Sir Ernest MACMILLAN (1893–1973) Portrait Maureen Nevins Ottawa 1994 AVANT-PROPOS Sir Ernest MacMillan a été une figure dominante dans les milieux musicaux canadiens pendant plus de 40 ans, soit depuis le milieu des années 1920 jusqu'à la fin des années 1960. Pour se faire une idée de la portée et de l'influence de ses activités, il suffit d'essayer de trouver de nos jours un successeur ou même un prétendant au titre de pater familias ou d'homme d'État chevronné du monde de la musique au Canada. Personne ne répond à cette description de façon aussi convaincante que MacMillan l'a fait. Ernest MacMillan était un homme aux talents multiples. Il était un excellent organiste et pianiste de même qu'un compositeur compétent quoique conservateur, mais il a connu ses succès les plus remarquables en tant que chef d'orchestre, administrateur et éducateur. Les musiciens canadiens de son époque se souviendront des 25 années qu'il a passées au poste de chef de l'Orchestre symphonique de Toronto, période pendant laquelle l'orchestre s'est perfectionné sur le plan artistique, a élargi ses rangs, a prolongé sa saison de concerts et a effectué ses premiers enregistrements et ses premières tournées internationales. Les amateurs de chant choral gardent un souvenir agréable des 15 années qu'il a passées à la direction du chœur Mendelssohn de Toronto et des représentations annuelles du Messie de Haendel à Noël et de la Passion selon saint Mathieu à Pâques. Ce furent des événements importants sur la scène musicale de Toronto et, en fait, de tout le pays lorsqu'on a commencé à diffuser ces représentations à l'échelle nationale sur les ondes de Radio-Canada. Dernièrement, la grande claveciniste Greta Kraus a fait part de ses réactions lorsqu'elle a entendu l'une des premières représentations de la Passion selon saint Mathieu dirigée par sir Ernest : «J'avais entendu cette œuvre à Vienne et je ne pensais pas que cette représentation serait très bonne. Mais j'y suis allée — et quel étonnement! Sir Ernest dirigeait de façon magnifique ... et j'ai été surprise par la grande qualité du chant choral — bien supérieur à ce que j'avais entendu à Vienne ...» (Traduction) Les étudiants en musique de Toronto ont bénéficié des normes élevées en matière d'exécution et d'instruction qu'il a appliquées pendant les 16 années passées à la direction du Conservatoire de musique de Toronto (maintenant Conservatoire royal de musique) et les 25 années au poste de doyen de la Faculté de musique de l'Université de Toronto. Les compositeurs canadiens se souviendront de lui comme d'un champion de la musique canadienne, tant à titre de directeur qu'à celui de compositeur. Par exemple, MacMillan a dirigé plus de premières d'œuvres musicales canadiennes que tout autre chef d'orchestre de son temps. Il a également assumé pendant 22 années remarquables les fonctions de président de l'Association des compositeurs, auteurs et éditeurs du Canada (la CAPAC, devenue la SOCAN), travaillant à l'échelle tant nationale qu'internationale en vue d'assurer de meilleures conditions pour le versement des redevances aux compositeurs canadiens, dont les œuvres étaient exécutées, enregistrées ou diffusées n'importe où dans le monde. Les personnes qui ont contribué à l'établissement de l'infrastructure culturelle canadienne après la guerre se souviennent que sa présence a donné de la visibilité au Conseil des Arts du Canada nouvellement créé et à d'autres organismes nationaux, par exemple au Conseil canadien de la musique et au Centre de musique canadienne, dont il a assumé la présidence au cours des premières années de leur histoire. À l'étranger, il était un ambassadeur culturel respecté du Canada et il a été chef d'orchestre invité et conférencier aux États-Unis, en Grande-Bretagne, en Amérique du Sud et en Australie. Les musiciens amateurs et ceux qui désiraient de faire carrière comme professionnels, qui l'ont rencontré pendant qu'il sillonnait le Canada, se souviennent de ses activités diverses : juge à des festivals, examinateur au Conservatoire, auteur de manuels et éditeur d'anthologies de la musique, protecteur des Clubs des beaux-arts sir Ernest MacMillan et soutien des jeunes talents. Il s'est particulièrement intéressé à la carrière débutante de la soprano Lois Marshall, de la violoncelliste Zara Nelsova, du chef d'orchestre Victor Feldbrill, du pianiste Glenn Gould et du ténor Jon Vickers, par exemple. À la fin de sa vie, il a participé au Concours national de Radio- Canada à titre de chef d'orchestre ou de juge. Les gens se souviennent de MacMillan en tant qu'animateur à la radio, conférencier, essayiste et éditeur attachant et bien renseigné. Les Torontois gardent peut-être parmi leurs meilleurs souvenirs les concerts Pop et les concerts bénéfice de Noël de l'Orchestre symphonique de Toronto dirigés par MacMillan, où il laissait libre cours à sa fantaisie en écrivant divers arrangements et parodies spirituels et humoristiques pour l'orchestre. Comme il se doit pour souligner une carrière aussi remarquable que la sienne au service de la musique, de nombreuses distinctions et marques d'appréciation ont été décernées à Ernest MacMillan. Il a reçu dix doctorats honoris causa d'universités américaines et canadiennes et il est le seul musicien canadien à avoir jamais été fait chevalier par un monarque britannique. Une série de conférences de qualité portant son nom a été présentée chaque année à l'Université de Toronto de 1963 à 1977, avec l'appui financier de la CAPAC. En 1964, la Faculté de musique de l'Université de Toronto a nommé le théâtre MacMillan en son honneur - la même année, il a reçu la médaille du Conseil des arts du Canada et, en 1969, il a été fait compagnon de l'Ordre du Canada. En 1973, il a reçu à titre posthume la médaille du Conseil canadien de la musique. En 1993, pour souligner le centenaire de sa naissance, des hommages publics ont été rendus, et des représentations de sa musique ont été offertes par l'Orchestre symphonique de Toronto, le chœur Mendelssohn de Toronto et l'Université de Toronto, entre autres. En 1993, le festival de musique de Parry Sound, en Ontario, a consacré une fin de semaine complète, dans le cadre de son programme, à une rétrospective MacMillan. Le Centre de musique canadienne a produit un disque compact commémoratif de ses compositions auparavant enregistrées sur disque de vinyle, y compris l'enregistrement non disponible depuis longtemps de son Quatuor à cordes en do mineur par le Quatuor Amadeus, tandis que Les disques SRC produisaient un nouvel enregistrement de la même œuvre par le Quatuor à cordes Saint-Laurent. L'Université de Toronto a repris la série de conférences sous le titre Conférences SOCAN-MacMillan à l'automne de 1993. La Bibliothèque nationale, gardienne des volumineuses archives MacMillan qu'elle a acquises de la famille en 1984, a également participé aux activités organisées pour souligner le centenaire de la naissance de MacMillan. À l'automne de 1993, elle a offert un deuxième lieu de présentation pour la première conférence SOCAN-MacMillan. En décembre de la même année, avec l'aide financière de la fondation commémorative sir Ernest MacMillan, la Bibliothèque nationale a organisé une exposition de documents ayant appartenu à MacMillan au Roy Thomson Hall, à Toronto. En 1994, la Division de la musique de la Bibliothèque nationale a travaillé en collaboration avec Enregistrement Analekta inc., de Montréal, à la préparation d'un autre disque compact de MacMillan, celui-ci contenant des enregistrements d'œuvres exécutées, dirigées ou composées par lui. Les activités, à la Bibliothèque nationale, atteindront leur point culminant à l'ouverture de cette importante exposition, à Ottawa, en octobre 1994. Parmi les événements connexes qui se dérouleront pendant l'exposition, mentionnons la conférence SOCAN-MacMillan de 1994, une séance de lecture de la première biographie parue de MacMillan, par Ezra Schabas, et le lancement du disque compact d'Analekta, pour n'en nommer que quelques-uns. Il est juste qu'on rappelle le souvenir de cet homme qui a contribué de façon aussi remarquable à l'avancement de la musique au Canada plus tôt au cours du siècle et qu'on l'honore pour ses réalisations. Sa vie et sa carrière devraient être connues de tous les apprentis musiciens et des étudiants qui s'intéressent à la culture canadienne comme celles d'un modèle d'épanouissement personnel et de dévouement à sa profession et à son pays. À la Bibliothèque nationale du Canada, nous sommes heureux de contribuer à rappeler sa mémoire et nous espérons que cette exposition sera un grand témoignage de la vie et de la carrière musicale remarquables d'Ernest MacMillan. S. Timothy Maloney Directeur, Division de la musique D'autres nations sont fières de placer leurs héros nationaux sur un piédestal, pourquoi ne le sommes-nous pas? ... Nous avons appris à l'école l'existence [d'hommes et de femmes remarquables] qui ont contribué à façonner l'histoire du Canada mais ... ce n'est que dans l'esprit d'une minorité que ces [personnages] vivent réellement. Pour la grande majorité, ce ne sont que des noms. C'est [même] davantage le cas pour les écrivains et les artistes. Bien sûr, le Canada n'a pas donné naissance à un Shakespeare, à un Bach ni à un Michel-Ange, mais nous ne manquons pas d'artistes créateurs qui méritent une place plus importante que celles que nous leur accordons dans notre conscience nationale1. LES PREMIÈRES ANNÉES Il nous est arrivé le dix-huitième jour d'août 1893, au milieu d'une tempête de pluie, avec du tonnerre et des éclairs2. Ernest Alexander Campbell MacMillan, fils du révérend Alexander MacMillan et de Wilhelmina Ross, est né à Mimico, en Ontario. Aîné de quatre enfants, il avait trois soeurs : Margaret Dorothy (née en août 1898), Jean Ross (née en février 1901) et Christine Winifred Ross (née en janvier 1904). Ernest a montré un talent pour la musique dès son plus jeune âge. Il regardait avec beaucoup d'intérêt sa mère jouer du piano. Bientôt, il joua lui-même des airs. En 1898, la famille MacMillan a emménagé dans sa nouvelle maison au 28, rue Selby, où il y avait un salon et un cabinet de travail adjacent. Le piano du salon et l'orgue Estey (harmonium) du cabinet de travail étaient accordés ensemble. La mère d'Ernest exécutait un air au piano pendant que son père jouait le même air à l'orgue. Le jeune garçon courait d'une pièce à l'autre pour regarder et écouter attentivement, tout en s'amusant beaucoup à imiter leur jeu. Lorsque le jeune MacMillan avait environ sept ans, l'église presbytérienne Saint-Enoch (paroisse où son père, le révérend Alexander MacMillan, avait été nommé en 1895) a fait l'acquisition d'un orgue à tuyaux pour remplacer l'harmonium. Il a écrit : «Je me suis vite empressé de grimper sur le banc de l'orgue. À partir de ce moment, pendant de nombreuses années, l'orgue a