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Évaluation à la fin de la cinquième année de l'Initiative nationale de lutte contre le blanchiment d'argent et évaluation préliminaire des mesures de lutte contre le financement du terrorisme : 2
- Table des matières - Précédent - Suivant -

2.3 Degré de réussite

La présente section porte sur le degré de réussite de l'Initiative par rapport aux objectifs qui la sous-tendent. L'évaluation a porté plus particulièrement sur les progrès réalisés en vue de l'atteinte des objectifs officiels consistant à mettre en place des mesures de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme, à assurer un juste équilibre entre ces mesures et le respect de la vie privée et de la Charte, et à permettre au Canada de respecter ses engagements internationaux. Nous avons aussi cherché à déterminer jusqu'à quel point l'Initiative et les mesures connexes ont permis d'améliorer la capacité à déceler les cibles et à fournir un soutien aux fins d'enquête, de rendre l'environnement canadien plus réfractaire aux activités de blanchiment d'argent et de financement du terrorisme et de réduire à long terme la rentabilité et la fréquence de ces activités.

Avant d'exposer nos observations et nos conclusions à ce sujet, nous tenons à indiquer une fois encore qu'il est très difficile de circonscrire avec précision l'apport de l'Initiative sur le plan de la détection et de dissuasion en matière de blanchiment d'argent et de financement du terrorisme. D'abord, ainsi que cela est indiqué dans le rapport de 2003 de la vérificatrice générale,[33] il n'existe pas de mesure fiable de la quantité d'argent blanchi, ni de méthode convenue, au Canada ou à l'étranger, pour déterminer cette quantité. Ensuite, les organismes d'exécution de la loi et autres ont recours à toute une panoplie de méthodes d'enquête et de sources de renseignements pour recueillir des preuves contre les personnes qui se rendent coupables de blanchiment d'argent ou de financement du terrorisme. Étant donné que les renseignements servant à poursuivre et à faire condamner les criminels proviennent de sources différentes, il peut être difficile de déterminer les effets de l'information fournie dans le cadre de l'Initiative sur les résultats des enquêtes. Enfin, les enquêtes sur les produits de la criminalité sont habituellement assez compliquées et exigent de longues chaînes complexes de preuves. Il arrive souvent que plusieurs années s'écoulent entre l'ouverture d'une enquête et sa conclusion. Il sera donc difficile de mesurer la contribution de l'Initiative jusqu'ici, surtout que celle-ci est pleinement en oeuvre depuis moins de deux ans. Il faut tenir compte de ces points lorsque l'on examine les résultats présentés dans la présente section.

Malgré ces mises en garde, nous pouvons déjà observer les premiers indices de réussite, que nous commenterons davantage plus loin. Les déclarations obligatoires ou volontaires au CANAFE ont permis à ce dernier de faire des communications, qui ont à leur tour alimenté un grand nombre d'enquêtes de la part des organismes ayant reçu cette information, dont la GRC, le SCRS et l'ARC, ce qui donnera sans doute lieu à des poursuites. Le Programme de déclaration des mouvements transfrontaliers d'espèces de l'ASFC a donné lieu à un grand nombre de saisies et de confiscations d'espèces (ce dont il sera question plus en détail ci-après), à quoi s'ajoute la somme importante de renseignements communiqués volontairement par les voyageurs, qui sont versés dans la base de données du CANAFE et peuvent s'avérer utile dans le cadre d'enquêtes futures. Il faut rappeler que, si les enquêtes, les saisies et les poursuites sont des signes de réussite tangibles, la simple collecte de données aux termes de la Loi est essentielle en soi à la conception d'outils efficaces pour lutter contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme, par exemple des profils et des analyses de tendances, des typologies et des indicateurs.

a) Atteinte des objectifs

i) Mise en oeuvre de mesures de détection et de dissuasion en matière de blanchiment d'argent et de financement du terrorisme

Nous avons déjà vu que des mesures ont été mises en application pour détecter les activités de blanchiment d'argent et de financement du terrorisme, dissuader quiconque de commettre de telles infractions et appuyer les enquêtes et les poursuites en la matière. La mise en oeuvre de la Loi et des mesures connexes de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme s'est faite comme prévu : des exigences de tenue de documents et d'identification des clients ont été imposées aux fournisseurs de services financiers et à d'autres entités déclarantes; on a établi une procédure de déclaration des opérations financières douteuses, des télévirements internationaux, des opérations en espèces portant sur des montants importants et des mouvements transfrontaliers d'espèces et d'effets; enfin, le CANAFE a été mis sur pied et a amorcé ses activités en novembre 2001 à titre d'URF du Canada, son mandat consistant à traiter les renseignements déclarés et d'autres données pertinentes. Les relations et les rôles concernant la collecte, l'analyse et la communication de ces renseignements ont été définis avec soin. Donc, cet objectif a été atteint.

ii) Juste équilibre entre les mesures de lutte et le respect du droit à la vie privée et de la Charte

Au cours des cinq dernières années, on a respecté le juste équilibre législatif établi avec soin par le Parlement entre, d'une part, les objectifs de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme grâce à l'Initiative et aux mesures connexes, et d'autre part le respect du droit à la vie privée et de la Charte. Le CANAFE a su mener ses activités de manière à respecter scrupuleusement le droit à la vie privée et les droits conférés aux citoyens par la Charte, conformément à son mandat et aux dispositions de la Loi. Les communications du CANAFE contenaient uniquement des « renseignements désignés », au sens des articles 55, 55.1 et 56.1 de la LRPCFAT.

De nombreuses dispositions législatives protègent la vie privée des Canadiennes et des Canadiens. De plus, la réglementation et les procédures mises en place garantissent la protection des renseignements personnels. Les dispositions de protection contenues dans la Loi consistent notamment à faire du CANAFE un organisme indépendant des organismes d'exécution de la loi et du SCRS, à imposer des restrictions relativement aux renseignements personnels pouvant être communiqués (ce qui va de pair avec de lourdes amendes en cas de communication de renseignements qui n'auraient pas dû être divulgués) et à limiter la période durant laquelle les renseignements peuvent être conservés dans la base de données du CANAFE. Ce dernier a adopté des pratiques de gestion sécuritaire de l'information : par exemple, il vérifie la sécurité physique de ses locaux et de son matériel, et il veille à ce que ses employés se conforment aux mesures de sécurité applicables dans le traitement de l'information. Le Centre effectue des communications uniquement lorsqu'il a des motifs raisonnables de penser que ceux-ci sont associés à une activité illicite, ainsi que l'exige la Loi.

Il y a en ce moment deux contestations judiciaires aux termes de la Loi; une seule a trait au respect de la vie privée - relativement à une saisie d'espèces par l'ASFC. D'autres contestations sont possibles à ce propos, mais le fait qu'il n'y en ait eu qu'une jusqu'ici est un élément encourageant.

Toutefois, à cette étape de l'Initiative, il est peut-être plus prudent de se pencher sur la possibilité d'apporter des modifications législatives ou réglementaires autorisant la communication de renseignements additionnels aux organismes d'exécution de la loi et aux autres organismes autorisés, ce qui répondrait à un besoin quant au degré de détail de l'information fournie et optimiserait en bout de ligne l'efficacité de l'Initiative et des mesures de détection et de dissuasion en matière de blanchiment d'argent et de financement du terrorisme.

Selon l'opinion générale de certains organismes qui reçoivent des communications du CANAFE, on penche trop à l'heure actuelle en faveur de la protection des renseignements personnels. L'approche en vigueur, jugée trop « conservatrice » ou trop prudente par certains, fait en sorte que les communications ne contiennent pas des renseignements suffisants, ce qui réduit leur utilité aux fins d'enquête (surtout lorsqu'il s'agit de nouveaux dossiers); de plus, il est difficile d'obtenir des ordonnances de production de documents en vue de disposer de renseignements complémentaires. Les organismes d'exécution de la loi partenaires veulent obtenir des renseignements plus détaillés (exposé des faits) concernant l'analyse et les motifs qui sous-tendent les communications du CANAFE. D'après eux, si des renseignements plus détaillés étaient fournis, cela réduirait les chevauchements d'activités (il ne serait pas nécessaire de refaire l'analyse déjà menée par le CANAFE), permettrait de disposer de l'information nécessaire en temps opportun et d'accroître l'utilité des communications aux fins d'enquête, et accroîtrait en bout de ligne l'efficacité de l'Initiative et des mesures de détection et de dissuasion en matière de blanchiment d'argent et de financement du terrorisme. Cela va toutefois bien au-delà des limites fixées actuellement dans la Loi.

