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La conservation : ça fonctionne !
Pour la nature, pour les communautés
et pour l'économie

ACTES

de la Table ronde nationale
sur l'environnement et l'économie (TRNEE)
et de la Table ronde Manitobaine sur le développement durable (TRMDD)
Les 7 et 8 novembre 2001 - Winnipeg (Manitoba) Canada

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Le 7 novembre 2001

Mot et cérémonie d'ouverture

Coprésidents de la conférence :
Terry Duguid, Président, Programme de la conservation du patrimoine naturel de la TRNEE

Jack Dubois, Vice-président, Table ronde manitobaine sur le développement durable

Terry Duguid souhaite la bienvenue aux participants dont il signale la diversité car ils représentent le secteur privé, les gouvernements fédéral et provinciaux, des administrations municipales, des Premières nations, des groupes de conservation et des groupes communautaires.

M. Duguid insiste sur la nécessité d'établir des partenariats qui encouragent l'intendance du patrimoine naturel du Canada non seulement sur les terres publiques, mais aussi sur les terres privées. Il explique qu'à la suite de la conférence, on produira un rapport et présentera des recommandations au Premier ministre. Ces interventions visent à mobiliser la population canadienne dans le contexte d'une nouvelle vision de la conservation des terres et des eaux du pays.

Sage Velma Orvis, Première nation Peguis

Velma Orvis, sage du Centre autochtone de ressources environnementales, dirige une cérémonie d'ouverture et une prière.

Accueil

L'honorable Gary Doer, Premier ministre du Manitoba

Le Premier ministre Gary Doer souligne le vif intérêt suscité par la conférence. Il déclare que cet intérêt montre " qu'en période de défi, et compte tenu des préoccupations à court terme soulevées par l'économie, la conservation de toutes nos ressources et la protection de notre mère la Terre préoccupent beaucoup d'entre vous à titre de dirigeants et de membres de votre collectivité ". Cet intérêt témoigne d'un engagement à adopter une optique à long terme face à l'avenir et à prendre des décisions durables.
M. Gary Doer déclare que son gouvernement a essayé de modifier certaines attitudes des ministères, même si ces efforts se sont butés à une certaine opposition. Le gouvernement a fusionné le ministère des Ressources naturelles et celui de l'Environnement pour en créer un seul-le ministère de la Conservation.

Auparavant, un ministère accordait des ressources à une entreprise tandis qu'un autre faisait fonction d'arbitre et déterminait si les ressources en question étaient trop abondantes ou trop maigres. On veut maintenant déterminer la disponibilité ou la non-disponibilité des ressources à des fins de gestion et de conservation dès le premier stade de la prise des décisions au gouvernement. Son gouvernement vise avant tout à instaurer une culture de conservation chez tous les gestionnaires de ressources de tous les ministères.

M. Doer remercie Terry Duguid et l'ancien ministre fédéral des Affaires étrangères, Lloyd Axworthy, des efforts consacrés au rapport sur les changements climatiques au Manitoba. Il signale qu'il y a de sérieux défis à relever dans ce domaine. Il formule d'autres commentaires sur les idées exceptionnelles présentées par les jeunes du Manitoba-des collectivités des Premières nations, de Winnipeg et d'ailleurs.

Les changements climatiques vont obliger la société à modifier sa façon de faire, déclare M. Doer, et notamment les pratiques d'agriculture et de gestion de l'eau. Il signale que la province doit gérer son eau le printemps et faire face aux inondations l'été. " Le Manitoba draine plus de 25 % de l'eau de l'Amérique du Nord par les cours d'eau qui se déversent dans la baie d'Hudson ", déclare-t-il, en ajoutant qu'une des façons d'aborder la gestion de l'eau consistera à la stocker de façon à pouvoir l'utiliser au besoin. Sans compter qu'elle alimentera les récoltes, cette eau permettra aussi de produire différentes cultures.

