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Ottawa, le 25 mai 2001
2001-053

Allocution de l’honorable Paul Martin, ministre des Finances, à l’occasion d’un petit déjeuner organisé par la Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie

Toronto, Ontario

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Le texte prononcé fait foi. 


Introduction

Permettez-moi de commencer par vous dire à quel point je suis heureux d'être parmi vous ce matin.

Je tiens à vous remercier tous d'être venus aussi tôt, et j'aimerais remercier particulièrement David McGuinty et tous les membres de la Table ronde d'avoir organisé ce petit déjeuner et de m'avoir invité, avec Karen Redman, à y participer.

Nous devrions également prendre le temps de remercier Stuart Smith du travail remarquable qu'il effectue à titre de président. Sous sa gouverne, la Table ronde a accompli des progrès majeurs et a mis au point des propositions qui font maintenant partie intégrante de la politique gouvernementale. Il suffit pour s'en convaincre de jeter un coup d'œil au budget de 2000 et à la mise à jour d'octobre dernier. Ensemble, ces exercices budgétaires ont prévu 1,4 milliard de dollars sur cinq ans pour des mesures visant à améliorer la qualité de l'environnement. Toutes ces initiatives montrent à quel point Stuart Smith peut être efficace et convaincant. Nous sommes chanceux de pouvoir compter sur son expérience, son leadership et – par-dessus tout – sa vision d'un Canada plus fort et en meilleure santé.

En fait, j'aimerais consacrer l'essentiel de mes observations d'aujourd'hui à l'une des initiatives budgétaires à laquelle David, Stuart et l'ensemble de la Table ronde sont étroitement associés. Il s'agit d'une initiative des plus modestes pour ce qui est des coûts, mais qui promet d'être l'une des plus importantes sur le plan de l'incidence à long terme. Je parle de l'initiative des indicateurs environnementaux – un projet qui cherche à faire avancer la science de la mesure des progrès réalisés en vue d'une économie plus durable. Il s'agit d'un effort concerté de la Table ronde, d'Environnement Canada et de Statistique Canada.

Avant de poursuivre, j'aimerais faire le point sur le débat qui a eu lieu au sujet de la mise au point des indicateurs.

Certaines personnes ont soutenu que les indicateurs devraient non seulement tenir compte de facteurs économiques et environnementaux, mais également de préoccupations sociales. Je suis d'accord. À long terme, la mise au point d'une série plus générale d'indicateurs sociaux constitue assurément un objectif à viser. Plusieurs groupes de partout au Canada sont actuellement à relever ce défi.

Je sais toutefois à quel point il est difficile de faire le consensus sur la teneur de ces indicateurs sociaux. J'espère qu'il sera plus facile de s'entendre sur les indicateurs environnementaux requis. En conséquence, nous ne devons pas risquer de perdre notre élan au moment où il est clairement temps de passer à l'action. Les travaux accomplis au titre des indicateurs environnementaux sont à la fois nécessaires en soi et nécessaires en tant que modèle dans le cadre du grand débat sur les indicateurs sociaux actuellement en cours. Je les considère comme une première étape nécessaire, et j'estime que nous devrions franchir cette première étape sans trop dévier de notre trajectoire.

Pourquoi est-il si important d'appliquer des indicateurs environnementaux reconnus partout? Pour la même raison qu'il nous importe de vivre au sein d'une collectivité où l'air est sain et l'eau est potable, où les parcs sont accessibles et où il y a des espaces verts.

La protection de l'environnement : un principe fondamental

Nous avons le devoir, envers nous-mêmes et envers nos enfants, de léguer aux générations à venir un air, une eau et des habitats plus sains et plus propres que ceux qui nous ont été confiés. Malheureusement, il faut trop souvent des drames comme ceux de North Battleford ou de Walkerton pour nous rappeler ce devoir. Nous sommes aussi rappelés à l'ordre quand nous cherchons des explications à l'incidence grandissante de l'asthme, et quand nous nous demandons pourquoi cette maladie semble aujourd'hui plus répandue que jamais. Bref, je considère ces indicateurs comme un rappel à l'ordre constant – une protection permanente contre la complaisance environnementale.

