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Son Excellence la très honorable Michaëlle Jean
Discours devant l’Assemblée nationale du Mali

Bamako (Mali), le jeudi 23 novembre 2006

SOUS RÉSERVE DE MODIFICATIONS

Je vous salue et vous remercie chaleureusement de l’honneur que vous me faites en me donnant l’occasion de m’adresser à l’Assemblée nationale du Mali.

J’en suis d’autant plus touchée que j’ai appris que Nelson Mandela était le seul autre chef d’État à avoir pris la parole en cette auguste enceinte.

Nelson Mandela disait justement : « Je ne suis pas vraiment libre si je prive quelqu’un de sa liberté ». Même captif, même enchaîné, Nelson Mandela n’a jamais cessé d’être un homme libre, libre de toute envie d’opprimer l’autre. En quelques mots, l’homme d’un grand rêve dit ici le véritable fondement de toute démocratie.

Or, le lieu où nous nous trouvons aujourd’hui n’est-il pas le cœur battant de la démocratie au Mali ?

C’est ici que s’exprime haut et fort la voix riche, courageuse  et diversifiée du peuple malien.

C’est ici que circulent librement des idées porteuses d’espoir pour tant de femmes, d’enfants et d’hommes.

Des idées comme celles que vous avez énoncées avec beaucoup de ferveur, monsieur le Président, au sujet de votre vision pour le Mali.

La vision « d’un pays réconcilié avec lui-même, uni et démocratique, fièrement enraciné dans sa riche culture millénaire, celle d’une société en bonne santé physique et morale, vivant en parfaite intelligence avec ses voisins, une société productive et solidaire, résolument tournée vers le progrès et la paix, ouverte sur l’Afrique et le monde ».

Vos mots, monsieur le président, sont une source d’inspiration, non seulement pour votre pays, mais pour tout le continent.

Cet ensemble de valeurs que vous nommez explique à lui seul les liens grandissants entre le Mali et le Canada. Le maintien de la paix, le goût de la tolérance, le respect des droits et libertés des femmes et des hommes, la promotion d’un État de droit sont pour nos deux pays indissociables de la mouvance démocratique que nous appelons de tous nos vœux et que nous défendons.

Je n’aurai de cesse, durant mon séjour, d’exprimer toute l’amitié des Canadiennes et des Canadiens pour le peuple malien.

De réaffirmer notre volonté de vous accompagner dans un esprit de solidarité et de coopération, et par des gestes nombreux de fraternité qui consolident et enrichissent nos relations.

Si je suis au Mali, c’est pour être à l’écoute d’un peuple aux racines profondes, un peuple laborieux et discipliné, un peuple riche de toutes ces cultures irriguées par une vingtaine d’ethnies qui ont marqué l’histoire de l’Afrique et qui contribuent d’inestimable façon au patrimoine de l’humanité.

Et jamais je n’ai entendu plaidoyer plus percutant en faveur de l’Afrique que dans le film BAMAKO, du cinéaste Abderrahmane Sissako, présenté et acclamé il y a quelques semaines au Canada, au festival de Toronto.

Le Canada suit attentivement la trajectoire malienne.

Les événements historiques du 26 mars 1991 vous ont engagés sur la voie de la démocratie et tous les espoirs sont permis.

En effet, quinze ans plus tard, le Mali est à l’avant-garde du développement démocratique et de la promotion des droits et libertés de la personne sur tout le continent africain.

L’expérience malienne retient l’attention du monde entier, à la manière d’une leçon et d’un encouragement.

Le Canada constate avec admiration la mise en œuvre au Mali de plusieurs initiatives fructueuses.

L’établissement d’un Bureau de Vérificateur général indépendant démontre, sans équivoque, votre engagement à favoriser la transparence et la probité dans la conduite des affaires de l’État.

Le Canada salue les efforts remarquables que déploie le Mali pour assurer une meilleure gouvernance.

Le Canada se réjouit également de votre engagement à entreprendre la réforme de la justice.

Bien sûr, il reste des défis de taille à relever, mais votre volonté très nette de ne pas bifurquer du chemin du progrès, et celle de rester en mouvement vers plus de libertés et de justice pour votre peuple vous honorent.

Le Canada continuera de vous épauler dans les domaines de l’éducation, de la santé, de la sécurité alimentaire ou de la lutte contre la corruption.

Je me réjouis particulièrement de visiter votre pays à un moment où le Canada augmente sa participation au mieux-être de la population malienne.

Le Canada considère le Mali comme un partenaire de développement exemplaire. Nous misons d’ailleurs sur une approche décentralisée.

Depuis cet été, le directeur de la coopération est basé à Bamako, et non au Canada, comme c’était le cas auparavant.

Notre intention est donc de nous rapprocher de nos partenaires, de mieux cerner ainsi les réalités, les défis et les solutions à la portée des Maliennes et des Maliens.

