1.3 Aperçu
Le présent processus a révélé qu'il existe bel et bien une perception
voulant que des obstacles et des problèmes entravent l'avancement professionnel
dans la fonction publique fédérale. Ces obstacles peuvent être classés dans
les catégories suivantes :
A. Les problèmes qui sont indirectement liés à la façon dont sont
perçues les politiques en matière de langues officielles. En général, il
s'agit surtout de problèmes d'attitudes qui découlent d'une compréhension
incomplète ou erronée des politiques elles-mêmes.
B. Les obstacles qui sont attribués de façon directe et tangible aux
exigences particulières des politiques en matière de langues officielles. Les
obstacles de cette catégorie sont inclus dans les critères liés aux
compétences linguistiques qui servent à déterminer l'admissibilité aux
promotions et l'accès à différents postes.
C. Les obstacles auxquels se heurtent de façon générale les minorités
visibles et qui peuvent être attribués à certains aspects de la culture
organisationnelle.
D. Enfin, les défis particuliers que présente généralement
l'apprentissage d'une langue seconde pour les personnes qui appartiennent à une
minorité visible.
La pertinence de ces conclusions par rapport à l'objectif central de cette
étude exige toutefois une analyse plus poussée de la nature précise de ces
obstacles.
A. Obstacles tangibles se rapportant aux politiques en matière de langues
officielles
Les personnes qui ont participé à nos groupes de discussion et à nos
entrevues reconnaissent que les politiques en vigueur en matière de langues
officielles présentent des obstacles bien précis à l'avancement professionnel.
Ces obstacles sont directement causés par les exigences linguistiques des
postes, et ils sont tangibles dans la mesure où les personnes qui ne possèdent
pas de compétences linguistiques particulières ont un accès restreint à ces
postes comparativement à leurs collègues bilingues.
En outre, nous avons constaté que les fonctionnaires fédéraux sont de plus
en plus conscients de ces exigences linguistiques et qu'ils considèrent
qu'elles sont de plus en plus répandues dans la fonction publique. Bref, la
plupart des participants estiment non seulement que le bilinguisme est une
condition préalable à la mobilité ascendante, mais aussi qu'il l'est de plus
en plus. Les participants ont l'impression que le nombre d'emplois assortis
d'exigences linguistiques particulières ne cesse d'augmenter, tout comme le
nombre d'endroits au pays où de telles exigences sont présentes.
Les témoignages recueillis lors de nos discussions montrent par ailleurs que
ces obstacles sont parfois perçus comme inéquitables pour certains sous
groupes de fonctionnaires :
- Les fonctionnaires des régions unilingues du pays sont souvent perçus (ou
se perçoivent eux-mêmes) comme étant injustement accablés par ces
politiques et par les exigences qui s'y rattachent. L'opinion la plus
couramment exprimée à ce sujet est que " l'autre " langue n'est
pas vraiment nécessaire (et que son utilité est donc exagérée de façon
artificielle) et, en général, qu'elle est inaccessible (comme la langue
n'est pas utilisée, les fonctionnaires concernés ne peuvent l'apprendre
par contacts directs).
- Les fonctionnaires âgés sont également perçus (ou se perçoivent eux
mêmes) comme particulièrement désavantagés sur le plan des exigences
linguistiques, notamment parce qu'il serait plus difficile d'acquérir une
langue seconde après un certain âge. L'opinion généralement acceptée
est que la difficulté d'acquérir une langue seconde croît avec l'âge. En
outre, plus les fonctionnaires approchent de la fin de leur carrière, moins
il est avantageux pour l'organisation d'offrir la formation nécessaire.
C'est là simplement le résultat d'une analyse coûts avantages qui tient
compte du nombre d'années de service et qui calcule le coût de la
formation en fonction de la période pendant laquelle elle sera mise à
profit. De toute évidence, il est moins utile d'offrir de la formation
linguistique en fin de carrière qu'en début de carrière. Une fois
combinés, ces deux facteurs constituent un obstacle particulièrement
désagréable pour les participants d'un certain âge, surtout qu'on estime
en général que ce sont précisément ces fonctionnaires qui mériteraient
d'obtenir des promotions. Bien qu'ils ne soient pas considérés comme des
candidats idéals pour l'acquisition d'une langue seconde et pour la
formation linguistique, on attache beaucoup de valeur à leur expérience et
à leur savoir faire. Enfin, une autre injustice perçue par les
participants concerne les fonctionnaires unilingues chevronnés dont la
carrière a progressé pendant longtemps sans que leur mobilité ascendante
ne soit aucunement affectée par leurs aptitudes linguistiques. Pour les
fonctionnaires qui sont dans cette situation et qui ont maintenant
l'impression qu'on exige de plus en plus qu'ils soient bilingues, cela peut
sembler encore plus injuste.
Autrement, et pour la grande majorité des fonctionnaires, nous pouvons
affirmer que les obstacles imposés par les politiques en matière de langues
officielles sont généralement acceptés, du moins dans la mesure où les
nuances reliées aux politiques sont suffisamment bien comprises.
