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Discours sur le plébiscite sur la sécurité nationale, le 7 avril 1942


Je désire vous parler ce soir, mes chers compatriotes canadiens, d’un sujet qui, en ce temps de guerre, est de la plus grave importance  -  pour la position actuelle de notre pays, pour sa sécurité future et, donc, d’un intérêt capital pour le foyer et la vie de chacun.

Le gouvernement demande carte blanche

Lundi, le 27 de ce mois, le gouvernement vous demandera de lui donner carte blanche dans l’accomplissement de ses devoirs relatifs à la guerre. Vous trouverez peut-être cette requête étrange. Il peut sembler plus étrange encore de vous adresser cette requête en temps de guerre. Chacun de nous, je présume, réalise qu’en temps de guerre, un gouvernement a plus besoin d’avoir les coudées franches qu’en temps de paix. Pourquoi donc, vous demandez-vous, le gouvernement vient-il vous demander carte blanche en temps de guerre?

La réponse n’est pas, comme vous pourriez le penser, que le gouvernement ne dispose pas des pleins pouvoirs légaux pour diriger l’effort de guerre. Les mains du gouvernement ne sont liées ni par la loi ni par la constitution. Le Parlement a donné au gouvernement des pouvoirs bien plus étendus pour le temps de guerre qu’il n’en a en temps de paix. Il est important que vous compreniez qu’en ce moment, pour ce qui est du pouvoir légal, le gouvernement est tout à fait habilité à prendre toute initiative, pourvu que la majorité du Parlement l’approuve. Ceci restera vrai pour ce qui est du pouvoir du gouvernement d’Ottawa jusqu'à la fin de la guerre.

Comment se fait-il donc, demandez-vous, que les mains du gouvernement soient liées? Qu’est-ce qui limite ce gouvernement? Quelle est cette restriction que le gouvernement veut faire disparaître? Pourquoi cette restriction a-t-elle été imposée? Pourquoi le gouvernement et le Parlement n’attaquent-ils pas ce problème sous leur propre responsabilité sans avoir recours à un plébiscite, et pourquoi, après deux ans et demi de guerre, est-il nécessaire d’ôter cette restriction?

Voilà les questions qui ont été soulevées bien des fois depuis que le gouvernement a annoncé son intention de vous demander carte blanche. Ce sont des questions tout à fait naturelles, des questions pour lesquelles vous attendez une réponse satisfaisante.

Pouvoirs légaux et obligations morales

Si la seule chose importante dans les relations entre la population et le gouvernement était la possession du pouvoir, le gouvernement serait bel et bien libre de faire ce qui lui plaît. C’est ce qui se produit dans une dictature. On ne tient pas compte de la volonté du peuple. C’est sur ce principe que les dictateurs nazis, italiens et japonais se basent aujourd’hui pour agir. Sous un gouvernement démocratique, toutefois, il est aussi important d’exercer le pouvoir en accord avec le peuple que de le détenir.

Quand les détenteurs de positions représentatives et responsables font une promesse formelle à la population, ils créent l’obligation d’agir en accord avec cette promesse jusqu’à ce qu’ils consultent à nouveau la population. Une telle obligation peut ne pas être imposée par la loi, mais en tant qu’obligation, elle n’est pas moins sacrée.

Je sais qu’il y a des gens qui prennent à la légère ce qu’ils appellent les «promesses politiques». Je crois que tous acceptent en général le fait qu’une plate-forme ou un programme politique est une chose; mais une promesse bien définie et concrète en est une autre. Les circonstances peuvent faire qu’un gouvernement peut, sans agir de mauvaise foi, échouer dans son effort de réaliser à la lettre la totalité de son programme. Aucun changement de circonstances ne peut toutefois justifier qu’un gouvernement ignore une promesse spécifique faite à la population, à moins qu’il soit clair que la sécurité nationale soit directement impliquée, et qu’il soit impossible de consulter le peuple.

