Discours par
L'honorable Lucienne Robillard
Présidente du Conseil du Trésor, Ministre responsable de l'Infrastructure
et députée de Westmount-Ville-Marie
le 23 février 2001
Toronto
1. Introduction : Établir des partenariats publics-privés
Je suis heureuse d'être parmi vous ce matin. Je remercie
M. Wilson pour sa charmante présentation.
En ma qualité de présidente du Conseil du Trésor, je consacre
beaucoup de temps à régler des questions de réforme de la gestion, à
veiller à ce que les besoins en ressources humaines du gouvernement
soient satisfaits, à travailler avec mes collègues du Cabinet pour que
la technologie soit efficacement intégrée dans l'appareil fédéral, à
examiner de nouvelles façons d'améliorer la prestation de service aux
Canadiens et aux Canadiennes de tous les coins du pays.
De toute évidence, le milieu dans lequel s'élaborent les politiques
publiques devient de plus en plus complexe. Les nouvelles technologies
nous permettent d'échanger directement avec les Canadiens comme jamais
auparavant. Elles sont porteuses de tant de possibilités que nous en
découvrons encore de nouvelles chaque jour. Elles sont aussi porteuses de
défis - des attentes et des exigences plus élevées de la part de la
population.
Nous sommes témoins de changements des plus intéressants dans notre
façon de travailler avec nos partenaires. Prenez par exemple le secteur
de l'activité bénévole. Nous nous employons actuellement à jeter des
ponts nouveaux entre le gouvernement du Canada et le secteur des
organismes à but non lucratif - à renforcer nos relations avec le
troisième pilier de notre société. Le secteur privé et le secteur
public étant les deux autres.
Bien sûr, les rapports entre le gouvernement et le secteur privé
évoluent aussi.
Je ne doute pas que nombre d'entre vous ayez pris connaissance de
l'étude intitulée Vision 2010: Forging Tomorrow's Public Private
Partnerships. Celle-ci a été menée il y a quelques années par
l'Economist Intelligence Unit et la firme de consultants Accenture. Pour
les besoins de l'étude, 700 hauts fonctionnaires et politiciens ont
été interviewés dans 12 pays, notamment le Canada, les États-Unis,
le Royaume-Uni, la Nouvelle-Zélande et le Japon.
Environ 77 % des répondants ont prédit que la nature de la
prestation de services gouvernementaux changera fondamentalement au cours
des dix prochaines années. Une des manifestations les plus évidentes de
ce changement sera l'émergence de rapports novateurs entre les secteurs
public et privé.
On conçoit aisément que les gouvernements, partout dans le monde, se
tournent de plus en plus vers les partenariats publics-privés pour
réduire les coûts et diversifier les modes de prestation de service.
C'est un moyen efficace d'accéder aux capitaux et de les faire
fructifier.
C'est aussi une façon d'avoir accès à l'expertise spécialisée du
secteur privé.
Le secteur privé a souvent plus de latitude et d'expertise pour
s'adapter rapidement aux forces du marché - pour fonder ses décisions
en matière de prestation de service sur des principes d'affaires
éprouvés et sur les conditions locales.
Je pense cependant que les Canadiens voient d'un mauvais oeil la
privatisation à outrance. Je crois, comme eux, que de nombreuses
fonctions sont mieux servies par le gouvernement. Les secteurs public et
privé sont différents - leurs raisons d'être sont différentes.
Le gouvernement n'est pas une organisation dont la préoccupation
première doit être le profit.
L'un des grands défis auquel nous devons faire face au gouvernement
est de nous assurer, lorsque nous procédons à une entente de partenariat
entre les secteurs public et privé, qu'il s'agit là de la meilleure
approche pour servir la population canadienne.
Cela dit, il est évident qu'il est souhaitable d'instaurer une
excellente synergie entre les secteurs public et privé, qui reconnaisse
et profite de l'expertise et des objectifs légitimes des deux parties.
