Le 26 juillet 2004
Notes d’allocution de l’honorable Ralph
Goodale, ministre des Finances, à la Conférence sur les régimes de retraite du secteur public
Regina (Saskatchewan)
Le texte prononcé fait foi
Je crois que c’est Woody Allen qui a dit que la réussite personnelle
dépend à 90 % du simple fait de « faire acte de présence »!
Quand j’ai accepté, il y a quatre mois, de prendre la parole dans le
cadre de votre réunion, trois obstacles pouvaient s’opposer à ma
présence.
Je devais tout d’abord me faire réélire à titre de député de ma
circonscription de Wascana. Je tiens pour cela à remercier mes électeurs
du généreux soutien qu’ils m’ont accordé le 28 juin.
Notre gouvernement devait ensuite lui aussi être reporté au pouvoir,
ce qui a été fait, quoique dans un contexte minoritaire. Nous sommes
reconnaissants au peuple canadien d’avoir renouvelé notre mandat. Nous
tenons aussi à assurer les Canadiennes et les Canadiens que nous
comprenons très clairement le message qu’ils nous ont envoyé aux
dernières élections.
Ce message inclut, selon moi, un très solide vote de confiance dans le
leadership du premier ministre Paul Martin, et envers les priorités et
les valeurs fondamentales défendues dans notre plate-forme électorale.
Les Canadiens insistent toutefois aussi – à juste titre – sur des
normes d’éthique élevées, une gestion publique prudente et solide, la
transparence, la responsabilisation et un rendement approprié pour l’argent
des contribuables.
Le processus de composition du Cabinet de la semaine dernière
constituait le troisième obstacle à abolir – pour assurer ma présence
ici aujourd’hui. Je suis heureux que le premier ministre m’ait
demandé de demeurer ministre des Finances du Canada – un rôle qui
devient plus compliqué dans le contexte d’un gouvernement minoritaire.
Confrontés aux tensions imprévisibles qui émergeront de la nouvelle
dynamique d’une Chambre des communes très différente, nous devrons
faire preuve de souplesse et d’adaptabilité. Parallèlement, nous
devons ancrer notre action profondément dans les principes de la
responsabilité financière, de la planification prudente, de la gestion
efficace de la dette et du maintien de l’équilibre budgétaire.
Après une génération complète de financement au moyen de déficits
accumulés – pendant près de trois décennies jusqu’à 1997 – les
Canadiens ont tout simplement travaillé trop fort et réalisé trop de
progrès au chapitre de l’assainissement des finances publiques pour que
nous retombions en situation déficitaire.
La conjoncture économique actuelle au Canada incite à faire preuve d’un
optimisme raisonnable.
Malgré le syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) et la maladie de
la vache folle, la panne de courant en Ontario, les sécheresses, un
ouragan, les feux de forêt, et une forte appréciation de la valeur de
notre devise – tout cela en six ou sept mois l’an dernier – nous
avons tout de même terminé 2003 avec un taux de croissance économique
plus élevé que prévu par un grand nombre de personnes.
De plus, 2004 a bien commencé. La demande, qu’elle soit intérieure
ou extérieure, a été élevée.
Au pays, grâce au maintien de faibles taux d’intérêt et à la
hausse du revenu disponible, les dépenses de consommation ont augmenté
au premier trimestre de cette année au taux le plus rapide en quatre ans.
Les entreprises canadiennes achètent des machines et du matériel, si
bien que les investissements des entreprises atteignent des niveaux
inégalés depuis 2001.
Parallèlement, nous avons également observé à la fin de 2003 une
reprise de nos exportations – si cruciales pour la santé de l’économie
nationale. Abstraction faite de l’appréciation de la valeur du dollar
canadien, il y a eu croissance de la demande extérieure de produits de l’énergie,
de machines et de matériel, et de matériaux et de produits industriels
canadiens. En outre, le raffermissement des économies mondiales observé
cette année, avec les États-Unis et la Chine en tête, devrait
contribuer au maintien du niveau de nos exportations et de notre excédent
du compte courant.
Sur le plan de l’emploi, l’économie canadienne a créé dans la
première moitié de 2004 plus de 110 000 emplois –
pratiquement tous à temps plein. Notre recensement annuel le plus récent
fait état de 342 000 emplois créés depuis août dernier.
