Discours
CONVERGENCE ET RADIODIFFUSION :
Comment relever le défi
Notes en vue d'une allocution
par Françoise Bertrand, Présidente,
Conseil de la radiodiffusion et des
télécommunications canadiennes
au congrès annuel de l'Association
canadienne des radiodiffuseurs (ACR)
Edmonton (Alberta)
Le 28 octobre 1996
(PRIORITÉ À L'ALLOCUTION)
Introduction
Mesdames et Messieurs, bonjour. Je vous remercie de m'avoir invitée parmi vous
aujourd'hui. J'en suis vraiment ravie d'autant plus qu'il s'agit pour moi d'une
occasion très spéciale, qui constitue le rite de passage de toute nouvelle
personne nommée à la présidence du CRTC.
J'attendais cet événement avec énormément d'optimisme, y voyant le début d'une
relation amicale mutuellement bénéfique et d'un partenariat fondé sur le
dialogue, sur un effort de compréhension réciproque et sur une volonté commune de
résoudre ensemble les questions qui se posent aujourd'hui à l'industrie.
J'ai déjà eu l'occasion de rencontrer certains d'entre vous, ainsi que
d'autres membres de l'Association, soit à l'audience sur l'attribution de
licences à Vancouver ou, tout récemment, lors de l'audience sur la distribution
des services de radiodiffusion. J'ai également eu droit à une bonne introduction
à l'Association canadienne des radiodiffuseurs (ACR) de la part de M. Michael
McCabe et du conseil d'administration, qui m'ont d'ailleurs présenté votre
«Régime d'encouragement de la programmation canadienne». Je me sens donc déjà en
terrain familier, du fait également de ma propre expérience en radiodiffusion.
Nos rencontres précédentes, certes plus officielles que celle-ci, m'ont permis
de prendre connaissance de votre vision de l'avenir de la radiodiffusion au
Canada. Permettez-moi aujourd'hui de vous rendre la pareille et de vous faire
part de mes propres réflexions sur l'avenir de la radiodiffusion au Canada.
Les récents progrès de la technologie des communications nous offrent, à nous
tous et au Canada, des possibilités inouïes. La portée, la complexité et le
rythme de la révolution en cours ne connaissent pas de précédent. Toutefois,
celle-ci a fait surgir de nouveaux obstacles, dont il nous faut triompher.
Le message que j'aimerais vous livrer est le suivant : un univers à la fois
nouveau et passionnant s'ouvre à nous, dans lequel nous pouvons affirmer une
vigoureuse présence canadienne en radiodiffusion. Et j'ai l'intention de
collaborer avec vous à la réalisation de cet objectif.
I. Convergence des technologies, élargissement des perspectives
Permettez-moi d'abord de vous exposer les réalités nouvelles de l'industrie de
la radiodiffusion telles que je les perçois. Puis, je suggérerai comment
vous-mêmes et le CRTC pouvons faire en sorte que les nouvelles technologies - au
lieu d'y faire obstacle - favorisent un solide programme canadien en
radiodiffusion.
Si nous examinons l'évolution des communications au cours du siècle écoulé,
nous constatons qu'il y a tout lieu de croire que nous pouvons conserver une
présence canadienne marquée en radiodiffusion.
Aujourd'hui, comme hier, nombreux sont les gens qui croient que chaque nouveau
progrès dans le domaine des communications risque de nous faire dévier de notre
orientation nationale. Essentiellement, le défi est toujours le même,
c'est-à-dire assurer une solide présence canadienne en radiodiffusion. Soit la
mission que la Loi sur la radiodiffusion nous confie à tous.
Comme nous le faisons depuis un siècle, nous nous montrerons plus astucieux
que les défaitistes et nous tirerons parti des possibilités que les nouvelles
technologies nous offrent pour réaliser notre objectif. Ensemble, nous
continuerons d'apporter des solutions authentiquement canadiennes aux défis
propres au Canada.
En raison de la convergence de la câblodistribution, de la téléphonie, des
communications sans fil et de la technologie informatique, il y aura plus de
canaux de distribution pour les radiodiffuseurs, les artistes et les producteurs.
Certains perfectionnements technologiques, comme la compression vidéo et la
transmission par satellite, permettront à un plus grand nombre de signaux
canadiens et étrangers d'atteindre les foyers canadiens. La technologie numérique
donnera lieu à un foisonnement de nouveaux types de services. Et bientôt, les
consommateurs ne voudront rien de moins que la qualité sonore des disques
compacts, des images à haute résolution, une grande variété et de l'originalité.
