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Ottawa, le 21 juin 1995
1995-052

Notes pour une allocution de l'honorable Paul Martin, Ministre des Finances, devant l'Ottawa-Carleton Board of Trade

Ottawa, Ontario
le 21 juin 1995

Le texte prononcé fait foi


Chers amis, un de mes fils m'a posé récemment une question alors qu'il était en train de lire les mémoires de mon père, qui relatent non seulement l'histoire d'un Canadien en particulier, mais aussi l'évolution du Parti libéral sur une période d'environ 60 ans. Mon fils voulait savoir si le libéralisme, tel qu'il transparaît dans le dernier budget, différait de celui auquel son grand-père avait cru avec autant d'ardeur.

Telle est en ces termes la question que vous m'avez posée aujourd'hui.

Et c'est une question à laquelle je me ferai un grand plaisir d'ébaucher une réponse -- en considérant ses deux pôles: répondre d'une part aux critiques qui nous reprochent d'avoir placé trop d'emphase sur la lutte au déficit. Répondre, d'autre part, à ceux et celles qui souhaiteraient mettre un terme au partenariat historique qui se trouve au creuset de la philosophie libérale -- partenariat entre les gens, leur gouvernement, et le marché; un partenariat auquel certains voudraient mettre fin parce qu'ils sont persuadés que le gouvernement est devenu un partenaire impuissant du fait des conséquences engendrées par le déficit et la dette.

Et permettez-moi d'y répondre sans attendre.

Aux premiers, qui estiment que nous avons abandonné la tradition, j'aimerais dire deux choses: premièrement, l'échec économique n'a jamais été un principe du libéralisme. Deuxièmement, avoir foi dans le libéralisme, c'est avoir foi dans un avenir meilleur; ce n'est pas adhérer à un ensemble de programmes figé dans le temps.

Sir Wilfrid Laurier l'avait bien dit il y a près de 120 ans. «L'expérience a prouvé que des institutions utiles au départ finissent souvent par devenir des abus intolérables du simple fait que tout a changé autour d'elles mais qu'elles sont restées immuables.»

Eh bien, les paroles de Laurier sont aussi valables de nos jours qu'elles l'étaient à l'époque.

L'essence du libéralisme, c'est l'innovation et la modernisation. Les principes libéraux sont marqués au coin de la constance, mais nos politiques et nos programmes ont évolué continuellement parce que le monde et les besoins des Canadiens et des Canadiennes ont sans cesse évolué. Les Libéraux n'ont jamais fait de la nostalgie la pierre angulaire de leur politique, pas plus que nous n'avons cherché la voie du succès sur des sentiers rebattus aux ornières profondes.

Notre pays doit affronter aujourd'hui des forces et de réalités qu'aucun gouvernement au Canada n'a jamais eu à affronter auparavant. Nous vivons dans un monde où le village global est une réalité, et non plus une figure de style, où le Canada doit livrer concurrence à des dizaines de pays -des pays dont il y a seulement dix ou quinze ans, la puissance économique n'était que des poussières par rapport à ce qu'ils sont devenus aujourd'hui.

Nous vivons dans un monde où les anciens leviers du nationalisme n'agissent plus. Nous vivons dans un monde où nombre des outils de souveraineté économique ont perdu de leur tranchant. Un monde où, par exemple, aucun pays - pas même les États-Unis ou le Japon - ne peut contrôler le sort de sa propre monnaie sur les marchés mondiaux.

Nous vivons dans un monde dont les postulats économiques du passé cèdent le pas devant des technologies nouvelles et les exigences posées par les compétences nouvelles, bref dans un monde qui exige un nouveau type de leadership

Nous vivons au sein d'une société dont les programmes sociaux - reflets d'une situation économique et familiale depuis longtemps modifiée - ne sont plus au diapason, bien souvent, des besoins de la société moderne. Enfin, nous vivons dans une réalité où la possibilité pour le gouvernement de dépenser toujours plus d'argent a tout simplement disparu, où la nécessité d'une diminution des dépenses est on ne peut plus claire.

Les gouvernements n'ont pas d'argent à eux : ils reçoivent de l'argent, un argent qui sort du porte-monnaie des Canadiennes et des Canadiens, d'un océan à l'autre. Ainsi donc, le gouvernement doit agir comme si chaque dollar comptait. Parce que, en fait, chaque dollar compte.