Nature de la restriction sur le gouvernement

La promesse dont le gouvernement demande d’être libéré n’est aucunement reliée à une question de politique ordinaire courante. C’est une promesse qui a été faite directement en rapport avec l’effort de guerre actuelle. C’est une promesse qui a été faite tant par le gouvernement que par l’opposition, avant et depuis le début de la guerre, et à laquelle aucun parti politique ne s’est opposé au moment où elle a été faite. La Chambre des communes a été convoquée sur la base de cette promesse.

La promesse à laquelle je fais allusion est, vous en êtes tous conscients, que nous n’aurions pas recours à la conscription pour lever des troupes pour le service militaire outre-mer. En d’autres termes, c’est par l’engagement volontaire que nous recrutions des troupes pour le service outre-mer.

Cette promesse restreint aujourd’hui la liberté du gouvernement. Comme je l’ai dit, ce n’est pas une restriction légale. C’est une obligation morale et, cela va sans dire, une obligation morale des plus solennelles. C’est aussi la seule restriction empêchant le gouvernement d’exercer ses pleins pouvoirs.

Comment nous nous sommes imposé cette restriction

Vous me demanderez : pourquoi cette restriction a-t-elle été imposée? Pourquoi la promesse a-t-elle été faite? «Sûrement, dira-t-on, le gouvernement devait savoir qu’il aurait besoin d’avoir carte blanche en temps de guerre. Pourquoi alors, s’est-il lié les mains?» La réponse à cette question est très simple.

La promesse de ne pas imposer la conscription, comme chacun sait, était le résultat de l’expérience vécue par le Canada lors de la guerre 1914-1918. La façon dont la conscription avait alors été introduite, puis mise en vigueur, avait engendré un ressentiment amer. De plus, les faits ont démontré que la conscription n’avait eu que peu, voire aucune valeur stratégique, lors de la dernière guerre.

Avant et au début de cette guerre 1939-1945, la population canadienne, comme celle de la plupart des autres pays, a continué à considérer la présente guerre dans les mêmes termes que la guerre 1914-1918. Ils ont pensé que la situation outremer était similaire à leurs souvenirs de 1914-1918. Ils ont pensé à la situation du Canada en se référant à la désunion qui a suivi l’introduction de la conscription. Ils ont pensé que c’était seulement une autre guerre en Europe. Ils n’ont certainement pas imaginé que cette guerre mettrait en danger toutes les nations du monde. Les Canadiens ont imaginé encore bien moins que le Canada pourrait devenir le plus convoité des trophées de guerre. C’est toutefois la situation aujourd’hui.

La promesse de ne pas imposer la conscription pour le service militaire outremer a été faite pour maintenir l’unité du Canada. Sans cette assurance, je ne crois pas que le Parlement aurait approuvé aussi promptement et sans réserve l’entrée en guerre du Canada qu’il l’a fait. C’est la confiance de la population en la parole donnée du gouvernement qui a alors maintenu notre unité nationale.

Importance de l’unité nationale

Nous ne devons jamais perdre de vue l’importance de l’unité nationale. Pour moi, l’unité nationale est plus indispensable au succès de l’effort de guerre de tout pays que presque tous les autres facteurs combinés. «Si un royaume se divise contre lui-même, il ne subsistera pas, et si une maison se divise contre elle-même, elle tombera.»

Cette restriction sur les pouvoirs du gouvernement était nécessaire à ce moment-là pour préserver l’unité nationale. Jusqu’à récemment, elle a aidé à maintenir l’unité nationale. Mais depuis quelques mois, elle est devenue matière à controverse et une menace pour notre unité. Vous savez très bien qu’un des objectifs les plus importants de ma vie publique a été la préservation de l’unité canadienne. Je dois dire que dans les conditions différentes qui règnent aujourd’hui, et compte tenu des antécédents du Canada dans cette guerre dans les deux années et demie écoulées, je ne vois aucune raison pour laquelle l’abolition de la restriction devrait affaiblir notre unité. Au contraire, je crois fermement que son abolition nous aidera à maîtriser l’irritation et la désunion qui planent au-dessus de notre pays. Je crois qu’elle nous aidera aussi à éliminer une source de malentendus dans les pays alliés du Canada dans notre effort commun pour préserver le liberté dans le monde.