été l'objet de ma grande dévotion3.» Il a commencé officiellement à étudier l'orgue à l'âge de huit ans avec Arthur Blakeley, organiste et maître de chapelle à l'église méthodiste de la rue Sherbourne. MacMillan a joué pour la première fois en public dans une église de Toronto en 1901, après quoi il a joué à l'occasion comme organiste dans des récitals offerts dans des églises. Blakeley a également mis sur pied un trio vocal de garçons, les «Blakeley's Boys», qui donnait des représentations dans des églises et d'autres assemblées. Le groupe a présenté, à Toronto et dans un bon nombre de petites villes du sud de l'Ontario, de nombreux concerts publics au cours desquels Ernest était accompagnateur, au besoin, et soliste au clavier pour ajouter de la variété aux programmes. À l'âge de dix ans, soit en 1904, son premier concert au «Festival of the Lilies» a attiré un auditoire de quelque 4000 personnes au Massey Hall. Vers la même année, il a été nommé organiste (sans salaire) à l'église Saint-Enoch, «ce qui [lui] a donné à la fois un sentiment d'importance et une bonne expérience en tant qu'accompagnateur de chanteurs4». Au cours de ces années de formation, MacMillan a également exploré le côté créatif de la musique. Je me suis essayé à la composition parfois sur une petite échelle et quelquefois sur une échelle bien trop ambitieuse. Mon premier essai de composition d'un oratorio (vers l'âge de neuf ans) portait sur rien de moins que la Résurrection5. MacMillan a fait ses études à Toronto, où il a fréquenté l'école Rosedale de 1899 à 1904 et l'école secondaire de la rue Jarvis pendant l'année scolaire 1904-1905. Le document le plus ancien faisant état d'une représentation publique de MacMillan au piano le montre jouant la Valse brillante de Chopin à un concert présenté à l'école secondaire le 24 février 1905. En juin 1905, la famille MacMillan a quitté Toronto pour s'installer à Édimbourg, en Écosse. Ernest n'a pas fréquenté l'école pendant cette première année en Europe; cependant, il a continué d'étudier l'orgue avec le célèbre organiste aveugle Alfred Hollins, de l'église libre unie Saint-George. Pendant qu'il étudiait avec Hollins, MacMillan a décidé de se présenter à son premier examen de musique dans le but d'obtenir une licence de l'Académie royale de musique de Londres, mais sans succès. En 1906-1907, il a fréquenté à temps partiel l'école Viewpark, établissement d'enseignement privé pour garçons. Il consacrait le reste de son temps à ses études sur la théorie de la musique. Son père a pris des arrangements pour qu'il rencontre Frederick Niecks de l'Université d'Édimbourg. Niecks a donné au jeune MacMillan la permission de s'inscrire aux cours «élémentaire» d'histoire de la musique, d'harmonie et de contrepoint. Peu après, il a été autorisé à s'inscrire aux cours «avancé» d'harmonie et de contrepoint. À la fin du trimestre, il a obtenu la médaille de bronze en harmonie avancée et il a terminé premier de sa classe de contrepoint. Il a ensuite poursuivi ses études en harmonie et en contrepoint avec un professeur privé, W.B. Ross. En juillet 1907, Mme MacMillan, suivant le conseil de Ross, a accompagné son fils à Londres pour les examens théoriques et pratiques en vue de l'obtention du diplôme de correspondant du Collège royal des organistes (A.R.C.0.). À l'âge de 13 ans, il est alors devenu le plus jeune correspondant. Également au cours du même été, Ernest a remplacé Alfred Hollins comme organiste à l'église Saint-George pendant cinq dimanches. Alexander MacMillan et ses deux filles aînées sont rentrés au Canada tandis qu'Ernest et sa jeune soeur sont demeurés avec leur mère à Édimbourg. En mars 1908, le jeune MacMillan a réussi l'examen préliminaire de langues (latin et français) auquel devaient se soumettre les candidats désireux d'obtenir un baccalauréat en musique de l'Université d'Oxford. Il a poursuivi ses études avec Ross en vue de l'étape suivante, soit le premier examen, qu'il a réussi en mai. En compagnie des autres membres de sa famille, il est alors retourné à Toronto. Pendant son séjour en Écosse, MacMillan a non seulement assisté à des récitals et à des concerts symphoniques, mais il a également été invité à donner des représentations notamment à Édimbourg, à Dalkeith et à Kirriemuir. Entre 1908 et 1910, MacMillan a occupé son premier poste au niveau professionnel à titre d'organiste et de maître de chapelle à l'église presbytérienne Knox à Toronto. Cependant, ce n'est pas avant le début de 1910, après l'installation du nouvel orgue, qu'il a donné un véritable récital à l'église. Entre temps, il a donné des représentations ailleurs à Toronto. MacMillan a continué de se préparer pour le baccalauréat de l'Université d'Oxford; à cette fin, il a écrit, durant l'hiver 1909-1910, l'«exercice» choral et orchestral exigé comme deuxième examen. En septembre 1910, MacMillan a appris que son «exercice» avait été jugé satisfaisant par les examinateurs. Il a quitté son poste à l'église Knox et, en novembre de la même année, il est retourné à Édimbourg, décidé à terminer ses études pour son diplôme de musique à l'Université d'Oxford, avant d'entrer à l'Université de Toronto (où il a été reçu à l'examen d'immatriculation en juin 1910). Il a poursuivi ses études avec W. B. Ross pour subir l'examen final à Oxford et pour devenir membre du Collège royal des organistes (F.R.C.O.). En janvier 1911, il a non seulement réussi l'examen de membre, mais il a aussi obtenu le prix Carte- Lafontaine pour les meilleurs résultats. Quatre mois plus tard, il a réussi l'examen final du baccalauréat en musique. MacMillan est rentré à Toronto et s'est inscrit à l'université pour étudier l'histoire moderne afin, pensait-il, d'élargir ses connaissances générales. Pendant sa première année universitaire (1911-1912), il s'est rendu chaque fin de semaine à Hamilton, où il était organiste et maître de chapelle à l'église presbytérienne Saint-Paul. À cette époque, Casavant Frères (de Saint- Hyacinthe, au Québec) installait un orgue dans la grande salle d'assemblée de l'université. Dès la fin des travaux, MacMillan a quitté son poste à l'église Saint-Paul et il est devenu organiste adjoint à l'université. En plus de lui confier la responsabilité du service dominical du matin à la grande salle d'assemblée de l'université, l'organiste régulier de l'établissement, Ferdinand-Albert Mouré, a souvent demandé à MacMillan de jouer à des assemblées universitaires ou de présenter des récitals. MacMillan a également collaboré au recueil d'hymnes The University Hymn Book (Oxford : Printed at the University Press, 1912), c'est-à-dire qu'il a revu la musique et offert plusieurs airs originaux. Au cours de l'été de 1912, il s'est rendu en Angleterre pour superviser la préparation, la lecture d'épreuves et d'autres étapes de la publication du recueil par les presses de l'Université d'Oxford. En juin 1912, MacMillan a reçu une offre qui aurait sans aucun doute modifié le cours de sa vie, s'il l'avait acceptée. En effet, il a été invité à Chicago pour rencontrer le Praise Committee of the Fourth Presbyterian Church concernant l'orgue que le comité avait l'intention d'installer dans ses nouveaux locaux. MacMillan s'est rendu à Chicago et, à la demande du pasteur, John Timothy Stone, il a présenté un récital. Le motif véritable de l'invitation faite à MacMillan était de lui offrir le poste d'organiste et de maître de chapelle, offre qu'il a déclinée après y avoir soigneusement réfléchi. Au cours de sa deuxième année d'études, MacMillan est devenu président de sa classe et s'est joint à la confrérie Phi Kappa Pi. Peiné de constater le peu de place laissé à la musique dans la vie universitaire ainsi que son absence du programme d'études en arts, il a fondé une association musicale universitaire, qui a organisé des concerts et des conférences. La famille MacMillan a passé l'été de 1913 à Murray Bay (La Malbaie), lieu de villégiature à la mode sur les rives du Saint-Laurent. Alexander MacMillan avait été invité pour occuper le poste de chapelain dans une petite église protestante où Ernest était organiste. Avant le départ pour Murray Bay, MacMillan s'est fiancé avec Laura Elsie Keith, qu'il avait rencontrée en 1908 et qu'il a épousée en 1919. Ernest a repris ses études à l'université à l'automne et il a offert quelques récitals à Toronto et à l'extérieur. Il a contribué au volet musical d'une représentation de la pièce As You Like It (Comme il vous plaira) par le cercle dramatique féminin, Women's Dramatic Club, peut-être sa première incursion dans le monde du théâtre. Sa future épouse a largement participé à la production de certaines pièces de théâtre montées à l'université et l'a peut-être convaincu de mettre ses talents musicaux à contribution. Pendant son séjour à Murray Bay, MacMillan a rencontré Mme Antoinette Burgess, riche Américaine de Boston protectrice de la musique. Elle a pris des arrangements avec MacMillan pour une visite pendant les vacances du Nouvel An afin qu'il rencontre quelques-uns de ses amis musiciens et présente un récital d'orgue au Harvard Club. Pendant cette visite, on lui a présenté le chef d'orchestre Karl Muck, et il a assisté à plusieurs représentations. MacMillan voulait finir par obtenir son diplôme mais, à la fin de sa troisième année d'études, il a ressenti le besoin de consacrer davantage de temps à la musique. Il a demandé un congé de l'université entre septembre 1914 et la fin de l'année. RUHLEBEN Ici commence un nouveau chapitre de l'histoire d'un colon prisonnier ... Je m'attends tout à fait à être un personnage vraiment intéressant ... on peut facilement imaginer l'ingéniosité dont peuvent faire preuve plusieurs milliers d'hommes lorsqu'ils disposent de presque tout leur temps! On se fait vite une place, et je me sens presque comme chez moi6(!) Au début de juin 1914, MacMillan s'est embarqué pour Paris avec Mme Burgess et sa fille Barbara. Il avait l'intention d'étudier le piano avec Harold Bauer et la composition au Conservatoire national de Paris. Il a essayé de prendre des arrangements, mais il a découvert que tous les cours d'été avaient été annulés et qu'il ne pourrait pas s'inscrire aux examens d'admission avant octobre. Entre temps, MacMillan a suivi des cours privés de piano avec l'assistante de Bauer, Thérèse Chaigneau. En juillet, MacMillan a été invité à accompagner les Burgess au festival Wagner à Bayreuth. C'est alors que la Première Guerre mondiale a éclaté. Les amies américaines de MacMillan lui ont conseillé de se rendre à Nuremberg pour prendre conseil auprès du consul des États-Unis. Le 4 août, l'Angleterre a déclaré la guerre à l'Allemagne. MacMillan, qui était sujet britannique, était considéré comme un étranger ennemi et devait s'inscrire au poste de police de Nuremberg. Après avoir obtempéré, il est retourné à Bayreuth pour le festival. Peu après son vingt-et-unième