On peut accomplir beaucoup en conjuguant la motivation lucrative du
secteur privé et les impératifs politiques du secteur public.
Nous voulons miser sur cette synergie dans les collectivités de tous
les coins du pays avec le programme Infrastructures Canada. Nous avons la
ferme intention de solliciter la participation du secteur privé à ce
nouveau programme. À ce titre, je suis très heureuse de pouvoir vous
parler aujourd'hui du programme Infrastructures Canada et j'espère être
en mesure de répondre aux questions que vous pourriez avoir.
2. Infrastructures Canada
Je sais que Guy McKenzie, secrétaire adjoint responsable du Bureau
national de l'Infrastructure, est venu vous parler du programme en juin
dernier. Je suis très fière de vous annoncer que depuis, nous avons
conclu des ententes avec toutes les provinces ainsi que le Territoire du
Yukon. J'estime qu'il s'agit d'un pas dans la bonne direction. Cela
révèle certainement le degré d'enthousiasme que suscite le programme
dans tout le pays. Les Canadiens reconnaissent d'emblée que ce
programme sera des plus profitable.
Le nouveau programme d'infrastructures matérielles comporte deux
composantes : Premièrement, la composante «municipale» qui recevra
deux milliards de dollars du gouvernement canadien. Deuxièmement, la
composante «autoroutes» à laquelle seront consacrés 600 millions
de dollars.
D'ailleurs, mon collègue l'honorable David Collenette continuera de
faire avancer cette dernière initiative avec ses homologues provinciaux
dans un proche avenir.
Je me concentrerai ce matin sur le volet municipal du programme,
Infrastructures Canada.
Le nouveau programme repose sur un partenariat et un partage des coûts
entre tous les ordres de gouvernement.
Comme je le mentionnais précédemment, le gouvernement du Canada
investira deux milliards de dollars dans ce volet. En calculant les
contributions de nos partenaires provinciaux, territoriaux, municipaux et
du secteur privé, Infrastructures Canada générera des investissements
d'au moins six milliards de dollars.
C'est une des plus importantes initiatives axées sur le partenariat
jamais entreprises au pays.
En Ontario, grâce au programme Infrastructures Canada-Ontario,
l'investissement fédéral s'élèvera à plus de 680 millions de
dollars et, compte tenu des partenaires provinciaux, municipaux et du
secteur privé, les investissements excéderont deux milliards de dollars.
Mais il reste à savoir comment allons-nous dépenser cet argent? Quel
type de projets en bénéficiera?
Pour y répondre, nous avons discuté avec nos partenaires et les
parties intéressées et ensemble nous avons dressé une liste assez
variée de priorités de financement qui correspondent aux besoins locaux.
Nous reconnaissons tous que nous devons porter une plus grande
attention aux infrastructures municipales vertes - aux projets touchant
les stations d'épuration de l'eau potable et des eaux usées et le
recyclage. Rien n'est plus important pour la santé de nos concitoyens que
la préservation et la protection de la qualité de l'eau que nous
consommons et de l'air que nous respirons.
Nous devons faire plus pour soutenir les infrastructures en matière de
transport local, de culture, de loisirs et de sports. Il faut investir
également dans les télécommunications en milieux ruraux et éloignés,
et dans l'accès haute vitesse à Internet. L'accessibilité à des
logements à prix abordable constitue une autre priorité à laquelle if
faut s'attaquer.
Maintenant que ces priorités générales ont été établies, le défi
consiste à traduire ces engagements en action.
C'est pourquoi nous avons établi des comités de gestion dans chaque
province et territoire. Ces comités traiteront les demandes soumises par
les administrations municipales et donneront leur aval aux projets. Le
gouvernement du Canada et les gouvernements provinciaux et territoriaux
auront un nombre égal de représentants à ces comités. On sollicitera
également la participation et les commentaires des municipalités.
