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Bâtir de solides assises
le dialogue continue
volume II

autres études de cas sur les valeurs et l'éthique dans la fonction publique

  • transparence
  • compassion pour les employés
  • gestion des risques
  • service au public avec respect et compréhension
  • responsabilisation des chercheurs scientifiques du gouvernement

Ce guide ainsi que le premier guide d'études de cas et autres documents sur les valeurs et l'éthique dans la fonction publique sont affichés sur le site Web du CCG à l'adresse suivante : http://www.ccmd-ccg.gc.ca

Il est possible également d'obtenir de l'information et les coordonnées des personnes-ressources au sujet des initiatives relatives aux valeurs et à l'éthique sur les sites Web du Bureau des valeurs et de l'éthique du Secrétariat du Conseil du Trésor aux adresses suivantes :

http://www.tbs-sct.gc.ca/veo-bve (Internet) et
http://www.publiservice.tbs-sct.gc.ca/veo-bve (Intranet Publiservice).:

Pour de plus amples renseignements ou pour obtenir des copies, veuillez communiquer avec :

Centre canadien de gestion
Groupe de la Recherche et relations universitaires
373, promenade Sussex
Ottawa (Ontario) Canada
Téléphone : (613) 947-3682
Télécopieur : (613) 992-1736
Courriel : publications@ccmd-ccg-gc.ca

Les opinions exprimées dans la présente publication ne traduisent pas nécessairement les points de vue du Centre canadien de gestion ou du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada.

Données de catalogage avant publication de la Bibliothèque nationale du Canada

© Centre canadien de gestion (2001)

Bâtir sur de solides assises – Le dialogue continue. Volume II:
autres études de cas sur les valeurs et l’éthique dans la fonction publique

Texte en anglais et en français disposé tête-bêche.
Titre de la p. de t. addit. : Building on a Strong Foundation – The Dialogue Continues
Publ. aussi sur l’Internet.
ISBN 0-662-66118-4
No de cat. SC94-72/2001
1. Fonctionnaires – Déontologie – Canada.
2. Canada – Fonctionnaires – Déontologie
3. Fonction publique – Réforme – Canada.
I. Centre canadien de gestion.

JL111.E84C3 2001       172.2’0971      C2001-989313-3E

Services de consultation et d’édition assurés par Cornelius von Baeyer et Michael W. Sutton.


AVANT-PROPOS

La fonction publique du Canada continue d’accorder la plus haute importance au dialogue soutenu sur les valeurs et l’éthique comme en fait foi le guide intitulé Bâtir sur de solides assises – Le dialogue continue, paru en l’an 2 000.

Les fonctionnaires fédéraux au Canada reconnaissent de plus en plus ces valeurs comme étant le fondement essentiel de la fonction publique et le dialogue comme étant un instrument indispensable pour aider à résoudre les dilemmes reliés aux valeurs et à l’éthique dans le milieu de travail.

Cette publication renferme une deuxième série d’études de cas sur les valeurs et l’éthique et elle complète la collection de documents produits par le CCG dans ce domaine. Nous souhaitons vivement que ces études inciteront d’autres ministères et agences à cerner leurs dilemmes et à utiliser le dialogue comme moyen privilégié pour trouver des solutions communes à leurs problèmes.

Pour sa part, le Centre canadien de gestion continue de soutenir le dialogue en intégrant la dimension éthique dans les cours et événements d’apprentissage destinés à accroître la capacité de gestion et les compétences en leadership au sein de l’administration publique fédérale.

Nous tenons à remercier sincèrement le Bureau des valeurs et de l’éthique (BVE) du Secrétariat du Conseil du Trésor, notre partenaire dans cette initiative, pour sa précieuse collaboration. Nous tenons à remercier également les organismes qui ont bien voulu nous présenter avec candeur et honnêteté leurs problématiques en matière de valeurs et d’éthique et les enseignements qu’ils ont dégagés au cours de leurs expériences. Ils sont tous des modèles de dialogue franc et ouvert dignes d’être suivis par l’ensemble de la fonction publique.

Au nom de Scott Serson et de Janice Cochrane, le Centre canadien de gestion est heureux de pouvoir mettre ce second document pratique à la disposition des employés de la fonction publique.

Nous vous encourageons à poursuivre, avec vos collègues, le dialogue sur les valeurs et l’éthique – les assises de cette institution nationale qu’est la fonction publique du Canada. Jocelyne Bourgon

Jocelyne Bourgon
Présidente
Centre canadien de gestion

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TABLE DES MATIÈRES

Préface

Introduction

Eight Case Studies
CAS 1: « L'équité c'est l'équité »- Approche au mérite axée sur les valeurs
CAS 2: « Qui est responsable? » La responsabilisation du point de vue des ministres et de leurs sous-ministres
CAS 3: « Ami ou ennemi? » Intérêts conflictuels dans nos relations extérieures
CAS 4: « Ce n'est pas juste »  Le défi de la diversité pour les fonctionnaires fédéraux
CAS 5: « Essayons quelque chose de nouveau » Gestion des risques et maintien des valeurs
CAS 6: L'expérience de Développement des ressources humaines Canada - Réflexions du sous-ministre et de hauts fonctionnaires
CAS 7: Diversité et services à la clientèle de haute qualité - Le cas des Anciens combattants

CAS 8: Gestion financière et responsabilisation de la Première Nation originelle : Choc des cultures - Le cas du ministère des Affaires indiennes et du Nord

Annexe - Dialogue au sujet des valeurs et de l'éthique dans la fonction publique


INTRODUCTION
par les co-champions des valeurs et de l’éthique au sein de la fonction publique

Janice Cochrane, sous-ministre de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada et
Scott Serson, président de la Commission de la fonction publique du Canada

Nous sommes heureux de pouvoir dire que de plus en plus de fonctionnaires fédéraux à travers le pays parlent de l’importance des valeurs et de l’éthique dans leur travail. Il est largement reconnu que les valeurs et l’éthique partagées sont le fondement essentiel de la fonction publique et permettent de traverser les changements rapides auxquels nous faisons maintenant face. Il est également reconnu que le dialogue est un instrument clé pour faire comprendre collectivement les valeurs et l’éthique de la fonction publique et pour aider à résoudre les dilemmes concernant les valeurs et l’éthique dans le milieu de travail.

Première série d’études de cas

En septembre 2000, le Centre canadien de gestion et le Bureau des valeurs et de l’éthique du Secrétariat du Conseil du Trésor ont publié un guide intitulé Bâtir sur de solides assises – Le dialogue continue (présenté sur le site Web du CCG à l’adresse suivante : www.ccmdccg. gc.ca). Ce guide explique la raison pour laquelle il faut mettre l’accent sur les valeurs et l’éthique et il décrit en détail l’approche au dialogue par étude de cas. Le guide fait rapport également de 5 séances de discussion qui portaient sur des questions concrètes préoccupant les fonctionnaires fédéraux :

  1. transparence
  2. compassion pour les employés
  3. gestion des risques
  4. service au public avec respect et compréhension
  5. responsabilisation des chercheurs scientifiques du gouvernement.

Deuxième série d’études de cas

Des séances mensuelles portant sur des études de cas ont eu lieu après la publication du premier guide. Chaque séance durait entre une heure et quart et une heure et demi. Aucun effort n’a été déployé pour résoudre définitivement le dilemme de la journée; il y a eu plutôt une discussion au sujet des facteurs, des valeurs, des options, des conséquences et des différentes approches des intervenants. En tout, les séances ont attiré des centaines de participants provenant de divers ministères fédéraux et ceux-ci ont discuté de chaque cas avec passion et énergie, d’abord en petits groupes après les présentations des spécialistes et ensuite en plénière.

À chaque séance, des documents étaient distribués, notamment le cas, les notes biographiques des participants, la fiche du Bureau des valeurs et de l’éthique intitulée Dialogue au sujet des valeurs et de l’éthique dans la fonction publique (voir annexe) et une formule d’évaluation de la séance.

La présente publication renferme ces études de cas additionnelles. Les séances ont porté sur les dilemmes en milieu de travail concernant les points suivants :

  1. dotation fondée sur les valeurs
  2. responsabilisation des ministres et des sous-ministres
  3. intérêts conflictuels dans les relations extérieures
  4. faire affaire avec une clientèle diversifiée
  5. gestion de nouveaux risques

Par la suite, trois ministères ont parrainé d’autres séances en collaboration avec le CCG et le Bureau des valeurs et de l’éthique :

  1. Le ministère du Développement des ressources humaines Canada (DRHC) a entamé un dialogue au sujet de son expérience de l’examen minutieux du public à l’endroit de son programme de subventions et de contributions en 2000.
  2. Le ministère des Anciens combattants du Canada (AC) a dirigé une étude de cas concernant la diversité de son personnel de première ligne.
  3. Le ministère des Affaires indiennes et du Nord a dirigé une étude de cas sur la responsabilisation financière d’une Première Nation.

Toutes ces séances ont été des modèles de dialogue franc et ouvert au sujet des aspects des valeurs et de l’éthique liés à des questions litigieuses courantes. Les cas illustrent la grande variété des questions qui préoccupent la fonction publique et le grand public.

Les trois derniers cas ont également porté sur notre approche par étude de cas. La séance de DRHC n’a pas eu recours à une étude de cas par écrit : les spécialistes ont plutôt décrit la situation problématique. Pour leur part, le ministère des Anciens combattants et le ministère des Affaires indiennes et du Nord ont utilisé, pendant leurs séances, des études de cas présentant des similitudes à des situations réelles au sein de leur ministère plutôt que des situations générales à l’échelle de la fonction publique.

Spécialistes et participants

L’un de nous deux, les co-champions des valeurs et de l’éthique dans la fonction publique, a animé chaque étude de cas. Nous aimerions remercier sincèrement les spécialistes qui ont présenté avec autant de succès le dialogue sur les études de cas (comme les évaluations des séances remises par les participants le démontrent).

Séance 1
Jean-Claude Bouchard, Industrie Canada
Marie E. Fortier, Santé Canada
Dennis Wallace, Affaires indiennes et du Nord Canada

Séance 2
Pierre Gravelle, ancien sous-ministre
Marcel Massé, ancien ministre
Nick Mulder, ancien sous-ministre

Séance 3
Kathryn McCallion, Ministère des affaires étrangères et du commerce international
Nicole Senécal, Commission de l’immigration et du statut de réfugié
Robert Slater, Environnement Canada

Séance 4
Oro Bengio, Santé Canada
Michel Dorais, Citoyenneté et Immigration Canada
Kay Stanley, Secrétariat du Conseil du Trésor

Séance 5
Janet M. Milne, Transports Canada
Ian Shugart, Santé Canada
John Sims, Justice Canada

Séance 6
Développement des ressources humaines Canada :
Claire M. Morris, sous-ministre
Alan Winberg, SMA
Margaret Biggs, SMA

Séance 7
Anciens combattants Canada :
Larry Murray, sous-ministre
Verna E. Bruce, sous-ministre associé
Brian D. Ferguson, SMA
Margaret Amoroso, Réseau du leadership

Séance 8
Ministère des Affaires indiennes et du Nord :
Dennis Wallace, sous-ministre associé
W.J.R. (Bill) Austin, SMA
William (Bill) Montour, conseiller
Rod Monette, Secrétariat du Conseil du Trésor

Andrée LaRose, Michèle Jodouin ou Christine Cloutier du CCG et Jeff Le Bane du Bureau des valeurs et de l’éthique ont ouvert et fermé les séances.

Nous aimerions également remercier les participants qui ont démontré une approche au dialogue qui a toujours été dans la franchise et le respect, mais aussi concluant et éclairant.

Prochaines étapes

Nous espérons que cette publication incitera d’autres organismes et des groupes fonctionnels d’employés à cerner leurs propres dilemmes et à mener des études de cas pour trouver des solutions à ces problèmes. Les séances du CCG s’adressaient aux gestionnaires et aux cadres en formation. Toutefois, les valeurs et l’éthique s’appliquent au travail de tous les fonctionnaires fédéraux et ceux-ci ont tous besoin d’occasions de discuter des questions qui les préoccupent.

Si vous désirez parrainer une séance de discussion au sein de votre ministère ou de votre équipe, le Bureau des valeurs et de l’éthique du Secrétariat du Conseil du Trésor peut vous conseiller à ce sujet. Vous pouvez communiquer avec ce bureau par l’entremise de son site Web (www.tbs-sct.gc.ca/veo-bve).

Le dialogue au sujet des valeurs et de l’éthique n’est pas une initiative ponctuelle. La compréhension commune de la bonne manière de faire est un processus sans fin. Nous espérons que notre initiative d’études de cas contribuera à étendre ce processus à l’échelle de la fonction publique et bien au-delà.

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CAS 1 : « SOUCI D’ÉQUITÉ »

Méthode d’attribution du mérite axée sur des valeurs

Lorsque Carole, cadre de direction à la fonction publique (FP), doit combler un poste, elle essaie généralement de ne pas tenir de concours, car elle cherche avant tout à prévenir l’interjection d’appels de ses décisions en matière de dotation qui causent des travaux supplémentaires et des retards. Elle a confiance en son jugement et croit fermement en la valeur du réseautage. Pour trouver de nouveaux employés, elle s’appuie donc sur le réseau de personnes-ressources qu’elle a élaboré au fil des ans.

Sa façon de penser n’a pas changé lorsqu’elle a assumé une nouvelle affectation dans son ministère il y a six mois. Lorsqu’un poste d’AS-7 est devenu subitement vacant dans son unité de travail, elle a essayé de déterminer qui pourrait mieux remplir ce poste. Elle a contacté ses collègues et son réseau pour trouver le meilleur candidat. En fin de compte, elle a convenu de réaffecter (transfert sans concours) Roger, AS-7 d’un organisme voisin relevant du même ministre. Même si Roger n’avait jamais travaillé directement pour elle auparavant, ils avaient collaboré à un projet il y a un an. Elle en avait gardé l’impression que Roger était capable de « retomber toujours sur ces pattes », sentiment dont elle a vérifié le bien-fondé auprès d’anciens supérieurs de Roger.

Wanda et d’autres employés de niveau AS-6 de l’unité de travail de Carole ne sont pas d’accord avec la méthode utilisée. Wanda estime que la tenue d’un concours aurait permis à tous les employés intéressés de faire part de leurs compétences. Selon Wanda, « il semble que, pour Carole, les personnes que vous connaissez sont plus importantes que ce vous savez ou pouvez faire. »

Existe-t-il des valeurs conflictuelles dans ce scénario? Quel point de vue devrait prévaloir?

Ce cas est hypothétique. Il a été élaboré uniquement à des fins de discussions et ne se rapporte à aucune situation particulière de conduite douteuse.

TROIS PERSPECTIVES FACE AU DILEMME

Première approche : Combler le poste rapidement

Cette approche recouvre deux aspects qu’il convient de préciser : a) la décision d’un gestionnaire d’avoir recours au déploiement dans des circonstances particulières et, b) la justification du déploiement comme méthode de dotation.

Décision du gestionnaire

Les organisations modernes sont moins lourdes tout en étant confrontées à un nombre croissant d’enjeux. Elle doivent donc être en mesure de s’adapter rapidement, bien que les ressources dont elles disposent soient désormais moins abondantes. À titre de gestionnaire (et tout particulièrement de gestionnaire nouvellement nommée), on ne peut toujours se permettre d’entreprendre un long processus de dotation, assorti en plus du risque d’un appel de la nomination.

Les déploiements (au même niveau) représentent un moyen de dotation légitime : la personne choisie a les qualités requises et le gestionnaire la connaît déjà. Cette façon de faire évite d’avoir à suivre le long processus d’un concours en bonne et due forme pendant qu’un employé exerce les fonctions à titre intérimaire. Cet employé peut pour sa part nourrir des attentes non fondées à l’égard d’une nomination permanente, attentes qui peuvent aussi se transformer en ressentiment si, en bout de ligne, le poste n’est pas comblé.

Les nominations à la suite de concours génèrent parfois des appels, lesquels sont souvent accueillis pour des motifs techniques. Souvent aussi, l’appel ne résulte pas dans la nomination d’un meilleur candidat, mais plutôt dans la nécessité pour le gestionnaire de recommencer tout le processus à zéro. C’est là une lacune du système de dotation, trop axé sur les droits des employés.

La justification du déploiement

La Loi sur l’emploi dans la fonction publique établissait en 1967 le principe du mérite et sanctionnait diverses valeurs telles que la création d’une fonction publique professionnelle et compétente et le rejet de tout népotisme. Cependant, la fonction publique a beaucoup évolué depuis; le mérite n’était pas défini de manière très précise tandis que les zones de concours avaient tendance à s’étendre beaucoup. Quand aux mécanismes de recours, ils sont devenus de plus en plus sophistiqués. Le tout a eu pour effet de ralentir le système.

La situation est à l’image d’un navire, imposant et fluide en 1967, dont la coque se serait alourdie d’anatifes avec le temps. Ainsi, de nombreuses décisions des tribunaux ont amené la Commission de la fonction publique à modifier ses règlements et à rendre le processus toujours plus complexe. Sous le poids, le navire a ralenti alors que peu de ressources étaient disponibles pour rétablir sa vitesse.

Récemment, on a accordé plus de souplesse aux gestionnaires en adoptant le concept du déploiement et en leur déléguant plus de responsabilités qui relevaient de la Commission de la fonction publique. Dans un même temps, on a demandé à la fonction publique de se doter d’un effectif plus représentatif.

Cette évolution a suscité un meilleur équilibre entre les droits individuels et les exigences auxquelles doit répondre une organisation empreinte de souplesse. Vue sous cet angle, la décision de la gestionnaire d’opter pour la souplesse d’un déploiement interne est appropriée dans les circonstances.

Deuxième approche 2 : Questions plus vastes liées à l’équité

La décision de la gestionnaire dans ce cas n’est sûrement pas la meilleure. La dotation devrait être assortie de valeurs importantes, entre autres la transparence, des chances égales de participation ainsi qu’un traitement équitable de toutes les candidatures.

Dans une culture organisationnelle où l’efficacité a préséance sur l’équité, certaines mesures, telles que les règles de dotation de la Commission de la fonction publique, permettent l’avènement d’un changement positif. Cependant, même avec ces règles, il reste beaucoup à faire pour que la fonction publique soit réellement représentative d’une population canadienne toujours plus diversifiée. Nous avons besoin d’un effectif qui fait siennes des valeurs telles que la diversité, l’impartialité et l’éthique. Ces valeurs doivent guider nos décisions à titre de gestionnaires, dans la passation de marchés et dans nos rapports avec des groupes externes ou avec les élus.

On n’évalue pas le rendement d’une institution telle que la fonction publique de la même manière que le rendement du secteur privé, pour lequel les bénéfices nets sont une mesure plus simple, et soumis à moins d’examens de la part d’organisations externes. L’ensemble des décisions de la fonction publique doit être évalué sous l’angle de l’intérêt public plutôt que de l’atteinte de bénéfices nets.

La dotation n’est qu’un élément de la gestion des ressources humaines : celle-ci doit aussi se préoccuper des évaluations, de l’encadrement, du mentorat, de la formation et de l’aide individuelle à la gestion de la carrière. Dans le cas décrit, la gestionnaire n’a pas une vision d’ensemble de son équipe et des compétences présentes dans l’organisation. Elle devrait voir dans cette mesure de dotation une occasion à offrir à son personnel. À l’opposé, une mesure qui ne tient compte que des besoins opérationnels à court terme est une mauvaise décision parce qu’elle ignore le contexte plus vaste de la gestion des ressources humaines.

