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Bannière: Musique en feuilles canadienne d'antan
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La musique en feuilles canadienne avant 1867

Contexte

Dans la collection de Bibliothèque et Archives Canada, les plus anciens exemples de musique en feuilles touchant le Canada ont été publiés à Londres vers la fin XVIIIe siècle, époque où l'on vouait un véritable culte aux héros de guerre. La demande de musique de guerre était satisfaite par les morceaux comme Siege of Quebec de W.B. de Krifft, On the Death of General Wolfe, la ballade poignante de Thomas Paine et How Stands the Glass Around du général James Wolfe lui-même, écrit peut-être à la veille de la bataille des plaines d'Abraham. Des nouvelles obtenues de voyageurs traversant les provinces britanniques alimentaient la fascination que les nouveaux territoires exerçaient sur les Européens. Leurs récits parlaient de chants, de musique de violoneux et de danse, surtout dans le Canada français, et les chansons rythmées des voyageurs n'ont pas tardé à devenir légendaires grâce aux versions romantiques parvenues à l'Ancien Monde. Après un de ces voyages, Thomas Moore a écrit la célèbre chanson A Canadian Boat Song et l'a publiée à Londres en 1805. Cette chanson était tellement populaire qu'elle fut, au cours des quatre décennies suivantes, maintes fois reprise à Boston, à New York et à Philadelphie.

L'édition musicale, industrie alors florissante en Europe, n'a commencé au Canada qu'en 1800. Le Graduel Romain (Québec, John Neilson, 1800) a été suivi rapidement par d'autres publications liturgiques et cahiers de musique sacrée pour répondre aux besoins des communautés chrétiennes en plein essor partout au Canada. Quant aux chansons et danses traditionnelles, comme celles que les habitants transmettaient oralement d'une génération à l'autre, d'un village à l'autre, le besoin ne s'est pas fait sentir de les transcrire ni de les publier.

Par contre, la musique imprimée se révèle nécessaire pour les professeurs de musique et leurs élèves, issus d'un milieu restreint privilégié où le talent musical est considéré comme une marque de distinction sociale. L'engouement pour la nouvelle musique se trouve aiguisé, d'une part, par les concerts, les récitals et les bals animés souvent par des musiciens amateurs et des membres d'harmonies militaires; d'autre part, l'essor des villes amène l'émergence d'une classe moyenne aisée, qui réclame des pièces relativement simples, notamment pour les jeunes femmes dont le statut social et les chances de mariage sont largement confortés par leur aptitude à jouer d'un instrument ou à bien chanter. Pour répondre à cette demande croissante, les marchands d'instruments de musique ont dû stocker une vaste gamme de partitions et de pièces de musique en feuilles importées.

De 1840 à 1850, l'immigration de masse, particulièrement en provenance d'Irlande, d'Angleterre et d'Écosse, a considérablement élargi le marché des biens de consommation de toutes sortes. De 1831 à 1861, la population du Bas-Canada (Canada-Est après 1840) a presque doublé, tandis que celle du Haut-Canada (Canada-Ouest), où les colons pouvaient aisément s'établir, a quintuplé. Comme bon nombre d'immigrants vivaient relativement isolés, la musique, obtenue parfois grâce à l'abonnement aux journaux et aux magazines, constituait non seulement une source de divertissement, mais aussi un lien à la civilisation. Le récit de Susanna Moodie relativement à la manière dont elle a pu sauver la flûte de son mari lors d'un incendie 1 (voir son célèbre ouvrage Roughing It in the Bush, Londres, 1852), et sa lettre à son éditeur dans laquelle elle exprime sa reconnaissance au sujet de l'arrivée du piano et décrit les modalités de paiement 2 illustrent de manière émouvante l'importance de la musique dans la vie des pionniers.

