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Réponse au Plan d’action du gouvernement relativement à la réforme de la Loi sur l’accès à l’information (Incluant les éléments de réforme présentés dans le cadre du projet de Loi sur l’imputabilité fédérale et dans le document de travail du 11 avril 2006 intitulé « Renforcer la Loi sur l’accès à l’information ») Rapport spécial au Parlement Table des matières PARTIE I : Loi Fédérale sur l’imputabilité
Le 11 avril 2006, le gouvernement conservateur a rendu public ses propositions législatives et son plan d'action visant à faire du gouvernement une institution plus responsable et transparente. Les propositions et le plan d'action comprennent un certain nombre de projets de modification de la Loi sur l'accès à l'information (qui sont mentionnés dans la Loi fédérale sur l'imputabilité) et un document de travail (« Renforcer la Loi sur l'accès à l'information : Discussion d'idées inhérentes à la réforme de la Loi sur l'accès à l'information ») L'approche du gouvernement à l’égard des éléments touchant l'accès à l'information de ses réformes en matière d'imputabilité a étonné et déçu de nombreuses personnes, y compris le Commissaire à l'information. Bon nombre des réformes clés que le gouvernement avait promis d'adopter ne se trouvent pas dans la Loi fédérale sur l'imputabilité. Ce dernier propose plutôt de renvoyer ces questions à un comité chargé de les étudier et d'en discuter. Ce processus soulève des questions quant à l'engagement du gouvernement envers la réforme des dispositions législatives concernant l'accès à l'information. Le contenu du document de travail présenté par le gouvernement afin d’aider à la discussion et à l’étude de la réforme de l’accès soulève de sérieuses questions. Tous les points de vue énoncés par le gouvernement dans le document de travail sont contraires à ceux qui avaient été adoptés par le Parti conservateur et entérinés par son chef pendant la campagne électorale. De même, les modifications apportées à la Loi sur l'accès à l'information au moyen de la Loi fédérale sur l'imputabilité sont préoccupantes. Les dispositions prévoient l’ajout d’institutions assujetties à la Loi, mais elles contribuent peu à l’accroissement de l'accès du public à l'information détenue par ces entités. Les commissaires à l'information se sont rendus à l'évidence que les gouvernements trouveront difficile de procéder à une véritable réforme visant l'accès à l'information. La déception ressentie actuellement est d'autant plus grande que les promesses d'une réforme avaient été formulées dans le plus grand détail et avec beaucoup de conviction. Le commissaire actuel ne pensait pas rédiger un tel rapport et n'en retire aucun plaisir. La décision de déposer le présent Rapport spécial au Parlement — un moyen d'action qui est réservé par la loi aux situations « urgentes » ou « importantes » — résulte d'un certain nombre de facteurs. Premièrement, le gouvernement a annoncé son intention de traiter en priorité et rapidement la Loi fédérale sur l'imputabilité afin de la promulguer avant le congé estival. Vu les circonstances, on ne peut attendre la publication du Rapport annuel 2005-2006, qui est généralement déposé juste avant le congé estival, pour faire connaître les préoccupations du Commissaire concernant le contenu de cette Loi. Deuxièmement, dans sa déclaration relative à la prolongation du mandat du Commissaire à l'information pour une période de six mois (du 1er avril au 30 septembre 2006), le premier ministre a exprimé le souhait de profiter de l'opinion de ce dernier à propos des projets de réforme de la Loi sur l'accès à l'information proposés par le gouvernement. Enfin, et c'est là le facteur le plus important, le contenu de la Loi fédérale sur l'imputabilité et du document de travail gouvernemental sur la réforme relative à l'accès à l'information suscitent d’importantes préoccupations. Si elle est acceptée, la proposition actuelle du gouvernement aura pour effet de réduire la quantité d'information accessible au public, d'affaiblir le rôle de surveillance du Commissaire à l'information et d'accroître la capacité du gouvernement de camoufler des agissements répréhensibles, de se protéger des situations embarrassantes et de contrôler la circulation de l’information destinée aux Canadiens. Depuis l'entrée en vigueur de la Loi sur l'accès à l'information en 1983, aucune administration n'avait proposé un ensemble de modifications de la Loi aussi rétrogrades et dangereuses. Plus récemment, en 2002, le gouvernement libéral de Jean Chrétien avait mis sur pied un groupe d'étude constitué de personnes bien placées au gouvernement et chargé de formuler des recommandations pour « réformer » la Loi sur l'accès à l'information. Les propositions qui en ont résulté étaient si favorables à la confidentialité qu'elles ont incité le Commissaire à l'information à déposer un Rapport spécial au Parlement en septembre 2002, dans lequel il émettait l'avertissement suivant : « Encore une fois, nous sommes appelés à constater, avec ce rapport du Groupe d'étude, que les bureaucrates aiment le secret — ce n'est pas nouveau; ils se donneront un mal fou pour empêcher le public et même des collègues d'avoir accès à des secrets. Les bureaucrates ne se rendent pas compte encore des progrès profonds accomplis par notre démocratie depuis l'adoption, en 1983, de la Loi sur l'accès à l'information. Ils continuent d'être irrités par le transfert intentionnel de pouvoirs des fonctionnaires vers les citoyens, prescrit pourtant