Discours par
L'honorable Lucienne Robillard
Présidente du Conseil du Trésor, et députée de Westmount-Ville-Marie
le 11 février 2003
Ottawa
Chers amis et collègues, mesdames et messieurs.
C'est un grand plaisir pour moi d'être parmi vous aujourd'hui. Comme vous
le savez, j'ai déposé jeudi dernier à la Chambre des communes un projet de
loi qui était attendu depuis longtemps sur la modernisation de la gestion des
ressources humaines dans la fonction publique. Il s'agit en fait de la première
grande réforme dans ce domaine depuis plus de 35 ans. C'est, à mon avis, un
événement historique. Lorsque nous avons entrepris ce projet il y a tout près
de deux ans, beaucoup de gens doutaient que nous le mènerions à terme. Eh bien
voilà, les sceptiques ont été confondus. Tout en étant très fière de ce
que nous avons réalisé à ce jour, je sais pertinemment que le dépôt de la
Loi sur la modernisation de la fonction publique ne marque pas la fin du voyage.
Ce n'est en fait que le début.
Au cours de la dernière décennie, la fonction publique a entrepris un
ambitieux programme de modernisation de ses méthodes de gestion. L'objectif
de ce programme est clair : déléguer le pouvoir de décision au niveau
approprié. Nous voulons donner aux gens la possibilité d'innover et de bien
faire leur travail en éliminant la paperasserie et les règles prescriptives
qui sont inutiles. Nous devons toutefois nous doter d'outils, de programmes de
formation et de systèmes efficaces pour nous assurer que les gestionnaires et
les employés sont compétents, qu'ils ont à rendre compte de leurs actions
et qu'ils peuvent compter sur le soutien des cadres supérieurs de la fonction
publique, c'est-à-dire vous, les membres de la direction.
La réforme de la gestion des ressources humaines dans la fonction publique
constitue un élément central du programme de modernisation de la gestion.
C'est en effet sur elle que repose le succès d'autres réformes dans ce
domaine. Il ne faut pas oublier que notre capacité de répondre aux exigences
de la population dépend de la qualité de notre personnel et de notre façon de
diriger et de gérer nos employés (es). Une réforme législative est
indispensable pour permettre une réforme de la gestion des ressources humaines
qui soit efficace et c'est pourquoi elle est au centre de nos efforts. Je suis
convaincue à cet égard que la Loi sur la modernisation de la fonction publique
constitue pour nous une assise solide.
Le Groupe de travail sur la modernisation de la gestion des ressources humaines,
sous la direction de Ran Quail, a fait un travail extraordinaire. Il a mené de
nombreuses consultations auprès des intervenants et il a préparé le projet de
loi. Je crois savoir que Ran et Monique Boudrias vous parleront en détail de ce
dernier un peu plus tard. J'aimerais pour ma part vous parler de l'incidence
qu'aura le nouveau cadre législatif sur vous et sur votre rôle dans la réforme
de la gestion des ressources humaines.
Réforme de la gestion des ressources humaines
Une gestion des ressources humaines efficace, cela veut dire mettre en place et
conserver un effectif formé et motivé pour bien servir les Canadiens et pour
produire des résultats. Tout au long de la dernière décennie, nous avons
entrepris de nombreuses initiatives pour moderniser divers aspects de la gestion
des ressources humaines. Nous avons fait des progrès dans plusieurs domaines :
promotion de la diversité culturelle et ethnique en milieu de travail, mise en
place d'un régime de rémunération équitable et approprié pour les cadres
supérieurs et promotion des langues officielles. Il est toutefois urgent
maintenant de procéder à des changements fondamentaux. Ce dont nous avons
besoin en fin de compte, c'est d'instaurer un changement de culture,
c'est-à-dire de changer notre façon de voir la gestion et le
perfectionnement de nos ressources humaines.
Les changements législatifs que nous proposons visent, dans l'ensemble, à
diminuer les procédures et la nature contradictoire du système actuel pour
faire place à des relations de travail constructives et pour clarifier les mécanismes
de responsabilisation. Ces changements touchent une grande diversité de sujets:
la dotation, le mérite, les recours et l'apprentissage.
