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Québec, le 17 octobre 1995

Notes pour une allocution du ministre des Finances et ministre responsable du Bureau fédéral de développement régional (Québec), Paul Martin, devant l'Association des professionnels en développement économique du Québec

Québec, Québec
le 17 octobre 1995

Le texte prononcé fait foi


Permettez-moi d'abord de vous dire à quel point j'apprécie me retrouver ici, au Congrès des professionnels en développement économique du Québec.

À titre de ministre responsable du Bureau fédéral de développement régional, je peux vous assurer que la préoccupation constante des conseillers du ministère est justement reliée au thème de votre réunion, c'est-à-dire le désir et la nécessité de maximiser la synergie entre tous les intervenants économiques.

C'est la garantie ultime de prospérité pour nos concitoyennes et concitoyens. Je peux vous assurer que cette volonté, le Bureau fédéral la fait sienne.

Lorsque j'ai reçu votre invitation, il y a plusieurs mois, j'avais accepté de discuter de la façon d'assurer un développement économique soutenu pour le Québec.

Je n'ai pas changé d'idée. Mais depuis que vous m'avez invité, une question déterminante pour l'avenir de notre développement économique a fait surface, c'est-à-dire le choix que nous devons faire dans deux semaines:

  • soit demeurer au sein d'un grand pays, le Canada;
  • soit briser nos liens historiques et créer un pays étranger.

Le développement économique du Québec, un objectif vers lequel convergent nos pensées, nos énergies et nos actions, dépend de ce choix plus que de toute autre chose.

C'est pourquoi, aujourd'hui, je voudrais aller à l'essentiel du projet séparatiste: la destruction de l'union économique et politique actuelle dont bénéficie grandement le Québec.

Certains d'entre vous pourraient ne pas partager les conclusions de mes analyses. Mais comme vous le faites dans votre travail quotidien, tous ici voulez connaître les faits, les conséquences possibles de vos décisions, de vos choix.

Vous ne voulez pas engager le développement économique des villes et des régions que vous représentez uniquement sur la base des émotions. Encore moins en ce qui concerne l'avenir de notre pays.

C'est pour cela que dans le débat actuel sur la séparation du Québec, les leaders politiques ont la responsabilité de mettre les cartes sur table et d'identifier clairement les enjeux et les coûts de leurs options.

Nous avons l'obligation morale de dire la vérité et de faire connaître à la population les conséquences de leur décision. Première conséquence: le déficit.

Il faut le dire, ce n'est pas suffisant pour Lucien Bouchard d'être le dernier Québécois à rejeter les études de Richard LeHir. Il a aussi la responsabilité de donner à la population ses prévisions des états financiers d'un Québec séparé. Aidons-le un peu à faire son calcul.

D'abord, il doit tenir compte que le Québec, aujourd'hui, est l'une des provinces les plus taxées et endettées au Canada. Ensuite, il doit additionner à ce fardeau les coûts énormes que représente l'établissement d'un nouvel état.

Troisièmement, il doit tenir compte que tous les économistes crédibles conviennent que le déficit d'un Québec séparé serait de deux à quatre fois plus élevé qu'aujourd hui.

Comme ministre des Finances du Canada, je ne veux pas taire mes problèmes. Mais je sais qu'en 1996-97, le ratio du déficit au PIB du gouvernement canadien sera un des plus bas de tous les pays du G-7. Et je sais également que le ratio du déficit au PIB d'un Québec séparé serait, lui, un des plus élevés des pays développés.

Alors, la question qu'il faut poser à tous les séparatistes, c'est: à quoi ça sert de créer un nouvel état, si cet état ne sert qu'à payer des dettes?

Deuxième conséquence de la séparation : il n'y aurait plus d'union monétaire.

Parmi toutes les assurances que les séparatistes ont données à la population du Québec, une des plus trompeuses est certainement l'assurance que nous pourrions sans problème continuer d'utiliser le dollar canadien dans un Québec séparé.

