Agence de gestion des resources humaines de la fonction publique du Canada
Sautez à la colonne latéraleSautez à la colonne principale
English Contactez-nous Aide Recherche Site du Canada
Employés Gestionnaires professionels RH Outils Index A-Z
Quoi de neuf? À notre sujet Politiques Carte du site Accueil

Bureau des valeurs et de l’éthique de la fonction publique
Code des valeurs et d'éthique Code des valeurs et d'éthique
Interprétation du Code Guide d'interprétation
Quelles sont les valeurs et l'éthique de la fonction publique?
Obligation de loyauté
Réseaux de soutien en matière de valeurs et d'éthique
Pratiques exemplaires
Rapports et publications
Discours et présentations
Partenariats
Valeurs et éthique à l'international Valeurs et éthique à l'internationale
Valeurs et éthique dans les provinces et territoires
Catalogue
des produits
Catalogue des produits en matière de valeurs et d'éthique
Votre opinion est importante
Version imprimable

Les valeurs et l'éthique de la fonction publique


Allocution en fin de banquet prononcée dans le cadre de la 
5e Conférence annuelle sur l'avenir de l'administration publique 
« La gestion du changement dans le secteur public » 
Hôtel Glengarry Best Western Truro, Nouvelle-Écosse 
le 5 février 2004

Ralph Heintzman, vice-président
Valeurs et éthique de la fonction publique, Agence de gestion des ressources humaines de la fonction publique du Canada

  • Permettez-moi d'abord de vous dire tout le plaisir que j'ai à me retrouver parmi vous ce soir, à l'occasion de la 5e Conférence annuelle sur l'avenir de la fonction publique organisée par les étudiants du programme de maîtrise en Administration publique de Dalhousie et de l'Université de Moncton, en accord avec le Réseau contact-jeunesse du Conseil fédéral de la Nouvelle-Écosse et le Réseau des nouveaux professionnels de l'IAPC.

  • Je tiens à féliciter chacun de ces quatre groupes d'avoir accepté d'organiser cet événement et je tiens à les remercier, de même que mon bon ami Peter Aucoin, de m'avoir gracieusement invité à prendre la parole aujourd'hui.

  • On m'a demandé de vous parler du nouveau Code de valeurs et d'éthique de la fonction publique fédérale et de ses répercussions sur le secteur public.

  • C'est que je tenterai de faire, tout en ponctuant mes propos d'observations sur certains thèmes abordés dans le cadre de la conférence, en particulier la thématique centrale de « gestion du changement dans le secteur public ». Par ailleurs, je vous entretiendrai de divers défis connexes, y compris la modernisation des RH et la responsabilisation de la direction.

  • Puisque tous ces sujets m'intéressent au plus haut point, il va de soi que j'ai beaucoup de choses à dire sur chacun. Mon plus grand défi consistera donc à limiter mes propos à une durée raisonnable et confortable, compte tenu du fait que nous terminons à peine le repas!

Un contexte de changement

  • Dans le sillon de la thématique de gestion du changement de cette conférence, j'aimerais débuter en examinant avec vous le contexte global au sein duquel nous nous évoluons au début de 2004.

  • Dans le cas du gouvernement fédéral, nous nous retrouvons, bien sûr, au cœur même du changement puisqu'un nouveau gouvernement vient d'accéder au pouvoir. Ainsi, en ce qui a trait à la gestion du gouvernement et de la fonction publique, comme à d'autres questions, ce gouvernement tient absolument à prendre une nouvelle tangente et à être perçu de la sorte.

  • Évidemment, nous nous attendons aussi à ce que des élections se tiennent au printemps et prévoyons une seconde transition gouvernementale. En ce sens, le contexte actuel inaugure une ère de changements continuels majeurs.

  • Nous vivons également des transformations à d'autres niveaux. Un aspect qu'il faut nécessairement aborder dans toute discussion sur les valeurs et l'éthique dans la fonction publique tient au fait qu'à l'heure actuelle, la fonction publique inspire très peu confiance aux Canadiennes et Canadiens, aux ministres et aux députés.

  • Suivant une série d'événements et de comportements largement publicisés - dont certains, sinon la plupart, ne prennent même pas source dans la fonction publique professionnelle - la réputation d'intégrité, voire de compétence professionnelle fondamentale, dont jouissait la fonction publique est maintenant entachée.

  • À l'heure actuelle, la fonction publique canadienne traverse donc une période difficile et plusieurs de mes collègues se sentent quelque peu découragés et pessimistes.

  • Mais pour ma part, je demeure optimiste car, malgré le doute qui règne, j'ai la conviction que les heures sombres que nous traversons sont aussi porteuses d'espoir et de renouveau.