Pourquoi le plébiscite est-il nécessaire?

J’en arrive maintenant à la question suivante : pourquoi le gouvernement et le Parlement ne se sont-ils pas attaqués à cette question en assumant leurs propres responsabilités, sans avoir recours à un plébiscite?

La réponse est très simple. Si le gouvernement avait décidé que, puisque les circonstances ont changé, il ne voulait plus se sentir lié par quelque promesse que ce soit, on aurait dit immédiatement que le gouvernement avait violé l’engagement le plus sacré jamais pris.

On aurait très certainement dit que, avant de nous décider, nous aurions dû soumettre la question au peuple lors d’une élection générale ou d’un référendum, ou, comme nous le faisons maintenant, au moyen d’un plébiscite, pour demander à être relevés de toutes les promesses passées. On aurait affirmé que nous n’étions pas mieux que les nazis, que nous avions cessé de respecter la volonté du peuple, que nous comptions maintenant sur la force pour appliquer des politiques diamétralement opposées à celles qui nous avaient valu de retourner au pouvoir. Si l’actuel gouvernement avait essayé de faire cette chose, peut-on imaginer qu’il aurait pu garder la confiance du Parlement? Si le gouvernement avait méprisé la parole donnée, je crois que cela aurait contribué à détruire la confiance, non seulement dans le gouvernement, mais aussi dans les institutions démocratiques. Loin de renforcer notre effort global de guerre, la désunion engendrée par une telle mauvaise foi aurait, je le pense, diminué l’efficacité de notre effort. Par un acte aussi arbitraire, nous aurions pu détruire l’unité nationale sur laquelle notre effort de guerre est fondé.

Le maintien de la foi dans les institutions démocratiques

Il n’y a jamais eu une époque où le besoin de conserver ce qui nous reste de foi dans les institutions démocratiques a été plus grand qu’aujourd’hui. Le triste état du monde actuel est dû en large part aux promesses non tenues. L’Allemagne nazie a érigé la mauvaise foi et le manquement à sa parole en un principe d’action. La mauvaise foi, les promesses non tenues et le mépris de la volonté du peuple sont les forces contre lesquelles le Canada se bat aujourd’hui.

Mais, direz-vous, personne ne pensait que le gouvernement poserait un acte aussi arbitraire. Le gouvernement aurait dû tout simplement aller devant le Parlement et demander aux députés de lui donner carte blanche. Il paraît qu’elle lui aurait été accordée immédiatement. Mais est-ce bien sûr? En fait, je suis sûr qu’elle ne l’aurait pas été. Et cela pour la simple raison que les membres du Parlement, pour la plupart, auraient décidé qu’ils étaient aussi bien liés par les promesses passées que ne l’étaient les membres du gouvernement.

L’effort de guerre du Canada est vu sous un mauvais jour

Cela m’amène à la dernière question de laquelle vous attendez une réponse : «Pourquoi, après deux ans et demi de guerre, est-il devenu nécessaire d’abolir cette restriction?»

On peut répondre en disant que cette restriction représente la limite restrictive à un effort total de la part du Canada. La considération importante n’est pas que la conscription pour le service outremer ajoute ou non à l’effort total du Canada mais le fait que le gouvernement ne soit pas libre d’en considérer l’application donne l’impression qu’il y a une limite à l’effort de guerre du Canada.

La vérité, cela va sans dire, c’est que notre armée actuelle est juste aussi nombreuse qu’elle l’aurait été si nous avions eu recours à la conscription pour le service outremer. Le non-recours à la conscription pour le service outremer n’a nullement réduit notre effort de guerre. Mais le fait de ne pas pouvoir appliquer cette conscription met notre effort de guerre sous un jour trompeur devant nos citoyens et, ce qui est pire, devant nos alliés. En d’autre termes, la conscription est devenue le symbole d’un effort total, peu importe ce que fait le Canada pour aider à gagner la guerre.

