Notes pour une allocution
de Charles-Antoine St-Jean,
contrôleur général du Canada,
lors du Forum intergouvernemental sur la gestion du risque 2005
du Conference Board du Canada
Ottawa
20 octobre 2005
L'allocution prononcée fait foi
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Bon
après-midi à tous.
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J'aimerais
remercier le Conference Board du Canada d'avoir organisé ce forum.
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Et
j'aimerais le remercier et le féliciter des recherches qu'il a réalisées
jusqu'à présent sur le leadership et la gestion financière dans
l'administration fédérale.
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Je
tiens aussi à remercier personnellement Janet Milne du travail qu'elle a
accompli et de la présentation qu'elle nous a faite ce matin.
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Les
entrevues et les sondages menés dans le cadre des recherches nous donnent un
bon aperçu de la collectivité supérieure de la gestion financière, et ils nous
sont utiles pour cerner quelques-unes des principales préoccupations de la
collectivité.
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Ces
préoccupations sont à l'image des commentaires que j'ai entendus lors de mes
rencontres et de mes consultations avec des agents financiers supérieurs et des
agents financiers supérieurs à temps plein de l'administration fédérale.
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Mon
bureau s'efforce certes d'aborder ces préoccupations, et j'ai bien hâte de
connaître les résultats des prochaines phases des recherches menées par le
Conference Board.
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On m'a
demandé de vous entretenir aujourd'hui de la gestion du risque et du rôle du
DPF dans le secteur public.
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Je me
concentrerai donc sur mon expérience dans l'administration fédérale, en
commençant par le contexte actuel de la gestion financière. Ensuite, j'aimerais
vous entretenir du nouveau modèle de dirigeant principal des finances, ou DPF,
pour les contrôleurs ministériels. Et je conclurai mes propos en vous parlant
du rôle du DPF et de la vérification interne dans la gestion du risque.
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Mais
d'abord, le contexte actuel.
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L'amélioration
de la gestion dans le secteur public, qui, bien entendu, inclut la gestion
financière, est une priorité importante du gouvernement depuis au moins le
dépôt du budget de 2003.
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À la
suite de ce budget, le Bureau du contrôleur général a été rétabli le
12 décembre 2003.
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Le 1er juin 2004,
j'ai été nommé contrôleur général du Canada et reçu le mandat de renforcer la
fonction de contrôleur et la surveillance dans l'administration fédérale,
particulièrement en ce qui concerne la gestion financière et la vérification.
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Mon
bureau n'a cessé depuis de s'occuper de ces dossiers.
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Et
nous accomplissons des progrès.
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L'une
de mes responsabilités consistait à élaborer un modèle pour le poste de
contrôleur ministériel.
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Après
de vastes consultations, aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur de
l'administration fédérale, nous avons élaboré un modèle pour les contrôleurs
ministériels fondé sur le modèle de dirigeant principal des finances, ou DPF.
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Il
s'agit d'un modèle à trois niveaux selon la taille du ministère.
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Plusieurs
facteurs sont entrés en ligne de compte dans le cadre de l'élaboration de ce
modèle.
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Par
exemple, nous voulions nous assurer qu'il n'y aurait aucune confusion au sujet
des responsabilités. Tout le monde doit bien comprendre les responsabilités de
chacun.
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Donc, nous nous sommes assurés que les responsabilités
et les rôles sont bien définis et que les processus sont transparents.
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Le
modèle assure aussi que le DPF est indépendant des opérations et des
programmes. Il doit avoir l'indépendance voulue pour dire les choses telles
qu'elles sont.
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Ensuite,
nous nous sommes penchés sur la place que devrait occuper le DPF au sein de
l'organisation.
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Dans
le modèle que nous avons élaboré, le DPF sera au niveau de sous‑ministre
adjoint dans les grands et moyens ministères et il relèvera directement de
l'administrateur général. Certains seront au niveau de SMA principal, voire
même à un niveau supérieur.
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Est‑ce
parce que le DPF doit siéger au conseil de gestion pour que la gestion financière
obtienne l'attention qu'elle mérite.
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Et
pour que le DPF ait l'influence et l'accès que le poste exige.
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Nous
avons aussi examiné attentivement les compétences et l'expérience
professionnelles que devrait posséder le DPF.
