Discours par
L'honorable Lucienne Robillard
Présidente du Conseil du Trésor, et députée de Westmount-Ville-Marie
le 27 mars 2003
Montréal
Bonjour mesdames, messieurs. Je suis ravie d'être ici ce matin pour partager avec vous certaines de mes
idées sur la gestion des ressources humaines et sur les défis que doit relever le secteur public pour moderniser ses
pratiques.
Avant d'accepter mes responsabilités actuelles de présidente du Conseil du Trésor il y a trois ans et
demi, j'occupais le poste de ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration. J'ai beaucoup aimé ce portefeuille et en
particulier, tout ce qui touchait à la politique sociale. Nous traitions quotidiennement de questions qui suscitaient
émotions et passion.
Lorsque le Premier ministre m'a demandé de quitter Citoyenneté et Immigration pour devenir présidente
du Conseil du Trésor, j'étais enthousiaste, bien sûr, mais je dois admettre que j'étais également un peu déçue de
quitter un « portefeuille à dimension humaine ». Je pensais qu'au Secrétariat du Conseil du Trésor, je passerais mes
journées à nager dans des notions abstraites comme les bilans et les chiffres.
Mais j'avais tort.
Le Conseil du Trésor agit à titre de conseil de gestion du gouvernement - et une saine gestion concerne
d'abord et avant tout les personnes. Il faut trouver des façons de recruter les personnes qualifiées dont nous avons
besoin pour faire le travail. Il faut investir dans leurs compétences, les motiver et les inciter à se dépasser. Tout
organisme, qu'il soit privé ou public, doit être conscient du fait que sa prospérité et sa réussite reposent avant tout
sur la qualité de ses ressources humaines.
Le gouvernement du Canada est l'un des plus importants employeurs au pays. Je crois pouvoir affirmer
sans crainte de me tromper que notre effectif est le plus diversifié quant aux différents professionnels que nous
embauchons. Un tel effectif nécessite donc des pratiques de gestion des ressources humaines à la fois efficaces et
efficientes. Elles doivent aussi être souples et capables de s'adapter à cette réalité.
Vous êtes probablement en train de vous demander de quoi je parle, car ces qualificatifs sont rarement
associés au système de gestion du secteur public. On parle plutôt de rigidité, de bureaucratie et de contrôle.
Vous avez raison. Et il faut régler ce problème. Nous devons changer notre façon de gérer nos
ressources humaines. Nous devons créer de nouvelles structures et de nouveaux processus qui tiennent compte de la
réalité du XXIe siècle. Les attentes du public à l'égard du gouvernement sont de plus en plus grandes. Les
citoyens demandent et sont en droit de recevoir de meilleurs services, une gestion plus efficace des ressources et une
participation accrue au processus décisionnel. Et si nous ne changeons pas, nous risquons de perdre la confiance des
gens que nous devons servir et de perdre toute importance à leurs yeux.
L'objectif de notre programme de gestion moderne est d'adapter nos processus opérationnels aux réalités
changeantes. Il s'agit d'un programme ambitieux, mais essentiel, qui comprend une grande variété d'initiatives. Je suis
heureuse de pouvoir vous parler de ce programme ce matin et en particulier, du volet qui concerne la gestion des
ressources humaines. Je m'en tiendrai à l'essentiel pour pouvoir consacrer un maximum de temps à vos questions. Mes
propos porteront sur quelques sujets clés qui, je l'espère, susciteront la discussion.
- Je crois qu'il est important tout d'abord de vous décrire brièvement les principes généraux qui guident nos efforts
de réforme.
- Je vous parlerai ensuite de certains éléments du projet de modernisation de la gestion des ressources humaines. La
Loi sur la modernisation de la fonction publique, adoptée récemment en deuxième lecture à la Chambre des
communes, en constitue bien sûr le pivot central. Il s'agit de la première réforme législative d'envergure dans ce
domaine depuis plus d'une génération.
