin de faciliter le
processus de mise en œuvre de toutes ces dispositions et de résolution des
problèmes techniques, le Conseil a énormément eu recours aux services du
Comité directeur du CRTC sur l'interconnexion (CDCI), qui fait appel à
l'industrie pour mettre en œuvre, sous la supervision du Conseil, des
dispositions consensuelles en matière d'interconnexion. |
73. |
S'il est vrai que tous ces mécanismes sont
maintenant mis en œuvre et complètement opérationnels, il est juste de dire
rétrospectivement qu'on a mis beaucoup plus de temps à finaliser certains
aspects du plan de mise en œuvre qu'on ne l'avait prévu au départ. Cela a été
particulièrement vrai pour le processus de dégroupement du réseau, qui
comprenait l'établissement de tarifs basés sur les coûts pour certains
éléments du réseau demandés par les ESLC. Les tarifs étaient très
controversés compte tenu de leur incidence potentielle à la fois sur les ESLT
et les ESLC, et les ESLT étaient contre le concept de l'accès à des
installations essentielles ou quasi essentielles. L'établissement des tarifs
finals a nécessité un certain nombre de débats qui ont eu lieu pendant
plusieurs années. |
74. |
Malgré les prévisions faites par les ESLT
concernant la perte d'importantes parts de marché lors des audiences
publiques ayant précédé la décision de 1997, le Conseil avait conclu que la
concurrence se développerait plus lentement sur le marché local que sur le
marché des services interurbains, et ce, en grande partie à cause de la
nature capitalistique du marché local et d'autres obstacles importants à
l'entrée sur le marché. Toutefois, il est juste de dire que la concurrence
sur le marché local s'est développée plus lentement que prévu. Cela est en
partie attribuable au fait qu'il a fallu beaucoup de temps pour mettre en
œuvre les différents éléments de la décision de 1997 et qu'il a fallu prendre
plusieurs années pour rapprocher des coûts les tarifs applicables aux lignes
locales dégroupées et aux autres composantes réseau dégroupées que
réclamaient les ESLC. Par ailleurs, l'éclatement de la « bulle »
technologique a clairement nui à la capacité de l'industrie naissante des
ESLC d'obtenir des fonds supplémentaires pour la mise en place de leur
réseau, ce qui a fait que bon nombre de ces entreprises ont échoué
financièrement. |
75. |
Pour finir, la concurrence provenant de
certaines sources prévues ne s'est pas concrétisée. Pensons, par exemple, aux
grands câblodistributeurs canadiens qui ont commencé à faire leur entrée dans
le marché local seulement cette année. Comme il fallait s'y attendre, les
ESLT ont tout fait pour ne pas céder une miette du marché, usant de tous les
outils à leur disposition, notamment des campagnes de « reconquête »
destinées aux clients qui avaient décidé de changer d'entreprise ainsi que
diverses promotions et réductions de prix ciblées conçues pour récupérer des
clients perdus. Tandis que les nouveaux venus devaient pénétrer un marché
déjà desservi à cent pour cent par les ESLT, celles-ci pouvaient axer leurs
stratégies de marketing sur les clients particuliers qui décidaient de les
quitter, de telles stratégies amenant souvent le client à revenir sur sa
décision si l'entreprise qu'il s'apprête à quitter lui propose une nouvelle
offre. De telles pratiques, qui gênaient l'avènement d'un marché
concurrentiel, a amené le Conseil à mettre en œuvre un certain nombre de
mesures de protection réglementaires conçues pour limiter les stratégies de
marketing déployées à titre de riposte par les ESLT jusqu'à ce que les
concurrents réussissent à s'implanter sur le marché. Le Conseil a également
fixé des prix planchers afin d'empêcher les ESLT de baisser les tarifs en
dessous des coûts pour nuire aux nouveaux concurrents. |
|
Réglementation des services locaux fondée sur des incitatifs
|
76. |
En 1998, après le processus de rééquilibrage des
tarifs explicites amorcé dans l'Examen du cadre de réglementation tel
qu'il a été précisé plus haut, le Conseil a remplacé la réglementation du
taux de rendement des services téléphoniques locaux des ESLT par une
réglementation par plafonnement des prix fondée sur des incitatifs. En vertu
de ce nouveau régime, le Conseil s'est soustrait au processus d'examen du
caractère raisonnable des dépenses et des revenus prévus des ESLT ainsi qu'au
processus d'établissement d'un rendement approprié du capital investi. Il a
plutôt mis en place un système fondé sur les incitatifs qui a plafonné
l'ensemble des niveaux de tarification à l'inflation moins un facteur de
productivité et a incité les ESLT à accroître la productivité au-delà du
facteur de productivité approuvé et à garder les bénéfices supplémentaires
réalisés grâce à leurs efforts. Ce mécanisme, qui est entré en vigueur le 1er
mai 1998 pour une période initiale de quatre ans,35
a été ensuite examiné et révisé en date du 31 mai 2002 pour une autre période
de quatre ans.36
Le régime de plafonnement des prix a entraîné une approbation rationalisée
des changements de tarifs qui respectent le plafond prescrit et d'autres
restrictions en matière de tarification imposées sur certains ensembles de
services prescrits, comme le service local de résidence. Ces restrictions ont
été conçues pour permettre le partage des bénéfices liés aux réductions de
tarifs parmi les groupes d'abonnés, plutôt que de donner carte blanche aux
ESLT pour les cibler en tant que clients spécifiques. |
77. |
Le passage vers la réglementation par
plafonnement des prix pour ce qui a trait aux services locaux du segment des
services publics a permis d'éliminer une grande partie du fardeau
réglementaire qui avait été associé aux tarifs généraux, aux programmes
d'examen des constructions et à l'étude approfondie des changements de tarifs
dans le cadre d'un régime basé sur le taux de rendement. Les plans de
plafonnement des prix du Conseil ont carrément mis les décisions relatives à
la technologie et à l'investissement dans les mains des ESLT, le Conseil
n'effectuant aucun examen, et ont axé la réglementation sur les prix de
détail à l'aide de l'index de plafonnement des prix. |
|
Abstention de la réglementation
|
78. |
Tel qu'il a été précisé plus haut, le Conseil a
essayé de s'abstenir de réglementer les prix facturés par CNCP
Telecommunications et diverses entreprises de télécommunication sans fil au
milieu des années 1980,37
mais ses tentatives en ce sens ont été rejetées par la Cour d'appel fédérale,
qui jugeait que le Conseil outrepassait sa compétence en vertu de la Loi
sur les chemins de fer.38
Le Conseil n'a donc été habilité à s'abstenir de réglementer les tarifs
qu'après l'adoption de la Loi sur les télécommunications en 1993. |
79. |
Après l'entrée en vigueur de cette nouvelle
législation, le Conseil a pris des mesures immédiates pour s'abstenir de
réglementer les prix de l'équipement sans fil39
et de l'équipement terminal, ainsi que de la plupart des services
qu'offraient les concurrents non dominants des ESLT.40
L'abstention de la réglementation des services interurbains à communications
tarifées est venue en 1997, lorsque les forces concurrentielles étaient
devenues suffisamment fortes pour protéger les consommateurs contre la
position dominante des ESLT sur le marché.41
L'abstention de la réglementation s'est également étendue aux services
téléphoniques et aux services de données sur lignes directes qui étaient
fournis sur les routes desservies de manière concurrentielle.42 |
80. |
Lorsque la concurrence est arrivée sur le marché
des services téléphoniques locaux en 1997, les ESLC ont fait l'objet d'une
abstention de la réglementation des prix de détail, alors que les ESLT sont
restées soumises à la réglementation des prix en raison de leur domination
sur ce marché. Dans l'ensemble des autres segments du marché, les entreprises
non dominantes ont fait l'objet d'une abstention de la réglementation des
tarifs, bien que le Conseil ait conservé le pouvoir, en vertu du
paragraphe 27(2) de la Loi, de régler les questions d'interconnexion
et d'accès entre les entreprises ou entre les fournisseurs de services et les
entreprises. |
81. |
En 1999, le Conseil a également décidé qu'il
s'abstiendrait de réglementer le contenu d'Internet en vertu de la Loi sur
la radiodiffusion,43
et il a approuvé les demandes qu'ont présentées les ESLT en vue d'obtenir la
permission de modifier le contenu de l'information diffusée sur leurs réseaux
en vertu de l'article 36 de la Loi.44
Cela a ouvert la porte à la pleine participation des ESLT à l'industrie des
services Internet. |
82. |
À ce jour, environ 70 p. 100 du marché canadien
des télécommunications (exprimé en revenus) a fait l'objet d'une abstention
de la réglementation des tarifs, les tarifs des services téléphoniques locaux
des ESLT et les tarifs des services d'accès concurrentiels restant
essentiellement réglementés.45
Même sur le marché des services locaux, le Conseil examine actuellement une
demande d'abstention présentée par Aliant Telecom et a convoqué une instance
publique afin d'établir les critères permettant de déterminer quand les
marchés des services locaux peuvent faire l'objet d'une abstention de la
réglementation des tarifs en vertu de l'article 34 de la Loi sur les
télécommunications.46 |
|
Efficacité de la réglementation
|
83. |
Comme cela a été dit plus haut, la majorité du
programme de réglementation des 12 dernières années, depuis l'entrée en
vigueur de la Loi sur les télécommunications, a été axée sur le
démantèlement du système de monopole, sur la réglementation du taux de
rendement, qui s'était développée au cours des 85 années précédentes, sur
l'ouverture des marchés à la concurrence, sur l'élimination des obstacles à
l'entrée sur le marché, sur l'arbitrage de différends en matière de
concurrence et sur la gestion d'une transition ordonnée entre une structure
d'industrie de monopole à une structure concurrentielle qui tient toujours
compte des objectifs de la politique canadienne en matière de
télécommunications énoncée à l'article 7 de la Loi. Il se peut que le
caractère ambitieux du processus entamé en 1994 et les nombreuses étapes pour
le mener à terme aient créé l'impression que la réglementation a augmenté,
alors que c'est plutôt le contraire qui s'est produit. Ce qui a nécessité
autant de temps et d'efforts et entraîné le processus réglementaire à un
point tel au cours des années écoulées, c'est la transition laborieuse entre
un régime de réglementation omniprésente à un régime comportant moins
d'intervention directe, moins de mécanismes d'approbation et des procédures
de règlement de différends rationalisées. |
84. |
En plus de l'élimination de la réglementation
des tarifs dans près de 70 p. 100 du marché des télécommunications et
l'assouplissement de celle-ci dans les 30 p. 100 restants grâce à
l'introduction du plafonnement des prix, le Conseil a récemment pris des
mesures pour rationaliser encore davantage le processus d'approbation des
tarifs afin de permettre aux ESLT de mieux répondre aux conditions liées au
marché concurrentiel.47
En effet, il est désormais possible d'effectuer les changements de prix
respectant les critères relatifs au plafonnement des prix au moyen d'un
processus d'approbation provisoire ex parte, ce qui permet aux ESLT de
procéder aux changements de prix sans prévenir d'abord leurs concurrents
d'éventuels changements. Il y a 17 mois, le Conseil a également lancé un
processus accéléré de règlement des différends en matière de concurrence qui
permet de régler de manière expéditive des différends bipartites au moyen
d'un processus de médiation mené par les employés et de mini-audiences tenues
par une équipe spéciale composée d'employés et de conseillers qui sont
chargés de régler les différends rapidement.48
Depuis la mise en œuvre de cette nouvelle procédure, on a constaté que le
taux de règlement des différends en matière de concurrence a largement
dépassé le nombre d'audiences concrètes qu'il a fallu tenir. Ce mécanisme
s'ajoute à d'autres formes de règlement de différends que le Conseil a
rendues disponibles depuis 1994.49 |
|
Examen des objectifs de la politique de télécommunication
|
85. |
Comme on l'a vu ci-haut, l'une des innovations
de la Loi sur les télécommunications était l'inclusion, à l'article 7
d'une série d'objectifs. Conjointement avec l'alinéa 47a) de la Loi,
qui exige du Conseil qu'il exerce les pouvoirs et exécute les fonctions que
lui confie la Loi pour mettre en œuvre les objectifs et les
orientations politiques exprimés par le gouverneur en conseil en vertu de
l'article 8 de la Loi, la législation était clairement conçue pour
orienter le Conseil en ce qui concerne les grands dossiers politiques. |
86. |
Il est plutôt rare que les lois canadiennes
énoncent expressément une politique, mais c'est ce qui caractérise la Loi
sur la radiodiffusion depuis 1968. La Directive « cadre » de la
Communauté européenne (la CE), dont nous parlerons plus loin, énonce elle
aussi des objectifs stratégiques destinés à guider les autorités
réglementaires nationales au sein de la CE. |
87. |
Certains commentateurs ont critiqué les
objectifs de la politique énoncée à l'article 7, soutenant qu'ils sont trop
nombreux pour guider clairement le Conseil et qu'ils confèrent trop
de latitude au Conseil du fait qu'ils ne sont pas assortis d'un ordre de
priorité. Nous ne sommes pas d'accord. |
88. |
À l'article 7, le Parlement a voulu formuler une
série d'objectifs stratégiques généraux que le secteur des télécommunications
canadiennes devrait, selon lui, chercher à atteindre. Dans la Loi, il
est explicite que le Conseil doit tenir compte de ces objectifs lorsqu'il se
prononce sur les questions dont il est saisi. En revanche, il est implicite
que le Conseil, en tant qu'organisme de réglementation indépendant, s'en
remettra à son jugement pour soupeser et concilier ces objectifs puisque
qu'ils risquent d'entrer en conflit l'un avec l'autre dans des cas
particuliers. En fait, c'est l'essence même de son rôle dans le processus de
réglementation. |
89. |
Lorsque le gouverneur en conseil désapprouve le
jugement du Conseil, il peut réviser la décision concernée et la modifier. À
en juger par le très petit nombre de décrets qui ont servi à modifier des
décisions du Conseil au fil des ans, le processus semble bien fonctionner
en général. |
90. |
Dans le cadre de ses travaux, le Conseil
s'emploie toujours à concilier les objectifs de la politique, mais tout
particulièrement ceux énoncés aux alinéas 7b) et 7f). L'alinéa 7b), qui
énonce le principe du service universel, vise à permettre l'accès aux
Canadiens dans toutes les régions, rurales ou urbaines, du Canada à des
services de télécommunication sûrs, abordables et de qualité. Quant à
l'alinéa 7f), il vise à favoriser le libre jeu du marché en ce qui concerne
la fourniture de services de télécommunication. Théoriquement, subventionner
le service téléphonique dans les zones de desserte à coût élevé et chercher à
promouvoir le libre jeu du marché (ce qui entraînerait une hausse des prix
dans les zones où les coûts sont déjà élevés) sont deux objectifs
contradictoires. Néanmoins, il est possible de les concilier. Comment?
