Allocution inaugurale par Janice Cochrane, présidente et chef de direction,
École de la fonction publique du Canada
L'éthique et les valeurs dans les organismes de la fonction publique
d'aujourd'hui
Forum de l'IAPC Manitoba
Winnipeg (Manitoba)
22 avril 2004
Introduction
- Bonjour, et merci de votre accueil chaleureux ce matin.
- Je suis enchantée d'être ici parmi vous aujourd'hui pour faire le
discours inaugural du Forum 2004 de l'IAPC Manitoba. À vrai dire, c'est avec un
plaisir sans cesse renouvelé que je viens à Winnipeg, où l'accueil est
toujours chaleureux et le public éclairé.
- Je sais à quel point chacun d'entre vous est occupé, et c'est pourquoi il
est tellement gratifiant de voir que vous êtes ici en si grand nombre ce matin
pour parler des valeurs et de l'éthique dans la fonction publique. Vous êtes
ici parce que vous croyez à l'importance de cette question, et je vous en
applaudis.
- Je voudrais remercier les organisateurs de me donner l'occasion de
souhaiter la bienvenue aux délégués du Forum de cette année, dont le thème
est Étalonnage de votre système d'éthique GPS pour naviguer dans les choix
quotidiens : L'éthique et les valeurs dans les organismes de la fonction
publique d'aujourd'hui. Il s'agit d'un sujet très actuel à la fois pour le
secteur privé et le secteur public.
- L'un des objectifs du Forum, tel qu'on me l'a décrit, est d'examiner les
théories, les concepts et les applications pratiques des valeurs et de
l'éthique dans le contexte des activités des organisations de la fonction
publique, et de mettre en lumière les récents développements et les
principales pratiques dans ce domaine.
- Les organisateurs de l'événement m'ont demandé d'aborder les questions
qui entourent actuellement l'éthique et les valeurs, et plus particulièrement
le dossier de la responsabilité et de l'éthique chez les leaders.
- Depuis 1999, j'ai eu le privilège d'être une des co-champions des valeurs
et de l'éthique dans la fonction publique fédérale. Mes remarques de ce matin
porteront sur le rapport entre l'éthique et le leadership dans la fonction
publique, et je soulignerai la responsabilité et la transparence dans le
processus décisionnel.
- Pour commencer, j'aimerais signaler que les sondages des 40 dernières
années démontrent que le public a généralement moins confiance en la
capacité du gouvernement (fédéral et provincial) de poser les bons gestes. On
pourrait s'interroger sur la raison d'être d'une telle situation : scandales
très médiatisés, optimisme moins grand, insatisfaction à l'égard du
programme politique - mais cela ne change rien au fait que l'un des défis
importants qui se pose à nous tous est de regagner la confiance du public.
- Depuis les années 1990, la confiance du public s'est passablement érodée
non seulement envers le gouvernement, mais également à l'égard de bon nombre
d'institutions et de professions en Amérique du Nord. Le secteur privé a connu
son lot de scandales boursiers et de poursuites intentées contre les PDG et
autres cadres supérieurs pour cause de corruption. Même les églises font
l'objet d'une surveillance de plus en plus étroite en raison de multiples
allégations d'agression sexuelle. De son côté, le système judiciaire est
critiqué pour son attitude trop activiste. Et la liste se poursuit…
- Pour ce qui est de la confiance publique envers le gouvernement,
mentionnons que la loi sur l'accès à l'information, le travail de la
vérificatrice générale et le rôle actif des médias ont engendré des
perceptions négatives de l'éthique au gouvernement. Le discours parlementaire,
particulièrement durant la période de question, est de plus en plus belliqueux.
- Les crises financières du milieu des années 1990 ont fait en sorte que
les fonctionnaires ont dû travailler avec des ressources considérablement
réduites et qu'il a fallu rendre la machine gouvernementale plus petite, plus
souple et davantage tournée vers l'esprit d'entreprise. La " Nouvelle
gestion publique " est devenue la mode de la décennie. On s'attendait à
ce que les fonctionnaires se préoccupent moins des règles et des processus
pour se concentrer davantage sur les résultats.
- La déstratification et l'habilitation sont alors devenues la recette de
gestion. Il s'agissait de pousser le plus bas possible le processus décisionnel,
puis de dire aux fonctionnaires d'agir selon leurs valeurs, dans l'intérêt
supérieur des citoyens.
- Il s'agissait d'initiatives de gestion bien intentionnées, mais nous
savons maintenant, avec le recul, que les pratiques de gestion du secteur privé
ne se greffent pas toujours avec succès au secteur public.