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Selon
ce modèle, tous les DPF devront être accrédités à une association de comptables
professionnels.
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Il est
évident qu'au fur et à mesure que les DPF se verront confier des
responsabilités nouvelles et accrues –
comme la réaffection et la fonction de remise en question – de nouvelles
compétences seront nécessaires.
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Et
nous sommes déterminés à assurer que les DPF ont les outils et bénéficient des
possibilités de formation et de perfectionnement professionnel dont ils ont
besoin pour réussir.
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Actuellement,
15 des agents financiers supérieurs des 25 ministères les plus importants
sont déjà accrédités à une association de comptables professionnels, et un
certain nombre d'agents financiers supérieurs et d'agents financiers supérieurs
à temps plein sont maintenant inscrits à des programmes à l'intention des
cadres supérieurs afin d'obtenir leur accréditation à une association de
comptables professionnels.
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Bien
entendu, une saine gestion financière ne repose pas uniquement sur les épaules
du DPF.
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Il
doit être soutenu par des personnes compétentes.
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Je
reconnais que notre capacité globale de gestion financière comporte des
lacunes, et cette préoccupation a été soulevée dans les recherches menées par
le Conference Board.
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L'évolution
actuelle des effectifs pose des défis importants. De plus en plus de nos
baby-boomers expérimentés atteignent l'âge de la retraite.
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En
même temps, l'inscription à divers programmes de formation en comptabilité
diminue, dans certains cas, de façon marquée.
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Ce qui
signifie que le marché de l'emploi pour les employeurs deviendra de plus en
plus concurrentiel.
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De
fait, je connais des entreprises canadiennes qui recrutent leur personnel
financier dans des endroits aussi éloignés que les Philippines et la Roumanie.
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C'est
pourquoi notre Direction du renforcement de la capacité et du développement de
la collectivité mène des efforts sur un certain nombre de plans pour assurer
que nous puissions compter sur une collectivité de la gestion financière solide
et dynamique.
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Et
nous faisons de même pour la collectivité de la vérification interne.
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Nous
mettons en place certains programmes novateurs pour assurer le perfectionnement
et le recrutement des personnes talentueuses dont nous avons besoin.
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Par
exemple, nous collaborons avec les principales organisations professionnelles,
comme les Comptables en management accrédités du Canada, l'Association des
comptables généraux accrédités du Canada et l'Institut Canadien des Comptables
Agréés pour voir comment nous pourrions tirer profit des programmes qu'elles
offrent pour aider nos gestionnaires et nos cadres à obtenir leur
accréditation.
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Plus
tôt cette semaine, j'ai participé avec plaisir au lancement d'un nouveau projet
conjoint d'accréditation de Comptables en management accrédités du Canada et du
Chartered Institute of Public Finance and Accountancy.
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Il
s'agit d'un programme de formation en comptabilité professionnelle permettant
d'obtenir deux titres de compétences en comptabilité conçus pour répondre aux
besoins uniques du secteur public canadien.
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La
Direction s'efforce aussi de régler certains problèmes structurels, notamment
la classification et la rémunération, qui ont aussi été relevés dans les
recherches.
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J'aimerais
maintenant passer à la question suivante : Quelle est la place du DPF dans
la gestion du risque?
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D'abord
et avant tout, le DPF donne à l'administrateur général l'assurance d'une
diligence raisonnable et de l'intégrité de la gestion financière.
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Autrement
dit, il assure que tous les bons contrôles sont en place et que les décisions
sont prises en se fondant sur des renseignements rigoureux concernant les
finances et la gestion.
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Lors
d'un récent colloque international sur la gestion financière, organisé
conjointement par mon bureau et les États‑Unis, mon homologue du Royaume‑Uni
a fait référence à l'instauration d'une culture de la gestion quantitative,
c'est‑à‑dire de la prise de décisions en se fondant sur les faits.
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Nous
savons que les DPF devront avoir une bonne maîtrise de la gestion du risque.
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Je ne
veux pas rendre la situation plus compliquée qu'elle l'est en réalité – parce
que ce dont je parle vraiment c'est d'un fin sens des affaires.
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Lorsque
vous y pensez bien, presque tout ce que nous faisons – que ce soit dans les
secteurs privé, public ou bénévole – se résume à la gestion du risque.