En abaissant les subventions à un niveau qui permet de maintenir des prix
abordables tout en s'assurant que les subventions revêtent un caractère de
neutralité sur le plan de la concurrence et qu'elles peuvent être transférées
à l'entreprise qui réussira à conquérir le client, quelle que soit cette
entreprise. Voilà le genre d'exercice nécessitant souvent la conciliation
d'objectifs sociaux et économiques que le Conseil est appelé à faire en
application de la Loi sur les télécommunications. |
91. |
Cela étant dit, il s'est écoulé une douzaine
d'années depuis l'adoption de la Loi sur les télécommunications, et il
est peut-être possible que certains des objectifs de la politique ne soient
pas aussi pertinents en 2005 qu'en 1993. Pensons par exemple, à la promotion
de l'utilisation d'installations de transmission canadiennes, que prévoit
l'alinéa 7e). |
92. |
L'alinéa 7e) se lit comme suit : |
|
e) promouvoir l'utilisation d'installations de transmission canadiennes
pour les télécommunications à l'intérieur du Canada et à destination ou en
provenance de l'étranger;
|
93. |
Même si le gouvernement du Canada avait pour
objectif en 1993 de faire acheminer au moyen des installations canadiennes
les services de télécommunication à l'intérieur du Canada et à destination ou
en provenance de l'étranger, et même si cet objectif transparaissait dans les
politiques du Conseil, il ne s'applique plus à la scène internationale.
Depuis la signature de l'accord de l'OMC sur les services de
télécommunication de base et la modification subséquente de la Loi sur les
télécommunications, de manière à permettre la concurrence dans les
services de communication avec l'étranger, toutes les restrictions relatives
à l'acheminement ont été éliminées.50
Maintenant, même les appels Canada-Canada peuvent être acheminés à travers
d'autres pays à l'aide d'installations étrangères situées dans ces pays. |
|
Se préparer pour l'avenir
|
94. |
Aucune loi n'est parfaite, mais la Loi sur
les télécommunications contient quand même de nombreuses dispositions qui
ont permis de passer d'un monopole tous azimuts à un marché plus
concurrentiel. De plus, elle comporte une série de dispositions
réglementaires souples qui permettent de gérer cette difficile transition.
Dans le cadre de notre réflexion prospective, il convient maintenant de se
demander si la Loi fournit un modèle approprié pour la
prochaine décennie. |
95. |
Tel qu'il est mentionné précédemment, le
Conseil, dans le présent document, a dirigé son attention vers la Loi
et les grandes questions stratégiques que le Groupe d'étude sur le cadre
réglementaire des télécommunications a soulevées dans son document de
consultation. Plutôt que d'essayer de répondre aux questions qui y sont
soulevées, le Conseil a tenté de placer certaines de ces questions dans le
contexte du cadre réglementaire afin d'examiner l'incidence que des
modifications à la Loi auraient sur les résultats stratégiques et
d'évaluer quelle serait cette incidence. Le Conseil a pour objectif
d'alimenter le débat en explorant les résultats des modifications
potentielles. |
|
L'avenir du service universel
|
96. |
Tel que mentionné plus haut, depuis bien des
années, le service universel a été un élément important de la politique
canadienne de télécommunication, conformément à la Loi sur les chemins de
fer et à la Loi sur les télécommunications. Cette politique a
généralement porté sur trois aspects du service de télécommunication : la
disponibilité, le prix et la qualité. L'objectif est que tous les Canadiens,
partout au pays, aient accès à des services téléphoniques de qualité à des
prix abordables. La qualité du service s'est généralement améliorée plus
rapidement dans les régions urbaines que dans les régions rurales et
éloignées, en raison de ce qu'il en coûte d'offrir le service dans les
régions rurales et éloignées, mais malgré tout, de grands progrès ont été
réalisés au fil des ans. Les lignes collectives ont cédé la place aux lignes
directes et une série de programmes de modernisation de commutateurs a fait
avancer la technologie jusque dans les réseaux des compagnies de téléphone,
si bien que la grande majorité de la population canadienne a maintenant accès
à un service téléphonique local de qualité et à un prix abordable. |
97. |
Pendant les 20 dernières années, autant le
gouvernement que les organismes de réglementation ont déployé des efforts
considérables pour resserrer l'écart restant en matière d'accès et pour
améliorer la qualité du service offert aux régions rurales et éloignées.
Certains gouvernements ont fait des investissements directs et des programmes
réglementaires spéciaux ont permis l'élaboration de plans d'amélioration du
service (PAS) approuvés par le Conseil et financés autant par les compagnies
de téléphone que les abonnés. |
98. |
En 1999, le Conseil a effectué un examen du
Service téléphonique dans les zones de desserte à coûts élevés.51
Cet examen lui a permis de conclure qu'en 1999, au Canada, plus de 99 p. 100
des lignes d'accès étaient des lignes individuelles de base et que 97 p. 100
d'entre elles étaient raccordées à un commutateur numérique qui donnait accès
au service de dispositif à clavier et permettait la connexion à Internet par
voie de transmission de données à basse vitesse, sans frais d'interurbain.
Dans sa décision, le Conseil a ordonné aux compagnies de téléphone d'élaborer
de nouveaux plans d'amélioration du service à l'intention des collectivités
qui n'étaient pas encore desservies ou qui étaient mal desservies. Déjà en
2004, 1 703 collectivités avaient pu bénéficier de tels plans et 12 877
clients qui, auparavant, n'avaient pas le service, disposaient désormais du
service de ligne individuelle de base et 34 200 clients qui, auparavant,
étaient mal desservis, disposaient eux aussi du service de ligne individuelle
de base. Les plans d'amélioration du service ont réellement bien réussi à
élargir l'accès au service téléphonique dans les régions rurales et éloignées
de desserte à coût élevé et à améliorer la qualité du service. |
99. |
Il convient de mentionner que dans les régions
urbaines, le Conseil a réussi à éliminer le financement par subvention pour
la plupart du service local, mais que dans de nombreuses zones rurales et
éloignées, l'accès au service local demeure fortement subventionné. |
100. |
Par exemple, dans la tranche G du territoire
d'exploitation de Bell Canada, les lignes d'accès local font toujours l'objet
d'un financement de 23,79 $ par mois. La même tranche G pour le territoire de
TELUS (C.-B.) reçoit un financement de 22,86 $ par mois tandis qu'au Manitoba
et en Saskatchewan, le financement est respectivement de 67,31 $ et de 33,65
$ par mois.52
Le prix du service téléphonique dans ces régions serait plus du double si les
subventions étaient abolies. En Ontario et au Québec, l'impact pour les
abonnés de certaines compagnies de téléphone indépendantes plus petites
serait également considérable. |
101. |
L'impact serait particulièrement fort dans le
Grand Nord, où la fourniture du service téléphonique pose des défis uniques
en raison de la géographie, du climat et de la démographie. Prenons
Northwestel, par exemple, qui dessert le Yukon, le Nunavut, les Territoires
du Nord-Ouest et une partie du nord de la Colombie-Britannique. Il s'agit du
plus vaste territoire de desserte au pays, mais pourtant, il ne compte que la
moitié d'un pour cent de toute la population canadienne et la vaste majorité
des collectivités qui y sont établies comptent moins de 500 lignes
téléphoniques, dont bon nombre ne peuvent être desservies que par voie
aérienne. La plupart des 80 000 lignes dans ce territoire sont
subventionnées. |
102. |
Dans l'ensemble, le régime de contribution sert
encore à subventionner le service téléphonique dans le cas de 2,5 millions de
lignes, soit 19,4 p. 100 de toutes les lignes de résidence. Voilà autant de
faits à prendre en considération lorsque viendra le moment de tenir compte de
l'opinion de ceux qui se demandent si l'objectif du service universel demeure
valable pour les dix prochaines années. |
103. |
Le concept du service universel n'a jamais eu
d'objectif clairement défini et il a évolué au fil des ans au rythme des
avancées technologiques et en fonction des attentes accrues des clients. |
104. |
Au XXIe siècle, le gouvernement a
décidé de mettre davantage l'accent sur Internet, sur l'accès à large bande
et sur sa promesse de développement économique et social au Canada.
