le 7 octobre 2004
Allocution de l’honorable Ralph Goodale,
ministre des Finances, à la Chambre des communes lors du débat sur
l'Adresse en réponse au discours du Trône
Ottawa (Ontario)
Monsieur le Président, je suis heureux d'avoir l'occasion
de parler du programme du gouvernement au cours de la nouvelle législature,
qui sera très différente, et du sous-amendement du Bloc québécois dont
nous sommes saisis.
Le programme du gouvernement découle directement des
engagements pris auprès de la population lors de la campagne électorale de
juin. Il est désormais intégré dans le discours du Trône. Il s'agit d'un
programme ambitieux pour un pays ambitieux.
Prenons les soins de santé. Nous mettrons en oeuvre
l'entente historique que le premier ministre a conclu avec les premiers
ministres à la mi-septembre. En vertu de cette entente, le gouvernement du
Canada remettra aux provinces et aux territoires plus de 41 milliards
de dollars d'argent neuf pour les soins de santé au cours de la prochaine
décennie. Cette somme s'ajoute aux quelque 36 milliards de dollars par
année que le gouvernement fédéral investit à l'heure actuelle
directement et indirectement dans la santé des Canadiens.
Cela signifie que nous avons respecté et même dépassé
toutes les obligations financières fédérales énoncées par l'honorable
Roy Romanow dans son rapport historique sur les soins de santé. Nous
avons conclu une entente à long terme qui a été signée en bonne et due
forme par tous les premiers ministres des provinces et des territoires.
L'entente prévoit ce qu'il y a de mieux en fait de transparence. Elle est
le triomphe du fédéralisme canadien et elle nous permet de concentrer tous
nos efforts sur l'essentiel: des délais d'attente plus brefs, un plus grand
nombre de professionnels de la santé, un meilleur matériel, des soins
primaires améliorés, une couverture des soins à domicile et des
médicaments onéreux, de meilleurs services dans le Nord et pour les
autochtones, plus d'innovation dans le domaine de la santé, et une santé
publique et un mieux-être améliorés.
Dans une très grande mesure, c'est ce dont le discours du
Trône et la présente session traitent, mais ce n'est pas tout.
Il y a la péréquation, la façon canadienne de créer
l'équité parmi toutes nos provinces et régions. La péréquation fait
partie intégrante des arrangements fiscaux entre le fédéral et les
provinces depuis 1957. Elle a été intégrée à notre Constitution en
1982. Essentiellement, elle transfère quelque 8 à 10 milliards
de dollars chaque année du gouvernement du Canada aux provinces moins
fortunées dont la capacité de percevoir des recettes est inférieure à
une certaine norme calculée.
L'actuel système de péréquation se fonde sur une formule
énormément complexe comptant au moins—comptez-les—1 320 éléments
continuellement mobiles. Les provinces s'inquiètent du fait qu'elle manque
de clarté et de prévisibilité et qu'elle fonctionne parfois
rétroactivement.
Lorsque les paiements de péréquation diminuent, comme cela
arrive parfois avec la formule, même s'il cela veut dire que l'écart entre
les provinces riches et les provinces pauvres a diminué, ce qui devrait
être une bonne chose, les provinces continuent à s'interroger sur la
justesse du système. Afin de répondre à ces inquiétudes, nous avons mis
de l'avant les plus importants changements jamais effectués en matière de
péréquation depuis la mise en place du système il y a 47 ans.
Pour l'exercice en cours, nous ajoutons deux nouveaux
planchers aux calculs existants, ce qui augmente l'ensemble des paiements,
lesquels passent du montant de 9,2 milliards de dollars prévu pour
cette année, à environ 10,8 milliards de dollars pour l'ensemble,
soit une somme qui dépasse largement la valeur moyenne du programme de
péréquation depuis les cinq dernières années.
Pour l'exercice prochain et ceux qui vont suivre, nous
allons plus loin en créant un nouveau montant de base de péréquation qui
sera indexé pour augmenter automatiquement d'année en année. Le nouveau
montant de base pour l'exercice 2005-2006 sera établi à un niveau que
n'ont jamais atteint les droits de péréquation, c'est-à-dire
10,9 milliards de dollars. Le facteur d'indexation qui sera ajouté à
ce montant de base sera de 3,5 p. 100 par année, et nous
réévaluerons les dispositions tous les cinq ans.
Nous avons donc couvert les trois préoccupations,
c'est-à-dire la clarté, la prévisibilité et la justesse du système en
augmentant d'environ 33 milliards de dollars les contributions du
gouvernement fédéral aux provinces et aux territoires pour les dix
prochaines années. Les premiers ministres se rencontreront de nouveau le
26 octobre prochain pour mettre une dernière main aux détails.