Les débuts

Les périodiques canadiens de cette époque offrent dans leurs colonnes des nouvelles locales et européennes, des articles sur la mode, des nouvelles de l'édition et des produits de divertissement sous forme de feuilletons, de poésie et -- occasionnellement -- de musique. The Literary Garland (1838-1851) figure parmi les premiers périodiques à grand succès. Publié à Montréal par John Lovell, le premier aussi à reconnaître les talents littéraires de Susanna Moodie, ce périodique diffuse, dans chaque numéro mensuel de 45 à 50 pages, une pièce de musique simple. Plusieurs pièces de la main de J.W. Dunbar Moodie, le mari de Susanna, seront publiées ainsi. Le 19 septembre 1831, La Minerve, journal bihebdomadaire montréalais, fait paraître la toute première pièce de musique dans un journal ou magazine. À la une, Ludger Duvernay, propriétaire-éditeur, patriote fervent et fondateur de la Société Saint-Jean-Baptiste, annonce fièrement l'acquisition d'une coûteuse police de caractères de musique et offre ses services d'impression à quiconque veut en faire tirer des copies multiples. Toutefois, en raison des problèmes économiques et des bouleversements politiques, y compris l'exil provisoire de Duvernay lui-même au Vermont, il n'a pu tenir ses promesses que vers la fin des années 1840. Hebdomadaire de langue française publié à Québec par Marc-Aurèle Plamondon et imprimé par Stanislas Drapeau, Le Ménestrel propose, en plus des vingt pages par numéro, quatre pages de musique séparées en vue d'en faciliter l'emploi, et éventuellement, la reliure. Cette entreprise ambitieuse n'a pas fait long feu (juin 1844 - janvier 1845), mais à cette époque l'édition des pièces de musique individuelles se généralise déjà dans les deux parties de la Province du Canada.

Voici une annonce parue bien avant dans le journal Quebec Mercury du 11 août 1818 :

NEW MUSICAL PUBLICATION.

MR. FREDERIC HUND respectfully acquaints the
public that he has established himself in this City
as an ENGRAVER OF MUSIC and PIANO FORTE MAKER.
Just Published, and for sale at Frederic Hund's,
John Street, a few doors from Mr. Malhiot's Hotel,
The BERLIN WALTZ, (containing two folio pages.)
Shortly will be published a collection of NEW GER-
MAN WALTZES
in Sets of twelve each.
Piano Forte's repaired, exchanged and tuned, on the
shortest notice. -Quebec, 1st August, 1818.
[NOUVELLE PUBLICATION MUSICALE

M. FREDERIC HUND
fait respectueusement savoir
au public qu'il s'est établi dans cette ville comme
GRAVEUR DE MUSIQUE et FACTEUR DE PIANO-FORTE.
Vient de paraître et en vente libre chez Frederic Hund,
de la rue John, à quelques pâtés de maisons de l'hôtel Malhiot,
La VALSE DE BERLIN (en deux pages folios).
À paraître très bientôt une collection de NOUVELLES
VALSES ALLEMANDES
en série de douze chacune.
Piano-forte réparé, échangé et accordé à court
préavis. -- Québec, 1er août 1818.]

Toutefois, il ne se trouve à ce jour aucune copie de ces anciennes pièces de musique en feuilles, ni de celle qu'on annonce plus tard la même année (15 octobre) dans La Gazette de Québec :


A. KYLE, MUSIC MASTER, 68TH BAND. Begs leave
to inform the Nobility and Gentry of Quebec and its
Vicinity, that he has lately composed a march, and
arranged it for the Piano Forte. Said March is humbly
dedicated by permission to His Grace, the Duke of
Richmond, &c.; &c.; &c.; N.B. Copies of the March can be
had at Mr. Kyle's, Hope Gate Barracks.

[A. KYLE, MAÎTRE MUSICIEN, 68e ORCHESTRE
se permet d'informer la Noblesse et la Petite noblesse de
Québec et des alentours qu'il vient de composer une
marche et l'a arrangée pour piano-forte. Ladite marche est
humblement dédiée par consentement à Monsieur le duc
de Richmond, etc. N.B. Les copies de cette marche sont
en vente libre chez M. Kyle à Hope Gate Barracks.]

L'année suivante, le compositeur John Brauneis fait la publicité dans La Gazette de Québec de deux musiques intitulées Grand Overture of Quebec (8 mars 1819) et A musical piece … in Memory of His Grace, the late Duke of Richmond… (16 septembre 1819) et mises en vente libre chez lui. Bien qu'on puisse supposer que les trois pièces ont été imprimées par Frederic Hund, le seul graveur de musique au cours de ces années à Québec, on ne peut toutefois en être certain sans avoir retrouvé ces pièces.

