Discours par
L'honorable Lucienne Robillard
Présidente du Conseil du Trésor, Ministre responsable de l'Infrastructure
et députée de Westmount-Ville-Marie
le 15 novembre 2001
Saint Sauveur, PQ
Mesdames et Messieurs, bonsoir.
Je vous remercie de m'accueillir aujourd'hui pour discuter d'un
sujet qui nous touche tous: la modernisation de la gestion des ressources
humaines dans la fonction publique fédérale.
J'aimerais débuter en vous félicitant tous pour le leadership que
vous avez démontré par l'entremise du Conseil des ressources humaines,
en initiant et élaborant une vision stratégique des ressources humaines,
que vous avez soumis aux organismes centraux et au greffier du Conseil
privé.
Vous avez également préparé deux autres soumissions - une au Comité
Fryer et une autre au Groupe de travail sur les ressources humaines - sur
des questions d'importance pour votre collectivité.
Afin d'assurer le renouvellement de cette collectivité, votre
Conseil a travaillé de concert avec le Secrétariat de la collectivité
des ressources humaines au Secrétariat de Conseil de Trésor pour
recruter et former de nouveaux conseillers en ressources humaines et
spécialistes en rémunération.
Chapeau ! Cela est le travail d'une communauté vibrante et visionnaire.
Je m'adresse donc à une communauté chevronnée et avertie.
Je sais que certains des principaux intervenants vous ont longuement
parlé aujourd'hui de la modernisation des ressources humaines. En ma
qualité de championne de cette initiative, je suis heureuse de vous faire
part de mes réflexions.
Pourquoi il est important de moderniser la gestion des Ressources
Humaines
Je suis particulièrement ravie de m'adresser à votre groupe. Je
suis persuadée que vous connaissez mieux que quiconque les lacunes de
notre système actuel, et que vous savez pourquoi il est si important d'harmoniser
ce système avec la réalité immédiate du XXIe siècle. Votre
rôle est donc fondamental pour veiller à ce que nos efforts de
modernisation soient couronnés de succès.
La fonction publique est l'un des plus grands atouts de notre pays.
Chaque jour, nos employés s'affairent avec professionnalisme et
dévouement à préparer et à appliquer des lois, à élaborer et à
mettre en oeuvre des politiques, et à fournir des programmes et des
services de qualité aux Canadiens et aux Canadiennes.
Nous ne procédons pas à cette initiative parce que nous pensons que
la fonction publique est déficiente. Au contraire, j'estime, et je
parle au nom de notre gouvernement, que notre secteur public est l'un
des meilleurs au monde. Nous voulons simplement veiller à ce qu'il
croisse et puisse s'adapter aux défis posés par la nouvelle économie.
Notre système actuel de gestion de nos ressources humaines est désuet,
archaïque et complètement dépassé par rapport aux théories modernes
de gestion. Il est malheureux que nous ne nous soyons pas attardé plus
tôt à ce qui est, à mes yeux, la ressource primordiale de tout
gouvernement: ses ressources humaines. Aucune entreprise de services dans
le secteur privé ne pourrait survivre avec un système comme le nôtre.
Permettez-moi une confidence : j'ai obtenu, de l'École des
Hautes-Études Commerciales, une maîtrise en administration des affaires,
spécialisée en ressources humaines, et je serais gênée de devoir
expliquer nos méthodes et nos façons de fonctionner à mes anciens
collègues d'études et surtout, à mes professeurs de l'époque! Il est
donc plus que temps de retourner au coeur même de ce qui fait notre force
comme organisation.
Nous devons remédier aux graves lacunes de notre système actuel.
Comme vous êtes les experts dans ce domaine, je n'ai pas besoin d'en
dire davantage. Et chacun d'entre vous pourrait me raconter à quel point
vous devez consentir des efforts supplémentaires pour bien effectuer
votre travail quotidien, parce que nos outils ne sont pas adaptés aux
réalités modernes et changeantes.