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Donc,
les DPF doivent avoir un fin sens des affaires et un jugement sûr.
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Et
parfois un jugement professionnel sûr et éclairé vaut aussi bien que les
contrôles que nous pouvons mettre en place.
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Les
DPF doivent être en mesure d'avoir à l'esprit une « carte du risque »
du ministère.
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Toutefois,
l'élément essentiel est de savoir sur quels risques il faut se concentrer,
disons, par exemple, les dix premiers. Ils ne peuvent être tous prioritaires.
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Lorsque
des risques sont décelés, il revient au DPF de porter les problèmes à
l'attention de l'administrateur général avant qu'ils ne s'aggravent.
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Une
autre responsabilité importante du DPF consistera à approuver toutes les
opérations ministérielles non courantes.
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Et
l'approbation ne se résume pas à une signature – il s'agit d'une attestation
écrite et de la recommandation à l'administrateur général de tous les aspects
de la proposition, qu'ils s'agissent des finances, du risque et du rendement.
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Dans
le cadre de l'examen de l'opération, le DPF doit se poser les questions
suivantes
- tous les principaux risques ont‑ils
été relevés?
- et les stratégies appropriées
d'atténuation du risque ont‑elles été élaborées?
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Et
pour assurer que la situation se déroule normalement, le DPF surveillera ces
nouvelles initiatives et fera rapport régulièrement à l'administrateur général
de leur état d'avancement.
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Je
désire maintenant passer à l'autre aspect de la gestion du risque.
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C'est‑à‑dire
les possibilités.
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Selon
moi, nous reconnaissons tous que nous travaillons dans un climat difficile
actuellement dans le secteur public.
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La
population tolère très peu les erreurs.
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Donc,
nous devons être prudents, mais pas au point de ne pas cerner les possibilités
qui s'offrent à nous.
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Ceux qui s'occupent de la gestion du risque
connaissent probablement cette citation de Peter Drucker :
- « Les
gens qui ne prennent pas de risques commettent généralement environ deux
erreurs graves par année. Les gens qui prennent des risques commettent
généralement environ deux erreurs graves par année. »
-
Je ne souscris pas entièrement à cette citation, mais
elle illustre le fait que parfois il vaut la peine de prendre un risque pour
éviter de rater une possibilité.
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Elle
illustre aussi le fait que nous ne pouvons complètement éliminer le risque. Des
erreurs se produiront peu importe la prudence dont nous faisons preuve. Les
choses iront parfois mal.
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Ce que
nous pouvons faire, c'est d'atténuer le risque.
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Nous
devons aussi tenir compte des coûts‑avantages des nombreux contrôles, et
nous demander si les sommes qui y sont consacrées pourraient être mieux
dépensées ailleurs.
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Les
contrôles sont nécessaires, mais c'est une question de degré.
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Par
exemple, les entreprises aux États‑Unis constatent que les coûts initiaux
de conformité à la loi Sarbanes‑Oxley sont beaucoup plus élevés que
prévus.
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Selon Deloitte, les grandes entreprises ont consacré,
en moyenne, près de 70 000 heures‑personnes additionnelles pour
se conformer à la nouvelle loi.
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Et
certains dirigeants d'entreprises se plaignent du fait que la loi dissuadera de
prendre des risques même nécessaires.
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Il
s'agit donc vraiment d'une question d'équilibre.
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Nous
ne voulons pas laisser aller le pendule au point où les gens sont liés par des
règles, des règlements et des exigences de déclaration et que la fonction
publique s'arrête.
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Mais
nous voulons éviter les excès observés au cours des dernières années.
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Cet
équilibre n'est pas facile à réaliser. Mais nous nous en approchons.
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J'ai
beaucoup parlé du rôle du DPF dans la gestion du risque; j'aimerais maintenant parler
d'un autre élément essentiel de la réduction du risque financier.
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Et
c'est la vérification interne.
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Dans
le budget de 2004, le gouvernement s'est engagé à réorganiser et à soutenir la
fonction de vérification interne.
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Depuis,
nous n'avons cessé de tracer la voie de la vérification interne.
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La Politique
sur la vérification interne est à la base de toutes les activités de
vérification interne; donc nous avons commencé par la réviser.