- En ce qui regarde les valeurs, nous avons réalisé qu'il était non
seulement injuste et inapproprié d'attendre des fonctionnaires qu'ils agissent
en fonction de leurs valeurs et croyances personnelles, mais que l'employeur
était tenu de préciser et codifier ces valeurs organisationnelles (les valeurs
de la fonction publique) qui guideraient et appuieraient les fonctionnaires dans
leur travail, puis d'apprendre à ces fonctionnaires à assumer leurs
responsabilités fondamentales de gestion.
- Notre travail sur les valeurs et l'éthique à l'échelon fédéral s'est
amorcé au milieu des années 1990. Il ne s'agissait pas, contrairement à ce
que beaucoup de gens croyaient, d'une réponse directe aux vérifications
largement médiatisées de DRHC et du programme de commandites de TPSGC, ainsi
qu'à l'affaire Radwanski.
- Lorsque Jocelyne Bourgon était greffière du Conseil privé, elle a
demandé à feu John Tait, ancien sous-ministre de la Justice, de présider un
groupe de travail qui analyserait les valeurs et l'éthique de la fonction
publique et formulerait des recommandations sur la façon d'aider les
fonctionnaires à se rebrancher sur leurs valeurs fondamentales.
- Jocelyne a fait preuve de prescience en reconnaissant les signes d'un
changement important dans la société et le gouvernement, ce qui allait faire
pression sur l'appareil d'État et la fonction publique afin qu'ils soient plus
transparents, plus sensibles aux citoyens et davantage responsables de leurs
décisions et des conséquences.
- Le groupe de travail de John a conclu son exercice par une publication
intitulée De solides assises. Il exhortait fortement la fonction publique
fédérale à amorcer un voyage dont l'itinéraire l'amènerait à redécouvrir
ses valeurs de base et à les définir dans le contexte moderne.
- John a commencé le travail de consultation intensive et de mobilisation
auprès de la fonction publique en faisant la promotion d'un dialogue honnête
de la part des fonctionnaires sur tous les défis éthiques qui se posent à
nous et sur les valeurs en jeu dans nos vies professionnelles. Il était
catégorique en ce qui regarde l'importance du dialogue pour aider les
fonctionnaires à cerner les problèmes et les défis dans leur vie quotidienne,
pour illustrer la façon dont, à un échelon pratique, les valeurs et
l'éthique influent sur le processus décisionnel.
- John était d'avis que le soutien du processus de dialogue et la
mobilisation des diverses parties dans cet exercice étaient le plus important
défi de notre temps en matière de leadership. Il avait le sentiment que le
dialogue devrait mener, et mènerait effectivement, à un exposé de principes
qui formerait l'assise d'un nouveau contrat moral entre les branches élues et
non élues du gouvernement.
- La greffière du Conseil privé a demandé à Scott Serson et à moi-même
de poursuivre le travail de John après le décès de ce celui-ci en 1999. En
qualité de co-champions des valeurs et de l'éthique pour une période de
quatre ans, nous avons présidé des comités, prononcé des discours dans tout
le Canada et le monde entier, fait des présentations non seulement aux
fonctionnaires publics fédéraux, mais aussi aux leaders des secteurs privé et
sans but lucratif, au milieu universitaire et aux étudiants.
- Nous avons utilisé des études de cas pour donner plus de corps aux
principes abstraits. Nous avons mené une consultation électronique au moyen du
courriel et des forums de discussion mettant à contribution des milliers de
fonctionnaires. Enfin, en septembre 2003, le moment était venu de publier le
Code de valeurs et d'éthique de la fonction publique.
- Et bien que ce code s'applique particulièrement à la fonction publique,
son contenu est également instructif pour d'autres paliers de gouvernement.
- Lorsque nous lisons le chapitre d'ouverture du Code et examinons
attentivement les quatre familles de valeurs interdépendantes et ce qu'elles
signifient, nous comprenons mieux ce que les fonctionnaires sont appelés non
seulement à démontrer dans leurs propres actions, mais également à
poursuivre dans leurs relations avec le personnel et les collègues.
- Prenons à titre d'exemple la famille de valeurs démocratiques, qui
implique la prestation de conseils honnêtes, complets et impartiaux aux
ministres, et accentue l'importance d'inclure tous les renseignements possibles.
Même John Tait révélait que ces valeurs particulières, qui accentuent notre
mission démocratique visant à aider les représentants élus à servir
l'intérêt public, comptaient parmi les moins bien comprises de la fonction
publique.
