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Bannière : Premier parmi ses pairs : Le premier ministre dans la vie et la politique au Canada
Bannière : Robert Laird Borden

Allocution prononcée devant le Club canadien d'Halifax, le 18 décembre 1914


Tous ceux qui ont, depuis quatre mois, dirigé les affaires publiques sont sensibles à l’ampleur des responsabilités qu’a fait échoir sur nous l’effroyable conflit imposé à notre Empire. Ces derniers ont été soutenus et applaudis par la nation entière, qui leur a offert sa collaboration. Il n’a pas été possible de faire aussi vite que certains le souhaitent, mais nous avons compris le zèle de ceux qui se sont parfois sentis contraints d’insister pour que nous nous pressions à envoyer des renforts aux armées de l’Empire.

La province dont je suis originaire, à l’instar du Dominion entier, a noblement répondu à l’appel du devoir. En vertu des lois en vigueur au Canada, nos citoyens peuvent être appelés à défendre notre propre territoire, mais ne peuvent être obligés à traverser l’océan que si la sécurité du Canada est en cause. Il n’y a pas eu et n’aura pas de contrainte ni de conscription. Les hommes du Canada se tiennent prêts, en toute liberté et de leur propre volonté, à se battre outre-mer dans cette juste querelle au nom de l’Empire et de ses libertés. Avec 8 000 hommes qui prennent part aux activités de garnison et d’avant-poste, 33 000 envoyés outre-mer et 50 000 sous les armes au Canada, autant d’autres qui attendent de pouvoir s’enrôler et des dizaines de milliers qui acquièrent la formation de la garde territoriale et d’organisations militaires semblables, les races qui composent la population de notre Dominion ont démontré qu’elles ne sont pas décadentes. Cette province-ci a fourni une force de près de 3 000 hommes aux fins d’activités de garnison et d’avant-poste, outre un millier d’hommes se trouvant déjà de l’autre côté de l’océan, ayant accompagné le premier corps expéditionnaire, et un autre millier d’hommes déjà engagés et attendant impatiemment de pouvoir aller de l’avant. En tenant compte de la garde territoriale et d’autres organisations militaires non officielles, environ 120 000 Canadiens sont maintenant sous les drapeaux. Rappelez-vous, cependant, que la force militaire de l’Allemagne peut difficilement être mesurée. La nation entière est formée au maniement des armes et le degré de préparation à la guerre de cette nation est tel qu’il est presque impossible à estimer. Le manque d’organisation de notre empire le désaventage temporairement et il est maintenant grandement nécessaire qu’il se prépare. Nous avons été forcés de nous atteler à cette tâche depuis l’éclatement de la guerre, et il est essentiel, sinon vital, de retenir l’ennemi tant que nous n’aurons pas atteint le degré de préparation nécessaire. J’ai des raisons de croire que les résultats obtenus par les armées alliées sur ce plan sont considérés satisfaisants par ceux qui sont le plus aptes à en juger. Il ne serait pas seulement injuste, cruel, et inutile, mais tout simplement fatal au succès de nos armées d’envoyer au front des troupes n’ayant pas subi un entraînement poussé, reçu l’équipement approprié et été organisées avec efficacité. Tout ceci ne peut se faire en peu de temps. Aucun effort n’est épargné, au Canada ni ailleurs dans l’Empire, pour atteindre cet objectif. Tout indique que, d’ici quelques semaines, nos armées des plaines Salisbury seront au front et s’acquitteront de leur devoir avec honneur, pour elles-mêmes et pour notre Dominion. Le passé, en Afrique du Sud, nous inspire cette juste confiance. Aussitôt qu’il aura reçu l’ordre de se rendre au front, un deuxième corps expéditionnaire avancera. C’est alors que l’armée en formation au Canada sera rétablie dans les proportions actuelles et que les hommes qui attendent de s’enrôler auront l’opportunité de le faire. Je ne fixe aucune limite au nombre d’hommes que nous enverrons au front, puisque personne ne peut prédire avec précision combien il en faudra au total. Il vaut la peine de se battre pour la préservation de notre Empire, et le Canada est prêt à envoyer autant d’hommes qu’il en faudra.