Par-dessus tout, les consommateurs se montreront beaucoup plus exigeants quant
à la qualité du contenu. Ils éprouveront toujours le besoin d'être divertis et
apprécieront toujours les occasions de regarder des émissions de qualité en
famille ou entre amis. Mais au fur et à mesure que la société «se pantouflera» -
pour reprendre le concept de la futuriste Faith Popcorn -, les gens demanderont
aux radiodiffuseurs de les remettre en contact avec leur communauté. Cela se
traduira par un accroissement de la demande pour des émissions canadiennes.
L'interactivité que promet la technologie créera des rapports nouveaux entre
le consommateur et le contenu. McLuhan avait entrevu cette évolution, où les
consommateurs ne seraient plus de simples spectateurs passifs, mais agiraient
comme participants dynamiques et interactifs dans la création du contenu. De plus
en plus, ils exigeront et exerceront le droit de choisir et d'adapter ce qu'ils
regardent, lisent et écoutent.
Dans ce contexte, c'est le consommateur qui est aux commandes. Si le catalogue
des services ou le répertoire des émissions ne lui convient pas, il ira
simplement regarder ailleurs.
II. Les défis de la convergence
Quels sont donc les impératifs de votre industrie? Face à une multitude
d'options techniques, tout l'art consistera à rester ciblé, à se consacrer aux
activités dans lesquelles on excelle et à offrir une programmation canadienne qui
apportera une riche expérience culturelle aux Canadiens et servira d'héritage à
nos enfants.
Vous-mêmes avez reconnu que le secret de votre future réussite réside dans la
programmation, comme en témoigne clairement votre Régime d'encouragement de la
programmation canadienne.
Cette initiative, que votre association a présentée l'an dernier lors de
l'instance du CRTC sur l'autoroute de l'information, tient compte de la nécessité
- selon vos propres termes - d'augmenter la qualité et la quantité des émissions
canadiennes présentées sur nos petits écrans. À notre récente audience sur les
services de distribution, Michael McCabe a réitéré votre volonté d'accroître
considérablement la qualité et la quantité des émissions pour enfants et
dramatiques canadiennes devant être diffusées aux heures qui conviennent aux
téléspectateurs canadiens. En d'autres mots, cela veut dire de nouvelles séries
dramatiques, de nouvelles émissions pour enfants et de nouveaux documentaires
percutants, produits par des Canadiens.
Je compte travailler avec vous à la réalisation de cet objectif, de façon à ce
que vous nous présentiez, à nous tous Canadiens, d'autres dramatiques aussi
populaires que Lobby, Traders ou Due South; davantage de programmation pour
enfants du genre Petit Journal ou Theodore Tugboat; et aussi un plus grand nombre
de documentaires percutants comme «The Riot at Christie Pits» ou primés comme
«Lloyd Robertson in China». Les efforts que vous avez investis dans vos émissions
de sports et d'actualités ont porté fruit. Le moment est aujourd'hui venu
d'investir dans les émissions dramatiques, le cinéma et les autres catégories
sous-représentées parmi les émissions de divertissement.
Votre détermination à faire de la programmation canadienne votre propre
«franchise» vous permettra d'atteindre cet objectif beaucoup plus facilement.
Comme vous l'avez vous-mêmes reconnu, une programmation canadienne de haut
calibre vous distinguera dans vos marchés traditionnels et vous attirera de
nouveaux auditoires.
Toutefois, dans un milieu de plus en plus concurrentiel, vous devrez faire
preuve d'un plus grand dynamisme dans les efforts que vous déployez pour vendre
vos produits. Vous devrez programmer vos émissions canadiennes aux heures de
grande écoute, comme vous en avez d'ailleurs exprimé l'intention. Vous devrez
aussi les promouvoir de façon plus vigoureuse ici même et avoir le courage de les
commercialiser à l'étranger.
Nous appartenons à une société dotée de valeurs culturelles exceptionnelles.
Faisons-les rayonner. Faisons-les connaître au monde entier. Diffusons notre
expérience commune, notre mythologie et notre folklore, les récits du peuple
canadien, racontés selon notre propre point de vue. Une «bonne dose» de valeurs
canadiennes est exactement ce qu'il faut à notre univers déchiré par les guerres
et les dissensions. Nos valeurs humaines représentent une richesse nationale.
Nous devrions en faire la promotion.
Les émissions que vous offrirez devront aussi être confectionnées
différemment, adaptées aux nouveaux modes de distribution et offertes de façon à
permettre aux consommateurs de les écouter et de les regarder quand et comme bon
leur semble.
