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LA RADIODIFFUSION CANADIENNE DANS LES ANNÉES QUATRE-VINGT-DIX :
À l'oeuvre pour le Canada dans un monde en évolution

Notes en vue d'une allocution

par Keith Spicer

Président, Conseil de la radiodiffusionet des télécommunications canadiennes

au Congrès annuel de l'Association canadienne des radiodiffuseurs

Ottawa (Ontario)
Le 29 octobre 1995

(PRIORITÉ À L'ALLOCUTION)


J'ai le regret de vous annoncer - et vous serez peut-être soulagés d'apprendre - qu'il s'agit de ma dernière réunion avec votre groupe. Lorsque j'ai pris la parole devant vous pour la première fois, il y a six ans, j'étais, comme on dit, le loup que vous ne connaissiez pas. Aujourd'hui je crois que je peux à juste titre affirmer que vous connaissez effectivement le loup que je suis. Or, pour le dirigeant d'un organisme de réglementation, être le loup que l'on connaît, plutôt que celui que l'on ne connaît pas, est non seulement un énorme progrès; c'est aussi ce que l'on peut souhaiter de mieux en fait de popularité...

Pendant la période au cours de laquelle nous avons collaboré, l'industrie de la radiodiffusion a été façonnée par les forces révolutionnaires du changement. L'avenir laisse entrevoir des bouleversements encore plus profonds. Je voudrais aujourd'hui proposer certains principes visant à domestiquer les forces du changement, c'est-à-dire à les comprendre et peut-être même à les orienter sur la voie d'une meilleure programmation canadienne.

Mais d'abord, faisons la synthèse des grands changements qui ont marqué les six dernières années et évaluons les forces qui sont à l'oeuvre aujourd'hui ou qui le seront demain.

I. Les six dernières années : l'ébranlement des assises

Il est devenu presque routinier d'affirmer, lors de ces congrès, que le système canadien de radiodiffusion offre vraiment le plus vaste choix d'émissions de qualité qui soit. Pourtant, rien n'est plus vrai. Si vous en doutez, il suffit de vous rendre à l'étranger, que ce soit en Europe ou aux États-Unis. Et si vous doutez que notre système puisse s'adapter pour maintenir ses normes dans un marché de plus en plus difficile, vous n'avez qu'à vous rappeler les premières années de cette décennie.

Pendant toutes ces années, la télévision et la radio ont ressenti les premières secousses qui ont ébranlé les assises de leur prospérité. Cette prospérité est nécessaire afin d'atteindre l'objectif défini dans la Loi sur la radiodiffusion, c'est-à-dire la production et la mise en ondes d'émissions canadiennes de qualité supérieure, partout au Canada, afin de répondre à des besoins à la fois nombreux et différents.

La télévision canadienne a dû rivaliser avec une douzaine de nouveaux services spécialisés (lancés tapageusement en deux vagues, en 1987 et en 1995), en plus de subir la pression croissante exercée par les concurrents américains. Dans au moins une affaire récente, cette pression était appuyée par une offensive extraordinaire du gouvernement des États-Unis.

Cet éparpillement du marché s'est accompagné d'une récession qui a durement touché la publicité. Les changements qui intervenaient dans les préférences des auditoires exigeaient une créativité nouvelle. En outre, les nouvelles technologies de distribution nous obligeaient à repenser les stratégies commerciales et le financement, par exemple les alliances stratégiques avec les maisons de production et les câblodistributeurs.

Pour permettre à l'industrie de relever ces nouveaux défis, le Conseil s'est efforcé d'alléger le fardeau de la réglementation. Il a à maintes reprises rationalisé ses procédures. Il a essayé de façonner ses décisions pour les adapter aux besoins raisonnables de l'industrie, tout en raffermissant la programmation canadienne.

Pour ce qui est des questions de procédure, nous avons mis sur pied, en 1989-1990, deux groupes de travail parallèles sur l'allégement et l'accélération des processus de réglementation et d'attribution de licences : le groupe de travail de M. Ed Ross sur les procédures et le groupe de travail de M. Frédéric Arsenault sur les audiences publiques.