La Loi et la réglementation connexe énoncent les renseignements désignés pouvant être communiqués (par exemple, noms d'emprunt, date de naissance, adresse et citoyenneté du client, de l'importateur, de l'exportateur ou de la personne agissant pour leur compte); des modifications réglementaires pourraient être apportées dans le but de permettre aux partenaires d'obtenir certains des renseignements dont ils ont besoin.

En conclusion, du point de vue de l'application, au cours des cinq premières années de mise en oeuvre de l'Initiative, on a maintenu un juste équilibre entre, d'une part, les objectifs de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme, et d'autre part le respect du droit à la vie privée et de la Charte, comme le prévoit la Loi. Il serait bon à l'heure actuelle de se pencher sur la possibilité d'adopter des modifications législatives ou réglementaires permettant d'élargir jusqu'à un certain point la gamme de renseignements pouvant être échangés, de façon à accroître l'utilité des communications du CANAFE et l'efficacité de l'Initiative.

RECOMMANDATION 3 : Le gouvernement du Canada doit étudier la possibilité d'accroître la somme de renseignements pouvant faire partie des communications du CANAFE afin de rendre ces renseignements plus utiles pour les organismes qui les reçoivent.

iii) Respect des engagements internationaux

La mise en oeuvre de l'Initiative, y compris les activités et processus du CANAFE visant à lutter contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme, ont permis au Canada de s'acquitter de ses engagements internationaux, notamment les conventions des Nations Unies, touchant la lutte contre ces activités illicites. De plus, l'Initiative et les mesures connexes de lutte contre le financement du terrorisme ont concouru à une plus grande conformité du Canada aux quarante recommandations et aux huit recommandations spéciales du GAFI.

D'importants progrès ont été accomplis en ce qui touche la mise en oeuvre des recommandations du GAFI par le Canada. Lors de la première évaluation, dans les années 1990, les résultats du Canada à cet égard avaient été jugés insuffisants; à la suite de la seconde évaluation mutuelle dans le cadre des travaux du GAFI, en 1997, il avait été indiqué que le régime de déclaration volontaire des opérations douteuses était inefficace. On avait alors recommandé la mise en place d'un régime de déclaration obligatoire de ces opérations, l'adoption de mesures réglementaires au sujet des mouvements transfrontaliers d'espèces et la mise sur pied d'une URF. L'Initiative a été mise en oeuvre en 2000 afin de combler les lacunes en question. La dernière autoévaluation, en 2002-2003, a donné de meilleurs résultats. Il a en effet été déterminé que le Canada se conformait à 27 recommandations du GAFI touchant la lutte contre le blanchiment d'argent[34] et à six recommandations spéciales (sur la lutte contre le financement du terrorisme), l'évaluation ayant porté sur 28 des 40 recommandations et sur sept des huit recommandations spéciales. On a jugé que le Canada ne se conformait que partiellement à l'une des recommandations spéciales, étant donné l'absence de dispositions exigeant l'enregistrement ou la délivrance de permis dans le cas de personnes ou d'entités juridiques offrant des services de transmission de fonds ou de valeurs; Finances Canada examine en ce moment de possibles exigences d'enregistrement.

Certains des partenaires dans le cadre de l'Initiative, dont la GRC (Sous-direction des produits de la criminalité et Groupe de lutte contre le financement du terrorisme) et le CANAFE, contribuent de façon tangible à l'exercice annuel des typologies du GAFI, à la formulation et à la révision des quarante recommandations et à l'examen des pratiques d'exécution de la loi, ce qui comporte des évaluations sur le terrain et la formation des évaluateurs. Le ministère de la Justice a participé aux rencontres du GAFI, fournissant des conseils au sujet de questions de politique pénale et participant aux débats entourant les recommandations spéciales sur le financement du terrorisme. Le Canada fait aussi partie du groupe d'examen du GAFI pour les Amériques, qui étudie les progrès des pays et territoires non coopératifs dans la mise en application de mesures de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme, et il appuie les activités du Groupe d'action financière antillais, organisme régional similaire au GAFI. Également, en juin 2002, le CANAFE a satisfait aux exigences applicables et est devenu membre du Groupe Egmont (association internationale d'URF). Les membres de ce groupe se réunissent périodiquement pour faciliter la coopération internationale et le partage de renseignements et de connaissances spécialisées.

L'Initiative et les mesures connexes de lutte contre le financement du terrorisme ont aidé le Canada à respecter d'autres engagements internationaux, entre autres la Convention des Nations Unies contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes (1998), la Convention des Nations Unies pour la répression du financement du terrorisme (1999), la Convention des Nations Unies contre le crime organisé transnational (2002) et la Convention interaméricaine contre le terrorisme de l'Organisation des États américains (OEA) (2002).

b) Contribution - enquêtes, poursuites et saisies

La présente section traite de l'incidence de l'Initiative et des mesures connexes sur les enquêtes et les mécanismes subséquents de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme, conformément à la Loi. D'abord, il y a la déclaration et l'analyse des opérations douteuses, des opérations de fort montant et de certaines autres opérations financières (et la communication ultérieure de renseignements aux différents partenaires dans le cadre de l'Initiative), ainsi que cela est prévu à la partie I de la Loi. Il y a ensuite la déclaration de tous les mouvements transfrontaliers d'espèces d'un montant de 10 000 $ et plus, en application de la partie II de la Loi (et la communication de renseignements sur ces mouvements au CANAFE), ce qui peut aussi favoriser la diminution des activités de blanchiment d'argent et de financement du terrorisme. Le Programme de déclaration des mouvements transfrontaliers d'espèces a été lancé le 6 janvier 2003 de façon à mettre en application la partie II de la Loi; l'ASFC (Douanes) est responsable au premier chef de ces activités, en coopération avec la GRC. La réglementation connexe autorise les agents de douane à faire des perquisitions et à saisir les espèces et effets non déclarés et soupçonnés d'être rattachés à des activités de blanchiment d'argent ou de financement du terrorisme.

Dans l'ensemble, l'Initiative a contribué comme prévu à la tenue d'enquêtes, à des saisies et au dépôt d'accusations, et ce, principalement grâce, d'une part, au processus de déclaration d'opérations financières et d'analyse et de communication des renseignements ainsi obtenus, et d'autre part au régime de déclaration des mouvements transfrontaliers d'espèces.

Avant de présenter les résultats des travaux d'analyse et des communications du CANAFE, il faut souligner que toutes les catégories de déclarations peuvent donner lieu à des communications. En 2003-2004, le pourcentage de communications du CANAFE portant sur chacune des catégories d'opérations déclarées a varié entre 49 et 59 % : opérations douteuses : 59 %; télévirements : 57 %; opérations en espèces de montant important : 49 %. Au cours du même exercice, les deux tiers des communications contenaient des renseignements communiqués volontairement au CANAFE et provenant de sources canadiennes et étrangères; c'est trois fois plus qu'en 2002, où cette proportion n'était que de 22 % (on ne dispose pas de données similaires dans le cas des déclarations d'opérations financières, étant donné le report de la mise en oeuvre des dispositions réglementaires applicables). Enfin, 3 % des communications contenaient des renseignements relatifs aux mouvements transfrontaliers d'espèces et aux saisies.

L'analyse que fait le CANAFE des déclarations reçues des institutions financières et des autres entités déclarantes donne lieu à un nombre croissant de communications à des organismes d'exécution de la loi et à d'autres organismes (tableau 2.4). Depuis que le CANAFE est devenu entièrement opérationnel, ses communications à des organismes responsables de l'exécution de la loi et de la sécurité ainsi qu'à des URF étrangères ont presque doublé, passant de 103 en 2002-2003 à 197 en 2003-2004, soit 301 au total, en tenant compte d'une communication faite en 2001-2002. La hausse du nombre de communications a été proportionnellement à peu près la même entre les différents destinataires, exception faite de l'ARC et de CIC.

Plusieurs raisons pourraient expliquer cette progression du nombre de communications. La principale est la mise en application graduelle des exigences de déclaration. On peut aussi en conclure que le système de détection fonctionne bien. La hausse pourrait par contre être causée par une recrudescence des activités de blanchiment d'argent et de financement du terrorisme. Enfin, la conclusion de protocoles d'entente avec d'autres pays peut avoir eu une incidence sur le nombre de communications.