L'année 1840

Bien que des pièces de musique aient été publiées séparément au Canada dans les années 1820 et 1830, les plus anciennes dont dispose Bibliothèque et Archives Canada et qui peuvent être datées avec certitude remontent à 1840. Mais là s'arrêtent leurs points communs. La première s'intitule The Merry Bells of England, une transposition nostalgique et patriotique du poème de J.E. Carpenter, et nous la devons à J.F. Lehmann, chef de chœur de Bytown (Ottawa). Imprimée par John Lovell dans son établissement (The Literary Garland) et entièrement composée dans le style simple auquel ses lecteurs sont habitués, cette pièce est une œuvre charmante et accessible qui aurait bien plu aux Canadiens britanniques dans toutes les colonies. Évoquant l'amour perdu, la deuxième pièce, Le Dépit amoureux, est une ballade mélancolique du Suisse Napoléon Aubin, éditeur du Canadien. L'accompagnement pour cette ballade vient du compositeur Charles Sauvageau. En page couverture, tracé à main levée et lithographié par Aubin lui-même, comme la pièce de musique au verso, Le Dépit amoureux présente un aspect mélodramatique. Le premier couplet est assez maladroitement composé sous la portée, alors que toutes les strophes sont soigneusement composées au recto. De plus, ce chant est imprimé sur du papier rosé de qualité médiocre à « l'Imprimerie litho-typographique de N. Aubin & W.H. Rowen… à Québec », et on a pu le dater grâce à une annonce parue le 20 juillet 1840 dans Le Fantasque. Une déclaration précédente vise à s'excuser déjà auprès des lecteurs de cette première tentative décevante :

… que nous espérons en améliorer le travail à mesure que nous exercerons l'art lithographique qui nous était auparavant étranger. (16 mars 1840, p. 103)

Procédés d'impression

Lithographie : Ce procédé d'impression à l'aide d'une pierre spécialement traitée n'était qu'à ses balbutiements. Il était peu adapté au tirage des pièce de musique et rarement utilisé à l'époque. On trouve quand même dans cette partie de la collection deux des pièces d'Antoine Dessane publiées d'après ce procédé : Le Chant des voyageurs et La Mère canadienne. Compositeur et organiste québécois, Dessane, ancien élève de Cherubini au Conservatoire de Paris, figure parmi les associés de César Franck. Il avait installé aussi un atelier de lithographie à domicile.

Composition : La composition est le procédé de prédilection des éditeurs de journaux et de livres comme John Lovell ou Sénécal, Daniel & Cie (maison devenue ultérieurement Eusèbe Sénécal), imprimeur du Journal de l'instruction publique et de L'Écho du Cabinet de lecture paroissial. En 1859 et de 1862 à 1863 respectivement, ces deux journaux offraient des pièces musicales. De la main d'Alfred Mignault, étudiant en médecine, la Polka mazurka des étudiants en médecine illustre le savoir-faire de Sénécal. Il n'en reste pas moins que la composition comporte des limites en ce qui concerne l'impression des pièces de musique plus mouvementées ou complexes. En témoignent Souvenir de Venise et L'Incantation de la jongleuse d'Ernest Gagnon, toutes deux imprimées par John Lovell.

Gravure : Procédé d'impression privilégié des éditeurs de pièce de musique, la gravure se fait à partir de plaques en métal partiellement étampées et partiellement gravées. Couramment utilisée en Europe au XVIIIe siècle, la gravure n'a fait son apparition aux États-Unis qu'au début du XIXe siècle. Elle exige certes des outils particuliers et des aptitudes spéciales, mais la musique qui en résulte est d'un aspect plus net et plus lisible. La collection de Bibliothèque et Archives Canada révèle que, dans les années 1820 et 1830 et jusque vers la fin des années 1840, les compositeurs canadiens, par exemple Alexander Duff -- The Montreal Bazaar Waltz (New York, Dubois & Stodart, vers 1830) -- et le directeur d'harmonie Joseph Maffré -- The Original Canadian Quadrilles (New York, Firth & Hall, 1847) -- se sont tournés vers les États-Unis et l'Europe pour se faire publier.