Mais ce n'est pas tout. Nous avons mis de l'avant des
projets importants en matière de développement, d'apprentissage et de
soins à l'intention de la petite enfance; des projets pour les personnes
âgées, les personnes handicapées et leurs fournisseurs de soins; des
projets pour les Canadiens d'origine autochtone; pour les villes et les
collectivités; pour le Canada rural, l'agriculture et les ressources
naturelles; des projets pour le Nord; pour l'environnement; et pour la place
du Canada en tant que pays respecté et qui se distingue dans les affaires
mondiales. Et il y a encore plus.
Nous nous sommes engagés à présenter des budgets
équilibrés, à faire preuve de discipline financière, à réduire la
dette de manière constante et tangible et, tout comme nous l'avons fait
dans tous les budgets depuis 1996, à réduire davantage les impôts
fédéraux, surtout pour les Canadiens à plus faible revenu, et à
accroître la compétitivité de l'économie canadienne.
La remarquable performance du Canada sur le plan fiscal,
économique et social au cours des sept dernières années est le résultat
direct du succès de notre lutte au déficit engagée dans les
années 1990. Il s'agit d'une bataille que nous avons livrée et que
nous avons gagnée.
Après environ trois décennies de déficits chroniques, de
croissance zéro, de taux d'intérêt élevés et de pertes d'emplois, nous
sommes parvenus à équilibrer les livres du Canada en 1997 et nous
avons continué de le faire chaque année depuis. Nous sommes le seul pays
du G7 à afficher un bilan solidement positif. Nos cotes de crédit triple A
ont été pleinement rétablies par rapport à ce qu'elles étaient au
milieu des années 1990 et plus tard.
Depuis que nous avons commencé à avoir des surplus, le
niveau de vie moyen des Canadiens a augmenté plus rapidement.
L'amélioration à ce chapitre a été plus grande au cours des sept
dernières années que dans les 17 années précédentes.
Notre planification soigneuse et notre gestion budgétaire
prudente ont donné au Canada les ressources nécessaires pour faire face à
des crises coûteuses et imprévisibles comme les menaces pour la
sécurité, les désastres naturels, la poussée de SRAS et, évidemment, la
crise de la vache folle.
Nous avons également eu les ressources nécessaires pour
investir dans les grandes priorités canadiennes comme les soins de santé,
l'éducation, la famille et l'innovation tout en parvenant à réduire la
dette et les impôts et à équilibrer les comptes. Toutefois, nous ne
pouvons jamais tenir nos succès financiers et économiques pour acquis. Ce
succès est crucial pour le bien-être des Canadiens partout au pays, mais
il n'est pas automatique.
C'est pourquoi j'ai été très heureux de voir qu'une
partie substantielle du discours du Trône a été consacrée à la façon
dont nous allons relever le défi de maintenir notre force économique et de
capitaliser sur elle, parce que c'est de cette force économique que
dépendent toutes ces autres choses que les Canadiens désirent. C'est elle
qui nous permet d'entreprendre des initiatives comme celles que nous
réalisons en commun avec nos collègues et partenaires provinciaux, dans
des domaines comme les soins de santé et la péréquation, mais également
dans des domaines comme l'éducation post-secondaire, certains autres
programmes sociaux, les infrastructures, l'environnement, l'agriculture,
l'immigration, le développement régional, le logement et la réduction du
nombre de sans-abri, l'innovation et la recherche.
Notre succès économique est également l'instrument qui
nous permet de faire face à nos responsabilités fédérales directes dans
des domaines comme les pensions publiques dans une société de plus en plus
vieillissante, la diplomatie internationale, l'aide à l'étranger et le
commerce international, la défense nationale, la sécurité nationale et
les urgences nationales. Évidemment, il reste que la dette fédérale
s'élève toujours à plus de 500 milliards de dollars qui, soit dit en
passant, représente presque le double de la dette combinée des provinces
et des territoires. Juste pour la garder à son niveau actuel, il faut
dépenser environ 20 cents sur chaque dollar de revenu fédéral. Cela
représente près de 35 milliards de dollars par année, probablement
le poste de dépenses le plus important dans le budget du gouvernement du
Canada.
Personne ne devrait mettre en doute les graves
responsabilités assumées par les gouvernements provinciaux. Bien entendu,
leurs compétences, tout comme celle du fédéral, doivent toujours être
respectées. En toute justice, il convient cependant de noter que les deux
ordres de gouvernement ont accès à toutes les mêmes grandes assiettes
fiscales.
