La conservation
: ça fonctionne !
Pour la nature, pour les communautés
et pour l'économie
ACTES
de la Table ronde nationale
sur l'environnement et l'économie (TRNEE)
et de la Table ronde Manitobaine sur le développement
durable (TRMDD)
Les 7 et 8 novembre 2001 - Winnipeg (Manitoba) Canada
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Le 7 novembre 2001
Mot et cérémonie d'ouverture
Coprésidents de la conférence :
Terry Duguid, Président, Programme de la conservation
du patrimoine naturel de la TRNEE
Jack Dubois, Vice-président, Table ronde manitobaine
sur le développement durable
Terry Duguid souhaite la bienvenue aux participants dont
il signale la diversité car ils représentent
le secteur privé, les gouvernements fédéral
et provinciaux, des administrations municipales, des Premières
nations, des groupes de conservation et des groupes communautaires.
M. Duguid insiste sur la nécessité d'établir
des partenariats qui encouragent l'intendance du patrimoine
naturel du Canada non seulement sur les terres publiques,
mais aussi sur les terres privées. Il explique qu'à
la suite de la conférence, on produira un rapport et
présentera des recommandations au Premier ministre.
Ces interventions visent à mobiliser la population
canadienne dans le contexte d'une nouvelle vision de la conservation
des terres et des eaux du pays.
Sage Velma Orvis, Première nation Peguis
Velma Orvis, sage du Centre autochtone de ressources environnementales,
dirige une cérémonie d'ouverture et une prière.
Accueil
L'honorable Gary Doer, Premier ministre du Manitoba
Le Premier ministre Gary Doer souligne le vif intérêt
suscité par la conférence. Il déclare
que cet intérêt montre " qu'en période
de défi, et compte tenu des préoccupations à
court terme soulevées par l'économie, la conservation
de toutes nos ressources et la protection de notre mère
la Terre préoccupent beaucoup d'entre vous à
titre de dirigeants et de membres de votre collectivité
". Cet intérêt témoigne d'un engagement
à adopter une optique à long terme face à
l'avenir et à prendre des décisions durables.
M. Gary Doer déclare que son gouvernement a essayé
de modifier certaines attitudes des ministères, même
si ces efforts se sont butés à une certaine
opposition. Le gouvernement a fusionné le ministère
des Ressources naturelles et celui de l'Environnement pour
en créer un seul-le ministère de la Conservation.
Auparavant, un ministère accordait des ressources
à une entreprise tandis qu'un autre faisait fonction
d'arbitre et déterminait si les ressources en question
étaient trop abondantes ou trop maigres. On veut maintenant
déterminer la disponibilité ou la non-disponibilité
des ressources à des fins de gestion et de conservation
dès le premier stade de la prise des décisions
au gouvernement. Son gouvernement vise avant tout à
instaurer une culture de conservation chez tous les gestionnaires
de ressources de tous les ministères.
M. Doer remercie Terry Duguid et l'ancien ministre fédéral
des Affaires étrangères, Lloyd Axworthy, des
efforts consacrés au rapport sur les changements climatiques
au Manitoba. Il signale qu'il y a de sérieux défis
à relever dans ce domaine. Il formule d'autres commentaires
sur les idées exceptionnelles présentées
par les jeunes du Manitoba-des collectivités des Premières
nations, de Winnipeg et d'ailleurs.
Les changements climatiques vont obliger la société
à modifier sa façon de faire, déclare
M. Doer, et notamment les pratiques d'agriculture et de gestion
de l'eau. Il signale que la province doit gérer son
eau le printemps et faire face aux inondations l'été.
" Le Manitoba draine plus de 25 % de l'eau de l'Amérique
du Nord par les cours d'eau qui se déversent dans la
baie d'Hudson ", déclare-t-il, en ajoutant qu'une
des façons d'aborder la gestion de l'eau consistera
à la stocker de façon à pouvoir l'utiliser
au besoin. Sans compter qu'elle alimentera les récoltes,
cette eau permettra aussi de produire différentes cultures.
" Que faut-il faire pour faire une différence-
", demande M. Doer. Il promet que le Manitoba ne laissera
pas le rapport " dormir sur les tablettes "-le gouvernement
cherchera des solutions de rechange, y compris d'autres stratégies
agricoles et des possibilités de culture organique.
Le Manitoba a déjà créé, au ministère
de l'Agriculture, des postes dont les titulaires devront étudier
ces solutions possibles, qui comprennent la mise au point
d'autres produits nutraceutiques et de produits alimentaires
plus sains. Le système de santé du Canada profitera
aussi de ces progrès. On a annoncé la semaine
dernière que l'Université du Manitoba hébergera
le premier Centre national pour les aliments fonctionnels
et les nutraceutiques, en partenariat avec le gouvernement
fédéral. Les consommateurs et secteur de l'agriculture
en profiteront.
Le Premier ministre parle de l'engagement qu'a pris la province
de réduire les émissions et signale que Winnipeg
a acheté 10 nouveaux autobus fonctionnant au combustible
diesel et à l'éthanol, ce qui réduira
de 50 % les taux de polluants atmosphériques. Le Manitoba
a la chance d'avoir de l'hydroélectricité, qui
rejette moins d'émissions que l'électricité
produite au moyen du charbon. À elles seules, les exportations
d'hydroélectricité du Manitoba au Minnesota
réduisent de 10 millions de tonnes par année
le volume des particules du gaz carbonique rejetés
dans l'atmosphère.
Le Manitoba doit collaborer davantage avec les Premières
nations pour mettre en valeur cette ressource précieuse.
Ce qui ne s'est pas fait au cours des années 70 et
il reste toujours des problèmes d'inondation à
régler. Il insiste sur le fait que le Manitoba ne construira
pas d'autres barrages hydroélectriques tant qu'on n'aura
pas conclu d'accords complets de gestion et de conservation
avec les collectivités des Premières nations
voisines des aménagements futurs ou qui en ressentiront
les répercussions. Contrairement à ce qui se
passait auparavant, ces ententes doivent être en vigueur
longtemps avant le début de travaux de construction-cette
façon de procéder repose beaucoup plus sur la
collaboration et est beaucoup plus viable.
Il insiste sur l'engagement pris par le Manitoba à
l'égard de l'Accord de Kyoto, du Protocole de Kyoto
et des objectifs de Kyoto. Il signale que même si "
le problème réside dans les détails de
la négociation du texte ", le Manitoba appuie
le Protocole de Kyoto. Le Canada ne peut se contenter de demeurer
sur le côté en laissant les États-Unis
parler en son nom, ajoute-t-il.
Au sujet des événements positifs reliés
à l'édification des industries environnementales,
il mentionne une nouvelle usine de lin et de paille de blé
dont on a annoncé récemment la création
à Carman. Le brûlage de la paille a des répercussions
sur l'atmosphère et cette usine transformera la paille
en panneaux de construction.
Le gouvernement doit redoubler d'efforts pour conclure des
ententes dès le départ, déclare M. Doer.
En présence d'intérêts divergents face
à l'utilisation des ressources, le gouvernement doit
élaborer des stratégies de conservation à
long terme fondées sur le consensus au lieu de laisser
s'implanter une dichotomie de type " un seul gagnant
".
Le gouvernement du Manitoba a investi des fonds publics dans
les eaux souterraines et l'aquifère (avant Walkerton);
la province a un programme de surveillance continue des puits
privés. Elle a en outre adopté une mesure législative
pour interdire les exportations d'eau en vrac. Le maintien
de la pureté des bassins hydrographiques et leur protection
contre les contaminants biologiques provenant d'autres bassins
hydrographiques sont devenus une priorité réelle
pour le gouvernement du Manitoba. Le problème a été
mis en évidence par le désir du Dakota du Nord
de détourner de l'eau du lac Devil vers le bassin de
la rivière Rouge.
M. Doer termine son intervention en parlant du potentiel "
bénéfique à tous " qu'offre le tourisme.
Le Manitoba a fixé un objectif de 12 % dans le cas
des parcs naturels et s'est engagé à en créer
partout dans la province et non seulement dans le Nord. Il
ajoute que la croissance du tourisme n'est pas limitée
à la chasse et à la pêche. L'écotourisme
offre les possibilités réelles; la province
établira des subventions à l'intention d'entreprises
écotouristiques. On mettra en outre l'accent sur la
formation des travailleurs autochtones dans ce domaine.
Introduction
David McGuinty, Président-directeur général,
TRNEE
David McGuinty souhaite aux délégués
la bienvenue à " une des plus importantes conférences
sur la conservation organisée au Canada depuis deux
ou trois décennies ". Il explique que la conférence
émane du " défi que posent l'intégration
de notre système économique à notre environnement
naturel et, par conséquent, l'amélioration de
la qualité de vie de la population canadienne ".
Il définit le mandat, la structure et l'historique
de la TRNEE, mise sur pied comme conseil consultatif du Premier
ministre sur l'environnement et l'économie en 1994
et qui est maintenant une entité fédérale
indépendante. Constituée de 25 membres provenant
d'un vaste éventail de secteurs et de disciplines d'un
bout à l'autre du Canada, la TRNEE formule des recommandations
sur des façons de marier les considérations
environnementales, économiques et sociales. Bref, "
nous nous occupons de gestion du changement " dit-il.
M. McGuinty présente une brève liste des enjeux
et des programmes qui ont occupé la TRNEE au cours
des 10 dernières années, entre autres les :
collectivités autochtones et la mise en valeur des
ressources non renouvelables; l'environnement et l'économie;
l'écoefficience; l'écologisation de la fiscalité;
la cogestion des ressources océaniques et les indicateurs
nationaux de durabilité de l'environnement. La TRNEE
a organisé récemment un forum national sur les
changements climatiques, lancé une initiative sur les
villes durables et terminé des travaux sur les régimes
d'échanges nationaux des droits d'émission.
Un grand nombre des recommandations issues de ces programmes
ont servi de base au mémoire sur l'" écologisation
de la fiscalité " présenté au ministre
des Finances.
La TRNEE a cherché avant tout à dépasser
l'horizon stratégique actuel pour aborder des enjeux
à long terme. Des représentants de la Table
ont parcourru le Canada pour s'entretenir avec la population
canadienne. Le but de la TRNEE est d'intégrer les "
pôles contraires ", soit l'environnement et l'économie,
tout en tenant compte des préoccupations sociales,
ce qui constituera le point de convergence des travaux de
la conférence.
M. McGuinty insiste sur le fait que, même s'il y a
des intérêts divergents, les terrains d'entente
sont nombreux aussi. Il prévoit que les idées
que les représentants des secteurs de l'exploitation
minière, de l'élevage, de la conservation, des
sciences, ceux des secteurs publics et les dirigeants communautaires
présents mettront en commun au cours de la conférence
permettront d'étendre ce terrain d'entente. Même
si le but qui consiste à protéger le patrimoine
naturel du Canada est " à la fois noble et nécessaire
", la conférence porte aussi sur les obstacles
systémiques. Il prévient les participants qu'ils
devront en fin de compte faire des compromis conscients.
" Nous devons bien faire notre travail, car l'enjeu
est énorme " dit-il. L'ordre de grandeur même
des ressources naturelles incomparables du Canada " nous
impose les responsabilités de l'intendance "-responsabilité
que les Canadiens acceptent de bon cur. Les lieux sauvages
et la faune sont un élément essentiel de l'identité
du Canada.
" Le maintien du statu quo " ne suffira pas, déclare
M. McGuinty. " Nous sous-évaluons et surtaxons
actuellement les écosystèmes d'où proviennent
la terre, l'air sain et l'eau potable dont toute vie est tributaire
". Si l'on veut que les plans de conservation portent
fruit, ils doivent aussi tenir compte des besoins économiques
et sociaux des collectivités voisines.
Il ne suffira pas de réserver 12 % de la superficie
du Canada dans un réseau de parcs pour préserver
la biodiversité du pays, souligne-t-il, ajoutant que
" des îlots de conservation dans un océan
d'activités destructrices risquent de devenir des îlots
d'extinction ". Le Canada doit implanter des zones tampons
d'utilisation de faible intensité autour de ces zones
protégées et des terres qui les relient. Il
faudra à cette fin obtenir la collaboration des groupes
autochtones, des propriétaires fonciers, des entreprises,
des collectivités et des gouvernements.
Il est en outre essentiel de tenir compte des Canadiens à
qui " la nature fournit un moyen de subsistance ".
Il faut trouver des solutions pour protéger leurs moyens
de subsistance.
M. McGuinty exhorte les participants à considérer
la nature comme un " capital naturel " et à
ne pas oublier que l'on prélève une ponction
sur ce capital chaque fois qu'on " abat un arbre, laboure
un sillon ou utilise de l'eau pour produire de l'électricité
". " La dégradation de l'environnement, c'est
du financement par le déficit ", sans compter
qu'elle épuise les réserves de capital naturel
du Canada. La nature a déposé ce capital il
y a plus de 100 millions d'années-et il est possible
de le dépenser, mais non de le créer.
Il faut intégrer tous les éléments de
ce paysage dans cette vision de la durabilité de l'environnement.
Il y a trois grandes catégories : les régions
sauvages intactes, les écopaysages actifs (où
il se déroule des activités industrielles et
agricoles) et les secteurs résidentiels urbains. Le
défi consiste à protéger tous les intérêts
pendant la transition vers la durabilité.
M. McGuinty termine en affirmant qu'il s'attend à
ce qu'à la fin de la conférence, le " terrain
d'entente que nous cherchons " devienne un peu plus vaste
avec l'aide de tous les intervenants.
Discours principal : Au-delà de la beauté-la
passion de nos terres et de la vie
Roberta Bondar
Neurologue et chercheuse, Roberta Bondar a été
la première astronaute canadienne à s'envoler
dans l'espace. Elle explique qu'elle a des antécédents
non seulement en science, en médecine et dans le domaine
aérospatial, mais aussi en environnementalisme et en
écologie. Elle parle de l'importance de trouver un
terrain d'entente, mais elle admet qu'il n'y a pas de solution
pour le moment. " Nous faisons partie de l'histoire "
et nous essayons de faire ce que des humains n'ont jamais
réussi auparavant. Elle fixe les débuts de la
nouvelle ère non pas au premier jour du nouveau millénaire,
mais aux événements du 11 septembre, lorsque
" le monde a vraiment changé ". Depuis, chacun
pense à ce qu'il fait, à l'avenir du pays et
du monde. " Je n'ai pas de solution à proposer
", dit-elle, mais elle parle de la présence "
d'une passion commune pour la vie, pour l'identité,
pour le dévouement et l'engagement ".
Mme Bondar encourage les participants à considérer
la salle comme " un seul gros organisme " qui a
une puissance mentale assez forte pour régler beaucoup
de problèmes. La salle, dit-elle, ressemble à
une navette spatiale contenant sept passagers reliés
au monde extérieur. Tout comme les sept passagers en
question et le monde extérieur pourraient, collectivement,
trouver des solutions, l'assistance présente dans la
salle pourrait le faire aussi.
Le Canada peut offrir un lieu sûr aux ressources tant
naturelles qu'humaines, déclare Mme Bondar. "
Si nous ne pouvons le faire avec toutes les ressources dont
dispose le Canada, qui le pourra- " Elle parle de l'importance
de la vision sans laquelle on ne peut rien faire en réalité.
Formuler une vision commune, c'est toutefois une tâche
qui nous obligera à changer notre vision personnelle
pour trouver des points communs avec quelqu'un d'autre, ou
à faire changer d'attitude l'autre partie. Comme elle
soupçonne que l'auditoire regroupe des personnalités
" de type A ", elle insiste sur le fait qu'il faut
reconnaître à la fois le moment où il
faut diriger et celui où il faut suivre.
Mme Bondar présente ensuite quelques photographies
prises de l'espace et qui offrent une perspective différente
de l'histoire et de l'évolution. Au sujet du programme
spatial du Canada, elle signale que les Canadiens sont reconnus
non seulement pour leurs activités d'édification
et de maintien de la paix, mais aussi pour leur bras spatial
Canadarm. Cette technologie " nous a aidés ici
aujourd'hui " en nous permettant de voir le monde de
l'espace.
Tout comme les astronautes qui se retrouvent dans l'environnement
confiné d'une navette doivent vivre dans les limites
de ce qui leur est fourni, les habitants de la terre doivent
eux aussi réaliser que la planète a ses limites.
Elle mentionne les répercussions que produit le lancement
d'une navette, qui vont des oiseaux déplacés
jusqu'aux trous que la navette perfore dans l'ozone. La NASA
a dû se pencher sur ces questions : elle voulait lancer
des astronautes dans l'espace, mais elle a aussi dû
tenir compte des répercussions imposées au refuge
faunique où se trouve l'aire de lancement de la navette.
À cause de sa technologie, du dynamisme et de la curiosité
de ses ressources humaines, la NASA fait les choses différemment.
Les huit minutes et demie qu'il faut pour parvenir dans l'espace
constituent " toute une balade ", déclare-t-elle.
Comme il en coûte 13 millions de dollars, " il
est préférable d'en tirer quelque chose ".
Il faut plus que simplement des expériences : il faut
une vision. Elle affirme croire à la recherche spatiale
et à sa capacité de nous apprendre des choses
au sujet de systèmes modifiés et de nous montrer
que nous pouvons agir différemment si nous demeurons
ouverts aux idées nouvelles.
Mme Bondar insiste ensuite sur l'importance de la flexibilité
dans la recherche de solutions. Il y a des choses plus importantes
que dire tout ce que l'on a fait de beau pour l'environnement,
soit la capacité d'écouter et d'entendre et
la capacité d'utiliser ces connaissances pour changer.
Dans l'espace, il est possible de se perdre dans l'enceinte
très restreinte de la navette simplement à cause
des orientations différentes où l'on peut se
retrouver. Il importe toutefois de profiter de ces moments
pour apprendre à voir et à faire différemment.
Personne ne sait s'il y aura répétition des
événements du 11 septembre, mais il importe
de parler de ce qu'il faut pour survivre sur la planète.
En soulignant qu'elle n'a pas les compétences spécialisées
nécessaires pour parler des changements législatifs
ou commerciaux qui s'imposent, elle s'attarde aux changements
d'attitude nécessaires.
Ce que les êtres humains ont jamais vu de plus gros,
c'est la planète. Projetant la première photo
de la Terre prise de l'espace, elle parle du rôle que
cette photo joue dans la mobilisation des mouvements de conservation
et de l'environnement. Cette photo diffère des images
modernes prises par satellite, parce qu'elle a été
prise par une personne. Elle parle du " sentiment de
peur et des frissons " que l'on ressent dans la navette
lorsqu'on tourne le dos à la Terre pour regarder dans
le noir de l'espace. Les étoiles sont assez nombreuses
pour dissiper l'égocentrisme qui refuse d'accepter
la possibilité de l'existence d'extra-terrestres. Mme
Bondar décrit les tendances qui prennent de l'importance
dans cette optique-comme l'apparence des dunes de sable et
de l'eau à partir de l'espace-tendances qui illustrent
" ce qu'il est possible de voir d'un point de vue différent
".
Elle montre une photographie d'un pays insulaire qui était
entièrement boisé il y a 200 ans et qui est
maintenant complètement déboisé. Elle
affirme qu'on a besoin de visionnaires qui peuvent définir
des buts à long terme afin d'établir un équilibre
avec les buts à court terme, ainsi qu'entre les besoins
d'aujourd'hui et ceux de demain. Elle utilise l'exemple du
dernier pommier : faut-il manger la pomme, abattre l'arbre
pour se chauffer ou planter le pépin?
Elle présente ensuite des photos de l'île Vancouver,
des Rocheuses, de Terre-Neuve et de la péninsule du
Labrador, ainsi que des Grands Lacs, vus de l'espace. À
300 km de la Terre, il n'y a à peu près rien
qui différencie le mont Everest des autres montagnes.
Il s'agit d'une " façon entièrement différente
de voir ". Elle présente aussi des photos de la
Lune, qui porte déjà des " empreintes humaines
". Ce que le monde cherche maintenant, c'est un moyen
de minimiser cette empreinte humaine, qui sera toujours là,
de façon à ce qu'elle n'ait pas d'effet sur
les générations à venir.
Mme Bondar insiste auprès des participants sur l'importance
de ne pas se contenter d'accepter ce que d'autres ont à
dire ou ce que nous pensons nous-mêmes savoir. Elle
parle des choses précieuses de la Terre et du besoin
de prendre " de plus en plus de recul " pour discerner
les tendances de la vie. Les colonies de lichen peuvent vivre
des centaines, voire des milliers d'années parce qu'elles
ont appris à faire preuve d'" intelligence ".
Comme elles, les êtres humains peuvent aussi apprendre
à survivre. Même si la vie sur Terre n'est pas
éternelle (dans des générations, le soleil
finira par engloutir la planète), notre vision d'aujourd'hui
déterminera jusqu'où nous irons demain.
Au sujet du besoin humain d'endroits paisibles et d'air et
d'eau propres, Mme Bondar affirme que la plupart des Canadiens
" ne savent pas ce que nous avons ". Sans la vision
de certains Canadiens, le Canada n'aurait pas de sites du
patrimoine mondial comme le parc national Nahanni. Même
si elle reconnaît que la création de parcs nationaux
ne constitue pas une solution complète, elle insiste
sur le fait qu'on a besoin d'autres visions de cette nature
chez les Canadiens.
L'importance des connexions
Reed Noss, Président sortant, Society for Conservation
Biology
Reed Noss commence par une brève rétrospective
de l'histoire de la planification de la conservation en Amérique
du Nord et démontre comment les diverses démarches
commencent à évoluer en une approche scientifique
intégrée qui vise à préserver
les richesses de la vie sur le continent.
Le vieil adage selon lequel " ceux qui oublient les
leçons de l'histoire sont voués à les
répéter " s'applique extraordinairement
bien à la conservation. Dans le monde occidental, la
conservation a commencé par la protection d'espèces
favorites à l'époque biblique, lorsque Moïse
a décrété qu'il ne fallait pas tuer d'oiseaux
en incubation. La première loi sur la conservation
en Amérique du Nord remonte à 1639; elle limitait
la saison de la chasse du cerf de Virginie. Ces premiers exemples
reposaient sur des idées claires au sujet des "
bons " et des " mauvais " animaux. La protection
de certaines espèces a néanmoins connu quelques
succès au début.
La protection des terres remonte à 1872, soit à
l'établissement de Yellowstone, le premier parc national
au monde. Cette décision visait toutefois non pas à
conserver, mais à créer un monument aux merveilles
panoramiques de la nature pour le tourisme et le développement
économique. Au Canada aussi, on a commencé à
créer des parcs nationaux en 1885, conformément
au principe directeur qui consistait à prévoir
de l'espace pour les loisirs et le tourisme. Comme la conservation
ne constituait pas l'objectif de cette décision, la
collection de zones protégées qui en a découlé
ne reflétait pas la diversité naturelle du continent.
En fait, certaines régions les plus riches sur le plan
de la biodiversité n'ont pas été protégées.
Même si l'on a reconnu très tôt que les
forêts du monde étaient surexploitées,
on n'a pas fait grand chose, sauf établir, au milieu
du 18e siècle, des réserves forestières
tropicales.
Même si l'on a dit que le conservationnisme récent
se fait " à la pièce ", l'importance
croissante qu'on accorde aux écosystèmes, aux
écopaysages et aux écorégions est à
l'origine d'une " approche vraiment systématique
de la conservation ", déclare M. Noss. Il prévient
toutefois qu'il faut éviter d'oublier des espèces
en particulier, car elles sont souvent l'un des meilleurs
indicateurs de l'état de santé de l'écosystème.