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La
politique que nous proposons permettra d'atteindre quatre objectifs
importants :
- Renforcer et professionnaliser la
fonction.
- Accroître l'indépendance de la
vérification interne dans l'administration fédérale.
- Adopter une approche
pangouvernementale globale de la planification et de la réalisation de la
vérification interne.
- Renforcer les rôles de surveillance
et d'information de la vérification interne.
-
Permettez‑moi
de dire quelques mots au sujet de chacun de ces objectifs, en commençant par le
renforcement et la professionnalisation de la fonction.
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Comme
c'est le cas des DPF, en vertu de la nouvelle politique, les dirigeants
principaux de la vérification devront être accrédités.
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Les vérificateurs internes devront aussi suivre une
formation professionnelle afin de parfaire et de maintenir leurs compétences.
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Nous prévoyons accroître l'indépendance de la fonction
en assurant que le rôle du dirigeant principal de la vérification est
indépendant des opérations.
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Et nous voulons que les membres des comités de
vérification proviennent en grande partie de l'extérieur de la fonction
publique.
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Nous voulons aussi nous assurer de la cohérence de la
fonction dans l'ensemble de l'administration fédérale.
-
C'est ainsi que nous mettrons en œuvre une méthode
commune pour tous les ministères et les organismes afin de les orienter dans la
prestation des services de vérification interne.
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Nous mettrons aussi en œuvre un plan triennal pour
entreprendre des vérifications internes dans les petits ministères et
organismes et procéder à des vérifications pangouvernementales dans les secteurs
à risque élevé.
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Et
enfin, pour ce qui est de l'amélioration des rapports, les dirigeants
principaux de la vérification donneront chaque année leur avis à
l'administrateur général au sujet de la suffisance des contrôles, des processus
et des mesures en place dans leurs ministères et organismes pour atténuer les
risques.
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Et je
ferai rapport chaque année au Conseil du Trésor au sujet des contrôles, des
processus et des mesures en place pour atténuer les risques dans
l'administration fédérale.
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Selon moi,
les rôles du dirigeant principal de la vérification et du DPF sont distincts
mais complémentaires.
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Le
dirigeant principal de la vérification aide le DPF en lui fournissant des
conseils fondés sur les vérifications des politiques, des cadres de contrôle,
des plans financiers et des activités des ministères.
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Et
l'un des principaux objectifs du dirigeant principal de la vérification est de
rassurer davantage l'administrateur général au sujet des systèmes de contrôle
interne – et cela atténue le risque.
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La
question de l'équilibre se pose aussi lorsque nous examinons les comités de
vérification interne et de vérification.
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Nous
devons obtenir une juste assurance, mais nous devons nous assurer que les
heures et les sommes consacrées à la vérification sont raisonnables.
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Nous
ne pouvons nous permettre de vérifier constamment. Nous ne pouvons non plus
nous permettre de tout vérifier.
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Donc,
nous devons nous rappeler que la vérification interne est certes une méthode
essentielle de surveillance et d'atténuation du risque, mais qu'elle n'est pas
la seule.
Conclusion
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J'aimerais
en conclusion vous faire part de quelques réflexions.
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D'abord,
on peut sans se tromper supposer que le renforcement de la gestion financière
demeurera au programme du gouvernement dans un avenir prévisible. Et la gestion
du risque continuera d'être un élément important d'une saine gestion
financière.
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Grâce
aux changements que mon bureau mettra en œuvre en ce qui concerne la gestion
financière et la vérification interne, je crois que nous sommes sur la bonne
voie de réduire le risque en mettant en place des contrôles, des mesures de
sauvegarde et des systèmes rigoureux.
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Alors
que nous procédons à la mise en œuvre de ces diverses initiatives – et je ne
les ai certes pas toutes mentionnées – les fonctionnaires des collectivités de
la gestion financière et de la vérification interne auront un rôle utile à
jouer dans la poursuite du programme du gouvernement et des réalisations
accomplies au cours des dernières années.
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Il
faudra du temps pour mettre en œuvre ces changements, mais des choses
commencent déjà à se produire.
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Je
suis assuré que nous sommes sur la bonne voie, et je me réjouis à la
perspective de la période très stimulante qui s'annonce.
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