anniversaire, les Burgess ont pris des arrangements pour quitter l'Europe. MacMillan les a accompagnées à Nuremberg pour leur départ. Il devait rester dans la ville jusqu'à ce que la situation internationale se précise et se présenter tous les jours au poste de police. Le consul des États-Unis a pris MacMillan sous sa protection et il lui a recommandé de louer une chambre à la pension Trefzer. C'est là qu'il a habité pendant les quatre mois suivants. En janvier 1915, il a été arrêté, jugé et emprisonné pour avoir enfreint l'article 4, n° 2, de la Loi sur la défense de l'Empire, aux termes duquel tous les étrangers devaient s'inscrire auprès de la police. MacMillan a omis involontairement de le respecter. Sa connaissance de l'allemand étant limitée, il n'a pas compris la signification des avis ordonnant à tous les étrangers de se présenter quotidiennement au poste de police. Après neuf semaines de régime cellulaire, il a été transféré à Ruhleben, une piste de course convertie en camp de prisonniers de guerre civils britanniques et située près de Berlin. À son arrivée, MacMillan a eu tôt fait de participer à la vie sociale et culturelle active du camp, notamment aux activités musicales et théâtrales. En juin 1915, la création de la société musicale de Ruhleben a permis à tous les musiciens détenus de faire connaissance. Il y avait parmi eux Benjamin Dale, Edgar Bainton, John Peebles Conn, Charles Webber et Quentin MacLean. Le premier projet de MacMillan a été de composer et de diriger la musique d'une revue intitulée Don't Laugh. Cet événement a été important puisque ce fut pour lui sa première expérience de chef d'orchestre (mise à part la direction de chœurs d'église). Même s'il disait ne pas aimer la musique populaire, il a acquis une expérience précieuse en dirigeant des spectacles de variétés, un spectacle de Noël et une représentation de The Mikado de Gilbert et Sullivan. À la fin de 1915, MacMillan a été chargé de la composition, des répétitions et de la direction de la musique pour le spectacle Cinderella présenté au camp. La production a été tellement impressionnante que l'ambassadeur des États-Unis, James Gerard, est venu de Berlin pour y assister. La production musicale la plus ambitieuse présentée au camp a probablement été The Mikado. L'un des prisonniers possédait un exemplaire du livret, mais non la partition musicale. MacMillan et quatre autres musiciens détenus ont entrepris d'écrire la partition de mémoire. Bien entendu, l'orchestration devait tenir compte des talents et des ressources instrumentales du camp. MacMillan a dirigé 13 représentations de la production en décembre 1916. Reconnu par ses collègues comme un musicien sérieux, il a été invité à diriger un certain nombre de concerts symphoniques. Au cours du premier concert, le pianiste Harry Field, lui aussi un Canadien, a présenté le Concerto en mi bémol de Liszt. MacMillan a également été accompagnateur et pianiste soliste à quelques récitals. En plus de la société musicale de Ruhleben, il y avait un certain nombre de cercles qui permettaient aux prisonniers de mener une vie intellectuelle active. Citons, notamment, le Corner House, l'Arts and Sciences Union et le Historical Circle. MacMillan a présenté plusieurs conférences. Il a puisé dans les connaissances acquises au cours de ses études en histoire à l'Université de Toronto pour présenter, le 13 mai 1916, une conférence sur les jalons de l'évolution constitutionnelle du Canada devant le Historical Circle. Une autre conférence, prononcée le 15 juin pour ce cercle, a porté sur la musique (les classiques viennois). En avril 1917, sa conférence pour l'Arts and Sciences Union portant sur la musique russe («A Sketch of Russian Music») a servi à préparer l'auditoire à un concert de musique de compositeurs russes. De même, en 1918, deux conférences ont précédé des concerts consacrés à la musique de compositeurs anglais. La série de conférences la plus importante a eu lieu en mai 1917 lorsque MacMillan et Benjamin Dale ont présenté dix conférences illustrées sur les symphonies de Beethoven. La première conférence était une introduction; les neuf autres ont porté chacune sur une des neuf symphonies. Dans chaque cas, MacMillan a présenté une analyse de l'œuvre, suivie de l'œuvre complète interprétée au piano par Dale et par lui-même. MacMillan a également participé aux activités de la société dramatique de Ruhleben (le théâtre du camp), principalement en tant qu'acteur. En avril 1916, les détenus ont commémoré le tricentenaire de la mort de Shakespeare en présentant les pièces Twelfth Night (La Nuit des rois) et Othello. MacMillan a joué le rôle de Maria dans Twelfth Night et le petit rôle de Gratiano dans Othello. Ayant conservé une apparence jeune, il jouait souvent des personnages féminins. Dans la pièce L'Enfant prodigue de Michel Carré, il a joué le rôle de la lavandière Phrynette. Pour cette représentation spéciale, l'œuvre a été orchestrée en entier par Bainton, Dale, Webber et MacMillan sur une musique originale d'André Wormser. En 1915, il a joué le rôle de lady Bracknell dans la comédie d'Oscar Wilde, The Importance of Being Earnest (De l'importance d'être constant), et le rôle de la femme de chambre Sheeler dans The Silver Box de John Galsworthy. Dans la comédie de R.C. Carton écrite à la fin de l'époque victorienne, Mr. Preedy and the Countess, il était la bonne, Harriet Budgeon. Au cours de sa carrière théâtrale, il a signé une production, soit Fanny's First Play de George Bernard Shaw, dans laquelle il a joué le rôle de Darling Dora. MacMillan avait hâte de commencer à travailler en vue de l'obtention de son doctorat en musique à Oxford. En mai 1915, l'Université de Toronto lui a conféré in abstentia un baccalauréat en arts compte tenu des résultats exceptionnels obtenus au cours de ses trois premières années d'études. Au début de 1916, il a commencé à se préparer aux examens d'admission à Oxford, après la fin de la guerre. M. Logie, un ami prisonnier ayant de nombreux contacts à Oxford, a encouragé MacMillan à présenter une demande et il a fait pression pour que l'université examine son dossier pendant son internement. À sa grande surprise, la permission demandée a été accordée. MacMillan a été exempté de l'examen écrit et il a été tenu seulement de composer l'exercice musical. En outre, si l'exercice était accepté, il serait exempté de tout autre examen et obtiendrait son diplôme. En avril 1918, MacMillan a terminé son exercice, une mise en musique pour chœur et orchestre de l'ode «England» d'Algernon Charles Swinburne. Pendant qu'il attendait les résultats, il a continué à se préparer pour les examens finaux. Deux mois plus tard, MacMillan a été informé que son exercice avait été jugé satisfaisant par les examinateurs. Ce n'est qu'à la fin de l'été 1918 que les prisonniers ont compris que la fin de la guerre approchait. Après la signature de l'armistice, les restrictions imposées aux déplacements des détenus de Ruhleben ont été pratiquement abolies, et MacMillan a pu assister à plusieurs concerts présentés à Berlin. À la fin de novembre, il a été envoyé à Copenhague, d'où il s'est embarqué pour Leith, la banlieue portuaire d'Édimbourg. Plusieurs semaines plus tard, il s'est rendu à Londres pour rencontrer l'éditeur de musique Novello afin de prendre des arrangements en vue de la publication de son Ode England et Henry Coward, chef de la Sheffield Musical Union, pour la première représentation de cette œuvre. Il est rentré au Canada en janvier 1919. CHEF D'ORCHESTRE ... J'ai découvert que j'étais naturellement doué pour la direction d'orchestre et j'aimerais beaucoup me perfectionner; comment, où et quand, cela reste à voir7. Une fois réinstallé au Canada, MacMillan a été nommé organiste et maître de chapelle dans une des plus riches églises de Toronto, l'église commémorative Timothy Eaton, en décembre 1919. Pour lui, l'église était l'endroit tout désigné pour la présentation d'œuvres religieuses de grande envergure. Le 4 avril 1920, le chœur et les solistes de l'église ont présenté une partie du Messie de Haendel. Peu après, avec la collaboration de deux autres chœurs d'église, il a commencé des répétitions du Requiem de Brahms, qui devait être présenté le printemps suivant. En plus de la difficulté de trouver des musiciens pour former un orchestre, il a fait face à la menace imprévue de poursuites pour avoir fait quelques répétitions le dimanche, contrevenant ainsi à la Loi sur le dimanche du gouvernement du Canada. MacMillan s'est fait connaître comme chef d'orchestre aux représentations annuelles de la Passion selon saint Mathieu de Bach. La première représentation complète de cette œuvre à Toronto a eu lieu à l'église commémorative Timothy Eaton le 27 mars 1923. Les chœurs de l'église ancienne St. Andrew et de l'église commémorative Timothy Eaton ont été réunis. Richard Tattersall et Healey Willan ont collaboré à la préparation et à la représentation de l'œuvre. C'est ainsi qu'a commencé une série de représentations annuelles dirigées par MacMillan, laquelle devait se poursuivre pendant 30 ans et devenir un événement important du calendrier des concerts à Toronto. (Il n'y a pas eu de représentation en 1933.) Les dernières représentations (1948-1953) ont été diffusées à l'échelle nationale par le réseau anglais de la Société Radio-Canada. Lorsque MacMillan a quitté son poste à l'église en 1925, les représentations ont eu lieu à la grande salle d'assemblée de l'Université de Toronto (jusqu'en 1950) et ensuite au Massey Hall. De 1934 à 1942, le Chœur du Conservatoire de musique de Toronto a chanté la partition chorale. Lorsque MacMillan est devenu chef du Chœur Mendelssohn de Toronto, en 1942, il a réuni les deux chœurs. Le Chœur Mendelssohn de Toronto a chanté l'œuvre de 1943 à 1953. Sous la direction de MacMillan, la première représentation du Chœur Mendelssohn de Toronto a été le Messie de Haendel, qui est devenu un classique de Noël. Cette œuvre et la Passion selon saint Mathieu ont été enregistrées en 1952 et en 1953 respectivement pour les enregistrements Beaver. Elles ont ensuite été présentées au Carnegie Hall en 1954. Le Chœur a été associé à ces deux œuvres, mais son répertoire a également inclus le Requiem de Verdi pendant la saison 1942-1943 et un festival Bach de trois jours, en 1950, pour commémorer le bicentenaire de la mort du compositeur. MacMillan a quitté le poste de chef de chœur en 1957, mais il a assumé les fonctions de président honoraire de 1962 à 1973. En 1931, MacMillan a été nommé chef de l'Orchestre symphonique de Toronto, prenant la relève de feu Luigi von Kunits. Auparavant, il avait dirigé l'Orchestre à deux occasions. Le 7 mai 1924, un programme particulièrement digne de mention a réuni les chefs passé, présent et futur de l'Orchestre. En effet, Frank Welsman a dirigé le Concerto pour violon en mi mineur de Luigi von