A. & S. Nordheimer

En 1844, les frères Abraham (son neveu Albert lui succède en 1862 ) et Samuel Nordheimer avaient un magasin de musique à Toronto. Peu de temps après, ils ont commencé à publier de la musique en feuilles gravée, devenant ainsi avant la Confédération la première et de loin la plus grande maison d'édition spécialisée, avec d'étroites relations commerciales dans le monde de l'édition américaine. Seul membre canadien du Board of Music Trade of the United States of America, la maison Nordheimer compte 272 pièces dans son catalogue de 1870. Cependant, la plupart sont gravées et probablement même imprimées aux États-Unis. Pour beaucoup, les droits d'auteur y sont déposés par l'intermédiaire d'un agent à New York, une démarche astucieuse sur le plan commercial. Trois de leurs pièces les plus anciennes attribuent la gravure à John Ellis, de Toronto : Beautiful Venice de J.P. Knight, Empress Henrietta's Waltz d'Henri Herz et Those Evening Bells Quick March de St. George B. Crozier. Violoncelliste amateur, Ellis fut graveur de 1843 à 1868, à en croire le répertoire torontois, mais il n'existe pas d'autre preuve qu'il a pris part à l'édition de pièces de musique.

 
  « The Band: a selection of fashionable dances for the piano forte » de C.P. Woodlawn

Les premières publications de la maison Nordheimer se composent en grande partie de réimpressions, notamment des œuvres européennes populaires que sont la musique de salon et les arrangements d'airs tirés des opéras de Bellini et de Donizetti. Bon nombre d'entre elles sont quand même de la main de résidents canadiens comme James Paton Clarke (The Emblem of Canada), St. George B. Crozier (La Crosse Waltzes), Thomas Charles Crozier (Les Belles de Toronto), Julius Hecht (St. Lawrence, or The Graceful Step Polka) et Henry Schallehn (Ontario Quick March). Presque toutes ces œuvres sont pour piano ou voix seule, ce qui fait bien entendu le bonheur des éditeurs et des marchands de musique en feuilles. La maison Nordheimer colore rarement la couverture de sa musique en feuilles et fait publier les pièces les plus novatrices aux États-Unis. N'empêche qu'elle figure parmi les rares éditeurs canadiens de l'époque à faire paraître la musique en série. C'est le cas de la pièce The Band: a Selection of Fashionable Dances for the Piano Forte dont la couverture élaborée et le mélange de valses, de galops et de quadrilles reflètent autant la grande popularité des jardins d'agrément et des concerts en plein air que le goût de l'époque.

Autres marchands et éditeurs de musique

Peter Grossman, ancien directeur d'harmonie et animateur passionné de la vie musicale de Hamilton, tenait un magasin de musique vers 1855, puis s'est mis à l'édition en 1863. The Gordon Galop et Regimental March, de William Miller, directeur d'harmonie de Prince Consort's Own Rifle Brigade, ainsi que Stolen Kisses Galop de James Kennedy, datent d'avant la Confédération (1867).

Dès 1840 il y avait à Montréal plusieurs marchands de musique qui s'adonnaient aussi à l'édition musicale. J.W. Herbert & Co. a, dès 1837, commencé à se faire connaître comme facteur et réparateur de pianos et d'orgues et, vers 1842, sa raison sociale, Magasin de la Lyre d'Or, laissait entrevoir des activités de détail confirmées en 1854 par l'annuaire de la ville : « Dans deux domaines -- musique en feuilles et publications musicales -- ils possèdent de nombreux atouts pour avoir conclu avec plusieurs grands éditeurs européens des arrangements permettant la cession rapide et la réimpression des copies de choix. » Seules trois de ses publications retrouvées à ce jour, y compris The Snow Shoe Tramp de Harold F. Palmer, sont réellement imprimées au Canada, et ce, par John Lovell suivant son style typographique traditionnel. Les autres publications, dont la majorité sont écrites par des Canadiens ou traitent de thèmes canadiens, sont imprimées aux États-Unis. Herbert est parmi les premiers éditeurs canadiens à illustrer la couverture de ses publications, telle celle du pont Victoria sur l'édition du Grand Trunk Waltzes de Charles d'Albert.

Mead, Brothers & Co. / Mead & Fowler sont aussi facteurs de pianos et importateurs d'instruments et de musique européenne. À ce qu'il paraît, leurs activités d'édition se limitent aux années 1848 et 1849. The Assembly Waltzes, une pièce de Henry Schallehn dédiée aux dames de Montréal, est un exemple de leurs publications.