Évidemment, vous êtes mieux placés que moi pour soutenir les arguments en faveur de l'action environnementale. Permettez-moi donc de revenir au champ d'action du ministère des Finances et de défendre les arguments économiques en faveur des indicateurs environnementaux.

L'intégration des facteurs environnementaux à la prise de décisions de nature économique

Comme vous, j'estime tout simplement que l'état de notre environnement est intimement lié à la performance économique de notre pays. En réalité, la notion selon laquelle la protection de l'environnement et la croissance économique sont des objectifs complémentaires, plutôt que des visées distinctes, est au cœur même de la perspective de la Table ronde.

Ma réflexion à ce sujet a été fortement influencée par les travaux de Amory Lovins – quelqu'un que vous connaissez sûrement. Lovins soutient que nous devons tout simplement élargir la définition de capital.

Tout le monde connaît le capital réel – les immeubles et les machines. Celui-ci est relativement facile à déterminer et à évaluer, et son rôle au sein de l'économie est concret. Nous sommes également conscients de l'importance du capital humain – la matière grise et l'innovation. Ces dernières années, certains progrès – même s'ils n'ont pas été aussi éclatants que nous l'aurions souhaité – ont été accomplis sur le plan de l'évaluation de ce capital et de son intégration au processus décisionnel.

Il existe toutefois un autre genre de capital moins bien connu – soit le capital naturel. Celui-ci comprend les ressources naturelles ayant une valeur commerciale, comme les forêts et les poissons. Il englobe aussi des écosystèmes comme les bassins hydrographiques et les terres humides, ainsi que des fonctions écologiques vitales comme le cycle du carbone – des éléments qu'il est difficile de tarifer ou de mesurer autrement.

Il reste qu'un aspect essentiel de la gestion judicieuse de nos ressources pour les générations à venir consiste à comprendre de quelle manière les fonctions écologiques contribuent à l'activité économique. En fait, l'expérience a montré qu'à défaut de tenir compte comme il se doit de l'utilisation du capital naturel, nous épuisons nos réserves et menaçons la durabilité de la croissance future.

Comme le souligne Lovins, personne ne dirigerait une entreprise sans tenir compte des décaissements. Pourtant, les coûts en capital naturel, pour lequel on ne connaît aucun substitut peu importe le coût et qui est essentiel à la survie des humains, nous échappent trop souvent. Parce que nous n’avons pas tenu compte de ces coûts, nous nous sommes dirigés tout droit vers le gaspillage à grande échelle.

Souvent, l'épuisement de nos écosystèmes ne devient apparent que lorsque ceux-ci commencent à se désintégrer – qu'il s'agisse de la dégradation de la qualité de l'air ou de l'eau. Il est difficile de parler de viabilité environnementale ou économique dans de telles circonstances.

Les indicateurs environnementaux

Si tout cela est aussi clair, pourquoi n'avons-nous pas accompli davantage de progrès? La réponse à cette question réside dans la difficulté qui consiste à quantifier le rapport entre l'environnement et l'économie. En bref, comme nous ne disposons pas des bons outils de mesure, nous négligeons trop souvent de tenir pleinement compte du capital naturel dans les décisions que nous prenons et les choix que nous faisons. C'est la raison pour laquelle il est si important de mettre au point des indicateurs environnementaux.

Ces travaux n'intéressent pas que des universitaires et des activistes de l'environnement. Au contraire. La mesure des progrès réalisés consiste à fournir aux gouvernements, aux entreprises – en fait à tous les Canadiens et à toutes les Canadiennes – l'information dont ils ont besoin pour faire en sorte que notre croissance économique soit durable.

À quel point ces indicateurs sont-ils importants? Permettez-moi de répondre par une analogie. Pensez au rôle joué par des indicateurs plus connus, soit les indicateurs économiques.