  • Permettez-moi de m'expliquer. Avant de devenir fonctionnaire, j'étais un historien canadien spécialisé en histoire du Québec. Après avoir réfléchir une vie durant aux relations entre anglophones et francophones et entre le Québec et le Canada, j'en suis venu à la conclusion que nous devons traverser une crise quelconque au moins une fois par génération. Aussi graves qu'elles soient, ces crises ne se sont jamais avérées fatales. Au contraire, dans chaque cas, elles nous ont appris quelque chose. Elles ont permis au pays d'atteindre un nouveau seuil de conscience et d'éveil, et de mieux comprendre sa réalité.

  • Que j'ai raison ou non au sujet du Canada, vous conviendrez comme moi que l'administration publique vit une situation similaire. Tous les dix ans environ, nous sommes condamnés, nous aussi, à vivre une crise quelconque et parfois même, plusieurs crises. Mais ces périodes de questionnement et de doute peuvent engendrer, et engendrent souvent, une nouvelle compréhension et de nouvelles pratiques ou encore, elles nous rappèlent des choses dont nous avions besoin d'être rappelés - les éternelles vérités de l'administration publique que le flot des modes passagères, la « saveur du mois », peuvent parfois voiler.

  • Je crois que les présumés « scandales » qui ont fait la manchette récemment sont de cet ordre : il s'agit d'un coup d'alarme qui a eu pour effet de nous réveiller, de nous faire prendre conscience des aspects fondamentaux de l'administration publique et qui ont donné un air d'aller à d'importants projets qui n'auraient peut-être pas trouvé un auditoire aussi réceptif en d'autres circonstances, comme l'initiative sur le Code de valeurs et d'éthique, par exemple.

  • Il me semble également qu'il faut examiner la situation dans un contexte élargi. Je crois que le gouffre noir dans lequel nous nous sommes enlisés constitue un point bas dont émergera, à long terme, le secteur public, remontant la pente jusqu'à se doter d'une nouvelle légitimité, partant du nadir de la période d'après-guerre, il y a dix ans.

  • Ainsi donc, les défis et les périodes de crise et de doute peuvent constituer des outils d'apprentissage et des agents de changement, allant même jusqu'à engendrer des mesures positives comme l'adoption d'un Code de valeurs et d'éthique.

  • Cela dit, même si la remise en cause publique des compétences et de l'intégrité de la fonction publique fédérale peut avoir contribué aux circonstances permettant à un instrument comme le Code de jouir d'un si bon accueil, il serait faux de croire ou d'insinuer que le Code est le fruit ou le reflet de telles circonstances.

  • Au contraire, le Code est l'aboutissement d'un très long processus de réflexion de la part de la fonction publique. Il reflète l'image que se fait d'elle-même la fonction publique fédérale et le rôle qu'elle se croit habilitée à jouer.

  • Le Code ne vient ni d'ailleurs ni de haut, mais de l'intérieur de nous-mêmes. Il exprime, plus ou moins, ce que nous avons toujours dit à notre propre sujet et ce que nous voulons que les autres disent de nous. Mais aujourd'hui il - et ceci est très important - il ne le dit pas en notre nom propre mais au nom du gouvernement démocratique de ce pays.

  • Avant de parler spécifiquement du Code, j'aimerais prendre un moment pour retracer avec vous le long trajet parcouru pour nous rendre jusqu'ici.

Les origines du Code

  • Les questions de valeurs et d'éthique dans la fonction publique alimentent la réflexion depuis la fin des années 80, au bas mot. Avant l'avènement de FP2000, il existait déjà un comité des SM sur les valeurs qui n'a cependant rien produit de durable outre le fait qu'il s'agissait de la première tentative sérieuse visant à articuler les valeurs qui sous-tendent la fonction publique. Je crois qu'à ce stage, le débat entourant les valeurs constituait une réaction plutôt superficielle au discours à la mode dans le secteur privé. En ce sens, il reflétait davantage un symptôme profondément ancré qu'une solution pour le régler.

  • Mais peu de temps après le deuxième long cycle d'après-guerre de légitimité du secteur public - une spirale descendante depuis les années 70 et en vitesse accélérée jusqu'au début des années 90 - ce cycle a atteint son nadir, engendrant du même coup beaucoup de confusion et de fausses conceptions au sujet des principes les plus fondamentaux de la fonction publique, même dans l'esprit des premiers dirigeants de la fonction publique.

  • Cet état de haute confusion e et de désorientation poussait certains d'entre nous à croire qu'il était crucial d'engager une réflexion profonde sur les valeurs et l'éthique dans la fonction publique, y voyant une façon de redécouvrir les fondements permanents de la fonction publique et de les associer aux nouvelles circonstances et aux défis de gouvernance émergents.

