Discours par
L'honorable Lucienne Robillard
Présidente du Conseil du Trésor, et députée de Westmount-Ville-Marie
Devant le Comité sénatorial des langues officielles
le 5 mai 2003,
Introduction
Madame la présidente,
Mesdames et Messieurs les sénateurs
Je suis heureuse d'être parmi vous aujourd'hui car l'intérêt
soutenu des membres de votre comité pour l'avancement du dossier
des langues officielles dans notre pays s'avère un incitatif fort
important pour la fonction publique du Canada.
L'année 2003 sera une année marquante pour la fonction
publique. D'abord parce que nous modernisons toute la gestion du
système des ressources humaines mais aussi parce que nous
relançons le programme des langues officielles dans la fonction
publique
Comme vous le savez, le 12 mars dernier, le Premier ministre
Jean Chrétien a dévoilé le plan d'action en question et l'un des
volets vise une fonction publique exemplaire.
Mais qu'entendons-nous par fonction publique exemplaire?
Une fonction publique vraiment exemplaire serait en mesure
d'offrir des services de la plus haute qualité aux Canadiens et
aux Canadiennes dans la langue officielle de leur choix. Elle
permettrait en même temps aux employés de travailler dans la
langue officielle de leur choix dans les régions désignées
bilingues tout en favorisant le développement des communautés de
langue officielle en situation minoritaire.
Bien entendu, nous avons fait des progrès considérables depuis
l'entrée en vigueur de la Loi sur les langues officielles
il y a une trentaine d'années, mais il reste encore beaucoup à
faire avant que la fonction publique ne soit exemplaire en
matière de langues officielles.
En 2002, nous avons consulté les employés à l'échelle du pays
pour pouvoir déterminer quelles sont leurs perceptions et
attitudes face à l'utilisation des deux langues officielles dans
la fonction publique du Canada. L'étude, qui était une première
dans l'histoire de notre institution, a révélé que les
fonctionnaires appuient les principes fondamentaux des politiques
relatives aux langues officielles. Ce soutien est tout
particulièrement élevé en matière de service au public puisque 92
% des répondants ont indiqué qu'il est important pour eux de
servir le public dans les deux langues officielles.
On peut donc voir que la bonne volonté des employés est là et
qu'elle est vigoureuse. Mais cela ne veut pas dire pour autant
que tout est parfait. De fait, les conclusions de cette enquête
montrent qu'il existe un manque de connaissances à la base et
cette lacune entraîne des réactions diverses chez les
fonctionnaires. L'étude démontre aussi qu'il existe un rapport
étroit entre l'exposition à la dualité linguistique et l'adhésion
à la politique sur les langues officielles.
Il est donc primordial que nous rectifions le tir afin de
véhiculer une vision claire et homogène en ce qui a trait au
bilinguisme dans les institutions fédérales.
L'atteinte de cet objectif nécessitera l'apport de tous. Notre
démarche s'appuiera sur une transformation profonde de la culture
au sein de la fonction publique. Nous nous appliquerons aussi à
renforcer la capacité linguistique de nos institutions tout en
veillant à ce qu'elles aient les ressources nécessaires afin de
pouvoir s'acquitter de leurs obligations linguistiques.
1. Nécessité d'un changement de culture
Il est évident qu'un changement de culture est de mise pour
arriver à des résultats durables. Une approche qui met l'accent
sur les règles et sur le respect des dispositions de la
Loi a certes ses qualités, mais aussi ses limites. Il faut
plutôt viser l'excellence en matière de bilinguisme. Nous avons
besoin de moderniser notre approche pour adopter une démarche qui
prend racine dans les valeurs qui sont chères aux Canadiens et
aux Canadiennes, des valeurs d'inclusion et de respect d'autrui.
En effet, servir la population dans la langue officielle de son
choix témoigne de notre respect envers les communautés de langue
officielle du Canada.