Troisième approche : Perspective organisationnelle

Les questions entourant les valeurs et l’éthique dans le cas décrit se rapportent à l’équité d’une mesure de déploiement et au degré d’application réelle des politiques en matière de ressources humaines.

À prime abord, il s’agit d’une bonne décision de la part de la gestionnaire puisque cette décision produit un résultat rapide et efficace.

Par contre, les membres du service ont l’impression de perdre leurs possibilités d’avancement suite au choix d’un candidat de l’extérieur. La gestionnaire aurait donc dû expliquer sa stratégie de dotation à son équipe, en précisant son intention de se servir d’approches différentes à l’avenir dans le but d’assurer une plus grande équité. Elle aurait pu faire participer les membres de l’équipe à une décision collective, en faisant appel à des spécialistes des ressources humaines à cette fin. Elle aurait pu aussi solliciter l’appui de ses collègues gestionnaires, en particulier de la part du gestionnaire de Roger, lequel aurait sans doute été favorable à cette possibilité offerte à Roger. (Un tel soutien ne devrait pas être sollicité uniquement pour garder la face.)

La solution adoptée par la gestionnaire répond aux besoins opérationnels mais ne témoigne pas d’un souci d’équité, d’égalité d’accès et de transparence. À ce titre, elle pourrait avoir pour effet d’encourager les employés à rechercher ailleurs des possibilités d’avancement.

Politiques du ministère en matière de ressources humaines

Voici les grandes questions qui se posent à ce chapitre : Le ministère a-t-il adopté une approche axée sur les valeurs en matière de dotation et de ressources humaines en général? La gestionnaire a-t-elle respecté les politiques du ministère en matière de ressources humaines?

L’approche axée sur les valeurs est synonyme de divers objectifs tels que des mesures de dotation abordables; un effectif compétent et qualifié; l’équité et l’égalité d’accès aux emplois; la mobilité des employés; et la prise de décisions fondée sur l’éthique. Les ministères qui ne l’ont encore fait devraient adopter ces valeurs fondamentales et s’assurer que leurs gestionnaires s’engagent à les respecter.

L’éducation sur les questions de dotation revêt une haute importance : tous devraient être renseignés sur l’équité et sur des questions telles que la participation des groupes désignés. De plus, la planification des ressources humaines devrait figurer dans la formation des gestionnaires. Pour leur part, les syndicats devraient participer pleinement aux mesures de mise en œuvre de la dotation axée sur les valeurs. En s’appuyant judicieusement sur la dotation fondée sur les compétences, sur la planification des ressources humaines et sur la transparence, il sera plus aisé d’atteindre les objectifs d’équité.

Le sondage des fonctionnaires fédéraux a fait ressortir des faiblesses associées à l’approche adoptée par la gestionnaire dans ce cas : les employés considèrent en effet le déploiement comme une mesure inéquitable. Dans le cas présenté, les mécanismes de recours tels que les services de médiation ou des instruments d’analyse tels que les rapports de vérification et d’évaluation ne sont pas mentionnés mais constituent des éléments qui pourraient aider à le résoudre.

Sur le plan technique, la décision de la gestionnaire est correcte bien que le ministère n’ait pas pris le temps de lui donner une perspective plus vaste.

FACTEURS PRIS EN COMPTE ET SOLUTIONS PROPOSÉES

Éléments apportés par les participants

Les valeurs fondamentales présentes dans le cas sont la transparence et l’équité. Il importe au plus haut point de promouvoir le dialogue au sujet de la mise en œuvre de ces valeurs dans les mesures de dotation et dans l’ensemble de la planification et du perfectionnement des ressources humaines.

Il existe des raisons certaines d’avoir recours au déploiement dans de telles circonstances mais il importe aussi d’en expliquer le bien-fondé aux membres de l’équipe et de se rappeler que pour ces derniers, la question de l’équité demeure présente.

Le déploiement de Roger pourrait avoir un effet démoralisant sur les autres employés du service – plutôt que d’être fonctionnel dès son entrée en fonction, Roger pourrait bien alors se retrouver confronté à maints obstacles.

Les antécédents de la gestionnaire laissent aussi à désirer – celle-ci n’utilise qu’un seul outil de dotation, le déploiement. En outre, il n’est pas manifeste que l’organisation effectue une planification de ses ressources humaines et l’on y constate un manque de transparence dans la dotation. La gestionnaire doit communiquer avec son personnel au sujet du choix des méthodes de dotation. On devrait aussi recourir de temps à autre à des méthodes et à des techniques reposant sur des valeurs différentes de l’efficacité.

L’enjeu fondamental de ce cas ne ressort pas clairement et il faudra, pour le résoudre, obtenir plus d’information, par exemple : Jusqu’à quel point est-il urgent de doter maintenant le poste? Dans quelle mesure une nomination intérimaire sera-t-elle viable pendant qu’un concours est tenu simultanément? A-t-on retenu le déploiement simplement parce que c’était une solution pratique et facile? D’autre part, si Roger, l’employé muté, était membre d’un groupe désigné à des fins d’équité, le cas présenterait une toute autre dimension.

Tant les aspects du cas présenté que la question de la transparence devraient être étudiés dans le contexte du ministère et des talents dont ce dernier dispose. On ne devrait éviter les concours en bonne et due forme que si cela est essentiel en raison du délai dont on dispose pour doter le poste.

Toute mesure de dotation devrait permettre de concilier les aspects pragmatiques et le besoin d’une culture organisationnelle enrichissante et transparente. On devrait s’efforcer de maintenir la satisfaction au travail des employés, à l’aide d’un plan qui leur offre des possibilités d’avancement. Dans 90 p. 100 des cas, il sera indiqué de suivre le processus normal de dotation; on reconnaît que dans les autres cas, il sera parfois nécessaire de muter rapidement le personnel. Les mesures qui ne visent qu’à éviter les appels ne sont pas appropriées et vont d’ailleurs à l’opposé de la raison d’être du processus d’appel.

Dans le cas décrit, la gestionnaire devrait aussi envisager la possibilité de procéder à une nomination intérimaire de moins de quatre mois pendant que le concours aurait lieu.

Même si le personnel de l’équipe perd une possibilité d’emploi suite au déploiement de Roger, il n’en demeure pas moins que quelqu’un d’autre aura la possibilité d’occuper l’ancien poste de ce dernier.

Un déploiement rapide ne représente possiblement pas la meilleure solution pour l’ensemble du ministère, si l’on considère les retraites prochaines et le fait que cette possibilité d’emploi pourrait servir à recruter de nouvelles compétences. En outre, le ministère retire peu d’avantages d’une situation où les divers services se « volent » réciproquement leurs effectifs. De toute manière, dans une situation marquée par les retraites et par la non-disponibilité immédiate de certaines compétences à l’extérieur de l’administration, certaines personnes seront tôt ou tard promues. Il importe, dans un tel contexte, que les mesures de dotation individuelles tiennent compte de l’ensemble de la situation.

Récapitulation par les animateurs et les participants de la table ronde

Ce cas illustre un problème courant et épineux pour les gestionnaires. La discussion a fait ressortir un nombre remarquable d’opinions convergentes ainsi que certaines façons intéressantes d’aborder le cas.

Dans de telles situations, il convient d’adopter une approche équilibrée à la dotation, mettant l’accent sur la communication avec l’équipe et sur les valeurs et l’éthique de la fonction publique. Il est essentiel, tant dans le secteur public que privé, d’encourager ce dialogue à tous les niveaux si l’on veut demeurer dans la course.

Au chapitre des politiques en matière de ressources humaines, il importe de souligner que les grands secteurs prospères, tel que celui des services financiers, dont certains sont peu syndicalisés, se sont dotés de règles de gestion des ressources humaines semblables à celles de la fonction publique. Ces règles sont d’ailleurs une nécessité dans ces entreprises hautement concurrentielles afin que les employés se sentent appréciés, ce qui permet de conserver leurs services.

L’une des grandes différences que l’on note entre la fonction publique et le secteur privé réside dans le fait que le secteur privé recrute directement de nouveaux employés au niveau des gestionnaires intermédiaires plutôt que principalement aux premiers échelons, comme c’est le cas dans la fonction publique.

L’exigence de diversité est parfois perçue comme biaisant l’équité du milieu de travail. Cependant, si la fonction publique peut en arriver à exprimer clairement ses valeurs partagées et si les gestionnaires s’engagent sans réserve à mettre en œuvre ces valeurs de manière juste et transparente, les employés accepteront alors le rôle de la diversité dans la dotation.

C’est là l’expérience qu’on a acquise à Affaires indiennes et du Nord canadien, par exemple, ministère dans lequel 50 p. 100 des postes seront un jour comblés par des Autochtones. Le sondage des fonctionnaires fédéraux n’a pas relevé d’insatisfaction notable à l’égard de la dotation dans ce ministère.

La dotation doit être empreinte de créativité et reposer sur de nombreux moyens différents pour produire des résultats équilibrés. Il serait valable d’utiliser à cette fin un processus de concours publics pour constituer un bassin d’employés qualifiés pouvant être affectés rapidement en poste.

En résumé, les gestionnaires doivent faire preuve de leadership et se donner une approche équilibrée en matière de dotation, en tenant compte des intérêts plus vastes de leur direction et de leur ministère au chapitre de la représentativité. Il importe de souligner que la recherche de la compétence ne produit pas à elle seule la représentativité et que ces deux valeurs doivent être combinées harmonieusement. Finalement, on ne saurait exagérer l’importance du dialogue.

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CAS 2 : « QUI EST RESPONSABLE ICI? » Responsabilité du point de vue des ministres et de leurs sous-ministres

Une compagnie canadienne a élaboré le produit S, additif chimique en son genre, qui prolonge la durée d’entreposage et le rendement de graines utilisées aux fins de récoltes commerciales. Selon les tests effectués par la compagnie, le produit S est sûr et efficace lorsqu’on l’utilise tel qu’indiqué.

Cette compagnie est située dans la circonscription d’un ministre fédéral qui a appuyé de façon constante les améliorations agricoles contribuant au mieux-être de tous les consommateurs canadiens. Le ministre, il va sans dire, est également heureux de l’expansion prise par cette compagnie en raison de son nouveau produit. Cependant, plusieurs groupes de pression environnementaux critiquent le produit S qui, selon eux, pourrait nuire à la santé des humains et à celle des animaux.

À l’origine, le produit S avait été approuvé pour être utilisé par les fournisseurs de graines, mais, étant donné son succès, les responsables fédéraux de la santé et de l’agriculture en ont permis l’utilisation par des fermiers lorsque l’entreposage à long terme de graines s’avère difficile. L’utilisation du produit S a immédiatement augmenté de façon phénoménale. Cependant, le nombre d’inspecteurs sur le terrain a été réduit au cours des dernières années et les autorités ne savent que très peu de choses sur la manière dont le produit S est utilisé présentement.

Les médias rapportent depuis plusieurs mois qu’un produit chimique apparenté étroitement au produit S cause des malformations congénitales chez les animaux, ainsi que de curieux problèmes de santé chez les animaux de ferme où le produit S est appliqué. Les instances fédérales sont préoccupées et commencent à concevoir des tests pour vérifier les effets secondaires du produit S, mais le gouvernement continue d’n favoriser l’utilisation.

Puis un enfant, vivant dans une ferme où on fait un usage soutenu du produit S, tombe gravement malade et présente des symptômes semblables à ceux contre lesquels les groupes environnementaux avaient mis en garde; ceci soulève un tollé chez le public. Les utilisateurs du produit contre-attaquent en montrant que ses effets secondaires sont négligeables s’il est utilisé selon les instructions. La question est soulevée au Parlement, et les médias nationaux exigent une enquête publique sur la façon dont les produits de ce type sont approuvés et réglementés.

Les ministres de la Santé et de l’Agriculture estiment que l’appui que devaient leur apporter les fonctionnaires a fait gravement défaut; ces derniers ne les ont pas avisés assez tôt des risques pour la santé. Par ailleurs, plusieurs employés de l’État ont indiqué à des collègues qu’ils feraient des déclarations publiques si des mesures n’étaient pas prises rapidement afin d’éliminer cette menace. Le Cabinet est divisé quant à la question de savoir, d’une part, s’il devrait enjoindre que l’on cesse immédiatement de fabriquer ce produit et qu’on le retire du marché, et, d’autre part, d’établir qui devrait assumer la responsabilité de ce problème. Les ministres de la Santé et de l’Agriculture sont appelés pour témoigner devant les comités parlementaires de la santé et de l’environnement afin d’expliquer le plan d’ction qu’ls ont suivi jusque là.

Dilemme

La question éthique fondamentale est la suivante : « Que devrait faire le gouvernement? »

De plus, la question de responsabilité doit être abordée comme suit :

Ce cas est hypothétique. Il a été élaboré uniquement à des fins de discussions et ne se rapporte à aucune situation particulière de conduite douteuse.

TROIS PERSPECTIVES FACE AU DILEMME

Méthode 1 : Continuer de fabriquer le produit S pendant que les recherches se poursuivent

Cette intéressante étude de cas comporte les principaux ingrédients d’un désastre politique et bureaucratique :

Il y a deux questions secondaires importantes :

Le fait que le Cabinet ait été saisi de l’affaire témoigne de sa gravité et de son importance, et il y a eu une grave défaillance dans le processus décisionnel. Les questions de ce genre ne devraient jamais se rendre au niveau du cabinet.

Dans cette étude de cas, quatre questions revêtent une importance cruciale : 1) Que s’estil passé? 2) Que doit-on faire? 3) Qui est responsable? 4) Qui doit porter le blâme?

Pour examiner l’affaire, il faudrait essayer de nous mettre dans les souliers des ministres ou des sous-ministres.

Il y a la question de la réglementation des tests et de l’approbation d’un produit chimique qui devient un maillon de la chaîne alimentaire; le processus de testage et d’approbation relève des experts. Le ministre doit veiller à ce que les processus conçus pour protéger la santé publique soient fiables.

Dans les souliers des sous-ministres ou de leurs représentants, nous devrions tenter d’avoir des réponses aux questions suivantes au sujet des faits et de la chronologie. Il n’est possible de déterminer la responsabilité appropriée qu’une fois que les faits sont connus clairement :

Les éléments essentiels de cette affaire sont la transparence, la rapidité et la crédibilité.

Conseils aux ministres et au cabinet

Il faut plus de temps pour étudier la relation entre le produit S et son proche parent dangereux. Le produit S offre de grands avantages au domaine de l’agriculture. Maintenir le produit. Pacifier les groupes environnementalistes prophètes de malheur. Des situations semblables peuvent être nouvelles pour certains parlementaires, mais nous avons déjà vécu ce genre de circonstances. Le problème ne disparaîtra pas.

Méthode 2 : Restreindre l’utilisation du produit S

Lorsque vous êtes dans le pétrin, ce n’est pas nécessairement la faute de vos ennemis; d’autre part, ce ne sont pas nécessairement les amis qui vous en sortent. Dans une situation semblable, il faut se faire discret et garder le silence.

Il y a quatre considérations pertinentes dans cette affaire :

Les faits suivants sont cruciaux dans cette affaire :

En qualité de sous-ministre vous devriez demander – qui, quoi, quand, où, pourquoi, comment? Par exemple, qui est concerné? Quand avons-nous su?

Stratégie générale recommandée

Régler le problème et établir plus tard la responsabilité. Élaborer une info-capsule et faire passer le principal message aux utilisateurs, aux fabricants et au public dans les vingt-quatre heures qui suivent.

Prochaines étapes

Les ministres ne participent pas au processus de réglementation; les élus devraient se tenir loin du processus de réglementation. Il faut trouver un porte-parole crédible qui a les connaissances techniques et les compétences médiatiques – pas un ministre ni même un sous-ministre. Comme la santé publique et celle d’un enfant sont en jeu, restreindre le produit à l’utilisation prévue initialement. Émettre des avertissements à tous les utilisateurs et procéder à des tests plus approfondis.

Méthode 3 : Bannir la fabrication et l’utilisation du produit S

Cette affaire sera soulevée immédiatement lors de la période de question. Si les ministres n’ont pas été informés et qu’ils évitent la question pendant la période de question, ils seront assaillis de nouveau lors du point de presse.

Un ministre qui perd la tête dans son ministère risque vraiment de la perdre au cabinet comme on a pu le voir dans l’affaire du thon contaminé.

Quelqu’un a pu omettre d’informer convenablement le ministre, mais ce n’est pas le temps de chercher un responsable.

Il faut connaître les faits, mais on sait que le cabinet ne fondera pas sa position sur des certitudes absolues. Les analyses peuvent être incomplètes. Les procédures peuvent être plus ou moins exactes. Il n’y a pas de lien établi entre le produit S et la maladie de l’enfant. Les ministres prennent plutôt des décisions en fonction de la perception et de sorte à limiter les dommages politiques.

Dans le présent cas, le cabinet est divisé et déchiré entre les questions d’ordre économique pour le fabricant et les coûts possibles pour le gouvernement si les médias établissent ultérieurement un lien entre la maladie et le produit S.

Les ministres veulent limiter les dégâts. Ils seront en faveur d’arrêter la fabrication du produit S. Le gouvernement tentera de tracer un portrait de cette affaire comme étant une situation noire ou blanche, mauvaise ou bonne, et décidera ensuite d’appuyer la seule option acceptable ou bonne, que le public appuiera à son tour.

(Cela soulève la question d’éthique – une décision devrait-elle être prise en fonction des relations publiques ou des communications dans un effort de présenter une bonne image du gouvernement du jour? Ou, le cabinet devrait-il prendre une position plus ferme et attendre d’avoir plus de faits?)

Sur qui doit-on rejeter le blâme?

Bien que le rejet du blâme soit une préoccupation secondaire, il faut traiter de la question. Les organisations non-gouvernementales et les médias poursuivront l’affaire et demanderont des réponses. Le fabricant voudra reprendre sa production. Les comités parlementaires concernés voudront aussi poser des questions et obtenir des réponses directes.

Il faut répondre aux questions suivantes :

Les fonctionnaires sont responsables de l’existence et de la clarté des règlements et procédures, ainsi que de l’application de ces règlements et procédures. Si les fonctionnaires ne s’acquittent pas de ces responsabilités, ils devraient porter le blâme et recevoir le traitement prévu dans les règles de la fonction publique.

Si les règlements et les procédures sont claires et qu’elles ont été appliquées adéquatement, alors ce n’est pas la question de faire porter le blâme, et il peut exister un défaut de conception dans les règlements et procédures comme tels. Les règlements et procédures ministériels doivent être examinés mais pas par voie d’enquêtes publiques comme le réclament les médias. Il s’agit d’un moyen onéreux, non efficient et long pour arriver à la vérité.

Le fabricant est légalement responsable des directives d’utilisation du produit S. Les utilisateurs sont responsables de suivre ces instructions et d’utiliser le produit convenablement; les utilisateurs n’ont aucun recours dans le cas d’une utilisation non appropriée. Il existe une différence entre la responsabilité légale et la perception du public à l’égard de la responsabilité.