  • Ce besoin avoué résultait en la création d'un groupe d'étude du CCG sur les valeurs et l'éthique dans la fonction publique, sous l'égide de feu John Tait, un ancien sous-ministre de la Justice. Ce groupe d'étude recevait ensuite l'assentiment du greffier du Conseil privé et devenait l'un des groupes de travail des sous-ministres. Les efforts du groupe aboutissaient à la création d'un rapport intitulé : « De solides assises » connu, à compter de 1996, comme le rapport Tait.

  • Jocelyne Bourgon a qualifié le rapport Tait de « point marquant » dans l'histoire de l'administration publique canadienne et je lui donne raison pour diverses raisons que je n'aborderai pas toutes ici. L'une, toutefois, tient au fait que le rapport survenait à un point tournant de l'évolution de la fonction publique et au début de son nouveau cycle de légitimité à long terme (sans en être la cause pour autant). Disons aussi que le rapport Trait était plus axé sur les problèmes et enjeux que sur les solutions. Une telle honnêteté lui conférait un caractère d'authenticité qui, comme l'indiquait Jocelyne Bourgon, « sonnait juste aux oreilles de tous les fonctionnaires ».

  • Le rapport Tait formulait néanmoins certaines conclusions et recommandations. Il proposait, entre autres, une déclaration parlementaire sur les valeurs et l'éthique dans la fonction publique enrichie de mécanismes de « dénonciation » connexes, l'amorce d'un dialogue préalable à l'échelle de la fonction publique, la création d'un bureau des valeurs et de l'éthique au SCT et ainsi de suite.

  • Le rapport Tait et ses recommandations engendraient près d'une décennie d'activités et de discussions entourant les valeurs et l'éthique dans la fonction publique. Permettez-moi de vous en faire valoir quelques faits saillants :

    • Deux rapports du vérificateur général sur les valeurs et l'éthique dans la fonction publique, ainsi qu'un troisième qui paraîtra la semaine prochaine;

    • Deux rapports annuels produits par deux différents greffiers du Conseil privé, utilisant et appuyant les quatre familles de valeurs propres à la fonction publique identifiées dans le rapport Tait;

    • Une initiative sur la fonction de contrôleur moderne dont un des piliers était ancrée dans les valeurs de la fonction publique;

    • La création du Bureau des valeurs et de l'éthique de la fonction publique du SCT;

    • L'inclusion des quatre familles de valeurs dans le programme de réforme des modes de gestion du gouvernement fédéral, Résultats pour les Canadiens et les Canadiennes.

    • La publication de la politique sur la dénonciation;

    • L'amorce d'un dialogue et de consultations, à l'échelle de la fonction publique, pour discuter de l'énoncé de principes ou de valeurs de la FP proposé dans le rapport Tait, sous l'égide des SM co-champions des valeurs et de l'éthique ayant succédé à John Tait, Janice Cochrane et Scott Serson;

    • Finalement, au mois de juin 2003, l'inclusion de la forme finale de l'énoncé proposé au chapitre 1 du Code de valeurs et d'éthique de la fonction publique.

  • Ainsi donc, le Code ne constitue pas un document superficiel ou imposé à la fonction publique et ne résulte certainement pas des manchettes et des événements récents. C'est plutôt le fruit d'un long processus de débat, de dialogue et de germination d'idées au sein même de la fonction publique, une façon d'articuler, à nos propres yeux, nos plus grandes aspirations.

  • Mais si les visées du Code sont élevées, il prend profondément racine dans la période trouble et difficile du début des années 90. Ceci nous rappelle qu'il existe un autre côté à la médaille, à savoir :

    1. Que les problèmes, les dilemmes et même les crises à court terme peuvent entraîner des améliorations à long terme et qu'il est bon, par conséquent, de ne jamais perdre de vue les visées à long terme;

    2. Mais aussi - ce qui semble plus décourageant - que les discussions sur les valeurs peuvent être le symptôme d'un problème plutôt qu'un signe de santé. Les organismes qui discutent le plus des valeurs ne sont pas nécessairement ceux qui les incarnent de façon authentique au quotidien. Je serais même porté à dire que c'est le contraire.

Le Code de valeurs et d'éthique de la fonction publique

  • À quoi donc sert le nouveau Code et que renferme-t-il?

  • Le Code s'articule en quatre sections ou chapitres dont j'aimerais vous entretenir :

    • le chapitre 1 : l'Énoncé des valeurs et de l'éthique dans la fonction publique

    • le chapitre 2 : qui traite des conflits d'intérêts

    • le chapitre 3 : qui définit les règles qui s'appliquent à l'après-mandat

    • et le chapitre 4 : qui sert à donner du « mordant » au Code et décrit les outils utilisés pour le concrétiser en fournissant des pistes de résolution, y compris la dénonciation.