La stratégie que nous avons l'intention de mettre en oeuvre
s'appuiera sur une campagne de sensibilisation à l'échelle de la
fonction publique. Elle visera entre autres à transformer les
attitudes et les comportements des fonctionnaires de manière à
créer un climat plus propice à l'utilisation des deux langues
officielles. La haute direction de la fonction publique aura un
rôle primordial à jouer à cet égard, car l'exemple doit venir
d'en haut. Nous encouragerons les gestionnaires à faire preuve
d'un leadership soutenu et à travailler avec leurs employés afin
d'ancrer davantage le bilinguisme dans leur milieu de travail
respectif. D'ailleurs, des mesures concrètes ont été prises à cet
effet.
Le gouvernement a introduit en 1998, une politique concernant
les exigences linguistiques des cadres supérieurs de la fonction
publique et selon laquelle, ces gestionnaires doivent avoir un
niveau de bilinguisme élevé afin de pouvoir encourager leurs
employés à utiliser la langue de leur choix dans le cadre de leur
travail. La plupart de ces cadres devaient acquérir les
compétences linguistiques au plus tard le 31 mars 2003. Au début
du mois d'avril dernier, j'ai annoncé que le nombre de ceux qui
avaient le niveau de bilinguisme requis était de 2107. Je profite
de cette occasion pour annoncer qu'aujourd'hui, ce nombre s'élève
à 2137 (plus de 90%). Ce sont certainement des résultats
encourageants, mais les efforts doivent continuer. Je tiens
également à souligner que ceux qui n'ont pas pu rencontrer
l'échéancier ne peuvent pas rester dans leurs fonctions. Nous
devons tous veiller au respect de nos engagements.
La dualité linguistique est une richesse, un avantage qui
permet plus de possibilités et élargit les horizons que ce soit
sur le plan professionnel ou personnel. En effet, le fait d'avoir
deux langues officielles est un atout important pour la fonction
publique et les Canadiens. Dans une économie mondiale, la
population canadienne a besoin d'une fonction publique moderne
qui est en mesure de la servir dans les deux langues officielles
et qui est représentative des différentes collectivités composant
notre société. Le bilinguisme constitue certainement un élément
de compétitivité qui ne peut que profiter à notre
organisation.
2. Renforcement de la capacité linguistique
Il devient évident aussi qu'une nouvelle approche ne peut se
concrétiser si elle n'est pas soutenue par des politiques qui
vont dans le même sens. Le moment est donc venu de revoir nos
politiques afin de nous assurer qu'elles véhiculent une vision
claire et renouvelée. C'est aussi l'occasion de nous interroger
sur le bien-fondé de certaines pratiques et de déterminer si
elles sont toujours valables à la lumière des objectifs que nous
nous sommes fixés.
Dotation des postes bilingues
En regard de la politique sur la dotation, j'ai indiqué à
quelques reprises que nous considérions l'élimination progressive
de la dotation non impérative en commençant par les niveaux
supérieurs et en allant vers le bas. On privilégierait le
recrutement de candidats déjà bilingues pour la dotation des
postes bilingues. Ainsi, le bilinguisme deviendrait un critère
parmi plusieurs autres pour accéder aux postes bilingues de la
fonction publique. Il faut souligner que présentement la dotation
de l'ensemble des postes bilingues se rapproche dans les faits
d'une dotation impérative. La proportion des titulaires de postes
bilingues qui satisfont aux exigences linguistiques lors de la
nomination s'élève à 96,6 p. 100.
Nous étudions également les propositions de la Commissaire aux
langues officielles par rapport à la dotation des postes
bilingues. La commissaire a proposé l'élimination de la dotation
non impérative en commençant d'abord par le recrutement à
l'interne pour les postes de cadres à partir d'avril 2004 et pour
les autres postes bilingues à compter d'avril 2006. Pour ce qui
est de l'embauche externe, il a été suggéré qu'on maintienne
encore pour une certaine période la possibilité de recruter des
personnes ne répondant pas aux exigences du bilinguisme.