- Finalement, j'aborderai un aspect trop souvent négligé de la gestion des ressources humaines et de la gestion
moderne en général. Lorsqu'on parle des efforts de modernisation, on a tendance à ne parler que des politiques ou de
règlements spécifiques - et on perd de vue un élément fondamental. Je parle ici de nos valeurs. La présente conférence
porte sur l'innovation en gestion. Pour permettre à des gens d'innover, il faut leur faire confiance. Et la confiance
se manifeste uniquement lorsqu'on sait que tous les membres d'un organisme partagent une orientation éthique
commune.
1. Principes de la gestion moderne
Comme nous le savons tous, le gouvernement et le secteur privé doivent composer avec un contexte
opérationnel incertain et en pleine évolution, une évolution dont le rythme semble s'accélérer dans la foulée des
percées technologiques, de l'incertitude économique et d'un environnement en constante transformation sur le plan de la
sécurité. De plus en plus, les tâches quotidiennes demandent la maîtrise de nouvelles compétences et un niveau sans
précédent de connaissances technologiques.
Il s'agit d'une époque très stimulante pour ceux et celles d'entre vous qui oeuvrez dans le secteur de
l'administration publique. On est en train de revoir des processus bien implantés. On remet en question la méthode
traditionnelle de gestion axée sur le « commandement et le contrôle ». Les organismes centraux comme le Conseil du
Trésor et le Bureau du Conseil privé peuvent de moins en moins se permettre d'établir des règles prescriptives et
croire qu'elles peuvent s'appliquer à la réalité de chacun des- ministères. Et pour cause, la réalité du ministère de
la Défense nationale n'est pas celle d'Agriculture Canada. La nature du travail effectué au sein de ces ministères est
différente. Ils disposent de ressources différentes. Leur culture organisationnelle est différente.
Nous devons donc délaisser ce style de gestion monolithique et adopter une nouvelle philosophie. Le
pouvoir doit être délégué vers le bas, à l'échelon le plus pertinent sur le plan opérationnel.
C'est bien sûr plus facile à dire qu'à faire car il faut trouver un certain équilibre. Nous voulons que
nos gestionnaires de premier niveau soient habilités à prendre des décisions qui influent sur les programmes.
Parallèlement, nous voulons qu'ils soient davantage imputables de leurs décisions. Il faut que les gens se sentent
libres d'expérimenter et d'innover. Nous avons besoin de voir des résultats - mais pas à n'importe quel prix.
Contrairement au secteur privé où la fin justifie souvent les moyens, dans le secteur public, la façon d'accomplir
quelque chose est souvent aussi importante que le résultat lui-même.
Notre programme de gestion moderne vise en bonne partie à trouver cet équilibre - pour ainsi garantir
que nous disposerons de bonnes structures, de bons procédés et de bonnes ressources afin de donner aux citoyens un
gouvernement solidement ancré dans le XXIe siècle.
Nous progressons. Nous encourageons maintenant une gestion du risque plus intelligente. Nous élaborons
des mécanismes plus efficaces pour identifier les résultats et en rendre compte. Nous exploitons les nouvelles
technologies pour faire participer de façon plus efficace les citoyens que nous servons. Nous appelons cette démarche
Fonction de contrôleur moderne.
2. Modernisation de la gestion des ressources humaines
Parmi les différents efforts de réforme, je suis tout particulièrement fière de nos accomplissements
dans le domaine des ressources humaines. Le projet de loi que nous avons déposé le 6 février dernier correspond à la
première réforme législative d'envergure dans ce domaine en plus de 35 ans. Il ne s'agit pas de changements
superficiels mais bel et bien d'une réforme en profondeur qui marquera un point tournant dans l'évolution de la
fonction publique de notre pays.
La réforme s'inscrit dans le prolongement d'initiatives antérieures - Fonction publique 2000, La Relève
et d'autres projets semblables - mais sa portée est beaucoup plus vaste.
À mon avis, nous avons produit un projet de loi équilibré et ambitieux qui allègera la nature
procédurale et contradictoire du système actuel, qui améliorera les relations patronales-syndicales et qui précisera
les responsabilités et l'imputabilité de chacun.