Citant une étude, il décrit ce que les auteurs
considèrent comme les cinq " qualités de
la planification systématique de la conservation "
:
- choix clairs au sujet des caractéristiques à
utiliser comme paramètres substituts de mesure de
la biodiversité;
- buts explicites, de préférence traduits
en objectifs quantitatifs (un tel système reconnaîtrait
dans quelle mesure les buts de la conservation ont déjà
été atteints dans les réserves existantes);
- moyens simples et explicites de situer et de concevoir
des réserves afin de compléter celles qui
existent déjà;
- critères explicites de mise en uvre de la
conservation sur le terrain;
- objectifs et moyens explicites d'assurer le maintien de
caractéristiques naturelles clés par la surveillance
efficace et la gestion adaptative.
Des buts clairs sont un élément important qui
" manque souvent " en planification de la conservation.
La représentation de tous les types écosystémiques,
le maintien des populations viables d'espèces indigènes,
le maintien de phénomènes écologiques
et évolutionnaires, et la possibilité de changements
sont au nombre des buts typiques de la planification de la
conservation à base scientifique. Ces buts sont généraux,
et il faut y joindre des buts quantitatifs plus précis.
Depuis que les scientifiques ont commencé à
jouer un rôle dans la planification de la conservation,
trois grands courants de pensée ont fait leur apparition
:
- une démarche axée sur les " éléments
spéciaux " qui recherchent des lieux spéciaux
dans l'écopaysage comme les forêts anciennes
ou les bassins hydrographiques;
- une démarche axée sur la représentation,
qui vise à protéger tous les types d'habitat;
- une démarche centrée sur les espèces,
qui porte sur les besoins de certaines espèces en
particulier, comme celles auxquelles il faut de grandes
superficies et qui essaie d'y répondre.
Ces trois démarches reflètent souvent des priorités
et des buts différents. M. Noss décrit des exemples
de chacune de ces trois démarches qui ont été
mises en uvre par Conservation International, le Fonds
mondial pour la nature et l'Institut des ressources mondiales
respectivement. Il insiste sur le fait qu'une stratégie
intégrée de protection de la biodiversité
doit englober ces trois démarches, car il n'y en a
pas une qui donnera des résultats à elle seule.
M. Noss passe ensuite à la question des liens entre
habitats dans l'écopaysage comme un élément
constituant de la planification de la conservation. La connectivité,
c'est " le contraire de la fragmentation ". La connectivité
en soi ne serait pas un problème si ce n'était
des obstacles artificiels que les êtres humains érigent
dans tous les copaysages. Il y a quatre moyens pour une espèce
de durer dans un écopaysage fragmenté :
- à l'intérieur et entre les zones clôturées,
le long des voies de circulation et dans d'autres secteurs
qui constituent une matrice agricole ou urbaine;
- en maintenant des populations dans les quelques boisés
qui restent;
- en déplaçant des individus entre des fragments;
- en dispersant de nouveaux résidents dans des zones
où les populations locales ne sont plus viables,
comme dans le Sud de l'Illinois ou le Sud de l'Ontario.
Certaines de ces stratégies ont besoin de liens fonctionnels.
Même si l'on ne sait pas tout au sujet de la connectivité,
il est possible d'établir des principes généraux
afin de formuler des hypothèses de travail lorsqu'il
n'y a pas d'information courante sur des cas. Parmi les fonctions
écologiques générales de la connectivité
au sujet desquelles il est possible de formuler des hypothèses,
mentionnons notamment les activités qui consistent
à favoriser les mouvements quotidiens et saisonniers
des animaux, faciliter la circulation des gènes, la
dispersion et les effets de sauvetage, permettre le mouvement
des espèces face aux changements climatiques et maintenir
le flux des processus écologiques. M. Noss lance un
avertissement au sujet des couloirs en affirmant qu'ils sont
devenus une telle mode que l'on tient rarement compte rigoureusement
des fonctions de la connectivité par rapport à
certaines espèces en particulier et à leurs
besoins. " Il faut nous intéresser aux liens fonctionnels
" soutient-il; il faut toujoursles mesurer espèce
par espèce.
La connectivité est déterminée par la
convergence de l'histoire d'un organisme et de la structure
du paysage. Il faut tenir compte d'éléments
comme la surveillance et les caractéristiques de dispersion
d'espèces ciblées, d'autres caractéristiques
auto-écologiques (histoire) d'espèces, les caractéristiques
structurelles et l'évolution spatiale des écopaysages;
la distance entre des secteurs d'habitat; la présence
d'obstacles à la circulation des espèces et
l'ingérence des prédateurs et des êtres
humains.
En ce qui concerne l'enjeu plus restreint que constituent
les couloirs, M. Noss en décrit les avantages et les
inconvénients possibles. Parmi les avantages, il mentionne
l'augmentation de l'immigration vers les réserves,
l'augmentation des pâturages, l'augmentation du couvert
forestier, l'accès à de multiples types d'habitats
de ressources, les refuges contre les perturbations, les ceintures
de verdure et les activités récréatives.
Les couloirs peuvent par contre constituer un inconvénient
s'ils facilitent la propagation d'espèces étrangères
ou de feux de forêt, s'ils n'offrent pas un habitat
convenable ou s'ils causent des conflits avec d'autres efforts
de conservation.
M. Noss déclare que les publications scientifiques
au sujet des effets démographiques des couloirs présentent
des lacunes. Même si aucune des études passées
en revue ne montre les répercussions négatives
des couloirs, les documents ne tiennent pas compte des couloirs
créés pour d'autres raisons que la conservation.
Les couloirs artificiels comme les voies de circulation et
les pipelines " peuvent faire plus de mal que de bien
". On ne sait pas grand chose sur les couloirs convenables
pour la circulation ou ceux qui nuisent à la circulation
d'espèces en particulier. Il y a toutefois une distinction
importante entre les efforts de conservation qui visent à
rétablir des couloirs naturels et la création
de couloirs artificiels à d'autres fins (et qui peuvent
nuire).
Les couloirs sont devenus un des principaux éléments
constituants de la conception des réserves, avec les
réserves de base (qui constituent l'assise d'une stratégie
de conservation) et les zones à usages multiples ou
tampons. Même s'il est possible d'avoir un tout qui
est plus grand que la somme de ses parties en mettant en pratique
le principe de la connectivité, les conservationnistes
doivent en faire une réalité en mettant en uvre
des concepts intelligents.
Afin de répondre à la question difficile sur
la façon de concevoir des couloirs, il faut tenir compte
des besoins d'espèces en particulier. On a tendance
à oublier des espèces dans une stratégie
de gestion écosystémique. Les " éléments
spéciaux " et les démarches fondées
sur la " représentation " décrits
plus tôt permettront de dégager certains aspects
clés de la conservation, mais ils ne disent rien de
la configuration de l'habitat nécessaire pour assurer
la viabilité des espèces.
La démarche fondée sur les " espèces
principales ", qui définit quatre catégories
d'espèces, aide toutefois en partie à combler
cette lacune. Sur les quatre catégories d'espèces-soit
les espèces limitées par la superficie, par
la dispersion, par les ressources et par les processus-les
deux premières sont celles auxquelles il faut consacrer
le plus d'attention dans cette optique. M. Noss explique qu'une
combinaison des efforts concentrés sur les gros carnivores
et les mésocarnivores forestiers produit une bonne
espèce principale pour la planification de la conservation
à l'échelon de la région. Il donne deux
ou trois exemples portant sur les tentatives faites depuis
le milieu des années 80 pour établir des zones
de connectivité afin d'assurer la survie de la panthère
de la Floride et de l'ours noir de la Floride, deux espèces
menacées. La modélisation informatique de l'habitat,
qui aide à prévoir la valeur de l'habitat pour
10 espèces, et la modélisation dynamique des
populations, qui permet d'examiner comment des espèces
durent dans des scénarios différents de changements
de l'écopaysage, constituent deux autres exemples de
démarches axées sur des espèces principales.
M. Noss résume son intervention en énonçant
les leçons apprises jusqu'à maintenant. Il recommande
de fonder les concepts de la connectivité sur les espèces
les plus sensibles à la fragmentation et ajoute qu'il
importe de juger avec soin l'échelle d'évaluation
de la connectivité. Il insiste sur le besoin de fournir
aux animaux des " voies de moindre résistance
dans l'écopaysage " et non simplement de réserver
ces voies à la circulation des êtres humains.
Lorsque les distances entre les réserves dépassent
les tendances de la dispersion, il faut maintenir des populations
résidentes d'animaux dans les zones intermédiaires.
Idéalement, il faudrait fournir un habitat de source
continue. En cas de doute, il faut maintenir la connectivité
naturelle et imposer le fardeau de la preuve à ceux
qui veulent fragmenter l'écopaysage.
M. Noss conseille aux participants d'essayer d'unifier les
méthodes distinctes de conservation à base scientifique
pour atteindre des buts divers. Il les encourage à
réfléchir aux connexions et à l'intégration
en fonction de la stratégie et de l'habitat. Il propose
de plus une démarche qui conjugue les meilleurs éléments
d'une stratégie descendante de " responsabilisation
" à une stratégie ascendante qui tient
compte des préoccupations locales. Il reconnaît
le défi qui nous attend, car ce défi exige un
engagement commun entre niveaux de compétences et frontières
politiques. En terminant, il encourage les participants à
reconnaître que la " situation de la conservation
dans son ensemble " est dans l'intérêt de
chacun.
La protection des aires naturelles
Animatrice : Gaile Whelan-Enns, Directrice pour le Manitoba,
Campagne sur les terrains en friche, Fédération
canadienne de la nature
Gaile Whelan-Enns signale que les outils techniques d'évaluation
de l'écopaysage et les méthodes de biologie
de la conservation jouent un rôle essentiel dans son
travail qui vise à garantir un habitat pour la faune.
Elle signale que le Manitoba est à l'avant-garde du
reste du pays dans ce domaine et ajoute que la campagne sur
les espaces en danger lancée au Manitoba pour le Fonds
mondial de la nature du Canada a permis de protéger
plus de 6 millions d'hectares de terres publiques.
Certitude, clarté et prévisibilité
: principes de protection des aires naturelles
David Luff, Vice-président, Environnement et Opérations,
Association canadienne des producteurs pétroliers (ACPP)
Un des besoins fondamentaux de l'industrie du pétrole
consiste à avoir accès à des ressources
enfouies profondément dans le sol, déclare David
Luff. Dans certains cas, ces ressources se trouvent sous des
aires importantes d'habitats de la faune (habitats terrestres
et marins), pour les utilisateurs traditionnels des terres
ou pour leurs valeurs panoramiques. Trouver des moyens de
tenir compte de ces intérêts variés à
l'égard des terres constitue une priorité importante
pour l'industrie pétrolière. Les membres de
l'ACCP produisent 95 % du pétrole et du gaz canadiens.
En 2000, l'industrie a investi 42 milliards de dollars en
immobilisations, employé 500 000 Canadiens et versé
15 milliards de dollars dans les coffres de l'État.
Dans le contexte de la collaboration avec les intervenants,
il y a cinq aspects de l'engagement à comprendre :
- protéger l'environnement;
- veiller à ce que le processus soit compris par
tous;
- respecter les valeurs des intervenants;établir
des partenariats innovateurs;
- assurer la croissance de l'économie.
M. Luff ajoute qu'il importe de déterminer ce que
l'on protège, et pourquoi et contre quoi on le fait.
Il cite Bill Hunter, Président de l'Alberta Chamber
of Resources, qui a déclaré : " C'est seulement
en adoptant ou optimisant ces pratiques que nous réussirons
à mobiliser le gouvernement et le grand public. "
M. Luff cite aussi James Wooder, Directeur général
de l'Atlantic Canada Petroleum Institute, qui a déclaré
: " Il est crucial de mobiliser les gens pour trouver
des solutions fondées sur la recherche, la formation
et l'éducation qui faciliteront à la fois la
croissance de l'industrie et la participation de la population
de la région de l'Atlantique. "
Le processus de consultation doit inclure l'acceptation de
l'exploitation par le public, des choix éclairés,
des idées communes et des valeurs sociales. Ce processus
doit aussi comporter des discussions personnelles, les retombées
des activités, le savoir traditionnel, les besoins
socio-économiques et des facteurs liés à
la qualité de vie.
Toutes les parties doivent être présentes à
la table lorsqu'on discute des antécédents de
l'industrie et planifie des projets en ce qui concerne les
décisions stratégiques et réglementaires
et les valeurs changeantes.
L'industrie agissait auparavant de façon très
dictatoriale et ne répondait pas aux préoccupations
locales de façon exemplaire, déclare M. Luff.
La situation a maintenant changé et l'industrie consulte
beaucoup plus à fond. Les engagements de tous les intervenants
les obligent maintenant à rendre des comptes; l'honneur,
la crédibilité et le respect mutuel règnent.
Des critères de mesure acceptés par toutes les
parties en rendent le processus plus sûr et prévisible.
La pratique de l'intendance repose sur la responsabilité
des membres, l'amélioration continue des technologies
et des relations, et une grande considération que l'on
accorde constamment à l'adoption des pratiques optimales,
à la comparaison des résultats et à la
mesure de l'efficacité.
La publication des résultats, la consultation continue
du secteur public et l'élargissement de la représentation
de l'industrie (qui vise une participation de 100 %) améliorent
en outre l'engagement de l'industrie envers l'intendance.
L'ACPP a tiré des leçons de ses erreurs et
s'est engagée dans un processus intégré
de mobilisation des intervenants qui comprend la consultation,
l'inclusion, l'imputabilité et l'amélioration
continue.
Manitoba - Protocole d'entente sur les terrains protégés
des Premières nations - la zone protégée
de Poplar Nanawin
Chef Vera Mitchell, Première nation de Poplar River
Le chef Mitchell est heureuse d'avoir été invitée
à prendre la parole devant un si " vaste éventail
de participants " et affirme qu'il est vraiment rare
de voir des représentants des Premières nations
se réunir et mettre leurs préoccupations, qui
sont les mêmes, en commun avec divers représentants
de la société. Elle espère qu'après
s'être écoutés les uns les autres, les
participants pourront dégager un consensus sur les
problèmes qui règnent dans l'environnement de
chacun en s'informant sur les préoccupations communes
et en trouvant une conclusion pratique à la fin de
la journée.
Elle présente ensuite un vidéo de scènes
de la rivière Poplar qui décrivent la nature
dans un de ses états les plus purs et les plus vierges.
Mme Mitchell décrit la vision de sa collectivité.
Elle présente un aperçu historique depuis l'époque
d'avant la signature des traités jusqu'à aujourd'hui,
décrit l'impact des réserves et de la dépendance
de la charité de l'État. Ses arguments les plus
solides ont trait au mode de vie traditionnel de sa collectivité
dont les membres, précise-t-elle, coexistent sur leurs
terres dans un écosystème libre d'ingérence
de l'extérieur.
Les membres des Premières nations considèrent
la terre non pas du point de vue du propriétaire, mais
de celui de l'intendant. La terre est un don qui offre des
moyens de subsistance, et qu'il faut protéger comme
patrimoine des générations à venir. Il
faut protéger les terres de la nation Poplar River
afin que les enfants de la collectivité puissent continuer
d'en jouir et de les partager.
Mme Mitchell décrit les obstacles qu'érigent
les gens en se définissant en fonction des groupes
qu'ils représentent, de leur employeur et de leur origine.
L'identité devrait reposer plutôt sur nos croyances
intérieures et sur " l'endroit idéal "
qui nous permet de tout " oublier " et d'être
" en harmonie avec la nature ".
Elle termine son exposé en affirmant que les terres
de la nation Poplar River sont une région traditionnelle
que son peuple a toujours utilisée pour survivre. La
collectivité ne peut laisser quelqu'un d'autre ni le
gouvernement déterminer ce qui convient le mieux pour
elle ou pour l'économie. L'existence de sa collectivité
et ses moyens de subsistance sont tributaires de cette région
protégée.
Des obstacles et des solutions pour protéger les
milieux naturels marins
Martin Willison, professeur, Département de biologie,
Dalhousie University
Martin Willison commence par affirmer que des activités
économiques et de nouveaux progrès-notamment
dans les domaines de la pêche, de l'exploitation minière,
de la pollution et de l'aquaculture-menacent la biodiversité
marine. La stratégie des zones protégées
constitue la meilleure mesure de conservation qui a fait ses
preuves; elle est aussi valable en mer que sur terre (mais
avec quelques modifications). Les zones de protection marines
sont nécessaires pour conserver la biodiversité,
surveiller l'environnement, effectuer des recherches scientifiques,
protéger les ressources marines et assurer la gestion
générale des océans.
Dans la plupart des cas, le Canada dispose des mesures législatives
convenables pour établir et gérer les zones
de protection marines, mais l'élaboration de politiques
convenables et leur mise en uvre présentent toutes
deux des faiblesses. Comme les zones marines sont un bien
public géré par l'État fédéral,
il est préférable de recourir à des processus
socio-communautaires (" ascendants ") pour les gérer.
Le besoin d'appliquer la théorie de la biologie de
la conservation marine à l'élaboration des politiques
sur la conservation au Canada est dicté par plusieurs
facteurs, dont la conservation du poisson et la gestion conservatrice
des pêches sont les plus importants.
La pêche pratiquée au moyen " d'engins
mobiles " constitue probablement la menace la plus lourde
pour la biodiversité marine au Canada. Les engins mobiles
de " pêche de fond " sont lourds et grattent
le fond de l'océan, le nivellent et le modifient. Le
Canada ne compte plus que quelques vestiges de certains habitats
marins non altérés et même ces quelques
vestiges sont exposés à l'exploitation continue
avec l'évolution des techniques de pêche. Restreindre
l'utilisation des engins de pêche mobiles ne signifie
pas nécessairement que le total des prises diminuera
parce qu'il existe d'autres techniques de pêche qui
ont été utilisées de façon traditionnelle.
Le corail de profondeur constitue un bon exemple de cette
situation. Même s'il faut aborder avec prudence la gestion
du corail du Canada et même si l'on recommande au gouvernement
de prendre des précautions, les autorités canadiennes
n'ont encore rien fait. En revanche, des autorités
européennes (Norvège et Royaume-Uni) ont établi
des zones de protection de récifs de corail en appliquant
les dispositions de la directive sur les habitats de l'Union
européenne (UE). L'UE a aussi lancé un programme
de recherche d'envergure conçu pour établir
les bases d'un programme de conservation du corail de profondeur.
La pêche ne représsente pas la seule menace
pour le corail du Canada et d'autres animaux marins qui constituent
l'assise des collectivités benthiques. Sur la côte
Est du Canada, des travaux d'exploration pétrolière
se poursuivent. On exploite activement des champs de pétrole
et de gaz. Le processus d'octroi de permis actuellement en
vigueur tient peu compte des menaces éventuelles pour
les habitats marins et la biodiversité marine.
Les zones de protection marines (ZPM) offrent un vaste éventail
d'avantages. Si l'on élimine la pêche dans certaines
régions choisies avec soin, elles gardent des stocks
de base de beaucoup d'espèces, ce qui constitue une
" assurance " en cas d'échec des politiques
de gestion des pêches qui régissent les stocks
exploités. Des preuves de plus en plus nombreuses montrent
que les ZPM peuvent aussi améliorer directement les
pêches lorsque des larves et des adultes " débordent
" dans les zones exploitées.
Le Canada a adopté plusieurs mesures législatives
qui permettent de créer des ZPM, la Loi sur les océans
(1997) étant la plus robuste et applicable à
la plus grande échelle. Même si la loi oblige
le ministre des Pêches et Océans à établir
un réseau de ZPM au Canada, une seule avait été
publiée dans la Gazette en juillet 2001 en vertu des
dispositions de la Loi sur les océans, ce qui est regrettable.
Cette lenteur indique que même si le Canada dispose
de mesures législatives convenables pour assurer la
conservation de la biodiversité marine, la mise en
uvre des politiques est faible.
La planification des réseaux de zones de protection
terrestres constitue une science relativement évoluée.
Dans l'environnement marin, elle en est à ses débuts.
Sur terre, le Canada a atteint le stade où l'on a comblé
les lacunes en choisissant des sites supplémentaires
au moyen de méthodes systématiques. Le processus
est en train de passer à l'étape suivante, soit
celle de l'élaboration d'une assise scientifique pour
l'établissement d'un réseau connecté
de zones protégées qui comportera des zones
" tampons " et des couloirs. En ce qui concerne
les océans, le Canada vient d'entreprendre l'étape
préliminaire que constitue la sélection et la
protection de quelques sites jugés importants. C'est
pourquoi il est illusoire d'attendre l'élaboration
d'une théorie adéquate de planification des
ZPM pour intervenir afin de protéger quelques ZPM "
de base ".
La théorie des couloirs n'est pas la même en
mer que sur terre parce que l'eau constitue pour presque toutes
les espèces un milieu de dispersion tridimensionnel
continu, tandis que le paysage relativement bidimensionnel
bloque plus facilement la dispersion. C'est pourquoi il est
très important de protéger les couloirs de migration
aux endroits spéciaux à cause de la biogéographie
côtière.
Il faut porter une attention spéciale aux sources
de population et aux puits dans l'océan. La frayère
des larves se trouve rarement près du lieu d'établissement
et les relations entre sources et puits sont en général
tributaires des courants.
Beaucoup d'espèces marines ont besoin d'habitats différents
à des stades différents de la vie. Il faut protéger
l'habitat de certains animaux marins tout, comme il faut le
faire pour celui des oiseaux migrateurs dans tout leur champ
de rayonnement.
Afin d'intégrer la planification des ZPM à
l'échelon continental, il est logique de placer les
" bornes " de chaque réseau national de ZPM
aux frontières internationales. La planification des
ZPM et celle de l'utilisation des ressources marines devraient
se poursuivre en parallèle et non constituer des efforts
distincts.
Des expériences menées récemment à
des endroits comme la péninsule Eastport, à
Terre-Neuve (où les pêcheurs locaux contrôlent
leur propre pêche et ont mis en uvre volontairement
des mesures de conservation) et Gwaii Haanas, en Colombie-Britannique
(où la collectivité autochtone Haida collabore
efficacement avec Parcs Canada et Pêches et Océans
Canada pour intégrer la protection du patrimoine culturel
et naturel) sont porteuses de promesses.
L'ignorance de l'écologie marine, la non-sensibilisation
du public aux menaces à l'environnement marin, la compréhension
erronée que le public a de l'ordre de grandeur relatif
de ces menaces et la léthargie administrative découlant
de l'importance politique relativement faible que l'on accorde
aux enjeux de l'environnement marin constituent les plus grands
obstacles à la protection des zones naturelles marines.
La " biologie de la conservation " comme discipline
universitaire est transdisciplinaire par sa démarche
intellectuelle (ce n'est ni une science naturelle, ni une
science sociale, ni un art de la gestion : c'est plutôt
un amalgame des trois). À cause de sa nature transdisciplinaire,
la biologie de la conservation offre d'importantes possibilités
de fonction de catalyseur utile dans l'intégration
des efforts de gestion dans les régions côtières
communes.
Discussion
Alan Morin, du Ralliement national des Métis, déplore
que les Métis n'aient pas été invités
à la conférence. Il signale que les Métis
sont un des trois groupes qui constituent les peuples autochtones.
Il déclare que le développement marin devrait
porter non seulement sur les océans, mais aussi sur
les cours d'eaux qui se déversent dans les lacs et,
ensuite, dans les océans. Il ajoute que le gouvernement,
qui persiste à considérer les terres comme une
denrée, devrait changer radicalement d'idée.
Les membres du groupe formulent des réflexions personnelles
sur ses commentaires, qui varient du besoin de chercher un
sentiment d'équilibre à un avertissement selon
lequel le seul moyen d'établir un équilibre
face à ce problème consiste à prendre
sans tarder des mesures favorables à l'environnement.
Un porte-parole de la nation métisse de la Saskatchewan
insiste sur le fait que tous les intervenants doivent participer,
y compris les trappeurs et les pêcheurs, que l'on ne
les respecte pas actuellement.