  • En exprimant les valeurs et l'éthique qui sous-tendent la fonction publique, le Code ne vise pas seulement à orienter toutes les activités professionnelles des fonctionnaires mais aussi à concrétiser deux grands objectifs :

    • Maintenir et rehausser la confiance du public envers l'institution que constitue la fonction publique;

    • Sensibiliser davantage les gens et inspirer plus de respect envers le rôle de la fonction publique dans la démocratie parlementaire canadienne;

    • Ce dernier point revêt une grande importance et j'y reviendrai à plusieurs reprises, puisqu'il aide à expliquer la teneur du chapitre 1.

  • Le premier chapitre - l'Énoncé - s'exprime en cinq parties. La première pourrait facilement passer sous silence mais constitue, à mes yeux, un aspect crucial, voire le plus important, du Code.

    • Cette section définit ou décrit le rôle de la fonction publique. Elle précise que « la fonction publique du Canada, importante institution nationale, fait partie intégrante du cadre essentiel de la démocratie canadienne et du gouvernement parlementaire. »

    • Selon le Code, « les fonctionnaires, grâce au soutien qu'ils fournissent au gouvernement dûment constitué, contribuent de manière fondamentale au bon fonctionnement du gouvernement, à la démocratie et à la société canadienne.» « La fonction publique a pour mission démocratique d'aider les ministres à servir l'intérêt public dans le cadre de la loi. »

  • Au coeur même du chapitre 1, on trouve le cadre équilibré des quatre familles de valeurs chevauchantes, des valeurs qui nous sont familières depuis la publication du rapport Tait et qu'ont constamment endossées les rapports annuels du greffier et Résultats pour les Canadiens et les Canadiennes, avant d'être finalement enchâssées dans le Code :

    • Valeurs démocratiques : Aider les ministres, dans le cadre de la loi, à servir l'intérêt public.

    • Valeurs professionnelles : Servir avec compétence, excellence, efficience, objectivité et impartialité.

    • Valeurs liées à l'éthique : Agir en tout temps de manière à conserver la confiance du public.

    • Valeurs liées aux personnes : Faire preuve de respect, d'équité et de courtoisie dans leurs rapports avec les citoyens et avec leurs collègues fonctionnaires.

  • Même si toutes ces familles de valeurs ont leur importance, je suis particulièrement heureux de l'inclusion des valeurs « liées aux personnes ». J'ai appris, par expérience, qu'il s'agit souvent du pivot qui permet aux autres valeurs de prendre forme - et de devenir crédibles ou non.

  • L'autre partie du chapitre 1 sur laquelle j'aimerais insister est celle décrivant les responsabilités, autorités et obligations de rendre compte des fonctionnaires en général, des administrateurs généraux en particulier, du Conseil du Trésor (BGRHFP) et de l'agent de l'intégrité de la fonction publique (AIFP).

    • Le Code fait maintenant partie des conditions d'emploi de la fonction publique et tous les fonctionnaires doivent nécessairement se conformer aux dispositions du Code et incarner dans tous leurs gestes et comportements les valeurs qui sous-tendent la fonction publique. Un fonctionnaire qui omet de ce faire peut faire l'objet de mesures disciplinaires allant jusqu'au congédiement (chapitre 4).

    • On impose aux administrateurs généraux une responsabilité additionnelle spéciale qui consiste à intégrer ces valeurs à tous les aspects du travail qui s'accomplit à l'échelle de leur organisme et à prendre toutes les mesures nécessaires pour s'assurer qu'ils respectent en tout temps l'esprit et les dispositions du Code.

    • Entre autres, ils doivent aussi prévoir des mécanismes pour aider les fonctionnaires à faire part de divers problèmes relatifs au Code, à en discuter et à les résoudre, y compris la nomination d'un haut fonctionnaire affecté à cette fin.

  • Le chapitre 2 du Code reprend les principes généraux du chapitre 1 et les convertit en règles de conduite spécifiquement applicables au conflit d'intérêts, soit un domaine, mais pas le seul , où toute enfreinte aux valeurs et à l'éthique de la fonction publique engendre des problèmes, petits ou gros, et donne parfois lieu à des manchettes peu reluisantes au sujet de la fonction publique.

  • L'une des meilleures façons d'aider les fonctionnaires à inspirer confiance au public dans l'impartialité et l'objectivité de la fonction publique et dans les prises de décisions gouvernementales, ce qui constitue, rappelons-le, l'objectif ultime, consiste à éviter ou à prévenir toute situation pouvant donner lieu à un conflit d'intérêt ou pouvant donner l'impression qu'il y a confit d'intérêts - ce qui s'avère tout aussi important au niveau du secteur public.