La plus grande partie (80 %) des communications ont trait à des activités de blanchiment d'argent plutôt que de financement du terrorisme. Cela peut être attribuable à plusieurs facteurs. Par exemple, il se peut que les activités de financement du terrorisme soient plus rares, ou encore qu'elles soient plus difficiles à déceler, étant donné qu'elles prennent généralement la forme de dépôts et de transferts de faible montant, c'est-à-dire d'une valeur inférieure au seuil de 10 000 $ à partir duquel les opérations financières doivent être déclarées aux termes de la Loi, les opérations douteuses devant quant à elles être déclarées en tout temps.

La plupart des communications sont destinées à la GRC (tableau 2.4), plus précisément dans une proportion de 60 % environ (178); le nombre de communications au SCRS, aux services de police municipaux et aux URF étrangères est comparable, variant entre 28 et 38. La raison pour laquelle le nombre de communications à CIC et à l'ARC est moins élevé est entre autres que les critères à remplir pour pouvoir communiquer des renseignements à ce ministère et à cet organisme sont plus rigoureux (ainsi que nous l'avons vu au chapitre précédent).

Tableau 2.4 : nombre de communications du CANAFE, par destinataire, catégorie d'activité illicite et valeur, en 2002-2003 et en 2003-2004


Destinataire, catégorie d'activité illicite et valeur

2002-2003

2003-2004

Total


Total

104*

197**

301*

Activité

Blanchiment d'argent

78

153

231

Financement du terrorisme

25

48

73

L'une et l'autre activités***

4

4

8

Destinataire

GRC

87

163

250

Services de police régionaux

20

46

66

Services de police municipaux

22

36

61

SCRS

23

36

59

ARC

3

0

3

CIC

0

1

1

URF étrangères

10

19

29


Valeur approximative totale (millions de dollars)

460

700

1 160


* Il y a eu une communication de renseignements en 2001-2002.

** Le total des colonnes est inférieur à la somme des chiffres indiqués, car les communications sont souvent faites à plus d'un destinataire.

*** Il s'agit des activités que l'on soupçonne d'être reliées à la fois au blanchiment d'argent et au financement du terrorisme, et qui doivent être comptabilisées comme étant des communications appartenant à ces deux catégories.

Source : données fournies par le CANAFE.

La valeur monétaire totale associée aux communications du CANAFE effectuées jusqu'à la fin de 2003-2004 est estimée à 1,16 milliard de dollars (tableau 2.4). La valeur de ces communications a augmenté de 50 % environ entre 2002-2003 et 2003-2004 - durant cette période, le nombre de communications a presque doublé. Le Rapport annuel du CANAFE pour l'exercice 2003-2004 indique que la valeur totale des opérations ayant fait l'objet de communications relatives à des activités de financement du terrorisme et à des menaces pour la sécurité nationale s'est chiffrée à quelque 70 millions de dollars au cours de cet exercice, comparativement à 22 millions pour l'exercice précédent. Le montant des opérations mentionnées dans les communications du CANAFE ne doivent pas être considérées comme constituant une estimation de l'envergure ou de la portée des activités de financement du terrorisme ou de blanchiment d'argent au Canada. Cette information est simplement une indication de la progression des renseignements communiqués, la chose étant justifiée par des soupçons fondés sur des motifs raisonnables.

Les communications du CANAFE sont utiles aux enquêtes des organismes d'exécution de la loi. Parmi les destinataires de communications du CANAFE, la GRC et l'ARC ont été en mesure de faire rapport sur leur utilisation dans le cadre d'enquêtes. Ainsi, la GRC a indiqué que les communications reçues du CANAFE étaient saisies dans sa base de données dans le but d'être éventuellement utilisées dans le cadre d'enquêtes en cours ou futures (tableau 2.5).[35] En ce qui touche les communications relatives à des activités de blanchiment d'argent, plus de la moitié (55 %) ont permis d'identifier de nouvelles cibles (33 %) ou ont été utilisées dans le cadre d'enquêtes en cours (23 %). Il y a eu trois communications très prometteuses qui n'ont pas eu de suite, faute de ressources, et 52 communications peu prometteuses qui n'ont pas donné lieu à une enquête par une UMPC parce qu'elles ne correspondaient pas aux priorités nationales ou régionales établies par la GRC. Au total, 14 % des communications (dites « à double usage ») ont été transmises à d'autres unités de la GRC. Enfin, une ordonnance de production de documents a été obtenue par l'UMPC de London, qui a ainsi pu consulter les travaux d'analyse du CANAFE et disposer d'un complément d'information en sus des renseignements qui avaient fait l'objet d'une communication.

Tableau 2.5 : conséquences des communications du CANAFE à la GRC, en 2002-2003 et en 2003-2004


Conséquences

Nombre

%


Communications - Blanchiment d'argent

   

Identification de cibles nouvelles/inconnues

62

33

Valeur ajoutée dans le cas d'enquêtes en cours

43

23

Communications prometteuses, laissées sans suite, faute de ressources

3

2

Communications peu prometteuses, laissées sans suite parce qu'elles ne satisfaisaient pas aux priorités nationales ou régionales

52

28

Double usage*

27

14

Total

187

100

Communications - Financement du terrorisme

   

Nouvelles enquêtes

4

6

Contribution à des enquêtes en cours

36

88

Renseignements seulement.

9

6


Total

49

100


* Les communications à double usage sont les communications transmises à d'autres unités de la GRC et celles associées à des cibles nouvelles/inconnues et à des enquêtes en cours.

Source : GRC, Canada's National Initiative to Combat Money Laundering and the Royal Canadian Mounted Police. Update and Objectives, le 15 avril 2004, renseignements fournis à EKOS aux fins de la présente évaluation.

En ce qui concerne les communications reliées à des activités de financement du terrorisme, la plupart (36 de 49) ont été utilisées dans le cadre d'enquêtes existantes, quatre ont servi à ouvrir de nouvelles enquêtes et neuf ont simplement permis d'obtenir des renseignements additionnels (tableau 2.5).

Les renseignements rattachés au CANAFE peuvent aussi être utiles aux enquêtes. Voici quelques exemples étayant notre propos :

  • En matière d'exécution de la loi, il y a eu un cas où la personne visée par la communication a plaidé coupable à une accusation de fraude; dans un autre cas, des suspects ont été arrêtés pour trafic de stupéfiants. Enfin, un troisième cas a donné lieu à la saisie d'espèces et de biens d'une valeur dépassant les 4 millions de dollars, et ce, sans compter la marijuana saisie.[36]
  • Le SCRS a indiqué que la moitié environ des communications reçues du CANAFE avaient été utiles dans le cadre de son programme de lutte contre le financement du terrorisme.
  • Des trois communications du CANAFE reçues par l'ARC au 31 mars 2004, deux avaient trait à la même cible; la valeur rattachée à ces communications était estimée à 8,1 millions de dollars.[37] L'ARC indique que les renseignements communiqués ont servi à la tenue d'une vérification dans le cadre de son Programme spécial d'exécution (PSE), ce qui a permis de recouvrer 165 000 $ en impôts rétroactifs, intérêts et pénalités.
  • L'ARC a également dit avoir reçu 34 renvois reliés au CANAFE (communications du CANAFE) provenant d'autres organismes d'exécution de la loi. Les renseignements concernant les opérations en question, dont la valeur totalisait 242,2 millions de dollars, ont conduit à la tenue de vérifications dans le cadre du Programme spécial d'exécution à l'égard de seize dossiers. Précisons que l'ARC ne peut évaluer totalement l'utilité d'une communication tant que des cotisations n'ont pas été établies ou que des déclarations de revenu n'ont pas été produites, ce qui peut être source de retards au niveau des activités et mesures d'exécution en matière d'impôt.
  • Bien qu'aucune personne ne se soit vue refuser l'entrée au pays en raison des trois communications reçues par l'ASFC (Immigration), on a indiqué que les soupçons relatifs à des activités de blanchiment d'argent ou de financement du terrorisme ont donné lieu à l'ouverture d'enquêtes, et que celles-ci ont permis d'obtenir des preuves sur lesquelles les agents d'immigration se sont fondés pour refuser l'entrée au pays à certaines personnes; plus précisément, ces enquêtes ont permis de découvrir d'autres motifs justifiant le refus d'entrée au pays (par exemple de fausses déclarations au sujet de l'identité d'une personne ou de la source de fonds, ou encore la raison pour laquelle il y a eu déclaration au départ). On estime qu'il s'agit là d'un effet indirect de l'Initiative sur la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme.

