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Voyage dans la quatrième dimension avec Ian E. Wilson, Archiviste national (page 2)

Doughty, pater familias des Archives nationales

Dans les premières décennies du siècle, les Archives étaient devenues une institution culturelle centrale très active.Il n’y avait pas de Bibliothèque ou de Musée nationaux.Quant à la Galerie nationale, on l’avait un peu reléguée au second plan, et elle était très controversée.Doughty a créé un type différent d’archives dans le vieil immeuble qu’on lui avait donné en 1907 sur la rue Sussex (il héberge maintenant le Musée canadien de la guerre).Si nous pouvions y entrer aujourd’hui, nous n’y verrions pas d’archives.Il y avait des expositions d’artefacts que Doughty avait réunis, des cartes, des trophées de guerre, des costumes.D’une certaine manière, nous sommes en train de revenir à une conception plus holistique des archives, et nous commençons à admettre que, pour comprendre le passé, nous avons besoin de toutes les formes de témoignages.Il nous faut des documents, des témoignages documentaires multimédias, mais aussi des artefacts, des meubles, des souvenirs des édifices et des paysages, faute de quoi nous renions l’histoire.Pour respecter la description de celle-ci formulée par R. G. Collingwood, qui en fait une reconstitution imaginative des événements passés, nous devons repenser notre politique d’acquisition.Un historien s’efforce de comprendre les témoignages et cherche à savoir comment une décision a été prise d’une certaine manière dans le passé.Pour comprendre ce qui l’a influencé dans cette situation, il nous faut disposer de tous les témoignages sans exception.

Intervieweur : La renaissance des archives totales.

M. Wilson : Il s’agit bel et bien d’archives totales à mes yeux.Nous avons parlé de fonds multimédias — l’une des questions que je posais à ma classe de l’université de Toronto était la suivante : vous possédez tous les papiers d’une artiste canadienne, tous ses livres annotés, tout son studio auquel ne manquent ni la palette, ni l’objet qu’elle était en train de peindre, vous avez le studio lui-même avec la lumière qui y entre exactement comme elle le faisait autrefois — en quoi consiste le fonds ?

Le fonds n’est pas qu’une collection de documents, mais l’ensemble complet des témoignages nécessaires pour comprendre le passé et l’individu dans le contexte de son époque.Pour moi, c’est là que réside l’intérêt de la chose, et ce que les nouveaux supports nous permettent de faire, c’est de revenir à cette conception holistique.Nous pouvons abattre un grand nombre des obstacles que nous avons élevés au nom de la préservation.Nous devons conserver les photographies d’une certaine manière, les œuvres d’art d’une autre, et les manuscrits d’une autre encore. Le véritable pouvoir des nouveaux supports, c’est de nous permettre de tout rassembler, à peu près comme Doughty cherchait à le faire dans les premières décennies du siècle. Cela signifie qu’il faudra développer de nouveaux liens avec les autres dépôts d’archives et nos partenaires du Patrimoine, comme les musées, les bibliothèques et les parcs fédéraux.

Intervieweur : N’était-ce pas plutôt un collectionneur qu’un archiviste ?

M. Wilson : C’était un collectionneur, mais il possédait d’autre part une vision romantique de l’histoire.Pour le tricentenaire de Québec, en 1908, il a essayé de faire les choses en grand, de créer le mythe historique du Canada sur lequel pourraient reposer l’identité et l’unité canadiennes.Il a commencé à se pencher sur la rédaction de manuels d’histoire, tant en français qu’en anglais, dans les années 1890.Il s’agissait des histoires différentes de passés différents, générateurs de discorde sur le plan politique.Dans ses écrits, il a essayé de créer un nouveau mythe où personne n’aurait à avoir honte de quoi que ce soit.En ce qui concerne les événements de 1759-1760, il a suggéré que les deux camps avaient gagné — les deux camps canadiens.Wolfe avait très certainement remporté la victoire sur le champ de bataille le 13 septembre, mais par la suite, à la bataille de Sainte-Foy, la milice canadienne-française avait vaincu les Anglais, qui ont dû battre en retraite derrière les murs de Québec.Les deux camps attendaient de voir quelle flotte arriverait au printemps.Dans son esprit, Doughty s’efforçait de créer le sentiment que tous les Canadiens avaient gagné en 1759-1760, que c’était une nouvelle nation pour laquelle il tentait d’établir une sorte de mythologie unificatrice au cœur même de l’historiographie canadienne : sur les Plaines d’Abraham.

Nous avions commencé à parler de mon mémoire : le fait de m’être penché sur l’histoire de Doughty a complètement modifié l’orientation de ce document.J’ai réalisé qu’Adam Shortt et sa Commission des publications historiques ne constituaient qu’un petit aspect d’une tentative de bien plus grande envergure de la part de Doughty et des Archives pour utiliser l’histoire dans une perspective politique.L’archiviste doit admettre qu’il se trouve au carrefour de la politique et de l’histoire, et nous devons tous admettre que nous interprétons l’une à l’intention de l’autre, ce qui n’est pas toujours facile.