Un ministère peut être blâmé parce qu’il n’a pas vérifié l’utilisation d’un produit. Toutefois, le rôle des ministères est de régler les problèmes non pas nécessairement de les prévenir, selon l’argent et les ressources disponibles.

Quatre signes d’avertissement

Lorsque des organisations environnementalistes non gouvernementales affirment qu’il existe un problème et protestent, ces indications peuvent être fiables; toutefois, les fonctionnaires devraient prendre des notes, traiter ces protestations comme des avertissements et en évaluer la validité. Le ministre devrait être alarmé par les articles à répétition dans la presse sur le sujet.

Si des préoccupations existaient dans les ministères au sujet de l’innocuité du produit, alors ces préoccupations auraient dû être transmises aux sous-ministres. Ceux-ci auraient alors décidé si les ministres devaient être informés. Les ministères doivent agir – demander au fabricant d’effectuer d’autres tests, mettre le public en garde ou examiner le produit.

Les rapports dans les médias au sujet de menace à la santé humaine et à la santé animale devraient avoir été relevés par le secrétaire médiatique et les experts techniques des ministères. Des notes informatives auraient dû être préparées.

Le plus grave message d’avertissement est que l’enfant semble être malade pour des raisons liées au produit. Les avocats vous diront qu’il n’y a pas de connexion de cause à effet entre la maladie de l’enfant et le produit. Les fonctionnaires, les ministres et les sous-ministres vivent toutefois dans un monde de perceptions. Le public percevra l’affaire comme un choix entre la vie d’un enfant et le coût d’arrêt de la production d’un produit chimique. Dans les circonstances, la bonne décision ne semble être que l’arrêt de la production du produit.

FACTEURS CONSIDÉRÉS ET SOLUTIONS PROPOSÉES

Contributions des participants

Dans cette affaire des réclamations contradictoires entrent en jeu relativement à la santé publique et aux avantages économiques d’un produit.

Le principe de précaution –arrêter toutes les applications du produit S immédiatement – devrait avoir été souligné et devrait s’appliquer dans les situations semblables et dans les situations de l’ordre de la « maladie de la vache folle » en Grande-Bretagne.

Les fonctionnaires ont des rôles à jouer tant dans la mise en marché des produits que dans la protection de la santé publique par l’établissement de procédures de réglementation et de contrôle et par leur application. Les fonctionnaires doivent déterminer les risques possibles et en aviser les ministres et le public.

Les fabricants ont des responsabilités également. Dans certains cas, ils ont volontairement retiré leur produit ou les ont limités (par exemple, le retrait de Tylenol du marché).

Dans ce cas, il y a une possibilité de conflit entre les valeurs de loyauté envers le ministère et l’intérêt public.

Une décision devrait-elle être fondée sur des faits ou une perception? Le fait de fonder les décisions uniquement sur les perceptions (en l’absence de faits) aura un effet paralysant.

Le produit devrait-il être retiré du marché ou devrait-on en limiter l’utilisation? Les utilisateurs (fermiers), ainsi que les fabricants, devraient participer à la décision concernant les actions à suivre.

Cette crise démontre qu’lle doit être gérée (plans médiatiques, consultations avec les intervenants et autre recours), mais il est difficile de prendre du recul face aux problèmes immédiats et d’en définir les questions essentielles.

Les affaires semblables sensibilisent davantage le public tout en réduisant le niveau de tolérance face aux erreurs.

Les ministres sont responsables aux yeux du public. Ils devraient prendre une mesure claire en stoppant la fabrication et la distribution du produit afin de se donner du temps pour collecter les faits.

Il incombe au sous-ministre d’affecter les ressources et d’équilibrer les attentes du public à l’égard de la sécurité et les exigences de ce même public en matière de compressions des dépenses.

Une défaillance a eu lieu lorsque l’utilisation originale du produit a été étendue. Les utilisateurs ont aussi des responsabilités, mais étaient-ils suffisamment informés et ont-ils reçu la formation adéquate? Les inspecteurs et les autorités de réglementation ont-ils assuré un suivi convenable?

Il est extrêmement coûteux de réduire les risques à néant, alors il faut accepter qu’il existe des risques et verser des indemnités lorsqu’il est justifié de le faire.

Récapitulation par les animateurs et les panélistes

Dans ce genre d’affaires, on est toujours tenté de réagir démesurément et il y a toujours des crises possibles qui attendent en coulisse.

En l’occurrence, il y a eu une véritable défaillance dans les communications. Le sous-ministre devrait accorder plus d’attention aux articles de la presse et poser des questions directement à son ministère.

Dans les cas où les règlements sont mis en cause, les fonctionnaires (non les ministres) devraient avoir la priorité de réponse. Les ministres sont responsables des niveaux de ressources.

Les fonctionnaires doivent traiter les faits et fournir aux sous-ministres la meilleure information possible en se fondant sur les faits disponibles. Il incombe aux sous-ministre d’ajouter d’autres considérations au sujet de la perception du public et du bien du public.

Il faut faire un compromis entre le principe de précaution et la réaction démesurée.

Il faut appliquer le principe de précaution et déclarer un moratoire sur le produit jusqu’à ce que plus de faits soient recueillis et connus, en raison de la perception évidente d’une menace pour la santé publique.

La situation n’aurait jamais dû se produire; plus on permet à une situation de se détériorer et plus il faudra prendre des mesures sévères.

Il faut procéder à un post-mortem profond et systématique pour déterminer ce qui a fait défaut et comment éviter la répétition d’une telle situation. Un partage plus rapide de l’information aurait pu empêcher cette situation de se produire.

Les problèmes de ce genre continueront de survenir en raison des produits innovateurs, comme par exemple dans les secteurs de la manipulation génétique et la biotechnologie, qui entraînent des effets secondaires sans que suffisamment d’information soit disponible.

En réalité, l’utilisation de technologie innovatrice présente des risques pour la santé et la vie humaine. Le principe de précaution doit s’appliquer dans l’utilisation de technologie innovatrice mais les fonctionnaires doivent savoir qu’une application trop pointue de ce principe fera échec aux avantages de cette innovation.

Afin de traiter du nombre inévitablement croissant de problèmes semblables, nous devrons continuer de peaufiner nos compétences dans l’application de notre jugement et nos valeurs. L’information doit circuler librement et les fonctionnaires doivent travailler dans un climat où ils peuvent assumer leur responsabilité de « donner l’heure juste ». Les fonctionnaires doivent poser des questions lorsqu’ils soupçonnent l’existence de risques pour la santé ou la sécurité du public.

Les situations sont plus complexes lorsque des valeurs contradictoires sont en jeu. Les enjeux et les valeurs dans ce cas comprennent :

Ces dilemmes peuvent se résoudre grâce au dialogue franc et à la discussion au sujet des valeurs et de l’éthique parmi les parties intéressées. Nous devons créer un espace sûr pour permettre la tenue de discussions dans tous les ministères.

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Cas 3 : « AMI OU ENNEMI? »
Les conflits d'intérêts dans le cadre des relations internationales

Les représentants d’un pays d’accueil ont demandé au gouvernement du Canada de coordonner la livraison d’un important ensemble de produits pour améliorer l’infrastructure locale. Le projet prévoit l’organisation d’une mission comportant un grand nombre de gens d’affaires bien connus qui se rendrait dans le pays, ainsi que des garanties d’emprunt et d’autres formes de soutien de la part du Canada. Ces efforts ouvriraient des portes aux entreprises canadiennes en leur donnant l’occasion de faire des affaires avec ce pays. Les améliorations de l’infrastructure proposées seraient les conditions préalables du développement économique à plus long terme.

La promotion des droits de la personne n’est malheureusement pas le point fort du pays d’accueil. La police et l’armée emprisonnent d’emblée les personnes soupçonnées de se livrer à une opposition politique non violente sans leur donner la protection de la loi. Bien des gens ont été traités d’une manière révoltante et certains ont tout simplement disparu après leur captivité. Depuis des années, des groupes internationaux de défense des droits de la personne exercent des pressions pour faire reconnaître ces abus et forcer le pays d’accueil à y mettre un terme.

L’amélioration des relations entre le pays d’accueil et le Canada pourrait donner aux autorités canadiennes l’occasion de faire pression sur le gouvernement du pays d’accueil pour améliorer la gouvernance et l’application de la démocratie. De plus, les grandes entreprises canadiennes se sont engagées à reconnaître les droits fondamentaux de la personne dans la conduite des affaires et pourraient avoir un effet positif sur la situation. Par contre, en intensifiant ses relations avec ce pays, le Canada peut donner à la communauté internationale l’impression d’approuver son comportement. Il se peut aussi qu’une vague de réfugiés viennent chercher l’asile politique au Canada pour échapper à la persécution, ce qui compromettrait les relations entre les deux pays et diminuerait sensiblement le réservoir des talents du pays d’accueil.

De temps à autre, l’actualité dans le pays d’accueil est largement commentée par les journalistes du Canada, et l’envoi d’une mission commerciale déclencherait probablement une nouvelle série de reportages.

Quel comportement éthique pourrait adopter le gouvernement du Canada et ses partenaires commerciaux? Quelles sont les valeurs fondamentales de la fonction publique menacées ici?

Ce cas est hypothétique. Il a été élaboré uniquement à des fins de discussions et ne se rapporte à aucune situation particulière de conduite douteuse.

TROIS PERSPECTIVES FACE AU DILEMME

Approche 1 : Donner suite au projet de mission commerciale

Il s’agit d’une très vieille question au sujet de laquelle il ne devrait pas être nécessaire de reprendre le débat. Nous sommes, comme nous l’avons tous appris depuis la petite école, une nation commerciale. Notre croissance économique est tributaire du commerce extérieur. Notre marché intérieur est définitivement trop restreint. Dans l’économie concurrentielle mondiale, l’endroit le plus favorable pour accroître les exportations est le monde en développement.

Nous envoyons régulièrement des missions commerciales gouvernementales dans toutes les parties du monde pour contribuer à améliorer la commercialisation internationale de nos produits. Le monde des affaires est très heureux de ces missions commerciales dirigées par le gouvernement. Les ministres contribuent à l’organisation de missions de la sorte, aussi bien pour rehausser leur profil que pour profiter d’un moyen précieux de pénétrer les marchés.

La question éthique qui se pose est de déterminer si la responsabilité de respecter les principes déontologiques appartient au gouvernement ou aux entreprises. Les principales entreprises canadiennes soutiennent qu’elles observent les principes de la déontologie : elles ont leurs propres codes de conduite. En outre, les pratiques déontologiques des grandes entreprises fournissent un bon exemple aux petites entreprises participant aux échanges commerciaux. Le monde des affaires est d’avis qu’il est mieux placé pour gérer le respect des principes déontologiques dans les échanges commerciaux sans la réglementation gouvernementale.

Cependant, les prêts accordés pour fins d’échanges commerciaux par exemple, étant endossés par le gouvernement, le gouvernement a manifestement un rôle à jouer dans la déontologie liée aux échanges commerciaux. Les entreprises devraient se conformer dans une certaine mesure aux règles gouvernementales dans les cas où intervient une participation gouvernementale. Le gouvernement et le monde des affaires ont l’un et l’autre avantage à faire la promotion des valeurs canadiennes (par exemple pas de potsde- vin, pas de trafic d’influence). Il y aurait lieu d’éviter de confondre ces questions de déontologie des affaires avec les questions plus vastes liées aux droits de la personne qui sont traitées de façon plus convenable de gouvernement à gouvernement.

Il y aurait lieu de donner suite au projet de mission commerciale dans les meilleurs délais.

Approche 2 : Les droits de la personne ont une importance primordiale

Il conviendrait que le gouvernement canadien prenne toutes les précautions voulues avant d’accorder un appui visible sous la forme de l’envoi d’une mission commerciale dans un pays dont la réputation est discutable dans le domaine des droits de la personne. Une mission de ce genre à laquelle les médias accordent une forte importance serait considérée comme un appui tacite à des mauvais traitements dans le pays hôte.

Les interventions du gouvernement canadien ne doivent pas gêner le développement démocratique. La mise en valeur des droits de la personne sur la scène internationale est une partie essentielle de la politique étrangère du Canada. En 1994, le gouvernement a réaffirmé l’importance des droits de la personne, non seulement en tant que valeur fondamentale, mais également en tant qu’élément indispensable de sociétés démocratiques et prospères stables, en paix les unes avec les autres.

En notre qualité de fonctionnaires, nous devons nous rappeler nos propres valeurs fondamentales, notamment la démocratie, la règle de droit et l’honnêteté. Nous devons également nous rappeler nos engagements internationaux, notamment les diverses conventions des Nations Unies ayant trait aux droits de la personne.

En outre, il est important de noter que le Canada accepte des réfugiés du pays hôte. De façon générale, les niveaux d’acceptation de réfugiés fuyant la persécution sont élevés. Il semblerait illogique d’accorder une approbation tacite à un régime répressif par l’envoi d’une mission commerciale, tout en acceptant d’autre part un grand nombre de réfugiés qui s’en évadent.

De plus en plus, la population canadienne en général reconnaît l’importance du rôle des banques et des sociétés internationales relativement à l’amélioration du respect des droits de la personne – cette responsabilité n’appartient pas uniquement au gouvernement (retenons-en comme preuve les mouvements de protestation qui se sont exprimés à Seattle et à Montréal).

Il y aurait lieu d’éviter d’accepter inconditionnellement l’idée que les échanges commerciaux et les autres modes d’engagement constituent le moyen le plus sûr d’inciter les États à améliorer leurs réalisations dans le domaine du respect des droits de la personne. Les sociétés, les organismes non gouvernementaux (ONG) et les autres intervenants privés ont un rôle utile et crucial à jouer. Cependant, ce constat ne devrait pas dissuader les gouvernements de profiter de tous les leviers de pouvoir qu’ils ont à leur disposition : contestation des réalisations des autres États dans le domaine des droits de la personne, mesures commerciales et sanctions.

Avant de procéder à l’envoi d’une mission commerciale, le Canada devrait :

Une fois que les progrès auraient été accomplis dans ces domaines, le gouvernement canadien pourrait songer à procéder à des échanges commerciaux avec circonspection.

Une intervention dans le domaine des droits de la personne est nécessaire de la part des sociétés. Dans l’approche n 1 ci-dessus, on nous a dit que la plupart des sociétés possèdent des codes de déontologie de bonne qualité touchant les questions fondamentales comme la santé, l’environnement, le travail des enfants et les salaires. Cependant, Ed Broadbent, lorsqu’il était dirigeant du Centre des droits de la personne de Montréal, maintenait que la présence de codes de déontologie n’est pas suffisante – que les sociétés et leurs codes doivent faire l’objet de suivis indépendants. En outre, une partie des profits réalisés par les entreprises devrait être affectée aux travaux des groupes qui militent en faveur des droits de la personne. Les sociétés doivent jouer un rôle dans les domaines de l’alphabétisation, de l’éducation et de la santé.

Dans l’intervalle, l’ACDI et d’autres institutions gouvernementales devraient aider les entreprises internationales à favoriser l’amélioration de la gouvernance et des institutions démocratiques. Les institutions devraient également aider les ONG à appuyer la société civile.

Les droits de la personne constituent un sujet de préoccupation de toute première importance que le Canada doit continuer de mettre en valeur, compte tenu de sa réputation dans le domaine.

Approche 3 : Équilibre – Travailler avec les entreprises en faveur des droits de la personne

Le rôle du fonctionnaire est d’en arriver à un compromis, sans glisser dans la médiocrité, entre une position avant-gardiste et l’excès de compassion. À noter qu’il est très difficile de soulever des questions fondamentales dans le cadre d’un projet particulier. Les questions fondamentales doivent être réglées une par une.

Il est également important de noter que 40 p. cent de notre PIB proviennent des échanges commerciaux; il s’agit là du niveau le plus élevé dans les pays de l’OCDE. En outre, la population du monde s’accroît à un rythme extrêmement rapide. Or la presque totalité de cette croissance s’effectue dans les pays en développement.

On constate un écart de valeurs entre ce qui se fait dans les pays en développement et ce avec quoi les Canadiens sont à l’aise. La gestion de l’écart a été confiée au premier chef au secteur privé constitué principalement de sociétés essentiellement anationales. Cependant, lorsque des deniers publics sont en jeu, les fonctionnaires doivent témoigner des valeurs culturelles et spirituelles de leur pays. Par conséquent, il est nécessaire d’apprendre à gérer l’écart dans le cadre d’un projet particulier.

Les ministres sont des spécialistes de la gestion de l’écart entre les valeurs nationales et les projets étrangers. Bien entendu, lorsque l’écart est trop grand, il devient plus pénible de le gérer. Comme le dit Sir Humphrey dans « Yes, Minister », le ministre devra être audacieux ou courageux. S’il est audacieux, il risque de perdre son siège; s’il est courageux le gouvernement risque de s’effondrer.

Les écarts entre les valeurs ne surviennent pas uniquement entre les pays industrialisés et les pays en développement. Dans l’affaire du scandale de corruption de la Lockheed, le gouvernement japonais s’est effondré. n réalité, cette catastrophe a donné lieu à l’élaboration de codes de déontologie par les grandes entreprises américaines. La plupart des grandes entreprises de premier plan réussissent bien sous ce rapport. La création d’un vérificateur général international chargé de superviser ces codes d’entreprise n’est pas une bonne idée, parce qu’elle imposerait encore un autre ensemble de valeurs.

Il convient de reconnaître que l’écart entre les valeurs est un phénomène inévitable – il est tout à fait impossible de le supprimer en créant un ensemble international de valeurs. L’écart doit être géré au moyen d’un dialogue visant à créer une compréhension.

Le secteur privé a un rôle important à jouer dans un développement économique qui favorise l’émergence des droits de la personne et diminue l’écart. L’imposition du respect gouvernemental des droits de la personne par les gouvernements eux-mêmes ne mène à rien. Par contre, il faut se garder d’avoir à l’égard de l’industrie une attitude de laisser faire et de lui accorder des fonds publics. Les sociétés doivent établir des valeurs communes avant que les valeurs en question donnent lieu à des problèmes cruciaux dans le cadre d’un projet. Les questions liées aux droits de la personne sont fondamentales et constituent une part légitime des énoncés de valeur de ce genre.

Il existe bel et bien un terrain d’entente pratique et pragmatique nécessitant à la fois l’intervention du gouvernement et celle du secteur privé, mais il doit faire l’objet d’un débat public pour constituer une base générale d’entente. L’écart entre les valeurs doit être bien saisi et géré.

FACTEURS ENVISAGÉS ET SOLUTIONS PROPOSÉES

Contributions apportées par les participants

Le cas évoqué fait écho à notre expérience de travail. Il se présente aujourd’ui des cas de ce genre et leur nombre va s’accroître dans l’avenir. Il est impossible de les éviter.

Contrairement à ce qu’un panéliste a laissé entendre, le volume de nos échanges commerciaux avec les pays en développement est peu élevé – la plus grande partie de nos échanges commerciaux se font avec les États-Unis. Par conséquent, pourquoi les Canadiens ne pourraient-ils pas insister de façon plus rigoureuse sur l’amélioration du respect des droits de la personne de la part de nos partenaires commerciaux? Le Canada s’astreint actuellement à des normes exigeantes en matière de respect des droits de la personne – le Canada occupe le quatrième ou le cinquième rang de l’Index des Perceptions de la Corruption de Transparency International. Par conséquent, 95 p. cent des pays ne respecteraient pas nos normes.