Caroline Bruyère, de l'Assembly of Manitoba-Chiefs
Turtle Island Elders' Council, signale que les Premières
nations n'ont pas participé à beaucoup de processus
environnementaux. Elles doivent y participer car beaucoup
de ces questions ont des répercussions sur leurs terres
et leur culture traditionnelles. Elle s'interroge sur l'engagement
réel des membres du groupe envers l'environnement.
La réponse des membres du groupe varie de celle de
M. Luff, qui reconnaît qu'il faut travailler davantage
avec la collectivité autochtone, jusqu'à la
remarque de Mme Mitchell qui, comme représentante des
Autochtones, affirme qu'elle " n'est pas achetable ".
M. Willison admet qu'il s'est fait très peu de choses
dans ce domaine, tant dans le secteur public que dans les
milieux universitaires, et qu'il y a beaucoup de chemin à
faire. La relation doit reposer sur la reconnaissance et le
respect.
L'intendance et les communautés
Animatrice : Julie Gelfand, Directrice générale,
Fédération canadienne de la nature
Leçons apprises " sur le terrain "
Bob Peart, Directeur général, Section de
la Colombie-Britannique de la Société pour la
protection des parcs et des sites naturels du Canada
Bob Peart explique que son exposé repose sur l'expérience
qu'il a acquise avec la Table ronde de la Colombie-Britannique
et ses 25 ans d'activité de représentation.
M. Peart signale que la Table ronde de la Colombie-Britannique
est un programme qui connaît du succès, mais
qui ne s'est pas fait très bien connaître : le
programme fait beaucoup de bon travail, mais il n'excelle
pas à faire passer le message. Il indique que le problème
réside en partie dans le fait qu'il est très
difficile de faire circuler l'information. La Table ronde
a toutefois eu un impact à long terme en Colombie-Britannique.
Il décrit la durabilité en la comparant à
un tabouret à trois pattes que constituent les préoccupations
environnementales, économiques et sociales. Lorsqu'on
lui enlève une patte, le tabouret tombe. Toutes les
pattes doivent être de la même longueur, ce qui
est tout aussi important. Celle des préoccupations
sociales, qui englobent les besoins humains, l'a toujours
emporté. C'est pourquoi l'environnement a subi de sérieux
dommages. Le défi est le suivant : si toutes les pattes
du tabouret ont la même importance, laquelle passe en
premier?
M. Peart signale qu'il n'est pas convaincu que les pratiques
actuelles témoignent vraiment de notre durabilité
réelle. Elles visent en grande partie l'économie,
au détriment de l'environnement et de la société.
C'est pourquoi il n'y a ni équilibre, ni durabilité.
Il recommande aux environnementalistes présents de
ne pas oublier de tenir compte des besoins sociaux des collectivités
lorsqu'ils cherchent à faire avancer leur programme.
Il faut à cette fin tenir des discussions ouvertes
et équilibrées débouchant sur des décisions
qui améliorent la qualité de vie; l'éducation,
l'emploi, les services de santé, les loisirs et l'environnement
naturel en sont les indicateurs. Pour réussir, il faut
mobiliser et convaincre les gens " sur le terrain ".
Les discussions sont une perte de temps jusqu'à ce
qu'on mette en uvre sur le terrain une politique ou
un plan.
M. Peart lit des extraits d'un éditorial de Ted Mosquin
intitulé " C'est sur le terrain, idiot! "
L'auteur de l'article lance un cri de ralliement aux environnementalistes
en leur demandant de demeurer attentifs et en affirmant que
" la preuve de la réussite ou de l'échec
de notre travail se trouve dans l'environnement même-dans
ce qui arrive aux forêts, aux lacs, aux rivières,
aux écosystèmes marins, aux sols, aux pêches,
à la faune et à l'humanité ". L'auteur
de l'article reproche à la plupart des activités
d'écologisation de viser à endormir le public
pour lui faire croire que le gouvernement et l'industrie s'intéressent
à l'environnement.
Les environnementalistes doivent surveiller constamment leurs
grands dossiers, déclare M. Peart; ils doivent surveiller
les détails, demeurer en contact avec ce qui se passe
vraiment et se montrer d'une vigilance constante. Les militants
qui font du bénévolat ont tendance à
changer, ce qui constitue un défi : il y a " une
foule de guerriers actifs, mais rares sont ceux qui restent
jusqu'à la fin. "
Il prévient les participants qu'une annonce d'un premier
ministre ne constitue pas l'aboutissement d'un effort environnemental
: c'est plutôt le début. Il répète
les leçons qu'il a apprises : persévérer
jusqu'à la fin, conclure le marché et ne pas
baisser les bras prématurément. Tous les militants
environnementaux doivent faire reculer les limites. M. Peart
leur conseille de fixer leurs buts, d'établir leur
programme, de trouver des partenaires et de se lancer à
l'attaque. Il les exhorte avant tout à être "
audacieux, braves et courageux ".
En indiquant qu'il faut commencer à réfléchir
en fonction de la situation globale, M. Peart lit des extraits
de l'ouvrage de Michael Suley et John Trooper intitulé
Continental Conservation, où l'on affirme que pour
être efficace, " il faut que la conservation soit
planifiée et mise en uvre sur une vaste échelle
". La situation a changé par rapport à
ce qu'elle était il y a 30 ans : à l'époque,
on cherchait seulement à créer des parcs.
Prévenant les intervenants que la question peut devenir
personnelle et qu'ils peuvent devenir la cible d'attaques
personnelles, il leur conseille de respecter les opinions
différentes et de convenir de ne pas être d'accord.
La voie la plus efficace consiste à discuter avec tous
les groupes et à travailler ensemble. Après
avoir affiché l'équation " 1+1=3 ",
il explique qu'en Colombie-Britannique, lorsque les environnementalistes
et les Premières nations se sont réunis, ils
ont créé une force redoutable-non seulement
sur le plan politique, mais aussi sur celui des connaissances
et de la capacité.
Il conseille ensuite aux participants de " partager
votre amour ". Une façon de convaincre les gens
d'accepter un message environnemental consiste à les
faire sortir pour vivre des expériences de la nature.
Il est beaucoup plus facile de convaincre quelqu'un de son
point de vue lorsque l'intéressé a " vu
voler des oies et entendu l'appel du huard ". Les environnementalistes
doivent aider le public à avoir des contacts différents
avec l'environnement, le faire sortir, l'informer et partager
le vécu.
M. Peart résume les défis posés par
la conservation au moyen d'une citation à l'effet que
" la conservation ne progresse nullement parce qu'elle
est incompatible avec l'utilisation que nous faisons de la
terre ". Il montre une lettre adressée au Président
Bush dans laquelle on explique qu'il y a de nombreuses façons
de réduire les émissions de gaz à effet
de serre sans ralentir la croissance de l'économie.
L'équilibre entre la nature et le commerce : les
principes du succès des communautés carrefours
Ray Rasker, Directeur, Bureau du Nord-Ouest, Institut
Sonoran
Ray Rasker décrit les communautés carrefours
comme étant celles qui sont situées au seuil
de la nature et où l'on trouve " des montagnes,
des ours grizzly et des créatures sauvages dans sa
cour arrière ". Il s'agit souvent de communautés
magnifiques qui ont un centre-ville magnifique, mais où
la nature est tout près.
M. Rasker présente un aperçu de la croissance
historique de ces communautés. Les premiers pionniers
ont été attirés vers l'Ouest à
cause de sa richesse, provenant habituellement du bétail,
du bois d'uvre, de l'exploitation minière, du
pétrole ou du gaz.
Dans l'Ouest " nouveau ", on a commencé
à délaisser les ressources brutes en faveur
de l'écopaysage et de l'utilisation récréative
des ressources naturelles. Les gens veulent maintenant vivre
dans de beaux environnements naturels et avoir une vue magnifique
de leur fenêtre. Les propriétaires ne sont pas
les seuls à avoir découvert les avantages de
la vie rurale : les entreprises les ont découverts
elles aussi. Ce style de vie a attiré un important
groupe d'employeurs.
Le conflit découle du fait que " le paysage attire
des gens qui ont des répercussions sur le paysage (et
la faune) ". Les communautés carrefours ont un
impact énorme sur l'écologie. Cette croissance
résidentielle énorme a en outre de fortes répercussions
sur les exigences des administrations locales, qui tiraient
auparavant une grande partie de leurs recettes fiscales des
activités agricoles et forestières. M. Rasker
montre un calcul selon lequel l'administration locale dépense
0,37 $ par dollar de recettes fiscales tirées des activités
agricoles ou forestières. En guise de comparaison,
l'administration locale doit dépenser environ 1,15
$ par dollar de recettes tirées des taxes foncières
résidentielles.
Le gouvernement est attiré vers les communautés
carrefours parce qu'on y promet des " emplois ",
et l'emploi a en fait augmenté considérablement.
Ce qui a fait la viabilité des communautés carrefours,
c'est la " chaîne de montage globale dispersée
". Autrement dit, une entreprise peut avoir son siège
dans une communauté carrefour, son centre de recherche
et de conception sur la côte Est, son entrepôt
et son centre de distribution au milieu du pays et son usine
en Corée.
Dans l'économie mondiale, les matières premières
et la main-d'uvre représentent un pourcentage
beaucoup moins élevé que la valeur des biens.
La main-d'uvre et les capitaux sont en outre beaucoup
plus mobiles.
Le changement le plus important a été la montée
de la valeur à base de connaissances. Autrement dit,
l'ingénierie et le marketing constituent la valeur
d'un produit, ce qui permet aux personnes qui ont les connaissances
de choisir où elles veulent vivre, travailler et faire
affaire. Elles choisissent de vivre dans des endroits attirants
sur le plan naturel et de s'éloigner des endroits où
les taux de criminalité sont élevés et
qui présentent d'autres caractéristique indésirables.
M. Rasker résume en affirmant que la croissance des
régions riches en ressources est attribuable non pas
à l'utilisation des ressources, mais plutôt au
nombre de professionnels, d'investisseurs et de retraités
qui déménagent dans des environnements naturels.
Cette migration attire en retour les entreprises de services
qui répondent aux besoins de la population croissante.
La croissance de l'industrie touristique est un autre changement.
On a suivi ces tendances dans l'Ouest des États-Unis
et elles se manifestent en Colombie-Britannique et en Alberta.
Que devraient faire les communautés et quelles sont
les caractéristiques de celles qui réussissent
le plus- M. Rasker conseille d'abord de réunir beaucoup
de gens qui ont des intérêts divers. Il signale
que " souvent, les divergences de vues ne résident
pas dans les valeurs des gens-elles résident plutôt
dans la façon d'atteindre un but commun ".
Il faut ensuite comprendre l'économie locale. Il faut
montrer aux communautés à produire un profil
économique comportant des statistiques " réelles
" qui appuient les affirmations.
En fin de compte, la communauté doit élaborer
une vision généralement acceptée. C'est
l'aspect du processus qui exige le plus de travail. M. Rasker
raconte l'expérience qu'il a vécue face à
un exercice qui a fini par prendre deux ans pour produire
un plan et deux autres années pour le mettre en uvre.
Pour dégager cette vision commune, les collectivités
doivent mobiliser tout l'éventail des membres de la
population, y compris les jeunes. Elles doivent en outre compter
sur les dirigeants locaux, leadership qu'elles ne trouvent
pas nécessairement chez les dirigeants locaux élus-il
faut donner à de nouvelles personnes la chance de faire
une différence.
Les éleveurs, gardiens de la terre
Peggy Strankman, Gestionnaire des Affaires environnementales,
Canadian Cattlemen's Association (CCA)
Signalant que les éleveurs sont naturellement de bons
gardiens de la terre, Peggy Strankman explique leur façon
d'aborder la terre par l'expression " prenez soin de
la terre et elle prendra soin de vous ".
Elle commence par présenter un résumé
des statistiques de l'industrie. Les 103 000 éleveurs
de bovins produisent actuellement quelque 13 millions de têtes.
La majeure partie du troupeau de bovins de boucherie appartient
à de petites entreprises agricoles mixtes. L'industrie
bovine du Canada est la principale source de recettes agricoles
et produit plus de 6,6 milliards de dollars, soit 22 % des
recettes monétaires agricoles au Canada. Environ 52
% des exportations de bovins, qui dépassent les 3 milliards
de dollars, sont expédiés aux États-Unis.
Le Canada est le troisième exportateur de buf
en importance et produit 12 % des exportations mondiales.
Les producteurs de buf du Canada sont " extrêmement
tributaires du commerce ".
Mme Strankman affirme que les éleveurs du Canada fournissent
un habitat important pour la faune. Elle énumère
des statistiques indiquant que 24 % des 68 millions d'hectares
de terres agricoles sont recouverts d'herbe indigène
et environ 6 %, d'herbe cultivée, ce qui donne au total
quelque 16,5 millions d'hectares d'herbe. Elle indique à
l'assemblée qu'environ le tiers des fermes du Canada
produisent en moyenne 38 bovins de boucherie. Elle ajoute
que " beaucoup de producteurs travaillent à l'extérieur
de la ferme pour subventionner leurs activités d'élevage
".
L'intendance de la terre est inhérente en agriculture
: " Qui abuse de la terre la perd. " La CCA soutient
que le gouvernement ne peut imposer l'intendance de la terre
par des mesures législatives ou réglementaires.
L'Association est d'avis que l'intendance est volontaire et
repose sur une éthique de la responsabilité
envers la terre, qu'il faudrait l'appuyer par des politiques
et des programmes. " Une industrie de l'élevage
économiquement viable à long terme, affirme-t-elle,
est aussi durable sur le plan environnemental. "
Mme Strankman donne des exemples de projets qui visaient
à améliorer les aspects économiques de
l'industrie de l'élevage tout en ayant des effets positifs
sur l'environnement. Elle affirme qu'un des meilleurs programmes
est le Plan d'action sur la conservation des Prairies, piloté
par la Saskatchewan Stock Growers Association. Les membres
de ce groupe ont le plus à perdre, mais le programme
a été couronné de succès parce
qu'ils ont tous appuyé les mesures convenues et ils
ont ensuite rendu leur engagement public.
Le mécanisme de surveillance de la mise en uvre
du plan est une des caractéristiques particulières
du programme. Une étude a montré que le pâturage
en rotation et la gestion des zones riveraines sont bons pour
le bénéfice net du producteur et améliorent
l'habitat pour les oiseaux des hautes terres. Après
avoir remplacé le pâturage continu par le pâturage
en rotation, 80 % des répondants ont signalé
une augmentation des gains de poids de leur bétail.
Mme Strankman qualifie le projet de situation gagnante pour
toutes les parties.
Un autre programme lancé dans le Sud de l'Alberta
a connu moins de succès. Des éleveurs qui ne
faisaient pas confiance aux groupes environnementaux pour
s'occuper des servitudes ont créé la Southern
Alberta Land Trust Society. Ils ont publié une brochure
décrivant le processus d'octroi de servitudes du patrimoine
et ses avantages. L'établissement d'une fiducie foncière
communautaire dirigée par les éleveurs n'a toutefois
pas donné de résultats parce que les éleveurs
n'aimaient pas cette option, même lorsqu'elle leur a
été présentée par un groupe de
pairs.
La CCA n'accepte pas la prémisse selon laquelle il
est bon de " finir le bétail sur l'herbe "
déclare Mme Strankman, en expliquant que c'est difficile
à faire de façon efficace et que ce n'est pas
avantageux sur le plan économique dans la majeure partie
du pays. Elle déclare ne pas croire que l'agriculture
intensive soit naturellement mauvaise et soutient qu'il s'agit
là surtout d'une question de perception. Par ailleurs,
elle fait remarquer que le pâturage dans la prairie
est bon, comme le prouvent de nombreuses recherches. La pratique
est bonne dans l'ensemble : bonne pour l'économie,
bonne pour les collectivités rurales (car elle génère
des dépenses) et bonne pour la faune parce qu'elle
maintient la biodiversité.
Même s'il existe toute une masse de connaissances scientifiques
qui aident l'industrie de l'élevage à prendre
en charge les défis posés par l'agriculture
durable, les connaissances et les moyens financiers des producteurs
sont limités. Ils doivent fonctionner dans un marché
où les marges sont très minces et ils "
n'ont pas les moyens de prendre une chance ". En Colombie-Britannique,
Pêches et Océans Canada a fourni de l'argent
pour recruter un spécialiste en gestion des zones riveraines.
Agriculture Canada a en outre fourni du financement pour aider
les producteurs à mettre en uvre de bonnes pratiques
de gestion.
Le dernier exemple que cite Mme Strankman, est celui du guide
de gestion des lieux d'hivernage du bétail de l'Alberta.
Le guide a été produit par quatre partenaires
: l'Alberta Cattle Commission, l'Administration du rétablissement
agricole des Prairies
(ARAP), Alberta Agriculture et l'Environmentally Sustainable
Agriculture Program de l'Alberta (AESA). Une saine gestion
et le choix approprié des lieux d'hivernage ont joué
un rôle important dans la santé du paysage agricole
et dans celle de l'écologie.
Mme Strankman termine par quelques conseils sur " la
façon d'établir un partenariat avec un agriculteur
". Il faut :
- apprendre à parler " agro ";
- apprendre à comprendre le point de vue des agriculteurs
: " Nous gagnons notre vie dans des circonstances difficiles
et, souvent, vos grandes questions ne nous intéressent
pas sur-le-champ ";
- respecter les droits reliés aux biens privés
des producteurs;
- réduire la paperasse au minimum : les éleveurs
sont " allergiques au papier ".
Un partenariat est " bénéfique pour les
deux parties ", affirme Mme Strankman. Elle invite les
participants à " venir voir un peu d'herbe, prendre
le café et discuter ".
Discussion
Don McCabe, de l'Association des producteurs de maïs
en Ontario, demande au groupe quels conseils directs la Table
ronde devrait donner au Premier ministre. Mme Strankman répond
que chaque partie doit écouter l'autre, qu'il faut
agir, injecter davantage d'argent dans la conservation et
" manger plus de buf ". M. Peart suit avec
un message semblable : " Il faut garder les éleveurs
au travail ". Il ajoute qu'il semble y avoir de l'argent
pour les initiatives de premier plan, mais il est difficile
d'en obtenir pour les projets d'envergure limitée "
moins attrayants ", comme la protection des prairies.
M. Rasker conseille d'accorder des allégements fiscaux
pour les terres et les servitudes foncières, car le
public veut préserver les fermes et les ranchs.
Un autre participant est d'avis que le Canada devrait prendre
un peu de recul, jeter un coup d'il sur le tableau d'ensemble
et réaliser que les pratiques agricoles ne sont ni
saines ni durables. Ruth Pryzner, de la Manitoba Sheep Association,
croit que l'on s'attend à ce que les agriculteurs paient
pour tout. Entre-temps, les six gros fournisseurs d'aliments
pour animaux des États-Unis ne se préoccupent
nullement de l'environnement. Elle affirme que l'on pourrait
pratiquer l'agriculture d'une façon bénéfique
pour tous, mais les entreprises de production intensive de
buf, de porc et de volaille en sont l'antithèse
et ne sont pas bonnes pour l'environnement.
Mme Strankman répond par deux observations. Elle déclare
que le rapport du commissaire à l'Environnement a soulevé
des questions importantes, mais qu'il a accordé beaucoup
trop d'attention à la mesure du volume de fumier produit.
Elle invite fortement les personnes qui pensent ainsi à
se rendre à un parc d'engraissement voir ce qu'on y
fait pour réduire au minimum les problèmes environnementaux.
Les approches novatrices : la gestion intégrée
et adaptative de l'écosystème
Animateur : Art Hanson, scientifique distingué,
Institut international du développement durable
Art Hanson lance la dernière séance de travail
de la journée par un commentaire sur le thème
en faisant remarquer que " la gestion de l'écosystème,
ce n'est pas une expression nouvelle ", mais que pour
beaucoup de gens, c'est en même temps une des nouvelles
approches, surtout en ce qui concerne le concept de la "
gestion adaptative " (qui consiste en réalité
simplement à " apprendre en faisant ").
M. Hanson énumère plusieurs grandes questions
sur lesquelles des stratégies de gestion intégrée
(GI) doivent porter :
- quel est le mélange optimal d'objectifs et de calendriers
de mise en uvre?
- quels sont les coûts acceptables?
- comment maintenir l'intérêt soutenu envers
la GI lorsque " ça devient difficile "?
- quels sont les outils et moyens appropriés pour
rendre la GI possible?
L'Accord sur le processus forestier au Labrador
Larry Innes, conseiller en politique environnementale
Larry Innes présente aux participants une " expérience
" entreprise par la nation Innu et le gouvernement de
Terre-Neuve et Labrador dans une des dernières forêts
boréales. Les forêts du Labrador sont très
diversifiées et ont un rôle à jouer dans
les moyens de subsistance de la population Innu depuis la
dernière ère glaciaire, qui remonte à
8 000 ans.
Les Innu, rappelle M. Innes aux participants, sont maintenant
reconnus pour leur résistance ferme et déterminée
à la mise en valeur indésirée de leurs
terres. Après une décennie de blocus et la décision
Sparrow qui a marqué un virage important, les gouvernements
et les promoteurs ont commencé à reconnaître
qu'ils étaient légalement et moralement tenus
de consulter vraiment les Innu dans le contexte des décisions
qui mettent en cause leurs terres et leurs droits. C'est pourquoi
la négociation a remplacé la confrontation comme
moyen d'aller de l'avant. Les Innu participent actuellement
aux discussions en cours avec le Canada et Terre-Neuve, qui
portent sur les négociations relatives aux droits fonciers
intégrés, avec INCO au sujet d'un accord sur
les répercussions et les avantages en ce qui a trait
à Voisey Bay, et sur d'autres questions.
Le Forest Process Agreement (FPA) est un nouvel accord négocié
entre le gouvernement de Terre-Neuve et Labrador et la nation
Innu en 2000 pour répondre aux pénuries pressantes
de bois sur l'île de Terre-Neuve. L'Accord vise à
faire progresser la gestion écosystémique et
la mise en valeur durable des ressources forestières
du Labrador. Même s'il se situe en dehors du contexte
habituel des " revendications territoriales ", l'accord
complète ce processus. Le FPA comporte trois volets
:
- l'élaboration d'un plan de gestion écosystémique
de huit millions d'hectares dans le district de gestion
forestière 19;
- une table qui visera à déterminer les pratiques
forestières appropriées " sur le terrain
";
- des négociations sur la cogestion entre la nation
Innu et le gouvernement pour la mise en valeur future des
forêts du Labrador.
Pour la nation Innu, le plan, qui comporte un " calendrier
ambitieux ", devra faire trois choses : protéger
la fonction de la forêt dans le temps, soutenir, dans
les limites de l'écologie, tout un éventail
d'utilisations humaines et autres, et refléter les
besoins économiques locaux et une vision à long
terme de la santé écosystémique et communautaire.
M. Innes présente des détails sur la région
et indique que la planification est concentrée dans
un sous-district de plus de trois millions d'hectares, où
les arbres sont de petite taille et prennent énormément
de temps à pousser. On a classé comme forêt
commerciale 18 % seulement de la superficie de la forêt.
Cette dernière est reconnue pour être difficile
à exploiter et ne soutient qu'une exploitation locale
restreinte.
Les Innu, affirme M. Innes, abordent le processus de façon
globale et considèrent leurs relations avec leurs voisins
de Terre-Neuve et Labrador comme un défi à relever.
Il présente des réflexions sur le besoin de
comprendre le fonctionnement des choses et de faire preuve
de prudence. Dans le contexte d'un cadre de gestion écosystémique,
cela signifie qu'il faut maintenir des types forestiers représentatifs
aux échelons de paysages d'envergure dans le contexte
d'un réseau de réserves protégées,
maintenir la diversité des écosystèmes
forestiers dans des unités individuelles de planification
à l'échelle de bassins hydrographiques et protéger
les fonctions forestières au niveau du peuplement ou
du site. M. Innes distingue cette approche des méthodes
occidentales et explique que les Innu " croient que la
seule chose qu'ils peuvent gérer, c'est eux-mêmes
". Les efforts portent avant tout sur ce qu'il faut laisser
et non ce qu'il faut prendre. L'Interim Forest Activities
Committee (IFAC) en tient compte dans son travail.