C'est un fait qu'aucun gouvernement libéral n'avait encore jamais eu à combattre le cancer des intérêts composés. Il y a vingt ans, nos frais d'intérêt étaient légèrement supérieurs à $3 milliards par année. Cette année, ils approcheront les $50 milliards. Et si nous ne faisions rien pour réduire le déficit, nos frais annuels d'intérêt atteindraient près de $100 milliards dans dix ans. Les intérêts composés n'ont rien à voir avec l'idéologie. Ils ont tout à voir avec l'arithmétique. C'est une réalité, avec tout ce que cela comporte de désagréable.

Nos frais d'intérêt nouveaux cette année seulement se sont chiffrés à plus de $6 milliards -- il s'agit de sommes que nous n'avions pas à payer l'année précédente. Il s'agit d'un fardeau déchargé sur l'avenir de tous les Canadiennes et Canadiens -- imputable non pas à de nouvelles dépenses de l'État mais uniquement à des dettes que le gouvernement a contractées dans le passé.

Pensez-y bien: $6 milliards à porter de plus en une année seulement. Cela représente la totalité du budget que consacre le gouvernement fédéral à la recherche et au développement. Cela représente trois fois le budget consacré à la culture, et plus que les sommes versées pour le crédit d'impôt pour enfants. Ces intérêts, c'est de l'argent qui ne peut servir aux programmes sociaux, qui ne peut servir à combattre la pauvreté chez les enfants, qui ne peut servir à financer les sciences et la technologie, qui ne peut servir à réduire les impôts. L'intérêt composé prive notre pays de son potentiel, il prive nos enfants de leur avenir et, mesdames et messieurs, si nous n'apportons pas de solution à ce problème, il privera notre parti de sa raison d'être.

Les déficits chroniques menacent de faire de la conscience sociale du gouvernement un attribut désuet et inutile. Si nous ne voulons pas que cela arrive - et c'est notre devoir - nous devons tout simplement réduire d'abord le déficit, et c'est ce que nous ferons.

C'est pourquoi je me pose des questions au sujet de ceux qui croient que l'on en fait trop pour le déficit, que nous délaissons la compassion. Je vous le dis, si nous n'agissons pas avec détermination dès maintenant, nous n'aurons pas à parler de la réforme des programmes sociaux, parce qu'il n'y aura plus de programmes sociaux. Nous n'aurons pas à parler d'un nouveau système de transferts aux provinces, parce qu'il n'y aura plus de transferts.

Si le gouvernement que dirige Jean Chrétien combat le déficit avec une détermination dont les gouvernements précédents n'ont jamais fait preuve, c'est parce que nous, Libéraux, avons foi dans l'État, parce que nous savons quels dommages les intérêts composés menacent de nous infliger, pas seulement à nos finances mais, de façon plus générale, à notre pays tout entier.

C'est la raison pour laquelle je crois que le budget de février dernier est un exposé économique qui s'inscrit bel et bien dans la tradition libérale -une tradition adaptée à son temps. Et s'il fallait, des années 1940 aux années 1970, interpréter le Libéralisme dans une période d'abondance, notre obligation aujourd'hui est d'interpréter le Libéralisme dans une période d'austérité.

Ces quelques observations conduisent au second volet de la question que mon fils et vous tous m'adressez, c'est-à-dire: est-ce que le fardeau de la réduction du déficit a à ce point limité le rôle de l'État, que ce dernier doit désormais se contenter d'être au plus un simple observateur de l'évolution de la situation canadienne? En d'autres mots, que doit-on faire à compter de maintenant?

Pour ce qui est de l'avenir, une chose doit être absolument claire. Notre pays va équilibrer son budget, et c'est un gouvernement libéral qui va lui permettre d'y parvenir. Mais permettez-moi de vous dire que l'élimination du déficit n'est même pas le début de la réalisation de la vision libérale. Il ne fait que rendre cette vision réalisable. Notre but, en réduisant le déficit, ce n'est pas de faire plaisir aux marchés obligataires, c'est de pouvoir les envoyer promener!

Le déficit n'est pas l'élément dans lequel nous puisons notre identité, ce n'est pas non plus la source de notre motivation en tant que Libéraux. Toutefois, le déficit est une réalité incontournable pour tout gouvernement -- en particulier pour tout gouvernement qui fait sien le voeu de préserver le régime d'assurance-santé, ou de combattre la pauvreté, ou d'investir dans les leviers économiques de notre avenir. Le défi libéral actuel comporte une vision qui va bien au-delà de l'assainissement des finances publiques. Il passe par une réforme du rôle intrinsèque de l'État. De repenser ce rôle, et pas simplement de le diminuer.