Compte tenu de la confiance élevée des consommateurs et des entreprises,
les économistes du secteur privé s’attendent à une croissance
soutenue de l’emploi pour le reste de 2004.
Pendant ce temps, la hausse des prix de l’énergie a porté à
2,5 % le taux d’inflation au Canada. Celui-ci demeure toutefois à
l’intérieur de la fourchette cible de 1 à 3 % établie
conjointement par le gouvernement et la Banque du Canada il y a plus de
10 ans.
Même si j’évite habituellement de sauter trop rapidement aux
conclusions, compte tenu de tous les facteurs qui précèdent, on peut
probablement affirmer sans crainte de se tromper que les perspectives
économiques pour le Canada se sont améliorées depuis le dépôt du
budget fédéral en mars dernier.
J’ai donc toujours confiance dans notre capacité de mettre en œuvre
le nouvel élan vers une décennie de réussites exposé dans le budget,
et sur lequel nous avons fondé notre plate-forme électorale.
Nos priorités pour les cinq prochaines années sont claires.
Notre principal objectif – qui fera l’objet en septembre d’une
importante réunion des premiers ministres – consiste nettement à
renouveler le système et le financement des soins de santé.
De plus, au cours de ce mandat, nous voulons nous attaquer :
- au développement de la petite enfance, à l’apprentissage et à
la garde des jeunes enfants;
- au bien-être des aînés, des personnes handicapées et de leurs
aidants naturels;
- aux éléments promis du nouveau pacte à conclure avec les villes
et les municipalités canadiennes;
- aux besoins urgents des Autochtones canadiens;
- à des mesures visant à favoriser le maintien de la croissance
économique, de l’innovation et de la commercialisation, un
accroissement de la productivité et de la compétitivité, ainsi qu’une
amélioration du niveau de vie;
- à l’échelle internationale – à l’application du
savoir-faire canadien au processus de paix et à l’édification de
nations partout dans le monde.
Tout cela, bien entendu et comme nous l’avons promis, sans jamais
retomber en situation de déficit.
Comme nous l’avons également promis dans le budget de 2004, nous
avons rétabli le Bureau du contrôleur général du Canada. Nous avons
recruté un professionnel chevronné de la firme Ernst & Young,
Charles-Antoine St-Jean, pour exercer ce rôle crucial, et nous lui
adjoignons des contrôleurs professionnels dans chacun des ministères.
Nous sommes aussi à mettre en oeuvre un système renforcé de
vérification interne dans l’ensemble de l’administration fédérale,
des directives plus transparentes de présentation de rapports, et de
nouvelles normes relatives à la gouvernance des sociétés d’État.
Toutes ces mesures s’inscrivent dans notre engagement à améliorer la
gestion et l’intendance.
Cet engagement est également appuyé par notre processus d’examen
des dépenses, qui se veut un effort continu de renouvellement et de
rajeunissement du gouvernement. Nous allons réexaminer toutes les
dépenses, leur appliquer des critères de pertinence et d’excellence,
et transférer des dépenses courantes à des objectifs plus prioritaires.
Afin de pouvoir nous acquitter entièrement de notre objectif
stratégique dans les cinq prochaines années, nous voulons trouver au
moins 3 milliards de dollars que nous destinerons à des
réaffectations permanentes – ce qui nous permettra de dégager un
espace budgétaire, dans le cadre des dépenses en cours, pour nous
attaquer aux enjeux les plus importants selon l’ensemble des Canadiennes
et des Canadiens.
Ce programme peut sembler facile – compte tenu des dépenses
publiques annuelles qui totalisent environ 180 milliards de dollars.
Nous pourrions sûrement trouver 3 milliards en exerçant notre marge
de manœuvre interne. Cependant, une fois déduits des éléments
obligatoires comme les frais de service de la dette, les paiements de
transfert versés aux provinces, les droits à pensions fédérales, les
urgences, la sécurité publique et la sécurité nationale – les
dépenses discrétionnaires fédérales avoisinent davantage les
50 milliards de dollars par année, ce qui rend les décisions de
réaffectation nécessaires beaucoup plus difficiles.
Nous ne devons toutefois pas reculer devant cette difficulté. La
réaffectation est une composante essentielle de la responsabilité
financière, de la gestion efficace et de la gouvernance moderne.