Depuis, nous avons sans cesse perfectionné, simplifié ou éliminé la réglementation. Nous avons adopté cette règle d'or : «La réglementation si nécessaire, mais non nécessairement la réglementation.» Grâce à nos examens réglementaires de la politique en matière de radio FM en 1990, puis grâce à de nouveaux examens en 1992 et 1995, la radio au Canada est plus libre que jamais. Les exigences absolument essentielles en matière de contenu canadien, de développement des talents canadiens, de grands succès, de chanson francophone et de bandes-témoins sont tout ce qui reste de cette réglementation.

D'autres progrès ont été accomplis afin de raffermir le contenu canadien :

  • Le Conseil a révisé ses critères en matière de contenu canadien à la radio, en donnant une plus grande marge de manoeuvre aux artistes et aux radiodiffuseurs;· Il a aidé les télédiffuseurs à promouvoir les spectacles canadiens en éliminant les restrictions imposées à la publicité des promotions canadiennes;
  • Il a donné aux stations de télévision anglophones une nouvelle souplesse, d'année en année, pour ce qui est des dépenses consacrées aux émissions canadiennes;
  • À long terme, tout en résistant aux pressions constantes exercées en vue de réduire le contenu canadien, le Conseil a été fidèle à la mission que lui a confiée le Parlement et il entend continuer de le faire. Il a maintenu et continuera à maintenir ses garanties de temps d'antenne qui sont vitales pour la programmation canadienne, de même que ses règles pro-Canada relatives à la distribution; et il entend bien continuer d'accentuer ses efforts pour encourager les investissements dans les émissions canadiennes.

Inspirés de la vision de M. Pierre Juneau, les efforts du Conseil ne sont pas étrangers à la croissance spectaculaire que connaissent, à l'heure actuelle, les industries canadiennes de la musique et de la production d'émissions de télévision. Nombreux sont les dirigeants de ces industries qui considèrent que nous jouons un rôle décisif à cet égard.

Enfin, dans le cadre d'une vaste réforme de l'impact réglementaire et social, le Conseil a appuyé le Conseil canadien des normes de la radiotélévision. Il a en effet annoncé que le CCNR pourrait s'occuper directement des plaintes portant sur les codes de l'industrie. En outre, comme vous le savez, cet organisme a mérité votre confiance autant que la nôtre par ses interventions consciencieuses et courageuses.

En étant favorable à l'autoréglementation de l'industrie, le Conseil ne fait pas que partager l'esprit de déréglementation qui prévaut de nos jours. Il exprime aussi son engagement en faveur d'un programme social auquel croient les Canadiens, particulierement lorsque cela signifie aider les enfants. Pour résumer ce que je pourrais appeler le «programme du Conseil relatif aux enfants», je parlerais :

  • *d'un effort triennal soutenu mais réaliste visant à sensibiliser le public à l'impact, sur la santé intellectuelle des jeunes enfants, de la violence gratuite et idéalisée. Les consultations publiques qui ont eu lieu pendant trois semaines dans neuf villes et qui viennent de prendre fin mettent en relief le vaste appui de la population et de l'industrie à une intervention raisonnable.

Cet effort, dans le cadre duquel votre industrie est aujourd'hui un chef de file mondialement respecté, a donné lieu à un code vigoureux rédigé et administré par l'industrie, à des programmes éducatifs de grande envergure et à l'essai sur le terrain de dispositifs de contrôle parental. La collaboration entre l'ACR et le Conseil s'est révélée essentielle dans nos efforts en vue de résoudre ce problème complexe de manière raisonnable et réaliste. Nous avons résisté au dogmatisme. Nous avons veillé à préserver un équilibre indispensable entre la liberté de création et la santé intellectuelle des enfants.

À ce sujet, je dois rendre un hommage particulier à votre conseil de la télévision pour son apport éclairé et soucieux de l'intérêt public. Je tiens également à rendre hommage à M. Michael McCabe pour ses talents de négociatieur extrêmement efficaces.