Le Programme de déclaration des mouvements transfrontaliers d'espèces a aussi conduit à un grand nombre de saisies à la frontière. Depuis le lancement de ce programme jusqu'au 31 mars 2004, les agents de douane avaient procédé à 1 471 saisies d'espèces et d'effets[38] d'une valeur totale estimée à 44,8 millions de dollars; de ce total, 84 % correspond à des saisies d'espèces, le reste, à des saisies de chèques, de traites bancaires et de chèques de voyage, notamment. En outre, 212 des 1 471 saisies en question se sont soldées par la confiscation de 17 millions de dollars soupçonnés de constituer des produits de la criminalité ou d'être rattachés à des activités de blanchiment d'argent ou de financement du terrorisme. Les unités de lutte contre le blanchiment d'argent de la GRC ont joué un rôle central dans nombre de ces saisies, la valeur totale correspondante s'établissant à 12 millions de dollars. Les autres sommes saisies (d'une valeur de 28 millions de dollars) ont été rendues après paiement de dommages-intérêts exemplaires (de quelque 592 000 $ au total). La quasi-totalité des confiscations ont fait l'objet d'appels; c'est à la Division de l'arbitrage, de l'ASFC, qu'il appartient de procéder à l'examen équitable et impartial des décisions en cause.

Outre ces gains monétaires immédiats, le Programme de déclaration des mouvements transfrontaliers d'espèces a permis de recueillir une grande quantité de renseignements qui pourront servir dans le cadre d'enquêtes. Plus de 58 000 déclarations de mouvements transfrontaliers d'espèces ont été produites à la frontière par des particuliers depuis la mise en oeuvre du programme; le CANAFE dispose ainsi de données sur les mouvements en liquide (par opposition aux mouvements de fonds par voie électronique). Les renseignements recueillis à l'égard des saisies sont communiqués avec le CANAFE et les unités de lutte contre le crime organisé de la GRC, ce qui permettra de repérer un plus grand nombre de groupes pouvant être reliés au financement du terrorisme et au blanchiment d'argent et de mener des enquêtes à leur propos. Il faut dire aussi que les fonds reçus dans le cadre de l'Initiative ont permis à l'ASFC (Douanes) de se doter d'outils technologiques perfectionnés (dispositifs à rayons X et fibroscopes) et de mettre sur pied des équipes d'évaluation et des équipes de chiens renifleurs d'argent, qui seront fort utiles aux fins de repérer et de bloquer les mouvements d'espèces ou d'effets.

En conclusion, les faits montrent que les mesures prises dans le cadre de l'Initiative ont eu des effets. La plupart des communications de renseignements du CANAFE ont servi à appuyer des enquêtes en cours sur des activités présumées de blanchiment d'argent ou de financement du terrorisme et à déterminer des cibles et des pistes nouvelles, ou elles se sont ajoutées à la somme d'information pouvant servir dans le traitement de dossiers dans l'avenir. Certaines données non scientifiques (recueillies lors d'entrevues) indiquent également que les communications ont été utiles aux organismes d'exécution de la loi aux fins d'obtenir des mandats ou des autorisations d'écoute électronique. Il semble aussi exister un lien entre certaines communications du CANAFE et l'aboutissement d'enquêtes et de poursuites, bon nombre de dossiers se soldant par la saisie d'actifs, le dépôt d'accusations et des plaidoyers de culpabilité. De plus, un grand nombre de saisies d'espèces ont été effectuées à la frontière, et bon nombre ont conduit à des confiscations, ce qui laisse penser que la mise en oeuvre du Programme de déclaration des mouvements transfrontaliers d'espèces dans le cadre de l'Initiative donne de bons résultats.

c) Contribution à la diminution de la rentabilité et de la fréquence des activités de blanchiment d'argent et de financement du terrorisme

L'un des objectifs centraux de l'Initiative est de détecter les activités de blanchiment d'argent et de financement du terrorisme et d'exercer un effet dissuasif, de manière à entraîner à long terme une réduction de la fréquence de telles activités. Nous avons analysé ce point en nous fondant sur la mesure dans laquelle l'Initiative a servi à instaurer un environnement réfractaire au blanchiment d'argent et au financement du terrorisme, et à influer sur la rentabilité et la fréquence de ces activités illicites au Canada.

i) Environnement hostile

Il y a quatre mécanismes clés mis en place aux termes de l'Initiative qui ont contribué à créer un environnement réfractaire au blanchiment d'argent et au financement du terrorisme au Canada.

  • Exigences de tenue de documents, d'identification des clients et de déclaration. Ces exigences énoncées dans la partie I de la Loi ont rendu possible le suivi détaillé de certaines opérations. Ainsi que nous l'avons indiqué, 11,7 millions de déclarations relatives à des opérations financières avaient été transmises au CANAFE depuis l'entrée en vigueur de cette exigence jusqu'en mars 2004, dont 9,5 millions au cours du dernier exercice, ce qui permet de penser que les institutions financières, ainsi que la population, exercent un examen minutieux et font preuve d'un surcroît de vigilance.
  • Surveillance et conformité. Ainsi que cela a déjà été indiqué, la conformité à la LRPCFAT et à la réglementation connexe est généralisée et devrait encore augmenter à mesure que les activités de surveillance du CANAFE sont renforcées et étendues à d'autres secteurs. Le fait que la qualité des déclarations par les institutions financières et les autres entités déclarantes augmente étaye la conclusion selon laquelle l'environnement devient de plus en plus hostile aux personnes voulant se livrer à des activités de blanchiment d'argent et de financement du terrorisme.
  • Autres obligations et activités des entités déclarantes et des partenaires. Les entités déclarantes doivent se conformer à d'autres obligations, notamment assurer la formation de leurs employés. Ces activités, jumelées aux mesures de sensibilisation prises par les partenaires dans le cadre de l'Initiative, servent à accroître la conscientisation et la vigilance en ce qui touche la détection et la déclaration des opérations douteuses.
  • Déclarations relatives aux mouvements d'espèces. L'exigence de déclaration des mouvements transfrontaliers d'espèces d'un montant de 10 000 $ et plus par les particuliers et entités qui importent ou exportent des espèces aux termes de la partie II de la Loi a un effet dissuasif indéniable sur quiconque envisagerait d'utiliser ce moyen pour blanchir de l'argent ou financer des activités terroristes, et ce, sans compter les outils technologiques sophistiqués et les équipes de chiens renifleurs d'argent dont dispose désormais l'ASFC grâce aux fonds fournis en vertu de l'Initiative.

Même si, prises dans leur ensemble, ces mesures rendent le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme plus difficiles à réaliser et ont des effets dissuasifs sur quiconque, au pays ou à l'étranger, envisagerait de mener de telles activités au Canada, surtout dans le secteur financier réglementé, certains défis exigent encore de la vigilance de la part des autorités. En premier lieu, il existe des domaines ou professions (par exemple, les juristes) qui ne sont pas assujettis à l'application de la Loi et qui ne sont pas soumis à une réglementation, ce qui peut être propice au blanchiment d'argent et au financement du terrorisme. On pense d'ailleurs que certains déplacements se produisent, la création d'un environnement réfractaire au blanchiment d'argent et au financement du terrorisme dans le cas des grandes institutions financières amenant les criminels à se tourner vers des environnements moins réglementés pour transférer leurs fonds. On peut penser par exemple à des convoyeurs de fonds qui franchissent la frontière, ce qui peut expliquer en partie le nombre élevé de saisies d'espèces effectuées dans le cadre du Programme de déclaration des mouvements transfrontaliers d'espèces. En deuxième lieu, la grande ingéniosité des criminels constitue un défi de taille pour l'Initiative, car il faut trouver des parades (mesures réglementaires, technologies plus sophistiquées, surveillance et sensibilisation) à des stratagèmes nouveaux et ingénieux en matière de blanchiment d'argent et de financement du terrorisme. En troisième lieu, des pressions pourraient découler des tentatives faites par les criminels dans le but de corrompre des employés d'institutions financières et d'autres entreprises légitimes dans le but de recycler les produits de leurs activités. Il faut aussi considérer que le fait de dissuader les criminels de tenter de blanchir ou de recueillir des fonds au Canada forcera ces derniers à mener leurs activités dans des pays où les contrôles sont moins rigoureux; il incombe de ce fait au Canada d'établir des contacts avec ces pays et de leur fournir une aide technique pour qu'ils puissent renforcer leurs processus.