L’évolution démographique du Canada constitue un autre défi
essentiel à relever, et il est d’une importance capitale pour votre
secteur.
D’ici la fin de la présente décennie – dans seulement six ou sept
ans – nous serons témoins du début du départ à la retraite de la
génération du baby-boom. Cette génération est la plus populeuse de l’histoire,
et celles qui l’ont suivi sont loin derrière à ce chapitre. Un nombre
accru de personnes utiliseront les programmes sociaux que nous tenons en
si haute estime, mais un moins grand nombre de contribuables contribueront
à leur financement.
Aujourd’hui, le ratio de travailleurs aux retraités canadiens est de
cinq pour un. Dans les 10 prochaines années, ce ratio passera à
environ quatre pour un, et il sera réduit de moitié d’ici 2030. Il s’agit
d’un changement de premier ordre, et les répercussions, sociales et
économiques, seront à l’avenant.
C’est la raison pour laquelle il sera essentiel de nous mettre à l’œuvre
dès maintenant afin de remettre notre régime canadien de soins de santé
sur une assise solide et soutenable – non seulement pour une année ou
deux, mais à long terme.
De même, en ce qui a trait au Régime de pensions du Canada (RPC), il
était crucial il y a quelques années que le Canada et les provinces
apportent les modifications nécessaires pour remettre le RPC sur une base
actuarielle solide pour au moins 50 autres années. Notre pays est l’un
des seuls à avoir assuré la stabilité de son système des pensions.
Le RPC ne constitue toutefois qu’un volet du système canadien de
revenu de retraite. Vous tous ici présents en constituez aussi une grande
partie. Et notre gouvernement est prêt à écouter attentivement vos
préoccupations – toujours soucieux d’agir dans l’intérêt public
– afin de satisfaire aux besoins des participants aux régimes de
retraite d’un bout à l’autre du pays.
Dans cette optique, j’aimerais parler brièvement d’une question
qui préoccupe certains d’entre vous; je pense évidemment aux fiducies
de revenu d’entreprise.
Comme vous le savez, le gouvernement a proposé dans le budget de mars
de limiter la taille de l’investissement et le degré de participation
des caisses de retraite dans les fiducies de revenu d’entreprise.
Jusqu’ici, la plupart des caisses de retraite de plus grande taille n’ont
pas été des investisseurs actifs sur le marché en pleine croissance des
fiducies de revenu d’entreprise – principalement en raison de
préoccupations au sujet des passifs éventuels. Mais certaines provinces
(comme l’Alberta et l’Ontario) adoptent de nouvelles lois relativement
aux questions de passif, et dans ce contexte, un plus grand nombre de
caisses de retraite pourraient envisager une participation plus active
dans les fiducies de revenu d’entreprise.
Les caisses de retraite ont un important rôle à jouer sur les
marchés financiers canadiens. Leur participation illimitée aux fiducies
de revenu d’entreprise pourrait avoir une grande incidence sur les
revenus de l’État, en raison de l’exonération d’impôt dont elles
profitent.
Une fois cette préoccupation identifiée dans le budget, un certain
nombre de gestionnaires de caisses de retraite ont soulevé des questions
au sujet des plafonds proposés. En revanche, d’autres personnes du
milieu des affaires ont dit souscrire aux mesures budgétaires.
Compte tenu des nettes différences d’opinion, j’ai accepté à la
mi-mai de suspendre les plafonds appliqués aux placements des caisses de
retraite dans les fiducies de revenu d’entreprise afin de permettre la
tenue des consultations qui s’imposent. Je fournirai plus tard au cours
de l’été d’autres précisions au sujet de ce processus de
consultation. Entre-temps, nous continuerons de surveiller l’évolution
du marché des fiducies de revenu.
Une fois que nos consultations avec des représentants du secteur et d’autres
administrations seront terminées, nous soumettrons des propositions qui,
du moins je l’espère, tiendront compte le plus possible des intérêts
de toutes les parties prenantes.
Au-delà des soins de santé et des pensions, le grand changement
démographique qui nous attend aura aussi d’autres répercussions.
Certains modélisateurs de l’économie prédisent que les départs
massifs à la retraite des baby-boomers, suivis de ceux d’une cohorte
beaucoup plus petite, pourrait retarder la croissance économique globale.