Il décrit ensuite le volet gardiens de la forêt
prévu à l'accord : on a donné à
quatre Innu de la formation en techniques forestières
pour qu'ils travaillent avec des bûcherons et d'autres
intervenants. Établissant un " lien entre les
gens de subsistance et ceux qui y 'gagnent leur vie'",
les gardiens protègent la forêt et surveillent
les activités d'exploitation. Ils tiennent compte du
savoir Innu dans leur travail. Ils utilisent un SIG pour trouver
des " façons créatrices de transformer
25 ans de recherche sur l'utilisation des terres " en
représentation de valeurs liées à l'utilisation
des terres.
M. Innes signale que cet accord " ne serait rien "
s'il n'atteignait pas son but principal, qui est de maintenir
un mode de vie Innu tout en essayant de trouver des solutions
de rechange aux pratiques non durables des économies
fondées sur les matières premières. Il
résume la planification écosystémique
en affirmant que cette démarche oblige à bien
évaluer les contraintes écologiques, économiques
et culturelles-évaluation qui porte avant tout sur
ce qu'il faut laisser plutôt que sur ce qu'il faut prendre
et qui reconnaît les limites écologiques, protège
les fonctions de la forêt et soutient les communautés
locales.
Il aborde brièvement certaines des premières
réussites comme la participation des Innu et la création
de compétences chez les gardiens de la forêt.
Les défis à relever portent sur le maintien
d'un financement suffisamment et d'un engagement politique
réel, ainsi que sur le dégagement d'un consensus
au sein d'un groupe diversifié d'intervenants. Le FPA
n'est " qu'une étape ". Il ne porte pas sur
l'exploitation forestière, mais il vise plutôt
à établir des relations significatives. Pour
les Innu, il s'agit d'une question de justice et de compétence
sur le territoire, sans oublier la participation à
l'économie. " J'ai fini par réaliser, déclare
M. Innes, que, comme Canadiens, la protection des terres autochtones,
des droits des Autochtones et de leur mode de vie constitue
un de nos buts
Leur réussite est la nôtre.
"
La consultation sur les aires protégées du
secteur minier du Manitoba
Ed Huebert, Premier vice-président, Mining Association
of Manitoba
Ed Huebert parle de la consultation du secteur minier du
Manitoba comme d'un travail en cours pour la gestion adaptative
des systèmes. Il commence par présenter le contexte
des événements en cours. En 1990, le Manitoba
est devenu la première province à signer l'accord
sur la biodiversité des aires protégées.
À l'époque, on protégeait 0,5 % seulement
des terres du Manitoba. Ce total atteint aujourd'hui 8,16
%, en partie à cause de la consultation menée
par le secteur minier. En 1990, une superficie importante-environ
10 %- des terres était frappée de restrictions
et d'interdictions qui visaient l'industrie minière,
mais d'une façon " illogique pour tout un éventail
de programmes ".
M. Huebert définit quatre stades de la consultation
des milieux de l'exploitation minière, des parcs et
de l'écologie. Ces stades sont les suivants : consultation
initiale (1991-1994), élaboration d'un nouveau processus
(1995-1997), achèvement du nouveau processus (1997-2000)
et poursuite des travaux sous une nouvelle direction (à
compter de 2000). Il décrit ensuite ces stades en détail.
Il considère le premier stade comme celui de la "
démarche intégrée traditionnelle "
structurée officiellement et dans le contexte de laquelle
toutes les autres parties se sont contentées de "
réagir " aux propositions du gouvernement. On
a dit que les consultations des Premières nations n'étaient
pas à la hauteur des attentes. Le secteur minier s'est
opposé à ce qu'il considérait comme de
l'information erronée et l'on a dit que les milieux
écologique étaient " déçus
". Tous les intervenants étaient " loin d'être
heureux ". En dépit de ces reculs, on a annoncé
la création de quatre parcs dans le Nord : Amisk, Caribou
River, Sand Lake et Numaykoos.
Au cours du deuxième stade, on a cherché une
meilleure façon de procéder. Pour le secteur
minier, il fallait réduire l'incertitude. Ce stade
a produit un résultat qui ne correspondait pas au programme
initial. En discutant avec des contacts des milieux environnementaux,
les parties ont fini par réaliser qu'elles ne se comprenaient
pas " sur le plan scientifique ". Elles ont demandé
à un comité du gouvernement et de l'industrie,
le MECL(Mineral Exploration Liaison Committee), d'établir
un protocole pour la consultation.
M. Huebert signale qu'il y a d'autres consultations en cours
avec les Premières nations, le secteur forestier et
d'autres intervenants, mais il indique qu'il ne parlera que
du volet minier. Le processus du MELC a produit deux résultats
: on a établi des zones dites " d'intérêt
spécial " et le secteur minier a reconnu la valeur
des bonnes connaissances en écologie des conservationnistes.
Lorsqu'on a abouti à une impasse avec les environnementalistes
au cours de l'exercice qui visait à prendre une décision
sur les zones protégées, Jamie Robertson, de
Falconbridge, a proposé un système de classement
fondé sur une démarche " non scientifique
". M. Huebert précise que cette démarche
n'était " pas prévue dans la loi ",
mais qu'elle était néanmoins " logique
". Le système de classement à quatre points
désigne les zones en fonction du niveau d'entente entre
les parties et de la priorité qu'elles y accordent.
Lorsque toutes les parties s'entendent pour protéger
une zone, on lui accorde la désignation " rang
1 " et l'approuve. Le rang 4 représente des "
engagements miniers de grande valeur " qui n'appuient
pas la désignation de zone protégée.
Non seulement le système de classement a produit un
processus de ratification et de communication qui n'était
pas disponible auparavant, il a aussi " permis de faire
avancer le débat " en donnant à chaque
partie quelque chose à ramener dans sa collectivité
respective.
Au cours du troisième stade, le processus s'est poursuivi
comme initiative volontaire et l'on a abordé de nouvelles
zones que l'on envisageait de protéger.
Le quatrième stade a marqué l'achèvement
de la Campagne sur les espaces en danger du Fonds mondial
pour la nature, mais le travail se poursuit néanmoins
sous l'égide de la Fédération canadienne
de la nature. En mai 2001, on avait défini 138 zones
d'intérêt spécial représentant
12,8 % de la superficie totale des terres. Il insiste sur
le fait qu'il s'agit de suggestions seulement, car l'exercice
de consultation n'a aucun pouvoir de décision.
Pour résumer, M. Huebert signale plusieurs éléments
qui font que le processus fonctionne :
- un milieu de travail commun qui favorise l'établissement
de relations;
- on évite le " jargon scientifique ";
- la participation du gouvernement à la " diffusion
de l'information ".
À la fin de la Campagne sur les espaces en danger,
le Fonds mondial pour la nature a reconnu que le Manitoba
affichait le pourcentage le plus important d'augmentation
des zones protégées au Canada. " Ce genre
de travail, conclut M. Huebert, n'est pas un obstacle aux
affaires. "
Muskwa Kechika
Wayne Sawchuk, Chetwynd Environmental Society
Wayne Sawchuk parle des processus de planification de l'utilisation
des terres du point de vue de la Colombie-Britannique. Il
décrit le Nord de la Colombie-Britannique comme "
un des panoramas les plus variés et magnifiques qui
soit ", mais qui comporte un volet humain qu'il faut
intégrer dans un plan. Il présente des diapositives
de certains des bassins hydrographiques non aménagés
en 1992, y compris une zone " d'importance primordiale
" dans le Nord de la Colombie-Britannique. Il affirme
que sa décision de protéger la zone en question
constitue l'issue naturelle de toute une vie passée
dans le Nord des Rocheuses. Il projette ensuite une diapositive
de la zone d'étude qui s'étend de " Yellowstone
au Yukon " et qu'il décrit comme " point
d'ancrage de la biodiversité du continent au complet
". On y trouve notamment des caribous, des chèvres
de montagne, des mouflons de Stone, des bisons et de nombreuses
espèces de poisson. Ces animaux laissent dans le paysage
des signes qui " racontent leurs interactions ".
L'utilisation de la terre par les êtres humains fait
partie de ce vaste système qui varie de la chasse aux
services de guides, en passant par l'utilisation qu'en font
les Premières nations. Il affirme que celles-ci utilisent
la terre depuis des milliers d'années, tout en y maintenant
de bonnes populations animales. L'écotourisme prend
de plus en plus d'importance dans la région depuis
quelque temps.
Les conflits que peut susciter l'écopaysage découlent
notamment des loisirs motorisés, des activités
voisines d'abattage, de l'exploitation minière et de
l'exploration pétrolière et gazière.
M. Sawchuk décrit la colère qu'il a ressentie
lorsqu'il a trouvé 95 barils de combustible de diesel
abandonnés dont le contenant s'échappait sur
le sol. Parmi les autres répercussions, mentionnons
les lignes sismiques, la construction routière et les
pipelines de l'industrie pétrolière et gazière.
À cause de ces répercussions, on se demande
comment aborder les utilisations contradictoires des terres
par des personnes qui ont des opinions différentes
du paysage, des intérêts différents et
des régimes différents d'utilisation des terres.
La ville de Mackenzie a adopté comme symbole le broyeur
d'arbres, témoignant ainsi de l'opinion selon laquelle
le paysage est là pour que des humains l'utilisent
comme ils le jugent bon. " J'ai un point de vue plus
général ", déclare M. Sawchuk.
Il décrit ensuite les efforts que George Smith (Directeur
national de la Conservation à la Société
pour la protection des parcs et des sites naturels du Canada)
et lui ont déployés, au début chacun
de leur côté, pour protéger le Nord des
Rocheuses. Ils ont conjugué leurs efforts en 1992 pour
collaborer afin de faire connaître la question en produisant
des affiches de la région. Ils ont commencé
à travailler avec des groupes locaux afin d'élaborer
une vision commune du point de vue de la conservation.
À la même époque, le gouvernement de
la Colombie-Britannique a lancé un exercice de planification
de l'utilisation des terres qui est devenu un moyen efficace
de régler la question. Cet exercice de planification
a débouché notamment sur la création
de Muskwa Kechika, où l'on trouve des parcs où
le développement industriel est interdit, ainsi que
des zones de gestion spéciales. On a ensuite créé
le Muskwa Kechika Advisory Board, doté d'un financement
annuel de 3 millions de dollars.
M. Sawchuk conclut en affirmant que le processus de planification
de l'utilisation des terres donne des résultats pour
des générations à venir, autant fauniques
qu'humaines.
Discussion
Une représentante de la Première nation Sagkeeng
affirme qu'il faut informer les collectivités locales
de ce qui se passe actuellement à leur insu. Elle demande
qu'on termine les études sur l'utilisation traditionnelle
des terres avant d'accorder des permis de mise en valeur.
Elle parle des effets de levier avantageux pour les méga-entreprises,
mais non pour les Premières nations. Elle ajoute que
Tembec possède maintenant la Pine Falls Paper Company,
mais que " nous devons nous présenter devant des
tribunes comme celle-ci " pour demander de l'aide afin
de créer des compétences et d'établir
des plans de gestion forestière. " Vous devez
comprendre que nous sommes les peuples des Premières
nations du Canada et que nous devons maintenir ce que nous
avons pour les générations qui nous suivront
tous, " dit-elle en ajoutant que " nous n'avons
pas vu de partenariat
il faut nous parler ".
Un autre participant se dit heureux d'être présent
à la conférence, mais il parle aussi de sa réaction
" négative " face à son thème,
" La conservation : ça fonctionne! ". Il
explique que le gouvernement n'a pas mis en uvre un
article d'un traité signé avec la Première
nation Cross Lake en 1977-article qui a trait au nettoyage
de l'environnement. Il signale que le gouvernement veut effectuer
ce travail de conservation " à compter de maintenant
", mais qu'il ne veut pas le faire avec la Première
nation Cross Lake. Même s'il est d'accord au sujet de
la possibilité de transformer des situations négatives
en situations positives, il insiste sur le fait que "
si une partie veut se servir d'un partenariat pour entrer
en contact avec une Première nation et la laisser ensuite
derrière " tout en s'approprient les retombées,
" c'est autre chose ". Il est temps, dit-il, que
le gouvernement tienne ses promesses : " Il faut nettoyer
notre environnement. Lorsque nous affirmons nous intéresser
à l'environnement, joignons le geste à la parole.
"
Clôture de la première journée
Stuart Smith, Président, TRNEE
Stuart Smith clôture à la séance de travail
en remerciant tous les conférenciers. Il félicite
les organisateurs de la réunion et la Table ronde manitobaine
pour une journée de contacts avec des " êtres
humains exceptionnels ". Même s'il affirme qu'il
est trop tôt pour " résumer ", il signale
certains des thèmes abordés. Il parle de l'inspiration
donnée par Roberta Bondar d'un point de vue inaccessible
pour la plupart des gens. Il signale que les exposés
ont soulevé la question de " l'éthique
de la nature "-y compris la question de savoir si la
nature existe pour que les êtres humains en fassent
ce qu'ils en veulent, ou si elle a le droit d'exister en sus
du service qu'elle rend aux être humains. La réponse
à cette question sous-tend notre façon d'utiliser
la nature et de la respecter.
Par ailleurs, la société doit trouver un moyen
de respecter les personnes, y compris celles qui ont besoin
de gagner leur vie et celles qui connaissent une nature traditionnelle.
On a appris une leçon : si l'on traite la nature comme
il se doit, il est possible d'en tirer plus d'avantages économiques.
" La nature a tellement plus à offrir lorsque
nous l'abordons d'un point de vue différent "-comme
contexte, par exemple, que l'on paiera pour le conserver et
pour en profiter.
Rappelant certains des points clés soulevés
au cours de la journée, il signale que les participants
ont entendu parler d'écopaysages actifs et qu'il est
difficile de s'entendre sur des façons pour tous les
intéressés d'en tirer ce dont ils ont besoin.
Il rappelle le rôle des servitudes par rapport aux écopaysages
actifs, dont on entendra parler davantage demain.
L'" excellent " exposé sur les zones de
protection marines reflète l'énergie dont il
est très important de tenir compte au Canada, pays
qui compte trois océans et où les scénarios
de protection pourraient offrir des situations gagnantes pour
tous. Un autre point clé a porté sur le "
rôle vital " des Premières nations et sur
le besoin à la fois de négocier équitablement
et d'utiliser les connaissances traditionnelles des peuples
autochtones.
M. Smith se dit particulièrement impressionné
par l'exposé de M. Noss et par le point qu'il a fait
valoir au sujet du besoin de buts énoncés clairement
dans l'établissement de zones protégées
et des moyens précis de rendre compte des buts en question.
Dans son exposé. M. Noss a insisté sur le fait
qu'il faut non seulement préserver les " points
chauds ", mais aussi protéger la terre afin de
protéger les espèces et, en fin de compte, les
écosystèmes.
Les participants ont entendu parler du rôle des gros
carnivores et de leur besoin de couloirs, de zones tampons
et de réseaux en plus des zones protégées
qui ne suffisent pas à elles seules pour assurer leur
survie. Sans carnivores, signale M. Smith, le nombre des herbivores
augmenterait, ce qui créerait un système naturel
qui n'est pas idéal.
M. Smith conclut en affirmant que " nous avons pris
un départ exceptionnel ".
Le 8 novembre 2001
Discours principal
Michael Harcourt, membre de la TRNEE, associé principal,
Sustainable Development Research Institute, University of
British Columbia
M. Harcourt se dit heureux de pouvoir présenter une
rétrospective qui porte sur le processus de planification
de l'utilisation des terres (appelé couramment processus
CORE), qui remonte au moment où la Colombie-Britannique
a adoptée la Commission on Resources and Environment
Act, en 1992. Le processus CORE, dit-il, porte sur des méthodes
de participation du public et de règlement des différends
qui sont directement pertinentes au travail de la conférence.
Le processus CORE, qui a vu le jour pendant son mandat comme
Premier ministre, a été mis sur pied par Stephen
Owen, premier commissionaire provincial des ressources et
de l'environnement. Le processus est issu d'une conversation
entre deux " pères de soccer ", MM. Harcourt
et Owen, vers la fin des années 80, au moment où
ils cherchaient à régler des différends
sur l'utilisation des terres qui avaient surgi dans le contexte
des luttes entre exploitants forestiers, environnementalistes
et peuples autochtones et qui ont causé des "
agitations civiles ". Ces groupes ont présenté
des arguments différents mais " convaincants "
en faveur de la protection des forêts anciennes et des
moyens de subsistance, du règlement des questions reliées
aux terres autochtones et à la gouvernance, sans oublier
l'allégement des pressions exercées par la concurrence.
À la suite de l'élection d'un nouveau gouvernement
néo-démocrate en 1991, l'Assemblée législative
de la Colombie-Britannique a approuvé à l'unanimité
l'établissement du processus CORE en 1992. La commission
avait pour mandat initial de faire fonction de " catalyseur
" de la durabilité en élaborant une stratégie
provinciale globale et des plans d'utilisation des terres
qui établiraient, aux échelons local et régional,
un équilibre entre les intérêts sociaux,
économiques et environnementaux. Le processus visait
à encourager la participation du public et des Autochtones
à la prise des décisions, à renforcer
les mécanismes de règlement des différends
et à resserrer la collaboration et la coordination
des initiatives à l'intérieur des administrations
publiques et entre elles. La commission CORE, déclare
M. Harcourt, a traduit son mandat législatif dans les
cinq volets de sa stratégie d'utilisation des terres
: une vision gouvernementale claire de la durabilité;
la participation réelle du public; la coordination
attentive entre tous les organismes gouvernementaux; un mécanisme
intégré et uniforme de règlement des
différends, ainsi que la surveillance indépendante
du processus global et des progrès réalisés
vers la durabilité.
En 1995, on avait approuvé des plans stratégiques
d'utilisation des terres dans quatre régions en particulier
qui étaient sources de conflit : l'Île Vancouver,
Cariboo-Chilcotin, West Kootenay Boundary et East Kootenay.
M. Harcourt cite M. Owen qui, dans un article publié
en 1998 dans Environments, déclarait que : " Le
défi clé consistait à établir
un processus de participation qui permettrait à des
groupes aux intérêts fortement divergents et
avec de l'influence politique d'essayer de concilier leurs
divergences de vues de façon à permettre au
gouvernement d'intervenir de façon décisive
à l'égard de nombreuses questions controversées
reliées à l'utilisation des terres ". Aucune
des régions n'a réussi à dégager
une entente sur toutes les questions, mais elles ont toutes
réalisé des progrès importants à
l'égard d'ententes auxiliaires.
Le deuxième mandat de " surveillance " de
la commission CORE remonte à 1995 : la commission est
alors devenue un organisme consultatif plus indépendant,
conseillant le gouvernement sur la question de la durabilité,
un peu comme la TRNEE. Contrairement à la TRNEE, toutefois,
la commission CORE a été dotée de pouvoirs
complets pour mener des enquêtes publiques qui lui permettaient
d'organiser des audiences et de convoquer des témoins.
M. Owen considère ce rôle d'ombudsman permanent
comme un " élément clé " de
la stratégie de durabilité. Le gouvernement
en a profité pour lancer une série d'initiatives
complémentaires, y compris une stratégie visant
à protéger 12 % des terres, un nouveau code
de pratiques forestières et un processus de conclusion
de traités avec les Autochtones comportant un mécanisme
distinct pour les Nisga'a. Lorsque la commission CORE a terminé
ses travaux en 1996, l'initiative visant à protéger
12 % des terres avait atteint son but, le nouveau code de
pratiques forestières était en vigueur, des
méthodes d'exploitation forestière plus sélective
et à valeur ajoutée avaient remplacé
les coupes à blanc et le traité avec les Nisga'a
était devenu loi.
M. Owen, déclare M. Harcourt, a accepté "
avec grâce " la décision que le nouveau
gouvernement a prise en 1996 de maintenir le mandat de la
commission CORE au moyen de plans de gestion des terres de
moindre envergure et axés davantage sur la collectivité.
Dans son article de 1998, M. Owen a toutefois déclaré:
" Pour instaurer la durabilité, il faudra un engagement
à long terme et une attention vigilante. C'est tout
aussi réel que la réduction de la dette publique,
mais d'une importance encore plus fondamentale
Même
s'il reste en Colombie-Britannique de nombreux mécanismes
d'examen des questions reliées aux ressources et à
l'environnement
il n'y a pas de système global
de surveillance des aspects complexes et interreliés
de la durabilité. "
Le mécanisme CORE, explique M. Harcourt, peut présenter
de nombreux aspects parallèles aux objectifs de la
conférence en cours sur la conservation. Le mécanisme
d'établissement d'une stratégie intégrée
de planification de l'utilisation des terres peut constituer
un point de repère utile pour une conférence
qui vise à la fois la nature, les collectivités
et l'économie.
Le mécanisme CORE a en outre donné naissance
à une réflexion nouvelle et innovatrice qui
peut aider au moment où l'on explore les défis
posés par les écopaysages reliés, les
promesses qu'ils offrent et leurs aspects pratiques. Les plans
régionaux d'utilisation des terres de la commission
CORE comprenaient, par exemple, des dispositions sur des zones
de gestion spéciales, des couloirs pour la faune migratrice,
des zones écologiques spéciales, des sites d'importance
pour les cultures autochtones. Ils obligeaient aussi les industries
forestière et minière à tenir compte
des zones protégées voisines.
e mécanisme CORE a de plus établi de nouveaux
modèles de mobilisation des intervenants. On a appris
qu'il ne faudrait obliger aucune collectivité à
importer des solutions sans pouvoirs les adapter. Il est possible
d'utiliser efficacement la participation du public lorsqu'on
met à contribution ce qu'il y a de mieux à la
fois de la démocratie directe et des négociations
sectorielles. Lorsque de telles négociations sont "
ouvertes, responsables et équitables ", elles
peuvent être une source de connaissances et de conseils
précieux.
Il y a trois façons d'organiser la participation publique,
affirme M. Harcourt : dans deux cas, c'est la catastrophe
et la troisième façon est " risquée
". Dans le premier cas, des spécialistes disent
à la population ce qu'il faut. Dans le deuxième,
on présente aux participants une feuille vierge qu'on
leur demande de remplir. La troisième façon
de procéder établit le " bon équilibre
" entre le leadership éclairé, l'absence
d'intentions cachées et un consensus que l'on espère
dégager (sans toutefois compter sur le consensus pour
prendre des décisions). Ce modèle de "
prise de décision en commun " signifie, selon
M. Owen, que ceux qui ont le pouvoir de prendre une décision
et ceux qui en subissent les conséquences " ont
conjointement le pouvoir de chercher à atteindre un
résultat qui accommode les intérêts de
tous les intervenants intéressés au lieu d'établir
des compromis ". Lorsqu'on dégage un consensus,
déclare M. Harcourt, les résultats devraient
être " irrésistibles pour le gouvernement
". Sans consensus, la contribution demeure un moyen important
de définir l'éventail des options disponibles.
Même si aucun des plans d'utilisation des terres n'a
fait l'objet d'un consensus complet, admet M. Harcourt, des
sondages ont montré que la population accepte le résultat
dans une proportion de 80 à 90 %. L'hypothèse
qui sous-tend le mécanisme CORE, c'est qu'il exigerait
une contribution générale des intervenants,
mais qu'il y aurait des changements même si l'on ne
réussissait pas à dégager un consensus.
L'expérience que les conseillers techniques ont acquise
en travaillant comme équipe intégrée
a constitué un des " avantages secondaires "
du processus CORE. Beaucoup ont appris à collaborer
pour la première fois, ce qui a favorisé le
respect entre conseillers gouvernementaux et intervenants.
