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Politique monétaire

L'importance de la politique monétaire : Une perspective canadienne

Annexe

L'énigme permanente de la relation entre l'inflation et la croissance

La relation entre l'inflation et la croissance suscite, à juste titre, beaucoup d'intérêt chez les économistes, tant dans le monde universitaire que dans celui des banques centrales. Si la réduction du taux moyen d'inflation peut permettre de faire augmenter le taux moyen de croissance annuelle d'un pays ne serait-ce que d'un dixième de point de pourcentage, elle constitue une mesure qui mérite considération. Une hausse d'un dixième de point de pourcentage dans le rythme de croissance annuelle peut sembler minime, mais, sur de nombreuses années, même d'aussi faibles variations peuvent entraîner d'importants changements dans le niveau de revenu. Prenons par exemple un pays dont le revenu par habitant s'élève aujourd'hui à 100 et qui croît au taux de 1,5 % l'an. Au bout de 30 ans, le revenu par habitant aura atteint 156. Imaginons maintenant que la croissance annuelle se chiffre à 1,6 %. Après 30 ans, le revenu sera alors passé à 161. Si l'on prolonge la projection d'une autre période de 30 ans, le revenu généré par le taux de croissance le plus faible sera de 244, tandis que celui résultant du taux de croissance (un peu) plus élevé s'établira à 259. Ces écarts peuvent paraître minimes, mais ils ne sont aucunement négligeables. En effet, qui n'aimerait pas accroître son revenu même de quelques points de pourcentage?

Quelle que soit l'importance de la relation possible entre l'inflation et la croissance, l'examen de la recherche effectué par Ragan (2000) montre qu'il est difficile de trouver des preuves claires et convaincantes de l'existence d'une telle relation. Néanmoins, il en ressort nettement que, dans les pays ayant connu une inflation très élevée (« hyperinflation »), l'effet sur la croissance a été significatif et négatif. Il ne faut pas s'en surprendre. Lorsque l'inflation atteint des niveaux très élevés, l'argent perd de sa valeur si rapidement qu'il devient très vite inutile aussi bien comme moyen d'échange qu'à titre de réserve de valeur. Dans un tel climat, les entreprises et les travailleurs ainsi que les prêteurs et les emprunteurs sont amenés à faire leurs transactions sans argent; nous assistons alors habituellement à une résurgence des économies de troc. Cependant, le troc est si inefficace en comparaison à l'argent qu'il n'est pas surprenant que la production générée par de telles économies, et par conséquent le revenu réel accumulé par les résidents, se mette habituellement à chuter.

Ce qui est beaucoup moins clair dans la recherche empirique, c'est la relation entre l'inflation et la croissance de la production réelle dans les pays qui connaissent déjà une inflation basse, voire modérée. Ainsi, dans un pays dont l'inflation s'élèverait, disons, à 5 % par année, il est difficile de conclure d'après les données que la décision de faire passer l'inflation annuelle à 4 ou 3 % aurait une incidence sur le taux de croissance à long terme de la production de cette économie. Nous ne disons pas qu'une baisse de l'inflation ne présenterait aucun avantage (il y a les bénéfices notamment qui découleraient d'une réduction de l'incertitude entourant l'inflation), mais seulement que les données disponibles ne permettent pas d'affirmer avec certitude qu'un taux plus élevé de croissance de la production ferait partie de ces avantages. La question revêt suffisamment d'importance, toutefois, pour que les chercheurs continuent de réexaminer les données sous des angles nouveaux et plus efficaces jusqu'à ce qu'ils croient y avoir trouvé une réponse claire.