Parmi les autres points inscrits à notre programme relatif aux enfants figurent :

  • l'affectation de 80 % du nouveau Fonds de production pour la câblodistribution aux émissions destinées aux enfants, aux dramatiques et aux documentaires;
  • au début de l'année, dans le cadre du programme des avantages du transfert de propriété de CUC Cable, l'approbation du Fonds de production d'émissions pour enfants de la Shaw (le Fonds Geoff Conway). Ce fonds représente aujourd'hui 27 millions de dollars;
  • les encouragements prodigués aux titulaires de licence du Québec afin qu'ils améliorent les émissions pour enfants, même si les lois du Québec interdisent la publicité destinée aux enfants;
  • les encouragements semblables prodigués à certains titulaires de licence du marché anglophone : Global continue de diffuser chaque semaine plus de 30 heures d'émissions de télévision pour enfants, y compris son émission matinale «Kids' TV».

Que dire maintenant de l'aspect technique de la radio? Nous avons participé, par l'entremise du vice-président du Conseil, M. David Colville, au groupe de travail du gouvernement sur la radio numérique. En août dernier, nous avons annoncé un projet d'implantation de la radio numérique qui prévoit notamment l'attribution de licences temporaires pendant une période transitoire. Dans un avis public que nous publions aujourd'hui, nous précisons les modalités selon lesquelles les stations AM et FM en activité pourront présenter des demandes afin de créer de tels services pendant une période transitoire d'une durée de trois ans.

Que nous réserve l'avenir? En encourageant la concurrence dans le secteur des télécommunications, les décisions du Conseil entraîneront des changements dans le secteur de la radiodiffusion : les technologies de distribution convergent rapidement sous une certaine forme d'autoroute de l'information. Dans notre rapport publié en mai sur l'inforoute, nous avons continué d'encourager une concurrence précoce, en insistant sur la nécessité de recourir à de nouveaux mécanismes et à de nouveaux moyens de financement en vue de favoriser le contenu canadien.

II. Vers le prochain millénaire : abattre les murs

Toutes les forces à l'oeuvre ou qui se profilent à l'horizon se conjuguent pour ébranler les murs du protectionnisme culturel de l'État-nation.

Vous connaissez bien les forces qui redonnent déjà une nouvelle dimension à votre réalité et à vos plans :

  • La technologie : En quelques années, le tourbillon de la technologie nous plongera dans un nouvel univers numérique où l'on trouvera d'innombrables canaux et fréquences; l'interactivité, l'adressabilité, la radio numérique, la télévision à plus haute définition, les écrans plats, le réseau Internet et, bien entendu, les autres technologies de distribution qui livrent une concurrence nouvelle (satellite et téléphone), et dont la plupart convergent sous de nombreux aspects qui semblent se transformer chaque jour : toutes ces technologies déferlent sur nous.
  • Les forces du marché : La concentration de la propriété, souvent dans le cadre de fusions importantes qui, aux yeux de certains, apportent de nouveaux moyens financiers pour le développement et qui, pour d'autres, constituent de nouveaux monopoles; la concurrence qui, loin de priver la réglementation de sa raison d'être, exige souvent une nouvelle réglementation, pour éviter que le marché soit dominé par des mégamonopoles; l'éclipse apparente et, désormais, l'étonnante capacité d'adaptation des radiodiffuseurs à vocation générale.
  • La souveraineté des consommateurs : Motivés par le ressentiment à l'égard de la câblodistribution, dont la domination est appelée à disparaître bientôt, furieux contre l'élite d'Ottawa (et même, Dieu nous en préserve! des organismes de réglementation) et trompés par le battage publicitaire irréfléchi et parfois égoïste au sujet du choix illimité et d'inventions qu'ils ne verront pas avant des années, les consommateurs exigent de se faire entendre. Et on les entendra. En outre, les entreprises qui ne les écouteront pas auront tôt fait d'entendre parler de leurs banquiers et de leurs investisseurs.
  • L'évolution culturelle et sociale : Dans la foulée des revendications des consommateurs, qui se prennent de plus en plus en main, face aux préoccupations des citoyens à l'égard de problèmes sociaux comme la violence à la télévision et les émissions destinées aux enfants, ou encore face aux exigences que l'on fornule pour les émissions féminines et multiculturelles, les programmeurs sont obligés d'être davantage à l'écoute des consommateurs et de se faire plus discrets dans ce qu'ils leur imposent.
  • L'offensive commerciale des États-Unis : En ma qualité d'ardent défenseur du libre-échange avec les États-Unis, j'ai toujours voulu minimiser les foudres de différentes personnes à Washington contre la prétendue exemption culturelle du Canada. Or, au cours de l'année qui vient de s'écouler, nos voisins du Sud se sont montrés beaucoup plus hardis pour mettre en oeuvre leur politique patiente mais têtue, qui vise à éliminer notre exemption culturelle.