Si le projet de loi est adopté plus ou moins dans sa forme actuelle, nos façons de faire vont changer.
Les responsabilités des cadres hiérarchiques augmenteront. Une nouvelle définition du mérite leur permettra d'exercer
davantage de jugement sur le plan de la dotation. Ils seront appelés à régler les plaintes liées à la dotation et
divers autres problèmes au sein même du milieu de travail. Ils travailleront de façon plus étroite et constructive avec
les représentants syndicaux pour régler les problèmes reliés au milieu de travail. Nous voulons mettre un accent plus
prononcé l'amélioration conjointe du milieu de travail avec les syndicats, c'est-à-dire travailler ensemble pour
identifier les problèmes pour ensuite élaborer et analyser ensemble les solutions appropriées.
Il s'agit là de changements très positifs. Évidemment, tout cela ne se fera pas du jour au lendemain.
La mise en oeuvre sera un processus complexe et graduel.
Nous devrons nous assurer que nous avons toutes les compétences nécessaires au cours des prochains
mois. Les gestionnaires devront acquérir des connaissances pratiques sur la façon de planifier leurs effectifs à une
époque caractérisée par les départs à la retraite, une forte concurrence dans le recrutement des gens compétents et une
population de plus en plus diversifiée. Cela exigera des investissements dans la formation et l'apprentissage. Cela
exigera un engagement et des efforts de communication soutenus.
De façon générale, les relations entre les administrateurs généraux, le Secrétariat du Conseil du
Trésor et la Commission de la fonction publique devront évoluer. Les ministères et les organismes centraux devront
trouver un équilibre entre laisser une marge de manoeuvre aux intéressés et maintenir un niveau d'intégration et des
normes acceptables à l'échelle de la fonction publique.
Les ministères et les organismes centraux devront maintenir un dialogue continu sur l'examen et la
surveillance des pratiques, afin que les lignes directrices et les pratiques ministérielles puissent être adaptées en
fonction des circonstances nouvelles ou changeantes. Les organismes centraux tout comme les ministères devront éviter à
la moindre difficulté de retomber dans leurs vieilles habitudes, c'est-à-dire utiliser des règles prescriptives
centralisées et de lourdes procédures.
Je le répète, tout cela ne se fera pas du jour au lendemain. De nombreuses questions doivent être
résolues. Mais je suis persuadée que ces changements seront apportés. Ils doivent l'être.
Je suis heureuse de souligner que les gens semblent véritablement enthousiastes. Le projet de loi a
reçu un solide appui. C'est une bonne nouvelle, parce que la poursuite de nos objectifs exigera la bonne volonté et
l'engagement actif d'un grand nombre d'intervenants - parlementaires, gestionnaires et syndicats. Le milieu
universitaire doit également faire partie de ce partenariat.
Je crois que nous n'avons pas fait suffisamment d'efforts au cours des années pour impliquer les
professionnels de l'administration publique à l'élaboration de nos politiques. Nous devons profiter davantage de
l'expertise du milieu de la recherche et d'organismes tels que l'Institut d'administration publique. Nous devons créer
des liens avec les cadres supérieurs de la fonction publique fédérale pour favoriser l'élaboration de propositions de
recherche et mettre les étudiants en contact avec ces intervenants de premier plan.
L'été dernier, nous avons fait un pas dans cette direction. Nous avons choisi quelques hauts
fonctionnaires qui assureront la liaison avec les écoles d'administration publique. Ces personnes auront pour tâche de
susciter le dialogue et d'être des ambassadeurs de la fonction publique.
C'est un commencement - et d'autres progrès seront réalisés au cours des prochains mois, j'en suis
convaincue, grâce au leadership d'organisations comme le Centre canadien de gestion et votre Institut. Plusieurs parmi
vous le savent, la loi propose la création d'une nouvelle École de la fonction publique du Canada en fusionnant le
Centre canadien de gestion et Formation et perfectionnement Canada. Je sais que la nouvelle institution continuera de
mettre à profit le rôle de premier plan que le Centre canadien de gestion a joué dans le passé.