Transférable, transportable et interexploitable : voilà l'essence même de la
convergence des technologies et de la diffusion de l'information. Depuis leur
chambre d'hôtel à l'étranger, les gens d'affaires voudront utiliser leur
téléphone cellulaire pour télécharger, sur leur ordinateur portatif, l'édition
matinale du bulletin d'actualités diffusé dans leur pays. Ils voudront aussi
obtenir sur CD les épisodes de leurs émissions préférées qu'ils n'ont pu
visionner. Les blocs traditionnels d'émissions utilisés depuis les années 1950
subiront une profonde transformation.
Que faire pour s'adapter à cette évolution? En ce qui vous concerne, la
meilleure solution consiste à miser sur les points forts de votre industrie.
Votre expérience est sans doute votre premier atout. Vous connaissez bien le
consommateur, vous connaissez ses préférences et vous êtes en mesure d'y
répondre.
Votre deuxième atout est l'esprit d'entreprise dont votre industrie sait faire
preuve. Nous avons été franchement impressionnés par le nombre de demandes et
d'alliances qui ont été élaborées dans le but de répondre aux intérêts plus
spécialisés du grand public canadien par le biais de nouveaux services canadiens
de télévision spécialisée ou payante. Les alliances stratégiques, dont vous avez
démontré la viabilité, contribueront à enrichir votre programmation.
Le contexte actuel est propice aux possibilités d'entreprenariat pour les
radiodiffuseurs qui croient à l'enrichissement du profil canadien.
Il existe déjà un certain nombre d'éléments qui vous confèrent des avantages.
Le système renferme une quantité importante de capitaux destinés à financer la
réalisation d'un plus grand nombre d'émissions canadiennes de qualité. Madame la
ministre Copps a récemment augmenté ces ressources en annonçant le Fonds de
production d'émissions de télévision et de câblodistribution canadiennes.
Par ailleurs, le Canada possède une industrie de production fort développée,
qui a toute la compétence voulue pour réaliser des produits d'envergure mondiale.
Il existe aussi, à l'heure actuelle, une masse critique de services canadiens de
programmation, qui constituent autant de débouchés différents pour les émissions
canadiennes.
En outre, le gouvernement et l'industrie en sont présentement à élaborer
conjointement la politique cadre qui régira la transition à la télévision
numérique au Canada. La mise en oeuvre devrait commencer dans la deuxième moitié
de 1998.
Pour tirer le meilleur parti possible des atouts dont vous disposez, il est
vital d'adopter une stratégie sectorielle coordonnée et concertée, fondée sur des
partenariats entre radiodiffuseurs, producteurs, créateurs et techniciens, réunis
au sein d'alliances stratégiques. Le secteur privé, l'organisme de réglementation
et le gouvernement ont tous un rôle et des responsabilités face à une telle
démarche. Mais il est essentiel que nous progressions tous dans la même
direction, en respectant un plan identique.
Cette stratégie orchestrée ne devrait pas exclure la radio. La situation
économique, nous le savons, est beaucoup plus difficile dans cette industrie.
Néanmoins, les progrès technologiques et la convergence, qui toucheront également
la radio, sont autant d'occasions de prendre le virage.
Selon votre Plan d'action de 1995 pour la radio, le déploiement de la radio
numérique constitue l'un des moyens clés pour remettre l'industrie sur la voie de
la rentabilité d'ici à 1998. Je vous encourage vivement à intensifier et à
accentuer vos efforts dans ce domaine.
Étant moi-même consommatrice, je suis vivement intéressée par votre vision des
stations de radio locales offrant sur demande, grâce à des signaux de données
numériques, les plus récentes conditions de la météo ou de la circulation, le
calendrier des événements communautaires, ou encore le titre du tout dernier
morceau de l'un de nos artistes ou créateurs canadiens.
Le Conseil vous a donné les moyens de conserver l'avance technologique du
Canada en radio numérique, tout en profitant des nouvelles possibilités
commerciales qu'offre cette technologie. Étant donné la popularité grandissante
d'Internet et l'avènement des services sonores payants, le public canadien
s'attendra sous peu à ce que la vision de votre association pour les stations de
radio numérique locales se matérialise.
Au Conseil, nous savons tous parfaitement que l'industrie de la radio a connu
des difficultés et qu'elle est en pleine transition. Il y a parfois cette
impression que l'industrie s'estime négligée. Je suis sensible à ces
préoccupations et j'effectuerai une évaluation de la situation pour déterminer
s'il y a lieu de réexaminer notre approche en matière de politique et de
réglementation dans cette industrie.