par le Parlement. Les bureaucrates rêvent d'une « réforme » où ils regagneraient le pouvoir perdu en matière de renseignements. » (p. 10) Avec ses propositions, le gouvernement actuel aspire autant au « rêve bureaucratique » que le gouvernement Chrétien. Tout comme le Rapport spécial de 2002, le présent rapport sonne l'alarme : le gouvernement prévoit une réforme qui mènera non pas à l’augmentation, mais bien à la réduction de l'imputabilité du gouvernement grâce la transparence. Rien ne témoigne mieux du pouvoir des forces du secret au gouvernement que le changement radical apporté en seulement quelques semaines aux promesses électorales du premier ministre concernant la réforme de la Loi sur l'accès à l'information. Quand il était chef de l'opposition, Stephen Harper a ridiculisé la décision du gouvernement Martin de publier un document de travail plutôt que de présenter un projet de loi visant la réforme de la Loi sur l'accès à l'information. Avant les élections, Stephen Harper avait également raillé le contenu du document de travail présenté par le gouvernement Martin, soutenant ce qui suit : « il propose de rendre le gouvernement encore plus opaque qu'il ne l'est actuellement en suggérant une nouvelle ordonnance imposant le secret pendant 20 ans pour les ébauches de rapports de vérification interne et les documents de travail et en tentant d'éviter la publication des rapports d'experts-conseils à l'intention des organismes gouvernementaux pour une période de 20 ans. » (Parti conservateur, communiqué de presse, le 2 juin 2005) Le nouveau gouvernement a pris les mesures mêmes qu’il avait ridiculisées chez son prédécesseur. Il a présenté un document de travail plutôt qu'un projet de loi visant une réforme approfondie, et, dans le projet de Loi fédérale sur l'imputabilité, rend confidentielles les ébauches de rapports de vérification interne et les documents de travail pour une période de 15 ans (nul besoin de prouver le caractère potentiellement préjudiciable de la divulgation de tels documents!). En outre, le gouvernement propose de maintenir à jamais secrets tous les documents liés aux enquêtes sur les agissements répréhensibles du gouvernement. L’administration précédente avait réussi à faire passer une disposition concernant la confidentialité de ces documents (malgré les objections du Commissaire à l'information, des syndicats de la fonction publique et de dénonciateurs), mais il avait limité cette mesure à une période de cinq ans. Quelques mots maintenant sur la décision du gouvernement de soumettre les propositions de réforme de l’accès au Commissaire à l'information (la Loi sur la transparence du gouvernement) pour étude et discussions supplémentaires avant leur présentation au Parlement. Il est maintenant temps d'agir, non pas de parler! Voilà le message que le Commissaire a communiqué au Comité permanent de l'accès à l'information, de la protection des renseignements personnels et de l'éthique le 25 octobre 2005. Il maintient sa position. La Commission Gomery constitue la plus récente d'une longue liste d'enquêtes exhaustives, approfondies, ouvertes et professionnelles qui ont été menées. Le deuxième rapport du juge Gomery — Rétablir l'imputabilité (1er février 2006) — s'appuie sur une consultation nationale intensive concernant, entre autres, la réforme sur l'accès à l'information, y compris sur les commentaires reçus du grand public par l'entremise d'un site Web, des consultations menées auprès d'experts au cours de cinq tables rondes animées qui se sont tenues à divers endroits du Canada, des mémoires écrits par des experts, des universitaires et des parties intéressées, de même que sur une recherche spécialement commandée pour cette enquête. Se fondant sur cette vaste consultation menée auprès de tous les intervenants pertinents, le juge Gomery a formulé des recommandations relativement à la réforme sur l'accès à l'information, notamment pour ce qui est des éléments de réforme contenus dans la Loi sur la transparence du gouvernement, qui ont été préparés par le Commissaire (à la demande du Comité permanent de l'accès à l'information, de la protection des renseignements personnels et de l'éthique) et rendus publics en septembre 2005. Les points de vue et les recommandations du juge Gomery sont présentés à l'annexe A. Ils confirment l’importance de procéder à une réforme sur l'accès à l'information et constituent une approbation des éléments de réforme proposés dans la Loi sur la transparence du gouvernement. En conclusion, l'étendue des connaissances actuelles suffisent pour faire des choix stratégiques appropriés en matière de réforme sur l'accès à l'information; on a offert toutes les possibilités de débattre cette question, de la critiquer et de fournir des arguments. Il n'y a aucune raison — sauf une perte de volonté politique — d'éviter d’effectuer les modifications proposées dans la Loi sur la transparence du gouvernement et appuyées par le juge Gomery qui figurent dans le programme électoral du Parti conservateur et dans le septième rapport du Comité permanent de l’accès à l’information, de la protection de renseignements personnels et de l’éthique présenté à la Chambre des communes le 21 novembre 2005. La partie I du présent rapport examinera les dispositions de la Loi fédérale sur l'imputabilité qui touchent la Loi sur l'accès à l'information. La partie II présentera des remarques préliminaires à propos du document de travail sur la réforme relative à l'accès à l'information présenté par le gouvernement le 11 avril 2006.