  • Ce chapitre traite également de la délicate question des cadeaux, des marques d'hospitalité et d'autres avantages. Il stipule clairement qu'en général, il ne faut pas les accepter, quoiqu'un ajout au Code permette maintenant aux administrateurs généraux de faire preuve de jugement dans des cas particuliers, à condition de mettre leurs arguments par écrit.

  • Le chapitre 3 fait état des mesures d'observation concernant l'après-mandat découlant des principes du Code. Il tente de minimiser les possibilités de conflit d'intérêts réel, apparent ou éventuel entre le nouvel emploi d'un fonctionnaire et son emploi le plus récent au sein de la fonction publique.

  • À mon avis, le chapitre 4 constitue un aspect crucial du Code parce que c'est la section qui le concrétise vraiment et lui donne « du mordant ». On y précise que personne ne peut demander à un fonctionnaire de poser un geste qui contrevient aux dispositions du Code et que, dans une telle éventualité, ce dernier peut soumettre un rapport en toute confidentialité au cadre supérieur désigné de son ministère ou organisme, ou à l'agent de l'intégrité de la fonction publique. Cette disposition relative à la dénonciation et à la divulgation relie le Code à l'ancienne Politique sur la divulgation interne d'information concernant des actes fautifs au travail du CT. Les infractions au Code constituent maintenant l'une des formes d'actes fautifs que l'AIFP est autorisé à examiner.

  • Certains d'entre vous sont peut-être au courant qu'un groupe de travail externe sur la divulgation des actes fautifs présidé par le professeur Kenneth Kernaghan de l'université Brock a remis son rapport au gouvernement jeudi dernier. Les auteurs du rapport formulent une série de recommandations importantes ayant pour but d'élargir à la fois la portée des activités de dénonciation (ou de divulgation) et celle du Code. Je reviendrai sur le sujet dans quelques instants.

Des valeurs conflictuelles

  • Voilà donc, grosso modo, en quoi consiste le Code. Mais comment l'appliquer? Comment les fonctionnaires peuvent-ils poser, dans leur contexte de travail quotidien, et même dans leur vie courante, des jugements conformes aux valeurs et à l'éthique?

  • Une hypothèse qui revient fréquemment dans le cadre de mes conversations avec les fonctionnaires, c'est que si l'on réussit à s'entendre sur les valeurs, tout s'agencera harmonieusement, tout s'alignera comme il faut. Il sera alors relativement facile d'agir de façon éthique ou responsable, nonobstant les circonstances.

  • Évidemment, les choses ne se passent pas ainsi dans la vraie vie parce que les valeurs, en soi, s'avèrent conflictuelles. Il n'est pas possible d'en accentuer certaines sans en diminuer ou restreindre d'autres, sans créer de tensions entre deux ou plusieurs valeurs.

  • C'est ce que les philosophes et les théologiens qualifient de hiérarchie des biens. C'est aussi pourquoi certains précisent que le mal n'est pas le contraire du bien mais plutôt une contrefaçon du bien, un constat que nous aurions tous avantage à garder en tête dans notre vie professionnelle, sans compter notre vie privée. Mais il s'agit là d'une autre longue histoire...

  • Les notions de liberté et d'égalité exemplifient très bien le concept des valeurs conflictuelles dans le domaine public. Nous avons tendance à les percevoir comme deux éléments positifs et idéaux évidents et, par conséquent, compatibles. Cependant, on note un schisme profond entre les deux. Si vous favorisez la liberté, vous diminuez inévitablement l'égalité. Si vous favorisez l'égalité, vous courez le risque d'enfreindre la liberté.

  • On constate que ces mêmes tensions ressortent à l'échelle du Code. Le fait que l'Énoncé des valeurs de la fonction publique recoupe quatre familles de valeurs chevauchantes nous permet d'observer plus facilement et clairement les tensions et les conflits qui s'exercent entre l'une et l'autre famille et à l'intérieur de chacune des familles.

  • Les valeurs professionnelles, par exemple, peuvent se heurter aux valeurs démocratiques. La tâche professionnelle qui consiste à garantir l'utilisation adéquate, efficace et efficiente des fonds publics peut brimer la fonction démocratique visant à appliquer loyalement les décisions ministérielles, selon la loi. De la même façon, la valeur « humaine » découlant du respect de la valeur de chaque personne peut contrecarrer la responsabilité professionnelle visant à constamment accroître l'efficacité et l'efficience des programmes gouvernementaux.

  • On dénote également des tensions au sein même des familles. La valeur professionnelle de transparence doit être conciliée avec une autre responsabilité professionnelle qui consiste à assurer la confidentialité. De la même façon, la fonction démocratique visant à appuyer les responsabilités ministérielles individuelles peut faire obstacle à une autre fonction démocratique consistant à appuyer les responsabilités ministérielles collectives.