Kunits, le compositeur étant soliste, et MacMillan a dirigé la première de son Ouverture. En janvier 1929, il a de nouveau dirigé l'Orchestre et le Chœur du Conservatoire de musique de Toronto pour la représentation de The Pied Piper of Hamelin de sir Hubert Parry. MacMillan a été à la tête de l'Orchestre symphonique de Toronto pendant des périodes difficiles, au cours des années 1930 et 1940, soit depuis la grande crise jusqu'après la Deuxième Guerre mondiale. Ces années difficiles ont peut-être été présagées lorsque MacMillan a dû diriger son premier concert de la saison 1931-1932 avec sa main gauche, son bras droit étant dans le plâtre à la suite d'un accident d'automobile. Avant que MacMillan devienne chef de l'Orchestre, celui-ci offrait dix représentations d'une heure, présentées à 17 h, pendant la saison. La première année, les Chemins de fer nationaux du Canada ont commandité une série de concerts radiodiffusés à l'échelle nationale le dimanche après-midi pour aider à financer l'expansion de l'Orchestre. Cette initiative a été de courte durée à cause de la Crise; cependant, à la suite de la création de la Commission canadienne de radio- diffusion en 1932, une nouvelle série de concerts a débuté. MacMillan a pu ajouter 15 nouveaux musiciens à l'ensemble. Il avait également hâte de changer l'heure de la représentation pour offrir des concerts en soirée plutôt qu'à 17 h. En 1933, le cinéma parlant avait transformé le monde du spectacle. Par conséquent, beaucoup de musiciens de théâtre étaient dorénavant disponibles pour prendre part à des concerts présentés régulièrement en soirée. Les représentations de deux heures offertes le soir ont attiré un auditoire beaucoup plus nombreux, et MacMillan a pu présenter un répertoire plus ambitieux. En outre, le conseil d'administration de l'Orchestre a pris une décision audacieuse en temps de crise, c'est-à-dire qu'il a augmenté le prix des billets, s'échelonnant de 50 cents à 2,50 $. Au cours des années 1930, MacMillan a fait connaître à l'Orchestre et à son auditoire la musique de divers compositeurs toujours vivants, y compris Jean Sibelius, sir Edward Elgar, Frederick Delius, sir Arnold Bax et sir William Walton. La suite pour orchestre The Planets de Gustav Holst a été l'œuvre la plus souvent présentée sous la direction de MacMillan et compte parmi les premières pièces enregistrées par l'orchestre. MacMillan a souvent fait face aux objections soulevées par des membres du conseil d'administration, des répondants et des abonnés au sujet du nouveau répertoire. Les finances étaient précaires. Vers la fin de la décennie, il a remis une partie de son traitement annuel de chef d'orchestre pour aider à combler le déficit. Les concerts de Noël (Christmas Box Symphony concerts) sont un événement presque unique dans les annales des orchestres, où que ce soit. Ces concerts présentés dans le cadre de la collecte de fonds annuelle ont débuté en 1935 et étaient l'occasion pour l'Orchestre, les «solistes» invités et le chef d'orchestre de laisser libre cours à leur fantaisie. En plus d'un choix de musique de Noël et d'arrangements de chants de Noël auxquels le public était invité à participer, les musiciens présentaient des parodies originales et des sketches. MacMillan a revêtu de nombreux costumes, y compris celui du père Noël, d'un mordu du jazz et d'un spécialiste de la musique allemand. Pour son premier concert, l'Orchestre a présenté la Symphonie dite des Adieux de Haydn pendant laquelle les musiciens ont quitté la scène l'un après l'autre jusqu'à ce qu'il ne reste plus que le chef d'orchestre. Au cours d'un autre concert, MacMillan s'est présenté vêtu d'une salopette et tenant à la main une clé anglaise au lieu de la baguette pour diriger Fonderie d'acier d'Alexandre Mossolov. Anna Russell a souvent participé à ces concerts. Elle n'hésitait pas à dire que ce sont ces concerts et l'insistance de MacMillan qui l'ont mise sur la voie du vedettariat et l'ont conduite à faire une carrière remarquable en tant que «caricaturiste musicale». Ces concerts attiraient tellement les foules qu'il a fallu offrir deux ou trois représentations de chaque programme. Lorsque MacMillan a pris sa retraite, les concerts de Noël ont cessé. Il est possible aussi que les modes et les goûts des Torontois au cours des années 1950 et 1960 y soient également pour quelque chose. MacMillan a commencé à être sollicité comme chef d'orchestre invité, d'abord à l'Orchestre symphonique de la BBC en 1933. Il s'est acquitté de quatre engagements auprès de l'orchestre avant que la guerre ne mette fin aux voyages outre-mer. Au milieu des années 1930 et pendant les années de guerre, MacMillan a acquis, à titre de chef d'orchestre invité, une renommée aux États-Unis, où il s'est produit dans des séries de concerts réputées, telles que celle du Hollywood Bowl, et avec les orchestres de Chicago, de Philadelphie et de Washington, D.C., de même qu'avec l'Orchestre symphonique de la NBC (New York). Il a été le premier Canadien invité à diriger cinq programmes présentés par CBS dans le cadre de l'émission Ford Sunday Evening Hour. Au Canada, il a souvent été l'invité des Concerts symphoniques de Montréal (maintenant l'Orchestre symphonique de Montréal) et de la Société symphonique de Vancouver (devenue l'Orchestre symphonique de Vancouver). En fait, en 1936, ces deux orchestres ont invité MacMillan à titre de premier «chef invité de marque». À la fin des années 1940, MacMillan avait dirigé la Société symphonique de Vancouver à 45 reprises ainsi que 25 représentations des Concerts symphoniques de Montréal. À la suite d'une invitation de la commission australienne de radio-diffusion, MacMillan a fait, en 1945, une tournée de trois mois en Australie, au cours de laquelle il a dirigé 30 concerts dans les capitales des États continentaux, soit Sydney, Melbourne, Adelaide, Perth et Brisbane. En 1946, il s'est rendu au Brésil en tant que chef d'orchestre invité de l'Orquestra Sinfônica Brasileira. Dans une lettre adressée en 1938 à Arthur Judson, président de la Columbia Concerts Corporation (New York), MacMillan a fait part de son désir d'obtenir un poste de chef d'orchestre ailleurs, mais on l'a persuadé de demeurer à Toronto. En fait, il a remis sa démission à l'Orchestre symphonique de Toronto en 1939, mais s'est ravisé après l'entrée du Canada dans la Deuxième Guerre mondiale. Les années de guerre ont été difficiles pour l'Orchestre. On a sérieusement envisagé de suspendre les concerts en 1940. Cependant, on a reconnu l'importance de la musique pour soutenir le moral en temps de guerre, et un nouvel esprit de vitalité culturelle s'en est suivi. En 1943, après de nombreuses années de sollicitations, l'Orchestre a reçu sa première subvention (1500 $) du conseil municipal de Toronto. Les années qui ont immédiatement suivi la guerre (de 1945 à 1950) ont été les plus fructueuses de l'histoire de l'Orchestre symphonique de Toronto. Le calibre des artistes s'est amélioré, et les auditoires se sont élargis jusqu'à ce que, en 1946, il faille présenter à deux reprises chaque concert destiné aux abonnés. Des œuvres de Canadiens, y compris Claude Champagne, Robert Farnon, Harry Somers et John Weinzweig, ont été présentées au cours des années 1940. En 1948, avec le parrainage de la CAPAC (Association des compositeurs, auteurs et éditeurs du Canada), MacMillan a amené l'orchestre à présenter son premier concert de musique canadienne en direct. Parmi les innovations apportées au répertoire, mentionnons des œuvres de Béla Bartók, Dimitri Chostakovitch et des compositeurs américains Aaron Copland et Roy Harris. Les solistes canadiens, notamment Hyman Goodman et Elie Spivak, étaient régulièrement sur la liste des artistes invités avec des vedettes internationales comme Jascha Heifetz, Myra Hess, Elisabeth Schwarzkopf, Claudio Arrau et Arthur Rubinstein. Igor Stravinski a été chef d'orchestre invité pour diriger ses propres œuvres, soit l'Oiseau de feu et Petrouchka dès 1937. Cependant, au cours des années 1940, les chefs invités ont été peu nombreux. Mentionnons, entre autres, Georges Enesco, Hans Kindler, Pierre Monteux, Charles Munch, Fabien Sevitzky et Leopold Stokowski. Au sommet de sa popularité, en 1951, l'orchestre a été engagé pour donner un premier concert aux États-Unis, à Détroit précisément. À cause de la chasse aux sorcières menée par McCarthy, six musiciens n'ont pas obtenu la permission d'entrer aux États-Unis. Ils ont été remplacés pour le concert, qui a néanmoins eu lieu. Pour la saison suivante, d'autres concerts avaient été prévus dans différentes villes des États-Unis, notamment New York, Boston et Philadelphie. Pour pouvoir remplir les engagements de l'Orchestre, la direction a décidé de ne pas renouveler le contrat des six musiciens. L'incident de la «symphonie six» a donné lieu à des controverses et à des divisions, et plusieurs membres du conseil d'administration ont remis leur démission. L'importance de MacMillan et le prestige de l'Orchestre ont tous deux souffert de la situation. Lorsque MacMillan a annoncé sa démission à titre de chef d'orchestre à la fin de sa 25e saison (1955-1956), il a reconnu qu'il le faisait pour lui-même et pour les propres intérêts de l'orchestre. On a rendu hommage publiquement aux progrès importants réalisés par l'Orchestre symphonique de Toronto sous la direction de MacMillan. L'Orchestre avait allongé sa saison, presque quintuplé le nombre de concerts annuels, attiré des instrumentalistes renommés dans ses rangs, effectué des enregistrements et participé à des émissions radiodiffusées en plus d'avoir raffermi sa revendication du statut de grand orchestre nord-américain. Il avait fait connaître aux Canadiens un répertoire en grande partie nouveau. Il est intéressant de noter que, durant toutes les années que MacMillan a passées à la tête de l'Orchestre, son contrat se résumait à une entente verbale. COMPOSITEUR La composition musicale, bien que moins largement reconnue, est à long terme plus importante; c'est par nos apports créateurs que nous serons finalement jugés en tant que nation musicale8. La composition n'était pas la préoccupation principale de MacMillan, mais il considérait celle-ci comme une activité normale chez un musicien complet. Son Quatuor à cordes en do mineur est probablement son œuvre la plus importante. Les trois premiers mouvements ont été composés en 1914 pendant sa détention à Nuremberg. L'œuvre a été revue en profondeur, et la finale a été terminée après son retour à Toronto. Elle a été présentée en entier pour la première fois le 8 février 1925 par le Quatuor à cordes Hart House, considéré comme l'orchestre de chambre le plus réputé au Canada pendant la première moitié du XXe siècle. Il ne se dégage de cette œuvre aucune impression liée à l'expérience de la guerre de son compositeur. Plutôt, son style et ses thèmes, qui utilisent les