Le Parti libéral repose, avant toute chose, sur une foi inconditionnelle dans l'égalité intrinsèque de tous les individus, leur droit à la liberté et leur responsabilité mutuelle dans l'exercice de cette liberté. Pour les Libéraux, chaque Canadienne et Canadien a droit aux mêmes chances de succès. Et pour y parvenir, nous croyons en un gouvernement qui tend une main secourable aux gens lorsqu'ils en ont besoin, en un gouvernement qui sait aussi quand s'effacer, si l'on n'a pas besoin de lui.

Nous libéraux croyons que le rôle du gouvernement est de contribuer à élargir le champ des libertés. Nous ne croyons pas que la survie du plus fort soit la bonne façon de construire une société civile. C'est là une différence fondamentale par rapport à la philosophie conservatrice sous sa forme extrême -dont certains partisans voient dans le gouvernement un instrument de maintien des privilèges ou d'autres encore, une institution à conquérir ou à abolir.

Notre programme stratégique comporte l'élimination du déficit, mais il ne comporte pas l'élimination de l'État. Qu'on ne laisse pas planer de doute. Un gouvernement fort et actif devra être extrêmement différent à l'avenir de ce qu'il a été par le passé - Notre gouvernement doit avoir la sagesse de faire uniquement ce qu'il accomplit le mieux, et de laisser le reste à ceux qui sont mieux placés pour s'en occuper.

Notre gouvernement ne doit pas mesurer sa force au pouvoir qu'il aura accumulé, mais aux partenariats qu'il aura su établir avec les autres. C'est la raison pour laquelle nous privatisons des sociétés d'État. Notre ligne de conduite est simple : s'il n'est pas nécessaire que le gouvernement gère une activité, il ne devrait pas le faire - et à l'avenir, il ne le fera pas.

Les Libéraux ont toujours été capables de distinguer les principes des programmes. Comme je l'ai dit au départ, les principes sont éternels, mais les programmes sont là pour répondre à des besoins -et les besoins changent.

C'est la raison pour laquelle, par exemple, nous supprimons les subventions aux entreprises qui, l'expérience l'a démontré, servent beaucoup plus à perpétuer le passé qu'à promouvoir l'avenir.

C'est la raison pour laquelle nous examinons la nécessité de réformer nos programmes sociaux. et ce dans la lignée des Libéraux qui en ont été les artisans. Leur but n'était pas d'instituer des programmes immuables, mais d'instaurer des programmes qui soient efficaces, qui évoluent en même temps que nos besoins. Les Libéraux qui ont créé l'assurance-chômage, il y a plus d'un demi-siècle, ne voulaient certainement pas qu'elle devienne un obstacle à la réalisation d'un avenir meilleur. Leur objectif était de donner aux Canadiens sans travail la possibilité de trouver un meilleur emploi - et tel doit être notre objectif aujourd'hui.

Les artisans de notre système de transferts aux provinces ne voulaient pas que des règles bureaucratiques fassent obstacle à l'innovation -- empêchent, par exemple, d'utiliser ces transferts pour financer un programme de repas pour les enfants pauvres. C'est pourquoi, aujourd'hui, nous devons considérer l'innovation et la flexibilité non comme les ennemis de la compassion, mais comme ses alliés.

Pour les Libéraux, le fardeau de la preuve ne repose pas sur les gens qui remettent en question la sagesse populaire, mais sur ceux et celles qui préconisent le statu quo.

Lester Pearson avait défini le défi à relever il y a vingt-cinq ans en déclarant : «Les principes du Libéralisme remontent aux origines de l'humanité et sont aussi profondément inscrits que notre instinct de liberté. Nous devons préserver nos fondations historiques.» Et il ajoutait : «Mais cela n'est pas suffisant. Le plus important, c'est de construire sur ces fondations».

Voilà pourquoi nos orientations économiques doivent reposer sur l'entrepreneurship -- voilà pourquoi nous appuyons les petites entreprises -- les créatrices d'emplois aujourd'hui qui deviendront nos multinationales de demain.

C'est pourquoi nous devons être un gouvernement, comme le Premier ministre s'est illustré à le démontrer, qui voit dans la politiques commerciale la nouvelle politique industrielle, et cela vaut non seulement pour notre continent mais pour tous les continents.