J’ai dit que nous manquons largement de préparation militaire, et la raison en est évidente. Notre Empire a reçu son entraînement dans un climat pacifique et il était protégé, de la meilleure façon, par son armée navale. Les forces navales britanniques, avec le puissant concours des forces navales alliées, ont été capables non seulement de museler efficacement les principales forces navales de l’Allemagne sur la mer du Nord, mais aussi de garder sur l’océan un contrôle qui a suffi à prévenir les attaques dangereuses ainsi que les interruptions prolongées du commerce. Sans cette assistance, la tâche aurait été infiniment plus difficile, et peut-être même impossible. Nous ne réalisons pas tout à fait l’immensité des océans et l’extrême difficulté à vaincre et à éliminer de puissants croiseurs exécutant des plans systématiques de raid et de maraude. Il y a des désastres auxquels il faut toujours s’attendre en temps de guerre. Nous rendons hommage à l’amiral Cradock et à tous ceux qui ont péri avec lui, dont quatre jeunes Canadiens, alors qu’ils se battaient contre des forces nettement supérieures. Nous avons maintenant amplement vengé ces derniers.

Le Parlement a déjà reçu quelques informations à propos de certaines mesures qu’à prises le gouvernement au cours des mois qui ont précédé le déclenchement de la guerre, et celles-ci pourraient vous intéresser. Le Committee of Imperial Defence, tel qu’il existe maintenant, a été mis sur pied en 1904. Il se compose du premier ministre de la Grande Bretagne et d’autres personnes invitées par ce dernier à y siéger. Pratiquement tous les membres du Cabinet britannique assistent ici et là à ses délibérations et, généralement, on y voit les membres les plus importants du Cabinet. De plus, les experts navals et militaires ainsi que les représentants techniques des divers ministères concernés y sont convoqués au besoin. Les résultats des travaux du comité sont présentés dans un Recueil des mesures de guerre, qui décrit de façon très détaillée les mesures à prendre advenant une guerre et les dispositions, soigneusement déterminées, visant l’application immédiate et sans accroc de ces mesures. Les travaux du comité sont en grande partie exécutés par le truchement de sous-comités auxquels siègent souvent des personnes qui ne sont pas membres du comité central et qui sont choisies pour leurs compétences particulières dans un domaine donné. Au nombre des sous-comités permanents, il s’en trouve un appelé «The Over-Sea Defence Committee», le Comité de la défense outre-mer, qui porte une attention particulière aux questions touchant la défense des possessions outre-mer.