- L'accent ici est mis sur la nécessité de s'assurer que le processus
décisionnel est orienté vers l'intérêt public avant toutes choses. Ce souci
est réitéré dans les préceptes de nos valeurs éthiques, qui soulignent
l'importance de se comporter en tout temps de manière propice à maintenir la
confiance du public.
- Un autre volet fondamental de l'exposé de principes, selon moi, s'articule
autour d'une famille de valeurs professionnelles. Je fais référence ici à la
question des moyens par opposition aux fins.
- Comme vous le savez, la gestion fondée sur les résultats était l'une des
principales initiatives de la dernière décennie. Bien que les valeurs et
l'éthique soient citées parmi les composantes clés d'une gestion moderne
fructueuse, j'ai déjà mentionné que, à titre de gestionnaires, dans notre
zèle à vouloir moderniser et adopter davantage d'approches de gestion du
personnel fondées sur le marché et davantage d'approches à la manière des
entreprises pour gouverner dans une société moderne, nous avons peut-être
perdu de vue le fait que les résultats ne peuvent, en eux-mêmes, justifier les
moyens.
- Dans son récent rapport au Parlement, le Greffier du Conseil privé a fait
mention d'innovations de service réussies lors de la décennie précédente.
- Or, comme il le soulignait, nous avons aussi " perdu de notre rigueur.
Nous avons éliminé certains contrôles ministériels tout en réduisant la
surveillance centrale. Nous ne nous sommes pas préoccupés d'assurer que les
nouveaux employés aient à leur disposition toute la formation nécessaire pour
mener à bien leur travail. Nous n'avons pas développé les systèmes
d'information nécessaires pour bien gérer le rendement des opérations et la
performance financière. Dans notre effort pour mieux servir les Canadiens, nous
avons peut-être parfois perdu de vue l'essentiel. "
- Il a alors ajouté que " Nous devons maintenant rétablir le juste
équilibre. Nous devons restaurer la rigueur sans toutefois réprimer la
créativité. Nos expériences antérieures nous rendent conscients que plus de
bureaucratie ne règlera rien, et que cela étoufferait certainement l'esprit
créateur dont nous avons besoin pour mieux servir les Canadiens et les
Canadiennes. Non plus faut-il, dans notre quête de rigueur, perdre de vue le
fait que lorsqu'il s'agit de la fonction publique, c'est de personnes qu'il est
question. Peu importe les changements, ils devront être effectués de façon
humaine, pour aider le personnel à mieux vivre les transitions et à
s'épanouir dans un environnement en constante mouvance. "
- Le greffier a envoyé au Parlement un puissant message. Il est encore plus
évident que les moyens utilisés pour parvenir à nos fins sont aussi
importants que les réalisations elles-mêmes. En d'autres mots, notre rôle de
" gérance " des ressources, des gens et de l'information demeure un
volet important du leadership.
- Et, enfin, les valeurs des gens entrent en ligne de compte lorsque nous
prenons en considération notre responsabilité de s'assurer que nos collègues
fonctionnaires sont traités avec respect, équité et courtoisie, et que nous
ne perdons pas de vue l'importance de la valeur de chacun dans notre ardeur à
obtenir des résultats.
- Je ne saurais exagérer l'importance du dialogue pour comprendre la façon
dont les valeurs fonctionnent dans notre environnement de travail. Le groupe de
travail Tait a été prompt à souligner que les valeurs de la fonction publique
se concurrencent souvent l'une l'autre. À titre d'exemple, les " nouvelles
" valeurs professionnelles d'innovation, de service et de rapidité
s'opposent souvent aux valeurs traditionnelles qui sont fondées sur les
procédures équitables et l'équité.
- L'accent mis sur la transparence peut souvent entrer en conflit avec
l'obligation de garder le secret. Cela requiert un équilibrage constant des
valeurs. À moins qu'ils n'aient à s'occuper d'une affaire où il est facile de
trancher le bien du mal, et avouons-le, la plupart de nos choix sont plus
nuancés que cela, les leaders doivent décider où se trouve le point de
bascule dans les cas impliquant des valeurs conflictuelles.
- Voici quelques exemples qui illustrent ce point. Nous entendons beaucoup
parler des limites qui s'imposent pour ce qui est d'accepter les invitations du
secteur privé. D'une part, le fait d'assister aux événements sportifs et aux
spectacles culturels est une pratique courante dans le secteur privé. De plus,
on encourage les fonctionnaires à communiquer davantage avec les intervenants
et le public que nous servons. D'autre part, le fait d'accepter les invitations
engendre la perception d'un rapport qui peut avoir dépassé les limites, où la
personne qui fait l'invitation donne à tout le moins l'apparence de jouir d'un
accès privilégié aux fonctionnaires.