Tout ce manège se fonde sur la conviction inébranlable de nombreux Américains influents qui croient que le Canada n'est pas vraiment un pays, mais un simple prolongement du marché américain. Ils redoutent aussi que la «contagion canadienne» s'étende à d'autres partenaires commerciaux des États-Unis. Cette observation traduit non pas une paranoïa, mais bien la réalité.

Il y a quand même une faible lueur d'espoir à l'horizon, encore un fois pour ce qui est de la question de la violence à la télévision. À l'heure actuelle, les États-Unis semblent être plus attentifs aux préoccupations du Canada à l'égard des enfants, et les consultations publiques que nous venons de terminer nous permettent de penser, avec un optimisme prudent, que nos voisins du Sud et nous-mêmes pourrions trouver un moyen de collaborer dans les dossiers de la puce V et de la classification. L'objectif consiste à protéger conjointement les enfants sans restreindre déraisonnablement la liberté d'expression. Le Conseil s'efforcera de collaborer avec les pouvoirs publics américains pour réaliser cet équilibre; je vous invite d'ailleurs à exhorter vos collègues américains à faire de même avec vous. De toute évidence, la puce V et la classification ne sont pas une panacée, mais, au fil des ans, elles pourraient jouer un rôle utile dans cette réforme.

  • L'idéologie : Au cours de la prochaine décennie, les forces que je viens de décrire provoqueront une véritable révolution. Cette révolution fera rejaillir d'énormes avantages sur la concurrence et sur le choix des émissions provenant de l'étranger, surtout si le Canada adopte des politiques commerciales et culturelles qui permettent de redéfinir le terme «étranger» pour l'étendre à beaucoup d'autres pays, et non seulement aux États-Unis.

Espérons que notre pays pourra compter sur la compréhension, l'ingéniosité et les efforts concertés qui permettront d'atteindre cet objectif. C'est bien parce que le Canada est non seulement un marché, mais aussi un pays, qu'il ne suffit pas de scander (comme le font certains étourdis) ce slogan à la mode dans l'industrie : «La concurrence, à tout prix.»

Car dans ce cas, le «prix», c'est bel et bien l'article 3 de la Loi sur la radiodiffusion, qui stipule que l'identité nationale est le coeur même et la raison d'être du système canadien de radiodiffusion. Le «prix», en fait, c'est nous, ce peuple complexe et ambigu que sont les Canadiens.

Le «prix», c'est le Canada. Et le Canada, tout comme la Loi sur la radiodiffusion et le peuple canadien lui-même, n'est pas un accident du marché; il est, depuis plus de deux siècles, le fruit d'une volonté.

Les Canadiens sont favorables aux politiques qui reflètent cette volonté. Selon un sondage réalisé le printemps dernier par Telus, 73 % des Albertains sont très favorables aux émissions canadiennes. D'après un sondage publié en juillet dans le Toronto Star, plus de 70 % des abonnés du câble appuient le principe selon lequel les droits de câblodistribution devraient servir à financer des émissions canadiennes.