Lorsqu'il est question de monnaie, la monnaie dans laquelle nous sommes payés, dans laquelle nos épargnes et nos droits de pension sont mesurés, la plupart d'entre nous tiennent avant tout à la certitude. Alors, cela ne sera pas surprenant si je demande quelles assurances peuvent donc bien fournir les séparatistes, concernant l'utilisation du dollar canadien? La réponse? Aucune. Mais c'est le moindre de leurs problèmes.

La réalité est, qu'en termes de valeurs, la plupart des opérations faites par les individus et presque toutes les transactions des entreprises ne sont pas réglées au comptant, mais par chèque ou par paiement électronique.

Pour que ces modes de paiement fonctionnent, il faut que l'institution financière avec laquelle ils font affaire ait accès à l'Association canadienne des paiements, l'organisme qui administre le système de compensation. Et le fait est que cet accès n'est pas automatique. Cela prend une autorisation qui pourrait être très difficile à obtenir, surtout pour une institution qui n'est plus sujette à la réglementation financière canadienne.

Par conséquent, si le Québec voulait continuer d'utiliser le dollar canadien et que le Canada n'était pas d'accord, on constaterait rapidement que la majeure partie de nos transactions personnelles et commerciales se heurteraient à une barrière importante; ce serait un inconvénient pour les individus et coûteux pour les entreprises.

Et ce n'est pas tout. Il y a aussi le fait que les institutions financières du Québec n'auraient plus accès à la Banque du Canada à titre de prêteur de dernier recours.

Le gouvernement d'un Québec séparé pourrait essayer de créer une institution pour jouer ce rôle. Mais elle ne durerait pas, car l'autorité à laquelle s'adressent en dernier recours les institutions financières doit être la même que celle qui contrôle la masse monétaire: la Banque centrale.

Cela dit, la question ultime n'est pas de savoir ce que le Québec perdrait en utilisant le dollar canadien, mais combien de temps la tentative durerait. Le problème le plus évident tient au fait que la politique monétaire est un outil essentiel dans l'arsenal économique d'un pays. Abandonner cet outil à la banque centrale d'un autre pays, c'est renoncer non seulement à notre meilleur outil pour maintenir l'inflation à un bas niveau, c'est aussi indiquer à tous nos exportateurs qu'ils seraient sans défense face aux fluctuations d'une monnaie étrangère qui ne reflète aucunement leur situation économique.

Récemment, j'ai déclaré que la tentative d'utiliser le dollar canadien durerait, au mieux, six mois. Je dois vous dire que beaucoup me trouvent optimiste. Pourquoi? À franchement parler, parce que les agissements et les promesses des chefs séparatistes ne sont pas de nature à susciter la confiance.

Pas de hausses de taxes, pas de coupures de programmes, baisse du déficit: équation impossible pour monsieur Parizeau.

Pour être juste, cependant, il faut dire que même si M. Parizeau commençait à agir de façon plus responsable, l'utilisation du dollar canadien ne serait pas viable pour longtemps.

Après le démembrement de la Tchécoslovaquie, l'union monétaire entre Tchèques et Slovaques a duré, en tout et pour tout, 39 jours. Les gouvernements tchèque et slovaque ne voulaient pas que l'union monétaire s'effondre. Mais les populations des nouvelles républiques et celles des autres pays n'avaient aucune confiance dans la survie de l'union monétaire. Elles ont donc commencé à prendre des mesures pour se protéger contre la possibilité de son effondrement et d'une dévaluation d'une éventuelle monnaie slovaque.

La leçon de tout cela, c'est que ni Jacques Parizeau, ni aucun gouvernement ne peut garantir la confiance dans un système monétaire. La décision serait prise par des centaines de milliers de Québécois et Québécoises, d'entreprises privées et de prêteurs, aussi bien ici qu'à l'étranger.