Nous devrions insister non seulement sur les droits de la personne, mais également sur l’impact environnemental. Nous devrions nous abstenir d’accorder des subventions sans la présence de règles suffisantes pour régir les aspects environnementaux et autres. Ces règles seraient différentes selon les catégories de denrées visées – les centrales nucléaires exigeant des règles plus rigoureuses que les produits de consommation, pour n’en donner qu’un exemple.

En ce qui concerne le rôle du politicien par rapport à celui du fonctionnaire – le fonctionnaire doit être habile à analyser les risques et à faire connaître les solutions disponibles afin de permettre au ministre de prendre une décision.

Les décisions relatives aux missions commerciales à envoyer dans des pays comme celui qui nous occupe devraient être prises une par une, après examen de divers facteurs, notamment les motifs pour lesquels il y a lieu d’aller dans ce pays, en tout premier lieu. Le Canada a-t-il des chances d’accroître son influence dans la région visée? D’autres pays ont-ils fait davantage pour exercer des pressions sur le gouvernement du pays hôte afin qu’il améliore ses réalisations sur le plan du respect des droits de la personne? Quelles sont les possibilités de changement dans le pays hôte? Dans le cas qui nous occupe, il semble préférable d’attendre et de vérifier si le pays commencera à améliorer ses réalisations sur le plan du respect des droits de la personne, avant de s’engager dans le projet.

On ne sait pas trop ce que devraient être les valeurs fondamentales dans des projets comme celui-là. Le Canada devrait s’abstenir d’agir en missionnaire et d’imposer un changement de valeurs au pays hôte. Il faudrait procéder avec beaucoup de délicatesse lorsqu’on impose aux autres les valeurs et les principes déontologiques canadiens, et éviter l’ethnocentrisme.

Le fait d’insister sur l’intégrité des valeurs et des principes déontologiques dans les échanges commerciaux internationaux est un luxe des pays industrialisés. Nous ne pouvons pas nous attendre à ce que les valeurs et les principes déontologiques soient appliqués dans leur intégralité. Il nous faut agir conformément à certaines valeurs acceptables à l’échelle internationale – nous devrions utiliser les instruments internationaux d’intervention dont nous sommes signataires comme fondement des valeurs dont nous exigeons le respect avec insistance de la part de nos partenaires commerciaux.

Si nous utilisions la question de respect des droits de la personne pour rompre les liens avec le pays visé, nous risquerions de causer préjudice aussi bien aux travailleurs canadiens et à leur famille qu’à ceux du pays hôte. Les cas de ce genre exigent une diplomatie moins rigoureuse de la part du gouvernement – de fait, les entreprises ont elles-mêmes mis en œuvre des codes efficaces à l’égard de problèmes comme le travail des enfants.

Tous les ordres de gouvernement doivent conjuguer leurs efforts à ceux du secteur privé pour faire la promotion des valeurs canadiennes à l’étranger. C’est ce que nous nous efforçons de faire dans les missions commerciales et les contacts à long terme. Les missions commerciales ont un objet plus vaste que les seuls rapports commerciaux; elles stimulent en outre le développement économique du pays hôte. Les portes s’ouvrent peu à peu et il y aurait lieu d’entreprendre plusieurs catégories d’interventions en même temps.

Cependant, si nous pouvons peut-être minimiser l’importance du respect des droits de la personne pendant un certain temps, cette question étant cruciale pour les relations à long termeavec le pays hôte – il y a des limites que l’on ne peut absolument pas franchir, par exemple, des cas où interviennent des sanctions internationales et même l’utilisation de la force.

Dans un cas comme celui-ci, il n’y a pas de bonne réponse. Il existe une zone grise où le principal instrument auquel nous puissions nous en remettre est de nous efforcer d’influencer les pratiques du pays hôte et où nous devons toujours tenir compte des réalités politiques du gouvernement et de la situation économique. À vrai dire, il nous faut négocier. Il nous faut influencer nos partenaires le mieux possible et en arriver à un terrain d’entente. Dans ce cas, il est impossible de séparer l’aspect démocratique et l’aspect économique des droits de la personne.

Le développement économique n’est pas toujours synonyme de bon développement – le développement efficace des institutions locales et les droits de la personne sont d’égale importance. Cette démarche devra faire appel à des moyens divers. Par exemple, il faudra appuyer les ONG pour leur permettre d’établir des ponts avec leurs contreparties de la société civile.

Il se peut qu’il soit difficile d’évaluer les conditions qui règnent dans divers pays – nous aurions avantage à axer nos efforts sur les pays où nous serons sûrs de ne pas nous attirer des ennuis et où nous pourrons changer les choses. Nous aurions également avantage à être proactifs et à utiliser de façon immédiate nos leviers politiques.

Nous pouvons conclure que ce n’est pas le bon moment pour envoyer une mission de grande envergure, étant donné que cette démarche met trop en relief les problèmes particuliers qui existent dans le pays hôte. Nous devrions commencer de façon modeste. Nous devrions tracer la voie en donnant aux autres pays un exemple de la façon dont nous faisons les choses au Canada.

La « bonne réponse » dans ce cas est que nous devrions établir un juste équilibre entre nos valeurs et mettre l’accent sur le respect des droits de la personne et l’aide humanitaire aux réfugiés et aider les entreprises canadiennes à créer des emplois. Par contre, la « réponse juste » dans ce cas est que la situation est très embrouillée – il faut tenir compte des facteurs politiques; il est très difficile de progresser dans le pays hôte; l’initiative risque de ne pas fonctionner.

Conclusion tirée par les modérateurs et les panélistes

L’élément crucial pour l’avenir des échanges commerciaux du Canada est le phénomène des marchés émergents – par exemple, le Brésil où la moitié de la population est âgée de moins de 16 ans. Dans les pays émergents, il se peut qu’il se pose des questions de grande importance liées aux droits de la personne – par exemple, au Nigéria où, à un moment donné, le Canada a dû fermer sa mission en guise de protestation contre les mauvais traitements. Par conséquent, il existe un seuil à ne pas franchir dans le domaine des droits de la personne, même dans une situation résolument favorable aux échanges commerciaux.

La raison pour laquelle nous ne discutons pas d’éthique avec les États-Unis est que l’écart est rassurant (peu importe que cet écart soit analysé du point de vue de l’étranger ou du point de vue intérieur). À vrai dire, depuis la conclusion de l’ALENA, nous devons considérer le marché américain (80 p. cent de nos échanges commerciaux) comme faisant partie de notre marché intérieur étendu.

Il serait avantageux de faire un recueil des énoncés de valeurs et d’éthique des entreprises multinationales. À noter que leurs intérêts commerciaux sont très raffinés – elles désirent obtenir une « licence publique » pour mener leurs activités (c.-à-d. l’approbation des travailleurs et des citoyens) ce qui à leurs yeux est préférable à « un permis du gouvernement » de mener leurs activités. Dans le domaine de l’écologie, les codes des multinationales semblent se fonder sur les normes les plus exigeantes du monde et supérieures à celles de la plupart des gouvernements.

Retenons une anecdote : Un réfugié d’un pays d’Afrique qui avait entendu dire qu’une discussion sur l’éthique s’annonçait dans une tribune de fonctionnaires a fait observer que, compte tenu de la bonne réputation du Canada, il est entièrement souhaitable que des discussions de ce genre aient lieu.

Les cas de ce genre témoignent du fait que lorsque deux ou plusieurs valeurs entrent en conflit, nous sommes en présence d’un dilemme éthique. Nous sommes confrontés à des situations de ce genre dans notre vie professionnelle de tous les jours. Nous devons examiner les situations et les principales valeurs qu’elles mettent en conflit, puis passer aux actes. Le dialogue, comme celui qui s’est fait place dans la séance d’aujourd’hui, mettant en présence des personnes de cultures différentes et de points de vue différents est très éclairant et très précieux.

Il n’existe pas de bonne réponse dans les cas comme celui qui nous occupe. Quelle que soit la ligne de conduite qui sera adoptée, il y a risque de préjudice. De là l’importance du dialogue pour minimiser le préjudice en question.

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CAS 4 : « CE N'EST PAS ÉQUITABLE! »
Le défi de la diversité pour les fonctionnaires

Une situation apparaît troublante au sein de l’unité de première ligne d’un ministère qui entretient des contacts intensifs avec la population canadienne. Plusieurs allégations ont été avancées récemment à l’effet que les membres de l’unité scrutent les dossiers de certains membres de minorités visibles plus que les autres, et exigent que ces membres prennent des mesures additionnelles avant d’obtenir lest prestations auxquelles ils ont droit.

Le directeur de l’unité vient de prendre sa retraite. Le ministère envoie le directeur N. en affectation spéciale. N. possède une vaste expérience en politique et des procédures sur la diversité, en plus de connaître à fond le travail du ministère. Dans le cadre de cette affectation, on demande à N. d’examiner attentivement la nature des contacts avec les minorités visibles et le public en général.

Au cours des premiers jours de son arrivée, N. observe P., un cadre supérieur, servir les clients avec calme et efficacité. Puis, N. remarque que P. exige d’un client d’une minorité visible qu’il fournisse de la documentation additionnelle, alors que N. sait pertinemment qu’une telle documentation n’est habituellement pas exigée des clients. Le client s’insurge en soulignant que cette demande nécessitera des visites et des lettres à de nombreuses institutions afin de recueillir l’information exigée, de même qu’un nouveau rendez-vous avec P. et un délai considérable avant de recevoir ces prestations. Le client affirme qu’un parent d’une autre ville n’a pas eu à fournir cette information. P. est inflexible et indique que ces documents additionnels doivent être fournis avant de poursuivre les démarches. De nombreux clients et membres du personnel observent la confrontation. Après d’autres protestations, le client quitte les lieux.

Plus tard au cours de la journée, le directeur N. rencontre P. et, dans le cours d’une discussion sur un certain nombre de questions, lui demande s’il désire discuter de l’incident du matin avec le client. P. indique que ce client a déjà fait des demandes qui posaient problème et fournit des documents peu fiables. Il ajoute que plusieurs clients ont fait récemment des demandes de prestations non étayées en utilisant des techniques similaires. Ces clients sont de plus liés entre eux.

Se fiant à son expérience, P. a pour objectif de faire respecter la loi et le règlement, et de mettre fin à ces pratiques chaque fois qu’elles se présentent. Cela pourrait exiger de faire preuve de plus de vigilance envers les membres de cette collectivité, mais le principe serait le même pour tout autre client ou groupe de client.

Quelle approche le directeur N. devrait-il privilégier en regard de cette situation? Comment pourrait réagir P., le cadre supérieur? Quelles sont les valeurs en jeu?

Ce cas est hypothétique. Il a été élaboré uniquement à des fins de discussions et ne se rapporte à aucune situation particulière de conduite douteuse.

TROIS PERSPECTIVES FACE AU DILEMME

Approche 1 : la perspective traditionnelle

Il s’agit d’un cas typique dans la fonction publique. L’agent principal P. peut être perçu comme un fonctionnaire typique qui « suit les consignes à la lettre ».

Vu de cette façon, rien dans le comportement de P. ne peut être jugé incorrect à proprement parler. Une évaluation du rendement de P. par le gestionnaire parti à la retraite aurait probablement comporté les mentions suivantes : connaissance approfondie, consciencieux, application et souci du détail, évite de prendre des risques inutiles en suivant les règles et est un modèle pour ses pairs. P. aurait pu obtenir une évaluation entièrement satisfaisante ou supérieure et peut-être une prime de rendement.

Examiner le rendement de P. sous l’angle des valeurs et de l’éthique pourrait mener à des conclusions différentes. Son comportement démontre certainement qu’il respecte la primauté du droit et les procédures, qu’il mérite la confiance du public et qu’il est honnête et prudent. Par son comportement au sein de ce service, il ne trahit pas la confiance du public. Les clients ont toujours été servis de cette façon et cela correspondait aux normes en vigueur dans le service et aux attentes du gestionnaire parti à la retraite.

Cependant, une perspective différente émerge si on examine ce comportement en fonction des principes de gestion publique moderne énoncés dans le document De solides assises de John Tait. Les fonctionnaires devraient passer d’une approche basée sur les règles à une approche davantage axée sur les résultats et fondée sur un cadre de valeurs commun. Cette nouvelle orientation suppose les éléments suivants : jugement, souplesse, esprit d’initiative, adaptabilité locale, innovation, créativité et habilitation. La fonction publique devrait devenir plus réceptive et être composée d’employés attentionnés.

Dans l’évaluation de ce cas, il faut se rendre compte que personne n’est à blâmer. P. est un honnête citoyen, mais il doit aligner son approche sur les principes et les valeurs de la gestion publique moderne. En réoutillant la fonction publique, il ne faut pas oublier qu’on a traditionnellement encouragé les fonctionnaires à agir comme P. Le gestionnaire N. doit prendre des dispositions pour aider P. à adopter la nouvelle approche, notamment par l’intermédiaire d’un encadrement et d’une formation en leadership.

Le modèle à suivre ici est le nouveau cadre de gestion du Conseil du Trésor Des résultats pour les Canadiens et les Canadiennes, où figurent quatre catégories de
valeurs : valeurs démocratiques, valeurs professionnelles, valeurs déontologiques et valeurs humaines. Ces valeurs doivent servir de boussole pour les services au public et les autres activités de la fonction publique. P. et les autres employés du service doivent apprendre à s’adapter à cette nouvelle boussole recalibrée.

Approche 2 : Respect accru de la diversité

Si le but recherché est de favoriser la diversité au gouvernement, la situation décrite dans l’étude de cas devient inacceptable. Le problème exposé devrait être perçu comme une occasion de changement. Il conviendrait de prendre en considération deux éléments de base : 1) les politiques et 2) les aptitudes en relations humaines.

  1. Dans l’administration fédérale, la politique concernant le service au public doit être cohérente, équitable, transparente (pour ce qui touche le public) et sans parti pris apparent. Nous devons revoir et réviser la politique afin de la rendre plus juste et plus équitable et de permettre aux fonctionnaires de première ligne de mettre en application les valeurs de justice et d’équité.

  2. Les employés doivent davantage faire montre d’aptitudes en relations humaines dans leur façon de servir le public, ce qui suppose faire preuve d’acceptation, de respect, de compréhension et d’écoute active et empathique. Une formation en sensibilisation à la diversité pour toutes les personnes servant le public s’avère utile à cette fin. Nous devons nous demander comment les partis pris affectent le service. Nous devons aussi chercher à accroître les compétences sur le plan des communications en général et des communications interculturelles. Il faut engager un dialogue lorsque des différences au chapitre des valeurs posent problème.

Le maintien du statu quo en ce qui concerne la diversité n’est pas une option viable dans ce cas.

Approche 3 : Équilibre entre l’orientation traditionnelle et la nouvelle orientation

Dans l’examen de ce cas, il faut prendre en compte un certain nombre de facteurs.

  1. Les fonctionnaires qui servent le public doivent chercher à adopter un comportement équilibré : les positions et les décisions catégoriques ne sont pas appropriées; il n’y a pas d’absolu dans ce travail.

  2. Dans un tel cas, il faut d’abord établir les faits. L’établissement même des faits est parfois un problème auquel il faut travailler. (Par exemple : Le client dont il est question dans ce cas a-t-il en fait déjà fraudé?) Il ne faut pas se fier à des renseignements anecdotiques, ni tirer trop rapidement des conclusions.

  3. Il ne faut pas se servir d’un seul critère comme l’appartenance à une minorité visible. Il pourrait s’avérer nécessaire de prendre des mesures pour régler un problème, en particulier lorsque le nombre de clients est très élevé, en se servant d’une série de critères objectifs regroupés dans un profil de clients. Toutes les personnes répondant à ce profil seraient alors traitées de la même manière.

  4. Lorsque des communautés minoritaires sont concernées, il ne faut pas oublier d’agir de concert avec la communauté et non à l’encontre de celle-ci. Il faut toujours être prêt à discuter des problèmes d’un groupe minoritaire en particulier et à faire reposer la discussion sur des valeurs communes.

  5. Lorsqu’un problème semble persister, il faut se rappeler que des spécialistes des minorités visibles peuvent nous venir en aide.

En prenant tous ces facteurs en considération, nous assurons un équilibre entre les besoins organisationnels, la primauté du droit et le respect de la diversité.

FACTEURS PRIS EN CONSIDÉRATION ET SOLUTIONS PROPOSÉES

Contributions des participants

Ce cas expose à la fois des problèmes relatifs à l’éthique et à la gestion. Le principal problème d’ordre éthique provient du traitement réservé au client, et plusieurs problèmes de gestion existent au sein du service, notamment en ce qui touche les communications et les responsabilités.

Dans certaines situations, demander de fournir d’autres documents (comme on l’a fait dans ce cas) peut être grandement discriminatoire. Par exemple, les documents d’équivalence scolaire de certains pays peuvent être extrêmement difficiles à obtenir et à interpréter.

Pour ce qui est de l’agent principal P., il est important de déterminer s’il doit apprendre à appliquer les règles en insistant davantage sur les valeurs humaines ou si des façons de penser plus fondamentales sont à l’origine du problème.

P. semble se sentir particulièrement responsable de faire respecter la loi et d’assurer la protection du public. Il conviendrait toutefois de trouver une meilleure façon de garantir le recours à des mécanismes de contrepoids législatifs au sein du service, et P. devrait faire montre d’une plus grande ouverture à l’égard de la communauté en question.

On devrait élargir la perspective de P. en lui fournissant des paramètres de responsabilité. Il convient de noter que son approche traditionnelle pourrait lui causer des problèmes en cas de litige.

P. ne doit pas craindre de mettre en oeuvre la nouvelle approche et de prendre des risques raisonnables. Il faut qu’il sache que les employés seront protégés si des erreurs sont commises. Sans un tel soutien, P. ferait naturellement preuve de trop de prudence dans ses relations avec les clients.

En fait, dans le cas de P., il n’y a que des allégations et une seule circonstance de comportement discutable. La prise de mesures à l’encontre de P. ne peut être justifiée.

Ce cas représente en fait une excellente occasion de discussion entre N. et P. Ils ont manifestement raté des occasions de discuter par le passé. Une approche équilibrée s’impose dans cette situation. P. semble chercher la perfection, mais y a-t-il vraiment un problème?

En outre, les règles pourraient être appliquées selon des normes contradictoires. Comment règle-t-on le problème de normes contradictoires dans le cas d’autres communautés? La direction devrait examiner la situation avec tous les agents. Dans le cadre de ce processus, il faudrait que P. et les autres agents se sentent appuyés et que personne ne soit isolé.

Des éléments de ce cas s’appliquent, par exemple, à l’établissement d’un profil par la police. Afin de contribuer au règlement du cas, la direction devrait améliorer les communications internes et chercher à communiquer avec les communautés.

Ce qui constitue et ne constitue pas un « fait » en soi est une question importante qui peut être décrite de la façon suivante. La société nous transmet des valeurs. Nous nous servons de valeurs pour interpréter des situations. Nous considérons ensuite ces interprétations comme des faits et oublions qu’il s’agit vraiment d’interprétations.

Les gestionnaires doivent voir à ce qu’on fasse preuve de discrétion lorsqu’on décide de traiter quelqu’un comme une personne ou comme un membre d’une minorité visible. Ils doivent aussi se rendre compte du fait que le ciblage de groupes peut favoriser le traitement stéréotypé de personnes ou de groupes.