B. Perceptions à l'égard des politiques en matière de langues
officielles
Un autre type de constatation que la présente étude nous a permis de faire
concerne non pas tant les politiques elles-mêmes, mais plutôt le fait qu'elles
sont insuffisamment ou mal comprises par les fonctionnaires. Il semble que les
problèmes constatés sont plutôt des problèmes d'attitudes et qu'ils sont
tangibles non pas parce qu'ils sont présents dans le système, mais plutôt
parce que les fonctionnaires opposent une résistance aux politiques ou les
contestent de façon active.
La manifestation la plus importante et la plus évidente de ces problèmes
est la tendance à exagérer ou à amplifier les exigences des politiques. C'est
habituellement dans les régions éloignées que l'on observe le plus cette
tendance, au sens où le bilinguisme revêt apparemment la même importance dans
toutes les régions du pays. Cette perception erronée a pour effet d'attiser
une résistance considérable aux exigences en vigueur et d'inciter beaucoup de
fonctionnaires à mettre en doute la logique et le sens des politiques dans leur
ensemble. Cette compréhension imparfaite ou exagérée des politiques s'étend
à des questions particulières telles que la langue de travail et le service au
public. De toute évidence, de meilleures communications sur ces questions
permettraient d'améliorer les perceptions et les attitudes générales à
l'égard des politiques en matière de langues officielles.
C. Obstacles à la mobilité des minorités visibles
D'après nos constatations, les fonctionnaires appartenant à une minorité
visible se heurteraient à certains obstacles en ce qui a trait à leur
mobilité ascendante. Ces obstacles ont toutefois peu de rapports avec les
politiques en matière de langues officielles. Même si la plupart des
participants appartenant à des minorités visibles avaient tendance à
minimiser l'incidence et l'importance de ces obstacles, nous avons entendu
suffisamment d'anecdotes et d'observations pour nous permettre de croire que la
fonction publique fédérale conserve certains aspects culturels qui entraînent
des circonstances moins qu'équitables. La distinction importante qui se dégage
ici est que tous ces obstacles sont considérés comme ayant un impact sur la
mobilité ascendante des immigrants récents plutôt que sur celle de tous les
membres des minorités visibles. Plus précisément, ce sont ceux et celles qui,
à leur arrivée dans la fonction publique, s'expriment avec un accent dans
l'une ou l'autre langue officielle qui semblent être les plus susceptibles de
se heurter aux types d'obstacles suivants :
- une certaine intolérance ou impatience à l'égard du débit
naturellement plus lent de l'immigrant récent ou de la difficulté de ce
dernier à s'exprimer clairement;
- une sous estimation des compétences, aptitudes et capacités de
l'immigrant récent directement liée à ses problèmes de communication;
- la culture interne relative aux promotions et à la mobilité, en
particulier l'accent mis sur les entrevues (qui obligent le candidat à se
mettre en valeur) et les concours, qui ne sont pas nécessairement
compatibles avec les traditions culturelles ou les comportements
organisationnels des immigrants récents ou avec lesquels ces derniers ne
sont pas toujours à l'aise.
Soit dit en passant, ces mêmes incompatibilités et obstacles peuvent avoir
d'autres répercussions, par exemple, sur l'obtention d'une autorisation de
sécurité ou l'accès à la formation linguistique.
D. L'acquisition d'une langue seconde et les minorités visibles
Enfin, et malgré la faible importance qu'attachaient à ce point la plupart
des participants qui l'ont mentionné, les membres des minorités visibles (et
peut être, encore une fois, surtout les Canadiens de première et de deuxième
génération) ont peut être des fardeaux qui leur sont propres en ce qui
concerne leur capacité d'acquérir une langue seconde. Il est ironique
toutefois de constater que le problème n'a rien à voir avec leur incapacité
à acquérir une langue seconde, mais plutôt avec le fait qu'ils ont bien
souvent acquis plusieurs langues avant d'entrer à la fonction publique. Pour
les besoins de la présente analyse, cette caractéristique influe sur ces
personnes de deux façons pertinentes :
- Il pourrait être plus difficile d'acquérir " l'autre " langue
officielle lorsque celle ci constitue une troisième, quatrième ou
cinquième langue. Malgré l'absence d'un consensus à ce sujet (étant
donné l'opinion contraire selon laquelle plus on connaît de langues, plus
il est facile d'en apprendre d'autres), il est clair que certains
participants en sont convaincus.
- On peut s'interroger sur la valeur relative que la fonction publique
attache à la capacité de s'exprimer dans plusieurs langues ou au "
multilinguisme ". Certains participants, qui expriment une opinion
minoritaire, se demandent si on ne devrait pas " donner une chance
" aux personnes qui peuvent parler plusieurs langues, mais pas les deux
langues officielles. Toutefois, très peu de participants (et aucun de ceux
qui appartenaient à une minorité visible) étaient de cet avis.
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