" Que faut-il faire pour faire une différence- ", demande M. Doer. Il promet que le Manitoba ne laissera pas le rapport " dormir sur les tablettes "-le gouvernement cherchera des solutions de rechange, y compris d'autres stratégies agricoles et des possibilités de culture organique. Le Manitoba a déjà créé, au ministère de l'Agriculture, des postes dont les titulaires devront étudier ces solutions possibles, qui comprennent la mise au point d'autres produits nutraceutiques et de produits alimentaires plus sains. Le système de santé du Canada profitera aussi de ces progrès. On a annoncé la semaine dernière que l'Université du Manitoba hébergera le premier Centre national pour les aliments fonctionnels et les nutraceutiques, en partenariat avec le gouvernement fédéral. Les consommateurs et secteur de l'agriculture en profiteront.

Le Premier ministre parle de l'engagement qu'a pris la province de réduire les émissions et signale que Winnipeg a acheté 10 nouveaux autobus fonctionnant au combustible diesel et à l'éthanol, ce qui réduira de 50 % les taux de polluants atmosphériques. Le Manitoba a la chance d'avoir de l'hydroélectricité, qui rejette moins d'émissions que l'électricité produite au moyen du charbon. À elles seules, les exportations d'hydroélectricité du Manitoba au Minnesota réduisent de 10 millions de tonnes par année le volume des particules du gaz carbonique rejetés dans l'atmosphère.

Le Manitoba doit collaborer davantage avec les Premières nations pour mettre en valeur cette ressource précieuse. Ce qui ne s'est pas fait au cours des années 70 et il reste toujours des problèmes d'inondation à régler. Il insiste sur le fait que le Manitoba ne construira pas d'autres barrages hydroélectriques tant qu'on n'aura pas conclu d'accords complets de gestion et de conservation avec les collectivités des Premières nations voisines des aménagements futurs ou qui en ressentiront les répercussions. Contrairement à ce qui se passait auparavant, ces ententes doivent être en vigueur longtemps avant le début de travaux de construction-cette façon de procéder repose beaucoup plus sur la collaboration et est beaucoup plus viable.

Il insiste sur l'engagement pris par le Manitoba à l'égard de l'Accord de Kyoto, du Protocole de Kyoto et des objectifs de Kyoto. Il signale que même si " le problème réside dans les détails de la négociation du texte ", le Manitoba appuie le Protocole de Kyoto. Le Canada ne peut se contenter de demeurer sur le côté en laissant les États-Unis parler en son nom, ajoute-t-il.
Au sujet des événements positifs reliés à l'édification des industries environnementales, il mentionne une nouvelle usine de lin et de paille de blé dont on a annoncé récemment la création à Carman. Le brûlage de la paille a des répercussions sur l'atmosphère et cette usine transformera la paille en panneaux de construction.

Le gouvernement doit redoubler d'efforts pour conclure des ententes dès le départ, déclare M. Doer. En présence d'intérêts divergents face à l'utilisation des ressources, le gouvernement doit élaborer des stratégies de conservation à long terme fondées sur le consensus au lieu de laisser s'implanter une dichotomie de type " un seul gagnant ".

Le gouvernement du Manitoba a investi des fonds publics dans les eaux souterraines et l'aquifère (avant Walkerton); la province a un programme de surveillance continue des puits privés. Elle a en outre adopté une mesure législative pour interdire les exportations d'eau en vrac. Le maintien de la pureté des bassins hydrographiques et leur protection contre les contaminants biologiques provenant d'autres bassins hydrographiques sont devenus une priorité réelle pour le gouvernement du Manitoba. Le problème a été mis en évidence par le désir du Dakota du Nord de détourner de l'eau du lac Devil vers le bassin de la rivière Rouge.
M. Doer termine son intervention en parlant du potentiel " bénéfique à tous " qu'offre le tourisme. Le Manitoba a fixé un objectif de 12 % dans le cas des parcs naturels et s'est engagé à en créer partout dans la province et non seulement dans le Nord. Il ajoute que la croissance du tourisme n'est pas limitée à la chasse et à la pêche. L'écotourisme offre les possibilités réelles; la province établira des subventions à l'intention d'entreprises écotouristiques. On mettra en outre l'accent sur la formation des travailleurs autochtones dans ce domaine.