Le problème n’est pas la conscription, mais les pouvoirs du gouvernement

Le problème actuel n’est pas la conscription; c’est de déterminer si le gouvernement, qui répond de ses actes devant le Parlement, est libre ou non de faire face lui-même à ce problème en fonction des intérêts de la nation. Le gouvernement ne vous demande pas si la conscription devrait être appliquée. La responsabilité que le gouvernement vous demande, c’est de lui permettre  --  ainsi qu'au parlement  --  de décider du bien-fondé d’une telle décision.

La question de la conscription, tout bien considéré, est une question d’ordre militaire. C’est au Parlement d’en discuter. Ce que le gouvernement recherche, pour lui-même et pour le Parlement, c’est la liberté de considérer, de débattre et de décider de cette question, comme de toutes les autres questions reliées à la guerre, libéré de toute promesse et n’ayant à considérer que les besoins de la sécurité nationale.

Une partie de nos forces devrait rester au Canada pour nous protéger d’une attaque; une partie de nos forces devrait être envoyée outremer pour aider à vaincre l’ennemi, et ainsi l’empêcher d’attaquer le Canada. Ces deux tâches sont aussi importantes l’une que l’autre pour notre sécurité. Quiconque vous dit qu’un seule de ces tâches est nécessaire vous trompe. Le gouvernement, au moyen de l’information que lui seul possède, est en mesure de décider où les forces armées canadiennes peuvent être utilisées au mieux pour défendre le Canada, et pour aider à la défaite de l’Allemagne et du Japon, et quelle est la meilleure manière de recruter les forces armées nécessaires. Nous ne demandons pas à la population de prendre cette décision. Mais nous croyons que cette question est si importante que le gouvernement et le Parlement devraient avoir toute la liberté de décider de ette question uniquement sur ses mérites.

Le Parlement doit protéger les droits du peuple

Les citoyens du Canada n’hésiteront pas à prendre toute décision qu’ils croient nécessaire au maintien de leur liberté. Ils n’hésiteront certainement pas à adopter toute mesure nécessaire destinée à préserver leur existence en tant que nation; mais ils voudront savoir et ils ont le droit de savoir qu’avant d’entreprendre toute démarche, si elle est nécessaire ou non. C’est particulièrement vrai d’une mesure qui a fait l’objet d’une amère controverse et a été source de désunion dans le passé.

Le seul endroit où l’on peut se décider de façon satisfaisante, si une mesure particulière est nécessaire ou si on a besoin d’une mesure particulière, c’est au Parlement. Au Parlement, le gouvernement peut présenter ses arguments et fournir les informations nécessaires pour arriver à une décision éclairée.

Dans la plus grande de toutes les urgences, je vous le demande, n’êtes-vous pas préparés à faire confiance au gouvernement et à votre Parlement pour s’assurer que seules les mesures entièrement dans l’intérêt du pays soient prises? S’il en est qui ne le sont pas, à qui ou à quoi sont-ils prêts à faire confiance? C’est la question que je voudrais que chaque citoyen canadien et citoyenne canadienne se pose alors qu’il ou elle se prépare à répondre «oui» ou «non» à la question qui sera posée le 27 de ce mois.

Notre existence en tant que nation est tout autant menacée que notre liberté nationale