ii) Diminution de la rentabilité et de la fréquence

Il est très probable que l'Initiative contribuera à la diminution de la rentabilité et de la fréquence des activités de blanchiment d'argent et de financement du terrorisme au Canada, ce qui est son objectif à long terme. Il est certain que les exigences de déclaration, d'identification des clients et de tenue de documents établies dans le cadre de l'Initiative forcent les criminels à trouver de nouveaux moyens de blanchir ou de recueillir des fonds. La déclaration plus systématique des opérations fait en sorte que les criminels doivent employer des moyens plus détournés (et par le fait même plus onéreux) pour recycler les produits de leurs activités criminelles ou transférer des fonds pour des fins terroristes. De même, la saisie et la confiscation de biens obtenus par des moyens criminels réduisent directement les profits de ceux qui disposaient de ces biens. L'ASFC a fait état d'actifs confisqués d'une valeur totalisant 17 millions de dollars entre janvier 2003 et le 31 mars 2004. Enfin, les enquêtes et les poursuites contre des particuliers rendent bien sûr les activités illicites de ces derniers nettement moins lucratives, et ces personnes sont moins à même de se livrer ultérieurement au blanchiment d'argent et au financement du terrorisme. La collecte de renseignements est essentielle à l'élaboration d'outils efficaces de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme, dans la mesure où cela facilite l'analyse des tendances et la définition d'indicateurs applicables aux activités de blanchiment d'argent.

Cela dit, il est difficile de mesurer les effets de l'Initiative au regard de la rentabilité générale de la criminalité et de l'ampleur absolue des activités de blanchiment d'argent et de financement du terrorisme, ou encore d'en faire le suivi, le problème étant dans ce dernier cas que l'on ne dispose pas de données de référence permettant de comparer les niveaux d'activité criminelle actuels et de déterminer comment les choses ont évolué. Il est également ardu d'imputer à l'Initiative et aux mesures connexes une fraction particulière des changements observés dans ces niveaux d'activité, en raison du grand nombre de facteurs sur lesquels aucun contrôle n'est exercé dans le cadre de l'Initiative mais qui ont néanmoins une incidence sur l'activité criminelle, les enquêtes et les poursuites. Il s'agit par exemple du climat politique et économique général ainsi que des lois et initiatives canadiennes visant des objectifs analogues. Il pourrait même être carrément impossible de mesurer quantitativement et en totalité la contribution de l'Initiative, de sorte qu'il faut adopter des moyens de nature plus qualitative pour l'évaluer. Enfin, la mise en oeuvre intégrale de l'Initiative date de moins de deux ans, alors que, bien souvent, les effets correspondants (au niveau des poursuites) ne se manifestent qu'après un certain nombre d'années.

d) Effets imprévus

L'Initiative et les mesures connexes de lutte contre le financement du terrorisme n'ont pas eu d'effets imprévus très marqués, mais certains effets de peu d'ampleur ont néanmoins été observés. D'abord, on considère qu'il y a une meilleure compréhension mutuelle entre les partenaires fédéraux officiels et informels sur des questions qui débordent le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme; cela a été rendu possible par leur collaboration et leurs échanges dans le cadre de l'Initiative.

La circulation de l'information douanière suscite certaines inquiétudes. Avant la mise en oeuvre de la LRPCFAT, les voyageurs n'étaient pas tenus de déclarer les mouvements transfrontaliers d'espèces et d'effets. Lorsque l'Agence des douanes et du revenu du Canada (ADRC) existait encore, les UMPC de la GRC étaient informées chaque fois que des biens soupçonnés d'être des produits de la criminalité étaient interceptés par les agents de douane. Cette information pouvait aussi être transmise aux services des enquêtes et des impôts de l'ADRC, conformément aux dispositions régissant les échanges de renseignements applicables au programme des douanes, le programme de l'impôt considérant qu'il s'agissait d'une excellente source de renseignements aux fins d'enquête ou de vérification.

Toutefois, par suite de la mise en application de la LRPCFAT et de la création du Programme de déclaration des mouvements transfrontaliers d'espèces (qui concourt à l'application de la partie II de la Loi), l'ASFC recueille les déclarations effectuées aux termes de ce programme et effectue des saisies en conséquence aux termes de cette loi, qui régit aussi le traitement de ces renseignements. Autrement dit, les renseignements recueillis lors du traitement des déclarations de mouvements d'espèce et des saisies sont assujettis aux restrictions énoncées dans la LRPCFAT et ne peuvent être communiqués directement à l'ARC ou au programme des enquêtes de l'ASFC.

2.4 Rapport coût-efficacité et autres solutions possibles

Le dernier point évalué concerne l'efficacité, par rapport aux coûts, avec laquelle les mesures de lutte contre le blanchiment d'argent dans le cadre de l'Initiative et l'exécution par le CANAFE de son mandat de lutte contre le financement du terrorisme ont atteint leurs objectifs jusqu'ici. Il faut entre autres tenir compte ici du point de vue des parties, autres que les institutions publiques, qui sont directement touchées; nous parlerons donc également de l'incidence qu'a eue l'Initiative sur les entités déclarantes.

a) Rapport coût-efficacité

L'analyse porte sur le coût des intrants par rapport aux résultats de l'Initiative. Or, dans le cas du blanchiment d'argent, on ne dispose pas encore des connaissances, des outils ni des modèles permettant d'évaluer à fond l'efficacité de l'Initiative par rapport à ses coûts. De nombreux chercheurs ont souligné les difficultés reliées à la quantification des résultats attendus d'activités comme celles faisant partie de l'Initiative.

Notamment, Harvey (2004) a déclaré que l'analyse économique du blanchiment d'argent soulève de nombreuses difficultés; par exemple, de par sa nature même, le blanchiment d'argent n'est pas pris en compte dans la gamme habituelle des statistiques économiques et échappe à l'observation. Se fondant sur des entrevues avec des responsables de la réglementation et de l'observation, cet auteur conclut que l'estimation de l'ampleur générale des activités de blanchiment d'argent sera au mieux une conjecture raisonnée, étant donné les grandes difficultés qu'il y a à calculer la magnitude du problème, surtout en l'absence de méthodologie cohérente, raisonnable et acceptée à l'échelle internationale. Pour sa part, dans son énoncé stratégique le plus récent concernant la lutte contre le blanchiment d'argent, la vérificatrice générale indique que le Trésor américain a déclaré ne pas connaître encore toute l'étendue du problème, car les diverses tentatives pour répondre à cette question au fil des ans ont donné des résultats qui laissent à désirer.[39] L'administration américaine admet aussi son incapacité à mesurer le coût, l'efficacité et les résultats des mesures de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme dans le cas de son URF, le FinCEN.

Compte tenu de ces problèmes de mesure, l'évaluation de l'efficacité par rapport aux coûts a été qualitative. L'analyse ainsi effectuée montre que l'Initiative a été efficiente. Les caractéristiques de l'approche adoptée - déclarations produites par voie électronique, programme de conformité fondé sur le risque, panoplie d'outils législatifs, participation de partenaires jouant tous un rôle nécessaire dans la lutte contre les activités criminelles, etc. - contribuent à n'en pas douter à l'efficience du modèle canadien.

De façon générale, les dépenses de 140 millions de dollars engagées jusqu'ici dans le cadre de l'Initiative ont permis au Canada de se conformer aux normes internationales en matière de lutte contre le blanchiment d'argent, ce qui représente sans doute une valeur supérieure au coût qui découlerait du fait d'être déclaré non conforme - pour dire les choses autrement, si le Canada ne se conformait pas aux normes internationales, sa réputation et son économie en pâtiraient. Ainsi que nous l'avons déjà indiqué, cela pourrait notamment se traduire par un fléchissement de l'investissement étranger et nuire aux institutions financières.

La variable de l'équation correspondant aux coûts (fonds publics) est relativement facile à mesurer. Au cours des quatre derniers exercices, le budget total de l'Initiative pour le financement de la lutte contre le blanchiment d'argent a été de 140 millions de dollars environ. De plus, certains partenaires (recevant ou non des fonds dans le cadre de l'Initiative) ont fait état de coûts additionnels au titre de modalités administratives internes et de déplacements plus nombreux à l'étranger aux fins de l'Initiative, ces coûts étant assumés à même d'autres sources de fonds à l'intérieur de l'administration fédérale.

