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Discours
Notes pour une
allocution de David Colville Vice-président, Télécommunications Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes à Net 2000 Ottawa (Ontario) (PRIORITÉ À L'ALLOCUTION) Mesdames, Messieurs, bonjour. La convergence, dans le milieu des communications, a eu maintes interprétations. Elle a déjà été assimilée, par exemple, à lintégration de technologies auparavant distinctes, à la fusion dindustries auparavant autonomes, à la superposition des marchés des médias traditionnels et au regroupement de divers types de contenus (« multimédia »). Peu importe la définition retenue, la convergence est aujourdhui synonyme de transformations profondes dans la structure de lindustrie des communications, la nature des services proposés et les technologies employées pour fournir ces services. La concurrence et la convergence sont deux notions liées de façon inextricable. En dépit des forces irrésistibles de linnovation et du changement technologique à lorigine de la capacité technique de la convergence, la concurrence a joué un rôle central dans la recherche de la convergence. De façon plus précise, elle a obligé les entreprises médiatiques à explorer de nouveaux territoires afin dessayer de recouvrer les pertes de revenus dans leurs secteurs traditionnels et de chercher des façons de se distinguer de leurs concurrents. Le CRTC ne revendique pas le crédit de la convergence, mis à part le rôle important quil a joué depuis au moins deux décennies pour encourager la concurrence et mettre en place les réformes réglementaires et administratives nécessaires pour faciliter la convergence. Conjuguées aux progrès des technologies de distribution, ces initiatives ont donné lieu à un environnement dans lequel les compagnies de téléphone et les radiodiffuseurs optent de plus en plus pour loffre de services issus de la convergence. Au cours des cinq dernières années, la priorité en matière de convergence est passée du rapprochement des industries de la câblodistribution et de la téléphonie à la vision dInternet à titre de réseau unique pour la distribution de tous les services de télécommunications de lavenir. Il importe de tenir compte de la position du CRTC sur le cadre de réglementation des nouveaux médias et dInternet. En 1999, le CRTC a été un des premiers organismes de réglementation du monde à préciser sa position sur les nouveaux médias. Il a ouvert une instance publique1, au milieu de 1998, en vertu de la Loi sur la radiodiffusion et de la Loi sur les télécommunications, afin de demander des observations sur lexpansion rapide et loffre dune gamme croissante de services de communications regroupés sous lappellation commune de « nouveaux médias ». Cette instance sexpliquait, entre autres, par le fait que le CRTC craignait que lincertitude en matière de réglementation soit un obstacle important au développement de services de nouveaux médias canadiens. Linstance publique sest déroulée en trois étapes, sur une période de onze mois. Il convient de signaler que de simples citoyens, des sociétés de multimédia associées à la production et à la distribution de produits et de services, ainsi que les industries traditionnellement réglementées et leurs associations, ont répondu à lappel dobservations en déposant plus dun millier de mémoires. Dans lAvis public 1998-82, le Conseil posait quatre questions fondamentales aux participants :2
Le Conseil a rendu sa décision en mai 1999.3 Tout au long de linstance, il a entendu des particuliers, des groupes et des industries qui navaient jamais comparu ou participé à ses instances. Le Conseil a constaté que lindustrie des nouveaux médias était prospère et dynamique au Canada, y compris les secteurs des multimédias traditionnels et dInternet. Il est devenu évident que ces secteurs étaient bien implantés partout au Canada, en partiuclier au Québec, en Ontario, dans lOuest et dans lEst. De même, le Conseil était davis quil ne semblait pas y avoir pénurie de contenu canadien sur Internet. Il sest aperçu, en fait, que les forces du marché assurent sur Internet une présence canadienne qui stimule une forte demande de produits et de services canadiens, et ce, autant sur la scène nationale que dans un marché dexportation en expansion. Compte tenu de la forte demande du marché, le Conseil a jugé que les faiblesses de lindustrie, de façon générale, étaient équilibrées par le financement des gouvernements fédéral et provinciaux et par des fonds versés par lindustrie privée, afin de promouvoir la création de documents, ainsi que la recherche et le développement. Ces constatations de base étayaient la décision finale du Conseil selon laquelle il ne serait ni dintérêt public ni conforme aux objectifs de la politique de radiodiffusion de réglementer les nouveaux médias. Le Conseil a conclu également que la majorité des nouveaux médias (documents