  • Les données sur le produit intérieur brut (PIB) nous permettent de surveiller le rythme de la croissance économique. Ces données sont essentielles pour permettre aux administrations publiques d'estimer, par exemple, les recettes dont elles disposeront.
  • Les données sur l'emploi nous fournissent un portrait mensuel du nombre d'emplois créés ou perdus – un indice clé de la direction qu'emprunte l'économie et du bien-être global des particuliers et des familles.
  • La fluctuation des prix à la consommation est mesurée tous les mois – l'orientation des marchés pouvant être modifiée à tout moment.

En ma qualité de ministre des Finances, j'utilise les indicateurs économiques chaque jour. Il m'est indispensable d'isoler et de consigner des données, ainsi que de les mesurer et d'en assurer le suivi pendant une certaine période.

Fait encore plus important, ces renseignements nous forcent à prendre des décisions. Ils nous empêchent de demeurer inertes. C'est essentiellement la raison pour laquelle ces indicateurs sont si importants.

Premièrement, ils nous indiquent si nous utilisons nos ressources naturelles de manière judicieuse; si notre demande de ressources renouvelables, comme le bois d'œuvre et le poisson, dépasse la capacité avec laquelle l'environnement peut les remplacer.

Deuxièmement, les indicateurs nous renseignent sur la santé de nos écosystèmes. En particulier, les indicateurs de la pollution et de la production de déchets, avec les indicateurs de la qualité de l'air et de l'eau, de la biodiversité et de la productivité des sols, nous permettent de mesurer le lien entre nos activités et la viabilité de nos écosystèmes. Ces indicateurs sont essentiels à notre activité économique et, fait encore plus important, à notre qualité de vie, étant donné que les écosystèmes soutiennent les aspects les plus fondamentaux de notre vie de tous les jours. Ils purifient notre air et notre eau, et ils assimilent nos déchets.

Troisièmement, les indicateurs peuvent nous dire ce que signifie notre demande de ressources pour les niveaux d'activité économique à venir et pour la prospérité future de nos enfants et de nos petits-enfants.

Quatrièmement, et de manière encore plus significative, les indicateurs nous permettent de mesurer l'évolution des principaux facteurs environnementaux. Cela est important, car nous ne pouvons acquérir des renseignements véritablement utiles qu'en observant les tendances.

Bref, ces outils nous fourniront les données quantitatives pures qui nous permettront d'établir sur une assise solide notre politique environnementale et économique de l'avenir.

Il existe une autre raison pour laquelle les indicateurs, quels qu’ils soient, sont si importants.

Les indicateurs occupent une très grande place dans les médias et jouent donc un rôle crucial dans l'orientation de l'opinion publique sur les domaines importants débattus à l'échelle nationale. La mobilisation de notre volonté nationale doit d’abord s'appuyer sur une information fiable et sur une grande compréhension des enjeux. L'établissement d'objectifs nationaux permet de mobiliser davantage cette volonté nationale. Or, pour appuyer la réalisation de ces objectifs, il faut des indicateurs objectifs qui permettront de mesurer les progrès accomplis ou les retards accumulés.

Permettez-moi de vous donner un exemple. La situation financière du gouvernement n'est pas de nature à favoriser les élans les plus poétiques. Cependant, dans les années 1990, le gouvernement a réussi à mobiliser l'opinion publique en faveur de l'élimination de notre déficit annuel de 42 milliards de dollars. De quelle façon? Nous avons commencé par établir des objectifs mesurables, une étape à la fois, de réduction du déficit – en nous donnant deux ans pour le faire passer de 6 % à 3 % du PIB. Cela a contribué à renforcer le vaste consensus national qui a permis d'adopter les mesures nécessaires. Après avoir atteint nos objectifs provisoires et les objectifs qui ont suivi, nous avons pu annoncer dès 1998 que nous avions supprimé le déficit du tableau financier canadien. En fait, nous avons été le premier pays du G-7 à y parvenir.