Par contre, l'enchaînement prévu des résultats ne se prête pas à une conceptualisation directe pouvant servir lors d'une analyse de l'efficacité par rapport aux coûts, sans compter que certains résultats ne se matérialiseront peut-être pas entièrement avant un certain temps. En chiffres bruts, la valeur totale des saisies à la frontière par l'ASFC en vertu de la partie II de la Loi jusqu'à la fin de mars 2004 dépassait les 45 millions de dollars; les confiscations ne représenteront toutefois peut-être pas ce montant, tout dépendant du résultat des appels interjetés. De même, la valeur totale des opérations financières mentionnées dans les communications du CANAFE s'élevait à 1,1 milliard de dollars. Il s'agit cependant là uniquement d'opérations suspectes, et l'on ne pourra déterminer la valeur de ces communications (d'après les biens saisis et confisqués) tant que ne seront pas terminées les enquêtes et les poursuites fondées sur les renseignements en question. Il faut aussi rappeler qu'il n'est pas possible d'établir un rapport direct entre les communications et les résultats, car les renseignements communiqués ne sont qu'un des nombreux éléments dont se servent les organismes d'exécution de la loi pour faire enquête en vue du dépôt de poursuites; entrent aussi en compte la compétence avec laquelle se déroulent les enquêtes et les poursuites ainsi que l'importance des ressources consacrées à ces activités.

L'analyse approfondie de l'efficacité par rapport aux coûts devrait aussi prendre en compte le point de vue des entités déclarantes, en particulier les institutions financières. Les coûts à cet égard ont trait aux modifications requises des systèmes électroniques et des processus internes nécessaires pour respecter les exigences de tenue de documents, d'identification des clients et de déclaration aux termes de la Loi, ainsi qu'aux besoins connexes (formation permanente, d'où une réduction de la charge de travail et la baisse de la productivité des employés suivant la formation). Ces coûts reliés à la conformité ont été assumés principalement par les entités déclarantes et par leurs clients (les citoyens). On dispose toutefois de très peu de renseignements permettant de chiffrer ces coûts (KPMG, 2004; Harvey, 2004). Cela dit, l'incidence négative que cela pourrait avoir sur la viabilité et la compétitivité des entités est réduite dans la mesure où les exigences de la Loi s'appliquent à toutes les entités déclarantes, de sorte qu'aucune entité n'obtient d'avantage par rapport aux autres.

La conformité est source d'avantages concrets pour les entités déclarantes. Entre autres, les risques suivants diminuent, quoiqu'il soit difficile de quantifier la chose (Schott, Paul Allen, Reference Guide to Anti-Money Laundering and Combating the Financing of Terrorism, deuxième édition, Banque mondiale/FMI, 2004) :

  • Le risque de réputation est associé à la mauvaise presse touchant les pratiques commerciales d'une institution financière et les personnes auxquelles elle est associée, d'où une perte de confiance envers son intégrité.
  • Le risque opérationnel s'entend des pertes pouvant découler de lacunes au niveau des processus et systèmes, de l'incompétence du personnel ou d'événements externes (par exemple, les attentants perpétrés le 11 septembre 2001).
  • Le risque juridique désigne le risque de poursuites, de jugements défavorables, de contrats impossibles à exécuter, d'amendes et de pénalités, tout cela se traduisant par des pertes, par une hausse des dépenses ou même par la fermeture de l'institution. Dans l'optique du blanchiment d'argent, des clients légitimes peuvent aussi devenir victimes d'infractions financières, subir des pertes et poursuivre l'institution afin d'obtenir un dédommagement.
  • Le risque de concentration correspond à la possibilité de subir une perte en raison d'un risque de crédit indu envers un emprunteur particulier.

Étant donné l'incapacité de mesurer l'efficacité de l'Initiative par rapport aux coûts, en raison pour une bonne part de problèmes de mesure des résultats, il faudra de toute évidence procéder à des travaux de recherche complémentaires pour combler cette lacune et déterminer la valeur obtenue en contrepartie des dépenses associées à l'Initiative.

RECOMMANDATION 4 : Il faut mesurer la capacité du modèle d'évaluation actuel à définir les résultats et l'efficacité de l'Initiative au regard de ses coûts. Les efforts en ce sens doivent être déployés à plusieurs niveaux :

  • a) Le modèle logique existant n'a pas été révisé depuis sa conception, il y a de cela plusieurs années. Un modèle logique étant dynamique de par sa nature même, celui-ci doit être révisé et mis à jour afin de correspondre exactement aux activités et aux résultats prévus de l'Initiative.
  • b) Le cadre d'évaluation de l'Initiative doit être mis à jour de manière à comporter des attentes bien définies touchant la mesure des résultats futurs de l'Initiative.
  • c) Il faut procéder à des études spéciales ayant comme objet de déterminer les outils et modèles de mesure appropriés pour définir les résultats, ou du moins pour comprendre les conditions dans lesquelles ces outils et modèles sont les plus efficaces.
  • d) Il faut que les partenaires mettent constamment l'accent sur la mesure des résultats, pour que l'on puisse recueillir en permanence des données utilisables dans le cadre d'évaluation révisé.

RECOMMANDATION 5 : La présente évaluation s'étant déroulée alors que les mesures étudiées n'étaient en vigueur que depuis peu, et compte tenu des problèmes de mesure déjà mentionnés, il faut procéder à une nouvelle évaluation complète de l'Initiative d'ici cinq ans.

b) Autres solutions possibles

De façon générale, le modèle canadien de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme est efficace et supporte bien la comparaison avec les régimes en place dans d'autres pays. La comparaison de divers régimes à l'annexe I met en lumière certaines de leurs différences. Certaines caractéristiques du modèle canadien, par exemple la production électronique des déclarations et le programme de conformité rigoureux et fondé sur une approche de gestion du risque, ont fait l'objet de louanges et ont été reprises par d'autres pays.

L'une des faiblesses observées de ce modèle a trait au partage de renseignements entre l'URF du Canada (le CANAFE) et les organismes responsables de l'exécution de la loi et de la sécurité nationale à qui sont destinées les communications de renseignements. Le problème tient à la quantité de renseignements pouvant être communiqués ainsi qu'à la relation entre les organismes d'exécution de la loi et l'URF. Dans certains autres pays, dont l'Australie et les États-Unis, les restrictions au titre de la protection des renseignements personnels sont moins strictes, et les organismes d'exécution de la loi ont un meilleur accès aux données de l'URF, ces liens plus étroit leur ayant incontestablement permis d'obtenir une plus grande quantité de renseignements. Toutefois, comme nous l'avons déjà dit, on ne peut agir de même au Canada, étant donné la teneur des dispositions législatives en vigueur à l'heure actuelle.

L'une des solutions possibles serait de revenir à la situation qui prévalait avant le lancement de l'Initiative (déclaration d'opérations financières aux organismes d'exécution de la loi sur une base volontaire). Il faut cependant avouer que cette approche, même si elle permettait d'obtenir des renseignements utiles pour déceler les activités de blanchiment d'argent, n'était pas aussi efficace que le régime actuel. De plus, le Canada cesserait alors de se conformer aux normes internationales, ce qui pourrait entraîner des pertes économiques. Cette solution ne peut donc être retenue.

RECOMMANDATION 6 : Le Canada doit demeurer aussi résolu que jamais à combattre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme, notamment en continuant d'accorder un soutien actif à l'Initiative.


3. Conclusions

Voici les conclusions de l'évaluation à la fin de la cinquième année de l'Initiative nationale de lutte contre le blanchiment d'argent et de l'évaluation préliminaire des mesures de lutte contre le financement du terrorisme (dans le présent rapport, l'« Initiative »).

3.1 Pertinence

L'Initiative s'avère à la fois pertinente et nécessaire dans le contexte de la participation du Canada aux efforts de lutte contre le crime financier (ainsi que contre le crime organisé et le terrorisme), à la fois au niveau national et au niveau international, en coopération avec ses partenaires. Le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme sont des activités criminelles complexes, qu'on doit combattre au moyen de mesures concertées et dans une perspective à long terme. La réduction de l'activité criminelle engendre des avantages économiques et sociaux pour le pays; de plus, les mesures de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme aident les institutions financières à mieux gérer le risque de réputation. Également, la mise en oeuvre de l'Initiative a permis au Canada de se conformer à ses obligations internationales en la matière, et le fait de continuer en ce sens lui permettra d'asseoir encore plus solidement sa réputation internationale sur ce plan. Ajoutons que le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme ont en soi une portée transnationale, de sorte que tous les pays doivent participer aux efforts visant à repérer ces activités et à dissuader quiconque de s'y livrer. Enfin, l'Initiative concorde avec les priorités fédérales consistant à fournir aux organismes d'exécution de la loi les outils nécessaires à la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme, au maintien de la sécurité publique, de même qu'à la protection des renseignements personnels et du système financier national.