alphanumériques ou à prédominance alphanumérique) échappaient au champ dapplication de la Loi sur la radiodiffusion, en raison dune exclusion légale explicite dans la définition de « radiodiffusion »4. Le Conseil sest également penché sur dautres services qui, à son avis, ne relèvent pas de la Loi sur la radiodiffusion. Il a décrit ces services, de façon générale, comme étant ceux qui offrent un très grand potentiel de personnalisation, soit des services qui offrent aux utilisateurs finals la possibilité den retirer une expérience individuelle, cest-à-dire personnelle, en créant leur propre contenu. Le Conseil a jugé quun contenu « personnalisable » dans une large mesure ne serait pas « une transmission destinée à être reçue par le public » et, par conséquent, quil nest pas de la radiodiffusion.5 Le Conseil a conclu, toutefois, que certains services de nouveaux médias relèvent de la Loi sur la radiodiffusion, en particulier les services audio numériques et les signaux sonores ou visuels (par exemple, la transmission en continu de signaux sonores et visuels). En ce qui concerne les entreprises qui proposent des services de nouveaux médias relevant de la définition de la radiodiffusion, le Conseil a conclu quil nest pas nécessaire de les réglementer pour atteindre les objectifs de la Loi. Il a fait part de son intention de publier une ordonnance exemptant ces entreprises de la réglementation aux termes de la Loi sur la radiodiffusion.6 Linstance sur les nouveaux médias, de même que les conclusions et les décisions, sont importantes et instructives, compte tenu de la réaction, du moins au premier stade, à la fusion entre AOL et Time Warner. Bon nombre de préoccupations semblables quant à la disponibilité future et à la visibilité du contenu canadien ont été exprimées lors de laudience sur les nouveaux médias. De façon plus précise, certains ont exprimé la crainte que quelques grands fournisseurs intégrés de contenu américain, comme AOL, Yahoo! et MSN, puissent établir leur domination sur Internet et agir à titre de garde-barrières vers les sites Web les plus achalandés. Certes, le contenu canadien peut être florissant, à lheure actuelle, sur Internet, sous forme principalement dinformations textuelles. Toutefois, beaucoup craignent que la diffusion future de contenu à large bande, sur Internet, rende plus difficile lessor continu du contenu canadien. Le Conseil a manifestement tenu compte, lors de la publication de son Rapport sur les nouveaux médias, de la disponibilité de technologies de diffusion en continu et, par conséquent, de la possibilité future de distribuer du contenu à large bande sur Internet. La disponibilité de ces technologies, de même que les activités principales de lunion commerciale envisagée, ont suscité le plus grand nombre dobservations sur cette fusion. De fait, le Conseil a noté ce qui suit :
Une étude récente faite par Forrester Research a permis de constater quau lieu de devenir un substitut des médias traditionnels, lInternet permet aux consommateurs daccroître lutilisation des médias traditionnels : [Traduction] « Avec laccès à Internet, le temps consacré chaque semaine aux médias traditionnels ne diminue que très légèrement, mais le temps consacré à des services en ligne augmente fortement. »8 Lauteur de létude a constaté que les consommateurs de médias sont maintenant plus portés à adopter des comportements multitâches, cest-à-dire à utiliser plusieurs médias en même temps (la télévision ou la radio peut jouer en arrière-plan, pendant la navigation sur Internet). Cela ne signifie pas que lutilisation des technologies de diffusion à large bande sur Internet névoluera pas ou que lon nétablira pas de plans daffaires afin den tirer profit dans le marché de consommation et den faire des substituts de la radiodiffusion traditionnelle. Toutefois, dans un avenir prévisible, comme la qualité des signaux sonores diffusés sur Internet se compare parfois à la radio AM, ceux-ci ne semblent pas encore être un substitut, parce que lon écoute la radio surtout dans la voiture. De même, bien que lon puisse offrir des services vidéo sur Internet, leur qualité ne se compare pas à celle de la télévision traditionnelle, et ce, malgré les liaisons à grande vitesse. De plus, au plan technique, la grande disponibilité dune largeur de bande suffisante pour offrir ces services en même temps à des auditoires de masse exigera dautres travaux de développement. Dailleurs, bien que certains estiment que la banalisation du contenu à large bande sur Internet soit imminente, dautres, comme Gerry McGovern, auteur de The Caring Economy, estiment que [Traduction] « la diffusion à large bande a fait lobjet dune grande surenchère et devra franchir des obstacles de taille avant de devenir réalité pour lutilisateur ordinaire. »9 M. McGovern explique notamment [Traduction] « que linfrastructure dInternet na pas été conçue pour accueillir des