3. Gestion fondée sur les valeurs
Évidemment, la réforme des ressources humaines ne se limite pas à des changements législatifs. La loi
est un outil clé de changement, mais d'autres mesures seront nécessaires. Le renouvellement de la gestion des
ressources humaines dans la fonction publique est un défi complexe et à long terme qui nécessitera, entre autres, la
réforme des politiques et pratiques qui régissent la gestion des effectifs, un nouvel engagement quant à
l'apprentissage, une importance accrue accordée au développement du leadership et, au bout du compte, un changement
considérable dans notre culture de travail.
Au moment où la fonction publique du Canada déploie tous ces efforts - et va de l'avant avec d'autres
éléments complémentaires du programme de gestion moderne - il est nécessaire de réaffirmer clairement nos valeurs. Dans
un milieu où l'on augmente les responsabilités des gestionnaires, il faut pour avoir un système de reddition de comptes
efficace, que les gestionnaires aient une même orientation éthique et une idée commune de ce qui constitue un
comportement professionnel acceptable dans la gestion des ressources ainsi que dans leurs relations avec les
partenaires du secteur privé, les autres fonctionnaires, les ministres et le public en général.
Nous devons donc élargir le dialogue collectif sur les valeurs et l'éthique. Nous apprenons à incarner
des valeurs lorsque nous voyons d'autres personnes le faire. Nous apprenons à bien faire lorsque nous voyons d'autres
personnes bien faire. Nous apprenons donc par l'exemple. Ce sont les actes qui donnent vie aux valeurs et non pas les
paroles.
Évidemment, les valeurs organisationnelles ne peuvent pas remplacer les règles et les règlements; les
valeurs aident plutôt les fonctionnaires dans leur application. Il ne peut y avoir une nouvelle règle pour chaque
nouvelle situation à une époque aussi turbulente que la nôtre. Il faut conserver en place des règles de base et les
appliquer à l'intérieur d'un cadre de valeurs.
Je voudrais vous mentionner que nous élaborons à l'heure actuelle un tel cadre - un code des valeurs et
de l'éthique. Idéalement, ce code sera un outil de gestion fondé sur les valeurs qui décrira brièvement les critères
d'une conduite professionnelle appropriée et guidera l'examen de l'actuel Code régissant les conflits d'intérêts et
l'après-mandat s'appliquant à la fonction publique. On y réaffirmera les valeurs qui sont chères à la fonction
publique : l'intégrité, l'équité et l'impartialité. Le code servira également à améliorer l'imputabilité afin de
respecter les attentes considérables des Canadiens envers leurs institutions publiques.
Le code sera un complément aux autres mesures que nous avons prises en ce sens et aidera à renforcer
davantage notre capacité à apporter des changements en matière de gestion.
* * *
Mesdames, messieurs, comme je l'ai dit plus tôt, il s'agit là d'une époque stimulante pour les
professionnels de l'administration publique. J'aimerais beaucoup connaître votre opinion sur notre démarche et notre
projet de loi.
Je sais que les gens sont toujours sceptiques quand on leur dit qu'un vent de changement souffle sur la
fonction publique, mais je crois que nous avons toutes les raisons d'être optimistes. Nous élaborons les bons outils.
Nous posons les bonnes questions. De plus, nous ne tentons pas d'y arriver sans l'aide de personne. Le secteur privé,
les organismes à but non lucratif et le milieu universitaire possèdent une vaste expertise et nous sommes déterminés à
en tirer parti.
Après tout, ce projet nous concerne tous. En effet, il est dans notre intérêt à tous de bâtir un
meilleur gouvernement - pour nous-mêmes et pour notre pays.
J'aimerais remercier les organisateurs de m'avoir invitée à prendre la parole ce
matin. Si vous avez
des questions, je serai heureuse d'y répondre.
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