Certains de nos règlements ont été instaurés il y a une quarantaine
d'années, et n'ont pas été modifiés depuis, tandis que le visage
de notre fonction publique et de notre pays se transformaient. C'est dire
à quel point il y avait urgence de nous attaquer en profondeur à nos
façons de procéder, que ce soit en matière de dotation, de recours ou
de gestion à long terme de nos effectifs.
Les changements qui résulteront de nos efforts sont importants, pour
les membres actuels et à venir de la fonction publique, pour le
gouvernement du Canada, ainsi que pour les Canadiens et les Canadiennes.
Mes diverses expériences m'ont permis de connaître le
fonctionnement intérieur de deux ordres de gouvernement et de plusieurs
organisations. Mon engagement de modernisation est donc de nature
professionnelle, mais il est également de nature personnelle.
Consultations de l'été dernier
C'est la raison pour laquelle je me suis déplacée partout au pays l'été
dernier en compagnie de Monique Boudrias, Jim Lahey et Frank Claydon pour
échanger avec des personnes de toutes les régions et pour les consulter
sur l'avenir des ressources humaines dans la fonction publique.
Or, je suis fort heureuse d'avoir eu la chance de le faire. Il était
enrichissant pour moi d'aller parler aux gens sur le terrain; de parler
aux gestionnaires et aux employés de première ligne qui m'ont fait
part de leur expérience quotidienne des limites de notre structure de
gestion des ressources humaines.
Partout, on m'a dit qu'un changement est nécessaire, et qu'il doit
se produire rapidement. Les gens ont collaboré avec enthousiasme, ont
été heureux de me faire part de leurs observations et de leurs
préoccupations, et les commentaires ont été faits sans réserve. En
retour, les attentes à notre égard sont très élevées, et il est bien
qu'il en soit ainsi.
Partout, on nous a fait part des mêmes sujets de préoccupations, ce
qui me confirme que nous avons bien identifié les principaux problèmes
auxquels nous devons nous attaquer en priorité. La dotation en personnel
et le recrutement figurent évidemment au premier rang des préoccupations
des personnes rencontrées. L'importance de valeurs communes nous a
aussi été mentionnée.
J'ai également beaucoup entendu parler de nos rapports avec les
agents négociateurs. Avant de me rendre dans les régions, j'avais
entendu dire que les relations de travail étaient délicates, et que les
gestionnaires de la fonction publique hésitaient à traiter avec les
syndicats. Or, ce n'est tout simplement pas ce que j'ai constaté en
région.
Enfin, les gestionnaires de partout au pays ont insisté sur le fait qu'une
loi ne sera pas suffisante pour instaurer tous les changements qui doivent
être apportés à notre cadre de gestion des ressources humaines. Nous
devons également transformer notre culture d'organisation de manière
à appuyer notre nouvelle façon de gérer les ressources humaines. L'ensemble
de la fonction publique doit adopter ce nouveau mode de pensée et d'exécution
des tâches quotidiennes, guidé par les valeurs et les principes qui
orientent un système modernisé de gestion des ressources humaines.
La réforme de la classification est un autre sujet qui intéresse les
gestionnaires régionaux. Ils m'ont indiqué que cette réforme était
une composante absolument essentielle de nos efforts de modernisation de
la gestion des ressources humaines, et qu'elle doit aller de pair avec
les autres changements que nous allons apporter.
Je suis persuadée que bon nombre d'entre vous se demandent ce qui
est advenu de la Norme générale de classification. Je vous assure que je
suis consciente de la nécessité d'appliquer un système de
classification qui valorise comme il se doit le caractère unique et
varié des tâches accomplies dans la fonction publique. Vous avez, au
premier chef, investi des milliers d'heures sur ce dossier, vous en
connaissez donc toute la complexité. À l'heure actuelle, nous essayons
de trouver la meilleure façon de mettre en oeuvre la réforme de la
classification. Comme vous vous en doutez, un grand nombre de facteurs
entrent en ligne de compte. J'ai fermement l'intention, cependant, de voir
cet aspect de la réforme mis en oeuvre d'une manière raisonnable et
réalisable.
