Banque du Canada

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Publications et recherches

Périodiques

Revue de la Banque du Canada

Été 2006

Sous le signe de la crédibilité et de la souplesse : l'évolution des régimes de cibles d'inflation de 1990 à 2006
Graydon Paulin

Évaluation des mesures de l'inflation fondamentale
Thérèse Laflèche et Jamie Armour

Une nouvelle analyse de l'horizon de la cible d'inflation
Don Coletti, Jack Selody et Carolyn Wilkins

Voir aussi : Tableaux A1, A2 et les Notes relatives aux tableaux

Revue intégrale (PDF, 811 ko)

Couverture : La monnaie irlandaise en bronze de canon

David Bergeron, conservateur

Depuis toujours, quand il y a un besoin pressant de numéraire, les autorités chargées d'émettre la monnaie font preuve d'ingéniosité et d'esprit pratique. Ainsi, pendant un temps en Nouvelle-France, les militaires ont touché leur solde sous forme de monnaie de carte. Durant la guerre des Boers en Afrique du Sud, lord Baden-Powell autorisa la production de billets pour fournir en monnaie les habitants de la ville assiégée de Mafeking. En Irlande, Jacques II décida de fondre de vieux canons pour fabriquer des pièces de monnaie.

Jacques, chassé du trône d'Angleterre pendant la Glorieuse Révolution de 1688, débarque en Irlande en 1689. Ayant besoin d'argent pour payer les 5 000 soldats français qui l'accompagnent dans sa tentative de reconquête, il essaie tout d'abord de hausser la valeur de la monnaie britannique et française pour en encourager la circulation dans la région. Le stratagème ayant échoué, il se rabat sur la fabrication de monnaie en bronze de canon (dite gun-money) : il ordonne la fonte de vieux canons et d'autres objets de bronze et de cuivre pour frapper des pièces de six pence, des shillings, des demi-couronnes et des couronnes. À l'époque, ces pièces sont généralement en argent sterling.

En vue de faire accepter cette monnaie d'urgence, Jacques décrète à Dublin, le 18 juin 1689, que toute la monnaie en cuivre et en bronze de canon a désormais cours légal pour cause de nécessité. Afin de rassurer le peuple, il ajoute qu'un jour, les pièces en bronze de canon pourront toutes être échangées contre leur équivalent en or ou en argent. La monnaie en bronze de canon est produite pendant à peine plus d'un an, de juillet 1689 à octobre 1690. Sa disparition rapide, toutefois, n'est pas attribuable à la promesse faite par Jacques.

Pour transformer le métal en monnaie d'urgence, on confisque de l'équipement et des outils. Avec l'intensification de la production, le bronze de canon se raréfie et sa valeur augmente. Afin de parer au problème, on décide de réduire la taille des demi-couronnes et des shillings : les pièces frappées avant mai 1690 sont donc retirées de la circulation et remplacées par d'autres, pratiquement moitié moins lourdes et quatre fois plus petites.

La couronne et la demi-couronne sont reproduites sur la couverture. Jacques à cheval, faisant son entrée à Dublin, est représenté sur l'avers de la couronne. Les armoiries de l'Angleterre, de l'Écosse, de la France et de l'Irlande ornent le revers. L'avers de la demi-couronne porte l'effigie du monarque et la mention IACOBVS II DEI GRATIA (Jacques II par la grâce de Dieu) tandis qu'au revers (illustré en arrière-plan) figurent la couronne du roi, son monogramme et l'indication de la valeur de la pièce (exprimée en pence). Les pièces de faible valeur présentent un détail insolite : elles sont marquées du mois de la frappe afin d'en confirmer le cours, qui fluctue régulièrement en fonction des décrets.

À la consternation du peuple, la monnaie en bronze de canon ne tarde pas à sombrer quand Guillaume III envahit l'Irlande et en chasse Jacques II. Par la suite, Guillaume ordonne le remboursement de toute la monnaie en bronze de canon à une fraction de sa valeur nominale : couronne et grosse demi-couronne contre un penny, petite demi-couronne contre trois farthings, shilling contre un demi-penny et ainsi de suite. La monnaie en bronze de canon est définitivement abolie le 23 février 1692, date qui marque la fin de cette triste page d'histoire.

Les pièces reproduites sur la couverture font partie de la Collection nationale de monnaies de la Banque du Canada.

Photographie : Gord Carter, Ottawa.