PARTIE I : LOI FÉDÉRALE SUR L’IMPUTABILITÉ Le projet de Loi fédérale sur l’imputabilité prévoit l’ajout de 19 entités à l’Annexe I de la Loi sur l'accès à l'information :
Le projet de Loi fédérale sur l’imputabilité modifie la Loi sur l’accès à l’information en ajoutant 10 nouvelles exceptions autorisant des raisons supplémentaires d’imposer la confidentialité (en plus de celles que les institutions peuvent invoquer et qui sont déjà assujetties à la Loi sur l'accès à l'information) :
Cette exception n’autorise pas ces institutions à refuser de divulguer leurs informations administratives générales ni la Société canadienne des postes à refuser de divulguer de l’information touchant toute activité entièrement financée au moyen des crédits affectés par le Parlement (art. 149). [Voir la Note à la page 18.) Note : La confidentialité est obligatoire en vertu de l’alinéa b), même si le paragraphe 20(4) de la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles prévoit l’autorisation de la divulgation d’informations recueillies par un conciliateur avec le consentement de la personne qui a fourni l’information (art. 222). Si aucun rapport final de vérification n’est produit dans les deux ans suivant le début d’une vérification interne, l’ébauche la plus récente doit devenir accessible (art. 152). Le projet de Loi fédérale sur l’imputabilité ajoute deux exclusions à la Loi sur l’accès à l’information :
Note : Le projet de Loi fédérale sur l’imputabilité comprend une disposition qui clarifie le sens de l’énoncé « renseignements se rapportant à l’administration de l’institution fédérale » comme suit : « Il est entendu que, pour l’application de la présente Loi, les renseignements se rapportant à l’administration de l’institution fédérale comprennent ceux qui ont trait à ses dépenses en matière de déplacements, d’hébergement et d’accueil. » (art. 144). Remarques concernant les nouvelles exceptions et exclusions proposées Il est regrettable que le nouveau gouvernement n'ait pas consulté le Commissaire à l'information à propos de la pertinence ou du libellé des 12 nouvelles exceptions et exclusions relatives au droit d'accès à l'information, qui sont intégrées à la Loi fédérale sur l’imputabilité. (Le Commissaire a offert de jouer un rôle constructif pendant le processus d'ébauche, mais son offre a été déclinée.) Nous ne savons donc pas clairement comment le gouvernement a réagi aux nombreuses demandes qu'il a reçues concernant la capacité légale de garder des secrets. Le processus utilisé favorisant la confidentialité au détriment de la transparence. Les nouvelles exceptions et exclusions proposées contreviennent au principe selon lequel les exceptions au droit d'accès doivent : 1) être discrétionnaires; 2) faire l'objet d'une démonstration selon laquelle la divulgation entraînerait probablement des dommages ou un préjudice; 3) l'emporter sur l'intérêt public. De même, la proposition d'ajouter deux nouvelles exclusions vise à enfreindre le principe selon lequel les exceptions au droit d'accès doivent faire l'objet d'un examen indépendant. Le gouvernement du Canada est d'avis que le Commissaire à l'information ne peut pas examiner l'information que le gouvernement affirme être visée par une exclusion. D'où viennent ces principes? D'abord, ils ont été énoncés par le Commissaire à l'information pour orienter l'établissement du contenu de la Loi sur la transparence du gouvernement. Ensuite, ces principes ont été formulés et approuvés par le juge Gomery dans son deuxième rapport Rétablir l’imputabilité. Qui plus est, ils font partie du programme électoral du parti conservateur. Enfin, ils témoignent de la volonté du Parlement, énoncée dans la section de la Loi sur l’accès à l’information portant sur l'objet de la Loi : « (…) élargir l’accès aux documents de l’administration fédérale, les exceptions indispensables à ce droit étant précises et limitées et les décisions quant à la communication étant susceptibles de recours indépendants du pouvoir exécutif. » Des dix nouvelles exceptions que l'on propose d'ajouter à la Loi sur l’accès à l’information (la Loi actuelle en prévoit seulement 13!), huit sont obligatoires et n’exigent pas de prouver que la divulgation d'information serait préjudiciable, ne sont pas limitées dans le temps et ne comprennent aucune disposition relative à la prépondérance de l'intérêt ou au consentement. La Loi actuelle comprend une seule exception de la sorte, qui entraîne régulièrement des abus. Deux des exceptions proposées sont discrétionnaires, mais ne comprennent aucun critère subjectif, et l'un d’eux est limité à une période de 15 ans. Information résultant d'une enquête Bon nombre des exceptions objectives obligatoires n'ayant aucune limite de temps se rapportent à des institutions dont les fonctions comprennent la tenue d'enquêtes ou de vérifications (Commissaire au lobbying, Vérificatrice générale, Directeur général des élections, Commissaire aux langues officielles, Commissaire à la protection de la vie privée, Commissaire à l'information, Commissaire à l'intégrité du secteur public). Il n'existe aucune raison valable et honnête sur le plan intellectuel d’affirmer que ces institutions ont davantage besoin de confidentialité pour effectuer leur travail que les nombreuses autres institutions dont les fonctions comprennent la tenue d'enquêtes et de vérifications et l'application de la loi, et qui sont assujetties à la Loi sur l'accès à l'information depuis qu’elle a été promulguée. Par exemple, la GRC, le SCRS, la Police militaire et cinq autres instances policières et d'enquête exercent leurs fonctions conformément à la Loi sur l'accès à l'information sans pour autant agir sous le sceau du secret dans l'ensemble des dossiers d'enquête. Ces instances bénéficient d'une exception objective discrétionnaire (pas de critères subjectifs) pour une période de 15 ans pour mener leurs dossiers d'enquête. Par la suite, ces instances de police, de renseignements ou d'enquête sont protégées en vertu de l'alinéa 16(1)c) de la Loi sur l’accès à l’information, exception subjective discrétionnaire qui se lit comme suit : « Le responsable d’une institution fédérale peut refuser la communication de documents : c) contenant des renseignements dont la divulgation risquerait vraisemblablement de nuire aux activités destinées à faire respecter les lois fédérales ou provinciales ou au déroulement d’enquêtes licites (…) » L'allégation selon laquelle des