  • En passant, l'une des raisons pour lesquelles les dispositions relatives aux mécanismes de divulgation sont potentiellement et symboliquement importantes tient, entre autres, à la nécessité de concilier ces biens concurrentiels : de fait, l'obligation de révéler et de corriger les erreurs et la mauvaise gestion doit être conciliée d'une façon quelconque avec l'obligation de faire preuve de loyauté. Hormis de très rares exceptions, la divulgation externe s'avère contraire aux valeurs de la fonction publique et constitue une infraction au Code. La divulgation interne constitue une exigence et, dans certains cas, une obligation légale.

  • En ce sens, les fonctionnaires sont tous les jours appelés à prendre des décisions qui les poussent à concilier et à accommoder des valeurs ou des biens concurrentiels ou contradictoires. Voilà pourquoi le Code fait référence, entre autres, au cadre « équilibré » des valeurs de la fonction publique. De fait, chaque décision exigence l'atteinte d'un certain équilibre, non seulement entre diverses familles mais aussi à l'intérieur de chacune.

  • Je crois, pour ma part, que cette réalité s'applique à toutes sortes de vies organisationnelles, sans compter nos vies privées. Un grand courant de pensée actuel en gestion que je juge très intéressant affirme que l'acte de gestion est un acte qui consiste à gérer et à équilibrer des « paradoxes » ou des « dualités » opérationnels, des tensions qui ne s'appliquent pas seulement aux valeurs abordées dans le Code mais à d'autres dualités organisationnelles comme la centralisation et la décentralisation ou encore, la responsabilisation et le contrôle.

  • Si cette vérité s'applique à toute forme de vie organisationnelle, et je crois bien que c'est le cas, elle s'avère plus vraie encore dans le cas de la vie organisationnelle du secteur public, puisque l'essence même du domaine public tient au fait que les biens en cause sont contestables. Il s'agit du fondement même de la politique : un débat et une contestation entourant des biens publics concurrentiels et contradictoires.

  • Si je devais identifier une chose dont les fonctionnaires en général, et les gestionnaires et les chefs de file en particulier, devraient être plus conscients et gérer avec plus de compétence, je dirais ceci : la gestion et la direction des organismes publics consiste à gérer et à concilier des dualités, et non seulement les dualités qui caractérisent tout organisme, mais des biens publics concurrentiels et des conflits entre diverses valeurs publiques, y compris les valeurs de la fonction publique exprimées dans le Code. Telle est l'essence de la gestion publique et de la fonction publique. C'est aussi pourquoi j'aimerais maintenant vous entretenir de la « dialectique » de l'administration publique.

L'intérêt public

  • Alors, comment faire? Comment arriver à faire des choix éclairés et à poser de bons jugements face aux grandes et petites décisions de manière à équilibrer et concilier nos valeurs?

  • Malheureusement, il n'y a pas de réponse toute faite. De fait, la sagesse et le bon jugement sont des capacités apprises et méritées

  • Je crois qu'il existe néanmoins quelques points repères capables de guider notre jugement et de nous aider à acquérir une sorte de sagesse publique.

  • L'un de ces repères s'applique au concept d'intérêt public, sans doute une notion floue mais qui, selon moi, s'avère absolument essentielle et cruciale au bon fonctionnement de l'administration publique.

  • La vérificatrice générale fédérale a déjà incité le gouvernement dans ses rapports précédents, et peut-être aussi dans celui qu'elle déposera la semaine prochaine, à définir ou à fournir une description précise du concept « d'intérêt public ».

  • Selon moi, il s'agit d'une mission profondément faussée qui trahit une grave incompréhension de la nature même de l'administration publique, voire du langage utilisé.

  • À l'instar du concept de justice, il s'avère impossible de définir le concept d'intérêt public. Tout comme le concept de justice cependant, celui d'intérêt public peut être exploré et notre compréhension peut être approfondie. Je vous ramène à Platon qui a dû examiner toutes les dimensions de La république pour explorer, même de façon rudimentaire, le sens de la justice.

  • Je n'ai pas l'intention de vous garder ici assez longtemps pour refaire tout ce processus au niveau du concept d'intérêt public. Je vous souligne néanmoins qu'à mon avis, le concept repose sur deux idées fondamentales :

    • La première, c'est que toute décision publique doit prendre en compte la gamme complète des opinions, des intérêts et des buts divergents affectant cette décision. L'omission de ce faire en choisissant d'ignorer certains intérêts donne lieu à une décision qui n'est pas dans l'intérêt public.

    • La seconde, c'est que tout compromis visant à concilier ces intérêts divergents doit miser sur la gamme la plus large possible des valeurs et des principes les plus élevés dont nous disposions : avant tout, la justice mais aussi d'autres valeurs qui, comme l'intérêt public, sont synonymes de justice, entre autres l'équité, l'égalité, la compassion, la clémence.