formes traditionnelles de la sonate et un langage musical romantique de la fin du XIXe siècle, servent à brosser l'image d'une période moins troublée. Pour cela, l'œuvre est intéressante davantage pour des raisons historiques que pour ses seules qualités musicales. MacMillan a composé son œuvre la plus considérable durant la Première Guerre mondiale, pendant sa détention à Ruhleben. Cette mise en musique pour chœur et orchestre de l'ode intitulée «England» d'Algernon Charles Swinburne lui a permis d'obtenir son doctorat en musique de l'Université d'Oxford en 1918. Une analyse de l'œuvre a paru dans le numéro du 1er septembre 1920 du Musical Times de Londres. La première a été présentée en Angleterre le 7 mars 1921 par Henry Coward et le Sheffield Musical Union, comme il convenait. L'œuvre a été présentée pour la première fois au Canada en 1921 au Massey Hall, à Toronto, où le renommé Leopold Stokowski a dirigé l'Orchestre de Philadelphie et le Chœur Mendelssohn de Toronto. La première œuvre importante qu'il a achevée après son retour au Canada après la guerre a été son Ouverture pour orchestre. C'est à Ruhleben que MacMillan a acquis le goût de la direction d'orchestre et qu'il a amélioré ses compétences dans ce domaine. Il souhaitait alors que Toronto ait à nouveau un orchestre. En 1922, un groupe de musiciens a persuadé Luigi von Kunits de former ce qui allait devenir le Nouvel orchestre symphonique qui a donné son premier concert public en avril 1923. Il y avait cinq ans que le premier Orchestre symphonique de Toronto avait cessé d'exister, victime tardive de la Première Guerre mondiale. MacMillan a composé son Ouverture en l'honneur du Nouvel orchestre symphonique et de von Kunits, qui l'a invité à diriger la première. Étant donné son intérêt croissant pour le folklore, il s'est inspiré de celui-ci pour un certain nombre de compositions. En 1925, il a pris connaissance de l'œuvre de Marius Barbeau, réputé anthropologue, ethnologue et folkloriste canadien. MacMillan a été invité à réviser le livre Folk Songs of French Canada compilé par Barbeau et Edward Sapir (New Haven : Yale University Press, 1925). Le Canadian Forum a publié une analyse favorable, qui faisait état du grand intérêt de MacMillan pour ces chansons. Barbeau a été tellement impressionné par ces observations que, dès qu'il est retourné à Toronto, il a invité MacMillan à participer au festival de la chanson folklorique et de l'artisanat (Festivals du Canadien Pacifique) à Québec, en 1927. MacMillan avait remarqué deux mélodies en particulier, Notre Seigneur en pauvre et À Saint- Malo. À la demande de John Murray Gibbon, il a fait des arrangements de ces airs sous le titre Two Sketches Based on French Canadian Airs, qui ont été joués par le Quatuor à cordes Hart House. Aujourd'hui, cette œuvre est considérée comme l'une des compositions canadiennes les plus réussies, les mieux connues et les plus souvent interprétées, notamment la version ultérieure pour orchestre à cordes. Une suite attrayante, Six Bergerettes du Bas-Canada, pour voix et petit ensemble a été présentée au Festival du Canadien Pacifique de 1928. Pour commémorer le 75e anniversaire de naissance de MacMillan, la Deutsche Grammophon Gesellschaft a publié le premier enregistrement de son Quatuor à cordes en do mineur ainsi que ses Two Sketches Based on French Canadian Airs (version originale pour quatuor) interprétés par le Quatuor Amadeus. Il s'agit du premier enregistrement consacré à un seul compositeur canadien distribué à l'échelle mondiale. À l'été de 1927, MacMillan a accompagné Marius Barbeau dans la région de la rivière Nass au nord de la Colombie-Britannique pour écouter, enregistrer et noter la musique des Tsimshians. Trois de ces transcriptions ont été arrangées pour voix et piano sous le titre Three Songs of the West Coast. La première œuvre est un chant chanté par un nouveau chef à sa tribu, dans lequel il vante ses compétences pour le poste. La deuxième est une berceuse. Et la dernière chanson avait été initialement chantée pour MacMillan par le vieux chef polygame Gitiks. De nombreuses années plus tôt, la reine Victoria lui avait ordonné de respecter la pratique de la monogamie en vigueur dans son royaume et de se contenter d'une seule épouse. Les résidants du village discutaient beaucoup pour savoir laquelle de ses trois épouses il allait garder. Il a trompé les gens en quittant ses trois femmes pour prendre comme épouse une attrayante jeune fille. Les membres de la tribu ont été scandalisés. Gitiks a jugé nécessaire de leur chanter cette chanson dans laquelle il leur dit de se mêler de leurs affaires. Un certain nombre de transcriptions ont également paru dans The Tsimshian : Their Arts and Music (New York : J.J. Augustin, 1951). En plus de ses nombreux arrangements et mises en musique, MacMillan a assumé la responsabilité de l'édition d'une œuvre collective importante consignée dans le volume Twenty- one Folk-Songs of French Canada (Oakville, Ontario : Frederick Harris Co., 1928). MacMillan et d'autres compositeurs de sa génération, inspirés par Barbeau, ont été les premiers à introduire un élément indigène dans la littérature musicale canadienne. MacMillan a ralenti son travail de compositeur après sa nomination à l'Orchestre symphonique de Toronto, «trouvant difficile cette tâche alors que sa tête était continuellement remplie par la musique des autres9.» Suivant une observation faite par Godfrey Ridout, MacMillan préférait la direction d'orchestre. Néanmoins, en plus de quelques arrangements de chansons folkloriques canadiennes, il a composé plusieurs œuvres d'envergure. Un opéra-ballade, Prince Charming, sur un livret de J.E. Middleton, était destiné au Festival du Canadien Pacifique de Banff de 1931, mais n'a jamais été joué. La musique se fondait sur des airs folkloriques écossais et français. MacMillan a composé deux œuvres pour chœur importantes Te Deum Laudamus en mi mineur (1936) et Song of Delivrance (1944). La première a été initialement écrite pour le Chœur du Conservatoire à l'occasion du 50e anniversaire du Conservatoire de musique de Toronto. L'autre œuvre, Song of Delivrance, a été composée à la fin de la guerre. MacMillan était aussi connu pour ses arrangements d'œuvres de compositeurs tels que Bach, Beethoven, Chopin, Haendel, Mendelssohn, Tchaïkovski et Ralph Vaughan Williams. Son orchestration du Prélude et fugue en sol mineur de J.S. Bach a été fréquemment jouée par des orchestres canadiens et américains. La capacité d'improvisation de MacMillan, son entrain naturel et son sens aigu du plaisir se reflètent dans ses arrangements pour orchestre, ses pots-pourris et ses parodies élaborés à l'intention de l'Orchestre symphonique de Toronto pour les concerts Pop et les concerts de Noël, par exemple. Parmi ces œuvres, mentionnons A Medley of Sea Chanties, A Saint Andrew's Day Medley (1946, réintitulé plus tard Fantasy on Scottish Melodies), un pot-pourri de chants de Noël (1945) et There Was an Old Woman (1946), avec excuses à J.S. Bach. Aucune partition de la première œuvre n'a été retracée; cependant, elle a été présentée à un concert Pop en avril 1946. On y trouvait des airs bien connus comme Blow the Wind Down et What Shall We Do with the Drunken Sailor. La deuxième, également présentée à un concert Pop la veille de la Saint- André en 1946, illustre la fierté qu'éprouvait MacMillan pour ses ancêtres écossais. Son pot- pourri de chants de Noël a été joué à de nombreuses reprises aux concerts annuels de Noël. Malgré sa remarquable carrière d'organiste, MacMillan n'a composé dans sa maturité qu'une seule œuvre pour cet instrument, soit son Cortège académique. En 1953, il a été invité à composer et à présenter cet hymne processionnel à l'occasion du centenaire de son alma mater, le Collège universitaire de Toronto. INTERPRÈTE ... les Canadiens mettent encore du temps à reconnaître l'excellence de leurs jeunes musiciens jusqu'à ce que d'autres pays apposent sur eux leur cachet d'approbation. Cependant, nous apprenons peu à peu à nous fier à notre propre jugement et à reconnaître comme il se doit un certain nombre de bons artistes originaires de notre pays10. Comme il est mentionné précédemment, MacMillan était à la fois un pianiste et un organiste. Son interprétation en 1904 au «Festival of the Lilies» a étonné tant le public que les critiques et a permis d'établir hors de tout doute sa réputation de prodige. Au cours des mois d'avril et de mai 1919, MacMillan a entrepris sa première tournée de conférences et de récitals, dans les provinces de l'Ouest. Au cours de ses récitals d'orgue, il faisait des observations sur son expérience de prisonnier de guerre. Il était alors bien connu dans les cercles musicaux de Toronto. On se souvenait bien de ses récitals d'orgue d'avant la guerre. Son récent retour triomphal d'Allemagne, doctorat en main, a rehaussé son image auprès du public et chez ses collègues musiciens. De novembre 1919 à la fin de mars de l'année suivante, il a présenté une série de cinq récitals d'orgue dans le cadre d'un vaste programme de concerts et de conférences organisé par la Canadian Academy of Music. En janvier 1920, peu après sa nomination au poste d'organiste à l'église commémorative Timothy Eaton, MacMillan a commencé à donner un court récital après chacun des services du dimanche soir. Trois mois plus tard, il a donné un premier récital indépendamment des services et il a continué à en faire autant régulièrement par après. Entre 1923 et 1925, MacMillan a présenté chaque année une série de concerts regroupant uniquement des œuvres de Bach. Ces représentations ont attiré des membres de la communauté paroissiale, des musiciens de Toronto et des particuliers ayant de bonnes connaissances en musique. Au cours des années 1920, il a établi sa réputation non seulement à Toronto mais partout en Ontario et aussi loin qu'à Vancouver. En 1922, il a été invité à jouer au congrès de la National Association of Organists à Chicago. Il était le premier résident canadien à recevoir cet honneur. Sa représentation a suscité des critiques enthousiastes. Cependant, dans ses mémoires, MacMillan mentionne que son exécution a été plutôt mauvaise et il fait l'éloge de celle du Canadien Lynnwood Farnam, qui occupait un poste important dans l'église, à New York. Les deux interprètes étaient considérés comme des organistes de premier ordre en Amérique du Nord. Au cours des deux années suivantes, MacMillan a été souvent invité à présenter des récitals aux États-Unis. La presse américaine l'a surnommé «le Marcel Dupré du Nord», et les critiques étaient toujours élogieuses, ici et ailleurs. La période la plus active de sa vie en tant qu'organiste de récitals a précédé sa nomination à l'Orchestre symphonique de Toronto, mais il a continué à se produire régulièrement au cours des années 1930 et 1940. Bon nombre de ces récitals ont été