Tel qu'énoncé dans le document de consultation du Groupe d'étude sur le cadre
réglementaire des télécommunications, de nombreux programmes financés par les
gouvernements fédéral et provinciaux ont encouragé le développement à grande
échelle de l'accès aux réseaux à large bande et ils ont fourni des
investissements directs destinés à étendre l'accès à la large bande
aux régions où le coût du service n'aurait pas autrement justifié l'extension
du service. Ces efforts, qui se poursuivent encore aujourd'hui, ont réussi
dans une grande mesure à offrir l'accès à la large bande à des écoles, des
hôpitaux, des bibliothèques et des communautés qui, autrement, seraient
restés en marge de la société de l'information. |
105. |
Pour sa part, le Conseil n'a pas redéfini le
service universel en fonction de l'accès à la large bande. Puisqu'il s'est
employé pendant la dernière décennie à réduire à des niveaux économiquement
viables le montant du financement du service téléphonique local, il n'a pas
jugé bon de réintroduire un programme de financement de plusieurs milliards
de dollars pour fournir l'accès à large bande sur une base universelle au
Canada. Le Conseil s'est plutôt efforcé de créer un environnement qui soit
propice à la fourniture de services à large bande sur une base
concurrentielle et il a laissé les gouvernements fédéral et provinciaux
assumer un rôle de chef quant au financement direct de la construction de
réseaux à large bande dans les régions où les coûts élevés rendent l'idée de
concurrence peu probable.53 |
106. |
Le taux de pénétration de notre service à large
bande est supérieur à celui de nos principaux partenaires commerciaux,54
ce qui place le Canada dans une excellente position pour tirer profit des
avantages sociaux et économiques de la nouvelle économie. |
|
L'avenir de la réglementation économique
|
107. |
Avec le temps, la réglementation économique perd
de son ampleur, mais elle continue de jouer un rôle important dans certains
secteurs de l'industrie des télécommunications. Dans l'ensemble, le Conseil a
suivi un continuum, passant de la réglementation du taux de rendement à une
réglementation incitative pour finir par s'abstenir de réglementer certains
segments du marché ou certaines catégories de services là où les critères
d'abstention, tels qu'ils sont prescrits à l'article 34 de la Loi,
étaient satisfaits. Ces dernières années, c'est essentiellement le marché
local qui a fait l'objet d'une réglementation, secteur où les ESLT sont
demeurées dominantes. Il a fallu réglementer les prix et imposer aux ELST des
restrictions à la commercialisation pour empêcher les abus de pouvoir et la
discrimination dans les prix à l'endroit des consommateurs ainsi que des
entreprises concurrentes et des fournisseurs de services qui dépendent de
l'accès local pour fournir leurs services au public. |
108. |
Le Conseil entend assouplir et ultimement abolir
ces formes de réglementation économique dès que les forces du marché
suffiront à protéger les intérêts des consommateurs et à maintenir la
concurrence. Le Conseil tient actuellement une vaste instance afin d'examiner
les critères régissant l'abstention de la réglementation des services locaux.55
Sans nullement vouloir prédire l'issue de cette instance, et tel que nous en
parlerons plus loin, il est peu probable qu'un jour tous les marchés, dans
toutes les régions du pays, soient concurrentiels au point de répondre aux
critères d'abstention. Dans l'avenir prévisible, toutefois, il est fort
probable que les consommateurs et les fournisseurs de services continueront
de dépendre des ELST pour obtenir l'accès local dans certaines régions. |
109. |
Les dispositions législatives en vigueur sont
assez souples pour permettre de gérer la transition d'un monopole vers un
marché concurrentiel offrant une structure hybride où évoluent des
concurrents qui sont dotés d'installations et d'autres qui ne le sont pas. La
question qui se pose maintenant est de savoir si nous avons cheminé assez
loin sur ce continuum pour envisager une approche différente à l'avenir. |
110. |
Une des questions qui se pose est de savoir si
la présomption de réglementation des tarifs et la présomption d'approbation
tarifaire préalable, qui sont prescrites aux articles 25 et 27 de la Loi,
devraient être maintenues et si l'on devrait opter pour un système où la
réglementation économique devrait être justifiée au cas par cas par
l'organisme de réglementation, et où la réglementation des prix devrait être
davantage axée sur l'analyse ex post facto des plaintes. |
111. |
La Communauté européenne (la CE) est souvent
citée à titre d'exemple de cette approche de réglementation. Dans sa
Directive « cadre » publiée le 7 mars 2002,56
la CE a cherché à uniformiser la réglementation parmi ses États membres en
réduisant les obstacles à l'entrée aux marchés nationaux et en encourageant
l'établissement de la concurrence dans les marchés intérieurs et entre les
États membres. Un volet important de la Directive prescrit de ne réglementer
des secteurs particuliers à l'échelle nationale que si un marché exerce une
« puissance significative sur le marché » (PSM). De plus, la mesure
réglementaire doit être proportionnelle à l'ampleur du problème et ne
s'appliquer plus longtemps que nécessaire. Conformément à cette Directive,
les règles réglementaires ex ante ne sont autorisées que si elles sont
jugées plus efficaces que les recours courants prévus par la loi en matière
de concurrence et elles doivent être retirées dès que les objectifs visés
sont atteints dans le marché. |
112. |
Conformément à sa Directive, la CE a cerné 18
marchés distincts dans le secteur des télécommunications que les autorités
réglementaires nationales (ARN) compétentes doivent examiner afin de
déterminer si l'on est en présence d'une PSM. Si les ARN souhaitent définir
des segments de marché supplémentaires, elles peuvent le faire, mais elles
doivent se servir des principes législatifs de la CE en matière de
concurrence pour définir le marché et la méthode utilisée à cette fin doit
être conforme aux lignes directrices de la CE applicables à l'analyse de
marché et à l'évaluation d'une PSM. |
113. |
Les tests utilisés pour déterminer si un
exploitant exerce une PSM dans un secteur donné sont décrits dans le passage
suivant tiré du document rédigé par Arnold & Porter intitulé The New EU
Regulatory Framework for Electronic Communications : |
|
[Traduction]
…Un exploitant sera réputé être dominant si, individuellement ou
collectivement, il jouit d'une position de force économique qui lui donne
le pouvoir de se comporter dans une large mesure indépendamment de ses
concurrents, de ses clients et des consommateurs. Si un exploitant exerce
une PSM sur un marché donné, il peut aussi être réputé avoir exercé
pareille puissance sur un marché ayant des liens étroits, si les liens
entre ces marchés sont tels que le pouvoir exercé dans un marché puisse
bénéficier au deuxième marché.
|
|
Un exploitant sera présumé exercer un pouvoir dominant s'il jouit d'une
part du marché supérieure à 40 p. 100, comparé aux 25 p. 100 actuels. La
part du marché est un des facteurs pris en considération quand on se
demande si un marché est en position de domination, mais la Commission et
les tribunaux européens tiennent également compte d'autres facteurs
pertinents, notamment :
|
|
- la taille globale de l'entreprise;
|
|
- le contrôle des infrastructures de type « installations
essentielles »;
|
|
- les avantages technologiques;
|
|
- l'absence d'un pouvoir d'achat compensateur;
|
|
- les économies d'échelle et l'ampleur du marché;
|
|
|
|
- l'ampleur des réseaux de distribution et de vente;
|
|
- l'absence de concurrence potentielle.57
|
114. |
Conformément à ces directives, certaines ARN ont
cherché à déterminer quels secteurs du marché étaient desservis par un
exploitant exerçant une PSM. Une fois la PSM établie, certaines exigences de
dégroupement des lignes locales s'appliquent, conformément à la Directive
« accès »58
de la CE, et il est loisible à l'ARN d'appliquer la réglementation propre
à ce secteur sur une base ex ante ou ex post, selon ce qu'elle
estime justifié. |
115. |
Pour ce qui est de l'abstention, les ARN doivent
s'abstenir de réglementer un marché dès qu'il est jugé « effectivement
concurrentiel » par suite d'une analyse du marché qui conclut qu'il n'existe
aucune PSM. |
116. |
Avant de se demander ce qu'il adviendrait si ce
genre d'approche était importée au Canada, il faut se rappeler du contexte
dans lequel la CE a imposé ce régime en 2002. Pour le secteur des
télécommunications, le principal objectif de la CE était de développer un
marché concurrentiel commun pour les services de communication, de réduire la
réglementation au strict minimum et d'atteindre la neutralité technologique
et la convergence des marchés.59
La CE cherchait donc surtout à abolir les obstacles à la concurrence. Dans
son réexamen de 1999, elle a constaté que les mesures mises en œuvre en 1997
dans le but d'uniformiser et de réduire les exigences nationales en matière
d'attribution de licences et les autres obstacles à un marché commun, avaient
en grande partie échoué. En effet, plutôt que d'arriver à un régime
harmonisé, la CE s'est retrouvée avec 15 régimes nationaux distincts
comportant de 2 à 49 exigences réglementaires différentes pour les nouveaux
venus. C'est dans ce contexte qu'il faut voir la Directive « cadre »
et les autres directives connexes mises en œuvre par la CE en 2002. |
117. |
Cette situation est bien différente du contexte
canadien où une juridiction fédérale unifiée du secteur des
télécommunications, en place depuis le début des années 1990, a permis
l'instauration d'un régime uniformisé partout au Canada. Ici, nous avons
établi des modèles libres d'accès à la concurrence dans tous les secteurs du
marché des télécommunications (sous réserve d'obligations liées à la
propriété étrangère) et contrairement à la CE, nous n'avons pas les mêmes
problèmes structurels à résoudre pour établir un marché pancanadien. |
118. |
De plus, notre législation en matière de
télécommunications n'est pas unidimensionnelle. Tel que mentionné plus haut,
l'essor des marchés concurrentiels est un élément important de la politique
de télécommunication au Canada, mais ce n'est pas le seul. D'autres objectifs
stratégiques ont tendance à être écartés de l'équation si l'on ne tient
compte que des principes législatifs en matière de concurrence. |
119. |
Si l'on fait abstraction de ces autres objectifs
stratégiques, il y a lieu de se demander si l'approche de la CE aurait au
Canada un effet différent de celui obtenu en application de l'article 34 de
la Loi sur les télécommunications. À compter de 2002 en Europe, les
organismes de réglementations nationaux ont commencé à examiner les marchés
des services de télécommunication relevés par la CE dans le but de déterminer
si un exploitant exerçait une PSM. Or, ce processus n'a commencé au Canada
qu'en 1993 et, bien avant 2002, environ 70 p. 100 du marché (exprimé en
revenus) avait fait l'objet d'une abstention de réglementation des prix
ex ante. Les seuls grands marchés qui sont encore assujettis à une
réglementation des prix ex ante au Canada sont ceux des services
locaux et de l'accès local, là où l'on a constaté que les compagnies de
téléphone exerçaient une PSM. |
120. |
Les critères dont le Conseil s'est servi
conformément à l'article 34 de la Loi sur les télécommunications pour
déterminer s'il convenait de s'abstenir de réglementer comprennent également
ceux que la loi en matière de concurrence prescrit et qui permettent de
déterminer si une entreprise exerce une PSM. Tel que mentionné plus haut,
dans la CE, une part de marché de 40 p. 100 permet de conclure à une
présomption réfutable d'une PSM. Selon ce critère, toutes les ESLT au Canada
serait réputées exercer une PSM. |
121. |
Quoique le Conseil soit en train d'examiner ses
critères d'abstention dans le contexte du marché des services locaux et qu'il
ne veuille pas se prononcer par anticipation sur la conclusion de cette
instance, il soulignerait simplement qu'en application des lignes directrices
de la CE, aucune ARN en Europe ne s'est encore abstenue de réglementer le
marché des services téléphoniques locaux, et ce, en dépit du fait que
certaines autorités privilégient la réglementation ex post plutôt que
la réglementation ex ante. |
122. |
Dans les circonstances, il y a lieu de se
demander si le modèle de la CE conviendrait aux réalités canadiennes. Nous
savons que le développement de la concurrence dans le marché des services
téléphoniques locaux n'est pas uniforme d'un bout à l'autre du Canada; que
certaines régions n'ont que peu ou pas de concurrence, et que d'autres encore
— plus éloignées — en auront peut-être jamais. Si la présomption de
réglementation des taux était éliminée et l'organisme de réglementation
devait justifier la réglementation des taux par des critères tels que
l'existence d'une puissance significative sur le marché, il se pourrait que
l'organisme de réglementation ait à procéder à une analyse de tous les
marchés des services téléphoniques locaux (même s'ils sont déjà définis aux
fins des critères d'abstention) pour déterminer s'il existe une PSM. Et s'il
en existait vraiment une, le Conseil devrait alors vérifier si d'autres
formes d'intervention réglementaire moins radicales garantiraient la même
efficacité que la réglementation des prix ex ante. Un tel exercice
pourrait s'avérer colossal dans un pays comme le Canada, compte tenu de la
diversité des régions, et aussi de ses nombreuses zones rurales et éloignées.
Qui plus est, il faudrait répéter l'exercice régulièrement pour s'assurer que
la structure du marché n'a pas changé. |
123. |
Sommes-nous rendus assez loin dans le continuum
monopole-concurrence, dans les marchés des services téléphoniques locaux,
pour justifier une inversion de la charge de la preuve? Le résultat serait-il
bien différent de celui que nous obtenons en application de l'article 34 de
la Loi, où nous faisons une même analyse des marchés qui semblent
désormais concurrentiels et décidons s'il y a lieu ou non de s'abstenir
lorsqu'il n'existe aucune puissance significative sur le marché? Dans le
cadre de l'instance qu'il a amorcée sur l'abstention, le Conseil cherche à
établir des points de référence objectifs fondés sur les principes de droit
concurrentiel pour déterminer le moment où les forces concurrentielles sont
suffisantes pour justifier l'abstention. Si l'instance aboutit aux résultats
souhaités, les compagnies de téléphone pourront demander l'abstention
lorsqu'elles estimeront que ces points de référence ont été atteints. Cette
démarche paraît plus efficiente que de procéder à l'examen de tous les
marchés des services téléphoniques locaux au Canada, avant même que des
conditions préalables aient pu être satisfaites, pour déterminer s'il existe
une puissance significative sur le marché. |
124. |
En ce qui concerne le recours aux approches
ex post ou ex ante, nous aimerions apporter trois observations.