Dans de tels cas, nous devons assurer un équilibre entre les exigences législatives et réglementaires et les exigences associées à la prestation de bons services au public. La seule manière d’y arriver est de faire preuve de bon sens. Le plus difficile est de s’assurer que le bons sens aura une influence sur la situation. Il n’y a pas de solution miracle.

Dans ce cas, les relations du Ministère avec le groupe minoritaire seraient plus crédibles si un membre de ce groupe travaillait au Ministère.

Ce cas comporte une dimension liée à la gestion du risque. Dans quelle mesure peut-on tolérer qu’un agent agisse de façon discutable avec un client? Devrait-on mobiliser des ressources supplémentaires pour réduire le risque de demandes aussi discutables? Les personnes concernées doivent profiter de l’occasion pour discuter des problèmes et examiner la situation, y compris les outils et l’appui disponibles.

Il ne semble pas y avoir de règles auxquelles P. peut se référer lorsqu’il soupçonne qu’il y a fraude ou collusion. Des règles supplémentaires devraient s’appliquer à de tels cas. De toute façon, P. devrait suivre la formation nécessaire pour savoir comment se comporter avec les communautés dans des cas de fraude présumée. Le comportement stéréotypé de P. peut être un facteur.

P. devrait s’efforcer de ne pas se fâcher et de ne pas vexer le client.

Il manque beaucoup de renseignements dans la description de ce cas, des renseignements dont nous avons besoin pour trouver une solution. Certains faits sont décrits de manière émotionnelle, par exemple, le mot « altercation » est employé. Rien ne prouve que P. suive toujours les consignes « à la lettre ». En fait, P. juge la situation en fonction des agissements antérieurs de ce client en particulier.

L’équité ne signifie pas qu’il faut traiter tout le monde de la même manière, mais que chacun doit être traité de façon juste. La règle d’or est la suivante : ne traitez PAS les autres comme vous voudriez qu’ils vous traitent; leurs goûts peuvent être différents!

Le Canada compte un grand nombre de groupes minoritaires. Les fonctionnaires devraient donc être de plus en plus sensibles aux différences culturelles. En fait, le comportement de P. peut être fondé sur une connaissance des différences culturelles. La description du cas n’est pas claire à ce sujet. Les préjugés culturels pourraient effectivement ne pas être à l’origine du problème. On pourrait même accentuer les préjugés en essayant de cibler des groupes culturels et en traitant de manière stéréotypée les membres de communautés culturelles.

En présence de valeurs contradictoires, différentes personnes réagissent de différentes façons. Il faut donc discuter pour résoudre ces différences. Cet incident fournit au service une occasion unique dentreprendre une discussion sur l’équité et la justice, peu importe de quelle communauté vient le demandeur.

CONCLUSION - MODÉRATEURS ET PANÉLISTES

Il est important de noter que la diversité existe autant au sein des cultures minoritaires que de la culture majoritaire.

P. suit peut-être les consignes à la lettre parce qu’il ne bénéficierait d’aucun soutien dans ce service s’il faisait des erreurs. Nous devons accepter que personne n’est parfait.

Il convient aussi de noter qu’il n’est pas nécessaire que les fonctionnaires apprennent à parler de manière différente à chaque groupe avec lequel ils font affaire. En outre, si une personne commet un acte frauduleux, cela ne signifie pas que l’ensemble du groupe fait de même.

Parmi les leçons intéressantes tirées par les participants, mentionnons la reconnaissance de façons de penser acceptables et inacceptables, et la reconnaissance de l’importance de rendre la fonction publique plus représentative de sa clientèle afin d’assurer un traitement juste.

L’équité signifie un traitement juste, mais non un traitement égal. Un traitement juste peut être différent d’un cas à l’autre, quoiqu’il ne soit pas toujours possible de traiter chaque cas sur une base individuelle (aux frontières, il faut imposer certaines formes de catégorisation).

Dans cette analyse de cas, faire une entorse à l’application rigoureuse de la loi comporte des risques. Toutefois, il ne peut y avoir une règle pour chaque cas; les décisions doivent être fondées sur des valeurs plutôt que sur des règles. Nous devons tolérer un certain degré d’erreur. Comme l’ont noté les participants, le bon sens est l’élément fondamental. Le fait que le bons sens ne signifie pas la même chose pour tous représente un défi. Le dialogue constitue une excellente façon de comparer nos différentes manières de percevoir le bon sens.

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CAS 5 : « ESSAYONS QUELQUE CHOSE DE DIFFÉRENT »
La gestion des risques et la préservation des valeurs

Le gouvernement a décidé d’entreprendre une série de nouvelles initiatives, dont un projet particulièrement urgent et médiatisé. Le sous-ministre adjoint (SMA) responsable fait appel à Y., un gestionnaire chevronné dans ce domaine, pour diriger le projet.

Le SMA et Y. conviennent que pour atteindre les résultats attendus, il sera nécessaire d’adopter une approche qui se démarque des principes et lignes directrices de certaines politiques bien établies. On ne peut simplement éliminer ces politiques, qui sont encore importantes pour la majeure partie des activités de la direction. Cependant, le projet ne sera efficace que s’il s’appuie sur un nouvel ensemble de principes.

À l’évidence, cette approche inédite comporte des risques d’un genre nouveau auxquelles la direction n’a jamais eu à se mesurer. Y. a des réserves en ce qui concerne le niveau apparent des risques mais le SMA lui dit que la direction doit faire de son mieux. Il faut de toute urgence commencer à préparer soigneusement le projet.

Pour faire ce projet une réussite, Y. aura besoin plus que jamais de l’aide et du soutien de ses employés et collègues, qui ont pour lui beaucoup de respect et le considèrent comme un fonctionnaire honorable et responsable qui donne toujours la priorité aux intérêts des citoyens. On peut toutefois s’attendre à ce que certains résistent aux modifications apportées aux méthodes de travail traditionnelles, et Y. ne tient pas perdre leur confiance à ce moment crucial.

Quelles sont les valeurs fondamentales en jeu dans cette situation? Quels genres de préparatifs à la gestion des risques entreprendriez-vous à la place de Y.? Comment feriezvous pour conserver la confiance de vos employés et collègues?

Ce cas est hypothétique. Il a été élaboré uniquement à des fins de discussions et ne se rapporte à aucune situation particulière de conduite douteuse.

TROIS PERSPECTIVES FACE AU DILEMME

Approche 1 : Allons de l’avant

Le problème comporte trois facettes principales :

  1. Nous devons nous dépêcher; nous devons mener à bien le projet.
  2. Nous devons trouver les failles dans le plan; nous devons gérer les risques, y compris les risques en matière d’éthique.
  3. Nous ne devons pas nous précipiter; nous devons gérer le changement.

Se dépêcher

Nous devons passer rapidement à l’action et de façon plus directe qu’à l’habitude. Nous devons résoudre certains problèmes sur le vif. Il faudra rajuster en chemin certaines valeurs et politiques; ce n’est pas la pratique habituelle mais c’est parfois nécessaire. Nous devons toujours nous reposer sur l’ancienne méthode de gestion pour régler le malaise éprouvé – ou les perturbations causées – par certains employés. Nous devons exposer clairement l’objectif et transmettre une vision limpide des motifs de nos démarches. Nous devons nous fixer un but commun afin de rallier le personnel au projet et nous concentrer sur les résultats. Il faut que chacun comprenne la nouvelle méthode d’assurer la prestation de services.

Nous devons apprendre à nous attacher à promouvoir le changement organisationnel. Nous devons inculquer la fierté de travailler dans la fonction publique ainsi que le respect des dirigeants élus. Nous devons célébrer les nouvelles valeurs de la fonction publique : innovation, esprit d’initiative, ingéniosité et promotion de la tolérance. Nous devons également préserver les valeurs traditionnelles : l’excellence, la capacité de gérer des problèmes complexes, de dire la vérité aux personnes au pouvoir.

Trouver les failles dans le plan

L’approche audacieuse est plus risquée. Lorsque l’on va trop vite et qu’on abandonne la politique éprouvée et véritable, on risque d’endommager la réputation de certains responsables. Il est important que le ministre et le sous-ministre comprennent les risques et les répercussions de la nouvelle approche.

Nous devons minimiser les risques, tant de nature opérationnelle qu’éthique, et discuter de la raison d’être de la nouvelle approche et de ses conséquences ainsi que des désavantages d’abandonner les anciennes politiques.

Ne pas nous précipiter

Nous devons gérer le changement, y compris les risques de manquement à l’éthique. Lorsqu’on abandonne les anciennes politiques, certains employés éprouvent un sentiment de perte. Pour atténuer ce sentiment, nous devons faire connaître aux employés le but de nos actions. Il est essentiel de maintenir la communication. Nous devons demeurer ouverts face aux problèmes d’éthique et au malaise des employés.

Les valeurs évoluent dans la mesure où on met moins l’accent sur la prudence au profit d’une orientation axée sur la rapidité d’action et les résultats. Cependant, nous n’abandonnons pas pour autant certaines valeurs. Les valeurs fondamentales sont conflictuelles et nous devons apprendre à trouver un juste équilibre. Il y a des choix à faire, mais l’essentiel demeure l’intérêt public.

Tout cela exige un solide leadership pour gérer les risques en jeu. Les gestionnaires doivent défendre ouvertement les nouvelles valeurs, assurer la stabilité et manifester leur engagement envers l’intérêt public.

Approche 2 : Nous devons faire preuve de prudence

Malgré les apparences, l’approche ci-dessus ne convient pas. En réalité :

  1. Nous ne devons pas nous empresser de passer à l’action; nous devons faire preuve de prudence.

  2. Le plan global comporte des failles et est inadéquat.

  3. On peut éviter l’écueil de la précipitation en ne poursuivant pas.

Le gestionnaire Y. est pris entre deux eaux. Au bas de l’échelle, il y a de la pression pour résister au changement. En haut de l’échelle, il y a aussi de la pression pour produire des résultats et rassurer le sous-ministre et le ministre que tout va bien.

Bien que les objectifs de ce projet puissent paraître bons, nous ne pouvons pas pour autant abandonner les valeurs fondamentales pour des idées qui ont l’air bonnes. Les fonctionnaires demeurent en poste plus longtemps que le parti au pouvoir et ils doivent servir le public.

Il y a trois niveaux à prendre en considération. 1) Au niveau du SMA, on doit évaluer l’objectif afin de déterminer s’il est fondamental pour l’intérêt public. 2) Les gestionnaires comme Y. sont préoccupés par leur réputation à préserver vis-à-vis leurs superviseurs et collègues, et par l’établissement des risques et des valeurs fondamentales. 3) Au niveau des autres employés, il peut y avoir de la résistance à changer par mesure de prudence et souci de probité.

On doit définir plusieurs principes clés de la gestion des risques :

  1. Les intervenants de niveau supérieur assument une plus grande responsabilité que ceux des autres niveaux, en veillant à ce que les valeurs fondamentales et l’intérêt public ne soient pas sacrifiés.
  2. La confiance interne au sein de l’organisation est importante, mais pas autant que la confiance du public, qui est capitale.
  3. L’analyse approfondie des options est cruciale. On doit établir les options de façon claire, à la lumière des objectifs à atteindre. Puis, en collaboration avec tous les intervenants concernés, on analyse les options afin de déterminer celles qui sont viables et de préserver les valeurs fondamentales.
  4. On doit entreprendre de nombreuses discussions. Ces échanges de points de vue ne permettent pas de résoudre tous les problèmes mais, sans discussion, on ne parvient à aucune solution efficace.

Approche 3 : La méthode équilibrée à la canadienne

Il existe en fait de nombreux points communs entre les deux précédentes approches. La confiance constitue l’élément fondamental. Il doit y avoir une discussion ouverte et transparente entre les gestionnaires et les employés ainsi qu’entre les politiciens et la fonction publique. Nous devons faire la distinction entre les valeurs fondamentales et les politiques et processus qui mettent en œuvre ces valeurs.

La transparence constitue une valeur fondamentale, particulièrement importante pour renforcer la confiance du public. Les autres valeurs fondamentales et immuables comprennent l’honnêteté, l‘intégrité et le service au public. La transparence est également fondamentale pour recueillir les points de vue des citoyens au moyen de groupes de travail, de réunions et de sondages. Parfois, lorsqu’on n’a pas le temps d’entreprendre ces longs processus, on doit s’enquérir des opinions des gens par des dialogues plus brefs sur les valeurs fondamentales communes et les moyens de les préserver.

Dans ce cas, les valeurs conflictuelles sont l’innovation par opposition à la prudence. Il arrive parfois, dans un projet donné, qu’on utilise les « fins » de l’innovation pour justifier les « moyens » utilisés pour accorder une attention moindre à la prudence. D’autre part, comme les fonctionnaires fédéraux sont engagés à servir l’intérêt public, il faut démontrer que le résultat vaut la peine de courir le risque. Ce n‘est qu’à cette condition qu’ils envisageront de changer leur manière de procéder.

Nous devons dialoguer avec les employés à propos des risques, bien saisir ces risques et les gérer de manière systématique, y compris les risques d’embarras politique et de mauvaise utilisation des fonds publics.

Parmi les outils permettant d’atténuer les risques, citons la formation, les conseils et l’encadrement, une culture d’entreprise davantage axée sur la gestion, une politique d’ouverture de la part des gestionnaires, une bonne planification, de fréquentes vérifications par rapport aux plans, une surveillance de l’évolution des risques et l’apprentissage sur le terrain (organisation d’acquisition du savoir).

Dans le cheminement pour parvenir à l’équilibre, il faut savoir dire oui à l’innovation et protéger les valeurs fondamentales de diverses façons. Ce cheminement exige des ressources et l’engagement des gestionnaires supérieurs. On doit donner aux employés des sections qui participent au projet l’occasion de s’exprimer lorsqu’ils n’aiment pas l’approche adoptée. Le cheminement pour parvenir à l’équilibre exige également de respecter les actions antérieures des employés. Nous devons éviter la critique systématique.

FACTEURS PRIS EN CONSIDÉRATION ET SOLUTIONS PROPOSÉES

Contribution des participants

L’éthique est importante mais il est également important de veiller à ce que le pouvoir des gestionnaires corresponde à leurs responsabilités, à ce que les gestionnaires supérieurs apportent du soutien et à ce que la confiance règne entre les collègues.

On devrait percevoir la tension entre une approche innovatrice et une approche plus prudente comme un problème opérationnel au lieu d’un choix entre deux objectifs fondamentaux à un plus haut niveau général.

D’un autre point de vue, ce cas comporte en fait un problème de communication déguisé en problème d’éthique. Par conséquent, il faut améliorer la communication, tant au plan de la qualité que de la quantité.

Selon certaines personnes, on aurait dû ajouter plus de renseignements dans ce cas, tandis que d’autres ont déclaré qu’elles auraient pu discuter du cas toute la journée avec le présent niveau de détail.

Bien que l’environnement actuel nous encourage à agir vite, nous devons néanmoins prendre le temps de protéger les valeurs fondamentales, telles que la primauté du droit. Certaines valeurs sont immuables (p. ex., l’intégrité) et faciles à reconnaître, tandis que d’autres (p. ex., la souplesse) sont davantage reliées au processus et aux procédures.

Il est important de prendre un bon départ sur les questions de valeurs et d’éthique. Le fait de commencer par l’évaluation des risques constitue un mauvais départ, ou une façon négative de procéder, dans la mesure où on se concentre sur ce qui pourrait mal tourner. Il est préférable de chercher les valeurs positives susceptibles d’être mises en valeur par ce projet et de se demander « Qu’est-ce qui peut fonctionner? »

Pour résoudre ce cas, il faut organiser des réunions afin de maintenir le dialogue avec le personnel, et déterminer les paramètres du risque et les obligations redditionnelles aux différents niveaux. Il est important d’être réaliste et d’accorder aux employés le droit d’innover et de commettre des erreurs dans des limites acceptables. Il s’agit d’un processus d’apprentissage.

Il est important, dans le présent contexte, de se demander s’il s’agit d’un cas isolé ou si l’ensemble du ministère désire entreprendre des changements de base.

L’attitude du gestionnaire Y. vis-à-vis de ce projet paraît négative. Y. devrait reconnaître que le dialogue sur le changement est important. La confiance du public représente l’élément crucial au chapitre des gains.

Les points importants qui n’ont pas été soulevés dans la description du cas sont les suivants :

  1. Où figure ce projet dans la liste des priorités du ministère?
  2. Où s’inscrit ce projet dans la liste générale des projets gouvernementaux?
  3. Dans ce projet, le client est-il le public ou d’autres secteurs du gouvernement?
  4. Quelles sont les répercussions constitutionnelles et juridiques de ce projet?

Nous devons également nous assurer que les employés désirent participer au projet – si ce n’est pas le cas, on devrait sérieusement envisager de les affecter ailleurs. Il doit y avoir un dialogue ouvert afin de bâtir la confiance et d’établir des repères avec tous les intervenants.

Conclusion - modérateur et panélistes

Une excellente façon d’aborder ce genre de cas consiste à se demander : « Qu’est-ce qui peut fonctionner? »

Finalement, nous travaillons dans une organisation régie par des processus, une structure, la responsabilisation et le pouvoir démocratique. D’un autre côté, nous disposons d’une vaste marge de manœuvre dans l’exécution de nos mandats. En exerçant notre pouvoir discrétionnaire de façon responsable, nous fondons nos démarches sur la transparence, la responsabilisation et les valeurs personnelles. À cette fin, nous devons maintenir le dialogue sur la nature et les raisons de nos démarches et actions ainsi que sur nos méthodes de travail.

En plus de fonder nos démarches sur les valeurs et la communication, nous devons tolérer une dissidence raisonnable. Nous pouvons réduire la résistance à sa plus simple expression par la discussion. Les gestionnaires doivent suivre cette approche dans l’ensemble de leur travail. À la fin, certaines personnes s’opposeront à cette approche bien que ce soit la bonne méthode à adopter!

Dans un contexte de respect mutuel, dans la mesure du possible, il est important de permettre à ceux qui sont tout à fait en désaccord avec une orientation, d’exprimer leur différence d’opinion.

Bien que la philosophie « volontariste » soit bonne, dans la fonction publique, nous sommes profondément attachés à la croyance selon laquelle nos processus reposent sur des valeurs. Il existe toutefois différentes façons de mettre en œuvre et de préserver les valeurs. Il faut trouver un juste équilibre.

Même si certaines personnes ont critiqué la nature abstraite du présent cas, sa nature générale permet aux lecteurs, d’une part, d’intégrer les particularités de cas réels qu’ils connaissent et, d’autre part, de faire ressortir les composantes communes en présence et en l’absence de valeurs et principes.

Lorsque des cas comportent des valeurs conflictuelles, il faut toujours faire preuve de jugement pour trouver un juste équilibre entre ces valeurs et la nécessité de comprendre les risques de manière systématique et explicite. Cela fait partie des nouvelles méthodes de travail, en particulier dans les ministères responsables de la réglementation. On ne peut plus se contenter de recourir à son intuition pour traiter ces questions, comme l’ont fait les gestionnaires par le passé.

La nécessité d’encourager les employés à dire la vérité aux personnes au pouvoir constitue une dimension importante de ce genre de cas. Nous devons étudier comment créer un climat de confiance incitant les employés à exprimer le fond de leur pensée aux supérieurs, et à améliorer l’engagement personnel à ce chapitre.