III. Les défis du CRTC
Le CRTC s'est penché sur la plupart des «pierres angulaires» que vous avez
définies comme essentielles pour mettre en oeuvre votre Régime d'encouragement de
la programmation canadienne. Ainsi, des règles ont déjà été adoptées pour
garantir à tous les radiodiffuseurs un accès équitable aux auditoires.
À l'heure actuelle, le Conseil étudie ce que devrait être l'apport financier
des distributeurs, ainsi que les règles visant à assurer une concurrence
équitable, dans le cadre de son instance sur la distribution des services de
radiodiffusion. Nous avons également annoncé que nous tiendrions sous peu une
instance publique sur la substitution améliorée.
La politique que le gouvernement a adoptée sur la convergence vise clairement
à continuer de favoriser le contenu canadien sous toutes ses formes.
La révolution actuelle des communications présente également des défis de
taille au CRTC. Le Conseil s'efforcera de mettre en oeuvre, dès 1998, toutes les
composantes d'un cadre de réglementation visant à assurer une concurrence
équitable, cohérente et généralisée parmi les services de communications. Cela
permettra l'avènement de la convergence dans un court laps de temps, et aussi
rapidement que les entreprises seront prêtes à emboîter le pas.
L'élaboration des politiques au CRTC devra tenir compte des ramifications de
la convergence. Cette réalité doit d'abord commencer chez soi. Pour faire en
sorte que la convergence devienne une réalité dans les processus et la prise de
décisions au Conseil même, nous en sommes à définir notre propre vision des
choses et examinons tous nos systèmes et nos méthodes dans le but de mettre en
place les mécanismes qui nous permettront le mieux d'aider les entreprises que
nous réglementons à réaliser les objectifs des politiques publiques, et ainsi de
nous acquitter de la mission que le Parlement nous a confiée.
Conclusion
Lorsque je prendrai la parole devant vous dans cinq ans, au terme de mon
mandat, les défis d'aujourd'hui seront devenus les réalités de 2001.
Voici les baromètres dont nous nous servirons alors ensemble pour mesurer
notre succès :
- la quantité de programmation canadienne dans les catégories dramatiques,
émissions pour enfants et autres émissions de divertissement, présentée aux
heures de grande écoute;
- l'indice d'écoute des émissions canadiennes dans les catégories
sous-représentées;
- la quantité d'émissions authentiquement canadiennes;
- le recours aux talents canadiens dans tous les aspects de la production :
rédacteurs, acteurs, interprètes, musiciens, producteurs et techniciens;
- les ventes d'émissions canadiennes à l'étranger;
- le nombre de compagnies de production exportant des produits de qualité
dans le monde entier;
- le nombre de stations radio utilisant la technologie numérique;
- le succès de l'adaptation à la convergence des multimédias;
- et le rendement de vos investissements à moyen et à long termes.
Si la plupart de ces baromètres sont à la hausse, nous aurons alors contribué
de façon significative à la mise en oeuvre d'une stratégie sectorielle de
radiodiffusion canadienne tout en réalisant les objectifs de la Loi sur la
radiodiffusion.
Ce que j'aimerais voir dans quelques années d'ici, ce sont des politiques
gouvernementales et un cadre de réglementation servant de guide à une industrie
de radiodiffusion capable de tirer le meilleur parti des avantages commerciaux
stratégiques que permet une stratégie sectorielle cohérente, une stratégie fondée
sur des partenariats entre radiodiffuseurs, producteurs, techniciens et
créateurs. De tels partenariats assureront la mise en valeur maximale du contenu
canadien et sauront adapter la distribution et l'assemblage des émissions à
l'univers multimédia. Cette stratégie aura un effet multiplicateur tel que ses
avantages économiques se propageront à l'ensemble des entreprises oeuvrant en
radiodiffusion.
Ceux d'entre vous qui me connaissent, savent que lorsque je crois en la
réussite d'une démarche, je m'y donne à fond et avec enthousiasme. Je crois en la
réussite de la démarche que je viens de vous présenter. En mettant en commun
notre motivation et notre énergie, j'ai la conviction que dans cinq ans, nous
pourrons dire: nous avons réussi, tous ensemble et pour notre pays, pour les
consommateurs, pour le peuple canadien.
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Renseignements : Affaires publiques du CRTC, Ottawa (Ontario) K1A 0N2
Tél. : (819) 997-0313, ATS : (819) 994-0423, Fax : (819) 994-0218
Mise à jour : 1996-10-28 |