Introduction

David McGuinty, Président-directeur général, TRNEE

David McGuinty souhaite aux délégués la bienvenue à " une des plus importantes conférences sur la conservation organisée au Canada depuis deux ou trois décennies ". Il explique que la conférence émane du " défi que posent l'intégration de notre système économique à notre environnement naturel et, par conséquent, l'amélioration de la qualité de vie de la population canadienne ".

Il définit le mandat, la structure et l'historique de la TRNEE, mise sur pied comme conseil consultatif du Premier ministre sur l'environnement et l'économie en 1994 et qui est maintenant une entité fédérale indépendante. Constituée de 25 membres provenant d'un vaste éventail de secteurs et de disciplines d'un bout à l'autre du Canada, la TRNEE formule des recommandations sur des façons de marier les considérations environnementales, économiques et sociales. Bref, " nous nous occupons de gestion du changement " dit-il.

M. McGuinty présente une brève liste des enjeux et des programmes qui ont occupé la TRNEE au cours des 10 dernières années, entre autres les : collectivités autochtones et la mise en valeur des ressources non renouvelables; l'environnement et l'économie; l'écoefficience; l'écologisation de la fiscalité; la cogestion des ressources océaniques et les indicateurs nationaux de durabilité de l'environnement. La TRNEE a organisé récemment un forum national sur les changements climatiques, lancé une initiative sur les villes durables et terminé des travaux sur les régimes d'échanges nationaux des droits d'émission. Un grand nombre des recommandations issues de ces programmes ont servi de base au mémoire sur l'" écologisation de la fiscalité " présenté au ministre des Finances.

La TRNEE a cherché avant tout à dépasser l'horizon stratégique actuel pour aborder des enjeux à long terme. Des représentants de la Table ont parcourru le Canada pour s'entretenir avec la population canadienne. Le but de la TRNEE est d'intégrer les " pôles contraires ", soit l'environnement et l'économie, tout en tenant compte des préoccupations sociales, ce qui constituera le point de convergence des travaux de la conférence.

M. McGuinty insiste sur le fait que, même s'il y a des intérêts divergents, les terrains d'entente sont nombreux aussi. Il prévoit que les idées que les représentants des secteurs de l'exploitation minière, de l'élevage, de la conservation, des sciences, ceux des secteurs publics et les dirigeants communautaires présents mettront en commun au cours de la conférence permettront d'étendre ce terrain d'entente. Même si le but qui consiste à protéger le patrimoine naturel du Canada est " à la fois noble et nécessaire ", la conférence porte aussi sur les obstacles systémiques. Il prévient les participants qu'ils devront en fin de compte faire des compromis conscients.

" Nous devons bien faire notre travail, car l'enjeu est énorme " dit-il. L'ordre de grandeur même des ressources naturelles incomparables du Canada " nous impose les responsabilités de l'intendance "-responsabilité que les Canadiens acceptent de bon cœur. Les lieux sauvages et la faune sont un élément essentiel de l'identité du Canada.

" Le maintien du statu quo " ne suffira pas, déclare M. McGuinty. " Nous sous-évaluons et surtaxons actuellement les écosystèmes d'où proviennent la terre, l'air sain et l'eau potable dont toute vie est tributaire ". Si l'on veut que les plans de conservation portent fruit, ils doivent aussi tenir compte des besoins économiques et sociaux des collectivités voisines.

Il ne suffira pas de réserver 12 % de la superficie du Canada dans un réseau de parcs pour préserver la biodiversité du pays, souligne-t-il, ajoutant que " des îlots de conservation dans un océan d'activités destructrices risquent de devenir des îlots d'extinction ". Le Canada doit implanter des zones tampons d'utilisation de faible intensité autour de ces zones protégées et des terres qui les relient. Il faudra à cette fin obtenir la collaboration des groupes autochtones, des propriétaires fonciers, des entreprises, des collectivités et des gouvernements.

Il est en outre essentiel de tenir compte des Canadiens à qui " la nature fournit un moyen de subsistance ". Il faut trouver des solutions pour protéger leurs moyens de subsistance.