M. Harcourt " résume " les avantages du
processus CORE en signalant qu'il a créé un
moyen d'instaurer des écopaysages et des collectivités
durables. On a mis en place un mécanisme efficace de
règlement des différends et mobilisé
efficacement le public pour produire des solutions fondées
sur la collaboration. L'expérience issue de l'apprentissage
et des efforts en commun constitue le " cur même
d'un mécanisme d'intervention fructueux ".
En terminant, il répète qu'il regrette que
Stephen Owen ne puisse être présent. Il signale
aussi l'engagement du Premier ministre Jean Chrétien
envers la mission que constitue la conservation du patrimoine
naturel. À cet égard, on dispose maintenant
de " nouveaux outils " pour orienter la prise de
décisions-ces outils varient de la réflexion
nouvelle sur les réseaux et les couloirs aux mesures
nouvelles qui ont trait aux fiducies de conservation, en passant
par les mécanismes d'écologisation de la fiscalité
et par les partenariats entre les secteurs public et privé.
Les outils de planification
Animateur : Peter Miller, professeur, Université
du Manitoba
Peter Miller présente un changement d'orientation
par rapport aux stratégies de conservation fondées
sur les zones protégées dont il a été
question la veille. Les discussions d'aujourd'hui, affirme-t-il,
porteront sur la conservation, la biodiversité et les
fonctions écologiques possibles dans le cas des écopaysages
actifs où l'on extrait des ressources.
Les effets cumulatifs de l'utilisation des ressources naturelles
des terres : limiter les traces
Brad Stelfox, écologiste du paysage forestier,
Forum Technologies/Alberta-Pacific
L'exposé de Brad Stelfox porte sur les effets cumulatifs
de l'utilisation des ressources naturelles de divers secteurs
des forêts boréales du Nord de l'Alberta. Cette
région ne subit pas seulement les effets de l'exploitation
forestière : le secteur agricole y prend de l'expansion
pour transformer un type de paysage (forêt) en un autre
(agriculture). Comme humains, ajoute-t-il, nous avons tendance
à " accuser " les secteurs de l'exploitation
forestière et de l'énergie, mais nous oublions
de reconnaître l'impact des établissements humains,
de l'infrastructure, des activités récréatives,
de la chasse et du piégeage. Le secteur de l'énergie
laisse en outre dans le paysage des traces importantes sous
forme de lignes sismiques, de sites de puits, de voies d'accès
aux sites des puits et de pipelines. L'émergence récente
d'une industrie de la tourbe contribue aussi à laisser
des traces.
Ces répercussions présentent globalement un
tableau de traces humaines en train de s'implanter. Pendant
10 000 ans, des phénomènes naturels ont formé
le paysage, qui subit maintenant l'effet de multiples pratiques
d'utilisation des terres illustrant des mandats de croissance
qui sont tous d'une " envergure limitée inacceptable
pour l'industrie ". Devant ce phénomène,
dans quelle mesure le Canada dispose-t-il des moyens nécessaires
pour maintenir des paysages diversifiés sur le plan
biologique dont la qualité et la quantité seront
acceptables à mesure que les paysages en question évolueront
au cours des prochaines décennies?
M. Stelfox présente un aperçu plus détaillé
de chacun des secteurs d'utilisation des terres. Il commence
par jeter un coup d'il sur les tendances des établissements
humains en Alberta, où la population augmente actuellement
de 2 % par année. Il présente une photographie
aérienne de Calgary en 1924 : la ville occupait alors
sept milles carrés. En 1949, sa superficie avait doublé
pour atteindre 15 milles carrés. Selon des données
récentes, Calgary s'étendait sur 154 milles
carrés en 1998. La population augmente aux dépens
des paysages agricoles qui, eux, se sont étendus aux
dépens des collectivités indigènes des
Prairies.
En outre, l'abattage annuel a augmenté considérablement
en Alberta à compter de 1930. Les expéditions
de bois mou ont augmenté, tout comme leur valeur. Or,
déclare M. Stelfox, le secteur forestier est d'une
" envergure restreinte inacceptable " et "
doit prendre de l'expansion ". Les tendances prévues
comprennent une production deux fois plus élevée
au cours de la prochaine décennie avec l'adoption de
techniques visant à intensifier la production par des
programmes d'amélioration génétique,
par l'utilisation d'herbicides et par d'autres moyens.
De même, le secteur de l'énergie est lui aussi
trop limité. M. Stelfox signale que le nombre de puits
de gaz est à la hausse, les dépenses d'exploration
augmentent, les pipelines s'étendent, sans oublier
une tendance générale à l'augmentation
des traces. Cette industrie " a beaucoup contribué
à l'économie sociale et au mieux-être
de la province ", mais elle a besoin de prendre de l'expansion
pour le bénéfice des consommateurs, affirme-t-il.
Il mentionne que l'on pense de plus en plus qu'il faut compter
sur la production nord-américaine d'hydrocarbures pour
l'approvisionnement futur. La province a engagé jusqu'à
maintenant 70 milliards de dollars en capitaux de risque pour
de nouveaux projets.
On signale aussi que le secteur agricole est d'une envergure
trop restreinte, même si la superficie des terres cultivées
a augmenté considérablement entre 1900 et 2000
et si la production de bétail a augmenté elle
aussi. Le ministère de l'Agriculture a proposé
de doubler la production primaire et de quadrupler la valeur
ajoutée d'ici à 2005. Il est possible d'atteindre
ces objectifs par la modification génétique
des aliments, en comptant davantage sur les engrais et les
systèmes d'irrigation, et en augmentant la superficie
des terres agricoles.
Globalement, ces scénarios montrent que les méthodes
d'utilisation des terres commencent à s'arracher de
l'espace. Le secteur de l'énergie empiète sur
les terres forestières, le secteur forestier envahit
par ses plantations des terres agricoles (et vice versa),
les établissements humains occupent des terres agricoles,
et ainsi de suite. Selon M. Stelfox, on comprend de plus en
plus que, comme la superficie des terres est limitée,
il ne peut y avoir de croissance par l'expansion dans l'espace
: elle doit plutôt découler de l'intensification
des processus-par le recours accru aux pesticides, la production
plus intensive de bétail, l'expansion des réseaux
d'irrigation, l'utilisation accrue des technologies génétiques,
notamment.
Compte tenu de l'impact prévu, il faut chercher à
établir des stratégies d'atténuation,
ce qu'il est possible de faire au moyen du simulateur des
effets cumulatifs sur le paysage (A Landscape Cumulative Effects
Simulator) ou ALCES. Le système ALCES permet d'analyser
le paysage de façon à déterminer les
traces associées à un secteur en particulier.
Après avoir entré dans le système l'information
provenant des intervenants, défini et caractérisé
la zone d'étude et les zones de croissance prévues,
le système projette dans l'avenir une simulation de
la répartition dans l'espace des traces collectives
découlant de toutes les méthodes d'utilisation
des terres. Lorsqu'on y intègre des méthodes
modifiées (" optimales "), on constate que
les effets diminuent considérablement.
En terminant, M. Stelfox formule la théorie selon
laquelle il est possible de réduire au minimum un grand
nombre d'effets indésirables en définissant
des stratégies d'atténuation (suivies par le
système ALCES) et en adoptant ces " pratiques
optimales ".
Révision par les pairs de la planification de la
conservation des terres adjacentes
Barbara Dugelby, écologiste du milieu sauvage,
Projet Wildlands
Le temps presse pour la nature sauvage, déclare Barbara
Dugelby. Si nous ne réagissons pas rapidement pour
définir et protéger les points chauds, les couloirs
naturels et d'autres zones importantes, l'expansion résidentielle,
les activités récréatives indues et l'exploitation
excessive des ressources " fermeront alors la porte "
aux dernières possibilités de protéger
les terres sauvages. Elle indique que le Projet Wildlands
a pour mission de protéger et de restaurer le patrimoine
naturel de l'Amérique du Nord en établissant
un réseau interconnecté de zones sauvages. Son
but à long terme est de produire un plan directeur
scientifique de conservation continentale qui sera mis en
uvre au cours des 100 prochaines années. La vision
continentale est cruciale, étant donné que la
planification de la conservation doit se faire à grande
échelle pour être efficace.
Elle définit ainsi les buts principaux du Projet Wildlands
: représenter tous les types d'écosystèmes,
maintenir des populations viables de toutes les espèces,
maintenir les phénomènes écologiques
et évolutifs, et permettre le changement. Des buts
plus précis sont établis au niveau régional.
Ces buts sont fondés sur une démarche qualifiée
de " remise à l'état sauvage " et
ces buts mettent l'accent sur l'intégration de l'examen
par les pairs.
La remise à l'état sauvage comporte trois éléments
indépendants : soit de vastes réserves de base,
la connectivité et des espèces clés.
Jusqu'aux années 80, la protection des étendues
sauvages était justifiée principalement par
des raisons morales et esthétiques. La remise à
l'état sauvage présente toutefois l'argument
scientifique en faveur du rétablissement des grandes
étendues sauvages et de leurs populations complètes
de prédateurs indigènes. Elle décrit
trois grands arguments scientifiques qui appuient la stratégie
de remise à l'état sauvage et justifient l'importance
accordée aux gros prédateurs. On reconnaît
que l'élément réserve de base joue un
rôle important dans le maintien de l'habitat des prédateurs,
de la biodiversité et des phénomènes
naturels. En fait, des biologistes de la conservation ont
affirmé qu'il fallait au moins entre un et dix millions
d'hectares de zones protégées pour assurer la
viabilité à long terme de populations de carnivores
et d'ongulés. Les réserves de base n'assurent
néanmoins pas une protection suffisante sans connectivité.
La science confirme en outre que des interactions écologiques
" descendantes " déclenchées par les
principaux prédateurs maintiennent souvent la structure
des écosystèmes, leur résistance et leur
diversité.
L'importance accordée aux rôles écologiques
des grands carnivores, élément central de la
stratégie de remise à l'état sauvage,
repose sur l'hypothèse selon laquelle des réseaux
de terres sauvages stables et fonctionnelles ont besoin d'espèces
clés pour stabiliser des populations de projets et
de prédateurs plus petits. La protection des carnivores
peut toutefois se justifier aussi par des considérations
d'ordre esthétique, spirituel et éthique. Certains
soutiennent que les êtres humains doivent corriger des
politiques qui ont fait disparaître ces prédateurs
du continent.
Sur le plan scientifique, un argument important en faveur
de la protection de grandes zones de base repose sur le fait
que l'architecture des réseaux régionaux de
conservation doit refléter les besoins des espèces
clés-c'est-à-dire des espèces qui ont
une influence " disproportionnée " par rapport
à leur abondance. Elle cite deux cas solides à
l'appui de cet argument " controversé ".
Le premier est celui du rétablissement de la loutre
de mer et de son rôle si l'on veut recommencer à
régulariser une population d'oursons de mer, qui échappe
au contrôle. Le deuxième est celui d'une explosion
des populations de mésoprédateurs et la disparition
subséquente d'oiseaux chanteurs et d'autres petits
vertébrés qui a suivi celle des coyotes à
un niveau supérieur de la chaîne alimentaire
dans les régions urbaine et rurale.
Si la régulation descendante est un phénomène
écologique critique dans beaucoup d'écosystèmes,
elle affirme qu'il faut alors définir les conditions
qui appuient des populations robustes de grands carnivores.
De vastes zones protégées sont nécessaires,
mais sans la connectivité intrarégionale et
interrégionale, elles ne suffisent pas pour assurer
la viabilité à long terme des grands carnivores.
La connectivité facilite les échanges génétiques
et une dispersion adéquate. Les liens à grande
échelle entre des terres offrent aussi le meilleur
espoir d'assurer la persistance d'espèces face aux
changements climatiques prévus. Dans le cadre du Projet
Wildlands, on n'insiste pas pour que les zones de base soient
immaculées lorsqu'on les établit, mais on applique
l'hypothèse selon laquelle la remise en état
pourra prendre des dizaines d'années.
Mme Dugelby reconnaît que les trois éléments
centraux de la remise à l'état sauvage soulèveront
inévitablement des oppositions sociales et politiques
qu'il faut néanmoins surmonter afin de protéger
la biodiversité.
Elle consacre quelques minutes à la description d'un
projet fondé sur une stratégie de remise à
l'état sauvage, soit le plan de conservation du réseau
de terres sauvages de Sky Islands, dans la zone de chevauchement
entre les Rocheuses et la Sierra Madre mexicaine. Le plan
a été élaboré par une équipe
de conception de base qui a bénéficié
de la participation et de la rétroaction de scientifiques
régionaux, de politiciens, de propriétaires
et de conservationnistes locaux. Le plan a été
mis au point de façon itérative, fondé
sur la rétroaction d'experts pendant tout l'exercice
et basé sur des réserves de base tant privées
que publiques. La relation que les groupes locaux ont établie
avec les éleveurs est un de ces résultats. Il
s'agit d'un plan transfrontalier dont la mise en uvre
est différente au Mexique, où les terres sont
en majeure partie privées.
Elle décrit ensuite le volet examen par les pairs
du travail effectué dans le contexte du Projet Wildlands,
élément qu'elle juge " vital " pour
plusieurs raisons : l'examen débouche sur le meilleur
produit, assure que le plan proposé sera crédible
auprès des experts et aide à susciter des appuis
publics et politiques. L'examen par les pairs comporte un
mécanisme d'évaluation continue qui suit quatre
voies : examen par des spécialistes internes, examen
par des spécialistes de l'extérieur, consultation
de groupes d'intérêt et examen par des pairs
des milieux universitaires.
L'examen interne met à contribution un réseau
de scientifiques et de propriétaires régionaux
qui participent à la conception. Suit alors un examen
externe effectué par des gens qui ne participent pas
au projet et qui peuvent même ne pas l'appuyer. Ils
formulent des commentaires avant que le projet soit rendu
public. Le mécanisme de consultation met à contribution
quatre groupes régionaux : les milieux de la conservation,
d'autres alliés, le grand public, les décideurs
et les stratèges. L'examen final par des pairs des
milieux universitaires comprend la publication d'analyses
individuelles réalisées dans le contexte du
mécanisme d'élaboration.
En terminant, Mme Dugelby répète trois points
: il faut planifier à grande échelle; il est
urgent de protéger les zones sauvages, sans oublier
la valeur de plans de conservation crédibles "
aux yeux des experts ".
Connaissances traditionnelles et planification de la conservation
Joanne Barnaby, consultante, Réserve Hay River, T.
N.-O.
Présidente fondatrice du Dene Cultural Institute, Mme
Joanne Barnaby explique que les connaissances écologiques
traditionnelles (CET) et les méthodes traditionnelles
de prise de décision sont d'une importance vitale dans
la vie quotidienne des collectivités autochtones. Elles
constituent le pilier de relations durables entre les gens
et leur environnement, et elles peuvent aussi offrir aux cultures
occidentales des possibilités d'échanger et
de trouver des solutions aux défis de l'heure.
L'environnement est presque assez dégradé pour
que les ressources en eau et les aliments de base deviennent
bientôt nos ressources les plus précieuses, affirme
Mme Barnaby. La société doit changer radicalement
sa façon de voir le monde et d'utiliser ses ressources
si nous voulons éviter un état de " survie
de désespoir ".
Mme Barnaby présente aux participants quelques éléments
clés des connaissances traditionnelles. Plus qu'une
simple compilation de faits, les connaissances traditionnelles
constituent un système complexe et sophistiqué
de connaissances qui repose sur des siècles de sagesse
et de vécu. Elles augmentent et changent constamment
face à des renseignements nouveaux, elles sont transmises
oralement d'une génération à l'autre
et elles évoluent pour intégrer le vécu
de chaque génération. Acquises grâce à
une relation étroite avec l'environnement qui est à
la fois spirituelle et économique, ces connaissances
comportent la mise en commun d'expériences et d'observations
entre chaque membre d'une collectivité. Cette expérience
est intégrée aux compréhensions et aux
interprétations collectives.
Accumulées pendant des milliers d'années de
vécu dans un environnement, les connaissances traditionnelles
constituent le savoir de base des régions qui sert
à planifier, à prévoir les résultats,
à surveiller et à évaluer les répercussions
d'événements naturels et d'activités
humaines. Les compréhensions et les interprétations
des connaissances traditionnelles orientent les comportements,
les croyances et les décisions socio-économiques.
La pertinence actuelle des connaissances traditionnelles est
évidente compte tenu du fait que les connaissances
scientifiques de certaines régions en particulier sont
limitées et que l'on connaît très peu
ou pas du tout les conditions qui ont précédé
le développement. Les connaissances écologiques
traditionnelles peuvent éclairer la planification de
l'utilisation des terres en aidant à limiter ou à
atténuer les retombées de la mise en valeur
ou en assurant la protection de zones fragiles. Les connaissances
écologiques traditionnelles servent habituellement
à surveiller les répercussions et le changement
par rapport à des connaissances de base bien connues
et comprises, ainsi qu'à gérer l'utilisation
que l'espèce humaine fait de l'environnement naturel.
Conscients du besoin de modifier les pratiques actuelles
de gestion, les gouvernements commencent à comprendre
l'importance des connaissances écologiques traditionnelles
et les incluent dans les exigences relatives aux recherches
et les régimes de cogestion, et ailleurs aussi.
Mme Barnaby propose des moyens par lesquels des connaissances
écologiques traditionnelles peuvent appuyer l'industrie
et le secteur public dans la gestion de l'environnement. Les
connaissances écologiques traditionnelles peuvent permettre
de comprendre les conditions qui existaient avant le développement,
ce qui manque souvent. Sans cette compréhension, les
gestionnaires ne peuvent en fait effectuer des évaluations,
surveiller les répercussions ou réaliser des
programmes de remise en état. Les efforts déployés
pour gérer les effets cumulatifs sans information de
base seraient futiles. Les connaissances écologiques
traditionnelles peuvent aussi produire de l'information sur
les tendances historiques afin d'éclairer les plans
futurs de développement ou de remise en état.
Elle parle du besoin de trouver des moyens d'évaluer
et d'utiliser les connaissances écologiques traditionnelles.
Idéalement, des participants autochtones et non autochtones
devraient effectuer leur travail ensemble dans un climat de
respect, de confiance, de responsabilisation et d'équité.
Le respect inclut le respect par chaque partie de la culture,
des processus décisionnels et des langues de l'autre
partie. On gagne la confiance en donnant suite à des
ententes et en assurant que le travail qui consiste à
inclure les connaissances écologiques traditionnelles
produit un résultat qui veut dire quelque chose. L'équité
commence par la création de compétences, ce
qui permet aux personnes en cause de travailler ensemble.
Elle accorde aux connaissances écologiques traditionnelles
la même autorité qu'aux connaissances scientifiques
dans le processus de développement.
Mme Barnaby préconise l'utilisation de la recherche-action
participative (RAP), modèle qui comprend la création
d'un Conseil des aînés, la formation de chercheurs
locaux pour leur apprendre à utiliser des techniques
d'entrevue et la conception d'une méthodologie qui
convient aux collectivités. Cette façon de procéder
inclut la préservation des langues autochtones afin
de trouver les mots racines et la langue " ancienne "
qui ne sont pas d'usage courant dans les collectivités
modernes. Comme il est irréaliste de demander à
des chercheurs autochtones d'interpréter des connaissances
traditionnelles et de représenter en même temps
la collectivité à des conseils et des comités,
elle leur recommande d'ajouter une autre strate de représentation.
Au cours du remaniement des systèmes de gestion qui
vise à inclure le savoir issu des connaissances traditionnelles,
les chercheurs doivent tenir compte des systèmes de
classification distincts et des écosystèmes
reconnus par les aînés. Il faut en outre inclure
les observations des aînés et des cueilleurs
dans les initiatives de surveillance, et il faut modifier
les plans de gestion par leur participation directe.
À mesure que les ressources de la planète s'épuisent,
les sociétés modernes doivent réévaluer
les croyances et les valeurs sous-jacentes associées
aux habitudes destructrices pour l'environnement. Le respect
de différents systèmes de connaissances contribuera
à accroître la capacité de gérer
nos ressources communes.
La société doit rebâtir sa relation d'intendance
avec la terre, conclut Mme Barnaby, afin de garantir des choix
aux générations futures. L'adoption d'une partie
du savoir et de l'enseignement qu'offrent les connaissances
traditionnelles peut très bien contribuer à
établir l'équilibre que l'on recherche entre
l'éthique environnementale et le mieux-être économique.
Discussion
Un participant demande à M. Stelfox de parler de l'impact
du manque de planification gouvernementale coordonnée
sur la stratégie relative aux zones protégées.
M. Stelfox répond que des organismes gouvernementaux
commencent à reconnaître que leur existence comme
" couloirs " doit céder la place à
des démarches plus intégrées. En Alberta,
ajoute-t-il, il est néanmoins très difficile
d'obtenir des zones protégées parce que les
décisions sur la répartition sont habituellement
prises avant qu'on aborde les questions importantes de planification
de l'utilisation des terres.
Un autre participant transmet les salutations du Conseil
Mohawk d'Akwesasne et des membres de la nation métisse.
Il informe les participants de l'existence du groupe de travail
des Indiens, des Inuit et des Métis établi dans
le contexte du processus prévu dans la Loi sur les
espèces en péril et invite Mme Barnaby à
participer aux activités du groupe. Se disant reconnaissant
de participer à la conférence, il ajoute que
" nous ne voulons plus être laissés de côté
", mais " nous avons rarement la chance de participer
comme il se doit ".
Une question posée à Mme Dugelby porte avant
tout sur le Projet Sky Island. Le participant lui demande
comment on a réussi à établir des relations
de travail avec les propriétaires. Mme Dugelby parle
de l'importance de collaborer avec les gens qui habitent depuis
longtemps la région. Ils ont aussi appris par l'expérience
que " le messager est tout aussi important que le message
", ce qui signifie qu'il importe que le Projet Wildlands
soit le premier organisme à parler aux propriétaires
de ses raisons d'être et de ses méthodes. Une
phase de préconception, qui consiste à parler
aux populations des régions rurales, joue un rôle
crucial dans ce processus.
Un autre participant parle avec fierté d'un nouveau
processus d'exploitation forestière qu'on est en train
de mettre au point en Saskatchewan et qui prévoit qu'on
ne pourra conclure d'autres accords de gestion forestière
sans la participation d'un partenaire des Premières
nations. Ce processus est le seul qui existe à avoir
été " approuvé " à six
paliers de gouvernement, y compris le Saskatchewan Indian
Council et deux bandes des Premières nations.
Réunion A en petits groupes : Réaliser la
conservation par le biais des programmes de dépenses
fiscales
Animateur : Jean Bélanger, Président, Programme
de la TRNEE sur l'écologisation de la fiscalité
Jean Bélanger explique que le programme de la TRNEE
sur l'écologisation de la fiscalité vise à
appuyer le virage vers le développement durable.
Écologisation de la fiscalité : Modification
des taxes municipales
Nancy Olewiler, professeure, Département d'économie,
Simon Fraser University
Nancy Olewiler lance la discussion par le message selon lequel
la conservation et les buts reliés au patrimoine naturel
passeront par une stratégie à facettes multiples
et un éventail de politiques.
Les crédits d'impôt foncier (CIF) sont un moyen
que l'on peut utiliser comme politique fondée sur des
mesures d'encouragement pour accroître la conservation
sur les terres privées. Les CIF peuvent permettre d'accroître
la sensibilisation, de modifier et de faire changer des comportements.
Mme Olewiler insiste sur le fait qu'il n'y a pas une seule
politique qui réglera tous les problèmes de
conservation-il en faudra tout un éventail.
La gestion des terres agricoles produit deux types génériques
de retombées. Il y a d'abord les retombées privées
dont profite la personne, celles que le propriétaire
retire de la terre, principalement à des fins de production.
Les produits issus de la terre pourraient inclure les fruits
de l'agriculture, l'exploitation forestière, les récoltes
des ménages et les utilisations domestiques et récréatives.