Kofi Annan, le secrétaire général des Nations unies, parle de l’importance de « chercher des solutions africaines aux problèmes du Continent ». C’est une vue que le Canada partage entièrement.

D’ailleurs, la création, il y a quelques années, du Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique, ne témoigne-t-elle pas de la détermination des Africaines et des Africains à assumer la responsabilité de leur développement ?

Le Canada appuie sans réserve cette initiative. De même que le mécanisme d’évaluation par les pairs, qui requiert l’apport de la société civile et des secteurs privé et public, en vue d’évaluer les performances en matière de gouvernance.

Près de la moitié des pays africains ont accepté de s’y soumettre, dont le Mali. Cette décision est en soi une preuve irréfutable de votre engagement envers la population.

Notre partenariat s’étend aussi aux institutions multilatérales. Il y a six ans, le Mali a accueilli un Symposium international qui a donné un souffle nouveau à la Francophonie.

C’est à l’issue de cette rencontre qu’a été adoptée la « Déclaration de Bamako sur la Démocratie et les Droits et Libertés », qui vient sceller notre volonté commune de favoriser les processus de démocratisation dans l’espace francophone.

Et, puisqu’il est question ici de francophonie, permettez-moi de vous lancer une invitation. Le Canada célébrera le 3 juillet 2008 le 400e anniversaire de la ville de Québec, berceau de l’Amérique française et joyau du patrimoine mondial selon l’UNESCO.

Nous aimerions voir tous les membres de la grande famille des pays francophones se joindre à nous pour souligner cette date décisive de l’histoire du Canada et des Amériques.

Membres de l’Assemblée nationale, le Mali et le Canada sont également des membres élus du nouveau Conseil des droits de l’Homme des Nations unies ­­ Nous, les femmes – n’est-ce pas, mesdames ? – serions tentées d’ajouter des droits de l’homme et de la femme.

Voilà un enjeu qui me tient particulièrement à cœur.

J’ai à cœur, le Canada a à cœur, l’accès des filles et des femmes aux droits les plus fondamentaux : le droit à la santé, le droit à l’éducation, le droit au respect de leur intégrité physique et de leur dignité. De même que l’accès à toutes les sphères d’activités de la société, y compris les postes décisionnels.

La voix des femmes compte. Donnez aux femmes les moyens de participer pleinement à la vie de la Cité et vous verrez reculer l’analphabétisme, la pauvreté, la faim.

Dans les pays du Nord comme dans ceux du Sud les femmes ne perdent jamais de vue l’humanisation de l’humanité.

Comment parler de bonne gouvernance si l’on ne croit pas à l’égalité entre les hommes et les femmes?

Je sais que les Maliennes et les Maliens ont élaboré, il y a quelques années, un Code de la famille qui vise la pleine reconnaissance des droits des femmes.

Aucune société ne peut se bâtir sur l’exclusion, et je vous félicite d’avoir opté pour l’ouverture et l’équité. Soyez assurés de la collaboration du Canada dans cette démarche.

Mais je tiens surtout à reconnaître, comme un signe d’espoir, l’initiative prise par le gouvernement du Mali de tenir, en février dernier, à Bamako, avec l’appui de la coopération canadienne, une importante conférence sur les mutilations génitales féminines dont les conséquences sur la santé et sur la vie des filles et des femmes sont désastreuses.

Je salue la participation de la Première Dame du Mali, Mme Touré Lobbo Traoré, qui a inauguré cette conférence.

Je salue l’engagement de toutes celles et de tous ceux de la société civile malienne  qui remettent en question ces pratiques et qui travaillent à la mise en œuvre du protocole de Maputo.

Ce protocole, en vigueur depuis le 29 novembre 2005, constitue une véritable charte des droits des femmes africaines.

Il stipule clairement que la pratique des mutilations génitales féminines est une violation des droits fondamentaux de la personne.

Le Canada encourage les stratégies maliennes de dissuasion, d’éducation, de sensibilisation, et souhaite comme vous que, très bientôt, plus une seule petite Malienne ne soit soumise à ce supplice.

Mesdames et Messieurs, il me tarde d’aller à la rencontre de vos compatriotes, d’entendre leurs préoccupations, leurs aspirations et de constater ce qu’ils ont accompli.

Je porterai aussi une attention particulière, comme je le fais au Canada, à l’enfance et à la jeunesse.

Il me tarde également de rendre compte aux Canadiennes et aux Canadiens  de ce que j’aurai appris des femmes et des hommes en terre malienne, de leur communiquer l’expérience d’un patrimoine riche de cultures irremplaçables qu’ils n’auront que davantage envie de découvrir.

Car, comme le disait l’écrivaine malienne Diarra Oumou Armand Sangaré, « plus il y a de cultures, plus le monde est diversifié, plus il y a cette envie de découvrir. S’il n’y avait qu’une seule culture, personne n’envisagerait d’aller vers l’autre ».

Je vous remercie de tout cœur de l’accueil que vous me faites...

Création: 2006-11-23
Mise à jour: 2006-12-01
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