Aucun comité n’a été chargé de fonctions semblables au Canada mais à la lumière de la situation actuelle, il serait souhaitable de nous préparer à de graves événements qui pourraient survenir soudainement. On ne peut prévoir toutes les éventualités de la guerre, mais une certaine prévoyance et une préparation efficace peuvent en prévenir plusieurs. Outre les dispositions soigneusement envisagées relativement à la mobilisation de forces militaires pour défendre notre territoire, il y a beaucoup d’éléments pour lesquels, de toute évidence, il faut se préparer de manière systématique et minutieuse, notamment les précautions à prendre contre toute attaque surprise lorsque les relations avec une autre puissance se détériorent; la protection de la confidentialité des communications par câble sous-marin et par télégraphe sans fil; la saisie de navires ennemis, qu’ils soient la propriété de particuliers ou de l’État; la saisie de navires britanniques chargés d’articles de contrebande de guerre; les mesures nécessaires pour empêcher l’exportation de produits de guerre nécessaires à nos propres forces et la prévention de l’exportation de tels biens pour le compte de l’ennemi; la saisie de navires marchands destinés à être convertis en navires de guerre, ainsi que de câbles et d’autres navires particulièrement utiles à l’ennemi; la fermeture de certaines stations radio-télégraphiques ainsi que la supervision et la surveillance de celles qui doivent rester en fonction; la préparation de codes secrets et de langages chiffrés aux fins de communication et de renseignements; l’organisation du transport par terre et par mer des troupes chargées d’assurer la garde de points importants; l’érection des fortifications supplémentaires nécessaires; l’établissement et le balisage des voies de navigation de guerre dans les ports importants; l’approvisionnement en patrouilles et en navires de surveillance nécessaires; l’inspection des navires entrant au port et l’établissement de règlements relativement à leur entrée et à leur sortie des ports; l’établissement de règles pour prévenir l’espionnage et pour garantir la sécurité des fortifications, des arsenaux, des dépôts militaires et navals ainsi que des chantiers maritimes; la préparation anticipée de tous les décrets en conseil et règlements, notamment les directives à l’intention de centaines d’officiers; la préparation et la transmission, à des agents haut-placés, de directives scellées ne pouvant être lues qu’en cas de guerre et, de façon générale, la coordination de toutes les activités des divers ministères et du gouvernement de manière à ce qu’il n’y ait aucune confusion créée par le chevauchement ni aucun désastre attribuable à une omission. Tout ceci a nécessité et a reçu une attention prolongée, soutenue et minutieuse afin que nous soyons bien préparés. Au début de janvier de cette année, j’ai convoqué une réunion des sous-chefs des divers ministères et je leur ai demandé d’entreprendre les préparatifs nécessaires et de me faire un compte rendu régulier de leurs activités. Il y avait le sous-secrétaire d’État des Affaires extérieures, le secrétaire militaire du Gouverneur général, le sous-ministre de la Milice et de la Défense, le sous-ministre des Forces navales, le sous-ministre de la Justice, le commissaire des douanes, le sous-ministre des Pêches et des Océans, le sous-ministre des Postes, le sous-ministre des Chemins de fer et des Canaux et, en tant que co-secrétaires, le directeur des opérations miliaires, le major Gordon Hall, et le directeur de l’artillerie, le lieutenant R. M. Stevens. Les travaux ont débuté en janvier et les arrangements nécessaires étaient pratiquement terminés au cours du mois de juillet. Il a été demandé à tous les ministères du gouvernement d’élaborer en détail leur ligne d’action. L’ensemble a ensuite été coordonné et organisé en un plan unique décrivant la marche à suivre par le gouvernement dans son ensemble advenant l’éclatement de la guerre. Les travaux du comité ont eu pour résultat la préparation du «Recueil des mesures de guerre», lequel n’a été terminé que quelques semaines avant que ne commence cette effroyable lutte. On ne peut surestimer l’avantage qu’a pu constituer ces réalisations. Au moment où la guerre était imminente et lorsqu’elle est survenue, les mesures à prendre de toute urgence ont été prises sans le moindre désordre. Tous les détails avaient été prévus avec précision et toutes les dispositions nécessaires avaient été déterminées à l’avance. Tous les détails de la préparation, les dispositions et les directives avaient été systématiquement regroupés dans le Recueil des mesures de guerre, qui englobe les activités de divers ministères. Ceci a rendu possible une coopération efficace avec les autorités de l’Empire, ce qui, autrement, aurait été extrêmement difficile, sinon presque irréalisable. Les travaux du comité ont été menés avec la plus grande efficacité, et le pays est redevable à tous ses membres, particulièrement aux co-secrétaires, le major Gordon Hall et le lieutenant Stevens.

Il a été enseigné aux Allemands que la guerre est un devoir national et, en fait, une nécessité allant de pair avec le développement national. Selon le point de vue de ce peuple, les autres nations ont étendu leur pouvoir et leur influence dans le monde entier alors que le peuple allemand était absorbé dans des considérations plus élevées dans les domaines de la philosophie et de la religion, et maintenant l’Empire germanique doit s’arroger par la force ce qu’il a omis d’acquérir avant que la race germanique soit unie sous la domination prusse. Les écrivains allemands les plus influents traitent toute proposition de mesures visant l’établissement de tribunaux internationaux comme des mesures visant à prévenir l’expansion légitime de leur empire. Dans l’introduction de l’un de ses derniers ouvrages, le général Bernhardi, en parlant de l’arbitrage international, s’exprime comme suit :

«Nous, Allemands, ne devons pas nous laisser leurrer par ces efforts officiels de maintien de la paix. Les tribunaux d’arbitrage doivent évidemment toujours tenir compte des droits en vigueur sur les plans judiciaire et territorial. Pour un État montant, qui n’a pas encore atteint la position qui lui est due, et qui a donc un besoin urgent d’expansion coloniale ne pouvant être satisfait, en grande partie, qu’au détriment d’autres nations, ces traités sont, à prime abord, de mauvais augure dans la mesure où ils ont la capacité de prévenir la réorganisation du pouvoir.» [trad.]

Et encore :

«Si nous voulons atteindre la position mondiale qui nous revient, nous devons nous fier à l’épée, renoncer à toute velléitaire vision de paix et affronter les dangers qui nous entourent avec un courage résolu et infaillible.»

Plus loin encore :

«Tout État commettrait un péché contre lui-même s’il n’employait pas son pouvoir lorsque le moment en est venu.»

Et encore:

«La poursuite du développement de l’Allemagne en tant que puissance mondiale ne sera possible qu’après un règlement définitif avec l’Angleterre.»