Les réformes que nous proposons visent notamment :
- à clarifier les rôles et à renforcer les mécanismes de
responsabilisation des institutions et des responsables de la gestion de la
fonction publique;
- à accroître la marge de manœuvre en dotation et en gestion des
ressources humaines et à renforcer les garanties pour s'assurer que la
fonction publique demeurera non partisane et fondée sur le mérite;
- à instaurer des relations patronales-syndicales constructives et fondées
sur la collaboration pour mettre en place un milieu de travail sain et
productif;
- et à se doter d'un cadre de formation et d'apprentissage cohérent pour
aider les employés à se perfectionner et à répondre aux besoins de la
fonction publique.
Dotation
La nouvelle approche du mérite en matière de dotation constitue l'une des
modifications les plus fondamentales de la Loi sur l'emploi dans la fonction
publique (LEFP) projetée : elle repose toujours sur le principe du mérite mais
elle accorde aux ministères une certaine latitude pour embaucher et promouvoir
les personnes qualifiées dont ils ont besoin.
La loi envisagée décrit clairement de quelle façon une nomination sera fondée
sur le mérite sans s'encombrer de règles et de processus complexes. Les
nominations, seront fondées sur le mérite quand la personne possède les
qualifications nécessaires et que l'on prend en compte des facteurs légitimes
axés sur les exigences opérationnelles et les besoins de l'organisation.
Ceci devrait accélérer et rendre plus efficace le processus de dotation et de
promotion et conserver à la Commission de la Fonction Publique (CFP) sa
fonction de surveillance et de vérification.
Désormais, le rôle de la CFP sera axé surtout sur sa responsabilité
essentielle à savoir, la sauvegarde du principe du mérite et la réalisation
des enquêtes et vérifications qui s'imposent en la matière. De plus en
plus, elle devrait déléguer ses pouvoirs de dotation aux administrateurs généraux
qui, à leur tour, les délégueront à leurs gestionnaires. Le préambule de la
nouvelle LEFP est suffisamment clair à ce sujet.
Nous mettrons en place un nouveau mécanisme de recours. La loi autorisera les
discussions informelles entre gestionnaires recruteurs et candidats dans le
cadre d'un processus de dotation, l'optique étant de tenir compte des préoccupations
et de corriger d'éventuelles erreurs tout en réduisant la nécessité des
recours officiels. Là où ceux-ci seront incontournables, ils seront soumis à
un nouveau tribunal indépendant, qui remplacera les actuels comités d'appel
de la CFP.
L'un des éléments les plus importants de cette réforme est que les leaders
et les cadres intermédiaires assumeront la gestion des ressources humaines de
leur organisation et seront imputables de leurs décisions. Bien sûr, cette
nouvelle approche de la dotation suppose une adaptation de notre part à tous :
il nous faut repenser notre façon d'aborder les questions de dotation. Au même
titre que vous, qui assumez le leadership de la fonction publique, employés,
gestionnaires et agents négociateurs devront voir la dotation autrement et
participer davantage au processus qui la sous-tend. Pour vous, cela implique que
vous devrez accorder plus d'intérêt à la planification des futurs besoins
opérationnels en matière de ressources humaines et que vous aurez à vous
acclimater au nouveau concept... un système qui offre aux ministères la marge
de manoeuvre voulue pour embaucher et promouvoir des personnes qualifiées et
qui, parallèlement, exige une ouverture sans précédent de la part des
gestionnaires qui auront à traiter les plaintes légitimes soumises par les
employés au fil du processus de dotation.
J'ai été sensible aux frustrations que vous avez exprimées lors des
consultations; j'ai prêté l'oreille à vos doléances quant aux
sempiternels retards dus aux processus. Selon moi, cette nouvelle approche vous
posera un défi mais, d'un autre côté, elle ajoutera à vos possibilités;
une fois passé le cap de la transition, elle pourra même alléger votre tâche.
Relations de travail
La nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique fixe un
cadre susceptible d'aboutir à des relations de travail améliorées, des
relations de travail qui feront davantage appel à la coopération
patronale-syndicale tout en reconnaissant le caractère primordial de l'intérêt
public.
Trois éléments la caractérisent :
- elle met l'accent sur des partenariats constructifs
- elle améliore le processus de négociation collective
- et elle crée des outils de règlement des différends qui laissent une
large place à la coopération.
Entre autres choses, la loi exigera de chaque administrateur général qu'il
établisse, en collaboration avec les agents négociateurs, un comité ministériel
patronal-syndical où l'on débattra des questions relatives au milieu de
travail qui intéressent les deux parties.