institutions nouvellement ajoutées ont davantage besoin d’agir sous le sceau du secret pour exercer leurs fonctions d'enquête et de vérification que nos instances de police, de sécurité et de renseignements n'est pas valable. En fait, la Cour suprême du Canada a examiné et rejeté cet argument quand le Commissaire aux langues officielles l’a présenté dans une affaire touchant la Loi sur la protection des renseignements personnels. Au nom du tribunal, le juge Gonthier a écrit la déclaration suivante concernant la peur généralisée du Commissaire aux langues officielles concernant la divulgation de dossiers d'enquête. « L'appelant (Commissaire aux langues officielles) n'invoque aucun autre fait précis pour établir le risque vraisemblable de préjudice. L'absence de preuve circonstanciée rend l'analyse presque théorique. Au lieu de démontrer les conséquences néfastes de la divulgation des notes d'entrevue de Mme Dubé sur les enquêtes futures, M. Langelier a tenté de faire une preuve générale que l'absence de confidentialité des enquêtes risquerait de compromettre leur bonne marche, sans établir des circonstances particulières permettant de conclure raisonnablement à la vraisemblance du préjudice … Dans le cas qui nous concerne, l'appelant n'a pas réussi à démontrer qu'il est raisonnable de maintenir la confidentialité. » (Lavigne v. Canada (Commissariat aux langues officielles)), 2002 SCC 53 au paragraphe 61.) Même si la Cour suprême du Canada n'a pas jugé « raisonnable » l’allégation générale relative à la confidentialité de l'information d'enquête, il semble que le gouvernement juge ce besoin raisonnable dans le cas de la Vérificatrice générale, de la Commissaire aux langues officielles, du Directeur général des élections, de la Commissaire à la protection de la vie privée, du Commissaire à l'information, du Commissaire à l'intégrité du secteur public et du Commissaire au lobbying, de même que dans le cas de tous les fonctionnaires qui procèdent à des enquêtes sur des actes répréhensibles ou qui procèdent à des vérifications internes. En outre, le gouvernement a renversé, dans la Loi fédérale sur l'imputabilité, la décision de la Cour suprême dans l'affaire Lavigne, et a retiré d'importants droits en matière de protection de la vie privée en intégrant dans la Loi sur la protection des renseignements personnels les exceptions en matière de confidentialité qu'il proposait d'inclure dans la Loi sur l'accès à l'information. Information sur les sociétés d'État Somme toute, le projet de Loi fédérale sur l'imputabilité confère un droit d'accès à l'information concernant l'administration générale des sociétés d'État qui y sont ajoutées; elle interdit l'accès à l'information sur les activités autorisées de ces institutions. En d'autres termes, on confère principalement le droit d'accéder à l'information qui figure déjà, ou qui devrait figurer dans les sites Web et dans les rapports publics de l’organisme. Toute information commerciale, financière ou organisationnelle délicate et toute information sur les clients détenue par une société d'État peut être protégée en vertu des exceptions proposé dans la Loi sur la transparence du gouvernement — la différence est que le gouvernement ne semble pas vouloir que ces sociétés d'État aient à assumer le fardeau de prouver que l'information qu'elles veulent garder secrète est vraiment délicate et doit vraiment être maintenue confidentielle. La vaste zone de confidentialité que fournit la Loi fédérale sur l'imputabilité aux sociétés d'État qui ont été ajoutées n'est pas nécessaire pour protéger ce qui doit vraiment l'être, et elle peut inciter à la corruption, à la mauvaise gestion et à l'interférence politique, et même perpétuer de tels agissements. Cette vaste zone de confidentialité visant les sociétés d'État et les hauts fonctionnaires du Parlement de même que les personnes qui procèdent à des vérifications ou à des enquêtes internes relativement à des allégations d'actes répréhensibles ne concourt pas à la réalisation des objectifs liés à l’instauration d’une meilleure imputabilité; elle ne sert pas l'intérêt public. Autres modifications proposées de la Loi sur l’accès à l’information Le Commissaire à l'information appuie un certain nombre de projets de modifications de la Loi sur l’accès à l’information :
Remarques concernant les éléments de la Loi fédérale sur l'imputabilité qui ont été omis Nous avons expliqué jusqu'ici les préoccupations du Commissaire à l'information concernant les modifications de la Loi sur l’accès à l’information que le gouvernement a choisi d'intégrer dans le projet de Loi fédérale sur l'imputabilité. La présente section soulève des préoccupations concernant les éléments de la Loi fédérale sur l'imputabilité qui ont été omis. Des quelque 100 modifications proposées dans la Loi sur la transparence du gouvernement, le gouvernement en a inclus seulement dix (dans une certaine mesure) dans la Loi fédérale sur l'imputabilité. Voici comment le gouvernement explique sa décision de ne pas effectuer une réforme approfondie de l'accès à l'information dans la Loi fédérale sur l'imputabilité : « La Loi sur l'accès à l'information est une loi complexe, vise divers milieux dans de nombreux secteurs de la société et suscite une grande divergence d'opinion quant à son administration. Par exemple, les modifications proposées par le commissaire à l'information nécessiteraient plus de 88 amendements ou ajouts à 46 dispositions de la Loi sur l'accès à l'information. Lorsque le commissaire à l'information a comparu devant le Comité permanent, il l’a informé que ses recommandations n'avaient pas fait l'objet de consultations auprès des intervenants. Un processus distinct permettra au Comité parlementaire d'entamer un débat exhaustif en consultation avec plusieurs intervenants et de publier un rapport à la fin de ses délibérations. Cette approche est nécessaire pour établir un équilibre entre l'importance de la transparence et les intérêts légitimes des particuliers, d'autres administrations et de tierces parties au chapitre de la sécurité et de la confidentialité de leurs rapports avec le gouvernement. Cette approche permettra également l'expression de divers points de vue, de sorte que la législation qui en découlera trouvera un accueil généralement favorable après une analyse approfondie et un débat complet. » [Plan d’action pour l’imputabilité fédérale : Renforcer la législation sur l’accès à l’information, Secrétariat