Enfin, j'ai retenu un autre message qui est, à mes yeux, tout aussi
important: le Secrétariat du Conseil du Trésor, à titre d'employeur,
n'est pas présent en région. Nos gestionnaires régionaux ont parfois
l'impression que l'employeur est loin, et que de ce fait, il est moins
branché sur les réalités régionales. Le "centre" devra donc
se faire plus présent, non pour contrôler, mais bien pour pouvoir
réagir adéquatement aux préoccupations des gestionnaires.
La voie à emprunter
Parallèlement aux modifications ne nécessitant pas de changement au
plan des lois, Ran, Monique et le Groupe de travail s'activent
actuellement à l'élaboration des propositions législatives. Nous
devrions recevoir leurs recommandations dans les mois à venir, et nous
prévoyons déposer la loi au cours de l'été 2002.
Il est trop tôt pour prédire avec exactitude les résultats de cette
démarche, mais j'aimerais vous faire part de certains grands thèmes et
orientations que j'envisage.
Parlons d'abord des valeurs. Les valeurs d'intégrité, d'équité,
de respect, de responsabilisation, de compétence professionnelle et de
mérite doivent être intégrées au nouveau cadre de gestion des
ressources humaines. Nous ne savons pas encore si elles doivent être
inscrites dans la loi, mais nous savons qu'elles doivent faire partie
intégrante d'un nouveau système décentralisé.
Sur le plan de la dotation en personnel, nous devons simplifier ces
processus. Nous devons de plus favoriser l'innovation et la souplesse et
appuyer ces objectifs en donnant les bons outils aux gestionnaires et aux
employés, de sorte qu'ils n'aient plus jamais l'impression de devoir
se battre contre le système ou contourner les règles pour faire leur
travail comme il faut ou engager du personnel temporaire parce que c'est
trop compliqué d'engager des employés permanents.
Le recours est un autre aspect important. Nous devons instaurer un
processus équitable qui protège les droits de nos employés, mais qui ne
prend pas des années à déboucher sur un règlement. Par exemple, nous
allons utiliser plus fréquemment et plus efficacement les modes
alternatifs de résolution des conflits, afin que les griefs puissent
être réglés comme il se doit - au plus bas niveau qui soit.
Comme je l'ai mentionné récemment au Séminaire annuel d'automne
du Conseil national mixte tenu à Bromont, nous devons également
favoriser des rapports plus productifs avec nos partenaires syndicaux.
Cela signifie que nous devons reconnaître et accepter le fait que la
fonction publique fédérale est syndiquée - et qu'elle le demeurera.
Nous acceptons la philosophie et l'approche du rapport Fryer: nous devons
améliorer nos rapports avec les syndicats, de façon à pouvoir
collaborer avec eux au règlement de problèmes qui sont importants pour
nos employés. Nous devons mettre au point un véritable partenariat - qui
nous permet de définir les enjeux, de façonner les options et de
déterminer les meilleures solutions ensemble. Et cette relation doit se
fonder sur le respect et la confiance entre l'employeur et les syndicats.
Comme je l'ai indiqué plus tôt, personne ne peut prédire la nature
exacte des modifications législatives qui seront instaurées. Ce qui
importe à l'heure actuelle, c'est de commencer à se préparer en
prévision de ces changements, là où nous le pouvons et quand nous le
pouvons, avec une nouvelle volonté. Et nos intervenants clés doivent
commencer maintenant en adoptant de nouvelles attitudes.
Le rôle de la collectivité des ressources humaines dans l'instauration
du changement
Nous avons besoin d'une loi pour donner de nouveaux outils aux
employés et aux gestionnaires, pour préciser les responsabilités et
pour simplifier nos processus. Notre véritable défi consistera toutefois
à établir une culture d'organisation différente dans l'administration
fédérale. Cette tâche ne peut être inscrite dans une loi, et je sais
que ce ne sera pas une mince tâche.
Alors que nous nous dirigeons vers une culture de partenariat, votre
leadership et votre gouverne seront nécessaires pour les relations
patronales-syndicales, ainsi que pour les relations entre l'employeur et
les ministères.