Enfin, la gestion des risques fondée sur les valeurs exige de permettre l’exercice d’un plus vaste pouvoir discrétionnaire dans le service direct au public.

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CAS 6 : L'EXPÉRIENCE VÉCUE À DÉVELOPPEMENT DES RESSOURCES HUMAINES CANADA (HRDC)
Observations du sous-ministre et des hauts fonctionnaires

Remarque : Les tables rondes précédentes de la présente série portaient sur un cas hypothétique. Ici on a décidé plutôt d’aborder l’expérience récente vécue à DRHC, qui s’est retrouvé sous les feux de la rampe en raison d’une remise en question publique d’une partie de ses programmes de subventions et de contributions en 2000.

VUE D’ENSEMBLE (Claire Morris, sous-ministre d’DRHC)

Le dossier des subventions et des contributions est presque trop récent pour servir d’exemple, mais le fait de l’envisager du point de vue des valeurs et de l’éthique a déjà été d’une grande utilité à DRHC et nous espérons que la discussion que nous entreprenons sera profitable pour un grand nombre de fonctionnaires.

Établissons d’abord le contexte. L’enveloppe budgétaire annuelle de DRHC atteint plus de 60 milliards de dollars. Environ 95 p. cent des crédits budgétaires sont consacrés à des programmes légiférés : assurance-emploi, sécurité de la vieillesse et pensions. Les 5 p. cent (3 milliards de dollars) sont affectés à tous les autres programmes ministériels. De cette somme de 3 milliards de dollars pour les subventions et les contributions, 2 milliards sont transférés directement aux provinces ou sont administrés conjointement à l’égard de services au marché du travail. Ne reste plus qu’un montant de 1 milliard pour l’ensemble des autres subventions et contributions accordées aux personnes handicapées, aux Autochtones, à la jeunesse en danger, etc. Le débat autour de cette question a presque toujours porté sur le fonds pour le programme de transition vers le marché du travail – soit environ 100 millions de dollars par année, pendant trois ans.

DRHC compte environ 320 bureaux, 21 centres d’appels et 25 000 employés répartis dans tout le Canada. DRHC représente l’administration fédérale pour un très grand nombre de Canadiens et de Canadiennes. Ce ministère existe depuis 1993 seulement et il a été constitué à partir de cinq ministères dont la culture organisationnelle était très différente. Beaucoup de programmes de DRHC reposent étroitement sur des lois, de même que sur une réglementation et des procédures spécifiques. D’autres programmes ne le sont pas. DRHC a dû procéder à l’intégration de ces différentes cultures de manière à créer une seule et unique vision au sein du nouveau ministère. DRHC a également été dans l’obligation de prendre certaines décisions :

Tous ces facteurs ont contribué au problème de DRHC – le juste équilibre entre la prestation de services et la responsabilisation sur le plan financier était rompu.

LE DOSSIER DES SUBVENTIONS ET DES CONTRIBUTIONS (Alan Winberg)

En janvier 2000, DRHC a fait part d’une vérification ayant relevé des faiblesses sur le plan de la gestion des subventions et des contributions. Cette vérification a eu lieu dans le cadre du processus continu visant à améliorer la gestion au sein du Ministère, mais elle a eu un effet percutant au sein de la population canadienne. L’importance et la durée de cette réaction de la population ont démontré qu’un écart considérable existe entre les attentes du public et les pratiques et méthodes en vigueur au sein du Ministère.

Un débat houleux a suivi, ainsi qu’une série de séances d’information technique à l’intention des parlementaires, plusieurs centaines de questions durant la période des questions et des convocations devant des comités parlementaires. Les questions portaient sur le contenu de la vérification, les enjeux de programmes spécifiques, la valeur actuelle des programmes comme tels.

Cet exercice a démontré que les gestionnaires n’avaient pas toute l’information de base nécessaire. Le Ministère avait mis l’accent sur des services de qualité à la clientèle tout en réduisant le nombre de mécanismes de contrôle et de responsabilisation essentiels à une administration judicieuse, pour diminuer les coûts. Cette situation a déclenché une véritable tempête médiatique, et une foule d’articles, d’éditoriaux et de caricatures ont été publiés, plusieurs soulevant le spectre du gaspillage de fonds publics.

Outre les 4 000 employés affectés aux subventions et contributions, le moral de tout le personnel du Ministère a été profondément touché. DRHC a dû rapidement élaborer et mettre en place des mesures correctrices sujettes à une vérification externe pour rebâtir sa crédibilité. Une nouvelle charge de travail considérable s’est ajoutée. Des centaines de demandes d’accès à l’information ont été acheminées auxquelles il a fallu donner suite, dans l’esprit des valeurs démocratiques du Canada. On a dû consulter le Conseil du Trésor, le vérificateur général de même que des spécialistes de l’extérieur pour être en mesure d’élaborer un plan de redressement approprié.

Par la suite, le vérificateur général a donné son aval au plan d’action et a incorporé la mise en application de ce plan dans la vérification continue des activités du Ministère. La ministre a comparu devant un comité parlementaire, elle a reconnu que des problèmes existaient et a présenté un plan pour y remédier. Cette initiative a permis au Ministère de s’accorder le temps nécessaire pour entreprendre tout le travail requis.

En mai, la ministre déposait le premier rapport préliminaire devant le comité parlementaire, insistant sur le fait qu’il était faux de prétendre qu’un milliard de dollars avait été gaspillé. DRHC voulait faire passer le message selon lequel des mesures concrètes étaient prises pour trouver une solution aux problèmes soulevés.

Le rapport du vérificateur général publié en octobre a fait état des efforts mis de l’avant par le Ministère. Au total, 17 000 dossiers actifs ont été examinés. Les gestionnaires devaient contresigner toutes les sorties de fonds, mettant ainsi l’accent sur l’importance de la notion de responsabilisation associée à la prestation de services. La formation devait dorénavant faire partie de l’exécution des programmes, du contrôle financier et de la fonction de contrôleur moderne. Un site Web bien structuré a été créé dans le cadre des programmes et des activités de DRHC. Une direction chargée du suivi du rendement a été mise en place dans le but d’exercer une surveillance sur l’octroi des subventions et contributions.

Les améliorations apportées à la gestion des subventions et contributions se sont chiffrées à près de 50 millions de dollars (20 millions provenant d’autres secteurs fonctionnant de manière plus efficace et 30 millions, des fonds affectés aux programmes). Le Ministère a été restructuré de façon à faire la distinction entre les programmes de subventions et de contributions à l’échelle nationale et régionale. Des vérifications ultérieures aux programmes ont été mises en place.

Certaines mesures ont été prises dans le but de mieux préciser les structures de prises de décision et de responsabilisation, de même que les mécanismes de contrôle de la qualité au sein du Ministère. Le Conseil du Trésor a également adopté de nouvelles lignes directrices concernant les paiements de transfert. Le Fonds du Canada pour la création d’emplois, digne successeur du programme de transition vers le marché du travail, a ralenti sa course. Le site Web de DRHC comporte à l’heure actuelle trois rapports d’étape et deux vérifications portant sur la mise en application du plan d’action ont été effectuées par PricewaterhouseCoopers.

À ce jour, l’expérience vécue à DRHC nous permet d’en tirer plusieurs leçons. Les prétendus frais administratifs généraux ne peuvent être supprimés sans que cela ait des répercussions – une gestion saine est un élément indispensable de l’exécution des programmes. En réalité, la gestion transparente et équilibrée des services a renforcé le Ministère.

Le vérificateur général nous a imposé tout un défi – faire en sorte que les gestes extraordinaires que nous accomplissons aujourd’hui le soient de façon courante à l’avenir.

LE DÉFI DU LEADERSHIP (Claire Morris)

Au cours de la dernière année, les valeurs intrinsèques de DRHC et de ses dirigeants ont été mises à rude épreuve :

  1. être au service des ministres et de l’intérêt public (valeurs démocratiques);
  2. faire preuve de respect envers les gens – les clients et le personnel;
  3. agir avec professionnalisme; et
  4. gagner la confiance du public.

Voici un examen plus détaillé des quatre points qui précèdent :

  1. Ce dossier à DRHC a pris de telles proportions en partie parce que nous n’étions pas en mesure de donner suite aux attentes élevées de la population canadienne concernant les programmes du gouvernement. La population a entendu dire que le Ministère avait gaspillé beaucoup d’argent et, en raison de la très grande décentralisation des services, nous n’avions pas les informations de base et étions incapables à l’administration centrale de répondre à de simples questions sur nos programmes. Des mesures correctrices s’imposaient et nous nous efforçons maintenant d’harmoniser nos activités quotidiennes aux attentes des citoyens et des citoyennes.

  2. Une autre leçon à tirer a trait à la nécessité de démontrer de la confiance et du soutien envers l’équipe plutôt que de s’engager dans une chasse aux sorcières et de vouloir trouver un coupable à tout prix. Le fait d’assumer ses responsabilités face aux problèmes systémiques et de prendre les mesures qui s’imposent pour apporter une solution a suscité un engagement chez tout le personnel et fait en sorte que le Ministère est luimême plus engagé et plus audacieux.

  3. L’équilibre entre les valeurs démocratiques et les valeurs de service, au sein de DRHC, était rompu. S’inspirant des concepts énoncés dans le rapport Tait, il semble qu’à DRHC, il fallait dorénavant pouvoir rétablir un certain équilibre entre les anciennes valeurs de l’administration publique et les nouvelles valeurs de la gestion publique. Tout repose sur la notion d’équilibre.

  4. Un des éléments clés à DRHC concernait la confiance du public à l’égard de l’octroi des subventions et contributions et de la gestion des dossiers. On a finalement fait la preuve que le montant des sommes versées par erreur était relativement peu élevé. Toutefois, l’incapacité du Ministère à fournir des réponses satisfaisantes et en temps opportun en raison de lacunes sur le plan des procédures administratives a exacerbé la situation. Des mesures de gestion financières sont maintenant en place afin d’éviter qu’une telle situation se reproduise.

ORIENTATIONS FUTURES (Margaret Biggs)

À DRHC, cinq secteurs clés doivent faire l’objet d’une attention particulière au cours des années à venir, sur le plan des valeurs et de l’éthique : le leadership, le juste équilibre, la responsabilisation, les résultats et les gens.

Leadership

Le Ministère doit réaffirmer son engagement à l’égard des valeurs fondamentales de la fonction publique et y assujettir la façon d’agir au sein du Ministère, car il s’engage à ce que tous les employés se comportent dans le respect des valeurs et de l’éthique. Dans le passé, la notion de responsabilisation devant la ministre et le Parlement n’a pas été suffisamment mise en valeur et les activités étaient ciblées de façon à assurer les services auprès de la clientèle. Un nouvel équilibre existe maintenant à l’intérieur duquel le personnel du Ministère travaille de concert avec la clientèle, mais toujours dans le contexte de devoir rendre compte à la ministre. Le message que transmettent les dirigeants doit être clair et cohérent.

Juste équilibre

On doit également atteindre un juste équilibre entre le fait d’accomplir ce que l’on doit faire et faire les choses de la bonne façon, surtout lorsqu’il s’agit de nos clients et partenaires, ce qui constitue un élément essentiel d’une administration judicieuse. La fonction de contrôleur moderne fondée sur les valeurs doit être mise en application dans l’ensemble du Ministère. Cela exigera beaucoup de travail – notamment de la formation relative à la fonction de contrôleur et à l’évaluation des risques, et le maintien d’un juste équilibre entre trop peu de contrôle et trop de contrôle.

Responsabilisation

Le suivi du rendement des gestionnaires de façon transparente et des rapports sur les progrès accomplis diffusés dans le site Web, par exemple, sont au nombre des éléments clés de la responsabilisation.

Résultats

Au moment d’entreprendre notre analyse, nous devons nous poser certaines questions : Nos programmes sont-ils bien ciblés? Sont-ils efficaces? Savons-nous exactement ce que nous voulons accomplir dans le cadre de chacun de nos programmes? La gestion des programmes doit être davantage axée sur les résultats. En réfléchissant collectivement à ce que les programmes doivent accomplir, le personnel du Ministère retrouve un second souffle, le sens des valeurs et les objectifs à atteindre sont renforcés et l’espoir dans l’avenir est raffermi.

Gens

Faire ce que l’on doit faire exige de l’endurance et de la persévérance. Cela exige également de la formation en gestion du risque, les bons outils de travail et le soutien indéfectible de la direction. Les valeurs et les attentes doivent être transmises clairement. Les mécanismes administratifs sacrifiés dans le passé par mesure d’économie doivent être rétablis.

LES PANÉLISTES RÉPONDENT AUX QUESTIONS

Question 1 : Avec le recul en ce qui a trait à l’expérience vécue à DRHC, auriez-vous agi différemment?

Réponse : Les vérifications internes ont pour objectif de déceler les problèmes. La vérification effectuée a effectivement révélé un certain nombre de difficultés que nous nous efforcions de résoudre. Toutefois, notre analyse de la situation ne nous a pas permis de prévoir la réaction extrêmement négative manifestée à l’égard des vérifications effectuées dans le cadre du programme de transition vers le marché du travail. L’évaluation des risques que nous avons effectuée était tout simplement inadéquate. Aujourd’hui, nous envisagerions plutôt de faire appel à des conseillers externes pour obtenir l’heure juste concernant le milieu politique et médiatique. De surcroît, les gestionnaires supérieurs qui assument la gestion d’un nouveau programme devraient toujours demander l’heure juste et aller au cœur même du programme! Ils doivent consacrer beaucoup de temps à faire leurs classes, ce qui n’a pas toujours été nécessairement le cas.

Question 2 : L’exigence selon laquelle un grand nombre de documents doivent être accessibles au public constitue-t-elle un obstacle majeur aux échanges clairs et sans artifice indispensables pour résoudre les grands dilemmes qui surgissent?

Réponse : Le principal danger réside dans le fait que la réglementation régissant l’accès à l’information puisse servir à affaiblir les vérifications internes au point où elles ne fournissent plus les renseignements dont la direction a besoin pour améliorer les programmes gouvernementaux.

Il faut également se rappeler que l’accès à l’information a souvent été considérée comme une fonction générale exigeant de la part des fonctionnaires qu’ils respectent une norme d’observation de base. Ce point de vue est tout à fait erroné. L’accès à l’information est au cœur même des valeurs démocratiques énoncées dans le rapport Tait et représente un des plus beaux fleurons de la démocratie canadienne aux yeux d’autres pays. Les coûts associés à l’accès à l’information font partie des coûts d’exécution des programmes. À cet égard, il est donc souhaitable que toute modification à la législation en matière d’accès à l’information permettra l’échange sans détours d’informations entre fonctionnaires sans craindre la publication d’informations incomplètes ou biaisées.

Question 3 : Quelle est la meilleure façon de faire part des résultats des programmes aux citoyens et aux citoyennes? Nous savons d’ores et déjà que le Web ne suffit pas. Quels sont les autres moyens à notre disposition, compte tenu de la très grande décentralisation des services?

Réponse : Vous avez raison, le Web à lui seul ne suffit pas. Nous devons trouver une multitude d’autres moyens de démontrer à la population et aux médias que nous reconnaissons les problèmes et prenons les mesures nécessaires pour y remédier, en modifiant notre façon de travailler.

Question 4 : Il semble que pour rétablir un juste équilibre entre des services efficaces et une fonction de contrôleur saine et judicieuse, on ait choisi d’affecter certaines sommes à l’amélioration de la gestion des programmes. S’agit-il d’une diminution justifiée des services aux citoyens et aux citoyennes?

Réponse : Les fonctionnaires doivent être en mesure d’agir efficacement et ne pas se contenter de demi-mesures. Les frais administratifs font partie intégrante de tous les programmes. La méthode utilisée dans le secteur privé et qui consiste à réduire les coûts en supprimant une grande partie de la tenue de dossiers ne fonctionne tout simplement pas dans le secteur public.

Question 5 : Quel rapport doit-il y avoir entre les fonctionnaires et les parlementaires relativement aux programmes de prestation de services à la population?

Réponse : Il est important de reconnaître que les parlementaires ont un intérêt et un rôle légitime à jouer en ce qui a trait aux programmes mis sur pied à l’intention de la population – soit les électeurs. Les députés devraient donc avoir leur mot à dire concernant les programmes ayant des répercussions sur le marché du travail au Canada. Ceci étant dit, les députés assument différents rôles, à savoir, un suivi général, l’élaboration de politiques, les décisions relatives à la mise en application, etc., ce qui pose parfois problème. Le programme de transition vers le marché du travail de DRHC était largement décentralisé. Le vérificateur général en a fait mention, il aurait fallu que le ministère s’assure d’une plus grande cohérence, d’un fil conducteur à ce chapitre partout au pays. Les fonctionnaires doivent travailler en collaboration avec un grand nombre d’intervenants de manière à élaborer le meilleur programme possible répondant aux intérêts du public. Lorsque la réglementation ne le permet pas, les fonctionnaires n’ont d’autre choix que d’obtenir de nouvelles autorisations.

Question 6 : Devrait-on instituer une politique visant à protéger les dénonciateurs, ceux et celles qui alertent l’opinion publique, de façon à prévenir d’autres scandales à l’avenir?

Réponse : Les fonctionnaires doivent pouvoir agir selon leur conscience et faire part de leurs préoccupations à tous les échelons du ministère. Dans le passé, les agents de programmes avaient toute latitude dans de nombreux dossiers. Le processus de contrôle de la qualité veille dorénavant à ce que toutes les décisions fassent l’objet d’un examen. Si toutes les mesures mises en place fonctionnent comme elles devraient, il n’y a pas lieu d’instituer d’autres politiques visant la protection des dénonciateurs.

Autres interventions de la part des participants

DRHC a bien malgré lui rendu service à l’ensemble de la fonction publique – le débat public sur la nature des services dispensés à la population et la responsabilisation a eu des effets positifs. D’autres ministères dont les fonctions et les rôles peuvent sembler contradictoires, en faisant la promotion et en assumant la réglementation de produits ou de secteurs industriels, peuvent certainement tirer profit de l’expérience vécue à DRHC. Une leçon dont il faut se rappeler : les fonctionnaires doivent prendre le temps d’examiner les moyens mis en œuvre. Il ne peut jamais y avoir trop d’analyses.

MODÉRATEURS – EN GUISE DE CONCLUSION

Tous les organismes fédéraux sont aux prises avec des situations conflictuelles entre les valeurs démocratiques et professionnelles et les nouvelles valeurs en matière de gestion. La solution consiste à établir un juste équilibre. C’est pourquoi la fonction publique doit faire appel à la formation et doit disposer des outils appropriés. Avant tout, le dialogue et la communication ne doivent jamais faire défaut. Les fonctionnaires doivent pouvoir être à l’aise en discutant de questions litigieuses. Très souvent, il n’y a pas de bonnes ou de mauvaises réponses, mais des solutions efficaces doivent néanmoins être mises de l’avant.

La fonction publique doit relever un défi de taille sur le plan du leadership car ses dirigeants accomplissent leur travail au vu et au su de toute la population. Les dirigeants de DRHC ont fait preuve d’ouverture et d’honnêteté durant cette période difficile et ils méritent d’être félicités pour leur courage et leur persévérance, en acceptant de poursuivre la discussion ici même dans le but de contribuer à l’amélioration de la fonction publique.

