Il était une fois la morue...
Reporter : Ginette Marceau
Réalisatrice : Micheline Vien
20 juillet 2003

Les morutiers ont connu de très belles années. En 1982, jusqu'à 517 000 tonnes de morues sont capturées dans le golfe Saint-Laurent et dans les provinces atlantiques.


Les belles années...

On pêche la morue depuis cinq à six siècles. À cette époque, les explorateurs européens qui ont pris la mer à la recherche de nouveaux continents ont découvert du même coup cette richesse.

Ce n'est que beaucoup plus tard que les pêcheurs gaspésiens, comme les Bretons et les Basques, seront attirés par les mêmes bancs.

Avec les années, les bateaux grossissent, ce qui permet aux pêcheurs d'aller plus loin et de suivre la morue. En peu de temps, on développe de nouveaux équipements très efficaces : des engins contre lesquels la morue ne peut lutter.

Devant l'abondance des prises, dans les années 70, la Convention internationale des pêches de l'Atlantique-Nord impose des quotas aux morutiers. Malheureusement, ces limites sont jugées trop timides pour préserver la morue.

En 1977, le Canada étend ses limites territoriales à 200 000 marins de ses côtes. Il est dorénavant le seul à avoir autorité sur cette zone. Il peut donc protéger les stocks de morue comme il l'entend.

Dans les années 1980, les pêcheurs de poissons de fond vont connaître de très belles années. En 1982, jusqu'à 517 000 tonnes de morues sont capturées dans le golfe Saint-Laurent et dans les provinces atlantiques.

Dans les années qui suivent, les prises baissent. En 1991, on en prend 40% de moins, 321 000 tonnes. Les scientifiques s'en inquiètent...


La baisse des prises...

Dans les années qui suivent, les prises baissent. En 1991, on en prend 40% de moins, soit 321 000 tonnes. Les scientifiques s'en inquiètent. Un an plus tard, le ministre des pêches de l'époque annonce un moratoire de deux ans sur la pêche à la morue du nord, ce qui touche les côtes du Labrador et de Terre-Neuve. Un an plus tard, en 1993, le moratoire s'étend au golfe Saint-Laurent.

Pour plusieurs, c'est l'avenir de leur entreprise qui est en jeu. Pendant qu'on les empêche d'aller en mer, ils ne gagnent rien et les dettes s'accumulent.

Des milliers de pêcheurs et travailleurs d'usine se retrouvent à la rue. Certains réclament qu'on partage les pêches au homard, au crabe et à la crevette. Mais ceux qui pêchent déjà ces espèces ne voient pas cela de la même façon. Des communautés sont déchirées. Comme si ce n'était pas assez pour les pêcheurs, Ottawa impose d'autres moratoires sur des poissons de fond.

Le gouvernement fédéral met en place plusieurs programmes pour venir en aide aux pêcheurs de morue. 900 permis de pêche sont rachetés par Ottawa. Pour les pêcheurs, c'est trop peu.

Cinq ans après les moratoires, Ottawa ouvre à nouveau la pêche à la morue : une pêche très limitée qui n'a rien de comparable avec ce qu'il existait auparavant. Mais selon certains scientifiques, c'est encore trop.

Les stocks de morue ne se renouvellent pas. Il y a encore moins de poissons aujourd'hui qu'avant le moratoire de 1992.


Une espèce menacée...

Le 24 avril 2003, Ottawa écoute les conseils des scientifiques et impose à nouveau un moratoire sur la pêche à la morue dans le golfe Saint-Laurent et au large de Terre-Neuve. Presque tout le territoire est fermé. Les pêcheurs sont atterrés.

La dure réalité est que les stocks de morue ne se renouvellent pas. Il y a encore moins de poissons aujourd'hui qu'avant le moratoire de 1992.

En plus du moratoire, Ottawa va protéger les sites de reproduction de la morue et va mieux contrôler les populations de phoques.

Quant aux 6 000 pêcheurs et travailleurs d'usine touchés, le gouvernement fédéral leur versera 44 millions de dollars en compensation au cours des deux prochaines années.

Le 2 mai 2003, deux populations de morues franches sont inscrites sur la liste des espèces menacées et en voie de disparition au Canada.




HYPERLIENS

La morue (programme des pêches sentinelles)

La fermeture de la pêche à la morue pourrait nuire à d'autres espèces

La mort de la morue

Pêches et Océans Canada




Quelles sont les raisons ?

La première hypothèse qui explique le non-rétablissement du stock de morue est la pêche.

Après le moratoire, la pêche est rouverte. On ne pêche presque plus de morue, à peine sept mille tonnes. Mais c'est encore trop. 22 pour cent des morues capables de se reproduire sont capturées.

Une autre raison : la prédation. Le nombre de femelles prêtes à frayer est à son plus bas depuis 1974. Les scientifiques n'hésitent plus maintenant à affirmer que de plus en plus de prédateurs mangent les jeunes morues avant qu'elles puissent reconstruire le stock.

S'ajoute à toutes ces difficultés une quinzaine d'hivers très froids dans le nord du golfe. Ces hivers ont refroidi les couches d'eau où la morue va s'alimenter. Résultat : sa croissance est ralentie et, pire, plusieurs jeunes en meurent.

Pendant des années, l'effort que la morue met pour monter manger dans la couche intermédiaire la fait souffrir. Elle digère plus lentement, maigrit et d'année en année, faiblit. Aussi, la survie des œufs est compromise et la mortalité des jeunes augmente.

 

 

Visionnez notre reportage «Il était une fois la morue».

 

Partie I

 

Partie II