 
  «  Le bouquet de perles » de Henry Prince

Henry Prince a, en 1854, succédé à Mead au « Sign of the Harp » situé rue Notre-Dame, à Montréal. Musicien et directeur d'harmonie réputé, Prince est aussi un compositeur prolifique de musique de danse pour piano comme Le Bouquet de perles, une pièce à couverture haute en couleur. Plusieurs de ses publications, telles que Form Riflemen Form! (imprimée par John Lovell en 1859) et Shoulder to Shoulder on to the Border, sont d'inspiration patriotique. Au moins soixante-quinze pour cent de ses publications sont de la main de Canadiens, et il semble que Prince soit le premier éditeur à promouvoir sa spécialisation, comme en témoigne cette annonce parue du 18 juillet au 16 septembre 1857 dans The Montreal Daily Transcript and Commercial Advertiser :

NEW CANADIAN MUSIC
Visitors who are desirous of procuring the
NATIONAL MELODIES OF CANADA
and the Compositions of various popular
CANADIAN COMPOSERS, should call at

Prince's London Music Store,
145 NOTRE DAME STREET

Where a large assortment of the Newest and
most Fashionable European and American Music
is constantly kept on hand.

H. PRINCE

[NOUVELLE MUSIQUE CANADIENNE
Les visiteurs qui désirent se procurer les
MÉLODIES NATIONALES DU CANADA
et les œuvres de divers COMPOSITEURS
CANADIENS populaires doivent s'adresser à :

Prince's London Music Store
145, rue NOTRE-DAME

Gamme très étendue de nouveautés européennes
et américaines très en vogue

H. PRINCE]

Laurent & Laforce, grands marchands de musique du début des années 1860, ont publié, entre autres, Jacques Cartier Quadrille d'Henri de Terlac et L'Oiseau mouche : Bluette de salon de Calixa Lavallée, le futur compositeur de notre hymne national. En 1862, ils ont cédé une grande partie de leur stock à Boucher & Manseau, une nouvelle entreprise créée dans les anciens locaux de J.W. Herbert, et les deux sociétés ont poursuivi leurs activités bien après la Confédération. En 1864, l'entreprise Boucher & Manseau est devenue Adélard J. Boucher et a continué ses activités jusqu'en 1975. Citons, à titre d'exemples de leurs publications, Notre religion, notre langue, nos mœurs et nos lois de Louis Auguste Olivier et Souvenir de Sabatier de Boucher lui-même.

S.T. Pearce est inscrit dans l'annuaire de Montréal à titre d'importateur et de marchand pendant deux ans seulement (1858-1859) et, au cours de cette période, il a publié au moins trois pièces dont It is the Hour de J.M. Müller. Facteur de pianos et marchand de musique actif de 1856 à 1864, E. Thornton avait une succursale à Ottawa (1863-1864). Happy New Year! : Mazurka dansante, signée A. Crotchet et imprimée par le lithographe montréalais Roberts & Reinhold, est l'une de ses rares publications. Styx Galop, pièce plus représentative écrite par A.C. Sedgwick, est sans aucun doute publiée aux États-Unis. Gould & Hill, spécialisés dans la vente de pianos et d'orgues, mais marchands aussi de musique en feuilles, se sont brièvement mis à l'édition (1864-1868). The St. Valentine Galop de Moritz Relle est un exemple de leur travail d'édition. Hill était un ancien employé de la maison Nordheimer, et Gould, homme d'affaires et fondateur-directeur de la Chorale Mendelssohn de Montréal.

Dans la ville de Québec, on trouve J. & O. Crémazie, libraires, papetiers et, pendant quelque temps, marchands de vins, dont le magasin sur la rue de la Fabrique était dans les années 1850 et 1860 un lieu de rencontre d'un groupe de lettrés. Ils ont publié au moins cinq pièces dont L'Alouette (à ne pas confondre avec la chanson populaire) de Charles Wugk Sabatier, chantée sur les paroles d'Octave Crémazie lui-même. Les informations sur J.T. Brousseau sont rares et imprécises, mais l'une de ses publications, The Montmorency Galop, écrite par Mme W.H. Rankin, présente en couverture une vue spectaculaire des chutes Montmorency. Inscrit dans le répertoire de la ville de 1861 à 1884, Robert Morgan compte moins de dix publications avant la Confédération; la plus ancienne s'intitule Yes Polka du directeur d'harmonie G. Raineri. À en croire le répertoire de la ville, M. Carey ou Carey Brothers se sont fait connaître à la fois comme « marchands de musique et libraires catholiques » (1855-1856) et « bibliothèque de musique et de publications ferroviaires ». Peu de publications musicales leur sont attribuées, et l'exemple souvent cité, The Quebec Schottische, pièce écrite par James Dickinson et consacrée aux dames de Québec, avait été gravée à New York autour de 1856, avant le dépôt du droit d'auteur provincial en 1859. Il y a enfin W[illiam] St. Laurent & Co. (anciennement Ross & St. Laurent) de Québec, éditeur des pièces intitulées Le Carnaval de Québec : Quadrille sur des airs populaires et nationaux et The Royal Canadian Quadrilles écrites respectivement par Ernest Gagnon et William Range. La magnifique couverture des Quadrilles mettait en vedette castors et feuilles d'érable, c'est-à-dire nos emblèmes nationaux en avant-première.