Le deuxième type est celui des retombées sur
la société. Il s'agit de ce que la société
peut tirer de l'utilisation des terres, que ce soit à
l'échelon local, régional ou national. Ces retombées
pourraient inclure des éléments comme la purification
de l'eau, la rétention des eaux et le contrôle
des inondations, l'habitat pour la faune et les végétaux,
la séquestration du carbone et la stabilisation des
terres.
Le problème que posent les retombées sur la
société, c'est qu'elles sont difficiles à
mesurer et que l'on a tendance à les sous-évaluer.
Il y a aussi conflit entre les intérêts privés
et ceux de la société, parce que le propriétaire
ne touche aucun paiement pour des activités qui ont
des retombées sur la société. Même
si le propriétaire veut participer aux pratiques de
conservation, qui l'indemnisera lorsqu'il retirera la terre
de la production- Comme il n'y a aucun paiement à l'égard
de ces retombées sur la société, on aura
tendance à en produire trop peu. Il s'ensuit une tendance
à la surproduction d'activités dommageables
sur le plan écologique lorsqu'il en découle
des retombées privées.
Les méthodes de gestion des terres agricoles peuvent
entraîner d'énormes coûts pour la société;
ils peuvent inclure la pollution causée par le fumier,
les engrais, les herbicides et les pesticides. En outre, les
pratiques agricoles peuvent contribuer à l'érosion
ou à la destruction de l'habitat et des terres inondées.
La société est tenue d'inciter les propriétaires
privés à changer de comportement, déclare
Mme Olewiler.
Il y a deux façons de procéder pour maximiser
les retombées sur la société. Celle que
l'on a toujours utilisée met en cause des mesures de
contrôle établies par des politiques de réglementation,
ce qui comprend notamment le zonage, l'utilisation des terres
et la pollution, les compensations riveraines et les mesures
qui ont trait aux pratiques agricoles. L'autre option que
l'on peut explorer est celle d'une stratégie fondée
sur des mesures d'encouragement. Il s'agit d'une politique
par laquelle le gouvernement indemnise les propriétaires
qui abandonnent la production agricole afin d'encourager les
retombées pour la société. Cette politique
établit un mécanisme financier afin d'encourager
les gens à changer de comportement.
Les politiques fondées sur des mesures d'encouragement
peuvent être une " carotte " ou un "
bâton ". Le " bâton ", représenté
par les pénalités, est l'outil du gouvernement
à l'ancienne mode. La " carotte " est beaucoup
plus efficace parce que les propriétaires renoncent
à des avantages particuliers pour permettre à
la société de tirer des retombées plus
importantes. Souvent, il y a aussi une question de territoire
lorsque les retombées profitent à ceux qui habitent
à l'extérieur de la municipalité, voire
en dehors de la province.
Mme Olewiler parle brièvement des impôts fonciers
et soutient que même si les taux des impôts fonciers
peuvent établir une distinction entre les types d'utilisations
des terres, certains propriétaires ne le savent pas
ou ne le comprennent pas. Souvent, l'écart entre les
taux peut être trop mince pour constituer une mesure
d'encouragement pour le propriétaire. Les impôts
fonciers constituent toutefois un moyen visible et concret
de provoquer des changements d'utilisation des terres.
Elle décrit deux projets pilotes réalisés
dans des municipalités rurales du Manitoba au cours
d'une période de trois ans qui a commencé en
1999. On a utilisé comme mesure d'encouragement un
crédit d'impôt d'un dollar l'acre accordé
aux propriétaires qui adoptaient des mesures précises
d'utilisation des terres fondées sur la conservation,
y compris du fourrage cultivé, des prairies indigènes,
des terres humides et des zones tampons riveraines.
Un système de surveillance des activités a constitué
une des caractéristiques de ce programme à participation
volontaire. Les propriétaires devaient présenter
leur demande avant le 31 mars et les municipalités
utilisaient des systèmes d'imagerie par satellite,
entre le 1er mai et le 1er juin, pour vérifier l'utilisation
des terres. On a procédé ensuite à une
surveillance aléatoire sur place pendant la saison
de croissance. Des crédits d'impôt ont été
versés à ceux qui se conformaient au programme,
lorsque les impôts fonciers sont devenus exigibles à
l'automne.
Les résultats des deux premières années
indiquent qu'il y a eu 230 participants, total qui représente
le tiers des propriétaires, et que le programme s'est
appliqué à plus de 67 000 acres dans des secteurs
fragiles sur le plan écologique. Le crédit d'impôt
moyen s'est établi à 261 dollars. Le programme
total a coûté 76 000 $, dont 51 000 $ ont été
payés sous forme de prestations et le solde a servi
à la formation, ainsi qu'à la sensibilisation
et à l'éducation de la collectivité.
Lorsqu'on a sondé les participants, 86 % ont déclaré
que le programme valait la peine et 88 % ont reconnu qu'un
crédit d'impôt foncier d'un dollar l'acre représente
une indemnisation efficace.
Il y a de nombreux facteurs dont il faut tenir compte pour
encourager le succès. Il faut d'abord l'appui général
des parties en cause (les propriétaires, le public,
le gouvernement et les organisations non gouvernementales
[ONG]). Il faut avant tout que le programme soit à
participation volontaire et ne pénalise pas les propriétaires
pour leur activité de conservation antérieure.
Le programme devra être administré par les autorités
municipales, ce qui lui donne de la flexibilité (et
lui permet de s'adapter aux retombées sur l'environnement),
et il faut déterminer une fois par année le
montant du crédit d'impôt foncier. Cette flexibilité
permettra aussi de verser le crédit d'impôt foncier
seul ou de l'intégrer à d'autres politiques.
Le crédit d'impôt foncier pose des défis
importants à relever, prévient Mme Olewiler.
Le plus gros est celui du besoin d'un financement de programme
durable. Il est associé au défi connexe qui
consiste à mesurer les retombées sur l'environnement
afin de justifier le programme. La méconnaissance et
le faible taux de participation peuvent empêcher de
produire des changements importants de l'utilisation des terres.
Comment une municipalité détermine-t-elle l'importance
du crédit d'impôt foncier et les propriétaires
prendraient-ils des mesures de conservation s'il y en avait
pas?
Mme Olewiler termine son exposé en rappelant le potentiel
qu'offre la politique des crédits d'impôt foncier.
Il s'agit d'une mesure d'encouragement modeste qui offre de
nombreux avantages. Elle peut sensibiliser davantage la population
aux compromis et aider à changer des comportements.
Elle peut aider à prendre de meilleures décisions
sur l'utilisation des terres et améliorer en fin de
compte la qualité de l'environnement. Le meilleur,
c'est que ces coûts peuvent être efficaces et
entraîner une réduction des dépenses publiques
consacrées à l'infrastructure, à la remise
en état et à l'atténuation des dommages
causés aux ressources.
Dispositions fiscales pour dons de biens écosensibles
Robert McLean, Directeur, Direction générale
de la conservation de la faune, Environnement Canada
M. Robert McLean explique que son exposé portera sur
la politique publique relative à l'écologisation
de la fiscalité qui, selon lui, doit reposer sur les
dispositions de l'impôt sur le revenu qui favorisent
les dons de terres écosensibles : " Le programme
de dons écosensibles est très sensé.
"
On oublie souvent que les questions de conservation vont
plus loin que l'habitat, signale-t-il en ajoutant qu'il y
a d'autres facteurs en jeu en ce qui concerne la conservation
des espèces. On a toutefois tendance à se concentrer
sur l'utilisation et la gestion des terres. Il importe de
savoir que des décisions relatives à l'utilisation
des terres peuvent contribuer considérablement au maintien
de l'intégrité et de la biodiversité
écologiques. Lorsqu'il est question de conservation
et de protection des espèces en péril, il faut
penser en fonction de l'habitat. Même si ces mesures
exigent de l'argent, la terre est la devise commune lorsque
l'on pense à la protection de l'habitat.
M. McLean affiche une liste des avantages de l'intendance
des terres, mais il ajoute qu'il ne veut pas répéter
ce que vient de dire Mme Olewiler. Les avantages sont nombreux,
mais ils se résument en fin de compte à l'air
et à l'eau propres, ainsi qu'à l'amélioration
de l'habitat de la faune et du poisson. En ce qui concerne
l'utilisation des terres, les propriétaires finiront
néanmoins par prendre des décisions fondées
sur les avantages privés qu'ils en tirent.
Au sujet des coûts de l'intendance, il signale que
" le marché paie principalement les produits économiques
et non pas nécessairement les produits écologiques
issus de la terre ". Il importe de comprendre qu'il n'est
pas nécessaire que l'appui soit financier : les personnes
qui veulent agir font ce qui convient pour l'environnement.
L'appui peut parfois prendre la forme de services d'information,
de formation ou de vulgarisation. Souvent, tout ce dont le
producteur a besoin, c'est d'aide et de services techniques
ou professionnels. Il convient toutefois de signaler que la
prestation des services écologiques ne sera pas toujours
sans effet sur les coûts.
McLean reformule l'affirmation de Mme Olewiler selon laquelle
" les stratégies de contrôle ne règlent
pas le problème de l'intendance ". Même
si Environnement Canada dispose de solides outils législatifs,
la réglementation constitue en réalité
la mauvaise voie à suivre. La démarche fondée
sur la réglementation, soit celle du " gros bâton
", ne tient pas compte des raisons sous-jacentes de l'intendance
et bloque les progrès.
M. McLean déclare que son sous-ministre lui rappelle
souvent l'influence du marché sur la prise des décisions.
Pour encourager le changement, il faut s'en remettre aux instruments
budgétaires. Il faut toutefois utiliser aussi d'autres
outils, car le marché " ne suffit pas ".
Il faut plus précisément encourager des programmes
fiscaux (mesures d'encouragement fondées sur les impôts
fonciers et l'impôt sur le revenu).
Environnement Canada a appris que les coûts des programmes
d'intendance sont efficaces. Les activités bénévoles
ont une valeur énorme-M. McLean mentionne les quelque
14 millions d'heures de bénévolat faites par
les chasseurs depuis 1985 pour appuyer la conservation. La
mise en uvre de moyens budgétaires permettra
de mobiliser d'autres bénévoles. Ces mesures
encourageront aussi l'établissement, entre différentes
organisations, de partenariats qui leur permettront de réaliser
beaucoup plus de choses qu'elles ne pourraient le faire seules.
Le programme de dons écosensibles encourage les dons
de terres écosensibles par les avantages reliés
à l'impôt sur le revenu. Ces dons peuvent se
faire sous forme de titres de propriété ou de
servitudes pour la conservation. Le gouvernement fédéral
a pris des initiatives à cet égard et a adopté,
en 1995, une série de modifications de l'impôt
sur le revenu. Ces modifications ont permis deux ou trois
changements : la valeur des dons écosensibles peut-être
traitée comme un don de charité et déduite
du revenu. Il y a encore plus important : le montant imposable
des gains en capital connexes diminue considérablement.
M. McLean explique ensuite certains des rouages complexes
du programme qui s'applique aux terres privées. Le
donateur collabore avec un organisme bénéficiaire,
qui pourrait être un organisme de bienfaisance enregistré,
une municipalité, ou un organisme provincial ou fédéral.
L'organisme bénéficiaire doit délivrer
un certificat de don de terres écosensibles. Pour qu'il
puisse bénéficier d'un crédit d'impôt,
il faut remettre au donateur un reçu du don, certifié
et fondé sur un mécanisme d'examen de l'évaluation
qui permet d'en établir la juste valeur marchande.
Environnement Canada participe à une mission très
critique d'écologisation de la fiscalité, déclare
M. McLean. Le programme est tributaire de l'effet net d'une
série de programmes fiscaux et budgétaires.
La clé de la réussite réside dans l'établissement
de partenariats fondés sur une échelle géographique
appropriée. Le Ministère doit penser au niveau
régional et collaborer avec les gouvernements provinciaux,
les Premières nations et les ONG pour concevoir des
programmes d'intendance qui conviennent à chaque région.
La flexibilité de cette façon de procéder
permet de tenir compte de différences écologiques
et économiques.
M. McLean souligne l'importance de partenariats de planification
de la conservation. Il doit y avoir un lien entre le tableau
d'ensemble et les réalités locales. L'objectif
du partenariat consistera à élaborer une vision
qui maintient les fonctions écologiques, culturelles,
sociales et économiques. L'intendance va plus loin
que l'utilisation des terres et la protection de l'habitat-les
environnementalistes ne doivent pas oublier l'importance des
retombées économiques.
Il conclut son exposé en résumant brièvement
le travail à faire pour améliorer le programme
de dons écosensibles. La " vente à rabais
" est une des options qu'il faut envisager. Souvent,
l'avoir propre du propriétaire est immobilisé
dans ses terres, et il n'a pas les moyens d'en faire don.
Il pourrait toutefois le faire si le régime fiscal
permettait qu'un don soit constitué en partie d'une
vente et en partie d'un don. D'autres changements nécessaires
consistent à ramener à 0 % l'impôt sur
les gains en capital. Il n'y a pas grand-chose qui incite
les propriétaires qui détiennent des terres
pour en tirer un bénéfice à faire un
don lorsqu'ils perdent de l'argent en impôt sur les
gains en capital.
Le bassin hydrographique de New York : Indemniser les fermiers
pour garder le bassin propre
Richard Coombe, Président, Watershed Agricultural
Council
Richard Coombe explique que son expérience et le point
de convergence de ses efforts portent principalement sur le
réseau Croton, qui englobe un développement
résidentiel intensif, ainsi que des fosses septiques,
des écuries et des zones d'aménagement industriel.
Ce réseau hydrographique alimente en eau 9 millions
de consommateurs de l'État de New York. La propriété
des terres est concentrée entre les mains de quelques
agriculteurs relativement peu nombreux.
Les partenaires du programme sont la Ville de New York et
les agriculteurs. Maintenant que la plupart des agriculteurs
ont adhéré au programme, la prochaine priorité
portera sur la pollution qui ne provient pas de sources ponctuelles.
La Ville de New York en profite, car le programme offre une
solution de rechange importante et rentable à la filtration,
et les agriculteurs sont motivés parce que le programme
remplace la réglementation.
M. Coombe décrit en détail pourquoi le programme
fonctionne, du point de vue des agriculteurs. Il reprend les
propos de conférenciers précédents :
ce qui caractérise sa réussite, c'est qu'il
s'agit d'un programme a participation volontaire et piloté
par les dirigeants locaux. Il dispose en outre de fonds suffisants
et complets, ce qui encourage les agriculteurs à y
participer, car le programme repose sur des mesures d'encouragement
et maintient la viabilité et l'intégrité
des fermes. Ces éléments sont essentiels, car
les agriculteurs finissent par relier au bilan les décisions
qu'ils prennent dans le domaine de la conservation.
M. Coombe présente les détails de la "
planification agricole propre " qui affiche un taux de
participation de 91 % chez les agriculteurs. Le programme
comporte un volet éducation des agriculteurs qui leur
permet de mieux comprendre le ratio entre l'épandage
du fumier et les besoins du sol. Ce programme est jumelé
à la gestion d'aliments pour animaux nutritifs, parce
que " 75 % du phosphore contenu dans le fumier provient
des intrants ". Il y a en outre un plan de gestion du
fumier, surtout dans le cas des veaux malades qui contribuent
le plus à la pollution. Les agriculteurs sont encouragés
à pratiquer de bonnes méthodes d'agriculture,
car l'argent va au bon gestionnaire agricole.
De bonnes méthodes de gestion doivent reposer sur
de solides connaissances scientifiques, affirme M. Coombe,
ce qui non seulement aide à trouver la source des problèmes
réels, mais aussi évite beaucoup de travail
et, en fin de compte, beaucoup de dépenses. La recherche
est nécessaire, ajoute-t-il, mais il ne faut pas "
réinventer la roue ".
M. Coombe parle des changements qui se produisent en agriculture.
À mesure que les fermes grossissent et que le nombre
des agriculteurs diminue, un des changements qui a fait son
apparition dans le domaine de la gestion de l'eau consiste
à penser plus gros et en fonction de bassins hydrographiques.
Pour protéger la qualité de l'eau, il faut concentrer
son attention sur le bassin hydrographique au complet, ce
qui est particulièrement vrai compte tenu des réalités
actuelles que constituent les lotissements urbains et résidentiels,
et la croissance industrielle.
Sur le plan personnel, comme agriculteur qui veut transmettre
la ferme à son petit-fils, M. Coombe déclare
que le retrait de tous les règlements par les organismes
de réglementation a constitué le facteur clé
qui l'a incité à participer au programme; c'est
ce qui l'a amené à changer d'attitude.
M. Coombe conclut sont intervention en résumant ce
qu'il a appris:
- inclure tous les intervenants : " les réunir
autour de la table ";
- compléter ces efforts par un programme de communication
afin de susciter davantage d'intérêt et d'appui;
- assurer la collaboration et l'information des ruraux et
des urbains, y compris des jeunes;
- relier la qualité de l'eau à la viabilité
de l'économie pour obtenir une plus grande acceptation;
- fixer des buts et les atteindre;.
- penser à long terme : " régler définitivement
le problème ".
Discussion
Un agriculteur signale qu'il faudra plus qu'un dollar l'acre
de crédit d'impôt foncier pour obtenir un taux
élevé de participation aux modifications de
l'utilisation des terres. Il ajoute que la pollution provient
de fosses septiques résidentielles et d'agriculteurs
amateurs, et non pas des " vrais " agriculteurs.
Un participant des Territoires du Nord-Ouest demande si l'on
utilise au Canada la mise en réserve des mesures d'atténuation
(pratiquée sur la côte Ouest des États-Unis).
Mme Olewiler répond que ce n'est pas courant, mais
que l'achat de terres inondées par Canards Illimités
en est un exemple.
Lorsqu'on lui pose une question sur l'impact des petites
fermes, M. Coombe réplique qu'elles causent un pourcentage
important de la pollution.
En réponse à un commentaire selon lequel les
réductions d'impôt ne constituent pas la solution
et que l'évaluation des terres doit changer, Mme Olewiler
déclare que les crédits d'impôt foncier
ne feront pas que ramener les impôts à zéro;
ils signifient aussi que le propriétaire est payé.
L'expérience démontre en outre que la réduction
des impôts ne produit pas d'aussi bons résultats
que le fait de payer les gens. Un autre participant laisse
entendre que les avantages fiscaux reliés aux dons
ont tendance à être basés sur les grandes
propriétés et demande si les propriétaires
de terres moins vastes et de petits boisés pourraient
aussi contribuer de façon significative. M. McLean
répond qu'il est d'accord avec cette personne et qu'il
faudrait généraliser ce qui se fait actuellement.
Réunion B en petits groupes : Utiliser le marché
pour encourager la conservation
Animatrice : Karen Brown, Sous-ministre adjointe, Service
de la conservation de l'environnement, Environnement Canada
Le Programme des réserves de conservation : soumissions
pour la conservation des terres privées
Robert Stephenson, Directeur, Conservation and Environmental
Programs Division, US Department of Agriculture, Four Service
Agency
Le Conservation Reserve Program (CRP) constitue le plus important
programme d'amélioration de l'environnement sur les
terres privées lancé par le gouvernement des
États-Unis, déclare Robert Stephenson. Dans
le contexte de contrats volontaires d'une durée de
10 à 15 ans conclus avec des agriculteurs, environ
10 % des terres agricoles des États-Unis sont actuellement
inscrites au programme.
Le programme remonte aux années 30, époque
où l'érosion du sol constituait un problème
sérieux. Au cours des années 60, le gouvernement
a administré un programme de démobilisation
des terres. La décennie 80 a été une
période de prix très faibles des marchandises
et de paiements gouvernementaux énormes. C'est ce qui
a entraîné l'adoption, en 1985, de la Food Security
Act; quelque 33 millions d'acres de terres ont été
inscrites au programme, surtout dans le contexte d'un programme
de démobilisation des terres visant à retirer
des terres de la production (et à créer des
avantages secondaires pour l'environnement), en contrepartie
d'un loyer payé aux participants. Afin de préserver
l'assiette fiscale locale, on n'inscrivait pas plus de 25
% des terres d'une région donnée. Le programme
a entraîné une réduction importante de
l'érosion et produit des " avantages massifs "
pour la faune. Le programme a bénéficié
d'un appui politique généralisé.
Pour le Farm Bill de 1990, on s'est inspiré de l'expérience
des cinq années précédentes et l'on a
adopté une stratégie fondée sur l'Environmental
Benefit Index (EBI) en ajoutant à l'objectif qui existait
déjà, soit réduire l'érosion du
sol, deux nouveaux objectifs : la faune et la qualité
de l'eau. Le gouvernement a maintenu le secret au sujet de
l'EBI afin de réduire les " tactiques de diversion
", ce qui lui a toutefois attiré de virulentes
critiques. Il a appris qu'il était possible de classer
les offres en fonction des retombées estimatives sur
l'environnement dans des écopaysages très divergents.
Avec le Farm Bill de 1996, le Congrès a répété
qu'il appuyait la maximisation des retombées sur l'environnement.
Les groupes de protection de la faune étaient devenus
de proches collaborateurs et la plupart des agriculteurs inscrits
auparavant voulaient continuer de participer au programme.
Le Congrès a aussi supprimé le lien de contrôle
avec l'approvisionnement en indiquant que les agriculteurs
devaient réduire leur production de denrées
dans le reste de la ferme. Ce projet de loi a fait des agriculteurs
" un livre ouvert en ce qui concerne l'EBI "; il
a permis de réviser les taux de location (en les fixant
en fonction du type de terres) et mettre davantage l'accent
sur la faune. Les agriculteurs peuvent rendre leur offre plus
concurrentielle en réduisant le prix demandé
et en offrant les terres les plus désirables sur le
plan environnemental. On a remplacé la monoculture
d'herbe par un programme d'ensemencement plus diversifié
et les superficies inscrites de terres inondées et
d'autres zones prioritaires ont augmenté considérablement.
Compte tenu des leçons tirées du Farm Bill
de 1996, M. Stephenson signale que les taux de location sont
difficiles à fixer. Les taux sont révisés
fréquemment et le programme s'étend maintenant
aux régions côtières où les taux
ne sont pas bien établis.
Il ajoute qu'il importe de mobiliser des groupes de protection
de la faune pour qu'ils participent à l'évaluation
de la pondération accordée aux divers facteurs
environnementaux. Il n'y a pas d'analyse concrète qui
explique comment on évalue l'érosion des terres
et la qualité de l'eau, par exemple-l'évaluation
constitue un compromis entre les divers intérêts
en cause.
Il est difficile de quantifier les retombées sur l'environnement
et l'on a essayé de simplifier autant que possible
le processus. Il y a encore beaucoup d'erreurs au sujet de
l'EBI et l'on est en train de créer un système
Internet qui permettra aux agriculteurs de donner plus d'information
au sujet de leur ferme.
L'EBI couvre un certain nombre de facteurs : couverture de
l'habitat faunique, avantages pour la qualité de l'eau,
retombées sur la ferme de la réduction de l'érosion
et enjeux liés à la qualité de l'air.
On tient compte aussi du coût. On attribue des notes
qui font l'objet de comparaisons nationales et le secrétaire
à l'Agriculture choisit les offres. En ce qui concerne
la faune, un agriculteur peut obtenir plus de points en offrant
une couverture plus diversifiée. Les facteurs secondaires
dont il est tenu compte à l'égard de "
l'habitat faunique " comprennent les espèces en
péril, la proximité de l'eau ou d'une zone protégée,
la mise en valeur de la faune et la présence de terres
humides remises en état.
Le CRP comprend d'autres initiatives, entre autres : un système
d'inscription continue non concurrentielle pour les superficies
moindres, une initiative tampon afin d'encourager d'autres
programmes de conservation à imiter le CRP et une initiative
de collaboration avec les gouvernements des États afin
d'inscrire davantage de terres. La contrainte réelle
du CRP, c'est la limite de la superficie qu'il est possible
d'inscrire (même si le programme n'est pas limité
dans son budget).