Dans le cas de la république Slovaque, l'effet cumulatif des décisions individuelles prises en raison d'un manque de confiance s'est révélé impossible à contrecarrer: une monnaie slovaque séparée a dû être créée, et elle a rapidement perdu de sa valeur. La même situation pourrait survenir dans un Québec séparé.

En un mot, la séparation mettrait en péril l'utilisation du dollar canadien par les Québécois et pourrait bien mener, avant longtemps, à l'établissement d'un dollar québécois.

Cela comblerait peut-être le rêve de Lucien Bouchard qui a dit, il y a deux jours, et je cite: « Nous serons maîtres de notre propre monnaie; nous allons gérer notre propre monnaie .»

Cela est conforme avec ce que disait Jacques Parizeau dans une entrevue qu'il accordait au magazine l'Actualité en 1991, et je cite: « Monter une monnaie québécoise, ce n'est pas vraiment compliqué... Mais faire en sorte que les gens aient, à l'avance, confiance là-dedans, c'est une autre paire de manches. Quelle est la meilleure façon pour qu'ils aient confiance? Dire qu'on va garder le dollar canadien, même si les canadiens ne veulent pas .»

En d'autres mots, un vote pour le « oui », c'est un vote pour remplacer la certitude de la monnaie canadienne, par l'inconnu d'un dollar québécois.

Troisième conséquence de la séparation: l'anéantissement de l'union économique entre le Canada et le Québec.

Cela a été dit on ne peut plus clairement la semaine dernière par les premiers ministres de nos plus proches voisins, le Nouveau-Brunswick et l'Ontario.

Advenant la séparation, ils se verraient obligés d'agir à court et à long terme dans l'intérêt de leurs producteurs et de leurs fabricants et cela ne passe pas par une union économique. Il ne faut jamais oublier que les exportations du Québec vers le reste du Canada représentent vingt-et-un pour cent de son PIB, mais que les exportations du Canada vers le Québec ne représentent que six pour cent du sien.

La réaction des séparatistes a été à la hauteur de leur raisonnement. Ils ont déclaré qu'il y aurait toujours du commerce entre le Québec et le Canada.

Évidemment, qu'il y aurait du commerce! Le Canada fait du commerce avec des centaines de pays dans le monde. Mais il faut bien comprendre que du commerce, ce n'est pas une union économique.

Les premiers ministres des provinces ont raison. Une union économique entre le Canada et un Québec séparé est impossible. Pourquoi? Pour de multiples raisons!

Pour n'en donner qu'une, disons que, pour le Canada, la négociation d'une telle union ouvrirait une véritable boîte de Pandore. Le simple fait d'amorcer des négociations avec un Québec séparé mettrait immédiatement en danger les relations commerciales du Canada avec notre principal partenaire, les États-Unis, car les Américains insisteraient pour être assis à la table, pour être partie prenante à toute négociation.

Ils s'assoiraient à la table pour remettre en question les protections et dispositions absolument essentielles que le Canada a conquises de haute lutte et fait insérer dans l'ALENA pour sa protection. Devant cette menace importante, le Canada n'aurait d'autres choix que de mettre les deux éléments suivants dans la balance:

  • d'une part, le reste du Canada exporte pour une valeur annuelle de 165 milliards de dollars vers les États-Unis;
  • d'autre part, la valeur du commerce du Canada vers le Québec représente 33 milliards de dollars.

Considérant ces chiffres et les protections essentielles que le Canada ne voudrait pas abandonner, jamais il n'accepterait de s'exposer aux demandes de concessions américaines. C'est pour cela qu'il n'y aurait jamais de nouvelle union économique. La séparation, c'est la séparation. La séparation, c'est la rupture totale.

Cela étant dit, l'impossibilité de l'union économique avec le Canada rendrait encore plus cruciale pour le développement économique d'un Québec séparé son adhésion à l'ALENA. Et là aussi, les séparatistes ont l'obligation de dire la vérité, toute la vérité et d'exposer les faits tels qu'ils sont.