- Autre exemple… Supposons que vous avez la tâche d'exécuter un projet.
À un moment crucial, votre gestionnaire de projet décide d'accepter un emploi
ailleurs. Allez-vous lancer un concours pour le remplacer à ce poste par la
meilleure personne possible ou allez-vous embaucher quelqu'un qui, vous le savez
déjà, saura faire le travail?
- Dans chacun de ces exemples, le plan d'action adéquat dépend des
circonstances. Rien n'est tout noir et blanc, bon ou mauvais. Il s'agit de
trouver l'équilibre, en gardant à l'esprit tous les objectifs implicites aux
choix.
- Le dialogue réussit très efficacement à faire ressortir tous les
éléments importants des dilemmes de ce genre.
- La responsabilité du Code de valeurs et d'éthique repose carrément sur
les épaules des leaders de la fonction publique. Je suis d'avis que le succès
avec lequel nous saurons faire valoir les éléments du Code, les comprendre et
les appliquer dans nos défis quotidiens, jouera un rôle important dans les
efforts pour regagner la confiance du public envers le gouvernement
- Ceux d'entre nous qui servent le public sont liés par une chose : nous
voulons que le gouvernement fonctionne bien. Nous sommes très fiers de notre
rôle dans la construction de ce pays et nous savons que notre présence
améliore grandement la situation.
- Nous croyons au rôle important joué par la fonction publique dans la
démocratie, et nous voulons que les citoyens partagent cette croyance et cette
foi en l'intégrité de ce que nous faisons. Et nous ne devrions avoir aucune
tolérance pour les écarts de conduite en milieu de travail. Ni accepter que la
fin justifie les moyens. Les Canadiens ont le droit d'être servis dans la
transparence et le respect des procédures établies.
- La fonction publique connaît des temps difficiles. Les récentes
accusations criminelles portées contre de hauts responsables de Santé Canada
(et vous êtes tous au courant de cette affaire), les enquêtes continues à
l'échelon fédéral sur le scandales des commandites, et les excès de l'ancien
Commissaire à la protection de la vie privée, sont autant d'actes
répréhensibles et de mauvaise gestion des affaires qui constituent des
exemples frappants de ce qui se produit lorsque les fonctionnaires s'écartent
de leurs valeurs.
- Il est vrai qu'il s'agit d'exemples exceptionnels et très médiatisés,
qui ne témoignent pas du travail ardu et honnête qu'effectuent jour après
jour la majorité des fonctionnaires. Cela dit, le leadership prend son origine
en chacun d'entre nous.
- Notre engagement à respecter les principes et notre remise en question de
notre propre comportement devraient tous à amener à nous poser fréquemment la
question suivante : " Ai-je agi d'une manière conforme aux valeurs de la
fonction publique? " La plupart des fonctionnaires peuvent marcher la tête
haute. Mais je dois vous dire que les sondages menés auprès des employés de
l'État donnent à entendre que ceux-ci continuent à ne pas croire que leurs
leaders démontrent un sens éthique des plus élevés.
- Notre dialogue avec les fonctionnaires a mis en lumière des perceptions
d'abus de pouvoir, d'abus des processus de dotation et parfois de cas où les
règles de passation des marchés ont été " étirées " pour
composer avec les délais ou le choix d'un entrepreneur souhaité.
- Donc, il ne suffit pas de prêcher sur les valeurs. Les leaders de tous les
niveaux doivent se donner en exemple. Nous devons créer un lieu sécuritaire
où les employés se sentent à l'aise pour exprimer leurs préoccupations, et
nous devons être de meilleurs communicateurs et démontrer davantage de
transparence dans notre processus décisionnel.
- À l'échelon fédéral, nous disposons d'un processus pour protéger les
dénonciateurs, et la loi qui le consacrera est maintenant déposée devant le
Parlement. Mais je crois que nous devons nous efforcer de créer des milieux de
travail dans lesquels les enjeux sont résolus par le biais du dialogue et du
respect mutuel, par la quête du juste équilibre entre des valeurs
contradictoires et par la confiance. On devrait s'en remettre en tout dernier
lieu aux procédures officielles de recours.
- Les organisations des secteurs public et privé tout autour du monde se
débattent avec les concepts de responsabilisation fondés dans les valeurs et
l'éthique, et avec le concept de la transparence dans le processus décisionnel.