La loi habilitera l'employeur ou l'administrateur général à prendre part,
avec les agents négociateurs, à des démarches conjointes d'amélioration du
milieu de travail. On entend, par amélioration conjointe du milieu de travail,
"la consultation par les parties sur les questions liées au milieu de
travail et leur participation à l'identification des problèmes relatifs à
celui-ci, à l'élaboration et à l'étude de solutions en vue de
l'adoption de celles dont elles conviennent." À l'évidence, on ne
peut confondre cette notion avec la cogestion.
Ces propositions nécessiteront des efforts et un changement d'attitude de la
part des gestionnaires et ce, à tous les niveaux. Je sais bien qu'il n'est
pas toujours facile de traiter avec nos partenaires, les agents négociateurs.
Et, ce n'est un secret pour personne, ils ne se gênent pas pour dire la même
chose à notre sujet. Mais la réalité avec laquelle nous devons et devrons
continuer à composer c'est que la fonction publique fédérale est syndiquée.
Beaucoup d'entre vous sont capables de collaborer avec les agents négociateurs
et le font déjà. Cette façon de faire doit cependant devenir la norme au sein
de la fonction publique. Car, ne l'oublions pas : une bonne gestion des
ressources humaines passe obligatoirement par des relations
patronales-syndicales constructives.
Apprentissage
À bien des égards, l'apprentissage constitue le fondement de tous nos
projets de réforme. Il permet de garantir une juste compréhension des valeurs
communes. C'est pourquoi l'apprentissage est la clé du perfectionnement en
leadership et du renforcement des capacités. Même les politiques et les systèmes
les plus efficaces au monde peuvent échouer si les personnes qui en sont
responsables ne possèdent pas la formation requise. En fin de compte, notre
capacité de fournir des résultats aux Canadiens dépendra de notre aptitude à
promouvoir une culture d'apprentissage continu, pour mettre au point une
organisation qui accepte de prendre des risques de façon responsable et qui ne
cesse de s'améliorer.
La nouvelle Loi sur l'École de la fonction publique du Canada prévoit une
fusion du Centre canadien de gestion et de Formation et perfectionnement Canada.
Le mandat de cette nouvelle école sera d'offrir des activités de formation
et de perfectionnement à tous les fonctionnaires, à travers le pays. L'intégration
de nos services de formation est essentielle pour coordonner efficacement les
activités d'apprentissage et acquérir les capacités et les connaissances nécessaires
pour s'adapter au changement.
Cette démarche intégrée reflète notre volonté de favoriser un apprentissage
continu à l'échelle de la fonction publique. L'efficacité d'une
organisation est tributaire de la compétence de ses employés. Si votre
personnel possède une formation pertinente et les outils nécessaires pour
assumer leurs tâches, votre travail n'en sera que facilité. Et en tant que
gestionnaires, vous devez également disposer de ressources qui vous permettront
de faire face aux défis que vous devez relever.
Conclusion
Les organisations qui réussissent sont celles qui investissent de façon stratégique,
c'est-à-dire qui créent un milieu de travail où le respect, l'équité et
la reconnaissance des personnes prévalent. En tant que cadres de la fonction
publique, votre rôle est essentiel à l'accomplissement de la réforme de la
gestion des ressources humaines et du changement de culture qui devra s'opérer
suite à cette réforme. Votre place dans la structure organisationnelle de la
fonction publique fait de vous un acteur clé.
Votre soutien et votre enthousiasme seront indispensables pour mener à bien ces
réformes et pour favoriser un changement de culture dans votre organisation.
Vous serez confrontés à des défis – notamment changer les mentalités
concernant la dotation et entamer de nouvelles relations syndicales-patronales.
Vous êtes les seuls à pouvoir guider vos employés jusqu'au bout de cette période
de transformation.
Les projets dont j'ai fait mention entraîneront probablement des dépenses
importantes et exigeront temps et énergie de la part des fonctionnaires.
Toutefois, il faut comprendre qu'il est nécessaire d'investir dans cette
institution - la fonction publique - qui a si bien servi le Canada pour
qu'elle puisse encore le faire pendant des années à venir.
Notre objectif est de transmettre à nos successeurs une fonction publique aussi
saine et aussi honorable qu'elle l'était il y a de cela une génération,
lorsque ses chefs actuels y sont arrivés. Il s'agit d'un projet ambitieux,
mais les Canadiens et les Canadiennes ne devraient absolument pas douter de son
succès.
Je veux remercier l'APEX, ses dirigeants et ses membres, pour son appui tout
au long des consultations que nous avons menées et vous dire personnellement
combien j'apprécie vos efforts pour qu'ensemble nous menions à terme ce
projet.
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