Intervieweur : Pour en revenir à la «reconstitution imaginative des événements passés» de R. G. Collingwood, il y a des moments dans la vie d’un chercheur où sa lutte est récompensée, lorsque le psychologique et l’intellectuel se rencontrent avec un plaisir presque sensuel dans le cadre d’une découverte — ce qu’on pourrait appeler un moment d’eurêka, ou de « ha, ha ! »

M. Wilson : Je crois que ces moments procèdent du plaisir qu’on ressent à travailler avec les sources originales.Quand j’étais étudiant, j’éprouvais une frustration phénoménale parce que nous nous penchions sur tous ces manuels qui contenaient tous le même compte rendu tant de fois répété de faits et d’événements, jusqu’à ce que je finisse par étudier les sources originales.Dans une dissertation pour ma maîtrise sur un aspect de l’histoire navale britannique, je crains de ne pas m’être montré très bon élève, car j’ai démoli la thèse de doctorat de mon professeur en allant consulter je ne sais plus quelle source originale et en y découvrant quelques problèmes de taille.Cette trouvaille ne m’a pas rendu particulièrement sympathique à ce professeur, et je n’ai pas obtenu de très bons résultats à son cours.Ce que j’ai appris, alors, c’est que l’une des plus grandes satisfactions que peut éprouver un archiviste lui vient exclusivement du service de référence.

Lorsque je passe en revue les premiers stades de ma carrière, où je travaillais avec des chercheurs qui utilisaient les collections de Queen’s — et il y en a d’extraordinaires, là-bas — j’ai constaté qu’on pouvait tirer un autre plaisir des archives, dans certains cas, en mettant des documents à la disposition des usagers pour la première fois.Il nous arrivait d’acquérir des archives qui sortaient des greniers ou des sous-sols.Les caves de la mairie, par exemple, avaient fourni tous les documents officiels de la ville de Kingston jusque dans les années 1830.On les a empilés sur le plancher d’une cellule de la prison, puis on les a emportés aux archives pour les nettoyer et les doter de descriptions qui leur apportaient un contexte intellectuel, avant de les mettre à la disposition du public.Observer les chercheurs qui utilisaient ces documents était très satisfaisant, par exemple lorsqu’il m’arrivait de voir un généalogiste consacrer un temps et des efforts extraordinaires aux documents pour en extraire un seul et unique fait.Oui, ça m’est arrivé, en parcourant la salle de consultation ou la salle des microfilms, d’entendre, vous savez, comme une sorte de cri : « Je l’ai trouvé ! »

Intervieweur : Nous sommes peut-être en train de nous enfoncer dans un véritable abîme d’information parce que — et c’est quelque chose que la télé nous a appris — nous avons perdu tout discernement.Nous avons pris l’habitude de tout absorber sans rien évaluer.

M. Wilson : Et nous souffrons d’une forme d’amnésie collective.Si vous demandez à quelqu’un quels étaient les points saillants de l’actualité il y a un an, est-ce qu’il saura vous répondre ?Et sur quoi donc portait ce référendum, à l’époque de la conférence de Charlottetown ?Est-ce que quelqu’un s’en souvient ?

Intervieweur : « Quelle était la question ? »

M. Wilson : Quiconque essaierait de s’en souvenir devrait venir aux Archives et découvrir le document dans le journal ou les actualités télévisées de ces soirées où nous y portions une telle attention.Dans ce fatras d’information, je crois qu’il nous faut faire très attention à la nature du rôle joué par les archives, et nous concentrer dessus.Je pense que ce rôle remonte à l’une des plus vieilles définitions des archives, à savoir que celles-ci sont des documents qu’on conserve dans le contexte de leur création pour servir de preuves à des actes, des décisions ou des transactions.Les archives sont donc des preuves et si nous les conservons dans le contexte de leur création, avec les métadonnées ou d’autres données descriptives sur leurs auteurs ainsi que sur la date et les motifs de leur création, et que nous pouvons prouver qu’elles ont été conservées sous bonne garde, ce qui en fait des documents authentiques, alors nous pouvons nous présenter devant les tribunaux avec ces documents et démontrer leur validité là où elle s’applique, par exemple en matière de revendications territoriales des Premières nations ou dans d’autres types de dossiers, et l’historien de l’avenir pourra également s’appuyer dessus.Il s’agit là, bien sûr, de notre propre parcelle du grand abîme de l’information, et non pas de toutes ces autres données qui nous entourent.Il est parfois difficile de démêler et de comprendre tout ça.

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