Formation linguistique
Bien entendu, le gouvernement ne souhaite pas se priver
d'employés ni de cadres compétents. C'est pourquoi nous devons
continuer d'aider les fonctionnaires qui ne possèdent pas les
compétences requises dans l'autre langue officielle. Aussi, au
lieu d'opter pour une démarche radicale d'élimination de la
dotation non impérative, nous envisageons une approche
progressive combinée à un meilleur accès à la formation
linguistique pour les employés au début de leur carrière.
Dans le cadre du plan d'action, les sommes allouées à la
formation linguistique vont non seulement nous permettre de
réduire les délais d'attente pour la formation, mais aussi
d'informatiser le matériel pédagogique et de diversifier les
méthodes d'apprentissage afin de les adapter aux besoins des
employés.
Innovation
De plus, le Secrétariat du Conseil du Trésor s'est engagé à
aider les ministères et organismes à développer de nouvelles
méthodes de prestation de services au public et à intégrer la
dualité linguistique dans leurs pratiques et leurs valeurs de
base.
Ainsi, deux nouveaux fonds seront bientôt créés. Le Fonds
pour les partenariats régionaux sera mis à la disposition des
conseils fédéraux régionaux pour les aider à financer des projets
visant à améliorer le service au public. Quant au Fonds
d'innovation en matière de langues officielles, il fournira des
ressources de contrepartie aux divers ministères et organismes
pour qu'ils mettent sur pied des projets novateurs visant à
améliorer le service au public, la langue de travail dans les
régions désignées bilingues ou encore l'accès à l'emploi et la
promotion à l'intention des deux collectivités de langue
officielle.
3. Optimisation des résultats
Grâce au financement supplémentaire prévu dans le plan
d'action sur les langues officielles, nous pourrons renforcer les
mesures de suivi auprès des ministères et organismes fédéraux et
faire en sorte que la Direction des langues officielles du
Secrétariat du Conseil du Trésor devienne un centre
d'excellence.
Ce centre serait le point de repère vers lequel les ministères
et organismes assujettis à la Loi sur les langues
officielles se tourneraient pour obtenir appui, conseils et
informations afin qu'ils puissent viser et atteindre l'excellence
en matière de bilinguisme. En outre, il se consacrera à
l'orientation des politiques, à l'évaluation des ministères et à
la communication des résultats.
Le Secrétariat du Conseil du Trésor a déjà en place des
mécanismes qui lui permettent d'évaluer les activités des
ministères, organismes et sociétés d'État, notamment dans le
cadre de la préparation du rapport annuel. Pour rendre cet
exercice encore plus efficace, nous avons l'intention d'élaborer
de nouveaux indicateurs de rendement ainsi que des outils
d'évaluation et d'auto évaluation que les institutions pourront
utiliser pour mesurer leur capacité dans la prestation des
services bilingues.
Conclusion
Madame la présidente,
Mesdames et Messieurs les sénateurs
Comme vous pouvez le constater, le dossier des langues
officielles est en pleine effervescence. Plusieurs projets sont
menés sur différents fronts afin de changer la culture au sein de
la fonction publique et dans le but ultime de rendre notre
institution plus efficace, plus efficiente et surtout plus proche
de la population qu'elle sert. L'étude qui a été menée auprès des
employés de la fonction publique au sujet du bilinguisme nous
confirme la pertinence de cette orientation.
La démarche du Secrétariat du Conseil du Trésor à l'égard du
bilinguisme va au-delà des règles de base, elle vise rien de
moins que l'excellence même. L'approche adoptée s'inspire des
valeurs fondamentales qui caractérisent la culture canadienne.
Elle s'inscrit dans un esprit de respect pour les citoyens et
pour les employés de la fonction publique au service de notre
pays.
Nous sommes arrivés à un tournant. Le virage que nous entamons
sera décisif pour l'avenir de notre institution car il jettera
les bases d'une fonction publique exemplaire. Le changement est
amorcé et je peux vous dire que c'est un privilège pour moi
d'être aux premiers rangs de ce grand projet.
Mes collègues et moi sommes à votre disposition pour répondre
à vos questions.
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