M. McGuinty exhorte les participants à considérer la nature comme un " capital naturel " et à ne pas oublier que l'on prélève une ponction sur ce capital chaque fois qu'on " abat un arbre, laboure un sillon ou utilise de l'eau pour produire de l'électricité ". " La dégradation de l'environnement, c'est du financement par le déficit ", sans compter qu'elle épuise les réserves de capital naturel du Canada. La nature a déposé ce capital il y a plus de 100 millions d'années-et il est possible de le dépenser, mais non de le créer.
Il faut intégrer tous les éléments de ce paysage dans cette vision de la durabilité de l'environnement. Il y a trois grandes catégories : les régions sauvages intactes, les écopaysages actifs (où il se déroule des activités industrielles et agricoles) et les secteurs résidentiels urbains. Le défi consiste à protéger tous les intérêts pendant la transition vers la durabilité.

M. McGuinty termine en affirmant qu'il s'attend à ce qu'à la fin de la conférence, le " terrain d'entente que nous cherchons " devienne un peu plus vaste avec l'aide de tous les intervenants.

Discours principal : Au-delà de la beauté-la passion de nos terres et de la vie

Roberta Bondar

Neurologue et chercheuse, Roberta Bondar a été la première astronaute canadienne à s'envoler dans l'espace. Elle explique qu'elle a des antécédents non seulement en science, en médecine et dans le domaine aérospatial, mais aussi en environnementalisme et en écologie. Elle parle de l'importance de trouver un terrain d'entente, mais elle admet qu'il n'y a pas de solution pour le moment. " Nous faisons partie de l'histoire " et nous essayons de faire ce que des humains n'ont jamais réussi auparavant. Elle fixe les débuts de la nouvelle ère non pas au premier jour du nouveau millénaire, mais aux événements du 11 septembre, lorsque " le monde a vraiment changé ". Depuis, chacun pense à ce qu'il fait, à l'avenir du pays et du monde. " Je n'ai pas de solution à proposer ", dit-elle, mais elle parle de la présence " d'une passion commune pour la vie, pour l'identité, pour le dévouement et l'engagement ".
Mme Bondar encourage les participants à considérer la salle comme " un seul gros organisme " qui a une puissance mentale assez forte pour régler beaucoup de problèmes. La salle, dit-elle, ressemble à une navette spatiale contenant sept passagers reliés au monde extérieur. Tout comme les sept passagers en question et le monde extérieur pourraient, collectivement, trouver des solutions, l'assistance présente dans la salle pourrait le faire aussi.
Le Canada peut offrir un lieu sûr aux ressources tant naturelles qu'humaines, déclare Mme Bondar. " Si nous ne pouvons le faire avec toutes les ressources dont dispose le Canada, qui le pourra- " Elle parle de l'importance de la vision sans laquelle on ne peut rien faire en réalité. Formuler une vision commune, c'est toutefois une tâche qui nous obligera à changer notre vision personnelle pour trouver des points communs avec quelqu'un d'autre, ou à faire changer d'attitude l'autre partie. Comme elle soupçonne que l'auditoire regroupe des personnalités " de type A ", elle insiste sur le fait qu'il faut reconnaître à la fois le moment où il faut diriger et celui où il faut suivre.

Mme Bondar présente ensuite quelques photographies prises de l'espace et qui offrent une perspective différente de l'histoire et de l'évolution. Au sujet du programme spatial du Canada, elle signale que les Canadiens sont reconnus non seulement pour leurs activités d'édification et de maintien de la paix, mais aussi pour leur bras spatial Canadarm. Cette technologie " nous a aidés ici aujourd'hui " en nous permettant de voir le monde de l'espace.
Tout comme les astronautes qui se retrouvent dans l'environnement confiné d'une navette doivent vivre dans les limites de ce qui leur est fourni, les habitants de la terre doivent eux aussi réaliser que la planète a ses limites. Elle mentionne les répercussions que produit le lancement d'une navette, qui vont des oiseaux déplacés jusqu'aux trous que la navette perfore dans l'ozone. La NASA a dû se pencher sur ces questions : elle voulait lancer des astronautes dans l'espace, mais elle a aussi dû tenir compte des répercussions imposées au refuge faunique où se trouve l'aire de lancement de la navette. À cause de sa technologie, du dynamisme et de la curiosité de ses ressources humaines, la NASA fait les choses différemment.