3.2 Conception et mise en oeuvre

Les activités menées dans le cadre de l'Initiative sont de vaste portée et sont pertinentes aux fins d'atteindre les résultats escomptés. Tous les éléments requis sont présents dans le cadre de l'Initiative en vue de contrer le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme, depuis la déclaration des opérations financières et des mouvements transfrontaliers d'espèces jusqu'aux poursuites intentées contre les personnes commettant des actes criminels. De même, toutes les parties concernées au premier chef participent à l'Initiative et ont fait preuve de beaucoup de coopération au chapitre de l'échange de renseignements. Toutefois, l'Initiative étant encore assez récente, certaines des activités nécessaires à sa réussite et qui auraient permis de mieux évaluer son efficacité n'étaient pas encore pleinement déployées durant la plus grande partie de la période examinée.

Certaines pressions reliées aux ressources pourraient toutefois limiter les retombées de l'Initiative. Notamment, sur le plan de la technologie, le CANAFE ne dispose pas de budget de renouvellement de son infrastructure technologique ou de reprise des activités après sinistre, et il dispose d'une marge de manoeuvre réduite en ce qui touche les dépenses en équipement de TI. Le Programme de déclaration des mouvements transfrontaliers d'espèces doit aussi composer avec des pressions au chapitre des ressources, étant donné que l'on cherche à tirer tout le parti possible des progrès substantiels réalisés jusqu'ici. Les pressions en faveur d'une hausse de financement visent aussi à ce que les organismes fédéraux d'exécution de la loi (unités de lutte contre le blanchiment d'argent et unités mixtes des produits de la criminalité) puissent mener davantage d'enquêtes à partir des renseignements fournis par l'ASFC et des communications du CANAFE, sans oublier les enquêtes en matière de conformité qui seront requises dans l'avenir; on souhaite aussi pouvoir appuyer les activités de collecte de renseignements, de mesure des résultats et de sensibilisation du secteur privé.

3.3 Degré de réussite

Des progrès notables ont été accomplis en vue de l'atteinte des résultats formels de l'Initiative. Conformément à la Loi, des mesures efficaces ont été prises pour détecter les activités de blanchiment d'argent et de financement du terrorisme, pour dissuader quiconque de s'y livrer et pour faciliter les enquêtes et les poursuites relatives à de telles infractions. À cette fin, on a mis sur pied le CANAFE, qui est l'unité du renseignement financier (URF) du Canada. Le lancement de l'Initiative et la prise des mesures connexes ont permis au Canada de se conformer à ses obligations internationales dans le contexte de la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme. On a aussi su respecter le juste équilibre législatif établi avec soin par le Parlement entre, d'une part, les objectifs de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme grâce à l'Initiative et aux mesures connexes, et d'autre part le respect du droit à la vie privée et de la Charte. Mais, selon certaines indications provenant des organismes responsables de l'exécution de la loi et de la sécurité nationale, les renseignements fournis par le CANAFE ne sont pas suffisants, les dispositions de la Loi et de la Charte semblant limiter la somme d'information pouvant être communiquée.

Somme toute, grâce au travail des différents partenaires, l'Initiative a permis d'améliorer la connaissance que l'on a des activités de blanchiment d'argent et de financement du terrorisme ainsi que d'accroître l'efficacité des mesures de lutte contre ces activités (enquêtes, saisies et poursuites). En outre, même si l'Initiative est encore trop récente pour que l'on puisse évaluer son incidence sur les résultats escomptés en bout de ligne (diminution des activités de blanchiment d'argent et de financement du terrorisme), et ce, sans compter les difficultés associées à une telle évaluation, il est certain que les exigences de déclaration, d'identification des clients, de tenue de documents et de conformité ont rendu l'environnement plus réfractaire que jamais au blanchiment d'argent et au financement du terrorisme au Canada, ce qui devrait en bout de ligne conduire à une diminution de ces activités criminelles.

3.4 Rapport coût-efficacité et autres solutions possibles

Les principaux éléments de l'approche canadienne - par exemple, déclarations transmises par voie électronique, programme de conformité fondé sur le risque, outils législatifs variés, participation de partenaires jouant des rôles nécessaires et complémentaires dans la lutte contre les activités criminelles - concourent à l'efficience du modèle canadien. De plus, les 140 millions de dollars ayant été consacrés à ces activités au 31 mars 2004 sont sans doute nettement inférieurs au coût (économique et associé à la réputation) qui aurait dû être encouru si l'Initiative n'avait pas été mise en oeuvre et si, par le fait même, le Canada était considéré comme ne se conformant pas aux normes internationales de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme. De façon générale, le modèle canadien de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme est efficace et supporte bien la comparaison avec les régimes en place dans d'autres pays. D'ailleurs, certaines de ses caractéristiques, dont les déclarations électroniques et un programme de conformité rigoureux, fondé sur la gestion du risque, ont été louangés et repris par d'autres pays.

Une approche systématique et quantitative d'évaluation de l'efficacité de l'Initiative au regard de ses coûts serait utile, mais la tâche serait difficile, compte tenu de l'insuffisance des données et des outils d'analyse ainsi que du manque d'information sur les coûts et les résultats de régimes comparables établis dans d'autres pays. Il serait néanmoins possible de prendre certaines mesures pour accroître la capacité de mesure de l'efficacité par rapport aux coûts, par exemple la mise à jour du modèle logique et du cadre d'évaluation ainsi que l'élaboration d'un cadre de mesure des résultats.

3.5 Recommandations

Les recommandations qui suivent visent l'amélioration de l'Initiative.

RECOMMANDATION 1 : Il faut poursuivre les consultations auprès des représentants du secteur des services financiers, y compris des organisations relevant de tous les ordres de gouvernement, afin que celles-ci puissent voir l'utilité de leur contribution. Dans l'avenir, préalablement aux modifications de la réglementation ou des activités d'observation, il faut obtenir en temps opportun les commentaires de ces organisations, et tenir compte aussi de la fatigue associée à l'observation dans le secteur des services financiers.

RECOMMANDATION 2 : Le gouvernement du Canada doit envisager à tout le moins de maintenir le niveau des fonds affectés aux partenaires dans le cadre de l'Initiative. Il doit aussi donner suite à certaines pressions financières à court terme, notamment : les fonds nécessaires au renouvellement des outils de TI du CANAFE; les hausses de fonds requises selon l'ASFC; les hausses de fonds requises selon la GRC pour accroître sa capacité d'enquête à partir des renseignements et pistes provenant de différentes sources au sujet d'activités de blanchiment d'argent et de financement du terrorisme, de même que sa capacité d'analyse et de mesure des répercussions des renseignements reçus, et pour offrir des programmes de sensibilisation au secteur privé; et les besoins financiers futurs associés à la planification et à la tenue de la prochaine évaluation complète de l'Initiative.

RECOMMANDATION 3 : Le gouvernement du Canada doit étudier la possibilité d'accroître la somme de renseignements pouvant faire partie des communications du CANAFE afin de rendre ces renseignements plus utiles pour les organismes qui les reçoivent.

RECOMMANDATION 4 : Il faut mesurer la capacité du modèle d'évaluation actuel à définir les résultats et l'efficacité de l'Initiative au regard de ses coûts. Les efforts en ce sens doivent être déployés à plusieurs niveaux :

  • a) Le modèle logique existant n'a pas été révisé depuis sa conception, il y a de cela plusieurs années. Un modèle logique étant dynamique de par sa nature même, celui-ci doit être révisé et mis à jour afin de correspondre exactement aux activités et aux résultats prévus de l'Initiative.
  • b) Le cadre d'évaluation de l'Initiative doit être mis à jour de manière à comporter des attentes bien définies touchant la mesure des résultats futurs de l'Initiative.
  • c) Il faut procéder à des études spéciales ayant comme objet de déterminer les outils et modèles de mesure appropriés pour définir les résultats, ou du moins pour comprendre les conditions dans lesquelles ces outils et modèles sont les plus efficaces.
  • d) Il faut que les partenaires mettent constamment l'accent sur la mesure des résultats, pour que l'on puisse recueillir en permanence des données utilisables dans le cadre d'évaluation révisé.

RECOMMANDATION 5 : La présente évaluation s'étant déroulée alors que les mesures étudiées n'étaient en vigueur que depuis peu, et compte tenu des problèmes de mesure déjà mentionnés, il faut procéder à une nouvelle évaluation complète de l'Initiative d'ici cinq ans.