La certification et l'industrie forestière : Questions
à examiner dans le contexte canadien
Jean-Pierre Kiekens, Directeur général,
Sustainable Forestry and Certification Watch
M. Jean-Pierre Kiekens explique que la certification des
forêts est un enjeu mondial sur lequel agissent des
questions liées à la compétitivité
du commerce international et qu'il faut comprendre les problèmes
canadiens dans ce contexte.
Il indique que la certification des forêts remonte
aux préoccupations soulevées au cours des années
80 par le déboisement dans l'hémisphère
Sud. Cette préoccupation s'est mondialisée rapidement
et a visé aussi les forêts du Nord. La certification
remonte au début des années 90. L'étape
critique a été l'assemblée de fondation
du Forest Stewardship Council en 1993, qui a été
suivie de l'approbation, par le Conseil canadien des normes,
du Système d'aménagement forestier durable de
l'Association canadienne de normalisation (ACNOR) en 1996.
On a mis au point récemment des identificateurs dans
divers systèmes et il y aura bientôt un système
canadien de fermes forestières.
Il y a tout un éventail d'options disponibles au Canada
:
- ISO14001, le système le plus répandu, est
un système à base de SGE;
- le SFI , lui aussi système à base de SGE,
a été mis au point aux États-Unis et
est contrôlé par le Sustainable Forestry Board.
- C'est le système qui se répand le plus rapidement
au Canada;
- le Forest Stewardship Council (FSC) a été
fondé en 1993;
- le système de l'ACNOR, approuvé en 1996
par le Conseil canadien des normes, est fondé sur
les critères d'aménagement durable du Conseil
canadien des ministres des forêts. On a lancé
récemment un régime d'identification.
On peut trouver de l'information au sujet des tendances prévues
sur le site Internet suivant : www.certificationcanada.com.
Les tendances attendues comprennent la croissance continue
des zones de certification de l'ISO (qui a atteindra un plateau),
de l'ACNOR et du SFI, ainsi qu'une augmentation importante
des zones de certification du SFC.
À l'arrière-plan de la question de la certification
des forêts, il y a une course au logo. Ce qui signifie
qu'on veut apposer une étiquette à un produits
provenant d'une forêt certifiée et cultiver la
préférence des consommateurs à l'égard
d'une marque en particulier. On veut en fin de compte contrôler
le régime d'identfication qui sous-tend la marque.
M. Kiekens parle des principaux intervenants de la certification
:
- les groupes environnementaux (dont un grand nombre, y
compris la Fondation Suzuki, appuient activement le Forest
Stewardship Council);
- l'industrie (des entreprises comme Tembec et Weyerhauser);
- les détaillants (auxquels les groupes environnementaux
ont reproché d'adopter des politiques d'achat);
- le gouvernement de l'Ontario (qui s'est engagé
à faire certifier par le FSC toutes les terres publiques
de la province);
- la Fondation Ford et d'autres fondations américaines
(qui financent les efforts de certification des forêts
régies par le Forest Stewardship Council);
- l'Association nationale de foresterie autochtone;
- les syndicats (les syndicats appuient le programme au
Canada et l'appuient fermement aux États-Unis, même
si le SFI n'a pas d'élément social);
- des " intervenants réputés " comme
le prince Philip, le prince Charles et plusieurs vedettes
de cinéma.
Dans le cadre d'un régime d'identification proposé
aux Pays-Bas, on accorde une étiquette écologique
aux produits certifiés, et ceux qui ne le sont pas
doivent obligatoirement porter une étiquette rouge.
M. Kiekens mentionne une campagne lancée contre l'exploitation
de forêts anciennes, organisée par la Coastal
Rainforest Coalition des États-Unis, qui vise Home
Depot et préconise un boycott des produits issus de
forêts anciennes. De telles pressions ont poussé
les entreprises et le secteur public à annoncer des
politiques d'achat. La principale activité du Fonds
mondial pour la nature (FMN) consiste à coordonner
les groupes d'acheteurs. Il y en a maintenant un au Royaume-Uni
et un autre en Amérique du Nord. L'industrie a réagi
en préconisant des politiques dites inclusives qui
reconnaîtront plus qu'un organisme de certification.
Il convient de signaler que beaucoup d'autres facteurs contribuent
à l'évaluation d'édifices écologiques
et que la gestion forestière représente un élément
seulement du cycle de vie des produits, affirme M. Kiekens.
Une façon de s'y retrouver dans toutes les initiatives
consiste à comparer les efforts de reconnaissance mutuelle.
Le Meridian Institute a terminé récemment aux
États-Unis un projet de comparaison du SFI et du FSC.
L'industrie forestière mondiale a mis de l'avant une
proposition qui vise à créer un cadre de reconnaissance
mutuelle afin de reconnaître un système crédible
de certification des forêts. Le FMN, Greenpeace et d'autres
intervenants ont rejeté la proposition. Le FSI, l'ACNOR,
l'American Tree Farm System et le PFC ont déployé
d'énormes efforts de reconnaissance mutuelle. Le gouvernement
canadien favorise l'équivalence ou la comparabilité
des systèmes de certification, même si l'on n'a
pas fait grand-chose à ce sujet.
M. Kiekens signale que des sondages ont révélé
que les consommateurs étaient disposés à
payer plus cher pour acheter du bois certifié, même
si un détaillant en particulier s'oppose vivement à
payer davantage. Le pourcentage du bois certifié chez
les détaillants de produits de bricolage est très
faible et les habitudes d'achat de certains consommateurs
semblent indiquer que la question ne les intéresse
pas beaucoup. Le Canada doit néanmoins accorder une
certification quelconque.
Il dresse la liste de certains des obstacles à la
certification au Canada :
- Les terres de l'État et la propriété
publique, comme la question des occupations fondées
sur la superficie plutôt que sur le volume, posent
des problèmes. Le premier système fonctionne
bien dans un contexte de certification, tandis que le deuxième
est plutôt compliqué. Les revendications territoriales
posent un autre problème. Sans oublier les questions
de légitimité : qui devrait fixer les règles
de gestion de ces ressources forestières?
- Les terres privées contiennent 7 % seulement des
forêts, mais posent un problème. La National
Forest Owners' Association prépare un nouveau système
de certification qui portera sur les terres privées.
Le FSC offre un processus d'élaboration de normes
régionales qui s'est toutefois révélé
laborieux. Les ONG ne font pas confiance au processus de
l'ACNOR.
Toutes ces activités ont des répercussions
sur la compétitivité. En Suède, plus
de 50 % des superficies sont certifiées, tandis qu'au
Canada, si l'on exclut l'ISO (qui n'est pas très reconnue
sur le marché), moins de 10 % des superficies le sont.
Le Canada n'affiche pas de très bons résultats
face à des concurrents comme la Finlande et les États-Unis.
M. Kiekens discute des activités du groupe Sustainable
Forestry and Certification Watch, qui produit un bulletin,
Forest Certification Watch, et organise une conférence.
La prochaine, qui doit se tenir du 31 janvier au 1er février
2002, portera sur la certification des forêts et la
responsabilité des entreprises.
Il termine en affirmant que la certification des forêts
n'est pas un instrument conventionnel fondé sur le
marché. Les avantages de la certification restent à
préciser et il faut pousser plus loin la recherche.
La certification des forêts devient toutefois un élément
de la responsabilité des entreprises et elle est là
pour rester. La certification devient une activité
générale dans les pays industrialisés
(ce qui est très différent de ce qui se passe
dans le Sud) et le Canada jour un rôle stratégique
pour son évolution.
Reconnaissance publique de l'excellence de l'intendance
de l'environnement par l'entreprise
William Howard, Président, Wildlife Habitat Council
William Howard décrit les origines du Wildlife Habitat
Council (WHC), fondé en 1988. Le WHC favorise le leadership
des entreprises et leur intendance de l'environnement avec
des partenaires communautaires d'un bout à l'autre
du pays. Il a des projets dans 45 États et 10 pays,
dont le Canada. Sa mission consiste à accroître
la superficie des habitats fauniques de qualité sur
les terres d'entreprises et d'autres terres privées.
Les entreprises et les groupes environnementaux se chargent
conjointement du contrôle fiduciaire et stratégique
de l'organisme.
Le WHC a aidé à planifier des programmes de
gestion de la faune à plus de 700 sites d'entreprise
et a fait certifier 125 millions d'acres. La certification
constitue un volet de son programme de reconnaissance.
M. Howard présente une diapositive d'une usine de
Dupont où l'on a créé une zone humide
dans le contexte du processus de traitement final des eaux
usées de l'établissement. On y trouve maintenant
une aire d'observation qui permet aux étudiants locaux
d'apprendre à connaître le secteur inondé.
Le projet a " changé totalement la dynamique entre
les groupes environnementaux et les entreprises de la collectivité
en question ".
Formosa Plastics a créé au Texas un autre secteur
de zones humides avec la participation des élèves
des écoles locales. Un tel exercice instaure dans la
collectivité un type différent de reconnaissance
et de relations. Lorsqu'on a construit sans le savoir le stationnement
des employés sur le site de nidification d'un oiseau
qui est presque menacé, on a réglé la
question en fermant le stationnement à toutes les années
et en y déposant des coquilles d'huîtres pour
que les oiseaux y fassent leur nid.
Des entreprises n'ont pas beaucoup de terres, mais participent
quand même aux activités. Une entreprise de Houston
qui n'a pas d'espace vert voulait inciter ses employés
à accepter le concept de la faune. Dans un parc situé
face à ses bureaux, l'entreprise a établi avec
d'autres organisations un partenariat afin de planter des
jardins de fleurs sauvages qui serviraient aussi de lieux
importants pour les agents de pollinisation, et de créer
un site témoin d'envergure restreinte qui offrirait
une vitrine sur les phénomènes des zones humides.
Le secret de ces programmes réside dans le fait qu'ils
visent autant les être humains que la faune. La participation
communautaire joue un rôle clé et l'on encourage
les employés à participer partout où
c'est possible.
Un autre site a été transformé en centre
d'éducation. L'entreprise a collaboré avec le
système scolaire et des groupes de bénévoles
locaux pour faire certifier le site et obtenir la reconnaissance
à l'échelon local et national. Toutes ces activités
ont été le fruit d'efforts volontaires appuyés
par les entreprises, efforts qui ont aussi bénéficié
de subventions du gouvernement et de fondations.
Discussion
Un participant aborde la question de la séquestration
de carbone dans les peupliers. Il invite les participants
à échanger de l'information et à prendre
des mesures pour planter des peupliers, que le gouvernement
s'intéresse ou non à la question.
Un membre de l'Agriculture Producers Association of Saskatchewan
déclare que l'Association a mis au point un modèle
de certification qu'elle a soumis à Ottawa. Le programme
prévoit notamment une obligation de diversification
afin d'aider à mettre en valeur des collectivités.
Il demande s'il est possible d'obtenir une certification agricole
des gouvernements mondiaux.
M. Stephenson signale que les négociations commerciales
en cours sont déjà difficiles et que cette idée
serait aussi complexe que n'importe quelle autre.
Un participant demande à M. Stephenson comment on
justifie le programme CRP au près des contribuables
américains. M. Stephenson répond que l'on mesure
les avantages pour l'environnement et qu'on en fait rapport
au Congrès. On essaie maintenant de mettre au point
des mesures quantifiables de la valeur de ces retombées
pour la population en général.
Un autre intervenant demande si le système vise aussi
des terres qui sont déjà dans un état
naturel; il craint que des agriculteurs ne détruisent
des terres afin d'avoir droit au programme. M. Stephenson
déclare qu'avant d'inscrire des terres au programme,
" il faut qu'il y ait un besoin ". Lorsque des terres
sont déjà remises en état, elles ne sont
pas admissibles au programme. Il ajoute que l'obligation de
cultiver la terre pendant deux ans constitue un risque important
pour un agriculteur qui veut présenter une demande
au programme et il ne croit pas que l'on détruise beaucoup
de terres.
En réponse à une question sur le coût,
M. Kiekens établit une distinction entre divers coûts,
y compris les coûts de vérification, les coûts
de main-d'uvre liés à la certification
et le coût du bois non vendu. Il y a aussi la question
de l'accès au marché, car la certification des
forêts devient une condition des transactions commerciales.
Lorsqu'on lui demande comment l'on rapproche le système
de subventions du Agriculture Department aux États-Unis
et le programme CRP, M. Stephenson déclare que le CRP
est la seule source à long terme de revenus dont disposent
les agriculteurs et qu'il les aide à retarder les interventions
réglementaires dans le domaine de l'environnement.
Discours principal : Les partenariats-un principe ou une
réalité?
Monte Hummel, Président, Fonds mondial pour la
nature (Canada)
Monte Hummel présente un bref exposé qui comporte
un double message. Premièrement : " Les partenariats
ne sont pas simplement agréables : ils sont nécessaires.
" Deuxièmement : le secret de tout partenariat
fructueux consiste " à demander non pas ce que
vos partenaires peuvent faire pour vous, mais ce que vous
pouvez faire pour eux ".
Un partenariat produit des résultats lorsque les partenaires
ont vraiment besoin les uns des autres. Au Canada, on reconnaît
que " pas une seule organisation-gouvernement, Premières
nations, entreprises, universités ou groupes de conservation
"-n'a suffisamment de ressources ou de crédibilité
pour accomplir sans aide le travail de conservation.
Des partenariats sont d'envergure limitée tandis que
d'autres sont très gros. M. Hummel décrit plusieurs
partenariats d'envergure, y compris le Plan nord-américain
de gestion de la sauvagine de 1,4 milliard de dollars qui
a 15 ans et qui vise à conserver l'habitat de la sauvagine
au Canada. Ce partenariat regroupe des ONG, les gouvernements
fédéral, provinciaux et territoriaux, les Premières
nations, les gouvernements d'État et le gouvernement
fédéral des États-Unis, des propriétaires
privés et des entreprises. Au moins 90 % du financement
nécessaire du projet provenaient d'ONG, ou de bailleurs
de fonds américains trouvés par des ONG.
Un autre partenariat d'envergure et de longue date, le Fonds
de rétablissement des espèces canadiennes en
péril, regroupe le Fonds mondial pour la nature (Canada),
Environnement Canada (EC), quelques provinces et tout un éventail
de bailleurs de fonds du secteur privé, y compris des
banques et des entreprises. Avec un investissement de 4 millions
de dollars d'EC, le Fonds a subventionné presque 300
projets d'une valeur totale de 15 millions de dollars depuis
1987. Ce n'est pas seulement bon pour la faune : cela donne
un bon effet de levier aux fonds fédéraux et
c'est par conséquent une " bonne valeur pour des
contribuables canadiens comme vous et moi ".
Un troisième exemple de partenariat d'envergure, c'est
celui des quatre groupes nationaux de conservation-Canards
Illimités, La Société canadienne pour
la conservation de la nature, le Fonds mondial pour la nature
(Canada) et la Fédération canadienne de la nature-qui
se sont réunis de 1998 à 2000 afin de transformer
une subvention de 10 millions de dollars du Bureau du Canada
pour le millénaire en 40 millions de dollars affectés
à des centaines de projets de terrains communautaires
de conservation d'un bout à l'autre du Canada. Certains
de ces projets ont porté notamment sur les servitudes
et la protection d'habitats sur des terres privées.
La valeur de partenariats d'une telle envergure, c'est qu'ils
mobilisent d'importantes sommes d'argent pour appuyer des
centaines de projets locaux qui " font une différence
remarquable sur le terrain ". Ils illustrent une tendance
à " une migration du leadership vers les milieux
des ONG ", car le gouvernement a appris à partager
le pouvoir afin d'atteindre ses buts. M. Hummel affirme que
les ONG et les gouvernements sont " devenus indispensables
les uns pour les autres ".
Il parle aussi de l'importance des partenariats d'envergure
limitée. Chaque année, des membres de la collectivité
améliorent l'habitat du poisson en nettoyant des cours
d'eau, en remettant en état des frayères et
en installant des murs de gabions afin de stabiliser les rives
de cours d'eau. Des membres de clubs de naturalistes inspectent
de petits lopins de terre, réunissent des données
que l'on regroupe ensuite en atlas provinciaux sur les oiseaux.
Dans ce dernier cas, un grand nombre de partenariats d'envergure
limitée " finissent par créer un produit
final de plus grande envergure ". M. Hummel insiste sur
l'importance de ces partenariats d'envergure limitée,
qu'il considère comme " des blocs de base critiques
qui font que le tout fonctionne ".
" Cessons donc de parler des partenariats comme s'ils
étaient discrétionnaires ou facultatifs, recommande-t-il.
L'union fait la force ".
Il passe ensuite à son deuxième point clé,
c'est-à-dire qu'un bon partenaire est celui qui "
apporte quelque chose d'unique et d'important " et qui
aide les autres membres du partenariat à atteindre
un but commun. Celui qui se présente à la table
les bras croisés, avec une attitude grincheuse, et
qui insiste pour que l'on satisfasse à ses propres
exigences peut causer une impasse. Les bons partenaires essaient
plutôt d'atteindre leurs buts en aidant les autres à
atteindre les leurs. Ils écoutent surtout. Ces partenaires
pratiquent l'autocritique plutôt que l'égocentrisme
et se demandent s'ils font " leur juste part " ou
s'ils se contentent simplement de " profiter des autres
". Ces partenaires " se demandent constamment comment
ils peuvent aider les autres membres du partenariat à
atteindre leurs objectifs afin d'accomplir quelque chose d'important
ensemble ".
Le processus Des terres pour la vie en Ontario est un exemple
qu'il tire de son expérience personnelle. On a cherché
à atteindre les objectifs que l'industrie, le gouvernement
et les ONG ont apportés à la table de telle
façon que " chaque partenaire a aidé les
autres à obtenir ce dont ils avaient besoin ".
Après avoir amorcé le processus comme négociateurs,
ils l'ont terminé comme partenaires. Le partenariat
a créé 378 nouvelles zones protégées,
où l'exploitation forestière est interdite et
qui totalisent 6 millions d'acres recouvertes presque entièrement
de terres boisées. Par ailleurs, ils ont maintenu le
volume, la qualité et le coût du bois livré
à la scierie.
On suppose dans tout cela que les partenaires se respectent.
Des partenariats " imposés par la nécessité
mais dont les partenaires ne se respectent pas sont voués
à l'échec. " La loyauté que manifeste
chaque partenaire en intervenant pour défendre les
réalisations du partenariat au lieu " d'aller
se cacher à la première critique " constitue
une mesure importante de ce respect mutuel. Par ailleurs,
les bons partenaires partagent aussi le crédit lorsque
" les bonnes nouvelles commencent à arriver ".
Il termine en résumant ses deux points : les partenariats
fructueux sont " issus de la nécessité
" et constitués de partenaires qui s'entraident
vraiment pour obtenir satisfaction à leurs besoins.
Un partenariat fructueux repose obligatoirement sur ces deux
ingrédients; sinon, ce sera l'échec.
Partenariats I
Animateur : William (Bill) Oppen, Sous-ministre, Yukon
Department of Renewable Resources
Construire des partenariats pour la nature
Mary Granskou, Directrice, Service des politiques et de
liaison pour les parcs, Patrimoine canadien
" Vous êtes la force motrice des partenariats
", affirme Mary Granskou aux délégués.
Elle explique que chacun doit contribuer à maintenir
le patrimoine du Canada en créant des partenariats
réunissant des gens qui cherchent des solutions axées
sur la collaboration et visant un but commun. Elle décrit
certain des éléments clés du processus
:
- Il doit y avoir une vision convaincante que tous les intervenants
acceptent.
- Les résultats doivent être tangibles et clairs.
" Le processus doit porter avant tout sur les résultats
et non sur l'argent. "
- Le projet doit établir un bilan solide démontré
par la responsabilité financière et la stabilité
de la réalisation du programme.
- Il faut rendre compte à la population canadienne;
les stratégies décisionnelles et les méthodes
de production de rapports d'étape doivent être
claires. Il doit être clair en tout temps que l'on
prend au sérieux la question de l'imputabilité.
- La synergie et la synchronisation doivent reposer sur
un groupe d'appui : il faut choisir avec soin les stratégies
envisagées et le calendrier de leur mise en uvre.
- Les buts visés doivent être réalistes
et le processus suivi doit être transparent et franc.
- Le niveau de l'énergie et de l'engagement doit
être élevé en tout temps, car il faut
à la fois de la passion et du dynamisme pour traiter
avec les participants et comprendre les partenaires et leurs
rôles.
- Un esprit de collaboration, de flexibilité et de
compromis est essentiel..
- Il faut faire preuve d'une extrême patience pour
" maintenir le cap ". Le dialogue et l'apprentissage
continus sont des éléments précieux
de la réussite.
Collaboration avec les producteurs agricoles dans le cadre
du Plan nord-américain de gestion de la sauvagine (PNAGS)
Karla Guyn, biologiste, Programme de conservation, Canards
Illimités
Karla Guyn présente de l'information de base sur le
Plan nord-américain de gestion de la sauvagine (PNAGS).
La baisse reconnue de la population de sauvagine est à
l'origine du plan. Les États-Unis et le Canada ont
signé, en 1986, le PNAGS qui constitue l'initiative
de conservation de la faune axée sur la collaboration
la plus vaste jamais lancée sur le continent. Le plan
est unique parce qu'il reconnaît que les efforts de
conservation doivent dépasser les limites des terres
publiques consacrées aux ressources naturelles et viser
des écopaysages au complet, y compris des terres privées
et des terres communes. Le PNAGS a démontré
qu'il fallait protéger les habitats de la sauvagine
dans les Prairies et sur des terres privées. Depuis
1986, les partenaires subventionnaires ont contribué
plus de 1,4 milliard de dollars à la réalisation
de programmes de conservation sur plus de 2 millions d'hectares,
dont presque le quart se trouvent dans les Prairies canadiennes.
Il a fallu suivre une stratégie différente face
aux propriétaires privés. Le PNAGS reconnaît
que l'avenir de la sauvagine nord-américaine dépend
en fin de compte de l'intendance pratiquée sur les
terres privées.
Les programmes " Praires Core " ont constitué
un virage majeur dans la conservation de la sauvagine. Ils
étaient constitués principalement de pratiques
agricoles modifiées bénéfiques pour la
conservation à la fois des terres et de la faune. Les
défis étaient énormes : certains ont
même dit que les buts étaient inatteignables.
Deux autres programmes sont bien avancés, soit le
programme de clôture et d'abreuvement des animaux de
ferme dans la région de l'atlantique (Île-du-Prince-Édouard,
Nouveau-Brunswick et Nouvelle-Écosse) et le projet
d'amélioration de l'approvisionnement en eau du comté
de Norfolk, en Ontario.
Quant à la démarche axée sur l'écopaysage,
Mme Guyn signale que la production de récoltes annuelles
occupe 63 % des terres des Prairies, dont Canards Illimités
touche 1 % seulement.
Le grand défi demeure le but qui consiste à
réaliser les effets souhaités sur l'écopaysage.
Le blé d'hiver et le seigle d'automne sont les principales
cultures d'intérêt. Une superficie très
limitée des terres ensemencées au Canada produit
du blé d'hiver. Il est impératif que les producteurs
y voient un avantage financier pour participer au programme.
La chaire d'éco-agriculture de l'University of Saskatchewan,
les laboratoires Double Hophold, la Station de recherche du
FMN à Lethbridge et des entreprises partenaires ont
lancé des programmes.
Dans le contexte de son programme national, c'est-à-dire
le Programme d'encouragement à l'implantation de cultures
couvre-sol (PEICC), Canards Illimités propose que le
gouvernement fédéral élabore un programme
d'implantation de cultures couvre-sol qui encouragera financièrement
les propriétaires à remettre en état
un avantage protégé. On calcule qu'il en coûtera
environ 90 millions de dollars par année.