Les huit minutes et demie qu'il faut pour parvenir dans l'espace constituent " toute une balade ", déclare-t-elle. Comme il en coûte 13 millions de dollars, " il est préférable d'en tirer quelque chose ". Il faut plus que simplement des expériences : il faut une vision. Elle affirme croire à la recherche spatiale et à sa capacité de nous apprendre des choses au sujet de systèmes modifiés et de nous montrer que nous pouvons agir différemment si nous demeurons ouverts aux idées nouvelles.

Mme Bondar insiste ensuite sur l'importance de la flexibilité dans la recherche de solutions. Il y a des choses plus importantes que dire tout ce que l'on a fait de beau pour l'environnement, soit la capacité d'écouter et d'entendre et la capacité d'utiliser ces connaissances pour changer. Dans l'espace, il est possible de se perdre dans l'enceinte très restreinte de la navette simplement à cause des orientations différentes où l'on peut se retrouver. Il importe toutefois de profiter de ces moments pour apprendre à voir et à faire différemment. Personne ne sait s'il y aura répétition des événements du 11 septembre, mais il importe de parler de ce qu'il faut pour survivre sur la planète. En soulignant qu'elle n'a pas les compétences spécialisées nécessaires pour parler des changements législatifs ou commerciaux qui s'imposent, elle s'attarde aux changements d'attitude nécessaires.

Ce que les êtres humains ont jamais vu de plus gros, c'est la planète. Projetant la première photo de la Terre prise de l'espace, elle parle du rôle que cette photo joue dans la mobilisation des mouvements de conservation et de l'environnement. Cette photo diffère des images modernes prises par satellite, parce qu'elle a été prise par une personne. Elle parle du " sentiment de peur et des frissons " que l'on ressent dans la navette lorsqu'on tourne le dos à la Terre pour regarder dans le noir de l'espace. Les étoiles sont assez nombreuses pour dissiper l'égocentrisme qui refuse d'accepter la possibilité de l'existence d'extra-terrestres. Mme Bondar décrit les tendances qui prennent de l'importance dans cette optique-comme l'apparence des dunes de sable et de l'eau à partir de l'espace-tendances qui illustrent " ce qu'il est possible de voir d'un point de vue différent ".

Elle montre une photographie d'un pays insulaire qui était entièrement boisé il y a 200 ans et qui est maintenant complètement déboisé. Elle affirme qu'on a besoin de visionnaires qui peuvent définir des buts à long terme afin d'établir un équilibre avec les buts à court terme, ainsi qu'entre les besoins d'aujourd'hui et ceux de demain. Elle utilise l'exemple du dernier pommier : faut-il manger la pomme, abattre l'arbre pour se chauffer ou planter le pépin?

Elle présente ensuite des photos de l'île Vancouver, des Rocheuses, de Terre-Neuve et de la péninsule du Labrador, ainsi que des Grands Lacs, vus de l'espace. À 300 km de la Terre, il n'y a à peu près rien qui différencie le mont Everest des autres montagnes. Il s'agit d'une " façon entièrement différente de voir ". Elle présente aussi des photos de la Lune, qui porte déjà des " empreintes humaines ". Ce que le monde cherche maintenant, c'est un moyen de minimiser cette empreinte humaine, qui sera toujours là, de façon à ce qu'elle n'ait pas d'effet sur les générations à venir.

Mme Bondar insiste auprès des participants sur l'importance de ne pas se contenter d'accepter ce que d'autres ont à dire ou ce que nous pensons nous-mêmes savoir. Elle parle des choses précieuses de la Terre et du besoin de prendre " de plus en plus de recul " pour discerner les tendances de la vie. Les colonies de lichen peuvent vivre des centaines, voire des milliers d'années parce qu'elles ont appris à faire preuve d'" intelligence ". Comme elles, les êtres humains peuvent aussi apprendre à survivre. Même si la vie sur Terre n'est pas éternelle (dans des générations, le soleil finira par engloutir la planète), notre vision d'aujourd'hui déterminera jusqu'où nous irons demain.