  • Il ne sera jamais facile de prendre des décisions, grandes ou petites, à l'échelle du secteur public ou de la fonction publique, précisément parce qu'elles supposent des choix et des compromis difficiles, ainsi que la conciliation de valeurs et de biens conflictuels. Il n'en s'agit pas moins de moments de vérité pendant lesquels on arrive à définir et instaurer - ou non - le bien public dans des circonstances spécifiques et concrètes - les seules circonstances où l'on arrive jamais à les définir ou à les concrétiser.

  • En outre, nous aurons de meilleures chances de réaliser nos objectifs si les efforts déployés pour atteindre un difficile équilibre entre les biens publics et les valeurs de la fonction publique reposent sur une quête constante en vue de bien servir l'intérêt public et s'ils s'en inspirent.

  • Alors que nous nous efforçons de relever les constants défis liés à la gestion du changement dans le secteur public, l'intérêt public et ses valeurs sous-jacentes doivent constituer un phare qui éclaire la nuit et nous guide à travers les sombres eaux que nous naviguons présentement.

Un regard vers l'avenir

  • Ainsi donc, le Code est en vigueur dans la fonction publique à compter du 1er septembre. Où allons-nous maintenant?

  • · En ce qui a trait au Bureau des valeurs et de l'éthique dans la fonction publique, le premier défi consiste à mettre au point et tenir à jour un plan de mise en oeuvre du code de valeurs et d'éthique complet et exhaustif, y compris des plans de communication et d'apprentissage, des rapports organisationnels et des stratégies d'intervention.

  • Une priorité immédiate consiste à donner suite au rapport du groupe de travail externe sur la divulgation des actes fautifs, y compris l'examen parlementaire du rapport et les mesures gouvernementales subséquentes. Le rapport propose l'adoption de mesures juridiques mais pas de lois restrictives sur la divulgation et la dénonciation. Il propose plutôt des mesures générales positives qui mettent l'accent sur les principes et les valeurs éprouvés de la fonction publique. Il s'agit d'une recommandation très intéressante parce qu'une mesure parlementaire de cet ordre pourrait bien constituer, comme l'indique le rapport du groupe de travail, ce que le rapport Tait qualifiait de « contrat moral » entre le volet élu et le volet non élu du gouvernement. Ce contrat à trois pourrait avoir une importance particulière et même essentielle dans le contexte du programme des réformes parlementaires engagées par le gouvernement Martin, car il permettrait d'établir les règles et principes de base des rapports entre la fonction publique et des comités parlementaires plus actifs.

  • Plus encore, nous devons tous, tant au centre que dans les ministères, mettre notre coeur et nos efforts à garantir que chaque organisme de service public, et la fonction publique dans son ensemble, se dotent de l'infrastructure et des pratiques de gestion requises pour encadrer et enrichir une solide culture axée sur les valeurs et l'éthique de la fonction publique. Ceci comprendra sans doute des éléments comme des mesures et indicateurs de résultats convenables, des modes de gestion du rendement, des codes internes (ministériels) adaptés, des mécanismes de recours et ainsi de suite.

  • La référence aux mesures et indicateurs de résultats, à la responsabilisation et à la gestion du rendement me pousse à attirer votre attention vers le Cadre de gestion et de responsabilisation (CGR).

  • À mon avis, l'importance du CGR ne tient pas seulement à son approche holistique face à l'amélioration organisationnelle mais aussi au premier pas qu'il prend en vue de relier la gestion du rendement et la responsabilisation à des mesures concrètes, des mesures qui peuvent accroître le degré de responsabilisation des cadres supérieurs, pas seulement au niveau du quoi (les résultats stratégiques) mais aussi du comment (les résultats humains).

  • Au cas où vous ne l'auriez pas encore remarqué, je vous invite à porter plus d'attention à la façon qu'a le CGR d'établir des liens entre la responsabilisation et des mesures comme le taux de satisfaction de la clientèle et du personnel et le degré d'engagement des employés.

  • Je ne sais pas si l'on doit parler de révolution mais il s'agit certainement d'un gigantesque pas en avant au plan de la gestion de la fonction publique.

  • Un autre thème abordé dans le cadre de la présente conférence touche la modernisation des RH. En ce sens, il m'importe de souligner qu'il existe des liens très étroits entre ce sujet et les autres thématiques axées sur la responsabilisation et les valeurs de la fonction publique à l'ordre du jour.

  • Je crois que l'une des conditions essentielles à la modernisation des RH et l'une des grandes priorités du nouveau Bureau de gestion des ressources humaines de la fonction publique doit être l'élaboration et la concrétisation d'une approche axée sur les résultats en matière de responsabilisation, dans un contexte de gestion des personnes et de leadership dans la fonction publique.