C'est pourquoi nous devons appuyer l'émergence d'un effort national en matière de sciences et de technologie, qui prenne appui sur les forces du Canada, qui soit mis en oeuvre en partenariat avec les individus les plus brillants que le Canada puisse offrir.

Il y a vingt ans, la société Microsoft n'existait même pas. Aujourd'hui, elle est presque

au sommet de la liste des 500 plus grandes entreprises selon Fortune. Son fondateur, Bill Gates, a déclaré que sa principale source dans l'embauche de nouveau personnel était l'Université de Waterloo. Voilà un hommage remarquable rendu à une grande université canadienne, mais cela pose également une question fondamentale : pourquoi n'existe-t-il pas de Microsoft canadien?

Instaurer le climat qui rende cela possible, voilà la priorité économique des Libéraux aujourd'hui.

La politique sociale maintenant. Eh bien, il y a plus d'un siècle, en définissant la raison d'être de son parti, Sir Wilfrid Laurier prononçait ces paroles célèbres : «Je suis un Libéral. Je suis l'un de ceux qui pensent que partout, chez les êtres humains, il y a des travers à réformer, de nouveaux horizons à découvrir, de nouvelles forces à développer.»

Ce programme d'action reste d'actualité. Malgré toutes nos réalisations, nous ne pouvons relâcher nos efforts, et cela vaut pour nous tous, tant que le chômage restera à son niveau actuel; jusqu'à ce qu'on s'attaque à la réalité et aux racines de la pauvreté; jusqu'à ce que l'espoir auquel ont renoncé un trop grand nombre de nos jeunes leur revienne, jusqu'à ce qu'ils aient de nouveau confiance en l'avenir.

Il y a cent ans, Laurier envisageait l'avenir sans crainte. Il prédisait que le XXe siècle serait celui du Canada. Et il avait raison, non pas si l'on calcule froidement la puissance ou l'étendue du pouvoir, mais si l'on tient compte de la qualité de notre vie au Canada. Non pas si l'on tient compte d'une valeur unique que nous aurions défendue, mais des nombreuses valeurs que nous avons promues en même temps, la liberté, la compassion, la sécurité, la prospérité, la paix dont nous jouissons et la tolérance dont nous faisons preuve les uns envers les autres.

Bien des gens, autres que des Libéraux, ont contribué à ce siècle canadien. Mais, à nous plus qu'à quiconque, il revient de soutenir cet esprit, d'édifier ce pays - de faire fructifier notre rêve national.

Le temps est venu de planifier pour le siècle prochain, d'offrir aux Canadiennes et Canadiens un libéralisme qui soit digne de leur confiance parce qu'il est au diapason de ce qu'ils vivent. Que faire pour éliminer le piège du bien-être social et le fossé qui existe entre les emplois et les travailleurs disponibles? Que faire pour protéger nos aînés du Canada dans une société vieillissante? Voilà des questions fondamentales que nous devons nous poser aujourd'hui.

Nous Libéraux devons fixer notre regard sur l'avenir, sur les besoins de la prochaine décennie, de la prochaine génération - et non sur le prochain mois ou le prochain sondage.

Nous libéraux ne devons jamais cesser d'être ouverts -sur le monde, sur l'avenir, sur les autres. de pratiquer un nationalisme d'ouverture et non de repli sur soi.

Mais alors, me demande mon fils: et puis après, que devons-nous faire?

Et la réponse est que le temps est venu d'offrir aux Canadiens une nouvelle vision de ce que leur pays peut devenir, un endroit où l'égalité est plus enchâssée, où les programmes sociaux servent mieux les besoins; et où l'économie est la mieux équipée pour affronter les meilleurs concurrents au monde.

Si la Canada est considéré comme étant l'un des meilleurs endroits où vivre, ce n'est pas à cause de nos prairies ou des cimes de nos montagnes. C'est grâce à l'action et aux réalisations de notre peuple.

Les Libéraux ont été de tous temps convaincus que l'avenir du Canada ne devait pas être un faible reflet de son passé. Nous avons toujours été convaincus que le passé devait nous servir de tremplin pour atteindre des sommets encore plus hauts dans l'avenir. Et si notre parti, tout comme le Canada, veut être couronné de succès dans l'avenir, il devra être fidèle à ses valeurs, ce qui ne veut pas dire d'être immobile bien au contraire, mais d'aller de l'avant. Aujourd'hui plus que jamais, telle est la tradition libérale que nous devons suivre.


Dernière mise à jour :  2002-07-25 Haut

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