RECOMMANDATION 6 : Le Canada doit demeurer aussi résolu que jamais à combattre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme, notamment en continuant d'accorder un soutien actif à l'Initiative.


[1] Initiative nationale de lutte contre le blanchiment d'argent et mesures connexes de lutte contre le financement du terrorisme - mandat d'évaluation. [Return]

[2] GAFI, rapport d'évaluation mutuelle, 1997. [Return]

[3] Bureau du vérificateur général, La stratégie du Canada pour lutter contre le blanchiment d'argent, rapport d'avril 2003, chapitre 3, consulté en août 2004. http://www.oag-bvg.gc.ca/domino/rapports.nsf/html/20030403cf.html . [Return]

[4] Ensemble contre le crime organisé : Rapport public concernant les mesures prises dans le cadre du Programme national de lutte contre le crime organisé. http://www.SPPCC.gc.ca/publications/policing/combat_org_crime_f.asp - 1 [Return]

[5] Source : Desjardins, J., Exposé sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes : la Loi, les règlements et les questions connexes, le 18 juin 2003. [Return]

[6] CANAFE, Ligne directrice 5 : http://www.CANAFE.gc.ca/publications/guide/Guide5/5_f.asp [Return]

[7] Pour de plus amples renseignements : http://www.CANAFE.gc.ca/publications/guide/Guide1/1_f.asp#335 [Return]

[8] L'ASFC comprend Douane Canada, dont les activités relevaient auparavant de l'Agence des douanes et du revenu du Canada (ADRC, désormais l'Agence du revenu du Canada, ou ARC). Elle accomplit également des fonctions en matière d'Immigration qui étaient auparavant effectuées par Citoyenneté et Immigration Canada (CIC). [Return]

[9] Desjardins, J., Exposé sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes : la Loi, les règlements et les questions connexes, le 18 juin 2003. [Return]

[10] Desjardins, J., Exposé sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes : la Loi, les règlements et les questions connexes, le 18 juin 2003. [Return]

[11] Desjardins, J., Exposé sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes : la Loi, les règlements et les questions connexes, le 18 juin 2003. [Return]

[12] Renseignements fournis à EKOS par le CANAFE. [Return]

[13] Consulter le site Web du CANAFE, à l'adresse suivante : www.fintrac.gc.ca [Return]

[14] ABC Solutions Inc., L'Initiative nationale de lutte contre le blanchiment d'argent : Évaluation à la fin de la troisième année, le 14 février 2003. [Return]

[15] La pertinence des différentes activités menées aux termes de l'Initiative est étudiée dans la section suivante, qui porte sur la conception et la mise en oeuvre. [Return]

[16] Association canadienne des chefs de police, Resolutions Summaries, p. 62. http://www.cacp.ca/english/resolutions/summary.pdf [Return]

[17] Selon certaines recherches, le coût du blanchiment d'argent par rapport à l'économie canadienne pourrait varier entre 5 et 17 milliards de dollars (source : SPPCC, Étude d'impact du crime organisé - Points saillants, 1998, www.SPPCC-sppcc.gc.ca/publications/Policing/1998orgcrim_f.asp). Cette estimation ne fait toutefois pas l'unanimité. Se reporter notamment au document suivant : Bureau du vérificateur général, La stratégie du Canada pour lutter contre le blanchiment d'argent, rapport d'avril 2003, pièce 3.1. http://www.oag-bvg.gc.ca/domino/rapports.nsf/html/20030403cf.html [Return]

[18] Les critères utilisés par le GAFI pour l'évaluation des pays au regard de ses quarante recommandations ont été modifiés à la fin de 2003. L'incidence de ces modifications devra être étudiée. [Return]

[19] Service canadien du renseignement de sécurité, Rapport public de 1997, Ottawa, 1998, cité dans le document Aperçu de l'environnement du portefeuille 2000 de SPPCC. http://www.SPPCC.gc.ca/publications/crim_jus/environment_scan_2000_f.asp#5 [Return]

[20] Consulter le site Web du GAFI à l'adresse suivante : http://www.fatf-gafi.org/index.htm [Return]

[21] SPPCC, Ensemble contre le crime organisé : Rapport public concernant les mesures prises dans le cadre du Programme national de lutte contre le crime organisé, 2004. http://www.SPPCC-sppcc.gc.ca/publications/policing/combat_org_crime_f.asp#1 [Return]

[22] D'ailleurs, les fonds servant à financer les activités de lutte contre le financement du terrorisme du CANAFE proviennent de l'initiative de SPAT. Pour en savoir plus sur celle-ci, consulter les documents suivants : http://www.oag-bvg.gc.ca/domino/rapports.nsf/html/20040303cf.html et
http://www.pco-bcp.gc.ca/default.asp?Language=F&page=publications&doc=dpr-rrm2002/dpr-rrm2002-chap2_f.htm [Return]

[23] ABC Solutions Inc., L'Initiative nationale de lutte contre le blanchiment d'argent : Évaluation à la fin de la troisième année, le 14 février 2003. [Return]

[24] La formation destinée aux agents du service extérieur et des agents d'intégrité des mouvements migratoires a été offertes à l'interne par l'ASFC (Immigration), mais pas l'atelier sur le financement du terrorisme et la formation offerte au Collège canadien de police. [Return]

[25] Ce comité offre à ses membres (fonctionnaires fédéraux, provinciaux et territoriaux et représentants d'organismes d'exécution de la loi) une tribune pour déterminer des enjeux clés et définir les priorités stratégiques nationales reliées au problème du crime organisé. [Return]

[26] Les données du CANAFE montrent que, au 31 mars 2004, ce dernier avait reçu 864 communications de ces organisations et du public. [Return]

[27] CANAFE, Rapport sur le rendement pour la période se terminant le 31 mars 2003. Autre source : communications entre le CANAFE et EKOS en 2004, information tirée de documents fournis à EKOS pour fins de recherche. [Return]

[28] Source : GRC, Canada's National Initiative to Combat Money Laundering and the Royal Canadian Mounted Police: Update and Objectives, le 15 avril 2004. Il faut souligner que le financement de ces activités provient à la fois de l'Initiative et du Programme des produits de la criminalité. [Return]

[29] ASFC, Initiative nationale de lutte contre le blanchiment d'argent, août 2004, rapport préparé pour Finances Canada en prévision de la présente évaluation. [Return]

[30] Ce n'est que récemment (en juillet 2004) que des modifications ont été apportées à la Loi sur la sécurité publique pour autoriser le CANAFE à conclure des accords d'échange de renseignements avec des organismes de réglementation nationaux, provinciaux et territoriaux. [Return]

[31] Article 72 de la Loi : http://www.fintrac.gc.ca/act-loi/PCMLA-BIL-June-2004.doc. [Return]

[32] CANAFE, présentation à EKOS le 5 août 2004. [Return]

[33] http://www.oag-bvg.gc.ca/domino/rapports.nsf/html/20030403cf.html [Return]

[34] Les critères utilisés par le GAFI pour l'évaluation des pays au regard de ses quarante recommandations ont été modifiés à la fin de 2003. L'incidence de ces modifications devra être étudiée. [Return]

[35] Source : GRC, Canada's National Initiative to Combat Money Laundering and the Royal Canadian Mounted Police. Update and Objectives, le 15 avril 2004, renseignements fournis à EKOS aux fins de la présente évaluation. Le CANAFE a indiqué avoir fait 178 communications à la GRC. L'écart entre les chiffres de la GRC et ceux du CANAFE peut découler du fait que certaines entités financières choisissent de soumettre des déclarations directement à la GRC (ainsi qu'au CANAFE). [Return]

[36] Sources : Colapinto, R., « Grand ménage », www.camagazine.com; Banque Scotia, Value Added Quarterly, 2004. [Return]

[37] ARC, Division des activités anti-évasion, CANAFE Disclosures Received by CRA: Summary of Activity to February 4, 2004, document fourni à EKOS aux fins de la présente évaluation. [Return]

[38] ASFC, Cross-Border Currency and Proceeds of Crime Report 2003, Section de l'analyse du renseignement, Division du renseignement et de la gestion du risque, contrebande, renseignement et enquêtes, février 2004, document fourni à EKOS aux fins de la présente évaluation. [Return]

[39] http://www.oag-bvg.gc.ca/domino/rapports.nsf/html/20030403cf.html [Return]

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Dernière mise à jour :  2005-04-14 Haut

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