du Conseil du Trésor, le 4 avril 2006]. Que devons-nous penser de l'intention affirmée du gouvernement de reporter l'application d'une réforme approfondie de l'accès à l'information? Que devons-nous penser de la décision du gouvernement de proposer l'ajout de 12 dispositions de confidentialité à la Loi sur l’accès à l’information (sans avoir procédé à une consultation publique) tout en refusant d'ajouter ne serait-ce qu'une disposition visant la transparence? Que devons-nous penser de la décision du gouvernement de ne pas inclure dans la Loi fédérale sur l'imputabilité ne serait-ce que les dispositions du projet de Loi sur la transparence du gouvernement qui ne sont pas nommées dans le document de travail du gouvernement parmi les dispositions devant faire l'objet de discussions supplémentaires? Par exemple, dans le document de travail, le gouvernement n'a soulevé aucune préoccupation concernant la disposition proposée dans la Loi sur la transparence du gouvernement concernant l'expansion de la visée : « La présente loi a pour objet de rendre les institutions fédérales entièrement redevables envers le public et d'assurer l'accès aux documents de l'administration fédérale … » (art. 2) Si le gouvernement est en désaccord avec cette formulation de la visée de la Loi, pourquoi ne le dit-il pas ou pourquoi ne l'aborde-t-il pas dans son document de travail? S'il est en accord avec cette formulation, pourquoi ne l'a-t-il pas incluse dans la Loi fédérale sur l'imputabilité? Cette remarque s'applique également aux dispositions de la Loi sur la transparence du gouvernement précisant le rôle et le mandat des coordonnateurs de toutes les institutions gouvernementales en matière d'accès à l'information; imposant une restriction à la divulgation de l'identité des demandeurs au sein des institutions gouvernementales, modifiant les motifs de prorogation de la période de réponse de 30 jours, protégeant les personnes qui divulguent de l'information ou fournissent des dossiers au Commissaire; exigeant que le Commissaire nomme publiquement les institutions qui ne remplissent pas leurs obligations en matière d'accès à l'information; modifiant les droits des personnes demandant l'accès à de l'information pour ce qui est de demander un contrôle judiciaire; exigeant que le ministre désigné présente un rapport annuel au Parlement sur les activités et le rendement de l'ensemble du gouvernement relativement aux dispositions législatives sur l'accès à l'information et prévoyant l'examen quinquennal de ces dispositions par le Parlement. Le gouvernement ne laisse pas supposer que ces changements proposés doivent faire l'objet d'une étude supplémentaire; pourtant, ils n'ont pas non plus été intégrés dans la Loi fédérale sur l'imputabilité. En somme, il y a lieu de se préoccuper tant des éléments qui ont été inclus dans la Loi fédérale sur l'imputabilité que de ce qui a été omis en matière d'accès à l'information. Quels que soient les bienfaits de la Loi fédérale sur l'imputabilité relativement aux autres initiatives en matière d'imputabilité, elle n'atteint pas son objectif d'améliorer l'imputabilité par la transparence.
PARTIE II : LE DOCUMENT DE TRAVAIL DU 11 AVRIL 2006 : « RENFORCER LA LOI SUR L'ACCÈS À L'INFORMATION » Le contenu du document de travail du gouvernement sur la réforme de la Loi sur l’accès à l’information va à l'encontre de la majorité des propositions formulées dans la Loi sur la transparence du gouvernement, des recommandations formulées par le juge Gomery (veuillez consulter l'annexe A) et des promesses faites dans le cadre du programme électoral du Parti conservateur (veuillez consulter l'annexe B). Dans le présent rapport, on abordera seulement les éléments qui donnent lieu à des divergences importantes entre les propositions du juge Gomery, la Loi sur la transparence du gouvernement et le programme électoral du Parti conservateur d'une part, et la position du gouvernement d'autre part. Les éléments en question sont les suivants :
Obligation de créer des documents et infractions liées à cette obligation Le droit d'accès est inutile si les institutions, les cadres et les employés gouvernementaux ne créent pas de documents pour rendre compte de leurs décisions, de leurs activités, ainsi que de leurs conseils, recommandations et délibérations. Les députés et les représentants du gouvernement s'entendent pour dire qu'une gestion de l'information efficace et professionnelle est un élément crucial d'un gouvernement responsable et d'une gestion publique saine. Il y a également consensus général sur le fait que la création de documents faisant état de ce qui se passe au gouvernement est un élément essentiel d'une gestion de l'information sérieuse et efficace. Par l'entremise de politiques, le gouvernement a obligé, de façon positive, les fonctionnaires à créer des documents relatifs à leurs activités. Pourtant, le gouvernement, ainsi que tous ceux qui ont examiné ses pratiques de gestion des dossiers, en sont arrivés à la conclusion que le processus de création de documents et la gestion de l'information au sein du gouvernement sont en crise. Le document de travail rend compte de la situation de la façon suivante : « On s’entend pour dire que, dans l’appareil gouvernemental canadien, la gestion de l’information s’est détériorée de façon alarmante au cours des trois dernières décennies » (page 37). Pourquoi le gouvernement déclare-t-il donc qu'il n'est « [...] sans doute pas nécessaire de codifier l’obligation d’établir des documents […] » ? Le document de travail ne fournit pas de réponse claire à cette question, mais il est possible que le gouvernement craigne les conséquences d'un non-respect de l'obligation. Prenez par exemple le passage suivant tiré du document de travail : « Les fonctionnaires qui comprennent mal les règles ou qui omettent par inadvertance d’établir des documents sur une action ou une décision (peut-être en pensant que quelqu’un d’autre présent à la réunion prenait note des délibérations, ou parce qu’ils ont été distraits et qu’ils n’ont plus jamais repensé à établir les documents nécessaires sur leur action) ne s’adonnent pas à des comportements criminels. En fait, ils enfreignent des normes administratives établies, et il faut alors les traiter en conséquence, peut-être en leur imposant des mesures disciplinaires. » (Page 39) Même une telle préoccupation n'est qu’un faux-fuyant. Le commissaire à l'information ne cherche pas à