Au sujet du besoin humain d'endroits paisibles et d'air et d'eau propres, Mme Bondar affirme que la plupart des Canadiens " ne savent pas ce que nous avons ". Sans la vision de certains Canadiens, le Canada n'aurait pas de sites du patrimoine mondial comme le parc national Nahanni. Même si elle reconnaît que la création de parcs nationaux ne constitue pas une solution complète, elle insiste sur le fait qu'on a besoin d'autres visions de cette nature chez les Canadiens.

L'importance des connexions

Reed Noss, Président sortant, Society for Conservation Biology

Reed Noss commence par une brève rétrospective de l'histoire de la planification de la conservation en Amérique du Nord et démontre comment les diverses démarches commencent à évoluer en une approche scientifique intégrée qui vise à préserver les richesses de la vie sur le continent.

Le vieil adage selon lequel " ceux qui oublient les leçons de l'histoire sont voués à les répéter " s'applique extraordinairement bien à la conservation. Dans le monde occidental, la conservation a commencé par la protection d'espèces favorites à l'époque biblique, lorsque Moïse a décrété qu'il ne fallait pas tuer d'oiseaux en incubation. La première loi sur la conservation en Amérique du Nord remonte à 1639; elle limitait la saison de la chasse du cerf de Virginie. Ces premiers exemples reposaient sur des idées claires au sujet des " bons " et des " mauvais " animaux. La protection de certaines espèces a néanmoins connu quelques succès au début.
La protection des terres remonte à 1872, soit à l'établissement de Yellowstone, le premier parc national au monde. Cette décision visait toutefois non pas à conserver, mais à créer un monument aux merveilles panoramiques de la nature pour le tourisme et le développement économique. Au Canada aussi, on a commencé à créer des parcs nationaux en 1885, conformément au principe directeur qui consistait à prévoir de l'espace pour les loisirs et le tourisme. Comme la conservation ne constituait pas l'objectif de cette décision, la collection de zones protégées qui en a découlé ne reflétait pas la diversité naturelle du continent. En fait, certaines régions les plus riches sur le plan de la biodiversité n'ont pas été protégées. Même si l'on a reconnu très tôt que les forêts du monde étaient surexploitées, on n'a pas fait grand chose, sauf établir, au milieu du 18e siècle, des réserves forestières tropicales.
Même si l'on a dit que le conservationnisme récent se fait " à la pièce ", l'importance croissante qu'on accorde aux écosystèmes, aux écopaysages et aux écorégions est à l'origine d'une " approche vraiment systématique de la conservation ", déclare M. Noss. Il prévient toutefois qu'il faut éviter d'oublier des espèces en particulier, car elles sont souvent l'un des meilleurs indicateurs de l'état de santé de l'écosystème. Citant une étude, il décrit ce que les auteurs considèrent comme les cinq " qualités de la planification systématique de la conservation " :

  • choix clairs au sujet des caractéristiques à utiliser comme paramètres substituts de mesure de la biodiversité;
  • buts explicites, de préférence traduits en objectifs quantitatifs (un tel système reconnaîtrait dans quelle mesure les buts de la conservation ont déjà été atteints dans les réserves existantes);
  • moyens simples et explicites de situer et de concevoir des réserves afin de compléter celles qui existent déjà;
  • critères explicites de mise en œuvre de la conservation sur le terrain;
  • objectifs et moyens explicites d'assurer le maintien de caractéristiques naturelles clés par la surveillance efficace et la gestion adaptative.

Des buts clairs sont un élément important qui " manque souvent " en planification de la conservation. La représentation de tous les types écosystémiques, le maintien des populations viables d'espèces indigènes, le maintien de phénomènes écologiques et évolutionnaires, et la possibilité de changements sont au nombre des buts typiques de la planification de la conservation à base scientifique. Ces buts sont généraux, et il faut y joindre des buts quantitatifs plus précis. Depuis que les scientifiques ont commencé à jouer un rôle dans la planification de la conservation, trois grands courants de pensée ont fait leur apparition :

  • une démarche axée sur les " éléments spéciaux " qui recherchent des lieux spéciaux dans l'écopaysage comme les forêts anciennes ou les bassins hydrographiques;
  • une démarche axée sur la représentation, qui vise à protéger tous les types d'habitat;
  • une démarche centrée sur les espèces, qui porte sur les besoins de certaines espèces en particulier, comme celles auxquelles il faut de grandes superficies et qui essaie d'y répondre.