3. La voix municipale et les partenariats publics-privés
Dans la conception du programme, nous nous sommes appliqués à
utiliser une démarche «ascendante». Il ne saurait donc être question
de politiques uniformes en l'occurrence. Nous croyons que ce sont les
collectivités qui sont les mieux placées pour formuler leurs besoins et
établir leurs priorités. C'est pourquoi nous voulons laisser aux
municipalités le soin de proposer les projets à financer.
Nous voulons également que le secteur privé ait son rôle à jouer
dans le nouveau programme Infrastructures Canada.
Nous croyons que les partenariats publics-privés sont prometteurs dans
ce programme et par conséquent, nous avons laissé la porte ouverte à
des projets favorisant ces partenariats.
Nous avons évité d'établir des critères rigides quant à la
sélection proprement dite de ces projets, mais nous avons établi
plusieurs principes qui peuvent s'appliquer aux conditions particulières
qui existent dans tous les coins du pays.
Nous sommes d'avis que les collectivités sont les mieux placées
pour déterminer les modalités des partenariats qu'elles veulent
établir avec le secteur privé. Je suis d'ailleurs fière de vous dire
que ces principes ont été élaborés, en partie, après consultation de
votre Conseil.
Premièrement, nous nous attendons à recevoir des projets triés
sur le volet, plutôt qu'un grand nombre de propositions de
partenariats publics-privés, dans le cadre d'Infrastructures Canada. Il
est important de retenir les bons projets.
Les partenariats publics-privés pourraient avoir des avantages
considérables en matière de politiques publiques. Nous voulons faire
d'Infrastructures Canada l'endroit où nous mettrons en lumière les
bénéfices de tels partenariats sur les politiques publiques. Ainsi, ce
programme pourrait s'avérer l'instrument déclencheur de l'établissement
de partenariats publics-privés au Canada.
Deuxièmement, ces partenariats doivent constituer un avantage
indéniable pour le bien du public. Il ne s'agit pas de se lancer dans
des partenariats parce que c'est à la mode. Nous nous engageons dans des
partenariats parce que chacune des parties, en travaillant avec les autres,
peut accomplir plus qu'elle ne le ferait en restant seule. Si nous sommes
incapables de démontrer clairement les bienfaits d'un partenariat
public-privé sur le bien commun, alors nous pouvons affirmer sans ambages
qu'il ne s'agit pas d'un partenariat réussi.
Troisièmement, il doit exister dans ces partenariats un régime
transparent de reddition de compte. Puisqu'on est dans le domaine des
deniers publics et des intérêts publics, il importe que ces projets ne
soient pas vus simplement comme autant d'autres entreprises.
Nous devons pouvoir répondre à des questions importantes, par exemple :
Où l'intérêt public se situe-t-il?
Comment en fait-on la promotion?
Comment le protège-t-on?
Il faut se rappeler qu'un partenariat public-privé n'est pas
l'occasion de déléguer la responsabilité politique au secteur privé.
Au contraire, s'engager dans de tels partenariats augmenteront
l'importance de l'imputabilité politique, car le gouvernement conserve
le devoir de rendre des comptes à la population.
En résumé, nous souhaitons ardemment conclure des partenariats
publics-privés dans le cadre d'Infrastructures Canada, mais à la seule
condition qu'ils soient pertinents et dans l'intérêt du public. Je
sais que votre visée pour Infrastructures Canada est la même et il me
tarde de nous voir nous mettre à la tâche et atteindre nos objectifs
communs.
4. Reddition de compte
Étant des gens d'affaires, vous entrevoyez, j'en suis sûre, une
multitude de possibilités très intéressantes dans ce programme.
Mais c'est maintenant aux contribuables en vous auxquels je veux
m'adresser. Comme je l'ai dit, la reddition de compte sera en tout temps
au coeur de nos préoccupations. On ne peut pas gérer des investissements
de six milliards de dollars sans mettre en place des mécanismes sûrs de
reddition de compte. Les Canadiens ont le droit de savoir ce que leur
argent leur procure, et que leurs impôts sont administrés avec probité
et attribués équitablement.