Du côté des relations de travail, votre implication sera importante
pour élaborer de nouvelles initiatives comme la formation conjointe, les
méthodes alternatives de règlement des différends, la négociation à
deux paliers et la co-détermination.
Je partage votre opinion que les dirigeants des ressources humaines
doivent être entièrement engagés dans l'élaboration d'un régime
de ressources humaines et dans la tâche cruciale de planifier comment
nous mettrons en oeuvre le nouveau système.
Cela étant dit, vous êtes les mieux placés pour mettre en oeuvre ce
changement dès maintenant. Bon nombre de gestionnaires n'ont jamais
assumé la responsabilité entière de la gestion des ressources humaines.
Ils estiment que cette responsabilité vous incombe, à vous et à vos
employés.
Dans le nouveau contexte, les gestionnaires assumeront la
responsabilité de prendre des décisions sur un grand nombre d'aspects
liés aux ressources humaines, comme la dotation en personnel et le
règlement des différends. Leur rôle sera fondamentalement transformé.
Tout comme le vôtre d'ailleurs. D'experts d'une approche axée sur
les règles en matière de dotation en personnel, vous deviendrez des
conseillers stratégiques des gestionnaires.
Le nouveau cadre des ressources humaines ne sera plus fondé sur un
système rigide et immuable. Il sera fondé sur des résultats, et il
mettra en relief l'importance de l'imputabilité et de la souplesse,
dans le cadre d'un ensemble de valeurs communes. Si nous voulons
instaurer un véritable changement, il vous incombera de faire en sorte
que, munis d'outils adéquats, vous soyez au coeur même des décisions.
Le milieu de travail exemplaire que doit devenir la Fonction publique du
Canada ne pourra se faire sans votre apport et votre expertise.
Permettez-moi de rappeler encore une fois que je suis loin de penser
que cela sera facile. Je peux toutefois vous affirmer que nous devons tous
commencer à penser à cette transformation, et à agir dès maintenant.
Il ne faut pas attendre que la réforme législative ait été mise en oeuvre
pour transformer nos façons de faire. N'attendez pas pour
réagir. Je peux vous confirmer dès aujourd'hui que ces changements se
feront, si bien qu'il faut s'y préparer immédiatement.
Je vous invite à réfléchir à ce que vous pouvez faire dès
maintenant en tant qu'intervenants clés au niveau de la direction, pour
préparer votre équipe et vos collègues en prévision de la
modernisation de la gestion des ressources humaines.
Conclusion
Selon le discours du Trône, il est prioritaire de réformer la
fonction publique pour que cette dernière puisse attirer les employés du
plus haut calibre afin de servir les Canadiens et les Canadiennes et de
relever les défis du XXIe siècle.
À l'instar de la vérificatrice générale, j'estime que nous risquons
une crise potentielle de gestion des ressources humaines compte tenu de
nos enjeux démographiques et de la complexité croissante des besoins que
la fonction publique doit combler.
L'inaction n'est pas envisageable parce que la gamme et la qualité des
services fournis au gouvernement et aux Canadiens et Canadiennes risquent
d'être compromises. Nous avons besoin d'un nouveau cadre législatif et
institutionnel qui nous donnera la souplesse et la capacité nécessaires
pour maintenir en poste, attirer et former des fonctionnaires des plus
compétents.
Il est plus que temps que les ressources humaines redeviennent la
priorité numéro un de tous les gestionnaires de la fonction publique
fédérale. J'ai pris l'engagement de réaliser ce défi et tous les
ministres du Conseil du Trésor appuient fortement l'initiative de
modernisation des ressources humaines et les progrès réalisés à ce
jour.
Je vous assure de mon entière collaboration à l'important travail
que vous accomplissez. Vous êtes ceux et celles qui feront de la
modernisation de la gestion des ressources humaines une réalité. J'apprécie
les efforts que vous avez déjà déployés et le travail que vous
poursuivez. Je vous encourage à continuer sur cet élan pour l'avenir.
Je vous remercie de m'avoir invitée à cette conférence. J'ai
bien hâte de prendre connaissance du fruit de vos travaux et je vous
souhaite une bonne fin de soirée!
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