  • Ceci suppose la mise en oeuvre et l'enrichissement du CGR, la détermination de mesures et d'indicateurs objectifs et subjectifs pour évaluer le rendement et leur utilisation dans un cycle constant de responsabilisation et de gestion du rendement.

  • La même chose peut, et doit, se dire au sujet des valeurs - et de la responsabilité à l'égard des valeurs.

  • Les valeurs de la fonction publique et autres s'avèrent fondamentales mais elles ne doivent pas rester abstraites : il faut aussi qu'elles soient pratiques, concrètes, réelles.

  • Lorsque nous discutons des valeurs de la fonction publique, nous ne devons pas penser uniquement en fonction des principes et des résultats, mais aussi en fonction des responsabilités et des résultats.

  • Si vous examinez attentivement la case des valeurs de la fonction publique du CGR, vous verrez en quoi l'approche relative aux mesures de responsabilisation et de gestion du changement peut aussi s'appliquer aux valeurs et à l'éthique.

    • Le CGR intègre des mesures de rendement qui permettent d'établir, par exemple, si un organisme possède des énoncés de valeurs sur mesure et des lignes directrices sur l'éthique; s'il en discute régulièrement avec l'ensemble du personnel; s'il a mis en place des mécanismes de recours ou de divulgation et s'il s'est doté d'outils d'orientation et autres à l'appui des valeurs et de l'éthique;

    • Mais le CGR va plus loin encore puisqu'il permet d'évaluer si les employés d'un organisme croient que les modes de fonctionnement et de gestion de cet organisme reflètent bien les valeurs de la fonction publique et si l'organisme les applique au quotidien.

    • Encore une fois, je crois qu'il s'agit d'un énorme pas en avant en vue d'appliquer l'approche axée sur les résultats aux enjeux de responsabilité face aux valeurs et à l'éthique. De fait, quelle est la meilleure façon de savoir si un organisme ou un dirigeant a vraiment de la suite dans les idées et fait ce qu'il s'est engagé à faire? Demandez aux personnes qui travaillent pour le compte de cet organisme ou de ce dirigeant.

  • Par conséquent, les indicateurs subjectifs à mettre au point pour appuyer une approche axée sur les résultats en matière de responsabilisation de la gestion des personnes et du leadership en général, et de valeurs et d'éthique dans la fonction publique en particulier, devront être fondés sur les rétroactions régulières du personnel et sur les résultats des sondages auprès des fonctionnaires fédéraux, bien sûr, mais aussi sur des instruments de rétroaction plus constants, plus ciblés, mieux adaptés et davantage centrées sur l'amélioration à développer.

  • Ces instruments peuvent fournir plusieurs des indicateurs et des mesures nécessaires non seulement aux fins de responsabilisation mais encore, pour rehausser concrètement le rendement et la qualité des organismes publics.

  • À quoi tout cela servira-t-il en bout de ligne? Quel est l'objectif global du Code? Où aboutiront tous les efforts et tous les échanges entourant les valeurs qui sous-tendent la fonction publique?

  • À mon avis, il s'agit avant tout d'une question de confiance : confiance des Canadiennes et Canadiens en leurs institutions publiques, confiance en l'efficacité et en la pertinence d'un gouvernement démocratique, croyance en l'importance d'une citoyenneté démocratique.

  • Somme toute, la fonction publique existe pour servir la démocratie ou, comme l'exprime notre Code, pour être au service de la démocratie parlementaire canadienne. C'est ce que le Code qualifie de « mission démocratique », le point d'origine de notre première famille de « valeurs démocratiques » et la raison pour laquelle tout découle de là.

  • Si l'une des familles de valeurs doit avoir préséance sur les autres, c'est bien celle des valeurs démocratiques : de fait, c'est la raison pour laquelle nous sommes tous ici.

  • Mais les gouvernements démocratiques se fondent sur la confiance. Ils misent sur la confiance et sur la croyance des citoyens envers leurs institutions démocratiques, y compris la fonction publique.

  • Les valeurs qui sous-tendent la fonction publique ne sont ni marginales, ni optionnelles, ni « intéressantes à avoir ». Ce n'est pas le « glaçage sur le gâteau » mais le gâteau comme tel.

  • Voilà pourquoi notre objectif ultime doit être de demeurer une fonction publique qui inspire et mérite le respect et la confiance des ministres, du Parlement et de la population canadienne - ce que le Code qualifie d'importante institution nationale à l'appui d'un gouvernement démocratique. L'une des meilleures façons de ce faire consiste à rester profondément engagés à servir l'intérêt public et à maintenir notre solide culture de valeurs démocratiques, professionnelles, éthiques et humaines.

  • Tel est tour à tour le fardeau et la gloire de la fonction publique. En ce sens, les valeurs qui l'encadrent constituent à la fois son prix et sa récompense.