Pour réussir, il faut gagner la confiance, sensibiliser
davantage et cultiver la confiance en soi des partenaires.
Les contacts personnels sont la meilleure façon de
trouver un terrain d'entente. Une " stratégie
de couloir " ne convient pas-les partenaires doivent
" sortir des sentiers battus ". Il faut définir
des partenariats à divers niveaux et établir
des buts clairs.
Les partenariats d'intervenants pour réaliser la
conservation au sol : l'expérience de Cape Burnt, Terre-Neuve
Thea M. Silver, Directrice des relations extérieures
et gouvernementales, La Société canadienne pour
la conservation de la nature
Thea Silver aborde la question en mentionnant que les activités
de La Société canadienne pour la conservation
de la nature sont habituellement limitées aux terres
privées, mais que dans le cas de Cape Burnt, il s'agissait
de terres publiques qui ont été désignées
réserve écologique.
Cape Burnt, à Terre-Neuve, est une longue péninsule
de calcaire qui avance dans l'Atlantique Nord, à l'extrémité
de la péninsule Great Northern. Il s'agit d'un partenariat
avec le gouvernement de Terre-Neuve et les municipalités
locales. Le paysage est très varié, dominé
par les zones désertiques de calcaire. On y trouve
plus de 300 espèces de végétaux dont
35 sont rares, même à Terre-Neuve. À cause
de la ressource en calcaire, les activités d'extraction
menaçaient ce site écologique exceptionnel.
En 1994, des botanistes ont attiré l'attention de la
province sur le site qui a été désigné
terre publique en 1995 et est devenu réserve écologique
en 1997. Le projet a été réalisé
de 1997 à 2000.
Le processus de mise en uvre du projet visait principalement
à réaliser avec succès les activités
nécessaires pour élaborer un plan de gestion
et mobiliser les collectivités locales afin qu'elles
prennent en charge le projet, qui compte cinq grands éléments
constituants : inventaire botanique, remise en état
du site, inventaire de l'avifaune, formation de guides/interprètes
et promotion/communications.
Mme Guyn résume ainsi les facteurs critiques de la
réussite :
- il faut mobiliser la population dès le départ,
y compris les membres de la collectivité locale et
les professionnels;
- il faut assurer que les rôles et les responsabilités
sont définis clairement et que des ententes légales
sont rédigées et signées;
- il faut que les décisions clés soient gérées
sur la scène locale de façon à assurer
que le projet est accepté comme il se doit;
- il faut être prêt à faire " un
peu plus " afin de répondre dans la mesure du
possible aux besoins des partenaires;
- il faut créer des possibilités de gérer
indépendamment les attentes;
- il faut garder l'esprit ouvert;
- il faut en faire une grande expérience parce que
cela signifie tellement pour chacun.
Discussion
Des agriculteurs et des éleveurs surtout posent plusieurs
questions qui sont adressées au représentant
de Canards Illimités. Les sujets des questions varient
du repérage de marchés pour le blé d'hiver
et le seigle d'automne jusqu'à la biodiversité
des secteurs retirés de l'agriculture (et en particulier
les pâturages) et les répercussions qui en découlent
sur les prix des terres.
Partenariats II
Animatrice : Patricia McCunn-Miller, Vice-présidente,
TRNEE, et Directrice, Affaires environnementales et réglementaires,
PanCanadian Petroleum Limited
Approche à la satisfaction des parties vers un terrain
d'entente commun
Harvey Locke, agent de programme principal, Fondation
Kendall
Harvey Locke déclare qu'il veut parler aux participants
" de personnes, d'animaux sauvages et de lieux sauvages
". Il affirme qu'il est extrêmement urgent que
chacun fasse quelque chose pour protéger l'habitat
faunique. Signalant qu'au cours du XIXe siècle, on
a constaté des progrès sur les plans de la transformation
du paysage et de l'instauration de changements, il parle des
changements ultérieurs de l'environnement et de l'habitat.
Il illustre ses propos de façon plutôt spectaculaire
en projetant une série de photographies surimposées
illustrant la disparition de l'aire de distribution naturelle
de l'ours grizzly. Au début, cette aire couvrait un
vaste couloir qui s'étendait du Nord du Mexique jusqu'au
Nord du Canada et en Alaska. Aujourd'hui, cet habitat réduit
supporte une faible population d'ours à Yellowstone
et de minuscules " îlots " de spécimens
dispersés dans des secteurs très limités.
L'ours est maintenant disparu de la plupart de ses habitats
d'origine.
La situation actuelle constitue une crise non seulement parce
que l'habitat du grizzly a diminué, mais aussi parce
que le couloir où il se déplace a presque disparu.
Ce problème aura des répercussions sur d'autres
espèces aussi, et en particulier les carnivores. M.
Locke cite l'exemple d'un loup auquel on a fixé une
balise de repérage. On a découvert qu'à
lui seul, ce loup couvrait une aire de distribution naturelle
de 11 000 milles carrés. La disparition du couloir
de déplacement entraîne une grave perte de matériel
génétique, ce qui met des espèces davantage
en péril.
M. Locke parle du premier parc public naturel créé
à Yellowstone, suivi du Parc national de Banff. Il
aborde ensuite l'éventail des terres de conservation.
Il y a cinq catégories différentes de terres
préservées qui s'inscrivent dans une hiérarchie
d'espaces naturels. Les espaces sauvages primaires sont les
zones sauvages de réserve écologique. Les plus
visibles sont les parcs nationaux et provinciaux à
proximité desquels on peut trouver des aires de gestion
de la faune et des forêts gérées voisines.
M. Locke aborde ensuite " l'initiative de conservation
de Yellowstone au Yukon ", ainsi que la collaboration
dont il a fallu faire preuve pour la réaliser. Cette
initiative a débouché sur une stratégie
de conservation fondée sur l'écopaysage. Le
principe fondamental consiste à bâtir à
partir de la base (l'habitat actuel) pour passer ensuite au
couloir et dans les zones de transition de cet écopaysage
de conservation. Cette nouvelle démarche tient compte
des habitudes de déplacement des animaux sauvages qui
circulent du Nord vers le Sud en empruntant la vallée
naturelle que constitue ce couloir.
Le problème, c'est que le couloir est essentiellement
vierge dans le Nord tandis que les parcs du Sud sont très
utilisés. Le problème plus important, c'est
toutefois qu'il y a une rupture sérieuse dans le couloir,
au niveau de la frontière canado-américaine,
dans le secteur des parcs nationaux de Waterton et des Glaciers.
Cet obstacle aux déplacements entraîne une sérieuse
rupture du matériel génétique. Il existe
des aires d'habitat naturel qui ne sont toutefois pas reliées.
Cette rupture suit essentiellement un axe Est-Ouest.
M. Locke dresse la liste des facteurs qui ont contribué
à cette rupture. Il y a d'abord la route (Route 3),
ainsi que le développement et la croissance démographique
ininterrompus. Il y a en outre d'importantes parcelles de
terres privées et divers sites d'exploitation minière
à ciel ouvert. C'est néanmoins l'industrie forestière
qui a le plus d'impact sur ce couloir et les Industries Tembec
sont le plus gros propriétaire.
Les terres détenues par Tembec sont considérées
comme la principale parcelle et le moyen clé d'améliorer
l'écopaysage de ce couloir. Des environnementalistes
ont consacré la majeure partie de leurs efforts à
ces terres et à l'établissement d'un partenariat
avec Tembec. Les défis ont consisté à
trouver un moyen de répondre aux besoins commerciaux
de Tembec tout en évitant le lotissement. Le problème
sous-jacent, c'est qu'il faut réunir de l'argent pour
acheter des terres de Tembec (terres que cette société
n'a pas nécessairement envie de vendre).
Il y a deux façons de régler le problème
: " la grosse bataille ou les négociations ".
Les environnementalistes ont choisi le deuxième moyen
et ne ménagent pas leurs efforts depuis plus d'un an
et demi. De plus, lorsque les deux parties ont commencé
à discuter, il y avait deux styles possibles de négociation.
Elles pouvaient soumissionner et négocier, ou garder
leurs " cartes fermées ". On a choisi la
discussion franche et ouverte au cours de laquelle chaque
partie a énoncé son problème et ses besoins.
Cette façon de procéder a permis aux environnementalistes
de trouver un moyen de répondre aux besoins commerciaux
légitimes de Tembec, qui doit faire de l'argent et
exploiter ses scieries. Par ailleurs, ils ont convaincu Tembec
des besoins incontestables reliés à la conservation.
Les environnementalistes doivent organiser plus d'activités
du genre-cet effort repose sur l'intérêt, la
confiance, le respect mutuel, la force mutuelle, l'ouverture
et l'honnêteté, sans oublier la négociation.
M. Locke termine en exhortant tous les participants à
faire quelque chose. " Le Canada est dans une position
unique de pouvoir faire quelque chose d'exceptionnel dans
le monde ", déclare-t-il. Le monde est au cur
même du prochain stade de l'évolution, soit la
" sixième grande extinction " qui, elle,
sera causée par les êtres humains. Il insiste
sur le fait que dans l'histoire de la vie de la planète
qui a des millions d'années, cette " grande extinction
" est des milliers de fois plus grave que la normale-il
s'agit d'une crise d'extinction. Actuellement, plus de 70
espèces de vertébrés et 200 espèces
de végétaux sont sur le point de disparaître.
Une approche pragmatique
Jim Lopez, Vice-président, Gestion des ressources
forestières, Tembec Inc.
Jim Lopez présente un bref profil de l'entreprise
et décrit Tembec comme un producteur canadien intégré
de premier plan de produits forestiers qui emploie plus de
9 000 personnes et vend ses produits dans plus de 50 pays.
Il montre une copie de l'énoncé de mission
de l'entreprise et indique que cette mission est axée
sur la promesse de travailler " tout en préservant
l'environnement et en créant un climat social, culturel
et économique bénéfique pour la région
et sa population, ses employés et ses actionnaires
". Il subdivise l'énoncé en ses éléments,
en parle et fait comprendre aux délégués
qu'il s'agit non pas de belles paroles de l'entreprise, mais
d'un engagement réel.
M. Lopez passe ensuite aux obstacles inhérents à
la relation traditionnelle entre l'industrie et les organisations
environnementales non gouvernementales (OENG). Même
s'il parle des obstacles historiques, il prévient que
les positions traditionnelles des deux parties et leurs belles
paroles donnent l'impression que l'écart entre elles
est plus vaste qu'il ne l'est en réalité. Un
des problèmes se trouve au cur même de
l'industrie : il a été difficile de dégager
un consensus sur des positions progressistes au sujet de l'économie
et de l'environnement. La grande méfiance entre les
ONG et l'industrie a exacerbé la situation.
La méfiance à l'égard du gouvernement
est un point qu'ont un commun l'industrie et les OENG. Selon
leur point de vue, elles croient que le gouvernement est "
trop à gauche " ou " trop à droite
". Le gouvernement a commencé à réaliser
qu'il doit " occuper le centre ". Les deux parties
pensent aussi que les gouvernements ont toujours senti le
besoin de contrôler le processus et les résultats.
Exacerbée par les limites imposées aux ressources
naturelles, cette attitude pousse les deux parties à
défendre leurs acquis et chercher à en obtenir
d'autres.
Le processus " des terres pour la vie " a abaissé
un grand nombre de ces obstacles. Ce point tournant pour la
stratégie environnementale de Tembec a aidé
l'entreprise à passer de la confrontation à
la collaboration. Tembec a ensuite pris un risque et l'exercice
a aidé à faire disparaître de vieilles
perceptions et à dégager de nouvelles ententes.
Cette nouvelle façon de collaborer a montré
que l'industrie et les OENG peuvent aller de l'avant ensemble
et trouver des solutions gagnantes pour les deux parties.
Au cours de ce processus, Tembec a aussi appris quelque chose
au sujet des besoins sociaux. L'entreprise avait toujours
cru qu'elle pratiquait de bonnes méthodes d'exploitation
forestière, mais elle a appris que la société
attend davantage. Elle reconnaît que la société
souhaite établir un équilibre entre la protection
de l'environnement et le développement industriel.
Le défi pour Tembec consiste à protéger
les valeurs des actionnaires (par un rendement financier)
et à protéger aussi les collectivités
qui sont tributaires des ressources.
Tembec a dû changer d'attitude comme entreprise. La
leçon la plus importante qu'elle a apprise, c'est que
les solutions passent tout d'abord par un dialogue ouvert,
honnête et direct entre les décideurs. Lorsqu'elles
conjuguent leurs efforts, les OENG et l'industrie peuvent
découvrir qu'elles ont beaucoup plus en commun qu'elles
ne le pensent.
M. Lopez déclare qu'on l'avait convaincu que les solutions
doivent viser avant tout à protéger les valeurs
des actionnaires, étant donné qu'il peut être
difficile (voire impossible) pour des groupes de parvenir
à un consensus total. Une des leçons que Tembec
a apprises, c'est que les gouvernements doivent être
prêts à céder une partie du contrôle
sur le processus. Il faut aussi que quelqu'un soit prêt
à prendre des risques.
Il décrit certaines des étapes de la collaboration
qui vise à trouver des solutions gagnantes pour toutes
les parties. Tout d'abord, les défenseurs de l'environnement
et l'utilisateur de la ressource (l'industrie) doivent définir
et comprendre les valeurs que chaque partie souhaite protéger.
Il faut ensuite élaborer une proposition qui protège
les valeurs écologiques tout en réduisant au
minimum l'impact sur les valeurs de l'utilisateur de la ressource.
M. Lopez signale qu'il y a parfois des terres qui ont peu
de valeur pour l'industrie forestière et auxquelles
des groupes écologiques attachent une valeur écologique.
L'industrie ne l'aurait jamais su si elle n'avait pas pris
le temps d'en discuter avec les groupes écologiques.
L'étape suivante du processus consiste à "
définir les lacunes ". Il peut s'agir des valeurs
écologiques qui ne sont pas atteintes, ou d'impacts
négatifs sur l'utilisateur de la ressource. La négociation
pourrait déboucher sur des mesures d'atténuation
à l'appui de l'utilisateur de la ressource. M. Lopez
conclut en faisant remarquer que ces efforts ne serviront
à rien si l'on n'établit pas de processus à
plus long terme pour protéger la valeur écologique.
Au sujet de l'assemblée annuelle des actionnaires
de Tembec et de la " déclaration conjointe sur
l'intendance des forêts " qui a suivi, il signale
qu'il s'agit d'une stratégie à deux volets qui
vise avant tout les forêts bien gérées
dans des zones protégées représentatives
sur le plan écologique. On veut obtenir la certification
FSC, ce qui signifie qu'on a atteint des normes internationales
indépendantes qui établissent un équilibre
entre les enjeux économiques, sociaux et environnementaux.
La population ne fait confiance ni à l'industrie ni
au gouvernement pour ce qui est de gérer comme il se
doit les ressources publiques. La certification du FSC accorde
à Tembec une certification et la reconnaissance d'une
tierce partie comme gardien responsable de la ressource.
" Le monde est dynamique et non statique, et il évoluera
constamment ", conclut M. Lopez. Le changement environnemental
est une adaptation naturelle aux répercussions des
nouvelles connaissances scientifiques, du développement
économique et de la consommation.
Collaborer pour assurer la durabilité de la forêt
boréale du Canada
Stewart Elgie, Directeur exécutif, Canadian Boreal
Trust (CBT)
Stewart Elgie explique le rôle du Canadian Boreal Trust
(CBT), qui est d'aider à maintenir la santé
de la forêt boréale du Canada, ainsi que celle
des écosystèmes et des collectivités
qui en sont tributaires. Le CBT est une nouvelle fondation
canadienne actuellement sous l'égide de Canards Illimités,
qui lui fournit des bureaux et du soutien administratif. Le
CBT a deux rôles fondamentaux : à titre d'organisme
subventionnaire, fournir de l'argent à des organisations
qui uvrent pour assurer la durabilité de la forêt
boréale (plus de 1,5 million de dollars cette année)
et comme partenaire stratégique, aider à créer
des compétences et faire fonction de convocateur. Le
CBT " n'est pas une fondation passive : c'est plutôt
un partenaire actif à la recherche de possibilités
sur le terrain ".
M. Elgie passe ensuite à l'importance de la forêt
boréale du Canada. Signalant qu'un sondage indique
que la plupart des gens ne savent pas ce qu'est la forêt
boréale, il explique qu'elle couvre 53 % de la superficie
du Canada, d'un océan à l'autre, et qu'elle
demeure en grande partie intacte. À l'échelle
planétaire, la forêt boréale du Canada
offre une importante possibilité de conservation. Il
déclare qu'il ne reste que 20 % des forêts frontalières
dans le monde-dont le quart se trouve au Canada.
Pourquoi conserver la forêt boréale- On croit
habituellement que la forêt boréale est constituée
seulement de " marécages, d'arbres chétifs
et de moustiques ". On y trouve toutefois une grande
partie de la végétation naturelle originale
et une grande variété d'arbres. C'est l'habitat
d'un vaste éventail d'espèces fauniques où
le système prédateur/proie demeure intact et
sain. La forêt boréale est le lieu de nidification
de 40 % de la sauvagine du continent. C'est un habitat pour
les oiseaux migrateurs et les oiseaux chantants, et c'est
là que plus de 139 espèces d'oiseaux se reproduisent
principalement. Les oiseaux migrateurs " néotropicaux
" utilisent la forêt boréale comme lieu
d'hébergement saisonnier.
M. Elgie signale aussi la valeur des terres et des eaux boréales.
La forêt boréale contient les eaux d'amont de
la plupart des cours d'eau du Canada et elle constitue "
le plus important nettoyeur, purificateur et filtre d'eau
de la nature ". La forêt boréale fait aussi
fonction de purificateur d'air, car elle constitue le plus
important puits de carbone terrestre sur la planète
et ce carbone est filtré en grande partie dans le sol,
et en particulier le sol de tourbe; c'est extrêmement
important, compte tenu des changements climatiques mondiaux.
Enfin, plus d'un million de Canadiens vivent dans la forêt
boréale.
On reconnaît de plus en plus la forêt boréale.
Les Canadiens y attachent de la valeur, même s'ils n'en
connaissent pas le nom. La majeure partie de la forêt
boréale comprend " la forêt frontalière
originale assez vaste pour maintenir toute la biodiversité
indigène ". L'Institut des ressources mondiales
(mars 1997) et le Sénat du Canada, dans un rapport
de juin 1999, souhaitent vivement que l'on agisse rapidement
pour conserver la forêt boréale. Dans le Rapport
sur les forêts du monde (août 2000), le Programme
des Nations Unies pour l'environnement reconnaît que
le Canada contient la deuxième forêt à
couvert fermé en importance au monde, forêt qui
est principalement boréale. Le même rapport signale
que le Canada est le pays le plus important du G7 pour ce
qui est de la conservation des forêts.
En ce qui concerne la façon d'assurer la durabilité
de la forêt boréale, M. Elgie présente
quelques suggestions. Il propose de voir grand (" d'un
océan à l'autre à l'autre ") et
différemment. Il prévient toutefois que les
décisions doivent se prendre à l'échelle
régionale. Il ne s'agit pas simplement d'une question
environnementale-la protection des forêts et de la nature
est sensée sur le plan économique. Les régions
sauvages du Canada sont un élément de son identité
et en constituent la " marque " à l'échelle
planétaire.
Signalant qu'il faudrait planifier efficacement l'utilisation
des terres en se fondant sur la participation et en mobilisant
tous les intervenants, il ajoute qu'une bonne planification
passe par une bonne information. La planification doit en
outre précéder les approbations reliées
au développement. Il incite les participants à
se mettre à l'uvre parce que " le créneau
se referme ". Il affirme que s'il n'y a pas de consensus,
le gouvernement doit être prêt à prendre
des décisions. Il met en outre les groupes environnementaux
au défi de changer d'attitude et " d'intervenir
dans les collectivités et de se salir les mains ".
Discussion
Un participant laisse entendre que la politique gouvernementale
des années 80 ressemble à celle des années
20, à l'origine de la Grande Crise. Comment peut-on
faire quoi que ce soit maintenant, compte tenu de la réalité
économique de l'heure?
Une autre participante signale que la conférence a
attiré peu de jeunes et demande comment les jeunes
pourraient s'impliquer davantage. M. Locke répond qu'ils
sont très conscients, mais qu'ils ne sont pas très
motivés. Elle réplique que la solution passe
par l'éducation et laisse entendre qu'il y a beaucoup
de professeurs à la retraite disponibles, comme elle,
qui pourraient faire le travail.
Clôture
Stuart Smith, Président, TRNEE
M. Stuart Smith commence par remercier sincèrement
le personnel qui n'a pas ménagé ses efforts
pour que l'événement ait lieu. Il décrit
la conférence comme une réunion " étonnante
"-la plus importante jamais tenue, la plus diversifiée
et celle qui fait le plus autorité sur la conservation.
Il se dit très heureux de voir les nouveaux contacts
et les nouveaux partenariats en train de s'établir
et il encourage les participants à poursuivre ces entretiens.
M. Smith affirme de nouveau que la conférence guidera
la TRNEE et que les membres du groupe de travail se baseront
sur ce qu'ils y ont appris pour produire leur rapport, ce
qu'ils feront bientôt, car le Premier ministre attend
le rapport et les orientations qu'il contiendra. Il ajoute
que le Premier ministre a déclaré publiquement
son engagement envers l'environnement et l'économie,
et qu'il a nommé personnellement chaque membre de la
TRNEE.
M. Smith se dit certain que les terres publiques et privées
contribueront considérablement aux buts du développement
durable. La TRNEE est d'avis que le Canada devrait réserver
des terres et compléter le réseau des parcs
nationaux. Le groupe de travail a toutefois entendu aussi
l'affirmation collective selon laquelle le Canada devrait
réserver des sites marins en plus des terres. En fin
de compte, il doit y avoir chevauchement de terres publiques
et privées si l'on veut créer des zones tampons,
des réseaux et des couloirs. De plus, des conférenciers
ont suggéré de retirer des terres marginales
de la production et de les réserver tout en protégeant
le gagne-pain des agriculteurs.
La TRNEE a entendu répéter à maintes
reprises les messages importantes sur les partenariats, déclare
M. Smith. Il comprend que l'on pense qu'il faut tout ramener
à l'échelle locale-y compris les collectivités
locales, les Premières nations, les Métis et
les Inuits. " Ce sont les populations locales qui seront
les gardiens de ce que vous voulez préserver et sans
leur participation, il ne se passera rien ", insiste-t-il.
La Table ronde a appris qu'il faut négocier des buts
qui doivent reposer sur la science. Il faut commencer par
quelque chose qui est " réel et dont tous les
intéressés reconnaissent la signification ".
Il affirme que la vieille façon de dégager
des consensus ne porte pas fruit-on a " cherché
à cacher des fissures par de belles paroles ",
et c'est pourquoi on n'a obtenu aucun résultat. La
TRNEE a entendu répéter à maintes reprises
qu'il faut changer le style de négociation pour remplacer
la confrontation par la concertation (ce qui inclut s'entendre
sur les divergences de vues). Les membres de la Table ronde
ont en outre appris que les divergences doivent être
très précises afin d'éviter que les groupes
finissent par se disputer pour des choses sans importance
et qu'ils puissent se " mettre immédiatement à
la tâche ", ce qui rapproche habituellement les
gens et aboutit à une entente raisonnable.
En terminant, il signale que les membres ont appris qu'il
est acceptable de ne pas s'entendre sur tout. Il en découle
en bout de ligne une honnêteté et une confiance
plus grandes. La TRNEE recherche une conservation qui donne
des résultats et repose sur des partenariats fondés
sur l'honnêteté et le respect mutuel. Il termine
en remerciant tous les participants de deux journées
fructueuses et en signalant que la Table ronde a maintenant
des idées avec lesquelles elle peut travailler.
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