radiodiffusés, y compris une série pour le réseau anglais de la Société Radio-Canada en 1938 et une autre pour la station commerciale CKEY de Toronto en 1945. Le récital le plus exigeant qu'a présenté MacMillan a peut-être été celui qu'il a donné à l'assemblée annuelle du Collège royal des organistes en 1935. Chaque année, immédiatement après les examens du Collège, un organiste invité devait interpréter toutes les œuvres obligatoires du concours que les candidats avaient été tenus de jouer. L'auditoire regroupait l'élite de la fraternité des organistes de Grande-Bretagne, les candidats à l'examen et des membres du grand public. C'était un grand honneur qu'être l'organiste invité à ces occasions. Les derniers récitals publics de MacMillan ont eu lieu au début des années 1950. D'après son fils Keith, c'est à ce moment que MacMillan a réfléchi à sa carrière d'organiste de récital. Pour lui, il importait de décider s'il devait consacrer davantage de temps à l'instrument et reprendre sa carrière d'organiste ou l'abandonner au profit de la multitude d'autres responsabilités et tâches auxquelles il s'était engagé. Il choisit la deuxième option. MacMillan n'a jamais eu l'intention de devenir un pianiste de concert bien qu'il aimât jouer de la musique de chambre. D'après les informations rassemblées sur sa carrière de pianiste, il a présenté une centaine de concerts et de récitals entre les années 1920 et les années 1950. Il a commencé à jouer avec le Quatuor à cordes de l'Académie en 1919 et au début des années 1920, il a joué avec le Quatuor à cordes de Toronto et le réputé Quatuor à cordes Hart House, fondé par l'honorable Vincent Massey et son épouse. Parmi les œuvres interprétées régulièrement, mentionnons le Quintette en fa mineur de César Franck. Il a quelquefois joué avec le Quatuor à cordes du Conservatoire et, à une occasion, il s'est joint au Quatuor à cordes de McGill, à Montréal, au début des années 1940. MacMillan a souvent été accompagnateur au cours de récitals donnés par des chanteurs réputés tels que Emmy Heim, Lois Marshall, James Campbell McInnes et Ernesto Vinci. Par son œuvre, McInnes a largement contribué à l'amélioration de la vie musicale de Toronto. Il a présenté dans la série de concerts «Tuesday Nine O'Clocks» des programmes inhabituels regroupant des œuvres vocales et de musique de chambre peu connues. MacMillan a rencontré Emmy Heim en 1934 au cours de sa première visite au Canada. Elle a chanté pour lui et pour quelques amis et, à la suite de l'accueil chaleureux qu'elle a reçu, elle a fait ses débuts au Canada en octobre de la même année avec MacMillan comme accompagnateur. Il semble qu'il soit devenu son favori et que les relations entre les deux artistes ait eu un caractère unique. Une fois, alors qu'il avait accompagné une autre chanteuse réputée au cours d'un récital, elle l'a accusé de lui avoir été «infidèle». Au début des années 1940, MacMillan s'est engagé dans ce qui allait être sa plus importante entreprise dans le domaine de la musique de chambre, en collaboration avec Kathleen Parlow et Zara Nelsova. Les trois musiciens ont formé le réputé Canadian Trio, géré par Oxford University Press. Le groupe s'est souvent produit à Toronto et ailleurs. MacMillan a également fait équipe avec Mme Parlow pour former le Canadian Duo. Le réseau anglais de la Société Radio-Canada a diffusé un certain nombre de leurs représentations. À une occasion (en novembre 1942), le Trio a interprété le Concerto en do majeur, op. 56, de Beethoven avec l'Orchestre symphonique de Toronto au Massey Hall. ÉDUCATEUR Il ne peut exister passe-temps plus satisfaisant ... car on ne peut jamais être trop vieux pour lui ... Et il n'existe pas étude plus enrichissante pour le développement global de l'esprit11. En tant qu'éducateur, MacMillan a contribué à poser les fondements de l'avancement de la musique au Canada tout au long de sa vie professionnelle. Il s'est efforcé d'enrichir la vie des jeunes Canadiens par ses activités musicales. Il avait de fortes convictions en matière d'éducation musicale. Selon MacMillan, si les jeunes Canadiens n'avaient pas l'occasion d'être exposés à la musique, l'avenir musical du pays serait gravement compromis, car les auditoires, les interprètes et les créateurs d'œuvres musicales finiraient par faire défaut. Les efforts tant du compositeur que de l'interprète sont inutiles en l'absence d'un auditoire réceptif. Beaucoup ont regretté que MacMillan lui-même n'ait que peu enseigné. Il était avant tout un administrateur et un concepteur de systèmes et de politiques. En juillet 1919, MacMillan a été nommé membre du personnel enseignant de l'Académie canadienne de musique, où il a enseigné la théorie, l'harmonie et le contrepoint de même que le piano et l'orgue. L'année suivante, MacMillan a été invité à effectuer des tournées d'examen pour l'Académie, d'abord à Montréal au Conservatoire de musique de McGill et ensuite dans plusieurs petites villes du sud de l'Ontario. Plus tard, quelques grandes et petites villes des Prairies et de la côte du Pacifique ont été ajoutées au circuit des tournées d'examen. Il a été invité pour la première fois comme juge d'un concours au Festival de musique d'Ottawa de 1924. Le temps consacré par MacMillan à ses fonctions de juge de Festival et d'examinateur au Conservatoire de musique de Toronto (devenu le Conservatoire royal de musique) et la patience dont il a fait preuve témoignent de son intérêt à l'égard des jeunes de tout âge. Il s'est également taillé une réputation sur la scène internationale en tant que juge. En 1937, il a été le premier Canadien à faire partie du jury au concours national de musique et de poésie du pays de Galles et, en 1940, il a aussi assumé les fonctions de juge à un festival tenu en Jamaïque. Plus tard, il a également reçu des invitations pour se rendre aux États-Unis. Ses efforts dans ce domaine ont longtemps été éclipsés par ses nombreux succès dans les sphères plus publiques de sa vie professionnelle. En juin 1924, le Conservatoire de musique de Toronto a fait l'acquisition de l'Académie, et fusionné les deux établissements. MacMillan a conservé son poste d'enseignant et il a accepté des fonctions ailleurs afin d'améliorer sa situation financière. Au Collège du Haut-Canada, il a été responsable de la formation d'un orchestre et il a joué aux services du dimanche soir. MacMillan a aussi été directeur de la musique pour le Théâtre Hart House. Il a écrit la musique de scène de plusieurs pièces et il a dirigé les représentations. À cause de la mauvaise santé d'Augustus Vogt, directeur du Conservatoire, MacMillan a été affecté à des tâches administratives à titre d'adjoint du vice-directeur, Healey Willan. Après le décès de Vogt en 1926, MacMillan a été nommé directeur. En 1927, il est devenu doyen de la Faculté de musique de l'Université de Toronto. Les premières années de son mandat ont été caractérisées par une gamme d'activités et d'améliorations diverses dans le domaine artistique. Parce qu'il avait l'impression que les élèves avaient besoin d'expérience en chant choral, MacMillan a fondé le Chœur du Conservatoire en 1927. Le Chœur a d'abord fait connaître à Toronto le Requiem de Mozart et a poursuivi en présentant des œuvres nouvelles et anciennes. À ses débuts, le Chœur était accompagné par l'Orchestre du Conservatoire. Plus tard, il fut accompagné par l'Orchestre symphonique de Toronto, améliorant ainsi son image. En 1926, MacMillan a organisé les premiers cours d'opéra au Conservatoire. Afin d'offrir d'autres débouchés aux chanteurs, la Compagnie d'opéra du Conservatoire a été créée. De 1928 à 1930, celle-ci a présenté huit opéras, en commençant par Hansel et Gretel, Le Sorcier, Didon et Énée et Hugh the Drover. La Compagnie d'opéra a fait œuvre de pionnière à Toronto, mais elle a dû mettre un terme à ses activités en 1930 à cause de la crise. Il fallut attendre jusqu'en 1946 pour qu'elle soit remise sur pied. Le Quatuor à cordes du Conservatoire, composé de quatre des principaux enseignants de l'établissement, a été formé en 1929. Cet ensemble a suscité par la suite beaucoup d'intérêt à l'égard de la musique de chambre. Des efforts ont été déployés en vue d'améliorer la bibliothèque, et de nouveaux cours ont été offerts. Un certain nombre de changements importants ont été apportés au programme d'études pendant les années 1930, par exemple une révision approfondie du plan de cours de piano, des améliorations apportées aux épreuves de lecture de la musique et d'oreille et des exigences plus sévères quant à la connaissance de la théorie pour l'obtention du diplôme de correspondant. En 1935, le Conservatoire a adopté le système d'examen pour les niveaux I à X. En accord avec le ministère de l'Éducation de l'Ontario, il était possible d'acquérir des crédits à l'école secondaire en vue de l'obtention d'un diplôme du Conservatoire et pour satisfaire aux conditions d'admission à l'université. À la demande du recteur de l'Université de Toronto et du conseil d'administration du Conservatoire, tous deux appuyés par la fondation Carnegie des États-Unis, Ernest Hutcheson (alors recteur de l'École Juilliard) a entrepris une étude de faisabilité concernant l'expansion de l'enseignement de la musique au Canada. À son avis, le Conservatoire était davantage un établissement pour enseignants privés qu'une école; en effet, le Conservatoire offrait des studios et des services administratifs en échange desquels les enseignants remettaient un pourcentage de leurs honoraires. Selon Hutcheson, les enseignants qui n'étaient pas salariés étaient davantage intéressés à garder les élèves doués dans leur propre classe et étaient moins préoccupés de fournir un enseignement complet en musique. Il a préconisé l'établissement d'un corps professoral plus restreint, composé d'enseignants salariés, qui s'efforcerait davantage de fournir des programmes exhaustifs à l'intention des élèves de niveau supérieur de calibre professionnel. Il a aussi recommandé la création d'une division offrant un programme préparatoire ainsi que la tenue de cours d'été. Les recommandations du rapport Hutcheson (1937) n'ont pas été mises en œuvre au moment de sa parution, mais elles ont conduit à l'établissement d'une division pour élèves à un niveau supérieur au Conservatoire en 1946. En 1942, MacMillan a été obligé de donner sa démission à titre de directeur à cause des nombreuses autres fonctions dont il devait s'acquitter. Les activités de l'école supérieure ont été intégrées dans le cadre de la réorganisation globale, en 1952, lorsque l'Université de Toronto a mis sur pied deux grandes divisions regroupées pour former le Conservatoire royal de musique, soit l'École de musique et la Faculté de musique. À cause de la controverse et de la discorde suscitées par ces changements, MacMillan a donné sa démission en tant que doyen. Pendant deux ans, il