Je vous assure que l'une des priorités du programme national et de
chacun des comités de gestion sera de veiller à ce que des
vérifications du programme soient effectuées régulièrement. En outre,
nous procéderons à deux évaluations nationales, l'une dans la
quatrième année du programme, l'autre à la fin du programme.
Au soutien de tous les utilisateurs et parties intéressées, nous
annonçons la mise en service d'un système unique de gestion de
l'information. Dans la plupart des juridictions, le Système partagé de
la gestion de l'information pour les infrastructures (SPGII) est
dorénavant en mesure d'accepter les demandes en direct et tous les
éléments du SPGII seront pleinement fonctionnels à l'été.
Le SPGII aidera les partenaires chargés d'administrer le programme
Infrastructures Canada à gérer des milliers de projets. Il permettra de
produire des rapports sur tous les aspects de l'avancement du projet tout
au long de sa durée, à l'intention du Bureau national d'Infrastructure,
des parties intéressées et de la population et ce, à partir du Web.
Notre souhait est que ce programme soit aussi ouvert et transparent que
possible. Nous voulons que les Canadiens sachent comment et où leurs
deniers sont dépensés. Le SPGII nous aidera à réussir.
5. Le Guide national
Il m'importe enfin de vous parler des fonds que nous voulons consacrer
à des projets novateurs visant à réduire les coûts de fonctionnement.
Nous venons de consentir des fonds à l'élaboration d'un Guide national
pour des infrastructures municipales durables. Il s'agit d'un recueil des
pratiques exemplaires et d'une source d'information pour les
municipalités en matière de planification, de construction, d'entretien
et de réfection des infrastructures. Le Secrétariat du Conseil du
Trésor travaillera à ce projet avec le Conseil national de recherches et
la Fédération canadienne des municipalités qui échangeront avec de
nombreuses associations professionnelles.
Nous prévoyons que l'adoption de ces pratiques exemplaires et
innovations permettra aux municipalités à l'échelle nationale
d'économiser entre 800 millions et 1,5 milliards de dollars par
année en coûts d'entretien des infrastructures.
6. Conclusion
Mesdames et Messieurs, permettez-moi de vous remercier encore une fois
de m'avoir invité à déjeuner avec vous. C'est toujours un plaisir de
rencontrer des gens d'affaires comme vous.
Il me semble qu'en ce début de XXIe siècle, le
gouvernement a fort à apprendre du secteur privé. De toute évidence,
nous, du Conseil du Trésor, continuerons à nous inspirer de vous dans
nos efforts d'amélioration de nos pratiques de gestion. Nous devons
trouver un équilibre délicat - incorporer le meilleur des pratiques
des secteurs privé et public dans un nouveau style de gestion qui sert
l'intérêt public mieux que jamais auparavant.
Je crois aussi que le secteur public peut vous offrir beaucoup en
matière d'idées et d'approches conceptuelles.
La communauté d'affaires a produit un bassin de talent très riche
dans lequel le gouvernement est venu puiser ces dernières années. Des
chefs de file du monde des affaires ont apporté du leadership dans des
postes de directeurs et de sous-ministres - sans parler de quelques
ministres des Finances et Premiers ministres.
Je souhaite voir, au cours des prochaines années, un plus grand nombre
de gens d'affaires mettre leur talent considérable au service de
l'administration de notre pays.
Je le disais précédemment, nous avons beaucoup à apprendre les uns
des autres - et beaucoup à accomplir ensemble - administration
publique et monde des affaires.
J'ai confiance que, en travaillant ensemble, nous nous apporterons
beaucoup les uns aux autres. Et surtout nous contribuerons à ériger
quelque chose de grand pour les citoyens et les collectivités de tous les
coins du pays.
Je vous remercie.
|