Le peuple allemand s’est notamment laissé convaincre que l’Empire britannique lui fait obstacle et doit être affronté au moment opportun, une fois que le Danemark, l’Autriche et la France auront été tour à tour vaincus. L’Allemagne est sans aucun doute la plus grande puissance militaire au monde. Les forces militaires organisées de notre Empire sont tout à fait négligeables en comparaison des leurs. Cependant, pour préserver notre existence, la Grande-Bretagne doit absolument être la plus grande puissance navale. Les voies navigables sont les veines et les artères de l’Empire, et si elles sont coupées ou obstruées, il ne peut plus exister. La puissance navale n’est absolument pas essentielle à l’existence de l’Allemagne, et pourtant elle a décrété que son avenir est sur l’océan. Il est possible, d’après son passé sur la terre ferme, de présager ce que cela signifie. Sans égard aux tentatives des chefs d’États britanniques pour améliorer les rapports entre les deux pays, l’Allemagne a appliqué avec persistance et défiance une politique élaborée et ouvertement présentée comme un défi à la puissance navale britannique.

L’oligarchie militaire prusse domine l’Allemagne et la population est maintenant obsédée par le culte voué à la vaillance et à la doctrine selon laquelle le plus puissant est celui qui détient l’unique droit. L’opinion publique, d’après ce que nous en savons, est une force malconnue et elle est très peu exprimée, là-bas. Pratiquement aucune opinion publique autre que celle en accord avec les vues du gouvernement n’est exprimée. De plus, l’idée de victoire continuelle peut certainement entraîner une certaine ivresse pour une nation qui s’est unie grâce à la guerre et qui, pendant plus de cinquante ans, a connu la victoire dans toutes les guerres et a étonné le monde par ses prouesses militaires; une nation dont la population n’a jamais connu les horreurs de l’invasion qu’elle a elle-même fait subir à d’autres pays. Le peuple germanique reçevra assurément une leçon salvatrice avant que le combat ne se termine et que l’épée ne rentre dans son fourreau. Nous sommes conscients que cette tâche a été imposée à notre Empire, mais celui-ci ne l’a pas prise à la légère. Le Canada, à l’instar des autres possessions britanniques, fera sa part pour que cette tâche soit correctement et entièrement réalisée.

Cette horrible guerre aurait sans aucun doute pu être évitée si l’Allemagne avait accepté la médiation que Sir Edward Grey lui a si sincèrement proposée et à laquelle toutes les puissances, à part l’Allemagne, se montraient disposées à participer. Dès l’origine, la Belgique, un petit État pourvu d’une force militaire peu considérable, uniquement désireux de se protéger contre l’agression et n’ayant absolument aucun intérêt pour la querelle, a été impitoyablement envahie par l’Allemagne et forcée à faire la guerre. Il n’y avait aucun autre choix: si la Belgique résistait aux armées allemandes qui avaient envahi son territoire, elle entrait en guerre contre l’Allemagne, et si elle permettait aux armées allemandes de passer sans entrave sur son territoire pour aller attaquer la France, elle entrait obligatoirement en guerre contre la France. La probité et l’héroïsme de l’armée belge a suscité l’admiration du monde entier et les souffrances imméritées du peuple belge lui a valu une profonde sympathie.

À la suite de la demande, faite par la Grande-Bretagne à l’Allemagne, d’offir l’assurance, exprimée par la Prusse et la France en 1870 et réitérée par cette dernière en 1914, que la neutralité de la Belgique ne serait pas violée dans la mesure où elle est garantie par toutes les grandes puissances d’Europe, le Chancelier allemand a fait allusion, de façon méprisante, au traité, le qualifiant de «chiffon de papier». Cette conception cynique et même dégénérée nous renvoie à une époque antérieure aux écrits historiques. En vertu d’une telle méprise du droit public et du devoir international, comment peut-il être possible pour les nations de composer les unes avec les autres? Il y a trois mille ans, il était jugé dégradant qu’une nation viole ses engagements solennels. Le principe fondamental soutenant l’organisation interne et les relations de chaque nation avec l’étranger est le respect honorable de ses engagements et de ses promesses et l’assurance qu’ils seront respectés. La constitution de nombreux pays n’est donc qu’un «chiffon de papier». Nos lois sont soutenues par des «chiffons de papier». Les négociations entre les hommes reposent sur des «chiffons de papier». Toute la trame de notre commerce n’est fondée que sur des «chiffons de papier». De la Grande Charte à l’Acte de l'Amérique du Nord britannique, nos droits et libertés ont été protégés par des «chiffons de papier». Bref, la pensée et les réalisations, à travers les siècles, sont renfermées dans des «chiffons de papier». Lorsqu’il faudra songer aux conditions de paix, il ne faudra pas oublier le cynisme prusse relativement aux obligations imposées par les traités.