avait participé aux travaux du comité de planification qui, après analyse, a recommandé la création d'un poste de doyen à temps plein, poste que MacMillan n'a pu accepter à cause de ses nombreuses autres activités. En outre, il était d'avis que le poste devait être comblé par une personne plus jeune ayant une expérience solide du milieu universitaire. Lorsque la rumeur a circulé suivant laquelle la candidature d'Edward Johnson serait proposée, MacMillan s'y est opposé, car Johnson était d'un âge avancé et n'avait aucune expérience du milieu universitaire. Johnson lui-même a fait savoir qu'il n'avait pas l'intention de devenir doyen et qu'il n'avait pas les compétences voulues pour le poste. En l'absence d'autres candidatures proposées, MacMillan a suggéré de reporter la réorganisation d'un an jusqu'à ce qu'un candidat convenable ait été trouvé. La réorganisation s'est quand même faite, sans doyen, mesure que MacMillan a jugé peu judicieuse. L'affrontement qui en a résulté entre lui et l'administration de l'Université de Toronto a fait les manchettes. Ses liens avec l'Université ont été coupés lorsque le poste de doyen de la Faculté a été aboli. En plus de ses fonctions au Conservatoire et à l'Université, en 1927, MacMillan a entrepris la tâche d'éditer A Canadian Song Book (en Grande-Bretagne, A Book of Songs), publié sous les auspices du National Council of Education. Cette anthologie, conçue pour les foyers, les clubs, les écoles et les collèges du Canada, a été largement utilisée dans les écoles canadiennes au cours des années 1930 et 1940. Pendant les années 1930, MacMillan a préparé des documents pédagogiques, souvent en collaboration avec le pianiste et pédagogue Boris Berlin. Citons, entre autres, The Modern Piano Student (1931) et On the Preparation of Ear Tests (1938), publiés par Frederick Harris Co. d'Oakville, en Ontario. MacMillan, qui a toujours été étroitement associé aux jeunes, jouissait d'une immense popularité auprès d'eux. Les Concerts pour les enfants et les Concerts pour les écoles secondaires ont occupé une place importante au cours de chacune des saisons de l'Orchestre symphonique de Toronto. L'Orchestre, la Commission scolaire de Toronto et le ministère de l'Éducation de l'Ontario ont collaboré à ces activités. L'Orchestre a présenté son premier concert pour les enfants au cours de la saison 1924-1925. Après une interruption, il a repris ces concerts en 1929-1930. Le 11 février 1941, MacMillan a dirigé l'Orchestre à l'occasion du premier concert pour les écoles secondaires, événement organisé après de nombreuses demandes de la part des enseignants et des élèves. En effet, depuis quelque temps, les directeurs de l'Association de l'orchestre étaient d'avis qu'il fallait offrir des programmes à l'intention des jeunes qui aimaient la musique symphonique, de façon à combler le vide entre les Concerts pour les enfants et les concerts réguliers. Parmi les jeunes solistes canadiens qui se sont produits avec l'Orchestre, mentionnons Lois Marshall, Jon Vickers, Frances James et Glenn Gould. Dans ses mémoires, MacMillan a indiqué que c'est à cause des Concerts pour les écoles secondaires qu'il a refusé le poste de titulaire de l'illustre chaire Reid de musique à l'Université d'Édimbourg, pour succéder à feu sir Donald Tovey. Il a écrit : «Jouer pour un tel auditoire m'a donné (et à mon avis il en est de même pour de nombreux musiciens) une sensation que je n'avais jamais ressentie12.» MacMillan a également présenté des concerts similaires pour les enfants et les jeunes lorsqu'il était chef d'orchestre invité à Vancouver, à Montréal, aux États- Unis et pendant sa tournée en Australie. Les premières émissions radiodiffusées pour les écoles, en Ontario, ont été présentées en 1942- 1943 dans le cadre d'une série expérimentale de dix programmes d'éveil à la musique, d'une durée de 45 minutes, mettant en vedette divers solistes accompagnés par l'Orchestre symphonique de Toronto, avec MacMillan au pupitre. Ces émissions ont été le point de départ de la série «Music for Young Folk» conçue initialement pour les élèves des classes de 7e et de 8e et plus tard, pour tous les niveaux (primaire, premier et deuxième cycles du secondaire). La série «Music for Young Folk» a été présentée sous diverses formes jusqu'en 1964. Ces émissions ne visaient pas à remplacer l'enseignement de la musique en classe, mais plutôt à enrichir l'expérience musicale des jeunes. En 1945, l'Office national du film du Canada a filmé pour la première fois l'Orchestre symphonique de Toronto. Les deux films produits ont été offerts pour distribution à des fins éducatives. Pendant son voyage au Brésil en 1946, MacMillan a projeté ces films dans une école qu'il a visitée à Rio de Janeiro. En 1936, une enseignante de l'école secondaire de premier cycle Templeton à Vancouver, Marjorie Agnew, une amie d'enfance de MacMillan, a fondé les Clubs de beaux-arts sir Ernest MacMillan afin d'encourager les activités dans le domaine des beaux-arts chez les élèves. Mlle Agnew avait l'impression que ses élèves seraient privés de quelque chose s'ils n'avaient aucun contact direct avec les arts. MacMillan a approuvé l'utilisation de son nom et il s'est intéressé activement à l'évolution des clubs qui se sont finalement répandus dans diverses écoles à Vancouver, dans d'autres grandes et petites villes de la Colombie-Britannique et à l'extérieur de la province. Les clubs étaient notamment axés sur la musique, mais ils offraient également des activités dans les domaines de la littérature, des arts visuels et de la danse, compte tenu des intérêts et des connaissances de leur promoteur à l'égard des autres formes d'arts. Les clubs ont cessé d'exister au cours des années 1970 à cause de la santé chancelante de Mlle Agnew. MacMillan a également été étroitement associé au mouvement des Jeunesses musicales du Canada (JMC), devenu Youth and Music Canada à l'extérieur du Québec, dont il a été président national de 1961 à 1963 et ensuite président honoraire à vie. Cette organisation sans but lucratif, fondée en 1949, a pour mission d'encourager l'étude de la musique chez les jeunes Canadiens et d'aider les interprètes et les compositeurs de talent à faire carrière au Canada et à l'étranger. Elle fait également partie de la Fédération internationale des Jeunesses musicales. La JMC est bien connue pour ses camps de musique, pendant l'été, au mont Orford (Québec) et pour les tournées de concerts qu'elle organise pour de jeunes solistes. La longue liste des artistes qui ont bénéficié de cette organisation comprend des Canadiens remarquables tels que Maureen Forrester, Louis Quilico et Bernard Lagacé. De 1959 à 1966, MacMillan a assumé le rôle de chef d'orchestre au Concours national du réseau anglais de la Société Radio-Canada. Ayant dû cesser cette activité pour des raisons de santé, il a néanmoins continué, jusqu'en 1968, d'être commentateur et juge au Concours. À ce titre, il a voyagé régulièrement partout au Canada et il a profité de son poste pour encourager directement et personnellement les jeunes musiciens. Au milieu des années 1960, il a également assumé à de nombreuses occasions les fonctions de commentateur au cours de programmes de musique diffusés à la radio du réseau anglais de la Société Radio-Canada et, de 1951 à 1955, il a animé une émission de radio hebdomadaire, d'une durée d'une heure, intitulée «Sir Ernest Plays Favourites» à la station CKEY de Toronto. L'émission a gagné deux prix en 1952, soit un Ohio Radio Award et un Canadian Radio Award, parrainés par la Canadian Association for Adult Education. MacMillan a pris part à de nombreuses autres activités moins connues. Il a été invité à présenter un mémoire à la Commission royale d'enquête sur l'éducation en Ontario, présidée par le juge J.A. Hope. Après avoir été contacté par le Comité des citoyens pour l'enfance (Ottawa), MacMillan a écrit le chapitre d'introduction à la section sur la musique du livre What's What for Children. Malgré son horaire très chargé, il a été conférencier ou président des débats à des colloques de l'International Federation of Music Students and of Student Composers. Il a également participé à des activités importantes organisées par divers établissements voués à la musique, par exemple il a prononcé des allocutions à des collations des grades. ADMINISTRATEUR À une époque où les gouvernements de pratiquement tous les pays civilisés se préoccupent de diffuser et de promouvoir les produits culturels nationaux, nous traînons toujours lamentablement derrière. Nous perdons plus que nous ne pensons13. MacMillan s'est occupé de questions administratives pendant la majeure partie de sa carrière — il a organisé des chœurs, des concerts et des activités spéciales, il a travaillé pour divers comités, commissions et organisations. À titre de directeur du Conservatoire, il devait également s'acquitter d'obligations n'ayant pas trait à la musique. Vers la fin des années 1940, MacMillan a accepté des tâches additionnelles, en relation avec l'Association des compositeurs, auteurs et éditeurs du Canada (CAPAC), le Conseil canadien de la musique, le Centre de musique canadienne et, finalement, le Conseil des Arts du Canada. MacMillan a participé à la fondation du Conseil canadien de la musique en 1946. Lorsque, en 1944, le comité de la Chambre des communes chargé de la reconstruction d'après-guerre a été prêt à écouter des porte-parole de toutes les sphères d'activité, il n'existait aucune organisation pour prendre la parole au nom des musiciens canadiens. MacMillan, après avoir été contacté par des personnes intéressées, s'est empressé de former un comité et de présenter un rapport sur les problèmes et les espoirs des milieux musicaux. Il a demandé à Charles Peaker d'assumer la présidence. Quelques mois plus tard, vingt personnes se sont réunies à Toronto et ont décidé d'adopter comme nom le Conseil canadien de la musique. L'année suivante, Peaker a donné sa démission, et MacMillan l'a remplacé. L'organisation avait comme buts de fournir des renseignements sur la musique au Canada, de représenter les milieux musica1ux auprès des gouvernements et des organisations internationales et de contribuer à l'avancement de la musique au Canada. Lorsque le Conseil a reçu une charte fédérale en 1949, MacMillan en est devenu le président. Il l'est demeuré jusqu'à sa retraite en 1966. Avant la création du Conseil des Arts du Canada, qui est un organisme subventionnaire, le Conseil canadien de la musique a réalisé de nombreux projets remarquables. En 1955, il a publié le livre Music in Canada, édité par MacMillan, qui comporte 18 chapitres sur des aspects précis de la musique rédigés par des spécialistes. Ce document est la première vue d'ensemble exhaustive de la scène musicale au Canada. Un an plus tard, le Conseil a publié le premier numéro du Canadian Music Journal, qui a