Vous n'avez qu'à passer quelques minutes entre le réseau CNN sur les audiences
du 11 septembre et le réseau CPAC sur le scandale des commandites. Lisez les
journaux qui traitent de l'affaire Martha Stewart et Tyco, des escrocs de
WorldCom et Enron, et des luttes que mène le premier ministre Blair au
Royaume-Uni pour appuyer l'invasion américaine en Irak.
- Les thèmes communs qui s'en dégagent concernent l'honnêteté,
l'intégrité, la transparence et la responsabilisation. L'enjeu de la
responsabilisation nécessite ici un examen et une définition. Le Conseil du
Trésor du Canada procède actuellement à une étude pour évaluer la mesure
dans laquelle les notions de responsabilité et de responsabilisation sont
comprises par les ministres, le personnel politique et les hauts fonctionnaires,
ainsi que pour connaître les changements à apporter afin de raffermir le
concept de responsabilisation des ministres et des hauts fonctionnaires. Le
travail se déroule sous le leadership du professeur Donald Savoie.
- L'opinion traditionnelle veut qu'il y ait une nette distinction entre les
responsabilités et la reddition des comptes des ministres et des fonctionnaires.
Dans notre régime politique, ce sont les ministres, et non les fonctionnaires,
qui devraient en bout de ligne répondre devant le Parlement et le public de ce
qui se passe dans leur ministère.
- Et pourtant, comme nous avons pu le constater au cours des derniers mois,
la responsabilisation ne s'arrête pas nécessairement avec les ministres. Les
hauts fonctionnaires doivent de plus en plus répondre directement devant le
Parlement des décisions et actions reliées à la gestion de leur ministère.
La ligne traditionnelle entre la responsabilisation ministérielle et le rôle
impartial et souvent anonyme de la fonction publique est devenue plus vague.
- Dans son récent livre intitulé Breaking the Bargain, le professeur Donald
Savoie qui, tel que mentionné, jouera un rôle central dans l'examen
susmentionné, examine ce rapport de négociation traditionnel entre les élus
et les responsables permanents du gouvernement. Comme l'illustrent les récents
événements, les ministres ne se gênent pas pour tenir les fonctionnaires
responsables d'une mauvaise gestion des affaires.
- Mais le professeur Savoie donne à entendre que l'opposé est également de
plus en plus vrai. Lorsqu'une erreur devient publique, il indique qu les
fonctionnaires de carrière n'hésitent plus à abandonner leur anonymat pour
venir présenter leur version de la situation.
- Puisque les ministres et les fonctionnaires sont moins préparés à s'en
tenir aux rapports traditionnels, le temps est peut-être venu de définir de
nouvelles relations, alors que nous nous efforçons d'améliorer la
responsabilisation et la transparence.
- Comme le professeur Savoie l'indique dans son livre, les fonctionnaires ne
peuvent plus évoluer à l'écart des débats politiques et de l'examen public.
Les conseils politiques, la formulation des politiques et même l'exécution des
programmes mettent aujourd'hui à contribution de nombreux acteurs. D'aucuns
peuvent percevoir la chose comme une perte d'influence pour la fonction
publique, mais je suis d'avis que toute mesure positive pouvant être mise en
place pour améliorer et raffermir la confiance du public ne peut que nous
rendre plus forts.
- En conclusion, je dirais qu'il n'est pas facile d'être un fonctionnaire
ces jours-ci. Nous travaillons à découvert. Les éloges, particulièrement de
la part du public, sont plutôt rares. En fait, c'est l'opposé qui se produit.
Le " jeu des reproches " est souvent assimilé à la
responsabilisation, et les fonctionnaires sont des cibles faciles. Cet état de
choses nous rend craintifs et étouffe la créativité juste au moment où la
nation a besoin d'une secousse d'énergie et de créativité.
- Pourtant, lorsque nous nous comparons aux autres fonctions publiques dans
le monde, nous tenons le haut du pavé, et il est important de s'en rappeler
alors que nous sommes confrontés aux défis actuels.
- La fonction publique de nos jours n'est pas pour les cœurs pusillanimes.
Elle exige passion, courage, sagesse et détermination pour croître, apprendre
et être les catalyseurs qui sauront favoriser la prospérité de notre pays.
- Nos valeurs sont nos pierres angulaires, elles nous donnent de la
stabilité et nous guident à travers les nombreux choix difficiles et
contradictoires que nous faisons, les conseils que nous donnons et les services
que nous rendons. Chacun d'entre nous a le pouvoir et la responsabilité de
faire valoir nos valeurs et d'amener les Canadiens et les Canadiennes à avoir
confiance en une fonction publique plus forte.
- Je vous remercie. Profiter bien de votre Forum.
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