Jusqu'à tout récemment, les séparatistes avaient toujours prétendu que l'adhésion d'un Québec séparé à l'ALENA serait automatique en vertu du droit de succession des états. On sait maintenant que c'est de la foutaise.

Récemment, Bernard Landry a dû admettre l'évidence: un Québec séparé devrait négocier son adhésion à l'ALENA. Et pour tout analyste objectif, cela veut dire repartir à zéro. Pour Jacques Parizeau, cela veut dire quelques mois. Mais la réalité est tout autre.

Sachons d'abord que le Québec ne pourrait demander son adhésion à l'ALENA avant, d'une part, d'être officiellement séparé, et d'autre part, avant d'être membre de l'Organisation mondiale du Commerce. Remplir ces conditions pourrait prendre au minimum de deux à trois ans, sans compter le temps requis -- plusieurs années encore -- pour sortir de l'embouteillage du Congrès américain.

  • Il faut comprendre aussi que chacun des pays signataires de l'ALENA possède un droit de veto sur l'adhésion de tout nouveau membre. Cela veut dire que le Québec devrait s'assurer de l'accord du Canada et du Mexique.

Et que dire des États-Unis -- non seulement son Administration, mais aussi son Congrès, qui représente toutes les industries qui compétitionnent directement avec les exportateurs québécois - - pensez-vous qu'ils diraient oui, à un Québec séparé avant d'avoir négocié durement des pratiques qu'ils ont déjà dénoncées et qui bénéficient grandement au Québec?

Cela voudrait dire une attaque frontale contre, entre autres:

  • notre politique agricole, y compris la production laitière;
  • la protection de nos industries culturelles, du cinéma à la télévision, de la radio aux magazines.

Cela voudrait dire, mettre sur la table:

  • l'accès préférentiel au marché américain pour notre industrie du vêtement;
  • la politique d'achats préférentiels du gouvernement, y compris les milliards de dollars que dépense Hydro-Québec
  • et nos politiques de développement régional qui sont permises actuellement.

Ce scénario a d'ailleurs été confirmé par deux spécialistes américains du commerce, Bill Merkin lors de commentaires publics, et Charles Roh dans une étude très sérieuse à ce sujet, rendue publique hier.

On le constate, le prix de l'adhésion à l'ALENA pourrait être très élevé, peut-être trop cher. Cela ne serait pas un cadeau. Mais encore là, cela n'est pas le moindre problème. Permettez-moi de vous expliquer.

Le coeur de l'ALENA, c'est le mécanisme exécutoire de règlement des différends.

C'est cela qui permet des recours aux Canadiens lorsque les Américains veulent se livrer à des pratiques commerciales déloyales.

C'est cela qui nous protège du harcèlement de nos compétiteurs américains qui veulent empêcher notre accès à leur marché. Sans ce mécanisme, le Canada n'aurait jamais signé cet accord.

C'est ce mécanisme qui a réussi à protéger l'industrie du porc du Québec.

C'est ce mécanisme qui pourrait être appelé à protéger encore une fois l'industrie du bois-d'oeuvre du Québec, que le représentant américain du commerce extérieur, Mickey Kantor, vient encore de cibler, pas plus tard que la semaine dernière.

C'est ce mécanisme de protection important qu'un Québec séparé perdrait, même s'il devait éventuellement redevenir membre de l'ALENA.

Et ce n'est pas moi qui le dit.

J'ai ici une lettre datée du 9 août dernier, adressée à Mickey Kantor par le Sénateur Robert Dole, candidat à l'élection présidentielle, et d'autres membres du Comité des Finances du Sénat américain. Ce comité, il ne faut pas l'oublier, jouera un rôle de pivot dans tout le processus d'adhésion de nouveaux pays à l'ALENA. Dans cette lettre, ces Sénateurs font savoir clairement qu'ils s'opposeraient à l'octroi de ce mécanisme de règlement des différends à tout nouveau membre de l'ALENA.