rendre criminelles les omissions par inadvertance ou les omissions administratives de créer des documents. L'omission dont il est question au paragraphe 67.1(1) (ch. 1) de la Loi sur la transparence du gouvernement est une omission de créer des documents « dans l'intention d'entraver le droit d'accès ». Il n'y a aucune raison de reporter l'adoption des dispositions de la Loi sur la transparence du gouvernement qui requièrent la création de documents (art. 2.2) et celles qui portent sur l'infraction liée au fait de ne pas respecter cette obligation dans l'intention d'entraver le droit d'accès (paragraphe 67.1(1) (ch. 1)). Documents conservés dans le Cabinet du Premier ministre et dans les cabinets des ministres Le gouvernement s'oppose maintenant à la volonté d'étendre le droit d'accès au Cabinet du Premier ministre et aux cabinets des ministres. Il s’est rangé à l'avis des gouvernements de M. Chrétien et de M. Martin, selon lesquels le cabinet du membre du Conseil privé de la Reine qui est responsable d'un ministère n'est pas un élément constitutif du ministère en question. Au centre de l'objection du gouvernement à un tel amendement est le fait que, s'il était adopté, il donnerait lieu à l’examen indépendant des décisions de refuser l'accès à des documents personnels ou politiques qui sont conservés dans le Cabinet du Premier ministre et dans les cabinets des ministres. Dans le document de travail, on exprime la préoccupation en question de la façon suivante : « [S]elon cette option, le commissaire à l’information pourrait examiner les documents personnels et politiques des ministres pour établir si la Loi sur l’accès à l’information s’y applique. » (Page 7) Dans le passage cité ci-dessus, le gouvernement montre qu'il comprend très mal les pratiques et les pouvoirs actuels du commissaire à l'information. Le commissaire a maintenant le pouvoir d'étudier un document conservé dans le cabinet d'un ministre ou dans le Cabinet du Premier ministre (à l'exception d'un document confidentiel du Cabinet) afin de répondre à des questions préjudicielles permettant de déterminer s'il s'agit d'un document ministériel, personnel ou politique. Le pouvoir du commissaire à cet égard a été confirmé par la Cour d'appel fédérale en 2004 lorsque l'ex-premier ministre, M. Chrétien, a refusé de remettre ses agendas au commissaire afin de lui permettre de répondre à la question préjudicielle qui consistait à déterminer si les agendas en question étaient sous l'autorité du Bureau du Conseil privé pour les besoins de la Loi sur l'accès à l'information. Les agendas ont alors été fournis au commissaire, qui les a étudiés et qui a conclu qu'ils étaient visés par le droit d'accès. Dans le cadre d'un jugement unanime, le tribunal a déclaré : « Enfin, les intimés ont soutenu que même si les renseignements demandés par les subpoenas sont correctement protégés contre la divulgation, le fait que ces renseignements doivent quand même être examinés par quelqu'un du Bureau du commissaire donne lieu à un préjudice irréparable. Il s'agit d'un argument dénué de fondement. Il faut évidemment que quelqu'un examine les renseignements pour donner effet au régime instauré par le législateur fédéral quand il a adopté la Loi. On ne peut pas soutenir sérieusement que, par exemple, un préjudice irréparable survient quand un agent autorisé procède à l'examen de renseignements en cherchant à s'assurer que des renseignements personnels et d'autres renseignements exclus sont protégés contre la divulgation. […] Le juge des requêtes a commis une erreur dans la mesure où ses motifs peuvent s'interpréter comme statuant qu'il est possible de prétendre que les personnes intimées n'ont pas de témoignage à rendre en réponse aux subpoenas délivrés par le commissaire, parce qu'elles ont déclaré sous serment que les renseignements en leur possession ne relèvent pas d'une institution fédérale. » (Canada v. Canada (Commissaire à l’information), 2001 CFA 25 aux paragraphes 20, 21 et 27.) Que le gouvernement décide d'accepter ou non la proposition du commissaire d’appliquer le droit d'accès aux documents conservés dans le Cabinet du Premier ministre et dans les cabinets des ministres, le commissaire aura accès à tout document conservé dans les lieux en question afin de les étudier et afin de répondre à la question préjudicielle qui consiste à déterminer si les documents visés sont sous l'autorité du ministère ou s'ils constituent tout simplement des documents personnels ou politiques. Le gouvernement laisse également entendre qu'il songerait à faire en sorte que les documents personnels et politiques ne soient « pas assujettis » à la Loi afin de prévenir l'examen minutieux de tels documents. Il semble croire qu'en soustrayant un document à l’application de la Loi il échappera à l'examen indépendant. Ce n'est toutefois pas ce qu'indique la Loi; le commissaire a le droit d'étudier un document considéré exclu de la Loi afin de déterminer s’il est bel et bien exclu de la Loi. Cela s'applique également aux documents confidentiels du Cabinet à moins qu'un certificat n’ait été délivré en vertu de l'article 39 de la Loi sur la preuve au Canada, qui vise à empêcher un examen indépendant des dossiers que l'on considère comme des documents confidentiels du Cabinet. En outre, le commissaire a le pouvoir de vérifier la légalité d'un certificat délivré en vertu de l'article 39 de la Loi sur la preuve au Canada. Nous abordons cette question plus en détail plus loin. Il est évident que le gouvernement cherche à donner l'impression qu'il donne un droit d'accès aux documents conservés dans le Cabinet du Premier ministre et dans les cabinets des ministres sans pour autant le faire véritablement. Il a suggéré que les ministres décident, sans recours à un examen indépendant, des documents qui sont secrets. Cette pratique ne constitue pas un véritable droit d'accès conforme à l'objet déclaré de la Loi. La suggestion du gouvernement, qui voudrait que le coordonnateur ministériel de l'accès à l'information décide des documents qui demeureront secrets, sans recourt à un examen indépendant, n'est pas non plus conforme à l'objet déclaré de la Loi. Bien que le document de travail évoque la possibilité d'élargir la portée de la loi sur l'accès afin qu'elle s'applique aux cabinets de tous les députés, ce n'est pas là une des propositions du commissaire à l'information — les cabinets des membres du gouvernement qui sont aux premières banquettes