Pour terminer, permettez-moi d'esquisser quelques principes grâce auxquels on pourra continuer de diffuser sur nos ondes des émissions authentiquement canadiennes et qui, incidemment, permettront aux radiodiffuseurs canadiens de sauvegarder leur créneau exceptionnel et souvent rentable.

III. Quelques principes visant à créer un univers de communications authentiquement canadien

Dans les années 20 et les années 30, c'est grâce à la perspicacité et à la volonté de dirigeants d'entreprise et de chefs d'État que la radiodiffusion canadienne voyait le jour. Ces derniers écartaient du revers de la main les arguments des défaitistes qui affirmaient que les Canadiens ne pourraient jamais ériger leur propre système de radiodiffusion, mais qu'ils devraient se contenter de se brancher sur le système américain; c'est également à cette volonté que l'on doit la naissance de la télévision au début des années 50, celle de la câblodistribution dans les années 60 et 70, et enfin, de la radiodiffusion par satellite dans les années 90.

Pour soutenir la même volonté à l'aube de ce troisième siècle de l'existence du Canada, quels principes devrions-nous adopter? En voici un aperçu.

Le contenu est essentiel : Le contenu canadien est la question cruciale qui définira notre système de radiodiffusion au cours des prochaines décennies. Dans un univers qui sera finalement peuplé de centaines de services de programmation provenant du Canada et de l'étranger, comment nous y prendrons-nous pour mettre en ondes les services canadiens concurrentiels et de grande qualité que le peuple canadien voudra écouter ou regarder?

Il ne fait aucun doute que l'infrastructure est importante. Dans une mesure non négligeable, c'est le propriétaire de la voie ferrée qui décide des trains qui rouleront sur cette voie. Or, les polémiques sur les technologies de distribution seulement ne constituent pas un débat sérieux sur la radiodiffusion canadienne. Ce débat ne peut porter que sur le contenu des services offerts par les radiodiffuseurs.

Le Canada, ce n'est pas les États-Unis : Chaque pays doit adopter des politiques dictées par sa géographie, sa population, son histoire, sa culture et son économie. Or, on oublie couramment que le Canada n'a pas le relief, le climat, la population (y compris sa taille, sa dispersion et ses langues), l'histoire, la culture, l'économie ou les aspirations géopolitiques des États-Unis.

Doté d'un marché de langue anglaise qui représente environ le douzième de la taille du marché américain, le Canada n'a tout simplement pas les assises publicitaires nécessaires afin de concurrencer Hollywood et New York sur tous les fronts.

Sans compter que l'imitation des émissions américaines ne constitue que du mauvais marketing. Les coproductions peuvent nécessiter des compromis. Or, le Canada doit adapter sa politique de radiodiffusion (et, en fait, sa programmation) aux réalités qui nous définissent, et non à des réalités étrangères dont nous ne serons jamais le miroir convaincant. Je le répète, nous sommes de pâles imitations des Américains, mais nous sommes des Canadiens tout à fait plausibles.

Conserver les politiques de soutien en vigueur, mais favoriser l'investissement : Chacun sait que le système très fructueux de quotas nationaux lancé par M. Pierre Juneau subit les attaques virulentes des concurrents américains. Certains distributeurs et consuméristes canadiens s'en prennent aussi à ce système, même s'il est imité avec passion dans certains pays d'Europe.

Pour ma part, je ne crois pas que nous devions - ou puissions - éliminer ces quotas tant que nous ne trouverons pas de système qui nous garantisse des résultats au moins égaux pour ce qui est de la qualité, de la variété, du prix, de la distribution et de l'authenticité canadienne.

Il en va de même des règles en matière de propriété, qui, bien qu'elles soient allégées pour accueillir les nouveaux investissements, n'en sont pas moins maintenues.

Mais, de plus en plus, nous devons insister davantage sur l'investissement. Idéalement, le Parlement devrait continuer à financer la programmation canadienne (par le truchement de la SRC, de l'ONF et de Téléfilm). Toutefois, nous savons tous que ce financement ne sera pas aussi généreux qu'il l'était auparavant.