Il vaut la peine de citer librement quelques passages de cette lettre:

« Nous sommes convaincus que le mécanisme de règlement des différends ne devrait être étendu à aucun autre pays dans de futures ententes commerciales, y compris les négociations qui sont en cours pour l'adhésion du Chili à l'ALENA. »

Pour renforcer leur point, la lettre conclut en répétant que: « Les États-Unis ne devraient pas accepter d'étendre ce mécanisme de règlements fondalement vicié à tout autre pays. » Fin des citations. Et « autre pays », ça comprend un Québec séparé.

Qu'est-ce que cela signifie? Cela signifie qu'un Québec séparé perdrait l'une des protections les plus efficaces dont il dispose actuellement. Il n'aurait désormais plus l'important mécanisme qui lui permettrait de combattre les droits « antidumping » et les droits compensateurs imposés par les Américains.

Cela signifie qu'en l'absence d'un tel mécanisme, un investisseur québécois ou autre, intéressé à exporter vers les pays membres de l'ALENA, n'aurait d'autre choix que de s'installer à l'extérieur du Québec, s'il veut bénéficier de cette protection essentielle pour s'ouvrir sur le marché nord-américain.

Vous êtes des développeurs économiques. Vous savez ce que le mot compétition veut dire. Dites-moi: comment allez-vous réussir dans votre travail? Comment allez-vous attirer de l'investissement dans vos régions? Comment allez-vous créer de nouveaux emplois dans votre région après la perte de cet outil si important, outil que vos compétiteurs dans les autres provinces n'auront pas perdu?

Soyons clairs: la perte de ce mécanisme signifie que le Canada, les États-Unis et le Mexique seraient des partenaires privilégiés de l'ALENA, tandis qu'un Québec séparé ne pourrait espérer mieux que de devenir un membre secondaire. Trois partenaires en bénéficieraient, le Québec le subirait!

Cela voudrait dire que l'ancien système du recours aux tribunaux américains qui a causé tellement d'ennuis dans le passé ne s'appliquerait qu'au Québec. Pas au Mexique. Pas au Canada. Et cela veut dire que ces derniers auraient pour toujours un avantage majeur sur le Québec lorsque viendrait le temps de pénétrer le marché américain.

Pire encore, cela pourrait vouloir dire que c'est cet ancien système qui régirait non seulement les relations commerciales entre un Québec séparé et les États-Unis et le Mexique, mais aussi les relations entre le Québec et le Canada, notre client principal.

En d'autres mots, à cause de leurs droits acquis, les Américains et Mexicains auraient un meilleur accès au marché canadien que ne l'aurait un Québec séparé.

Comparons les choses sous un angle pratique. À l'heure actuelle, une compagnie de Québec, de Chicoutimi ou de Val d'Or a libre accès à un marché de 300 millions de personnes dans tout le Canada et dans toute l'Amérique du Nord.

Après la séparation, le seul marché certain qui resterait ouvert sans entraves à cet employeur serait le Québec - sept millions de personnes. Il ne partagerait plus la protection et les avantages que lui procure actuellement l'ALENA, et ne pourrait plus bénéficier de l'absence de frontières avec le Canada. La conséquence dans ce contexte? La séparation, c'est l'isolement économique du Québec.

Qu'est-ce qui est menacé par cela? C'est 90% de nos exportations; c'est près d'un million d'emplois québécois.

(En anglais dans le texte original)

Les réalités de la séparation sont donc bien claires. Il n'y aura pas d'union monétaire officielle entre un Québec séparé et le Canada. L'utilisation du dollar canadien par le Québec sera menacée. Cela pourrait bien mener à la création d'un dollar québécois.

Il n'y aura pas d'union économique.

Une renégociation des autres ententes commerciales du Canada, en particulier avec les États-Unis, dont le marché est beaucoup plus important, pour tenir compte des intérêts du Québec, dont le marché est beaucoup plus restreint, serait tout simplement beaucoup trop coûteuse.