Au milieu de toute l’horreur et le chaos de ce conflit mondial, il y a de l’espoir pour les jours à venir. Ce conflit éveillera, je l’espère, la conscience de toutes les nations et les incitera à agir de concert pour réduire l’armement et guider le monde vers ce qu’on pourrait appeler la voie pacifique. Sur notre continent, une frontière de près de quatre mille milles s’étend entre notre pays et la grande nation qui nous est parente, au sud. Cette frontière est sans gardiens ni fortifications et nous dormons pourtant sereinement, sans crainte de guerre ou d’invasion. La proposition de commémorer notre siècle de paix a été accueillie favorablement par la population et le gouvernement du Canada, et j’ai confiance que cela se réalisera d’une façon honorable.

Depuis le début de cette lutte, on ne peut que noter l’éveil de la conscience et du sentiment national dans notre Dominion. Dans un pays jeune et en rapide évolution comme le nôtre, les voeux de prospérité matérielle s’imposent inévitablement avec force à l’imagination. À ceux qui ont tenu haut la flamme de l’idéalisme, il a parfois semblé que la clameur du marché, le vacarme de l’usine et l’empressement de la locomotive ont absorbé l’esprit des gens. Mais le jour où il a fallu faire appel à leur sentiment patriotique, les Canadiens n’ont pas manqué de se rappeler qu’il y a quelque chose de plus grand que la prospérité matérielle et que la vie elle-même. Le merveilleux et bel esprit d’entraide, le désir de coopération, l’esprit de sacrifice, de patriotisme et de dévotion qui, ces derniers mois, a animé la population canadienne d’un océan à l’autre laissera une marque indélébile sur notre patrimoine national. Il a dissout les préjugés et contenu la discorde et la dissension. Et qui d’entre vous ne saluera pas le courage, le dévouement et le patriotisme des femmes du Canada; celles qui, d’un coeur courageux mais les larmes aux yeux ont vu leur époux, leur fils ou leur frère partir au front; celles qui, participant à mille missions d’aide ou de charité se consacrent inlassablement à leur oeuvre d’amour? Qui d’entre vous ne dira pas avec moi: « Dieu bénisse les femmes du Canada! ».

L’Empire britannique, tel qu’il est actuellement constitué, est une création, ou plutôt, une réalisation récente. Les îles Britanniques qui composent l’État métropolitain de l’Empire ne sont dotées d’aucun document de constitution et les possessions outre-mer sont gouvernées dans un désordre apparent de statuts, de chartes, de conventions et d’accords. Aux personnes qui ne comprennent pas le principe directeur de toute cette apparente confusion, l’Empire semble n’avoir aucun droit logique d’exister. Naturellement, elles considèrent que l’Empire est décadent et elles anticipent la désunion et la faiblesse de cet Empire lorsqu’il sera temps de faire son procès. Cependant, le principe d’autonomie gouvernementale qui est appliqué lorsque la situation le permet, dans la mesure permise, a été et est encore sa principale caractéristique. Il n’y a eu ni faiblesse, ni désunion parce que l’unité et la force de l’Empire sont fortement ancrées dans ses libertés, d’où il tire toute sa force. Les possessions de l’Empire, unies par le lien d’une allégeance commune et d’un idéal collectif, présentent donc aujourd’hui un front commun.

Nous sommes un peuple pacifique, et nous avons beaucoup à faire pour poursuivre le développement paisible de nos ressources. Nous n’avons pas d’ancienne querelle avec le peuple germanique, qui possède de grandes qualités et dont les réalisations, dans toutes les grandes sphères du progrès de l’humanité, sont incontestables malgré le fait qu’il soit temporairement égaré par le militarisme prusse. Nous nous battrons cependant jusqu’à la mort contre les vaines tentatives d’une arrogante oligarchie militariste qui tente d’imposer au monde ses idéaux de force et de violence et qui tente d’atteindre son lamentable objectif «de sang et de fer».


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Traduction de : Borden, Robert Laird. Canada at war : speeches by the Rt. Hon. Sir Robert Laird Borden before Canadian Club. [Ottawa? : Cabinet du Premier ministre?], 1914. Pages 17-24.


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