Les avantages apportés par les prises de contrôle, le développement des talents canadiens et, bien entendu, les obligations imposées par voie de conditions de licence aux stations et aux réseaux pour qu'ils investissent certaines sommes dans la programmation canadienne, représentent d'autres sources de financement qu'il faut continuer de faire fructifier.

Le Conseil annoncera bientôt, en matière de développement des talents canadiens, une nouvelle approche qui, nous l'espérons, permettra d'élargir cet effort et de l'assouplir.

En outre, le Fonds de production pour la câblodistribution injectera, l'an prochain, au moins 40 millions de dollars dans la production; une somme pouvant atteindre le tiers de ce montant sera consacrée aux entreprises affiliées aux radiodiffuseurs.

Je suis heureux de constater qu'il semble se dégager un consensus en ce qui concerne le financement du contenu canadien de grande qualité, pour lequel on fait de plus en plus appel à une certaine contribution en pourcentage des recettes brutes des entreprises de distribution. Cette idée, préconisée par l'ACR, a été largement adoptée par les personnes qui ont participé, le printemps dernier, à nos audiences sur l'autoroute de l'information.

Toutes ces idées de financement reposent sur un principe : dans un univers multicanaux qui s'étend de plus en plus, le seul moyen d'encourager les Canadiens à continuer d'écouter des émissions canadiennes sera d'améliorer ces émissions et de les rendre plus concurrentielles. C'est exactement ce que croit le CRTC. Et c'est exactement ce que nous nous efforçons de soutenir.

Redéfinir la notion d'«étranger» pour l'étendre à d'autres pays que les États-Unis : Des douzaines de producteurs et un certain nombre de dirigeants du secteur de la télévision l'ont déjà fait : ils vendent et (ou) achètent des émissions ailleurs qu'aux États-Unis. Il s'agit d'une tendance saine, sur les plans économique et culturel. Elle apportera de la diversité à nos écrans et ouvrira de nouvelles perspectives à nos créateurs et distributeurs.

Expliquer constamment notre système : S'il fallait en croire les voix qui se sont fait le plus entendre dans le soi-disant débat sur la radiodiffusion au cours de l'année qui s'achève, on pourrait penser que les Canadiens ont été les victimes d'une monstrueuse cabale menée par les organismes de réglementation, les câblodistributeurs, les maisons de production, les radiodiffuseurs, les syndicats d'artistes et, j'en suis certain, le fantôme de Karl Marx.

On pourrait croire que la radiodiffusion canadienne concerne non pas la programmation canadienne (ce sur quoi insiste pourtant la Loi sur la radiodiffusion), mais plutôt l'infrastructure, dont se préoccupe le plus la technologie de la distribution.

Il est temps que tous ceux et celles d'entre nous qui croient que le Canada a une programmation qui le reflète - et qu'il peut continuer à en avoir une même si nous admettons plus d'émissions étrangères que nos détracteurs américains ne sauraient jamais tolérer - se fassent entendre. Le moment est venu pour nous tous d'expliquer à nouveau, sans relâche, comment une saine politique d'intérêt public, une réglementation ingénieuse et des investissements soutenus nous ont apporté un système de radiodiffusion dont la qualité, la diversité et le prix abordable n'ont été égalé par aucun système de «libre entreprise à l'état pur».

Les vrais défenseurs de la radiodiffusion canadienne - téléspectateurs et auditeurs, artistes, producteurs, radiodiffuseurs et distributeurs, sans oublier le gouvernement et les organismes de réglementation - doivent répondre à ces idéologues tenants de la «magie du marché» et qui n'ont pas encore, semble-t-il, lu la Loi sur la radiodiffusion, ni même beaucoup réfléchi au sujet du Canada.