Premièrement, précisons que bon nombre des mesures de protection
réglementaires actuelles ont été adoptées en réaction à des plaintes
relatives aux pratiques d'entreprises dominantes, lesquelles pratiques
constituaient un manquement au paragraphe 27(2) de la Loi. Au fil du
temps, les mesures de protection ont été modifiées à maintes reprises en
raison des nouvelles infractions commises par les compagnies. Deuxièmement,
selon une approche ex post, le marché peut subir les contrecoups des
pratiques anticoncurrentielles avant même que la plainte ne soit déposée et
traitée, voire réglée. Troisièmement, si on jette un coup d'œil au modèle de
plafonnement des prix qui s'applique actuellement aux ESLT et si on s'arrête
sur les mesures que le Conseil a récemment adoptées en vue de simplifier le
processus tarifaire, on constate que les ESLT peuvent apporter de nombreux
changements à leurs prix, et ce, sans préavis au public et sans vraiment rien
de plus que respecter l'obligation de déposer un tarif. |
|
Changement technologique |
125. |
Comme nous l'avons dit précédemment, la Loi
sur les télécommunications traite de technologie dans deux des objectifs
de la politique prévus à l'article 7. Ainsi, à l'alinéa 7b), la Loi
parle de permettre l'accès à des services de télécommunication sûrs,
abordables et de qualité, alors qu'à l'alinéa 7g), elle parle de
stimuler l'innovation en ce qui touche la fourniture de services
de télécommunication. |
126. |
Historiquement, à l'époque de la réglementation
du taux de rendement, le Conseil abordait le changement et l'innovation
technologiques en télécommunication par des examens des programmes de
construction et de la qualité du service. Dans le cadre de ce régime, le
Conseil examinait les plans des compagnies de téléphone pour le développement
du réseau et l'introduction de nouvelles technologies, et il se prononçait
sur leur caractère raisonnable du point de vue financier. De nouvelles
technologies et de nouveaux services ont été lancés selon le meilleur
jugement des compagnies de téléphone, sous la surveillance du Conseil. Dans
le cadre de ce régime, nous avons vu l'introduction de générations
successives d'équipements de commutation, notamment, l'introduction du
service commuté numérique dans les années 1980 et des services correspondants
de gestion des appels. Nous avons également été témoins, à l'occasion, de
rejets par le Conseil des plans d'investissement des compagnies de téléphone,
comme celui visant à inclure une part considérable des investissements dans
les installations à large bande (Beacon) dans le segment des services publics
de la base tarifaire juste avant l'introduction de la concurrence dans le
marché des services téléphoniques locaux et de la réglementation sur les prix
plafonds.60
Comme nous l'avons dit, un autre mécanisme qui a servi au cours de la
dernière décennie était le concept des plans d'amélioration du service. Il
était conçu pour financer la mise à niveau du service offert par les ESLT
dans les zones mal desservies — en l'occurrence, remplacer le service de
ligne de résidence à plusieurs abonnés par le service de ligne individuelle —
et pour combler des lacunes dans le service. |
127. |
L'avènement de la concurrence et de l'abstention
de réglementer de nombreux services de télécommunication ont fait diminuer de
beaucoup le rôle que le Conseil jouait dans la stimulation de la recherche et
du développement ou dans la prise de décisions sur le caractère raisonnable
des investissements des ESLT dans la nouvelle technologie à l'extérieur des
régions rurales et éloignées. Avec l'introduction, vers la fin des années
1990, d'un régime de plafonnement des prix visant les services téléphoniques
locaux, ce rôle s'est atténué encore plus. En effet, le régime de
plafonnement des prix attribuait aux ESLT la responsabilité de leurs
investissements. L'incitatif économique qui poussait les ESLT à améliorer
davantage leur productivité est le facteur qui les motivent maintenant à
choisir de nouvelles technologies dans le marché local, alors que les forces
concurrentielles du marché les motivent dans d'autres secteurs plus
concurrentiels. |
128. |
À la lumière de ces changements dans la
structure et la réglementation de l'industrie, le Conseil a perçu que son
rôle dans les marchés concurrentiels était de permettre aux forces
concurrentielles de stimuler l'innovation et la technologie, et de veiller,
dans la mesure du possible, à ce que ses politiques n'entravent pas les
décisions en matière d'investissement. |
129. |
Dans les marchés où la concurrence ne s'est pas
développée, le Conseil a cherché à garantir la disponibilité d'un service de
qualité au moyen de plans d'amélioration du service. |
130. |
Dans ce nouveau contexte, le Conseil a adopté
pour politique la neutralité technologique afin d'éviter que les
interventions de la réglementation dans le marché n'encouragent ou ne
découragent, par inadvertance, le choix d'une technologie. Le régime de la
concurrence locale est un bel exemple de l'application du principe de la
neutralité technologique. Il permet autant aux ESLT qu'aux nouveaux venus
d'utiliser la technologie de leur choix pour se livrer concurrence dans la
fourniture des services téléphoniques locaux. Grâce à cette politique, les
concurrents utilisent aujourd'hui divers types d'accès sans fil, de fibres,
de câble coaxial, de lignes d'abonnés numériques (LAN) sur paires de lignes
de cuivre, de même que des paires de lignes de cuivre traditionnelles pour
fournir les services téléphoniques analogiques, numériques et IP. Au Canada,
on a même entrepris des essais de mise en marché concernant les services à
large bande qui sont transmis sur lignes électriques. Récemment, Industrie
Canada a d'ailleurs amorcé une consultation publique sur les systèmes de
communication large bande sur ligne électrique (BPL).61
L'assise théorique de cette approche se trouve dans les objectifs de la
politique de télécommunication, article 7 de la Loi, ainsi que dans la
documentation sur l'économie, à savoir que la concurrence est le meilleur
répartiteur des ressources financières et que les forces du marché
stimuleront l'innovation et l'emploi efficient de nouvelles technologies
mieux que ne le fera la réglementation. |
131. |
Cette approche réduit l'ampleur du rôle que
l'organisme de réglementation doit jouer, sauf dans les régions du pays où
les forces du marché sont trop faibles pour stimuler l'innovation ou
permettre la fourniture de nouveaux services. Pour ces endroits, l'objectif
du service universel énoncé à l'alinéa 7b) exige que le Conseil trouve
actuellement les moyens de garantir aux Canadiens la disponibilité de
services de télécommunication de qualité et abordables, tant dans les régions
urbaines que rurales, et dans le Canada entier. C'est ici qu'interviennent
les plans d'amélioration du service et les autres programmes de financement
gouvernemental; ils visent à financer le prolongement des services de
télécommunication de qualité jusque dans les régions où les forces
concurrentielles du marché n'y parviennent pas parce qu'elles sont
insuffisantes ou tout simplement absentes. |
132. |
Le Conseil reconnaît également l'importance de
la réglementation, laquelle incite de nouveaux investissements dans
l'infrastructure des télécommunications canadiennes en vue d'améliorer la
qualité des services et l'innovation dans les services fournis. Comme nous
l'avons mentionné plus haut, à l'époque de la réglementation du taux de
rendement, l'incitatif découlait du fait que le Conseil accordait à l'égard
des investissements des compagnies de téléphone un taux de rendement
suffisamment élevé que les compagnies pouvaient financer une nouvelle
infrastructure et qu'il approuvait des programmes de construction. Dans le
nouvel environnement concurrentiel, une politique de neutralité technologique
ne signifie pas que le Conseil ferme nécessairement les yeux devant la
technologie. Le rôle du Conseil, davantage subtil, est d'encourager la
concurrence fondée sur les installations et de veiller à ce que ses
politiques n'étouffent pas les nouveaux investissements.62
Le Conseil reconnaît l'importance des changements technologiques et les
répercussions qu'ils peuvent avoir sur l'état de la concurrence nationale et
internationale. Il est essentiel que le Canada ne se laisse pas dépasser par
les progrès technologiques — lesquels constituent une composante de base de
l'économie — qui surviennent en Amérique du Nord et ailleurs, s'il veut
rester prospère à l'ère de l'information. |
133. |
Dans le document de consultation du Groupe
d'étude, on traite du virage vers les technologies IP et ses conséquences
pour l'industrie canadienne des télécommunications. Il y est question
de « réseaux uniques à applications multiples », et on se demande si le
contexte au Canada pourrait donner lieu à une forme de duopole. |
134. |
Le Conseil nourrit des réserves quant à savoir
si la législation sur les télécommunications devrait anticiper les
changements dans la technologie ou prévoir la structure de l'industrie qui
est susceptible de se former par suite du changement technologique, et si
elle devrait fonder les réformes de la réglementation sur les résultats
possibles. |
135. |
Un pays qui fait des prédictions exactes
concernant une technologie qui en est à ses premiers balbutiements pourrait,
par rapport aux nations concurrentes, être avantagé sur le plan du
développement de l'infrastructure, du développement d'applications et des
retombées économiques. Mais qu'arrive-t-il si la mise est placée sur la
mauvaise technologie, ou si la technologie de la prochaine génération se
développe plus rapidement que prévu? Nos institutions et nos industries
seront-elles capables de s'adapter aux changements aussi facilement et
rapidement qu'elles le pourraient peut-être dans un environnement plus
dynamique où il revient au marché de déterminer les choix technologiques? |
136. |
On a cessé depuis longtemps de compter les
prédictions technologiques qui ne se sont pas avérées et, à mesure que le
rythme des changements technologiques accélère, il devient plus risqué de
faire ce type de prédictions. Il est risqué de deviner où se dirige la
technologie, ou d'influer sur les issues technologiques, et il peut être très
risqué de concevoir des réformes de la réglementation en fonction d'une
technologie donnée, ou d'anticiper l'aspect que revêtira la structure du
marché dans cinq ou dix ans. |
137. |
Il convient de se rappeler également que le
Canada est encore un pays relativement petit qui est intégré dans le marché
nord-américain. La majorité des décisions d'ordre technologique ne sont pas
prises au Canada, mais dans le marché bien plus gros de l'Amérique du Nord
qui est mu par les forces concurrentielles du marché. Dans cet environnement,
il est difficile pour l'industrie canadienne des télécommunications de
décider unilatéralement des nouvelles orientations technologiques. Si elle le
fait, elle risque de perdre le bénéfice d'une technologie à faible coût
produite pour un marché de masse et de se retrouver, par conséquent,
incapable de poursuivre une stratégie indépendante. Le choix de la
technologie CT2+ dans le milieu des années 1990 est un exemple criant de cet
obstacle : malheureusement, il a fallu l'abandonner parce que le reste du
monde a pris une autre tangente.63 |
138. |
Les forces concurrentielles du marché sont le
moteur des choix technologiques en Amérique du Nord et dans le reste du
monde, et ce sont elles qui tendent à stimuler l'innovation. Le marché du
sans-fil montre très bien comment le marché mène le changement
technologique : en seulement 20 ans, les concurrents ont implanté
successivement trois générations de la technologie réseautique sans fil. Ce
ne sont pas les politiques réglementaires qui incitent ces mises à niveau
réseautiques, mais bien les forces concurrentielles du marché et la demande
pour de nouveaux produits et services exercée par les consommateurs. Dans un
environnement pareil, on ne discute pas de la manière dont on peut recouvrer
les investissements dans l'équipement existant. Passer à l'action est plutôt
une question de survie pour les concurrents qui veulent garder leur longueur
d'avance sur la concurrence, conserver leurs clients, mousser leurs recettes
et augmenter leur part de marché. |
139. |
Il s'agit en général d'un phénomène positif et,
lorsque les forces du marché s'exercent de cette façon, le rôle de
l'intervention réglementaire s'amoindrit. |
140. |
Ce qui ne veut pas dire qu'il n'est pas
productif d'essayer d'entrevoir ce que la technologie peut nous amener. Que
l'on aboutisse avec des réseaux uniques capables de transmettre de multiples
services, ou de multiples réseaux qui transmettent des services spécialisés,
il reste qu'il est possible, avec la législation actuelle, d'élaborer un
cadre réglementaire pouvant s'adapter à la structure de l'industrie et aux
technologies utilisées. |
|
La concurrence fondée sur les installations par rapport à la concurrence
fondée sur les services
|
141. |
Pendant la dernière décennie, le CRTC s'est
surtout employé à encourager la concurrence fondée sur les installations.