Conclusion

Avant la Confédération, les éditeurs de musique en feuilles sont loin de constituer au Canada un groupe homogène. Certains sont avant tout des éditeurs de livres et de périodiques, quelques-uns encore se spécialisent dans la fabrication et la réparation d'instruments, mais la majorité reste des marchands d'instruments de musique et de musique en feuilles importés. Bien que l'édition musicale semble être la moins importante de leurs activités, les documents qu'ils nous ont légués laissent entrevoir des moments dans l'histoire du Canada où prenait progressivement corps l'idée d'une grande nation. Une bonne partie de cette musique, reprise dans la série intitulée Le Patrimoine musical canadien (vol. 1, 3, 7 et 22), connaîtra désormais, grâce à la numérisation, une diffusion encore plus vaste pour être jouée, chantée ou entendue à nouveau.

Il est à noter qu'aucune musique en feuilles provenant des provinces de l'Atlantique n'a été mentionnée ici. Cela s'explique simplement par le fait que ces documents fragiles sont rares et qu'il ne s'en trouve dans la collection de Bibliothèque et Archives Canada aucun qui ne soit antérieur à la Confédération. Bien entendu, les photocopies de pièces de musique en feuilles publiées à Halifax par E.G. Fuller et par Peiler, Sichel & Co. de même que les indications fournies par d'autres bibliothèques témoignent des activités dans le domaine de l'édition. Il est à espérer que la collection de Bibliothèque et Archives Canada sera à la longue enrichie de pièces de musique en feuilles écrites dans les provinces de l'Atlantique avant la Confédération.

Maria Calderisi,
Ancienne chef, Collection d'imprimés,
   Division de la musique, Bibliothèque et Archives Canada


Lectures suggérées

AMTMANN, Willy. La Musique au Québec, 1600-1875. Montréal : Les Éditions de l'Homme, 1976.

CALDERISI, Maria. L'Édition musicale au Canada, 1800-1867. Ottawa : Bibliothèque et Archives Canada, 1981.

CALDERISI BRYCE, Maria. « John Lovell (1810-93): Montreal Music Printer and Publisher » dans Musical Canada : Words and Music Honouring Helmut Kallmann, rédigé par John Beckwith and Frederick A. Hall, p. 79-96. Toronto : University of Toronto Press, 1988.

Encyclopédie de la musique au Canada, rédigée par Helmut Kallmann, Gilles Potvin et Kenneth Winters. Montréal : Fides, 1983, 2e édition, 1993. Voir surtout « Édition » par Helmut Kallmann, et des articles particuliers sur des compositeurs, éditeurs et endroits.

GAMBLE, William. Music Engraving and Printing: Historical and Technical Treatise. Londres : Sir Isaac Pitman & Sons, 1923 (réimpression New York : Da Capo Press, 1971).

KALLMANN, Helmut. A History of Music in Canada 1534-1914. Toronto : University of Toronto Press, 1960; réimpression 1969 et 1987.

LOESSER, Arthur. Men, Women & Pianos: A Social History. New York : Simon & Shuster, 1954.

MOREY, Carl. Music in Canada: A Research and Information Guide. New York et Londres : Garland Publishing, 1997.

Le patrimoine musical canadien. 25 vol. Ottawa : La Société pour le patrimoine musical canadien, 1983-1999. Voir en particulier les volumes 1, 3, 7, 22.


1 Moodie, Susanna. Roughing It in the Bush. Toronto : McLelland and Stewart, 1962, p. 195. (New Canadian Library N31).

2 Ballstadt, Carl, Elizabeth Hopkins et Michael Peterman, dir. Susanna Moodie, Letters of a Lifetime. Toronto : University of Toronto Press, 1985, p. 96-98.