Plusieurs dirigeants de l'industrie, soucieux de notre pays et sachant parfaitement que le Canada est leur créneau commercial le plus solide, ont défendu les politiques grâce auxquelles nos industries de la radiodiffusion, du cinéma et de la musique connaissent tant de succès dans le monde entier : il s'agit, entre autres, de MM. Michael McCabe, Michael Macmillan et Robert Lantos. J'espère que de nombreux autres, y compris un plus grand nombre de radiodiffuseurs, grossiront leurs rangs. Sinon, nous risquons de perdre notre système de radiodiffusion par pure négligence.

Le moment est-il venu de tenir un autre «sommet» de la radiodiffusion, cette fois pour discuter de la façon dont nous pouvons financer et distribuer les émissions canadiennes, à une époque où nos politiques, qui ont fait leurs preuves, doivent relever des défis de taille? Je crois que nous devrions y songer.

Car depuis les années 1920, c'est cette communauté d'idées, de clairvoyance et de volonté qui a permis à notre système de radiodiffusion de voir le jour et de s'épanouir. Au cours de chaque génération, le Canada est devenu une «Amérique différente» grâce à des radiodiffuseurs réfléchis. Ces derniers ont permis de faire de notre pays une société de Nord-Américains qui ont à coeur des valeurs civilisatrices qui leurs sont propres. Il nous ont aidés, tous, à triompher des aléas invraisemblables de l'histoire, de la géographie, de l'économie et de la culture pour faire du Canada un pays que le monde entier admire.

Nous devons repenser et réexpliquer la politique de radiodiffusion dont ce pays exceptionnel a besoin pour conserver ses valeurs. Si nous y parvenons, je crois que les défaitistes, comme ils l'ont toujours fait auparavant, plieront bagages. Je crois que le Canada continuera d'être ce qu'il est, tant par les ondes qu'il émet que par l'étendue de son territoire, et ce, dans le coeur de l'ensemble de sa population.

Un dernier mot à titre personnel : je vous confie que c'est avec un peu d'ironie désabusée, mais aussi avec beaucoup d'affection, que je pense à mon passage au Conseil. Ce n'est pas que je sois devenu précocement sentimental à l'endroit d'un processus que j'ai moi-même souvent tourné en dérision comme journaliste. Je n'irais pas jusqu'à dire, comme l'a fait Oliver Goldsmith, qu'«ils étaient venus pour bouffer, mais ils sont restés pour prier».

J'avoue toutefois que j'ai entrepris cet étrange travail de réglementation avec un certain cynisme et que je quitterai mes fonctions dans quelques mois un sceptique optimiste. Je connais bien les lacunes du Conseil (et probablement quelques lacunes que même vous ne connaissez pas). Je connais aussi ses grandes vertus et la L'engagement indéfectible de son personnel et de ses conseillers à l'égard de l'intérêt public.

Par-dessus tout, je suis impressionné par l'utilité de la mission du Conseil en tant que décideur indépendant, impartial et public pour des questions qui touchent chaque fil de notre tissu social.

C'est ce que je constate au Canada quand je vois des milliers de citoyens ordinaires participer chaque année à nos audiences. D'une certaine façon, même s'ils ragent contre telle ou telle de nos décisions, qu'ils dénoncent nos «absurdités» et notre «incompétence», ils font confiance à l'ouverture de nos processus.

C'est ce que je constate aussi dans d'autres pays lorsque des collègues étrangers me confient à quel point ils estiment que l'indépendance et la transparence du Conseil sont des piliers essentiels de la démocratie et représentent les seules solutions de rechange possibles au caprice et au népotisme.

Puisque je n'ai plus de temps d'antenne à cette tribune, je m'abstiendrai de tomber dans la sentimentalité. Je me contenterai de dire que je suis extrêmement fier d'avoir collaboré avec mes collègues. Et c'est pour moi un très grand honneur d'avoir eu le privilège de travailler avec des Canadiens aussi talentueux et aussi dévoués que vous.

- 30 -

Renseignements : Affaires publiques du CRTC, Ottawa (Ontario) K1A 0N2
Tél. : (819) 9970313, ATS : (819) 9940423, Fax : (819) 9940218

Mise à jour : 1995-10-29

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