été le premier périodique canadien de grande qualité traitant de musique. Le projet le plus important et le plus ambitieux du Conseil a été l'établissement, en 1959, du Centre de musique canadienne, soit une bibliothèque et un centre d'information voués à la diffusion et à la promotion de la musique canadienne; à noter que cet organisme est toujours florissant. Le Conseil canadien de la musique est devenu le comité canadien du Conseil international de la musique en 1952 et du Conseil interaméricain de la musique (CIDEM) en 1959. On compte désormais parmi ses membres des particuliers et des organisations. De 1947 à 1969, MacMillan a été président de la CAPAC. En plus des fonctions principales de l'organisation, soit délivrer des licences pour les représentations et recueillir et distribuer les redevances, la CAPAC a offert un appui aux milieux musicaux canadiens de diverses façons. Son magazine mensuel bilingue, The Canadian Composer et Le Compositeur canadien, a paru pour la première fois en 1965 et a été publié jusqu'en 1990, lorsqu'il a été remplacé par Canadian Composer et Compositeur canadien, magazine publié séparément en français et en anglais par la Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SOCAN). À la suite de la hausse de la rémunération des membres de l'organisation, le nombre de compositeurs canadiens a grandement augmenté. MacMillan a fait beaucoup pour défendre les droits des compositeurs, mais cette facette de son œuvre n'est pas bien connue; cependant, en 1957, la Société allemande pour les droits liés à la représentation musicale et à la reproduction mécanique (GEMA) lui a décerné la médaille Richard Strauss «en reconnaissance de ses services remarquables pour la protection du droit d'auteur». Malgré son amour de la musique dite «sérieuse», MacMillan s'est également dévoué pour l'avancement et la reconnaissance des compositeurs de musique populaire. Lorsque le Conseil des Arts du Canada a été créé en 1957, MacMillan faisait partie des membres fondateurs. On peut retracer les origines du Conseil jusqu'à la période suivant la fin de la Deuxième Guerre mondiale, alors qu'une organisation de bénévoles, le Conseil canadien des Arts, composée de personnalités du monde artistique, de protecteurs des arts et de groupes culturels, a été établie. Ce conseil voulait qu'une commission royale d'enquête sur l'avancement des arts, de la littérature et des sciences soit mise sur pied. En fait, la Commission royale d'enquête sur l'avancement des arts, lettres et sciences au Canada (communément appelée la Commission Massey) a été établie en 1949 sous la présidence de Vincent Massey. D'août 1949 à juillet 1950, la Commission a tenu un peu partout au Canada des audiences publiques auxquelles la plupart des 450 mémoires présentés ont été exposés, et elle a invité des spécialistes dans différents domaines à effectuer des études spéciales. L'une de ces études, portant sur la musique, a été rédigée par MacMillan. En 1951, la Commission a publié un rapport qui est considéré comme un document de la plus haute importance dans l'histoire culturelle du Canada, étant donné que l'on y préconise le principe de l'appui du gouvernement fédéral aux activités culturelles et propose l'établissement d'un Conseil des Arts du Canada. Le Conseil avait comme objectifs principaux d'encourager et de promouvoir l'étude, l'appréciation et la production d'œuvres artistiques. MacMillan a travaillé en étroite collaboration avec des figures connues telles que Brooke Claxton, Georges P. Vanier et Albert Trueman, également membres du Conseil. MacMillan a été nommé au Conseil et il a assumé deux mandats de trois ans chacun. Ses conseils étaient particulièrement recherchés non seulement à cause de son expérience et de sa réputation, mais aussi parce qu'il était l'un des rares artistes professionnels actifs parmi les membres du Conseil. DISTINCTIONS Le maintien de normes élevées ainsi que la diffusion des connaissances sur la musique et la réalisation d'activités musicales ont été le moteur de sir Ernest; rares sont les régions de notre pays qui ne continuent pas de bénéficier du travail de cette personnalité franche du monde de la musique14. MacMillan a été l'un des musiciens canadiens les plus influents de son temps; il a consacré sa vie et ses énergies au service et à l'avancement de la musique dans notre pays. Il est un pionnier à qui nous sommes grandement redevables pour la profondeur et la richesse du patrimoine musical du Canada. Les apports remarquables de MacMillan ont été reconnus par de nombreux prix, distinctions et titres qui lui ont été décernés tout au long de sa carrière. Fait intéressant, la première reconnaissance officielle du travail de MacMillan est venue de l'étranger plutôt que de son pays natal. Il a été le premier Canadien à être élu membre du Collège royal de musique de Londres en 1931 et il a été nommé membre honoraire de l'Académie royale de musique en 1938. En 1935, MacMillan a été fait chevalier par le roi George V «pour services rendus à la musique au Canada». Pendant son mandat, le premier ministre R.B. Bennett a remis à l'honneur la pratique, abandonnée en 1919, de l'octroi de titres à des Canadiens. En 1934, le titre de chevalier avait été décerné à sir Frederick Grant Banting (pour sa découverte de l'insuline en collaboration avec d'autres chercheurs) et à d'autres Canadiens, mais le premier ministre était d'avis que les artistes devaient bénéficier d'une reconnaissance similaire. C'est pourquoi il a recommandé au roi les noms de MacMillan, du peintre Edmund Wyly Grier et du poète Charles G.D. Roberts. MacMillan, qui n'avait pas encore 42 ans, était le plus jeune des trois à recevoir le titre de chevalier, faisant ainsi honneur au monde de la musique dans son ensemble. MacMillan a reçu le prix national de musique de l'Université de l'Alberta (1952), la médaille du Conseil des Arts du Canada (1964), créée pour souligner les réalisations remarquables dans le domaine des arts ou des sciences sociales; il a été fait compagnon de l'Ordre du Canada (1969), pour ses réalisations remarquables et ses mérites du plus haut niveau; et il a reçu la médaille du Conseil canadien de la musique (1973, décernée à titre posthume) pour services remarquables rendus à la musique au Canada. De plus, des grades honoris causa lui ont été conférés par l'Université de la Colombie- Britannique (1936), l'Université Queen's (1941), l'Université Laval (1947), l'Université McMaster (1948), l'Université de Toronto (1953), l'Université de Rochester (1956), l'Université Mount Allison (1956), l'Université d'Ottawa (1959), l'Université de Sherbrooke (1962) et le Chicago Conservatory College (1971). À l'occasion des 70e et 75e anniversaires de naissance de MacMillan, il y a eu des hommages publics, des publications spéciales et des reprises de ses œuvres. En 1963, des subventions offertes par la CAPAC à l'Université de Toronto ont contribué au financement des conférences MacMillan (par la suite CAPAC-MacMillan). Ces conférences ont été présentées chaque année jusqu'en 1977 dans le cadre des cours d'été du Conservatoire royal de musique. Le premier conférencier a été Glenn Gould. En 1964, MacMillan a lui-même présenté les trois exposés publics dans le cadre de cette série annuelle ayant pour thème le public canadien de la musique. Les autres conférenciers ont été Jean Vallerand, Zoltán Kodály, Welton Marquis, Peter Maxwell Davies, Ravi Shankar, Wilfrid Pelletier, Aaron Copland, Galt MacDermot, György Ligeti, Maureen Forrester, Luciano Berio, Arthur Schwartz et Iannis Xenakis. Le Théâtre MacMillan, situé dans les nouveaux locaux de la Faculté de musique de l'Université de Toronto (dont l'ouverture officielle a eu lieu en 1964), a été ainsi nommé en son honneur. En 1970, la CAPAC a créé la bourse sir Ernest MacMillan, décernée aux auteurs de compositions pour 12 musiciens ou plus. Au début, la bourse de 2000 $ était offerte uniquement aux compositeurs qui étaient diplômés d'universités canadiennes et qui avaient l'intention de poursuivre des études postdoctorales au Canada. En 1976, la bourse a été augmentée, et les étudiants du Conservatoire royal de musique et du Conservatoire de musique du Québec sont devenus admissibles. Les lauréats étaient autorisés à poursuivre leurs études au Canada ou à l'étranger. En 1984, les deux fils de MacMillan, Keith et Ross, ont créé la fondation commémorative sir Ernest MacMillan qui offre des bourses annuelles pouvant atteindre 10 000 $ pour des études supérieures au niveau des deuxième et troisième cycles dans des domaines qui ne bénéficient pas déjà de subventions d'autres organismes. Pour de plus amples renseignements: Sir Ernest MacMillan Memorial Foundation Suite 4700 Toronto Dominion Bank Tower Toronto-Dominion Centre Toronto (Ontario) M5K 1E6 Téléphone : (416) 601-7588 NOTES 1. Traduction de : Ernest MacMillan, [Memoirs] (inédit, s.d.), chapitre «Canadiana», pages 3-4. Fonds sir Ernest MacMillan, Section des manuscrits, Division de la musique, Bibliothèque nationale du Canada. 2. Traduction de : Looking Back: Reminiscences of the Rev. Alexander MacMillan, D.D., Mus. D. (1864-1961) Written Between 1940-1945, Keith et Pat MacMillan (éd.) (inédit, 1987- 1988), p. 36. Fonds Keith MacMillan, Section des manuscrits, Division de la musique, Bibliothèque nationale du Canada. 3. Traduction de : Ernest MacMillan, [Memoirs], chapitre «Early Recollections», p. 5. 4. Ibidem, p. 3 5. Ibidem, p. 7. 6. Traduction de : lettre à Elsie Keith, le 25 mars 1915. Fonds sir Ernest MacMillan, Section des manuscrits, Division de la musique, Bibliothèque nationale du Canada. 7. Traduction de : lettre à Elsie Keith, le 12 août 1917. Fonds sir Ernest MacMillan, Section des manuscrits, Division de la musique, Bibliothèque nationale du Canada. 8. Traduction de : Ernest MacMillan, «Some Problems of the Canadian Composer», conférence commémorative Samuel Robertson, prononcée au Prince of Wales College, Charlottetown (Î.-P.-É.), le 7 mai 1956, p. 13. Fonds sir Ernest MacMillan, Section des manuscrits, Division de la musique, Bibliothèque nationale du Canada. 9. Traduction de : Keith MacMillan, «Parallel Tracks: Ernest Campbell MacMillan in the 1930s and 1940s», dans Canadian Music in the 1930s and 1940s (Kingston (Ontario) : Université Queen's, 1986), p. 11. 10. Traduction de : Ernest MacMillan, «Music Concert Performance», dans Encyclopedia Canadiana (1958), vol. 7, p. 225. 11. Traduction de : MacMillan, «Music for Teenagers», (inédit, s.d.), p. 1. Fonds sir Ernest MacMillan, Section des manuscrits, Division de la musique, Bibliothèque nationale du Canada. 12. Traduction de : MacMillan, [Memoirs], chapitre «The Toronto Conservatory», p. 12. 13. Traduction de : MacMillan, «Some Problems of the Canadian Composer», p. 13. 14. Traduction de : J. Hugh Faulkner, The Canadian Composer, n° 82 (juillet 1973), [p.3].