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CAS 7 : LA DIVERSITÉ ET LA QUALITÉ DU SERVICE À LA CLIENTÈLE

Le cas d'Anciens Combattants Canada (ACC)

En votre qualité de directeur de district, vous avez embauché récemment un jeune homme de 25 ans, Yuriko Hoshi, à titre de conseiller de secteur. M. Hoshi est un Canadien de descendance japonaise possédant un diplôme en travail social ainsi qu’un autre en gérontologie de l’Université de Toronto. Durant le deux premiers mois, il a été jumelé à un conseiller expérimenté et tout semble s’être bien déroulé.

Cependant, durant la première semaine où il a été affecté à son propre secteur, vous avez reçu une lettre d’un ancien combattant de 84 ans, Robert Smith, faisant savoir qu’il était offusqué qu’un « Jap » soit conseiller dans son secteur et demandant qu’il soir remplacé par un « Canadien ». M. Smith est un ancien prisonnier de guerre qui a été incarcéré pendant quatre ans dans un camp au Japon. Pendant cette période, il a subi des conditions pénibles à la suite desquelles il est devenu gravement handicapé. À cause de ces expériences de guerre, il souffre maintenant d’hypovitaminose et de stress névrotique post-traumatique.

Quelles sont questions d’éthique en jeu? Que feriez-vous en tant que gestionnaire?

Il s’agit d’un cas générique qui, sous certains angles, s’apparente à une situation réelle. Le cas a été créé à des fins de discussions seulement.

VUE D’ENSEMBLE (Larry Murray, sous-ministre d’ACC)

Pour situer le contexte, précisons qu’ACC a une clientèle relativement petite, connaît ses clients (et, de fait, entretient une relation très amicale avec bon nombre d’entre eux) et possède une mission claire à remplir. Toutefois, ACC se heurte à des défis qui se greffent aux valeurs et à l’éthique, comme la montée des prix des médicaments, les besoins des clients en phase terminale et la charge de travail des conseillers (qui tentent de plaire à tout le monde). Il est manifeste qu’un cadre éthique doit être établi pour permettre aux conseillers de savoir quand restreindre la prestation des services. ACC est doté d’un programme dynamique de valeurs et d’éthique et a à sa disposition un comité consultatif et un bioéthicien. Ce comité examine les questions qui surgissent comme la désignation des membres du personnel du Ministère dans les testaments et les documents liés à la succession des clients.

Le cas que nous examinons aujourd’hui a été préparé à partir d’une situation dans laquelle le Ministère s’est trouvé et qui opposait le droit de l’employé d’une part et les besoins complexes d’un client d’autre part.

TROIS PERSPECTIVES FACE AU DILEMME

Approche 1 : Le point de vue de l’employé

Nous commençons par examiner le cas du point de vue des droits individuels de M. Hoshi (le conseiller), et de l’objectif de la fonction publique, qui consiste à assurer une main-d’œuvre diversifiée.

Le gestionnaire de M. Hoshi doit examiner la question de la qualité, le service adapté aux besoins et de la responsabilité de la direction, consistant à soutenir les employés équitablement. Le dilemme éthique découle du conflit apparent entre le « service » et les valeurs « liées aux personnes » – quelle que soit la décision prise, un préjudice peut être causé.

La santé de M. Smith (l’ancien combattant) pourrait en souffrir si M. Hoshi (le conseiller) n’est pas réaffecté. Par ailleurs, si M. Hoshi est réaffecté, le Ministère agirait de façon injuste compte tenu des préjugés apparents de sa clientèle.

Il importe d’utiliser le cadre intégral d’éthique et de valeurs proposé par John Tait. (Consulter la fiche du Bureau des valeurs et de l’éthique du SCT.) Le cas se rapporte non seulement à des valeurs professionnelles et liées aux personnes, mais aussi à des valeurs démocratiques et éthiques.

Il conviendrait que le gestionnaire traite d’abord de la valeur démocratique consistant à respecter le principe de légalité, dans ce cas la loi habilitante du Ministère et les lois appliquées à l’échelle du gouvernement en ce qui touche la gestion des finances et l’emploi dans la fonction publique. M. Hoshi est un Canadien recruté selon le principe du mérite, et il ne peut être démis de ses fonctions sauf pour incompétence ou incapacité, ce qui n’est pas le cas ici. La réaffectation de M. Hoshi en s’appuyant sur les demandes déraisonnables du client violerait le mandat public et notre engagement à l’égard de l’équité et de la justice en milieu de travail. Une réaffectation unilatérale ne se justifie pas d’un point de vue juridique.

Mais une question inquiétante demeure. Comme les autres anciens combattants, M. Smith a sacrifié sa santé et quatre années de sa vie pour servir son pays. Est-ce que le fait de refuser de réaffecter M. Hoshi serait une décision prise dans l’intérêt de M. Smith? Refuser de muter M. Hoshi unilatéralement peut être une « bonne » décision, mais est-elle « juste »? Il faut maintenant tenir compte des points de vue des autres intervenants.

Approche 2 : Le point de vue du client

Du point de vue du client, ce cas est plus compliqué qu’il ne le paraît à première vue. Nous devons obtenir davantage de renseignements sur l’état pathologique et psychologique de M. Smith. Cette information est en pratique facile à obtenir. Le directeur de district voudra peut-être également rencontrer M. Smith, bien qu’il y ait peu de chances que celui-ci change d’opinion car il pourrait être difficile de discuter de façon raisonnable avec lui.

La priorité numéro un, c’est le soin des clients. Nous devons par conséquent examiner toutes les options possibles pour répondre aux besoins des clients. Nous pouvons décider de trouver un autre conseiller pour M. Smith, non pas parce qu’il y a droit, mais bien parce qu’il n’est pas en mesure de faire face à la situation.

Approche 3 : Trouver un juste milieu

Il conviendrait d’examiner le cas de M. Smith en se penchant sur un certain nombre de questions qui n’ont pas encore été abordées. ACC est un ministère créé en reconnaissance du respect envers les anciens combattants auxquels nous devons nos libertés. M. Smith avait 24 ans lorsqu’il a été fait prisonnier. Son expérience de prisonnier de guerre l’a laissé handicapé sur les plans physique et mental. Les anciens combattants sont des Canadiens spéciaux qui méritent ce qu’il y a de mieux et peut-être plus que les autres Canadiens. De sérieuses questions relatives à la qualité de vie et à la cessation de la vie humaine se greffent au cas qui nous occupe.

Les clients d’ACC ne constituent pas un groupe varié sur le plan de l’ethnicité ou du sexe. Toutefois, la fonction publique a pris l’engagement de mettre en place une main-d’œuvre diversifiée qui reflète le Canada auquel elle fournit des services, et ce afin de mieux servir tous les Canadiens.

La véritable question que pose le présent cas est de savoir quels « droits » l’emportent, ceux de M. Smith ou ceux de M. Hoshi. L’effectif d’ACC est très professionnel. Il semblerait que la meilleure façon de procéder soit que le gestionnaire consulte M. Hoshi sur la démarche à adopter. M. Hoshi pourrait décider de parler à M. Smith pour lui indiquer qu’il est Canadien et qu’il en est fier, tout comme il est fier de M. Smith. Si un tel entretien s’avère impossible ou ne règle pas la question, alors M. Hoshi pourrait décider volontairement de se retirer.

FACTEURS PRIS EN CONSIDÉRATION ET SOLUTIONS PROPOSÉES

CONTRIBUTIONS DES PARTICIPANTS

ACC doit clarifier les critères qui régissent l’attribution des clients aux conseillers. Ces critères doivent être fondés sur le mandat du Ministère, qui consiste en la prestation d’un service. Si quelqu’un d’autre peut mieux répondre aux besoins du client, alors un professionnel se retire. Le gestionnaire doit faciliter le processus et le travail à accomplir pour dissiper le préjugé. Il importe de noter qu’un état pathologique est une chose, mais que le préjugé en est une autre.

Les gestionnaires doivent manifester respect et soutien envers leurs employés. Toutefois, nous devons également essayer de faire de notre mieux dans l’intérêt du client. Il se pourrait que ce ne soit pas une bonne idée de rencontrer le client pour discuter avec lui. Pour résoudre la question, le gestionnaire devrait s’entretenir avec l’employé. Si l’employé décide de ne pas se retirer de l’affaire, le gestionnaire doit trouver une autre solution.

En réalité, dans la plupart des cas qui surgissent à ACC, il n’est pas possible de procéder par réaffectation. Les gestionnaires doivent informer le personnel et les clients des droits respectifs qui leur reviennent.

Adresser une lettre d’explications au client n’est pas une bonne idée. Rendre visite au client pourrait constituer une démarche sensée, mais il y a des chances qu’elle relève de l’émotion davantage que de la raison. Si une lettre était adressée au client, elle devrait présenter une solution réelle au problème et préciser que le langage utilisé par M. Smith dans la plainte qu’il a déposée est inacceptable.

Un aspect important à faire valoir tient au fait que les employés sont respectés lorsqu’on essaie de leur offrir un milieu de travail exempt de harcèlement. De même, les clients sont respectés lorsqu’on leur donne le meilleur service possible.

Dans le cas qui nous occupe, quelques questions se posent d’elles-mêmes. Quelle est l’ampleur de l’état de stress post-traumatique de M. Smith? M. Hoshi a-t-il rencontré M. Smith et établi l’ampleur des préjugés de M. Smith? Comment M. Hoshi a-t-il réagi à la lettre? Le syndicat a-til été contacté?

En tant que travailleur social professionnel, M. Hoshi offrirait probablement de se retirer de l’affaire. Par ailleurs, il importe de protéger les valeurs fondamentales canadiennes, dont fait partie le respect des minorités visibles.

Les gestionnaires ne devraient pas essayer de maintenir les employés dans des situations qui constituent inévitablement une source de harcèlement. S’il n’est pas possible d’en arriver à un règlement à l’amiable, le cas de M. Smith devrait être assigné à un autre conseiller. La réconciliation des opinions divergentes du client, de l’employé, du gestionnaire et du public n’est pas un problème propre à la fonction publique.

Il pourrait être souhaitable de sortir de l’organisation pour obtenir de l’aide – par exemple s’adresser à un membre du clergé, à un médecin, à un frère ou à une sœur de l’intéressé, pour lui demander de parler à M. Smith et même de le présenter à nouveau à M. Hoshi.

Ce genre de cas se déroule de façon différente selon la région dans laquelle il se situe.

En outre, une question se pose au sujet de M. Hoshi. La famille de celui-ci a-t-elle été internée pendant la Seconde Guerre mondiale? Le cas de M. Smith réveille-t-il le souvenir d’une discrimination subie antérieurement chez M. Hoshi?

La réputation de M. Hoshi en tant que professionnel est importante – à ses propres yeux et aux yeux de ses collègues. Ses activités professionnelles vont-elles souffrir de la lettre écrite par M. Smith à son sujet et des mesures prises ultérieurement? Il importe de trouver une solution professionnelle au problème, car M. Hoshi représente l’avenir de la fonction publique au Canada.

Les employés ont le droit d’avoir leur mot à dire dans ce genre de décision, mais il ne conviendrait pas que la prise de décision soit remise entre les mains de M. Hoshi, recruté depuis peu.

Habituellement, à ACC, les directeurs de district ne participent pas au règlement de ce genre de cas. Il existe des niveaux intermédiaires de gestionnaires, qui s’en chargeraient, avec l’aide des employés. Il est à espérer que l’intervention d’un directeur de district ne livre pas le message que M. Hoshi ne peut faire son travail.

Conclusion – Modérateurs et panélistes

Le fait de solliciter la participation des employés pour ensuite l’ignorer présente un danger.

Un autre danger serait de créer un précédent en traitant les employés de façon arbitraire, en s’appuyant sur les préjugés des clients, lequel précédent pourrait engendrer une situation susceptible de devenir rapidement incontrôlable.

Il est très utile d’examiner les cas comme celui-ci dans l’optique des diverses valeurs fondamentales qui s’y appliquent. Les valeurs ne sont pas irréfutables; elles ont la fonction de lentilles. Elles s’appliquent au client, à l’employé, au gestionnaire et au public.

Le cas présent s’appuie sur un cas réel qui s’est produit en Colombie-Britannique. En effet, à un moment donné, un groupe de clients comme M. Smith recevait les services d’un membre du personnel infirmier très expérimenté qui appartenait à une minorité visible. Le directeur de district appartenait lui aussi à une minorité visible. La question avait été abordée avec tous les membres du personnel et l’employé avait décidé de s’adresser aux clients. La plupart des clients ont finalement décidé de conserver les services du même professionnel, à la satisfaction de tous. Une personne n’a pas accepté la solution et des mesures spéciales ont alors été prises.

Il conviendrait que les ministères dressent un cadre éthique pour les employés qui sont poussés jusqu’à la limite de leurs forces. Les valeurs et l’éthique n’intéressent pas seulement les gestionnaires. Elles sont l’affaire de tous les employés.

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CAS 8 : GESTION FINANCIÈRE ET RESPONSABILISATION AU SEIN DE LA PREMIÈRE NATION ORIGINELLE : UN CHOC DE CULTURES?

Le cas du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien (MAINC)

Les médias ont fait récemment état de plusieurs allégations de mauvaise gestion financière et d’un manque général de responsabilisation dans la Première nation originelle. La question de la responsabilisation semble concerner à la fois les ministères fédéraux exécutant d’importants programmes de financement à l’intention de cette Première nation ainsi que la situation existant entre, d’une part, le chef de la Première nation et le Conseil, et, d’autre part, les membres de la collectivité.

Les fonctionnaires fédéraux ont attesté que la Première nation n’a pu satisfaire à de nombreuses exigences en matière de vérification financière, telles qu’elles sont énoncées dans les accords de financement, et qu’elle refuse de fournir des renseignements sur la façon dont les fonds des programmes sont véritablement utilisés ainsi que des rapports de rendement définissant les résultats de ces programmes.

Les ministres fédéraux ont fait publiquement part de la nécessité de rendre compte aux Canadiens par l’intermédiaire du Parlement et indiqué qu’ils étaient préparés à intervenir directement pour assurer une gestion et une comptabilisation adéquates des fonds fédéraux. Ils ont laissé ouvertement entendre qu’ils pourraient cesser le programme fédéral de financement de cette Première nation si elle refuse de rendre des comptes et qu’ils dispenseront les programmes directement à la collectivité.

Les chefs de la Première nation estiment que les fonds du programme fédéral sont de l’argent leur étant dû par la suite de promesses et de traités conclus avec la Couronne britannique. Ils sont d’avis, par conséquent, qu’ils ne sont pas obligés de rendre compte au public canadien. Leurs représentants administratifs sont d’opinion que, une fois que les fonds sont transférés du gouvernement fédéral à la Première nation, ils appartiennent à la Première nation et peuvent être utilisés à la seule discrétion du gouvernement de la Première nation.

Les chefs ont fait savoir que les procédures comptables au sein de la collectivité sont conformes à ses traditions et ne concernent en rien des intervenants externes. Ils insistent sur le fait que l’exercice de l’autonomie gouvernementale est d’une extrême importance pour les Premières nations, droit qu’elles sont prêtes à défendre avec vigueur.

Les médias ont indiqué que de nombreux membres de la collectivité n’acceptaient pas le niveau actuel de responsabilisation, demandaient plus de transparence dans le processus de prise des décisions du Conseil et cherchaient des moyens de remettre publiquement en question des décisions allant à l’encontre de la volonté du peuple. Selon eux, les « traditions » évoquées par le chef favorisent son propre intérêt, sont désuètes et contreviennent aux droits universels de la personne dans les sociétés démocratiques. Ils ont demandé au gouvernement fédéral d’intervenir et d’assurer la création de gouvernements modernes, transparents et démocratiques respectant les aspirations du peuple des Premières nations liées à la culture et à l’autonomie gouvernementale.

Questions de discussion

  1. Quelles valeurs reflètent chaque position?
  2. Quelles valeurs pourrait susciter un différend ou un dilemme éthique?
  3. Quelles mesures recommanderiez-vous pour résoudre le dilemme éthique?
  4. Comment intégrer des valeurs aux relations de travail avant que ne survienne le différend?

Il s’agit d’un cas générique qui, sous certains angles, s’apparente à une situation réelle. Le cas a été créé à des fins de discussions seulement.

TOILE DE FOND (Dennis Wallace, sous-ministre délégué de MAINC)

Différents types de relations formelles ont existé entre les Européens et les Premières nations depuis 300 ans, avant même le maintien de la paix par le corps de police à cheval du Nord- Ouest. Après les accords de traite et les alliances militaires, au cours des années 1870 la relation en est devenue une de gardiens et de pupilles de l’État. Les agents indiens existaient encore dans les années 70. Après cette période, la responsabilité de la prestation des services a été graduellement transférée aux Premières nations. Les agents indiens sont devenus des agents du changement. Dans un premier temps, leur position semblait être de « déposer les dossiers et se retirer » afin de permettre au gouvernement de transférer ses responsabilités aux Premières nations, ou plutôt de « tout laisser tomber et s’enfuir » du point de vue des Premières nations qui tentaient de prendre le contrôle de leurs vies.

Pendant ce temps, la Loi sur les Indiens n’était pas actualisée. Certaines Premières nations ne possédaient pas les compétences nécessaires à l’administration des tâches nouvellement dévolues. Le rôle des employés du MAINC s’est progressivement transformé, tandis qu’ils recherchaient des façons de s’acquitter de leurs nouvelles responsabilités tout en respectant les traités et en honorant les responsabilités fiduciaires de la Couronne. Les contributions aux programmes étaient maintenant accompagnées de conditions, mais les règles d’administration des programmes n’étaient pas nécessairement claires. La Loi sur les Indiens ne comporte aucune disposition relative à la gouvernance.

De nombreux ministères ont dû faire face à des dilemmes similaires, caractérisés par des règles mal définies dans un environnement en évolution. Comment l’employé doit-il réagir en face de tous ces facteurs divergents : membres des communautés des différentes Premières nations, chefs et conseils de bande, responsabilités fiduciaires du ministère, nécessité d’accroître la capacité pour la Première nation de gérer elle-même ses affaires. Il est également nécessaire de préserver des relations à long terme viables et mutuellement profitables avec les Premières nations.

TROIS PERSPECTIVES FACE AU DILEMME

Approche 1 : Optique de responsabilisation financière du Contrôleur général

Questions : Les médias ont fait récemment part de plusieurs allégations de mauvaise gestion financière et d’un manque général de responsabilisation à la Première nation originelle (PNO). Ces allégations doivent être replacées dans le contexte d’une grave perte de confiance généralisée à l’égard du gouvernement. Un sondage ECOS a récemment fait état de niveaux de confiance de 25 p. cent (en comparaison de 80 p. cent au cours des années 60).

Préoccupations : La couverture médiatique accentue la visibilité de cette question, mais le problème de base concerne la responsabilisation et le contrôle.

La vérification de 1999-2000 a mis en évidence les résultats du vérificateur selon lesquels il existe de graves lacunes dans le système de contrôle interne de diverses dépenses.

Au cours des sept dernières années, un déficit de 11 millions de dollars s’est accumulé à partir de budgets annuels de 18,7 millions de dollars visant à offrir les services requis, notamment dans les domaines suivants : secteur social, éducation, capital, fonctionnement et entretien, appui de la bande et développement économique.

