Discours par
L'honorable Lucienne Robillard
Présidente du Conseil du Trésor, et députée de Westmount-Ville-Marie
le 16 septembre 2003,
1. Introduction
Monsieur le Président, je suis heureuse de comparaître une deuxième fois
devant le Comité pour vous parler de la Loi sur la modernisation de la
fonction publique. J'aimerais vous présenter les personnes qui
m'accompagnent ce matin : monsieur Jim Judd, secrétaire du Conseil du Trésor,
et madame Monique Boudrias, sous-ministre adjointe et conseillère principale du
Groupe de travail sur la modernisation de la gestion des ressources humaines
dans la fonction publique.
J'ai suivi avec beaucoup d'intérêt les délibérations du Sénat, et je me
réjouis de la profondeur des discussions que vous avez eues. Je suis, tout
comme vous, très attachée à la fonction publique du Canada, et je partage
votre désir de protéger les valeurs qui la distinguent depuis si longtemps :
la non-partisanerie, l'équité et l'excellence. Ce sont des valeurs qui ne
feront l'objet d'aucun compromis.
En tant que parlementaires et en tant que Canadiens et Canadiennes, nous
avons tous intérêt à ce que le gouvernement du Canada continue d'offrir à la
population les services de haute qualité qu'elle attend et qu'elle mérite. Il
ne faut pas oublier toutefois que nous vivons à une époque où les attentes et
les besoins changent rapidement. Nous devons donc être prêts à nous adapter,
et capables de le faire, si nous voulons être en mesure de continuer à bien
servir la population canadienne. Nous devons avoir à notre disposition les bons
systèmes et les bons processus pour pouvoir atteindre l'excellence.
Je suis convaincue que le projet de loi C-25 et les autres initiatives de
réforme de la gestion nous permettront de faire de nombreux changements
nécessaires, et c'est pourquoi je suis heureuse d'avoir la chance de vous
parler encore une fois de ce projet de loi.
Lors de ma première comparution, je vous ai expliqué en détails ce que
nous voulons accomplir avec le projet de loi C-25. Nous voulons améliorer la
dotation. Nous voulons créer des milieux de travail plus positifs et plus
productifs. Nous voulons clarifier la responsabilisation. Et nous voulons mettre
en place des programmes de formation mieux coordonnés. Je n'ai pas l'intention
de revenir sur chaque élément du projet de loi. Vous les connaissez déjà
fort bien. Je me contenterai plutôt de vous parler de quelques éléments
particuliers. J'espère ainsi réussir à clarifier ces éléments et à
dissiper vos préoccupations à leur sujet.
Je commencerai par vous parler de la dotation, et notamment de la question du
mérite et du besoin de mettre en place des pratiques de dotation équitables et
non partisanes.
2. Dotation et recours en matière de dotation
On s'entend en général sur un point : le système de dotation actuel ne
fonctionne pas. La vérificatrice générale ainsi que de nombreux témoins qui
ont comparu devant vous ont fait état des nombreux problèmes qui existent. Le
système actuel est devenu trop lourd. Il force les gestionnaires à consacrer
trop de leur temps pour s'assurer du respect des nombreuses règles plutôt
qu'à placer les bonnes personnes aux bons postes en temps voulu.
Le projet de loi C-25 vise à corriger cette situation. En définissant
clairement en quoi consiste le mérite, nous pouvons éliminer les procédures
rigides et prescriptives afin de mettre en place un régime qui convient mieux
à nos réalités opérationnelles.
Définir le mérite ne veut pas dire le vider de sa substance. Nous ne
voulons en aucune façon mettre en péril des valeurs aussi importantes que la
non-partisanerie. Nous n'ouvrons pas la porte aux candidats qui ne sont pas
qualifiés. Les candidats choisis devront continuer de posséder les
qualifications essentielles pour le travail à accomplir, notamment
l'expérience, les compétences, la scolarité et les qualités personnelles.
Qualifications essentielles n'est pas synonyme de qualifications minimales. Il
s'agit en fait des mêmes critères qui servent actuellement de base aux
évaluations.
Soyez assurés que le projet de loi n'élimine pas les concours. À l'heure
actuelle, la Commission de la fonction publique détermine les circonstances où
la tenue d'un concours et l'évaluation de nombreuses candidatures s'imposent et
où la prise en considération d'une seule candidature est permise. Le projet de
loi C-25 ne change rien à cela.
La Commission de la fonction publique conservera son pouvoir de faire toutes
les nominations, de déléguer ce pouvoir aux administrateurs généraux en
l'assortissant de conditions, de surveiller l'utilisation qu'ils en font et de
modifier ou d'annuler la délégation au besoin.