Il existe une raison encore plus importante et plus urgente pour ôter cette restriction aux pouvoirs du gouvernement. Et maintenant, je vous demande une attention toute spéciale. J’ai parlé de l’unité. Mais pour une nation, il existe une chose encore plus importante que la préservation de l’unité. C’est la préservation de son existence. Pour ceux qui, au-delà des événements d’aujourd’hui, sont capables de regarder dans le futur, ce n’est plus l’unité, mais l’existence même de notre pays en tant que nation libre qui est aujourd’hui en danger. Nous ne vivons plus dans un monde où même la nation la plus puissante est capable, par elle-même, d’échapper à l’ambition et à la cupidité des nations belliqueuses. Pour préserver sa propre existence, chaque pays libre a besoin de toute l’aide que les autres pays libres peuvent lui procurer. Tous ces pays libres devront coopérer de la manière la plus totale pour ne pas tomber une à une devant les nations scélérates dont le but avoué est la conquête du monde. Avec notre immense territoire, nos immenses ressources et notre petite population, aucun pays ne risque plus d’avoir besoin des autres pays que le nôtre. Si nous ne continuons pas à faire tout ce que nous pouvons pour aider les autres, nous n’aurons aucun droit d’attendre d’eux qu’ils fassent tout ce qu’ils peuvent pour nous aider. Si la présente vague de conquêtes ne s’achève pas en une défaite écrasante de l’ennemi, aucun pays  -  et sûrement pas le Canada  -  ne pourra se considérer en sécurité.

Une situation internationale extrêmement critique

La dernière chose que j’ai été ou que je souhaite devenir, c’est d’être alarmiste. Mais je trahirais la confiance du peuple canadien si je ne disais pas que, pour toutes les nations libres, la situation est bien plus critique aujourd’hui qu’elle ne l’a jamais été. La position du Canada n’est en rien différente. Considérez ce qui s’est passé durant ces deux années et demie de guerre; voyez ce qui se passe aujourd’hui, et demandez-vous quelle autre opinion on pourrait avoir. Presque toute l’Europe continentale, sauf la Russie, est dominée par l’Allemagne et forcée de servir sa machine de guerre. Malgré la magnifique campagne de Russie et le terrain que les Russes ont repris, une grande partie de son territoire en Europe est encore entre les mains des nazis. Qui peut dire quel sera le résultat de la lutte entre la Russie et l’Allemagne. Au Moyen-Orient et en Afrique, la situation est également tout à fait critique. En Asie et dans le Pacifique, le Japon contrôle une grande partie de la Chine et s’est emparé de la plupart des forteresses et territoires stratégiques qui appartenaient autrefois à la Hollande, à la France, à la Grande-Bretagne et aux États-Unis.

À travers le Pacifique, la marée des conquérants japonais a continué de balayer des milliers de milles d’océan. Il y a quelques semaines, Hong Kong, Singapour et les Indes orientales étaient attaquées et prises; un peu plus tard, la Birmanie et l’Australie ont été attaquées et la Nouvelle-Zélande était aussi menacée. Aujourd’hui, c’est le Ceylan et l’Inde. Qui peut dire comment, ou quand, ou à quel endroit le balayage de ces tentatives d’invasion et de conquête vont prendre fin? Ni les défenses maritimes ni les défenses terrestres n’ont stoppé l’avance des Allemands et des Japonais. Il devient de plus en plus clair que l’Allemagne et le Japon mettent de l’avant un effort suprême pour s’assurer la maîtrise du monde en 1942. À l’heure actuelle, ils cherchent à unir leurs forces pour se donner le contrôle des lignes de communication stratégiques de tout l’hémisphère oriental.

Dangers croissants pour le Canada, venant l’Est et de l’Ouest

Dans le Commonwealth britannique, le Canada et l’Afrique du Sud sont les deux seuls pays qui ne soient pas directement sujets à des attaques. Y a-t-il quelqu’un qui s’imagine que si les agresseurs triomphent dans les zones de conflit actuelles, ils laisseront l’hémisphère occidental tranquille? Y a-t-il quelqu’un d’assez aveugle pour croire qu’ils ne convoitent pas déjà le vaste territoire et les ressources de notre Dominion? Au large de nos propres côtes sur l’Atlantique et de celles des États-Unis, des sous-marins allemands ont détruit des transports maritimes à une allure alarmante. Il y a de bonnes raisons de croire que l’Allemagne espère, au cours des quelques prochains mois, lancer une grande offensive navale sur l’Atlantique, couper les lignes maritimes entre l’Amérique du Nord et la Grande-Bretagne, et paralyser les flottes marchandes de la Grande-Bretagne et des États-Unis. Le Japon a un objectif similaire dans le Pacifique. Ces offensives peuvent se produire n’importe quand. Une chose est parfaitement sûre. Si l’ennemi n’est pas tenu en échec sur les océans, et vaincu au-delà de l’Atlantique et du Pacifique, les dernières batailles de ce conflit mondial auront lieu dans les eaux et sur le sol du Canada et des États-Unis.