millions de personnes disposant dun accès à large bande et que le modèle daccès à Internet et de bande passante illimitée à prix fixe nest pas pratique, dans un environnement de services à large bande ».10 Il a souligné aussi que les entreprises qui sintéressent au déploiement de câbles à fibres optiques éprouvent de grandes difficultés à répondre à la demande de bande passante. Abstraction faite des problèmes techniques, il ne faut pas se cacher que certaines consolidations récentes laissent entrevoir la stratégie des grands portails Internet : acquérir des contenus exclusifs destinés à diriger les internautes vers leur propre passerelle. Cest manifestement le principal motif de la fusion entre AOL et Time Warner, ainsi que la raison principale de lachat de CTV par BCE. Toutefois, la question de savoir si cela finira par mettre en péril la présence canadienne sur Internet est moins évidente. Bien que lon tende encore à appliquer les anciens modèles dexploitation et dutilisation des médias traditionnels aux nouveaux médias, il reste encore beaucoup à découvrir et à apprendre sur lévolution dInternet et sur son utilisation réelle par les gens. À lheure actuelle, la radiodiffusion traditionnelle semble encore avoir des qualités intangibles qui attirent des clientèles différentes, parce que ces médias offrent des expériences tout à fait différentes. Dune part les nouveaux médias offrent linteractivité, dautre part les médias traditionnels restent encore passifs. De même, la plupart des nouveaux médias nont aucun horaire précis, mais les médias traditionnels fonctionnent selon des grilles horaires. Il nest pas certain, non plus, que les grands portails Internet puissent devenir les grands réseaux de télévision de demain. Il est intéressant de noter que le phénomène des auditoires de masse, qui explique le succès des réseaux de télévision,11 sest manifesté dans un environnement caractérisé par des choix restreints et une programmation fixe. Rien nindique, à lheure actuelle, que les portails Internet pourront attirer des auditoires aussi vastes, et ce, de façon constante. Certes, les portails populaires obtiennent actuellement la part du lion de la publicité sur Internet. Forrester Research signale quen 1999, AOL, Yahoo! et MSN se sont partagés 45 p. 100 de lensemble des revenus publicitaires sur Internet, et que lautre tranche de 55 p. 100 sest répartie de façon plus égale entre dautres grands portails populaires, des portails sectoriels et le reste du Web.12 Les analystes sattendent toutefois que les sites spécialisés accroîtront leur part des budgets de publicité, à lavenir, en raison des coûts élevés de la publicité sur les grands portails et de la facilité de toucher des publics cibles par des sites plus spécialisés. Des participants à linstance sur les nouveaux médias ont précisé que certaines différences fondamentales dans lenvironnement des nouveaux médias pourront vraisemblablement offrir aux Canadiens des avantages que noffre pas la radiodiffusion traditionnelle. Pour les fins du présent débat, il importe de se rappeler que même si les grands portails peuvent attirer de vastes auditoires vers leur contenu, ils ne peuvent empêcher les producteurs de contenu davoir accès au système de distribution, de la même façon que les distributeurs de films et les radiodiffuseurs ont pu le faire avec les médias traditionnels. Comme nous le mentionnions dans le Rapport sur les nouveaux médias : « Lavantage dInternet, cest que nimporte qui peut placer son produit ou son émission sur un serveur et obtenir laccès immédiat à un auditoire mondial. »13 Les parties à linstance ont également confirmé que les artistes canadiens créent déjà des marchés de créneaux sur Internet. À lheure actuelle, on constate aussi une forte demande de contenu local et régional sur Internet. Cette tendance se poursuivra vraisemblablement et constituera un créneau important dans lavenir, formant ainsi le noyau de ce qui attirera les internautes canadiens vers des portails et des sites Web canadiens. Dans sa publication récente intitulée « eTV : Lintégration de la culture et du commerce », lAssociation canadienne de télévision par câble (ACTC) faisait état de la production de contenus canadiens, et de contenus locaux en particulier, à titre de facteur clé de la réussite future du Canada dans le nouveau milieu des communications :