Ce résultat n'a pas été l'effet du hasard, mais plutôt la conséquence d'un consensus national et d'un effort concerté de la part d'un pays déterminé à renforcer une économie en déclin et à se préparer à mieux faire face à la réalité mondiale d'aujourd'hui. Ce consensus n'a pas pris fin avec l'assainissement de nos finances, mais il a plutôt commencé par une révolution dans la structure de notre économie et dans l'état d'esprit de notre peuple.

La capacité de mesurer le progrès et d'en tenir compte au moyen d'indicateurs économiques a été fondamentale dans ce changement d’attitude. C'est grâce à une discipline de ce genre que nous réussirons à relever les défis de l'environnement. Des indicateurs nous aideront à mesurer les progrès de manière à engager l'auditoire cible le plus important : le grand public.

Évidemment, les indicateurs ne nous permettront pas de remonter dans le temps et de modifier le cours de l'histoire, mais ils peuvent nous aider à nous orienter. L'avènement de ces indicateurs donnera lieu à son tour à la mise au point de nouveaux objectifs concrets sur le plan des progrès à accomplir.

En fait, nous constatons déjà certains indices de la volonté croissante dans le public en faveur de données pures sur la viabilité environnementale. Comme bon nombre d'entre vous le savent, les consommateurs et les actionnaires ont désormais tendance à exiger que les entreprises rendent compte de leur performance environnementale.

Le gouvernement a une obligation semblable. Comme l'a si justement souligné David Anderson, il nous incombe de montrer à tous les Canadiens que non seulement nous atteignons nos objectifs financiers de base, mais que nous sommes nettement déterminés à préserver et à améliorer notre patrimoine naturel.

Conclusion

En guise de conclusion, j'aimerais faire une dernière observation.

Pour les Canadiens et les Canadiennes de tous les âges, la protection de l'environnement n'est pas une option – c'est une obligation dont il faut tout simplement s’acquitter. Il s'agit d'un principe fondamental qui échappe à toute discussion.

Il ne fait nul doute que le vaste éventail de problèmes environnementaux nous donne des défis à relever, mais également un plus grand nombre d'occasions à saisir. Compte tenu de l'importance des ressources naturelles pour notre pays et de la rigueur de notre climat, le Canada n'a pas d'autre choix que d'assumer le leadership sur cet aspect de son économie. Nous devons tout simplement appliquer à la protection et à l'amélioration de notre environnement le même esprit d'innovation et d'entreprise et le même génie technologique qui nous ont permis de devenir des chefs de file mondiaux des télécommunications, du transport et d'un grand nombre d'autres secteurs d'activité.

Nous en sommes aux premières étapes de la transformation économique la plus profonde de notre époque. La révolution de l'information était son entrée en matière, mais il reste de nombreux autres chapitres à rédiger. J'estime que le Canada a la capacité de rédiger ces chapitres. D'être un meneur mondial et de dicter son rythme. Et d’établir à partir du germe de cette révolution une prospérité encore plus grande. C'est la raison pour laquelle – en bout de ligne – les indicateurs environnementaux sont si cruciaux.

Un pays n'est pas un bilan financier. Les citoyens ne sont pas de simples actionnaires d'une entreprise colossale appelée Canada. Ils doivent éprouver un sentiment d'appartenance, sentir qu'ils ont leur mot à dire dans les décisions qui les touchent. Ils doivent savoir que nous sommes prêts à renverser la sagesse traditionnelle, à tester de nouvelles idées et à avancer de nouvelles hypothèses.

Pour ce faire, nous devons débattre les vrais enjeux et veiller à ce que les questions que nous posons correspondent aux défis que nous devons vraiment relever. Autrement dit, nous devons, avec ce débat, nous brancher sur les perspectives de l'avenir, plutôt que sur celles du passé.

C’est ce que rendra possible un ensemble d’indicateurs environnementaux compris du public. Et c'est pourquoi je suis si heureux de me trouver avec les membres de la Table ronde, car il n'existe pas de meilleur groupe pour transposer l'avenir dans le présent.

Je vous remercie.


Dernière mise à jour :  2003-02-25 Haut

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