Voilà certainement la raison la plus importante pour faire tous les efforts, comme nous le faisons, les États-Unis et le Canada ensemble, pour aider les autres nations alliées à s’attaquer à l’ennemi et s’efforcer de le vaincre là où il se trouve aujourd’hui. Nous ne pouvons défendre notre pays et sauver nos maisons et nos familles si nous attendons chez nous que l’ennemi nous attaque. Chaque pays qui s’est confiné derrière ses propres lignes de défense dans cette guerre a été attaqué tôt ou tard. Rester sur la défensive est le plus sûr moyen d’amener la guerre au Canada. Bien sûr, nous devons veiller notre défense; nous devons protéger nos côtes; nous devons renforcer nos ports et nos villes contre une attaque. Mais nous devons aussi assumer notre pleine part du combat; nous devons sortir à la rencontre de l’ennemi avant qu’il n’atteigne nos côtes; nous devons, si nous le pouvons, le vaincre avant qu’il ne nous attaque, avant que nos villes ne soient laissées en ruines, avant que nos femmes et nos enfants soient blessés et tués dans nos rues et nos maisons.

Le Canada combat pour préserver sa liberté et sa propre existence

Il est regrettable que tant de personnes en soient venues à penser que l’effort de guerre du Canada soit simplement une aide à d’autres pays. En fait, c’est bien plus que cela. Chaque marin, chaque soldat, chaque aviateur des armées canadiennes, où qu’il serve; chaque navire, chaque fusil, chaque avion que nous fabriquons, peu importe qui les utilise; la nourriture que nous fournissons à nos alliés; tout cela est bien sûr de l’aide à d’autres pays contre un ennemi commun, mais c’est également une contribution à la défense du Canada. Ne laissez personne vous faire croire que le Canada participe à cette guerre pour soutenir une quelconque cause égoïste pour l’empire. Ce n’est pas vrai. Nous nous battons pour préserver notre liberté et notre existence en tant que nation, pour défendre nos foyers et nos familles contre un ennemi toujours plus proche. Nous ferions bien de nous souvenir que, face à la piraterie de l’Allemagne et du Japon, le seul bouclier vraiment sûr est le combat réel sur le front des batailles, que ce soit sur terre, sur mer ou dans les airs.

Défense mutuelle et assistance mutuelle

Voilà la raison la plus impérieuse pour éliminer toute excuse permettant à quiconque de dire que, à cause d’une restriction sur l’exercice par le gouvernement de ses pleins pouvoirs, l’effort de guerre du Canada n’est pas ce qu’il pourrait être. Si le jour venait  -  et il pourrait venir bientôt  -  où le Canada devrait faire face à une attaque, et que nous ayions besoin de l’aide des États-Unis, ou de la Grande-Bretagne ou de n’importe quel membre des Nations-Unies, que penserions-nous si nous avions l’impression que leur gouvernement était restreint dans sa capacité à venir en aide au Canada? Je crois que nous ferions bien de nous assurer qu’aucun malentendu en subsiste dans les autres pays quant à notre niveau de préparation à participer pleinement au combat que nous menons tous ensemble.

Les agressions se sont enchaînées à une telle vitesse dans tant de parties du monde que nul ne peut maintenant prédire dans quels nouveaux territoires la guerre se transportera l’an prochain, le mois prochain, la semaine prochaine. Le danger nous menace de l’est et de l’ouest. C’est face à ce péril que, pour la défense de notre liberté et de notre pays, le gouvernement vous demande de lui accorder carte blanche.


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Traduction de : Mackenzie King, William Lyon. Canada and the war : national security plebiscite. Ottawa : Edmond Cloutier, 1942. 11 p.


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