Elle aura en outre le pouvoir d'établir des politiques, des règlements et
des lignes directrices sur les procédures de dotation. Elle pourra faire
enquête sur les processus de nomination externes pour s'assurer que le principe
du mérite a été respecté et aura le pouvoir de révoquer une nomination ou
d'imposer des mesures correctives si elle le juge à propos. La Commission
conservera de plus son pouvoir de faire enquête sur les processus de sélection
frauduleux et les nominations à saveur partisane.
Le projet de loi C-25 propose également de créer un organisme totalement
indépendant du pouvoir de nomination, soit le Tribunal de la dotation de la
fonction publique, pour gérer le régime de recours et mettre les employés à
l'abri des abus de pouvoir.
Ces mesures nous permettront de bien protéger le mérite en ne laissant
aucune place au favoritisme bureaucratique ou politique.
3. Zone nationale de sélection
J'aimerais maintenant vous parler d'une autre question soulevée par les
membres de comité, soit l'utilisation de la zone nationale de sélection pour
tous les concours. Nous sommes tous d'accord pour dire que c'est, en théorie,
une très bonne idée. La difficulté ne réside pas dans le principe, mais dans
son application.
Il s'agit d'un problème complexe qui ne peut être réglé du jour au
lendemain. Il faut entre autres tenter de trouver un équilibre entre
accessibilité, utilisation efficiente des fonds publics et rapidité. C'est
tout un défi. Nous faisons néanmoins des progrès. La zone nationale de
sélection est actuellement utilisée pour combler les postes d'agents
supérieurs, notamment les postes de cadres. Elle est également utilisée pour
le recrutement postsecondaire et les programmes de recrutement d'étudiants.
C'est un bon début, et nous continuerons de travailler dans cette direction.
J'appuie donc sans réserve le plan d'action de la Commission de la fonction
publique qui vise à accroître graduellement l'utilisation de la zone nationale
de sélection. J'ai discuté de la question avec mes hauts fonctionnaires, et
nous sommes fermement résolus à accorder à la Commission de la fonction
publique le soutien financier nécessaire pour la mise en place des outils
appropriés afin d'élargir l'accès aux emplois pour tous les Canadiens et
Canadiennes le plus rapidement possible.
Je tiens en particulier à saluer l'engagement de la Commission de la
fonction publique à faire rapport une fois par année au Parlement sur les
progrès accomplis. Nous serons ainsi en mesure de nous assurer que cette
question demeure une priorité pour chacun et chacune d'entre nous.
4. Apprentissage
Je suis heureuse de dire, par ailleurs, que notre désir de créer une École
de la fonction publique du Canada a été fort bien accueilli par tous. Les gens
reconnaissent l'importance d'adopter une stratégie plus cohérente et mieux
intégrée en matière d'apprentissage permanent. Le regroupement des services
proposé dans le projet de loi C-25 est indispensable pour améliorer la
prestation des activités de perfectionnement et de formation. C'est là un
important pas en avant pour nous assurer que notre main-d'œuvre possède les
capacités et les compétences nécessaires pour toujours mieux servir les
Canadiens et Canadiennes.
Cela étant dit, il y a un aspect particulier qui a suscité des
interrogations. Beaucoup de gens m'ont demandé pourquoi la formation
linguistique ne faisait pas partie du mandat de la nouvelle École. Nous avons
réévalué la question et j'ai le plaisir d'annoncer aujourd'hui que si le
projet de loi C-25 reçoit la sanction royale, le gouvernement transférera
Formation linguistique Canada au sein de la nouvelle École.
5. Valeurs et éthique
Le dernier élément que j'aimerais aborder aujourd'hui est la dénonciation
d'actes fautifs en milieu de travail. C'est d'ailleurs un sujet qui a tenu une
place importante dans vos délibérations.
Au fur et à mesure que progressent le projet de loi C-25 et les autres
mesures de réforme de la gestion, le gouvernement du Canada réaffirme
fermement son engagement à l'égard d'une fonction publique au sein de laquelle
les employés peuvent honnêtement et ouvertement discuter de leurs
préoccupations sans crainte de représailles. Nous voulons que les actes
fautifs soient divulgués afin que les problèmes qu'ils engendrent soient
réglés.