Il convient de noter que le gouvernement fédéral n'a pas
accès à certaines sources de revenus provinciales comme les redevances et
les recettes tirées des loteries. Il convient de noter que les provinces
ont toute autonomie pour ce qui est de fixer leurs propres politiques
budgétaires. Il convient de noter que la responsabilité financière du
fédéral, l'équilibre budgétaire et la réduction de la dette permettent
non seulement au gouvernement du Canada mais à tous les Canadiens, y
compris aux gouvernements provinciaux, d'économiser sur les frais
d'intérêt.
Il convient de noter que les récentes améliorations du
rendement économique de la nation accroîtront non seulement les recettes
fédérales, mais également les recettes provinciales. Il convient de noter
que le gouvernement du Canada s'est déjà engagé à accroître
substantiellement ses transferts annuels de plusieurs milliards de dollars
pour aider d'autres gouvernements, à savoir 41 milliards de dollars
pour les soins de santé, notamment, et 33 milliards de dollars pour la
péréquation, sans mentionner d'autres choses à venir comme les garderies,
les collectivités et d'autres.
Il convient de noter qu'à l'instar des provinces, le
gouvernement du Canada assume lui aussi de graves responsabilités, comme je
l'ai déjà mentionné.
Il vaut la peine de noter que les comparaisons
internationales révèlent que le Canada, comme pays et fédération très
prospère, est l'une des fédérations les plus décentralisées au monde.
Pour ce qui est des fonds, les recettes provinciales
totales, c'est-à-dire leurs propres sources de revenus ajoutées aux
transferts en espèces faits chaque année par le fédéral, dépassent
substantiellement les recettes fédérales depuis plus de 20 ans
maintenant, et on s'attend qu'elles continuent à le faire.
Ce sont là toutes les raisons pour lesquelles la motion du
Bloc québécois dont la Chambre est saisie me pose problème. Elle est à
mon avis fondamentalement erronée, tant dans ses prémisses que dans la
solution qu'elle propose. Elle nie les progrès récents accomplis dans des
domaines comme les soins de santé et la péréquation. Ce qui est encore
plus grave, elle fait fi des devoirs et responsabilités du gouvernement et
du Parlement du Canada en proposant essentiellement de déléguer à un seul
premier ministre provincial, agissant seul, une énorme portion de la prise
de décision nationale en matière de finances sans lui imposer de limite ni
l'obligation de rendre compte.
Je veux qu'on me comprenne bien. J'ai énormément de
respect pour le premier ministre de la province de Québec. J'ai eu
l'honneur de siéger à la Chambre à ses côtés et de travailler avec lui
à la solution de problèmes environnementaux par exemple. C'est un chef
provincial remarquable et lors de la conférence des premiers ministres sur
la santé récemment il a joué un rôle exceptionnel.
Nous sommes tous, je crois, très fiers de M. Charest
mais cela n'a rien à voir avec le fait que ce serait dénaturer notre
démocratie que de lier la politique financière fédérale aux
déclarations passées, présentes ou futures de quelque personne ou
autorité extérieure à cette Chambre qui n'est aucunement tenue de rendre
des comptes à cette Chambre.
En outre, mentionner ainsi le premier ministre d'une
province en particulier, comme le fait cette motion, c'est essentiellement
rendre un mauvais service aux dirigeants des autres provinces et
territoires. Le premier ministre du Québec, je soupçonne, n'est pas le
seul à avoir des idées bien arrêtées sur des questions financières et
il est probablement vrai de dire que tous les premiers ministres provinciaux
ont des idées multiples et variées sur le sujet. Il ne s'agit pas d'une
solution qui réponde à tous les besoins.
En ce qui concerne la péréquation par exemple, je sais que
le premier ministre du Québec adopte une position très ferme et je la
respecte. Cependant, je dirais très respectueusement que je sais que le
premier ministre de Terre-Neuve-et-du-Labrador défend aussi une position
très ferme tout comme le premier Nouveau-Brunswick, celui de la
Saskatchewan et, d'un point de vue différent, le premier ministre de
l'Alberta et celui de l'Ontario.
Il n'est pas question ici de se faire le porte-parole des
premiers ministres provinciaux. Mon argument est le suivant : il n'est
tout simplement pas acceptable de fonder la politique financière fédérale
sur l'opinion d'une autorité quelconque étrangère au Parlement. C'est
illogique, du point de vue d'un gouvernement responsable, parce que la
Chambre est l'endroit où les décisions financières sont prises et c'est
irrationnel sous l'angle de l'équité et de la compréhension au sein de
notre système fédéral.
Par conséquent, j'exhorte tous les députés à donner leur
appui à la portée et à l'orientation fondamentale du discours du Trône
proprement dit et à rejeter le sous-amendement lors du vote qui aura lieu
plus tard ce soir.
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