Selon lui, c'était la meilleure façon de tirer profit de la concurrence sur
le plan des prix, de l'innovation et des choix, et la meilleure façon, au
bout du compte, de s'abstenir de réglementer les services offerts par les
ESLT. |
142. |
Toutefois, la concurrence fondée sur les
installations n'a pas été l'unique préoccupation du Conseil. Conformément à
l'Énoncé de politique de 1987 dans lequel le gouvernement du Canada
prévoyait mettre un réseau de réseaux concurrentiel à la disposition de
nombreux autres fournisseurs de services qui l'utiliseraient moyennant des
modalités et des conditions raisonnables, le Conseil a encouragé la
concurrence fondée sur les services et les activités de revente en
garantissant aux fournisseurs de services l'accès aux réseaux et aux services
offerts par les entreprises dotées d'installations. Même avant la publication
de l'Énoncé de politique de 1987, le Conseil avait réagi à l'essor du
marché des services électroniques en autorisant la revente axée sur la
fourniture de services améliorés.64
En 1990, il autorisait la revente de lignes directes,65
et en 1992, il ouvrait le marché des services SICT/WATS à la concurrence.66
Après l'entrée en vigueur de la Loi sur les télécommunications, le
Conseil a continué d'appliquer sa politique d'accès en accordant l'égalité
d'accès aux revendeurs aux mêmes conditions que celles qui s'appliquaient aux
entreprises dotées d'installations,67
accordant ainsi aux fournisseurs de services la possibilité d'être
co-implantés dans les centraux des ESLT et d'avoir accès aux lignes locales
pour offrir des services LAN,68
et accordant aux fournisseurs de services Internet (FSI) le droit d'accès aux
réseaux haute vitesse à large bande des compagnies de télévision par câble
pour la fourniture de services Internet sur une base concurrentielle.69 |
143. |
Le Conseil estime que cette approche hybride est
conforme à la politique du gouvernement qui est d'encourager la concurrence
fondée sur les installations. Il reconnaît cependant le rôle important que
jouent les revendeurs et les autres fournisseurs de services dans le contexte
des services de l'information. |
144. |
Si la concurrence fondée sur les installations a
été lente à démarrer dans le marché local filaire, elle a connu du succès
dans les marchés du sans-fil et de l'interurbain, lesquels font l'objet d'une
abstention de la réglementation tarifaire depuis quelques années déjà. Même
dans le marché local filaire, huit ans après avoir pris la décision d'ouvrir
le marché, nous sommes probablement sur le point d'atteindre l'objectif visé
d'une concurrence locale à grande échelle qui est fondée sur les
installations. La promesse faite aux compagnies de télévision par câble est
qu'elles pourront pénétrer le marché téléphonique local en se servant, soit
de leur réseau à commutation de circuits pour offrir des services
téléphoniques traditionnels, soit de réseaux haute vitesse à large bande pour
offrir des services VoIP, et livrer concurrence aux compagnies de téléphone.
Si cette promesse se matérialise, le Canada pourrait se trouver dans la
position très enviable d'offrir deux réseaux à large bande en situation de
concurrence à un grand nombre de résidences et d'entreprises canadiennes,
ainsi que tous les services concurrentiels qui peuvent être transmis par ces
réseaux. |
145. |
Cependant, notre approche hybride à l'égard de
réseaux et de services concurrentiels n'est pas le seul modèle. Au fil des
ans, certains intervenants ont demandé que l'on accorde moins d'importance à
la concurrence fondée sur les installations et plus à la fourniture de
l'accès de gros aux réseaux des ESLT. |
146. |
Différents pays, dont le Royaume-Uni et les
États-Unis, ont utilisé le modèle d'accès de gros comme mesure destinée à
stimuler l'instauration de la concurrence dans les services. Ce modèle offre
un certain attrait puisqu'il permet de justifier l'abstention de la
réglementation des tarifs de détail sans que des réseaux concurrents ne
soient effectivement créés. En principe, cela signifie que si le fournisseur
de réseau fournit des services réseau sous-jacents à ses concurrents, à des
tarifs basés sur les coûts, il ne pourra pas imposer de tarifs excessifs à
ses propres clients sans risquer que des concurrents fassent leur entrée dans
le marché. |
147. |
Il reste que la dichotomie services de
gros/services de détail n'est pas une panacée. En effet, même si le
fournisseur de réseau met son réseau à la disposition de ses concurrents, au
coût qu'il peut éviter, le concurrent risque de ne pas être plus en mesure
d'offrir des prix concurrentiels à cause des économies que le fournisseur de
réseau réalise grâce à son réseau intégré. Aussi, plus le concurrent dépend
du réseau déjà en place, moins grandes sont les chances que ses propres coûts
d'exploitation, même s'ils sont inférieurs à ceux du fournisseur de réseau,
aient une incidence appréciable sur les prix. Et ce n'est pas tout, il est
essentiel que le prix de gros soit juste. L'organisme de réglementation doit
donc s'assurer de fixer le tarif de gros à un taux qui n'avantage ni ne
désavantage les concurrents. La tâche n'est pas simple et si l'on envisage
les tarifs de gros comme seule stratégie pour créer un marché concurrentiel,
trouver le bon prix devient une source de pression énorme pour l'organisme de
réglementation. Dans les pays qui ont opté pour cette stratégie, les
organismes de réglementation se sont retrouvés dans une situation difficile
en ce sens qu'on leur a demandé de rajuster le tarif de gros lorsque les
concurrents jugeaient que le taux adopté à l'origine ne leur permettait pas
d'être rentables. Étant donné que l'abstention de la réglementation des
tarifs de détail des titulaires est tributaire de la concurrence que livrent
ses clients des services de gros, l'organisme de réglementation risque de se
retrouver dans une situation où il aurait à rajuster les tarifs de gros pour
influer sur la concurrence : une recette parfaite pour systématiquement
donner lieu à des litiges et à des instances réglementaires. |
148. |
Adopter seulement l'approche fondée sur le tarif
de gros pourrait également freiner l'investissement et l'innovation à l'égard
des nouvelles installations. Évidemment, si le tarif de gros est réduit dans
l'espoir que la concurrence s'intensifie dans le secteur de détail, il
devient alors moins tentant d'investir dans les installations concurrentes.
De plus, si les concurrents se voient accorder un accès de gros à toutes les
fonctions des réseaux des titulaires, la situation pourrait dissuader les
titulaires d'investir dans de nouvelles technologies et dans de nouvelles
fonctions qu'elles devront partager avec leurs concurrents. À long terme,
l'investissement dans l'infrastructure et dans les nouvelles technologies
risque d'en souffrir. |
149. |
C'est pourquoi le Conseil y est allé avec
modération pour imposer des tarifs de gros dans les segments de marché où les
concurrents ne sont pas encore dotés d'installations et où leurs volumes de
trafic sont relativement faibles.70
En général, le Conseil a toujours considéré les tarifs de gros comme un moyen
de favoriser l'essor de la concurrence chez les entreprises dotées
d'installations et chez les fournisseurs de services de télécommunication, et
non comme un moyen de remplacer la concurrence fondée sur les installations. |
150. |
Des commentateurs ont laissé entendre que dans
certains pays, où le modèle de concurrence privilégié a échoué, forçant ainsi
l'État à opter pour leur deuxième ou troisième option, les organismes de
réglementation se sont rabattus sur un continuum, passant de la concurrence
fondée sur les installations, à celle fondée sur l'accès aux installations
essentielles dégroupées et finalement à celle fondée sur les tarifs de gros
obligatoires.71 |
151. |
Il y a lieu de se demander si le Canada doit
suivre un tel exemple ou encore s'il doit privilégier un type de concurrence
plutôt qu'un autre. Avec le développement massif des réseaux à large bande
concurrents au Canada et avec la récente entrée des entreprises de télévision
par câble dans le marché de la téléphonie locale, nous sommes désormais très
bien placés pour mener à bien la concurrence fondée sur les installations. En
même temps, nous savons que ces nouveaux réseaux à large bande sur IP peuvent
distribuer une foule d'applications et de services que les tierces
entreprises peuvent fournir. À titre d'exemples récents, mentionnons les
services VoIP que fournissent Primus Canada et Vonage Canada. Ces
fournisseurs de services, qui ne sont pas dotés d'installations, peuvent
offrir de nouvelles innovations et de nouveaux services aux consommateurs en
empruntant les réseaux des entreprises concurrentes, ce qui entraîne une
utilisation accrue de ces réseaux et une intensification de la concurrence en
ce qui concerne la fourniture des services de télécommunication. |
152. |
Étant donné que les fournisseurs de services
concurrents dépendent de l'accès aux réseaux à large bande sous-jacents dont
ils ne sont pas propriétaires, il importe de préserver le droit des clients
de la large bande de recourir au fournisseur de leur choix ainsi que le droit
des fournisseurs de services d'accéder au réseau afin qu'ils puissent
exploiter pleinement les possibilités qu'offrent autant la concurrence fondée
sur les installations que la concurrence fondée sur les services. |
|
Une réglementation propre au secteur ou des lois d'application générale?