Le Québec pourrait peut-être adhérer à l'ALENA -- et encore, cela reste à voir --, mais seulement si les États-Unis, le Canada et le Mexique y consentaient chacun de leur côté.

Il est assez clair, selon les indications actuelles, que pour obtenir l'approbation des États-Unis, il faudrait sacrifier la plupart des protections dont dépend actuellement l'économie du Québec.

De plus, comme le montre le débat qui est en cours au Congrès des États-Unis au sujet de l'adhésion du Chili, il est évident que l'ALENA qui pourrait être offert au Québec serait beaucoup moins avantageux que l'accord actuellement en vigueur entre le Canada, les États-Unis et le Mexique.

Nul ne devrait sous-estimer le coût de tous ces facteurs en termes d'emplois ou des efforts que le Québec devrait déployer pour redresser ses finances.

Pour conclure, j'aimerais revenir sur le thème que j'ai abordé au début de mes remarques: celui de la responsabilité politique. Les séparatistes n'échouent pas uniquement aux tests des chiffres et de la logique. Ils échouent également au test de la transparence.

Je ne crois pas que ce soit transparent de cacher les véritables coûts de la séparation, de cacher les études, de cacher les chiffres sur la dette, sur le déficit, sur les taux d'intérêt, sur les taxes, sur l'effet que subiraient les programmes de développement régional au Québec.

Je ne crois pas que ce soit transparent de prétendre que la participation à l'ALENA serait automatique et gratuite.

Je ne crois pas que ce soit transparent de parler d'un nouveau partenariat, quand la seule conséquence certaine de leur option est de détruirele partenariat qui existe déjà.

Je ne crois pas que ce soit transparent d'essayer de faire croire aux Québécois et Québécoises que les séparatistes peuvent obtenir le partenariat par la porte d'en avant, alors qu'ils cherchent en réalité à obtenir la séparation par la porte d'en arrière. Que nul n'en doute: l'indépendance comporte des conséquences très néfastes. Tant pour le Canada que pour le Québec. La question n'est pas simplement là.

La question réside dans le fait que les séparatistes refusent même d'en admettre la possibilité. Je voudrais ce midi poser une question primordiale: pourquoi les leaders séparatistes ont-ils peur, eux, d'aborder la question fondamentale des coûts de la séparation? Au fond, leur silence illustre parfaitement bien la faiblesse de leur cause.

En bout de ligne, qui peut nier que les coûts économiques seraient lourds et durables? Qui peut nier que les risques sont réels, les gains illusoires?

Mes chers amis, qui sait mieux que vous qu'à l'aube du 21ième siècle, le Québec, comme toutes les autres provinces, doit se préparer à affronter des forces et des réalités en constante transformation. Nous vivons dans un monde où les leviers du nationalisme traditionnel n'agissent plus. La réalité économique est planétaire, et rend obsolètes les théories du passé. Tout cela commande un nouveau type de leadership, «une nouvelle vision».

Nous, Québécois et Québécoises, devons fixer notre regard sur l'avenir, sur les besoins réels de la prochaine génération. Nous, Québécois et Québécoises, ne devons jamais cesser d'être ouverts sur le monde, sur l'avenir, sur les autres. Nous devons pratiquer un nationalisme d'ouverture, un nationalisme sans frontières.

Si le Canada est considéré comme l'un des meilleurs endroits où vivre, ce n'est pas à cause de nos prairies ou des cimes de nos montagnes. C'est grâce à l'action, au potentiel, à la synergie et aux réalisations de notre peuple.

L'avenir du Canada avec le Québec sera le reflet de nos espoirs, de nos efforts, de nos capacités extraordinaires, de notre raison. Il sera en fin de compte le reflet de la certitude que c'est ensemble et seulement ensemble que nous pourrons aborder résolument, solidement et en toute confiance le troisième millénaire qui est à nos portes.

Merci.


Dernière mise à jour :  2002-07-25 Haut

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