Et je crois que nous faisons des progrès de ce côté. Nous avons, par
exemple, travaillé en étroite collaboration avec nos partenaires syndicaux
pour remédier au problème du harcèlement en milieu de travail. Nous avons
dernièrement lancé un nouveau code de valeurs et d'éthique, fruit de
consultations et de discussions approfondies dans la fonction publique. Le Code
comprend une révision des lignes directrices relatives aux conflits d'intérêt
ainsi qu'une mise à jour des mesures concernant l'après-mandat, qui énoncent
clairement les valeurs véhiculées dans la fonction publique. Le Code ne se
veut pas une pieuse déclaration d'intention, il est véritablement assorti de
pouvoirs. Quiconque a des raisons de croire que le Code a été violé, ou est
en voie de l'être, peut s'en remettre à l'agent de l'intégrité de la
fonction publique. Toute dérogation au Code peut mener à des sanctions
disciplinaires pouvant aller jusqu'au congédiement.
D'autres importantes initiatives viennent s'y ajouter, notamment le guide à
l'intention des sous-ministres et le Cadre de responsabilisation de gestion.
Toutes ces mesures constituent des pas dans la bonne direction. Bien entendu,
ces mesures ne seront pas suffisantes à elles seules. Comme le signalait hier
M. Keyserlingk dans son premier rapport annuel, trop de fonctionnaires n'ont pas
encore pris connaissance de la politique sur la divulgation d'actes fautifs ou
ne savent pas comment l'utiliser. Certains considèrent de plus que ces mesures
ne sont pas suffisantes.
Nous accueillons favorablement les points de vue de M. Keyserlingk et le
remercions de ses commentaires réfléchis et très à propos. Aussi, nous
devons agir rapidement pour remédier aux problèmes qu'il a soulevés.
C'est pourquoi je suis heureuse d'annoncer la création d'un groupe de
travail qui sera chargé d'examiner la question et de proposer des solutions
concrètes. M. Keyserlingk a accepté d'y siéger, et d'autres intervenants et
spécialistes de premier plan se joindront à lui.
Je leur demanderai d'examiner les différentes solutions adoptées dans
d'autres pays et de proposer un modèle typiquement canadien, qui tient compte
de notre réalité opérationnelle ainsi que de nos traditions, nos valeurs et
de nos normes d'éthique.
Il ne s'agit pas d'un processus d'examen sans limite. Il existe déjà
considérablement d'information et d'expertise dans le domaine. Nous ne partons
pas de zéro. Les parlementaires se sont déjà penchés sur la question à
maintes reprises, y compris le présent comité. C'est pourquoi l'échéancier
sera très serré. Je m'attends à ce que le groupe de travail commence ses
travaux dans quelques semaines et je demanderai à ce qu'il me soumette son
rapport d'ici la fin janvier 2004. Je compte par la suite soumettre leur rapport
aux parlementaires pour qu'ils l'examinent. Ils pourront tenir des consultations
sur les recommandations qu'il contient et présenter au gouvernement un rapport
final sur les mesures qui devraient être prises, y compris les options
législatives.
Il s'agit là, à mon avis, de la manière la plus prudente et la plus
appropriée d'aborder une question qui revêt beaucoup d'importance à nos yeux,
et dont les ramifications complexes nécessitent un examen sérieux. Ne vous
méprenez pas, je suis déterminée à trouver la meilleure solution possible.
6. Conclusion
Monsieur le Président, vous avez écouté un large éventail de témoins.
Tous ne s'entendent pas sur les mesures particulières qui s'imposent pour
réaliser la réforme de la gestion. Un consensus se dégage toutefois sur un
point : nous devons agir.
Nous devons lancer à tous un message clair : la réforme est possible et
nous pouvons améliorer constamment la façon dont nous servons le public. Une
loi donne une impulsion au changement qu'aucune autre réforme ne peut imiter.
Je suis convaincue que le projet de loi C-25 contient des mesures de réforme
de la gestion qui sont équilibrées et solides sur le plan juridique. C'est un
projet de loi rigoureux et bien pensé qui se fait attendre depuis trop
longtemps déjà. Je tiens à vous rappeler qu'il prévoit un processus d'examen
automatique dans cinq ans. Ce processus nous permettra de réétudier la loi et
son application et d'y apporter des modifications au besoin. Il garantit ainsi
que nous n'attendrons pas encore 35 ans, si le besoin s'en fait sentir, avant de
passer à l'action.
Le projet de loi C-25 modifiera de façon tangible le cours des choses. C'est
l'outil le plus solide dont nous disposons pour transformer profondément la
gestion de nos ressources humaines. Et je crois sincèrement qu'il atteindra son
but, c'est-à-dire créer une fonction publique qui sert plus efficacement les
Canadiens et Canadiennes, une fonction publique solidement ancrée dans ses
traditions et qui avance avec confiance vers l'avenir.
Je vous remercie de votre attention. Je me ferai maintenant un plaisir de
répondre à vos questions.
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