|
153. |
Un débat a éclaté depuis quelques années autour
de la question de savoir s'il ne faudrait pas, au Canada, passer d'une
réglementation propre au secteur à une mise en œuvre plus répandue, dans le
secteur des télécommunications, de lois d'application générale. En
particulier, on a soulevé la question de savoir si les principes de droit
concurrentiel et les lois régissant la concurrence ne devraient pas remplacer
l'actuelle politique et l'actuelle Loi dans ce secteur. |
154. |
En réalité, le problème comporte plusieurs
éléments souvent relégués au second plan, ce qui brouille le débat. Faut-il
compter davantage sur le droit concurrentiel d'application générale et moins
sur la législation propre au secteur pour réglementer les pratiques dans
l'industrie des télécommunications? Faudrait-il avoir un organisme unique ou
bien deux organismes distincts pour administrer la législation sur les
télécommunications et la concurrence visant l'industrie des
télécommunications? Et si cette fonction était attribuée à un organisme
unique, quel organisme serait le mieux indiqué pour l'exécuter? |
155. |
Un regard sur ce qui se passe dans le reste du
monde nous permet de constater qu'on y adopte des combinaisons et
permutations diverses. |
156. |
Si l'on examine la question du choix à faire
entre la réglementation propre au secteur et le droit concurrentiel, il est
très difficile de trouver ne serait-ce qu'un seul pays qui a abandonné la
réglementation propre au secteur en faveur du droit concurrentiel. Bien qu'un
grand nombre de pays, dont le Canada, ont commencé à compter davantage sur
les forces concurrentielles du marché et moins sur la réglementation pour
atteindre leurs objectifs stratégiques, aucun n'a encore atteint la
déréglementation totale. |
157. |
Le seul pays qui a fait l'expérience de se
fonder entièrement sur les lois d'application générale dans le secteur des
télécommunications est la Nouvelle-Zélande. Elle a déréglementé une bonne
part de son économie vers la fin des années 1980 et s'est servie de sa
Commerce Act, un statut de droit concurrentiel d'application générale,
pour régler les litiges dans l'industrie des télécommunications. Il est bien
connu que ce moyen s'est révélé lent et inefficace pour régler les différends
concurrentiels. |
158. |
L'historique du litige relatif à
l'interconnexion locale opposant Clear et Telecom New Zealand, en
Nouvelle-Zélande, fait ressortir les problèmes qui surgissent lorsque sont
renvoyés aux tribunaux des différends qui portent sur des questions
d'interconnexion touchant un aspect technique et présentant une incidence
appréciable sur le plan financier. En dépit du protocole d'entente initial
qu'elles ont conclu le 24 août 1990, les entreprises n'ont pas réussi à
convenir des modalités et Clear a intenté une poursuite contre Telecom New
Zealand, alléguant un manquement à l'article 36 de la Commerce Act
pour abus de domination. De nombreux éléments de preuve à caractère technique
et économique ont été déposé devant le tribunal. Une décision de la High
Court en décembre 1992 a été renversée par la Court of Appeal en
1993, puis, en 1994, les deux parties ont interjeté appel devant ce qui était
à l'époque la dernière instance de la Nouvelle-Zélande, le Judicial
Committee of the British Privy Council (comité judiciaire du conseil
privé britannique). Plus de quatre ans après le début du litige, une décision
a enfin été rendue. Dans l'intervalle, cependant, il n'y avait toujours pas
de concurrence dans la fourniture des services téléphoniques locaux filaires
en Nouvelle-Zélande.72
Même après la décision du conseil privé, il restait des domaines litigieux
qui ont fait l'objet d'une poursuite. Quatre ans et plusieurs comparutions
plus tard, les parties faisaient des requêtes interlocutoires concernant
leurs mémoires (une décision de la High Court ayant été infirmée par
la Court of Appeal en juin 1998, huit ans après le protocole d'entente
initial signé par les deux parties), et certains éléments de la question de
fond de l'affaire n'avait toujours pas été réglés. En 1999, les élections
générales en Nouvelle-Zélande ont produit un nouveau gouvernement dont le
programme comprenait la promesse d'un régime de réglementation des
télécommunications, et la nouvelle Telecommunications Act est entrée
en vigueur en 2001. |
159. |
Soulignons, toutefois, que même durant la
période qui a précédé la nouvelle loi, le gouvernement de la Nouvelle-Zélande
avait conservé un certain pouvoir sur la conduite de Telecom New Zealand par
l'intermédiaire de ce qu'on appelle dans ce pays les
« Kiwi Share Obligations ». Cette part symbolique, qui a été retenue par le
gouvernement lors de la privatisation de Telecom New Zealand, obligeait la
compagnie de téléphone titulaire à maintenir le service Internet par accès
commuté et le service téléphonique local à tarif fixe, ainsi que la
disponibilité du service, et elle imposait un prix plafond sur le service
local, lequel était équivalent au taux d'inflation. |
160. |
La nouvelle Telecommunications Act,
adoptée en Nouvelle-Zélande en 2001, contient des dispositions réglementaires
propres au secteur du marché des télécommunications. Un commissaire des
télécommunications a été nommé en conformité avec cette loi, laquelle
lui a conféré le pouvoir de réglementer l'interconnexion, de régler les
litiges d'accès, d'élaborer des obligations quant au service, de créer des
mécanismes comptables et d'établissement des prix, de fixer les taux et
d'instaurer un régime de contribution. |
161. |
D'autres pays, qui ont opté pour déplacer
certains volets de leur régime de réglementation en télécommunication sous
leur autorité en matière de concurrence, ont néanmoins conservé la
réglementation propre au secteur. En Australie, les pouvoirs en la matière
ont été partagés entre la Competition and Consumer Commission (ACCC)
et la Communications and Media Authority (ACMA).73
L'ACCC est chargée de la réglementation financière, de l'interconnexion et
d'autres questions de concurrence, alors que l'ACMA s'occupe d'aspects plus
techniques de la réglementation en télécommunication, comme la délivrance des
licences de radio et la mise en œuvre de la transférabilité des numéros
locaux ou de l'égalité d'accès. Cependant, même l'ACCC réglemente l'aspect
concurrentiel des télécommunications en vertu d'une législation propre au
secteur, laquelle est comprise dans les parties XIB et XIC de la Trade
Practices Act. Ces parties comptent près de 200 pages de dispositions
législatives qui ne s'appliquent qu'à l'industrie des
télécommunications. Ainsi, le partage du pouvoir n'a rien changé à la nature
« propre au secteur » de la législation. Quoiqu'elle constitue un organisme
de réglementation unique, l'ACCC s'est organisée en composantes
distinctes chargées de la législation antitrust et de la réglementation
financière. Pour cette dernière division, on a établi une structure de
groupes axés chacun sur les télécommunications, l'énergie et le transport,
trois domaines qui sont régis par une partie différente de la loi. |
162. |
L'Australie constitue donc une autorité où la
réglementation propre au secteur s'applique encore, mais une autorité dans
laquelle le pouvoir a été partagé autrement qu'au Canada, soit entre deux
agences de réglementation. |
163. |
Au Royaume-Uni, l'approche adoptée a été
différente, en partie en réaction à la Directive « cadre » de la CE.
Plutôt que de partager le pouvoir entre l'autorité antitrust (Office of
Fair Trading) et l'organisme de réglementation propre au secteur (Ofcom),
le Royaume-Uni a conféré à Ofcom des compétences simultanées pour
administrer les lois sur la concurrence qui touchent le secteur des
télécommunications ainsi que la législation propre au secteur qui est énoncée
dans la Telecommunications Act. Cette mesure permet à Ofcom de
satisfaire les exigences de la Directive « cadre » de la CE et
d'appliquer le droit conventionnel de la CE, lequel l'emporte sur les lois
nationales pour ce qui est de certaines questions concurrentielles et
réglementaires. |
164. |
Il serait donc inexact de supposer que la
réglementation propre au secteur a été abandonnée au Royaume-Uni, car c'est
faux. Même la Directive « cadre » de la CE exige que les organismes de
réglementation tiennent compte d'un large éventail d'objectifs en matière de
politique sociale qui ne figurent pas dans les lois antitrust. En Europe, ces
objectifs sont, notamment : |
|
- veiller à ce que les utilisateurs, y compris les utilisateurs
handicapés, retirent un bénéfice maximal en termes de choix, de prix et de
qualité;
|
|
- assurer à tous l'accès à un service universel spécifié dans la
directive 2002/22/CE (Directive « service universel »);
|
|
- assurer un niveau élevé de protection des consommateurs dans leurs
relations avec les fournisseurs, en particulier en garantissant l'existence
de procédures de règlement des litiges simples et peu coûteuses mises en
œuvre par un organisme indépendant des parties concernées;
|
|
- contribuer à assurer un niveau élevé de protection des données à
caractère personnel et de la vie privée;
|
|
- encourager la fourniture d'informations claires, notamment en exigeant
la transparence des tarifs et des conditions d'utilisation des services de
communications électroniques accessibles au public;
|
|
- répondre aux besoins de groupes sociaux particuliers, notamment les
utilisateurs handicapés;
|
|
- garantir l'intégrité et la sécurité des réseaux de communication
publics.74
|
165. |
Aux États-Unis, la Federal Communications
Commission (la FCC) s'est vu accorder à peu près le même pouvoir, mais pas au
même degré qu'Ofcom, pour administrer les lois antitrust américaines dans le
secteur des communications. L'octroi de ce pouvoir n'a cependant pas détrôné
la Communications Act qui demeure la plus importante loi propre à
l'industrie régissant le secteur des télécommunications, et il n'a pas
dépossédé le Department of Justice de sa prééminence comme principale
compétence en vertu de la législation antitrust. |
166. |
De toute évidence, les pays délimitent
différemment les frontières de la réglementation propre au secteur et celles
du droit concurrentiel d'application générale, et sont en train de diviser le
travail différemment, parmi des autorités de réglementation différentes. Or,
ils se trouvent à réagir à des circonstances nationales particulières et
également, dans le cas des pays membres de la CE, à un cadre juridique
différent dans lequel interviennent des lois supranationales. |
167. |
Au Canada, il nous faut considérer ce qui
répondrait le mieux à nos objectifs stratégiques. Si nous devions passer à un
modèle de droit concurrentiel, quelles seraient les conséquences? |
168. |
Une conséquence serait l'éventuelle disparition
d'autres objectifs stratégiques énoncés dans la Loi sur les
télécommunications. L'objet de la Loi sur la concurrence est
énoncé au paragraphe 1.1, cité ci-dessous : |
|
1.1 La présente loi a pour objet de préserver et de favoriser la
concurrence au Canada dans le but de stimuler l'adaptabilité et
l'efficience de l'économie canadienne, d'améliorer les chances de
participation canadienne aux marchés mondiaux tout en tenant simultanément
compte du rôle de la concurrence étrangère au Canada, d'assurer à la petite
et à la moyenne entreprise une chance honnête de participer à l'économie
canadienne, de même que dans le but d'assurer aux consommateurs des prix
compétitifs et un choix dans les produits.
|
169. |
C'est un excellent objectif. Cependant, c'est le
seul qui ait été prévu dans la Loi. Les principes de droit concurrentiel
n'abordent pas l'objectif de service universel qui vise à rendre accessibles
aux Canadiens des régions rurales et urbaines partout au pays des services de
télécommunication sûrs, abordables et de qualité, pas plus qu'ils n'abordent
les questions de discrimination injuste, de préférence indue ou de
désavantage indu dans le contexte de la fourniture ou de la tarification des
services de télécommunication. Ces principes ne prévoient aucunement
l'interconnexion des réseaux ou l'accès aux bases de données connexes
auxquelles les concurrents ont besoin; ils ne contribuent en rien à la
protection de la vie privée des personnes; ils ne prévoient aucune mesure qui
garantit aux personnes handicapées l'accès aux réseaux de télécommunication;
ils ne renferment pas de dispositions prévoyant l'établissement des services
d'urgence 9-1-1; et ils n'assurent aucune protection contre l'importunité que
causent les communications non sollicitées. La Loi sur la concurrence
ne crée pas non plus d'organisme doté d'un savoir-faire technique dans le
secteur des communications ou d'organisme quasi judiciaire habilité à régler
les litiges portant sur l'interconnexion ou les tarifs d'accès. Le
Commissaire de la concurrence a le pouvoir de mener des enquêtes par suite
des plaintes déposées et de recommander au procureur général des poursuites
au criminel ou des actions en justice devant le Tribunal de la concurrence
concernant des pratiques examinables. Toutefois, il s'agit dans chaque cas
d'une procédure formelle qui prend énormément de temps. En effet, jusqu'à
cinq ans peuvent s'écouler entre l'occurrence de l'infraction alléguée et la
prise de décision par le Tribunal de la concurrence ou d'autres tribunaux. De
plus, le Tribunal n'est pas organisé pour traiter des myriades de cas et il a
déclaré que sa fonction n'est pas de surveiller ou de réglementer les
industries. Depuis sa création en 1993, le Tribunal ne s'est prononcé que sur
quelques cas d'abus de domination et de prix d'éviction, et ce, dans
l'ensemble des secteurs de l'économie. (Par contraste, durant les sept
premiers mois de cette année, le Conseil a publié 41 décisions de
télécommunication.) |
170. |
Soulignons aussi que la Loi sur les
télécommunications et la Loi sur la concurrence sont établies dans
des optiques différentes. En effet, la Loi sur la concurrence suppose
la présence d'un marché concurrentiel et vise à faire exécuter les principes
de la concurrence loyale. La Loi sur les télécommunications traite de
marchés où la concurrence n'a pas encore évolué au point où on peut
raisonnablement s'attendre à ce qu'elle dicte le pouvoir sur le marché. Dans
un environnement pareil, la supervision réglementaire est peut-être mieux
indiquée que les poursuites judiciaires. |
171. |
Dans l'environnement actuel, il serait peut-être
plus productif de chercher à trouver la meilleure façon de marier l'expertise
du Bureau dans la définition des marchés et l'évaluation du pouvoir sur le
marché, au savoir propre aux secteurs et au statut d'organisme administratif
quasi judiciaire du Conseil. Par exemple, il faudrait songer à permettre au
commissaire et à son personnel de participer plus directement aux instances
du CRTC liées aux questions de concurrence où l'expertise du Bureau pourrait
être mise à contribution. Certains pays disposent d'arrangements du genre,
comme les États-Unis et l'Allemagne, où les agences sont autorisées à
partager des renseignements et à se consulter sur des questions de
concurrence qui les intéressent mutuellement. |
|
Traitement réglementaire des fournisseurs de services de
télécommunication
|
172. |
Tel que mentionné plus haut, la plupart des
dispositions de la Loi sur les télécommunications ne s'appliquent pas
aux revendeurs ou aux fournisseurs de services qui ne possèdent pas ou qui
n'exploitent pas « d'installations de transmission ». Les définitions
énoncées à l'article 2 de la Loi ont été interprétées de façon à
exclure de la définition d'« entreprise canadienne » les fournisseurs de
services qui sont peut-être dotés d'équipement de commutation, mais qui