Comme vous le savez, la croissance du produit intérieur brut (PIB)
réel résulte de l’accroissement de la main-d’oeuvre et de la
productivité. Moins la main-d’œuvre s’accroît rapidement, moins
nous pouvons compter sur son seul accroissement aux fins de la croissance
du PIB réel, et plus nous dépendons du simple accroissement de la
productivité. Ces perspectives ont plusieurs répercussions importantes.
D’abord, les Canadiens des secteurs public et privé doivent
renforcer leur accent sur l’obtention de gains de productivité vraiment
supérieurs. C’est pourquoi nous ne pouvons pas perdre la force d’impulsion
créée dans les dernières années en faveur de l’accroissement de l’innovation,
du développement et de la recherche scientifique, et de l’application
de nouvelles technologies canadiennes – en insistant sur une
commercialisation plus efficace.
Nous devons continuer à accroître la qualité de nos cerveaux
canadiens, y compris en élargissant et en améliorant l’accès à tous
les aspects de l’enseignement post-secondaire.
De tous les pays de l’Organisation de coopération et de
développement économiques, le Canada compte le pourcentage le plus
élevé de personnes ayant fait des études post-secondaires. Mais à
41 %, malgré notre titre de leader mondial, nous pouvons et nous
devons nous améliorer – dans le cadre d’un aprentissage permanent qui
commence dès la petite enfance.
Nous aurons également besoin d’une immigration accrue et de l’établissement
plus rapide des néo-Canadiens, y compris des cours de formation
linguistique et la reconnaissance des titres de compétences étrangers.
Nous devrons aussi pouvoir compter sur de meilleurs systèmes de
soutien qui assureront à un plus grand nombre de Canadiens à faible
revenu une participation plus intense et plus fructueuse sur le marché du
travail. En particulier – et surtout ici dans l’Ouest canadien –
nous devrons combler l’écart socio-économique qui existe entre les
Autochtones et les autres Canadiens.
À la différence du reste de notre population, le segment autochtone
de la société canadienne est en croissance rapide, et en moyenne il
rajeunit – 50 % de la population autochtone a moins de 25 ans. Les
Autochtones sont toutefois largement sous-représentés parmi les indices
économiques qui permettent de mesurer les gains de productivité.
Pour les Autochtones comme pour le Canada, il y aurait lieu d’accorder
une grande attention à ces possibilités inexploitées.
Enfin, comme le reconnaissent de plus en plus tous les gouvernements du G-7, la réduction de la dette publique demeure un objectif budgétaire
important – surtout compte tenu du vieillissement de la population.
Comme le nombre de personnes recourant aux programmes sociaux augmentera
et que le nombre de contribuables actifs diminuera, nous devrons faire
preuve d’une grande prudence pour assurer notre marge de manœuvre et
notre viabilité financières.
Pour simplifier, plus notre dette accumulée sera importante dans cinq
ou 10 ans, moins nous serons en mesure de satisfaire comme il se doit les
besoins croissants occasionnés par le départ à la retraite des
baby-boomers. Il nous importe à tous de garder ce point clairement à l’esprit
– des deux côtés de la Chambre dans le contexte de notre gouvernement
minoritaire.
Personne ne doit sous-estimer les défis de la nouvelle réalité
politique canadienne. Les gouvernements minoritaires ont besoin de l’attention
soutenue de toutes les parties, afin de gérer les événements avec soin
et de montrer un respect sans précédent – à nos institutions
parlementaires comme les uns envers les autres.
Il doit y avoir une recherche constante de consensus constructif.
En ma qualité de ministre des Finances, je suis heureux de savoir d’emblée
que toutes les parties à la récente élection s’entendent sur une
chose – le besoin net d’une responsabilité financière et d’un
équilibre budgétaire continus. Personne n’a fait campagne en faveur du
retour aux déficits!
Nous partons donc avec certaines choses en commun.
En fin de compte, les Canadiens ont exercé le droit qui leur échoit
en démocratie, et ils ont élu les représentants parlementaires qu’ils
voulaient. Il nous incombe maintenant à tous, dépositaires de la
confiance du public – au gouvernement comme dans l’opposition – de
faire fonctionner le Parlement comme le veulent les Canadiennes et les
Canadiens.
Je vous remercie. |