doivent, pour des raisons d'imputabilité, être les premiers visés par la réforme. Traitement des renseignements confidentiels du Cabinet Le gouvernement semble également avoir pris ses distances par rapport à sa promesse préélectorale d'abolir l'exclusion des renseignements confidentiels du Cabinet de la Loi et d’en faire plutôt des exceptions assujetties à un examen par le commissaire à l'information. La confidentialité du Cabinet n'est pas plus menacée par un tel examen que ne le sont la sécurité nationale ou les relations internationales par un examen indépendant mené en vertu des articles 13 et 15. Il s’agit encore une fois d’une proposition du gouvernement qui tente de faire croire à une réforme tout en maintenant le statu quo. Le gouvernement propose de : 1) maintenir l'exclusion des renseignements confidentiels du Cabinet de la Loi, 2) continuer d'empêcher le commissaire de consulter les documents confidentiels afin de déterminer s'ils entrent véritablement dans cette catégorie et 3) permettre au commissaire de vérifier la légalité d'un certificat délivré par le greffier du Conseil privé, qui atteste la nature confidentielle du document retenu par le Cabinet. Cette proposition décrit le statu quo. Elle rend compte de la situation actuelle. La proposition du gouvernement n'améliorera d'aucune manière le droit d'accès en garantissant qu'on ne porte pas atteinte à la confidentialité du Cabinet. Le gouvernement semble également être revenu sur sa promesse préelectorale de rendre les exceptions discrétionnaires et de faire en sorte qu'elles soient assujetties à un examen fondé sur le préjudice probable et à la primauté de l'intérêt public. Ce qui transparaît des explications du gouvernement relatives à sa volte-face est la crainte qu'un examen « fondé sur le préjudice probable » donnerait lieu à un critère trop exigeant. Les membres du gouvernement craignent qu'il ne devienne trop difficile de garder des secrets. Ils préfèrent prendre des décisions généralisées et légiférées qui rendent certains documents secrets. Le gouvernement ne veut pas imposer, ni à lui-même ni à ceux qui lui fournissent des documents, le fardeau de prouver au cas par cas qu'il y a un motif valable de déclarer un document confidentiel. Les exceptions de l'examen fondé sur le préjudice probable sont essentielles à une loi sur l'accès saine parce que la nature délicate de l'information change selon les circonstances, l'époque et le point de vue. Il est important de se rappeler que les renseignements les plus délicats conservés par le gouvernement du Canada — les renseignements sur la sécurité nationale, la défense nationale, la sécurité et le renseignement, les relations internationales, la détection et la répression d'activités hostiles — sont protégés par une exception discrétionnaire de l'examen fondé sur le préjudice probable (art. 15). En ce qui concerne les modifications au régime des exceptions proposées par le commissaire à l'information, le gouvernement déclare : « Depuis la publication des propositions du commissaire, l’automne dernier, on s’est inquiété de leurs effets éventuels sur la relation entre le gouvernement et ses intervenants, sur les activités fondamentales du gouvernement et sur les intervenants tiers eux-mêmes. En particulier, on s’est préoccupé de l’effet combiné du passage aux exceptions fondées sur le préjudice probable, de la révocation des exceptions obligatoires prévues dans l’article 24, et d’une disposition générale de primauté de l’intérêt public. » (Page 13) Le gouvernement ne soulève toutefois pas de préoccupations qui n'ont pas déjà été exprimées, étudiées et débattues depuis qu'un comité parlementaire a étudié la Loi sur l'accès à l'information pour la première fois en 1986. L'objectif du présent Rapport spécial au Parlement est d'alerter les membres du gouvernement, les sénateurs, ainsi que le public, au sujet des failles troublantes des propositions de réforme de la Loi sur l'accès à l'information du gouvernement. Nous ne prétendons pas, dans le présent Rapport spécial, réagir en détail à toutes les objections à la réforme soulevées par le gouvernement dans son document de travail. Le commissaire à l'information formulera évidemment des commentaires détaillés sur le document de travail en question lorsque le Comité permanent de l'accès à l'information, de la protection des renseignements personnels et de l'éthique lui demandera de le faire.
Extrait du Second rapport de 2006 de la Commission Gomery intitulé : « Rétablir l’imputabilité » L’existence d’un régime adéquat d’accès à l’information est l’une des conditions indispensables à l’instauration de la transparence qui est essentielle dans une administration publique moderne. Un changement de culture peut s’avérer très fructueux. La Commission pense qu’il est nécessaire d’assurer l’accès efficace du public à l’information sur les activités du gouvernement. Toutefois, considérant la preuve déposée durant la première phase de l’Enquête, elle est portée à croire que la réponse du gouvernement aux demandes d’accès à l’information n’est pas toujours conforme à l’esprit et au but de la Loi actuelle. Le Commissaire à l’information du Canada, John Reid, a adressé à ce sujet un mémoire à la Commission et ses recommandations méritent un examen attentif. Il existe des arguments très valables en faveur du secret pour certaines activités du gouvernement et délibérations Cabinet — par exemple, lorsqu’il s’agit de sécurité nationale. Par contre, les arguments en faveur du secret ont été trop souvent invoqués depuis que la Loi sur l’accès à l’information est entrée en vigueur, le 1er juillet 1983. La Commission est d’avis que les fonctionnaires ne devraient généralement pas craindre d’être mis dans l’embarras si les avis qu’ils ont adressés à leurs supérieurs sont divulgués, même dans les cas où ils n’ont pas eu de suite. Le public est parfaitement conscient qu’il peut y avoir plus d’une opinion sur de nombreuses questions et qu’il arrive souvent aux ministres de devoir faire des choix difficiles entre plusieurs lignes de conduite différentes. Même si un ministre choisit une ligne de conduite contraire à celle recommandée par ses fonctionnaires, ni ceux-ci ni le ministre n’ont à être critiqués, les uns pour les conseils qu’ils ont donnés et l’autre pour la décision qu’il a prise pour des raisons légitimes. Ne serait-il d’ailleurs pas normal que les citoyens, qui sont les personnes les plus directement