louent des installations de transmission d'autres entreprises ou qui se
servent des réseaux de tiers pour offrir leurs services.75
Pour cette raison, les revendeurs et les fournisseurs de services ne relèvent
pratiquement pas de la compétence réglementaire du Conseil, sauf pour
quelques articles de la Loi. |
173. |
Depuis l'adoption de la Loi sur les
télécommunications, le Parlement a jugé bon de déroger à cette
règle générale à deux égards. En effet, des modifications ont été apportées à
la Loi afin que les « fournisseurs de services de télécommunication »
fassent partie du champ d'application du paragraphe 16.1 de la Loi,
pour ce qui est du régime d'attribution de licences de télécommunication
internationale, et du paragraphe 46.5 en ce qui a trait à la contribution à
un fonds pour les zones de desserte à coût élevé. |
174. |
À part ces quelques exceptions, le Conseil n'a
pas le pouvoir de réglementer directement les revendeurs et autres
fournisseurs de services. Toutefois, afin de s'assurer que ces entités
tiennent compte des grands objectifs stratégiques publics, le Conseil leur a
imposé certaines obligations par l'intermédiaire des tarifs des entreprises
qui leur fournissent des installations et des services sous-jacents. Ces
obligations sont prescrites dans les dispositions des tarifs des ESLT
concernant les activités de revente, ainsi que dans les tarifs d'accès
applicables à divers types de services. Puisque les fournisseurs de services
et les revendeurs sont considérés comme des clients de l'entreprise
sous-jacente, la seule façon de garantir le respect des modalités de ces
ententes est d'interrompre le service ou de le débrancher. |
175. |
Maintenant que les réseaux à large bande sont
créés et que les fournisseurs de services peuvent dédoubler les services IP
qu'offrent les entreprises, il y a lieu de se demander si cette forme
indirecte de réglementation suffira à mettre en œuvre des politiques
publiques relatives à des sujets aussi importants que les services d'urgence
9-1-1, l'accès pour les personnes handicapées, la protection de la vie
privée, l'interdiction de nuisance et l'interaction avec les organismes
d'application de la loi. L'instance publique qui a eu lieu récemment au sujet
des services VoIP a remis cette question à l'avant-plan.76
En effet, les services VoIP actuellement offerts sur le marché sont
équivalents, sur le plan fonctionnel, au service téléphonique local, le but
visé étant de remplacer le service téléphonique de base. Dans le passé, les
revendeurs pouvaient revendre le service local de base qu'offraient les
entreprises de services locaux, puisque ce service incluait toutes les
fonctions importantes. Maintenant, à l'ère de la téléphonie Internet, les
revendeurs peuvent offrir leur propre service avec ou sans les fonctions du
service de base. Or, en vertu des objectifs énoncés à l'article 7 de la
Loi, le Conseil doit tenir compte de ces questions mais la Loi
actuelle ne lui donne pas le pouvoir de le faire, sauf de façon indirecte. |
176. |
Le Conseil ne préconise nullement l'application
d'une quelconque réglementation tarifaire aux fournisseurs de services de
télécommunication, mais il se demande si le pouvoir d'imposer des conditions
à l'offre de services de télécommunication, pouvoir que lui confère l'article
24 de la Loi, ne devrait pas être élargi pour inclure les fournisseurs
de services de télécommunication, tout comme la portée de certains autres
articles de la Loi a été élargie dans le passé. Dans le même ordre
d'idées, de telles modifications devraient être assorties de pouvoirs accrus
afin que le Conseil puisse faire respecter ces obligations. Actuellement,
l'interruption du service est le seul recours à la disposition du Conseil si
un fournisseur de services enfreint le règlement. C'est une mesure plutôt
draconienne et qui va probablement à l'encontre de l'intérêt public, quand on
pense qu'en interrompant le service VoIP d'un fournisseur de services, tous
ses clients sont automatiquement débranchés et ne peuvent plus, à leur tour,
offrir le service téléphonique local de base. Il serait souhaitable que le
Conseil dispose d'options coercitives plus souples qui ne compromettraient
pas l'accès au service pour la population canadienne. Il pourrait s'agir du
pouvoir de donner des amendes, comme on le verra plus loin. |
|
Accès aux structures de soutènement et aux immeubles à logements
multiples
|
177. |
Dans un contexte monopolistique, l'accès des
compagnies de téléphone aux structures de soutènement ou aux immeubles
n'était généralement pas problématique, étant donné que les propriétaires
d'immeubles avaient intérêt à s'assurer que leurs locataires aient accès au
service téléphonique et qu'il était dans l'intérêt des compagnies de services
d'électricité et de téléphone de donner accès à leurs structures de
soutènement et de s'accorder mutuellement des droits afin d'éviter le
dédoublement des poteaux, proposition coûteuse et peu esthétique. |
178. |
Avec l'implantation de l'industrie de la
télévision par câble dans les années 1960, l'accès aux structures de
soutènement en place a commencé à devenir problématique quand les
câblodistributeurs ont demandé à fixer leurs câbles coaxiaux sur les poteaux
qui appartenaient aux compagnies de téléphone ou aux services d'électricité.
Cette question a finalement été réglée quand l'accès aux installations des
compagnies de téléphone a fait l'objet d'une ordonnance et que de tarifs
approuvés par le Conseil ont été imposés. Même si les tarifs, les modalités
et les conditions applicables à cet accès ont fait l'objet de controverses au
fil des ans, le Conseil a réglé la question en exerçant les pouvoirs que lui
confère la Loi sur les chemins de fer, et dernièrement, en vertu de la
Loi sur les télécommunications. Des droits d'accès semblables ont
ultérieurement été accordés à d'autres entreprises de télécommunication
concurrentes. |
179. |
L'accès aux structures de soutènement qui
appartiennent aux services d'électricité s'est avéré plus compliqué. Pendant
de nombreuses années, le Conseil a examiné les tarifs, les modalités et les
conditions applicables à l'accès des entreprises de télécommunication et des
câblodistributeurs aux structures de soutènement appartenant aux services
d'électricité municipaux, conformément au pouvoir qu'a le Conseil d'examiner
les ententes conclues avec des entreprises de télécommunication réglementées.
Cependant, la surveillance des tarifs applicables aux structures de
soutènement des installations électriques n'a pas été uniformisée et les
tarifs, les modalités et les conditions d'accès varient considérablement
d'une province à l'autre. En 1999, les choses se sont envenimées quand le
Conseil a dû se prononcer, conformément aux pouvoirs que lui confère la
Loi sur les télécommunications, pour régler un litige concernant les
tarifs et mettant en cause les câblodistributeurs et les services
d'électricité municipaux. Le différend portait sur l'interprétation du
paragraphe 43(5) de la Loi, où il est prescrit ce qui suit : |
|
Lorsqu'il ne peut, à des conditions qui lui sont acceptables, avoir
accès à la structure de soutien d'une ligne de transmission construite sur
une voie publique ou un autre lieu public, le fournisseur de services au
public peut demander au Conseil le droit d'y accéder en vue de la
fourniture de ces services; le Conseil peut assortir l'autorisation des
conditions qu'il juge indiquées.
|
180. |
Dans sa décision,77
le Conseil a soutenu que le paragraphe 43(5) lui conférait le pouvoir
d'imposer des tarifs, des modalités et des conditions visant l'accès aux
structures de soutènement à quiconque offre des services au public, y compris
les entreprises canadiennes et les entreprises de distribution de
radiodiffusion. Dans son interprétation du paragraphe 43(5), le Conseil a
jugé que les modalités et les phrases qui y sont énoncées devaient être
interprétées dans leur sens large, ainsi que dans le contexte de la Loi.
Il a conclu qu'une « ligne de transmission », telle que définie dans les
dictionnaires généraux, comprend les lignes utilisées pour distribuer
l'électricité. Selon lui, l'expression n'était pas restreinte aux lignes de
transmission appartenant à une entreprise canadienne ou à un
câblodistributeur, comme c'était le cas pour les autres paragraphes de
l'article 43. |
181. |
La décision du Conseil à cet égard a été portée
en appel devant la Cour d'appel fédérale et finalement devant la Cour suprême
du Canada.78
Cette dernière a soutenu que l'expression « ligne de transmission » ne peut
pas être interprétée de façon à inclure les lignes de distribution
d'électricité, étant donné que l'on tient pour acquis que le Parlement savait
que les poteaux électriques supportent des « lignes de distribution » et non
pas des « lignes de transmission ». La Cour a également soutenu que le
paragraphe 43(5) ne pouvait pas être interprété de façon à s'appliquer aux
propriétés privées, y compris aux servitudes d'utilité privée sur lesquelles
se trouvent des poteaux électriques. Enfin, la Cour a affirmé que le Conseil
ne pouvait pas invoquer les objectifs stratégiques énoncés à l'article 7 pour
déroger aux restrictions du paragraphe 43(5). |
182. |
Cette décision des tribunaux a fait en sorte que
la question de l'accès aux structures de soutènement appartenant à des
services d'électricité débordait le champ de compétence du Conseil. Certains
organismes provinciaux chargés de réglementer les installations électriques,
comme la Commission de l'énergie de l'Ontario, ont maintenant le pouvoir de
réglementer cette question. Il n'y a cependant aucune garantie que ce sera le
cas dans toutes les provinces ou qu'une approche uniforme sera adoptée en
matière d'accès et de tarifs. Maintenant que la compétence fédérale en
matière de télécommunications est unifiée, l'accès aux structures de
soutènement apparaît comme une exception importante qu'il faudra peut-être
réexaminer. |
183. |
La question de l'accès aux immeubles à logements
multiples (ILM) a également gagné de l'importance dans le nouveau contexte
concurrentiel des télécommunications. Avec l'arrivée sur le marché des
entreprises concurrentielles qui veulent offrir des services aux locataires
d'immeubles appartenant à des tiers, certains propriétaires ont tenté de
restreindre l'accès à leurs immeubles ou d'imposer des conditions sévères
pour y donner accès. Pendant la dernière décennie, le Conseil a déployé des
efforts et des ressources considérables pour encourager la mise en place d'un
marché concurrentiel et pour abolir les obstacles à l'entrée sur le marché,
et ce, dans le but d'accroître le choix des consommateurs. Il semble bien que
les ILM sont devenus le nouveau « goulot d'étranglement », la nouvelle
embûche, susceptible de limiter l'accès et de restreindre le choix des
consommateurs. |
184. |
Le Conseil a réagi à ce problème en élaborant un
code d'accès ainsi que des lignes directrices applicables aux ententes
conclues entre les propriétaires d'immeubles et les entreprises, et en
établissant des règles concernant l'utilisation du câblage intérieur. Le
Conseil a également indiqué son intention de faire respecter ces règles par
les propriétaires d'immeubles qui cherchent à empêcher l'accès aux ILM ou
qui, d'une façon ou d'une autre, font fi des règles en invoquant des pouvoirs
prévus à l'article 42 de la Loi pour exiger ou pour permettre que des
installations de télécommunication soient fournies ou installées.79 |
185. |
La décision du Conseil a suscité une
contestation judiciaire immédiate quant à la compétence du Conseil prévue à
l'article 42 de rendre ce genre d'ordonnance contre les propriétaires
d'immeubles. Même si la Cour d'appel fédérale a rejeté la demande au motif
qu'elle devançait l'émission d'une ordonnance en bonne et due forme à
l'encontre des propriétaires d'immeubles,80
le fait que la demande a été faite avant qu'une ordonnance soit émise permet
de croire qu'une nouvelle contestation judiciaire pourrait avoir lieu si le
Conseil décidait de prendre ce genre d'ordonnance à l'avenir. |
186. |
Le cas échéant, même si le Conseil a confiance
en son pouvoir, compte tenu de l'importance de cette question pour l'atteinte
des objectifs stratégiques énoncés à l'article 7 de la Loi, le Groupe
d'étude sur le cadre réglementaire des télécommunications devra peut-être
envisager d'autres façons de la rendre exécutoire. |
|
Création d'un pouvoir de donner des amendes
|
187. |
Actuellement, le Conseil n'a pas le pouvoir de
donner des amendes aux entreprises de télécommunication ou aux fournisseurs
de services qui enfreignent la Loi ou les ordonnances ou les décisions
du Conseil. Les amendes prévues aux articles 73 et 74 à l'égard des
entreprises qui enfreignent la Loi sont de nature criminelle et la
poursuite doit être faite par le procureur général. Le pouvoir prévu à
l'article 63 concernant l'assimilation des ordonnances du Conseil par voie de
dépôt auprès du greffier de la Cour fédérale peut entraîner un processus
compliqué qui est mal adapté aux sanctions à imposer aux entreprises qui
enfreignent le règlement. Tel que mentionné plus haut, en raison du pouvoir
relativement limité que le Conseil exerce sur les revendeurs et autres
fournisseurs de services de télécommunication, la plupart des dispositions de
la Loi ne peuvent leur être appliquées. |
188. |
Les sanctions pénales ne conviennent à aucune
infraction, sauf aux violations les plus évidentes de la Loi, des
ordonnances ou des décisions du Conseil. C'est pourquoi le Conseil ne dispose
d'aucun recours véritable pour rappeler à l'ordre les entreprises coupables
d'infractions. Si des revendeurs ou des fournisseurs de services ignorent les
modalités et les conditions régissant l'accès aux installations des
entreprises, le seul recours contre eux est le débranchement qui, comme nous
l'avons déjà mentionné, est une punition plutôt draconienne pour la plupart
des infractions, sauf les plus flagrantes. Le débranchement a aussi des
répercussions fâcheuses sur les clients des fournisseurs de services qui
comptent sur leurs fournisseurs pour avoir accès au service. |
189. |
Dans pareilles circonstances, l'introduction
dans la Loi d'un pouvoir de donner des amendes, sans connotation
pénale, serait une nette amélioration. Dans son dernier plan budgétaire, le
gouvernement a indiqué son intention de modifier la Loi pour accorder
au CRTC un pouvoir général de donner des amendes. Le gouvernement a également
jugé bon d'inclure un tel pouvoir dans les modifications proposées à la
Loi sur les télécommunications en ce qui a trait à la mise en œuvre et à
l'administration par le Conseil d'une « liste de numéros à ne plus appeler ».81
Il convient de mentionner que d'autres organismes de réglementation des
télécommunications, comme la Federal Communications Commission (la FCC) aux
États-Unis, jouissent d'un tel pouvoir. |
190. |
Si le Parlement entérine cette modification, le
pouvoir de donner des amendes s'appliquera aux personnes qui enfreignent les
nouvelles dispositions, peu importe leur statut, qu'il s'agisse
d'entreprises, de fournisseurs de services ou de particuliers. Des efforts
considérables ont déjà été déployés pour définir le pouvoir de donner des
amendes prévu dans le Projet de loi C-37 et pour l'assortir de
garanties adéquates. Il se peut que le Groupe d'étude sur le cadre
réglementaire des télécommunications puisse tirer profit du travail déjà
accompli dans ce domaine. |
|
Changement de contrôle
|
191. |
Pour l'instant, la Loi sur les
télécommunications n'oblige pas les entreprises canadiennes à
obtenir l'approbation du Conseil pour effectuer un changement de contrôle.