Le processus n’est pas transparent, et le chef et le conseil ne semblent pas suivre les procédures en place. Le budget pour l’éducation, en particulier, semble hors de contrôle et devrait être confié au personnel des finances de la PNO pour assurer le respect des procédures appropriées.

La PNO ne semble pas comprendre ce en quoi consistent les vérifications : elle ne saisit pas que les vérifications constituent un processus de validation des procédures utilisées et d’une saine gestion financière.

Un plan de gestion corrective (PGC) géré par la Première nation est en place depuis six ans mais l’endettement continue d’augmenter. En septembre 1999, le Ministère a placé la PNO sous le contrôle d’un gestionnaire tierce partie. La PGC est toujours en place, mais aucune réduction notable du déficit n’est survenue.

Malgré des vérifications annuelles, un gestionnaire tiers et un plan de gestion corrective, le déficit a maintenant atteint un niveau d’insolvabilité potentielle. Les avances de fonds ne fonctionnent pas non plus : le déficit n’a pas diminué malgré des avances de 1,5 million de dollars consenties en 1995-1996 et en 1997-1998 pour éponger les créances.

Il pourrait être nécessaire d’effectuer d’autres interventions financières. Même si elles ne seraient pas appréciées de la Première nation, il est possible qu’elles constituent le seul moyen d’assurer la stabilité financière et la protection de l’intérêt et la confiance du public. La préservation de la confiance du public est également primordiale pour les objectifs plus vastes en matière de politique gouvernementale. Par exemple, le régime fiscal canadien est fondé sur l’observation volontaire; si les contribuables jugent que les règles du jeu ne sont pas équitables pour tous, incluant les Premières nations, ils seront moins enclins à soumettre des déclarations exactes et complètes.

Approche 2 : Perspective du chef du conseil de bande de la Première nation originelle

Questions : Les médias ont fait récemment part de plusieurs allégations de mauvaise gestion financière et d’un manque général de responsabilisation à la Première nation originelle (PNO).

L’enjeu sous-jacent dans ce dossier est en fait le manque criant de confiance, entre les Canadiens et les Premières nations, mais aussi entre les Premières nations et le gouvernement. Il est courant que les Premières nations fassent uniquement confiance à leur agent des services de financement, qui ne dispose pas toujours du plein soutien du bureau régional, et encore moins de l’Administration centrale.

Les recommandations du contrôleur général sont injustes parce qu’elles ne tiennent pas compte de la situation dans son ensemble. En fait, le déficit a été hérité des conseils de bande précédents. De plus, des paliers de gouvernement bien plus élevés ont accumulé d’énormes déficits sans être aucunement soumis à une intervention financière par des administrations extérieures. Aussi, nous devons reconnaître qu’il existe actuellement à l’intérieur de la communauté des pressions favorisant le changement. En fait, plusieurs autres membres influents de la communauté, en plus du chef, veulent voir des changements. Toutefois, les changements recherchés ne se limitent pas aux finances de la communauté : ils sont également politiques, administratifs et décisionnels.

Sur le plan historique, il ne faut pas oublier que pendant de nombreuses années le gouvernement fédéral était le fournisseur de l’aide sociale et les Premières nations étaient des prestataires passifs; cette mentalité existe encore dans certaines communautés. De même, le conseil communautaire a l’habitude, depuis fort longtemps, de défrayer les dépenses personnelles à court terme des personnes dans le besoin, ce qui contribue à perpétuer la dépendance et à saper les ressources de la communauté. Certains paiements faits par le conseil ne sont pas administrés correctement, et il peut arriver que des paiements destinés à défrayer les études collégiales, par exemple, ne soient pas employés à cette fin.

Les gestionnaires des Premières nations sont pleinement conscients du déficit. Malheureusement, le conseil est nommé pour un maximum de deux ans, ce qui complique énormément les efforts de planification sur des périodes de cinq ou dix ans. Il faut également comprendre que ce déficit s’inscrit dans le contexte du financement actuel des Premières nations, qui est le résultat des ententes sur le partage des terres conclues par nos ancêtres.

Le navire européen et le canoé autochtone naviguent côte à côte sur la rivière de la vie. La cohabitation exige un respect mutuel, et ultimement une responsabilité mutuelle. Malheureusement, une fois élu, le chef est moins responsable envers ses électeurs qu’envers le ministère, tel que le stipule la Loi sur les Indiens. La cogestion n’est pas une solution : par le passé, elle a mené à des situations de collusion. Enfin, la participation de tiers à la gouvernance de la communauté pourrait être interprétée comme insultante par le conseil de bande élu et par la communauté.

Les Premières nations sont ouvertes au changement, mais une vérification ne se penche pas sur les causes historiques ayant mené au déficit actuel. En fait, plusieurs membres de la communauté ne connaissent que l’économie de subsistance et ne savent rien de l’économie fondée sur l’argent. Il est à espérer que le MAINC reconnaîtra « avoir un problème ». Les politiques du ministère n’ont pas été établies par les Premières nations. Leur mise en œuvre exige un réel partenariat. Nous devons construire ensemble l’avenir de la 7e génération.

Préoccupations : Ce sont les médias qui montent cette question en épingle. Le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien semble se préoccuper davantage des articles dans les médias que de l’apport de solutions à long terme pour la PNO.

Le principe de l’autonomie gouvernementale est fondamental. Les chefs du Conseil sont élus démocratiquement par les membres de la PNO et doivent jouir de l’autonomie requise pour exercer leur leadership.

On ne dit pas, cependant, qu’il existait un déficit à cause des chefs des conseils précédents. Le présent Conseil s’est engagé à respecter un plan de cinq ans visant à réduire le déficit. Toutefois, les coûts de financement de l’endettement ont augmenté au-delà des niveaux prévus dans le plan de cinq ans, élément sur lequel le chef et le Conseil n’ont pas de contrôle.

De toute façon, la manière dont nous utilisons les fonds gouvernementaux ne le concerne en rien. Il n’effectue que des versements dus en vertu de promesses antérieures.

Nous n’admettons pas la cogestion, car c’est une autre forme d’ingérence paternaliste dans le régime d’autonomie gouvernementale. C’est l’argent de la PNO, c’est-à-dire un droit et non pas un cadeau du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. Le conseil fournit aux membres plusieurs services qui leur assurent un emploi. Une ingérence constituerait non seulement une atteinte à l’autonomie, elle entraînerait une perte d’emplois qui ne ferait qu’aggraver la situation économique.

Le conseil de bande reflète la volonté des membres et toute intervention est perçue comme inopportune et inutile. Les vérifications sont une forme d’irrespect.

Pourquoi l’argent est-il être la seule préoccupation du gouvernement alors que ce qui importe véritablement ce sont la culture, l’autonomie gouvernementale, le respect et l’environnement ?

Approche 3 : Perspective du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien (MAINC)

Questions : Les médias ont fait récemment part de plusieurs allégations de mauvaise gestion financière et d’un manque général de responsabilisation à la Première nation originelle (PNO).

Préoccupations : Cette couverture médiatique est regrettable car elle tend toujours à porter sur les déficits, la gestion et les différends entre le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien et les Premières nations. Personne ne semble rédiger d’articles sur les succès en matière de développement économique ou les très nombreuses réussites au niveau de la gouvernance.

En fait, les Premières nations sont responsables de la prestation d’une grande variété de services « municipaux » : éducation, services sociaux, santé, logement, aqueducs et égouts. Soixantequinze pour cent de ces services respectent les budgets. Des rapports annuels sont soumis au gouvernement fédéral. Lorsque des problèmes surgissent, ils font l’objet d’enquêtes. En ce qui a trait à la responsabilisation, imaginez-vous en tant que membre du conseil dans une communauté où 200 personnes vivent dans des conditions consternantes : votre responsabilisation envers vos électeurs est immédiate et quotidienne.

Il est clair que le versement de sommes supplémentaires pour régler cette question ne constitue pas une solution viable ou acceptable sur le plan politique. Le programme Rassembler nos forces se veut une méthode à long terme d’autonomie financière et gouvernementale.

La nécessité de concilier les droits et responsabilités de toutes les parties concernées est toujours présente. Même si les médias concentrent leur attention sur le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, il n’en reste pas moins que DRHC, Industrie Canada et Santé Canada sont également des partenaires financiers principaux. Le rôle du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien consiste à assurer une macrogestion auprès de la PNO.

Même si les employés du ministère sont conscient de la nécessité des contrôles financiers, de la transparence et de la gestion financière, ils ne croient pas que cela mènera à l’autonomie que la PNO s’est fixée comme objectif. La comptabilisation et les vérifications ne créeront pas les emplois requis pour assurer cette autonomie. Leur travail auprès de la PNO a, dans l’ensemble, été positif, et le chef favorise fortement une stratégie de développement économique s’étalant sur une période de cinq à dix ans.

La planification conjointe du développement est orientée sur trois priorités :

  1. le renforcement de la gouvernance;
  2. l’amélioration de l’éducation, de la formation et des possibilités d’emploi; et
  3. l’amélioration de la gestion financière.

Tout au long de la planification, il faut maintenir un équilibre entre les intérêts parfois opposés de tous les intervenants.

À court terme, l’objectif consiste à reprendre le contrôle du budget et à améliorer sans attendre les moyens de contrôle des dépenses. Le déficit entraîné par la mauvaise gestion d’administrations précédentes contribue à l’érosion des programmes. À plus long terme, il importe de réduire la dépendance des jeunes Autochtones à l’endroit des ressources fédérales (40 p. cent de la population est âgée de moins de 25 ans, et 70 p. cent de ces jeunes sont sans emploi). Le MAINC doit collaborer avec les Premières nations et, au besoin, recourir à des experts-conseils, afin de saisir pleinement les aspirations des Premières nations.

Afin de renforcer la gouvernance, il sera nécessaire d’accorder plus d’importance à des activités telles que la valorisation de la gestion des portefeuilles, l’établissement de lignes directrices en matière de conflits d’intérêts et la mise en place de systèmes de planification et d’établissement des priorités. De plus, il est approprié que l’ensemble de la communauté continue à examiner les progrès accomplis à l’occasion de réunions mensuelles.

Par contre, la volonté d’autonomie gouvernementale constitue un sujet complexe exigeant le développement d’une capacité et la sensibilisation à la réalité et à l’importance des valeurs autochtones. Comment concilier l’appui envers l’autonomie gouvernementale et la nécessité de rendre compte de manière satisfaisante à l’intérieur du cadre intergouvernemental canadien existant?

FACTEURS CONSIDÉRÉS ET SOLUTIONS PROPOSÉES

Contributions des participants

Dans de telles situations, il est approprié de rechercher les points communs et d’en faire le fondement des consensus et des ententes. L’idée des contrôles employés pour protéger les contribuables est un concept négatif. Il faut plutôt mettre l’emphase sur l’orientation positive vers les meilleures pratiques et les résultats.

L’attention accordée à la fonction de contrôleur masque en partie les véritables enjeux. Dans certaines communautés, le maintien du système existant et du statu quo est jugé être une démonstration de saine gestion. Il serait plus approprié de mettre l’emphase sur des valeurs telles que la transparence, la responsabilisation et la responsabilité, ainsi que sur un objectif de « déficit zéro ».

Dans cette situation, les objectifs à court et à long termes sont en opposition. Le contrôle du budget est un objectif à court terme. Les objectifs de la Première nation Originelle en matière de confiance, de respect et de responsabilité relèvent du long terme.

Il faut mettre l’emphase sur le partenariat et les autres valeurs positives dans la recherche de solutions à long terme et l’atteinte des objectifs à court terme. Il faut élaborer un modèle de gestion à l’aide d’un processus de consultation systématique. Il est également nécessaire de favoriser une meilleure communication et une meilleure visualisation des objectifs à court et à long termes.

Dans cette situation, il semble que des significations différentes soient attribuées aux valeurs en cause. Les valeurs de confiance du public et de respect envers les Premières nations ne sont pas mutuellement exclusives; toutefois, il existe une perception de méfiance mutuelle, qui doit disparaître. Il faut également répondre aux attentes très réelles en matière de responsabilisation.

Il faut noter que les valeurs du MAINC ne sont pas claires : le ministère parle de partenariat, mais sa présentation dans le présent cas ressemble davantage au discours d’un politicien prudent. Le MAINC et la Première nation Originelle doivent tous deux concentrer leurs efforts sur la souplesse. Dans les relations commerciales internationales, il arrive régulièrement qu’une des parties annule les dettes de l’autre partie. C’est ce que nous devrions faire ici : oublier la dette et se concentrer sur l’avenir.

La Loi sur les Indiens nuit directement à la planification à long terme, en limitant le mandat du chef du conseil de bande à seulement deux ans.

Le fait de fournir de l’argent au conseil de bande sans encadrement quant à la façon appropriée de comptabiliser l’utilisation des fonds présente un danger. La clé réside dans la capacité de la bande à exécuter les travaux nécessaires. Soixante-quinze pour cent des bandes s’en acquittent fort bien. Il faut identifier les leçons apprises, les cas exemplaires et les meilleures pratiques, les décrire et les soumettre à la discussion, malgré l’insistance des médias à se concentrer sur les « histoires négatives ».

Deux situations similaires mettant en cause des valeurs opposées ont été décrites aux fins de comparaison :

  1. En Europe de l’est, à l’occasion d’une mission de maintien de la paix, des militaires canadiens ont fait des dons d’argent à un village afin de reconstruire le toit de l’école et ainsi permettre aux enfants de retourner à l’école. La communauté a préféré affecter l’argent à la reconstruction du toit de la mosquée locale, jugée plus prioritaire que l’école.

  2. En Afrique, dans un pays pourtant fondé sur une tradition de partage, le développement de la production pétrolière et l’apparition d’une économie fondée sur l’argent ont mené à une situation de corruption généralisée.

Dans cette situation, les valeurs associées à la responsabilité financière, d’une part, et au respect et à la non-ingérence dans la gestion financière de la Première nation, d’autre part, sont partiellement en opposition. Il faut mettre l’emphase sur l’atteinte d’un consensus et une compréhension mutuelle de la nature des responsabilités sociales dans cette situation. Le MAINC et la Première nation Originelle descendent en fait la rivière dans la même embarcation.

Récapitulation par les animateurs et les panélistes

Il importe que les employés veuillent accomplir leur travail dans le respect des valeurs et de l’éthique, et non pas qu’ils soient forcés à adopter des comportements éthiques. De plus, lorsque des employés ne partagent pas les mêmes valeurs, comment peut-on en arriver à un équilibre?

Le niveau de soutien offert aux gestionnaires de première ligne en matière de prise de décisions n’est toujours pas suffisant. L’agent des services de financement du MAINC est souvent le seul représentant du Canada avec lequel les communautés autochtones ont un contact.

L’atteinte d’une identité de vues entre les Premières nations et le reste du Canada nécessitera davantage de dialogue : il faut plus d’histoires « positives » des deux côtés. Alors que le Contrôleur général plaide, avec raison, en faveur de la prudence, de la probité et du rendement, l’opinion publique et les partis politiques exploitent la situation en se concentrant sur les « histoires négatives ». Il faudra beaucoup de temps pour orienter les débats vers une approche plus positive.

Dans une communauté autochtone bien gérée, il existe une muraille infranchissable entre les politiciens et les administrateurs; il ne devrait y avoir aucune ingérence politique dans les questions administratives.

Le concept de l’autonomie gouvernementale diffère d’une Première nation à l’autre. Le transfert des responsabilités du gouvernement fédéral vers les Premières nations n’est pas une tâche aisée, parce que la Loi sur les Indiens reconnaît de nombreux droits issus des traités que les Premières nations tiennent à conserver.

Tous les intervenants doivent employer le même modèle de gestion. À l’heure actuelle, différents modèles sont utilisés. Les Premières nations doivent accroître leurs capacités administratives au niveau de la communauté. Comme la Loi sur les Indiens ne comporte aucune disposition relative à la gouvernance, ces questions doivent être gérées dans le cadre des différentes modalités négociées avec les Premières nations.

Dans une telle situation, il est essentiel de laisser tomber vos hypothèses (peut-être racistes) relativement à la position de chaque participant et de rechercher des valeurs communes qui formeront le fondement du dialogue et des ententes.

En abordant cette situation, il faut garder à l’esprit la situation difficile dans laquelle le chef se trouve : il doit protéger les valeurs de la communauté tout autant que celles stipulées par la Loi sur les Indiens, atteindre ses objectifs à l’intérieur d’un mandat de seulement deux ans et supporter les conséquences d’un déficit hérité, tout cela en l’absence d’un cadre de gestion commun.

Le MAINC veut établir des nouvelles relations avec les Premières nations justement afin de permettre aux communautés de participer activement à la vie économique du pays.

Dans l’une des situations réelles sur lesquelles le présent cas est en partie fondé, le chef travaille à la réduction du déficit et un gestionnaire tiers (un cabinet d’experts-comptables international) a été nommé. L’année dernière, un plan de redressement et de développement des capacités de dix ans a été mis en œuvre. On a recours aux gestionnaires de première ligne pour accroître la capacité du ministère à améliorer son soutien aux Premières nations. Des processus d’évaluation de la gestion et de la responsabilisation, ainsi qu’un système de rapports mensuels, sont en cours de mise en œuvre.

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ANNEXE 1

Dialogue sur les valeurs et l'éthique dans la fonction publique
Définitions de référence

Les valeurs - sont des croyances profondément ancrées qui influencent nos attitudes, nos actions, les choix que nous faisons et les décisions que nous prenons.

L’éthique - est cette dimension de la pensée et du comportement humain qui est guidée par des normes et des principes de bonne conduite. L’éthique comprend un engagement de faire ce qui est bien.

UN DILEMME ÉTHIQUE - est une situation dans laquelle :

COMMENT DÉCIDER QUOI FAIRE?

LES VALEURS ET L’ÉTHIQUE DANS LA FONCTION PUBLIQUE
Extrait de Un résumé du rapport « Tait » (Février 1997)

Les quatre familles de valeurs fondamentales :

VALEURS DÉMOCRATIQUES :
Gouvernement responsable. Primauté du droit. Soutien de la démocratie. Loyauté. Respect de l’autorité des titulaires de charges publiques élus. Neutralité/impartialité politique. Responsabilité. Application régulière de la loi. Intérêt public/bien commun.

VALEURS PROFESSIONNELLES « TRADITIONNELLES » :
Neutralité. Mérite. Excellence. Efficacité. Économie. Franchise. Conseiller avec objectivité et impartialité. Dire sans crainte toute la vérité aux autorités. Équilibrer la complexité. Conserver la confiance du public. « NOUVELLES »

VALEURS PROFESSIONNELLES :
Qualité. Innovation. Initiative. Créativité. Débrouillardise. Service aux clients/citoyens. Horizontalité (collaboration). Travail d’équipe.

VALEURS LIÉES À L’ÉTHIQUE :
Intégrité. Honnêteté. Probité. Prudence. Impartialité. Équité. Désintéressement. Discrétion. Confiance du public.

VALEURS LIÉES AUX PERSONNES :
Respect. Empathie/compassion. Civilité/courtoisie. Tolérance. Ouverture d’esprit. Solidarité/participation. Sincérité. Modération. Bienséance. Raison. Humanité. Courage.

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