touchées par les décisions de leurs élus, sachent quelles possibilités ont été envisagées quand une décision est prise? Si le ministre choisit une solution donnant un piètre résultat, il est légitime que le public sache qu’il a fait une erreur de jugement sauf, bien sûr, en ce qui concerne les exceptions touchant la sécurité nationale et d’autres questions de sensibilité comparable. La Commission convient avec le Commissaire à l’information que la tenue de dossiers devrait être obligatoire au gouvernement, et que l’obligation de produire une « piste papier » devrait être plus qu’une politique et être énoncée de manière explicite dans une loi. Par conséquent, la Commission partage son opinion qu’il convient de modifier la Loi sur l’accès à l’information pour y stipuler que chaque agent et employé d’un organisme du gouvernement a l’obligation de créer des dossiers documentant ses décisions et recommandations, et que toute dérogation à cette règle constituera une infraction. De plus, la Commission croit qu’il devrait également y avoir une législation autonome sur la tenue de dossiers, exigeant des fonctionnaires et des personnes agissant au nom du gouvernement qu’elles rassemblent, créent, reçoivent et saisissent les informations de manière à documenter les décisions et processus de décision ayant entraîné le déboursement de deniers publics. Cela permettrait de retracer l’évolution des politiques et programmes de dépenses, améliorerait la continuité des services gouvernementaux et des processus de décision, et permettrait d’entreprendre des examens et vérifications indépendants. On devrait indiquer clairement dans cette législation sur la tenue de dossiers que détruire délibérément des documents et déroger aux obligations de documentation serait un motif de congédiement. La raison pour laquelle il convient de créer l’obligation légale de maintenir et de ne pas détruire des dossiers gouvernementaux, outre que cela correspond à des dispositions similaires du régime d’accès à l’information, est que cela fait plus que de faciliter l’accès du public à l’information, cela contribue aussi aux objectifs de bon gouvernement et d’imputabilité concordant avec le thème général des recommandations de la Commission. Recommandation 16 Modifier la Loi sur l’accès à l’information Dans l’ensemble, la Commission endosse bon nombre des modifications à la Loi sur l’accès à l’information proposées par le Commissaire à l’information dans la mesure où elles contribueront aux principes de transparence et d’imputabilité. En particulier :
Il serait peut-être souhaitable d’apporter encore d’autres modifications au régime actuel d’accès à l’information. Toute proposition de modification devra être examinée en tenant compte de l’importance cruciale d’accorder au public l’accès à l’information sur les activités du gouvernement. Certes, il existe certaines informations dont la confidentialité devra rester protégée mais le critère fondamental devra alors être la probabilité de préjudice à des intérêts gouvernementaux cruciaux. La Commission ne doute pas que le Commissaire à l’information a tenu compte de cette question délicate en formulant ses propositions de modification de la Loi. En 2005, dans l’arrêt Merk, la Cour suprême du Canada a souligné l’importance cruciale des lois destinées à protéger les employés divulguant de bonne foi les fautes commises par leur employeur. Bien que l’affaire concernait la divulgation par une employée d’une faute commise par son employeur du secteur privé, les remarques formulées par la Cour au sujet des lois sur la divulgation sont tout aussi valides pour les employeurs du secteur public : Les lois sur la protection des dénonciateurs créent une exception à l’habituel devoir de loyauté des employés envers leur employeur. En contexte gouvernemental, ces dispositions visent bien sûr à prévenir le gaspillage de fonds publics ou d’autres abus de privilèges ou pouvoirs accordés par l’État. En contexte privé (comme en l’espèce), leur but conserve un caractère public, puisqu’il s’agit de prévenir les actes répréhensibles « qui constitue[nt] ou [sont] susceptible[s] de constituer une infraction à une loi » (c’est cette condition requérant l’existence d’une « infraction » qui confère aux dispositions relatives à la dénonciation leur caractère public et a pour effet d’exclure les plaintes plus générales présentées en milieu de travail). L’idée sous-jacente est d’associer les employés à la lutte de l’État contre les conduites illicites, et ce, en leur accordant une certaine immunité contre les représailles des employeurs. Il convient de féliciter le Parlement d’avoir adopté le projet de loi C-11 avant la dissolution du 28 novembre 2005. C’était la première fois qu’une loi fédérale comportait des dispositions protégeant les dénonciateurs de la fonction publique. Malgré cette mesure positive, la Commission se demande si cette Loi permettra vraiment d’atteindre les objectifs visés. Nous ne pouvons nous empêcher de nous demander si elle aurait changé la manière dont Allan Cutler a été traité. La Commission pense que l’on pourrait améliorer sensiblement les dispositions de la nouvelle Loi en prenant les mesures suivantes :
La Commission approuve de manière générale la procédure de divulgation prévue dans la Loi, en vertu de laquelle les employés divulgueront leurs informations à leurs supérieurs ou à des personnes désignées de leur « unité » administrative. La divulgation au Commissaire à l’intégrité du secteur public ou au public ne sera autorisée que dans des cas exceptionnels (énumérés). » (page 197 à 206)
Extrait du Programme électoral du Parti conservateur du Canada 2006 : « Changeons pour vrai » Renforcer la Loi sur l'accès à l'information Le gouvernement libéral ne cesse de refuser aux Canadiens un meilleur accès à l'information gouvernementale. Le commissaire à l'information s’est rendu à plusieurs reprises devant les tribunaux pour contraindre le gouvernement à faire preuve d'ouverture. Un gouvernement conservateur :
En outre, dans le cadre de son programme électoral, le Parti conservateur a fait la promesse suivante relativement aux écarts de conduite signalés en vertu de la Loi sur la protection des dénonciateurs : « Un gouvernement conservateur : [...]
En ce qui concerne la publicité et la publication de recherches sur l'opinion publique du gouvernement, le Parti conservateur, dans son programme électoral, déclare : « Un gouvernement conservateur : |