L'absence d'une telle obligation donne lieu à un régime au sein duquel le
Conseil doit réglementer dans le but d'accroître la compétitivité du secteur
canadien des télécommunications et faire en sorte que l'on se fie de plus en
plus aux forces du marché, et ce, dans un contexte où il a ouvert à la
concurrence presque tous les marché des télécoms, mais où il ne peut ni
empêcher ni les fusions ni le retour du monopole de l'industrie que suscitent
les fusions et les acquisitions. |
192. |
Cette disparité dans les pouvoirs conférés au
Conseil fait contraste par rapport au secteur de la radiodiffusion, où toutes
les entreprises de radiodiffusion, y compris les entreprises de distribution
de radiodiffusion (EDR) doivent obtenir l'approbation du Conseil pour
effectuer un changement de contrôle.82
Même si dans les faits les principaux groupes d'EDR et les ESLT offrent (ou
sont sur le point d'offrir) à la fois des services de distribution de
radiodiffusion et de télécommunication, pour l'instant, en vertu de la Loi
sur la radiodiffusion, ces entreprises doivent obtenir l'approbation du
CRTC avant de faire des changements de contrôle. Cette exigence ne
s'appliquerait plus si une ESLT cessait d'exploiter en tant qu'entreprise de
radiodiffusion. |
193. |
Cette situation semble incompatible avec le
mandat du Conseil qui est de mettre en œuvre les objectifs de la Loi sur
les télécommunications. Elle est également contraire à ce qui se passe
aux États-Unis, où la FCC a le pouvoir d'approuver les fusions en matière de
télécommunications sans égard aux stratégies de convergence adoptées par les
entreprises en cause. |
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Les cinq prochaines années
|
194. |
Depuis que la Loi sur les télécommunications
a été adoptée, des progrès considérables ont été réalisés pour changer la
structure du système canadien de télécommunications et pour passer d'un
système où les compagnies de téléphone exerçaient un monopole, ce qui
limitait la concurrence dans certains secteurs de marché, vers un marché plus
concurrentiel, où l'on retrouve des entreprises filaires, sans fil et basées
sur le protocole Internet, ainsi qu'un éventail considérable d'autres
fournisseurs de services de télécommunication. |
195. |
Le Conseil a travaillé très fort pour abolir les
obstacles à l'entrée dans divers secteurs du marché des télécommunications.
Après avoir connu un départ lent et pénible vers la concurrence dans la
fourniture des services locaux, il se peut que le Canada soit sur le point
d'arriver à une concurrence fondée sur les installations. |
196. |
Ces dernières années, le Canada est devenu un
chef de file mondial dans le déploiement de réseaux haute vitesse à large
bande, en avant de la plupart de ses partenaires commerciaux de l'OCDE, y
compris les États-Unis et le Royaume-Uni.83
Même si cette longueur d'avance a diminué au cours des deux ou trois
dernières années,84
le Canada demeure en excellente position pour tirer profit de la nouvelle
économie basée sur l'information et les consommateurs sont également bien
positionnés pour bénéficier de la concurrence sur les prix et les services
dans un marché de plus en plus axé sur la fusion. |
197. |
Dans ses commentaires sur le processus laborieux
que fut la mise en œuvre d'un nouveau cadre concurrentiel au Canada, l'OCDE a
applaudi les résultats obtenus : |
|
[…] Le Canada se place au premier rang des pays de l'OCDE en termes
de performance dans ce secteur. Il doit en grande partie ses excellents
résultats à ses procédures et à son régime réglementaire, ainsi qu'à ses
structures politiques. Le développement de la concurrence dans le secteur
des services de télécommunications a bien progressé mais, comme dans
d'autres pays de l'OCDE, reste insuffisant en ce qui concerne les services
téléphoniques locaux, l'accès local, et le marché des lignes louées de
courte distance. Cela dit, les problèmes réglementaires litigieux qui ont
entaché la performance d'autres pays de l'OCDE ont été partiellement
résolus dans le secteur des télécommunications au Canada. Celui-ci se
caractérise par des prix bas, un service de bonne qualité et la diffusion
plutôt rapide des nouvelles technologies. Le cadre réglementaire est
transparent et autorise la pleine participation de l'ensemble des parties
intéressées. La concertation a été un élément clé de l'élaboration et de
l'application des règlements.85
|
198. |
Pour le système canadien de télécommunications,
l'avenir est des plus prometteur. Comme l'a mentionné l'OCDE, l'énorme
travail de base effectué depuis l'adoption de la Loi sur les
télécommunications pour abolir les obstacles à l'entrée, pour encourager
la concurrence et uniformiser le prix des services de télécommunication, nous
place en excellente position pour tirer pleinement profit de la nouvelle
économie de l'information. Le haut niveau de pénétration de nos services
d'accès à large bande met en valeur notre structure de télécommunication par
rapport à nos partenaires commerciaux importants, et l'introduction de
nouveaux services IP comme VoIP par des fournisseurs de services et des
entreprises concurrentes permet de croire que nous aurons bientôt un
environnement concurrentiel. Le travail ardu qu'a exigé la mise en place de
la réglementation des télécommunications au cours des 12 dernières années est
sur le point de porter fruit. |
199. |
Même si un jour les tarifs de tous les secteurs
étaient déréglementés, le secteur canadien des télécommunications n'aurait
toujours pas fini sa transition d'un contexte monopolistique vers une pleine
concurrence, où aucune réglementation ne serait plus nécessaire. Or, la
Loi sur les télécommunications n'a pas été conçue dans cette optique et
il ne serait pas réaliste non plus de prétendre que nous y arriverons dans un
avenir prévisible. |
200. |
Peu importe dans quelle mesure nous réussissons
à introduire la concurrence fondée sur les installations, la géographie et la
démographie de notre pays sont telles qu'il y aura toujours des régions où
les choix concurrentiels seront inexistants et où les coûts de desserte
élevés rendront la fourniture de services au prix du marché peu attrayante.
Tant que nous défendons nos objectifs de service universel, nous devons
continuer d'intervenir sur le plan de la réglementation pour régler ces
questions. La concurrence sera forcément inégale, et la possibilité d'une
fourniture monopolistique de fait ainsi que le retour du monopole dans
certaines régions demeurent une nette possibilité. |
201. |
Même dans les marchés où la concurrence
s'accentue et prospère, les organismes de réglementation auront un rôle à
jouer si nous voulons continuer d'assurer l'accès au réseau par les personnes
handicapées, d'offrir le service 9-1-1, soit l'accès à un système national
d'intervention en cas d'urgence et l'accès pour les organismes d'application
de la loi, et atteindre d'autres objectifs d'intérêt public. |
202. |
Dans le contexte du réseau des réseaux que nous
avons créé, l'interconnexion de réseaux concurrentiels et l'accès aux
installations resteront notre principale préoccupation. Les ententes conclues
sont loin d'être statiques et elles doivent évoluer sur le plan technique, à
la longue, de façon uniforme et systématique. Notre infrastructure de
télécommunication est tout simplement trop interdépendante pour qu'on puisse
la laisser aux mains des forces du marché comme si c'était un produit
quelconque. Trop de parties intéressées comptent sur l'accès et sur les
services qu'elles reçoivent de leur principal concurrent pour que nous
puissions imaginer que tout continuera de fonctionner comme sur des roulettes
sans surveillance continue. D'un point de vue socio-économique, le réseau des
télécommunications est trop important pour nous pour que nous prenions ce
genre de risque et que nous nous lancions dans une expérimentation judiciaire
qui présuppose des conditions de libre marché. |
203. |
Notre modèle hybride de concurrence, autant au
niveau du réseau que des services, aura besoin d'une protection continue des
droits d'accès des fournisseurs de services non fondés sur les installations
et nous devrons également protéger le droit des consommateurs d'utiliser le
réseau de leur fournisseur de services pour accéder au fournisseur de
services de leur choix. Ce rôle sera particulièrement important dans le
contexte IP où des applications et des services de toutes sortes passeront
par des réseaux interconnectés, et où l'accès équitable offert par des
fournisseurs de services concurrents sera une préoccupation d'importance
vitale. |
204. |
Ce pronostic est loin d'être sombre. En effet,
on ne fait que constater la nature unique de l'industrie des
télécommunications et son importance pour la subsistance et le bien-être de
notre pays. Contrairement à l'opinion de certains commentateurs, nous ne
sommes pas déphasés par rapport au reste du monde. À bien des égards, nous
sommes même en tête du peloton. Le Conseil ne croit pas en la réglementation
pour le simple fait de réglementer, mais bien en une réglementation qui est
nécessaire pour protéger les consommateurs contre les effets néfastes d'une
emprise sur le marché, pour veiller à ce que les objectifs stratégiques du
gouvernement en matière de télécommunications soient atteints quand les
forces du marché concurrentiel sont inadéquates ou quelles ne sont pas
conçues de façon à atteindre les résultats escomptés, et pour assurer
l'implantation ordonnée partout au Canada d'un système de télécommunication
de premier ordre. |
205. |
L'avenir de l'industrie canadienne des
télécommunications ne devrait pas nous inquiéter. Bien au contraire, nous
devrions être enthousiasmés par cette perspective et nous réjouir des progrès
continus que connaît ce secteur important et dynamique de notre économie et
de notre société. |
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Notes en bas de page :
Mise à jour : 2005-08-17 |