En ce qui concerne la production de contenu, certains prédisent que les coûts de production du contenu destiné à Internet seront beaucoup moins élevés que dans les médias traditionnels, en raison de lanimation par ordinateur et dautres innovations technologiques. Il faut tenir compte dun autre point, cependant. La controverse publique qui a suivi lannonce du projet de fusion entre AOL et Time Warner semble aussi reposer sur la notion que le milieu des communications est statique, sauf sil se rattache à Internet. Les radiodiffuseurs traditionnels du Canada se sont vite adaptés aux réalités et aux promesses dInternet et ils portent leur attention vers la production de contenus canadiens originaux.15 Toutefois, ce ne serait pas leur seule stratégie dans un marché national et international fortement concurrentiel. La radiodiffusion évolue afin de relever de nouveaux défis et elle nest quà un stade particulier de son évolution. La radio numérique, la télévision numérique, la télévision à haute définition et la distribution numérique sont tous des secteurs dinnovation qui permettront de transformer la radiodiffusion traditionnelle de telle façon quelle offrira bon nombre de caractéristiques semblables à celles dInternet.16 Conclusion La convergence dans loffre de services signifie quun grand nombre dinitiatives de politique publique du Conseil, en vertu soit de la Loi sur les télécommunications, soit de la Loi sur la radiodiffusion, ont des répercussions toujours plus grandes sur les acteurs de lindustrie, peu importe que leurs entreprises viennent de la téléphonie ou de la radiodiffusion. Nous continuons de mettre en uvre ces nouveaux cadres de politique que de nouveaux enjeux nous obligent parfois à réévaluer et à modifier. Les défis sont toujours nouveaux, mais le Conseil semploie sans relâche, conformément à son mandat législatif, à soutenir divers modes de concurrence, la convergence et lavènement de nouvelles technologies de distribution. Comme en témoigne lattitude du Conseil dans le Rapport sur les nouveaux médias, il ne réagira pas obligatoirement à larrivée de nouveaux services en leur trouvant simplement une case dans une des catégories de réglementation actuelles. Le Conseil continuera déviter la réglementation fondée sur lhypothèse de problèmes éventuels. Il sen remettra plutôt aux forces du marché. Dans ce contexte, le Conseil a toujours fait preuve de vigilance pour empêcher les comportements anticoncurrentiels, ainsi que la création ou le maintien de goulots détranglement issus dun comportement inapproprié fondé sur la domination du marché. Certains éléments prêtent à controverse et le Conseil réévalue, selon les besoins, diverses mesures qui lui permettent de veiller au maintien de conditions propices à une concurrence juste et durable. Merci. - 30 - Source : Denis Carmel, Ottawa (Ontario) K1A 0N2Tél. : (819) 997-9403, ATME : (819) 994-0423, fax : (819) 997-4245 Courriel : denis.carmel@crtc.gc.ca No sans frais 1-877-249-CRTC (2782) Ce document est disponible, sur demande, en média substitut. [English] 1 Appel dobservations Nouveaux médias, Avis public radiodiffusion CRTC 1998-82 (31 juillet 1998). 2 Ibid, para. 6. 3 Avis public radiodiffusion CRTC 1999-84/Avis public télécom CRTC 99-14 Nouveaux médias (17 mai 1999). 4 Loi sur la radiodiffusion, art. 2. 5 Ibid, art. 2. 6 Appel dobservations concernant un projet dordonnance dexemption pour les entreprises de radiodiffusion de nouveaux médias Avis public CRTC 1999-118 (19 juillet 1999). 7 Rapport sur les nouveaux médias, para. 96. 8 Kenneth Clemmer. « Media Cannibalization: Myth and Reality », The Forrester Brief, 28 décembre 1998, www.forrester.com. 9 Gerry McGovern. New Thinking Newsletter, 7 mai 2000, volume 5, numéro 19. 10 Ibid. 11 Ce phénomène se manifeste encore dans une large mesure, bien que les réseaux aient vu leurs auditoires se fragmenter après lavènement de la câblodistribution et des canaux spécialisés, depuis les deux dernières décennies. 12 « The Parting of the Portal Seas », The Forrester Report, décembre 1999. 13 Rapport sur les nouveaux médias, para. 85. 14 ACTC. « eTV : Lintégration de la culture et du commerce », avril 2000. 15 Le 5 mai 2000, dans une allocution devant les membres du Cercle national des journalistes du Canada, Michael McCabe, président et directeur général de lAssociation canadienne des radiodiffuseurs (ACR), a prédit que les télédiffuseurs privés pourraient investir plus de 30 millions de dollars en nouveaux fonds pour financer des projets soutenus par le Fonds canadien de télévision (FCT). M. McCabe a fait cette annonce au moment où il préconisait la création dune nouvelle stratégie visant à accroître la production démissions canadiennes. Traitant du nouveau document de planification stratégique de lACR, intitulé Conceptfutur, M. McCabe a ajouté que « nous avons démontré que la programmation canadienne constitue notre avantage concurrentiel et notre porte dentrée sur le monde. Il nous faut donc une stratégie à légard du contenu qui nous permette daméliorer notre compétitivité au moment où nous entrons dans lère numérique. » 16 Le changement a toujours été une constante dans les domaines de la radiodiffusion et des médias, en général. Lédition, la presse, la radio, la télévision et le cinéma se livrent concurrence pour attirer les mêmes consommateurs, mais ils ont tous réussi à se distinguer et à coexister. |
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