Ces trois démarches reflètent souvent des priorités et des buts différents. M. Noss décrit des exemples de chacune de ces trois démarches qui ont été mises en œuvre par Conservation International, le Fonds mondial pour la nature et l'Institut des ressources mondiales respectivement. Il insiste sur le fait qu'une stratégie intégrée de protection de la biodiversité doit englober ces trois démarches, car il n'y en a pas une qui donnera des résultats à elle seule.

M. Noss passe ensuite à la question des liens entre habitats dans l'écopaysage comme un élément constituant de la planification de la conservation. La connectivité, c'est " le contraire de la fragmentation ". La connectivité en soi ne serait pas un problème si ce n'était des obstacles artificiels que les êtres humains érigent dans tous les copaysages. Il y a quatre moyens pour une espèce de durer dans un écopaysage fragmenté :

  • à l'intérieur et entre les zones clôturées, le long des voies de circulation et dans d'autres secteurs qui constituent une matrice agricole ou urbaine;
  • en maintenant des populations dans les quelques boisés qui restent;
  • en déplaçant des individus entre des fragments;
  • en dispersant de nouveaux résidents dans des zones où les populations locales ne sont plus viables, comme dans le Sud de l'Illinois ou le Sud de l'Ontario.

Certaines de ces stratégies ont besoin de liens fonctionnels. Même si l'on ne sait pas tout au sujet de la connectivité, il est possible d'établir des principes généraux afin de formuler des hypothèses de travail lorsqu'il n'y a pas d'information courante sur des cas. Parmi les fonctions écologiques générales de la connectivité au sujet desquelles il est possible de formuler des hypothèses, mentionnons notamment les activités qui consistent à favoriser les mouvements quotidiens et saisonniers des animaux, faciliter la circulation des gènes, la dispersion et les effets de sauvetage, permettre le mouvement des espèces face aux changements climatiques et maintenir le flux des processus écologiques. M. Noss lance un avertissement au sujet des couloirs en affirmant qu'ils sont devenus une telle mode que l'on tient rarement compte rigoureusement des fonctions de la connectivité par rapport à certaines espèces en particulier et à leurs besoins. " Il faut nous intéresser aux liens fonctionnels " soutient-il; il faut toujoursles mesurer espèce par espèce.

La connectivité est déterminée par la convergence de l'histoire d'un organisme et de la structure du paysage. Il faut tenir compte d'éléments comme la surveillance et les caractéristiques de dispersion d'espèces ciblées, d'autres caractéristiques auto-écologiques (histoire) d'espèces, les caractéristiques structurelles et l'évolution spatiale des écopaysages; la distance entre des secteurs d'habitat; la présence d'obstacles à la circulation des espèces et l'ingérence des prédateurs et des êtres humains.

En ce qui concerne l'enjeu plus restreint que constituent les couloirs, M. Noss en décrit les avantages et les inconvénients possibles. Parmi les avantages, il mentionne l'augmentation de l'immigration vers les réserves, l'augmentation des pâturages, l'augmentation du couvert forestier, l'accès à de multiples types d'habitats de ressources, les refuges contre les perturbations, les ceintures de verdure et les activités récréatives. Les couloirs peuvent par contre constituer un inconvénient s'ils facilitent la propagation d'espèces étrangères ou de feux de forêt, s'ils n'offrent pas un habitat convenable ou s'ils causent des conflits avec d'autres efforts de conservation.

M. Noss déclare que les publications scientifiques au sujet des effets démographiques des couloirs présentent des lacunes. Même si aucune des études passées en revue ne montre les répercussions négatives des couloirs, les documents ne tiennent pas compte des couloirs créés pour d'autres raisons que la conservation. Les couloirs artificiels comme les voies de circulation et les pipelines " peuvent faire plus de mal que de bien ". On ne sait pas grand chose sur les couloirs convenables pour la circulation ou ceux qui nuisent à la circulation d'espèces en particulier. Il y a toutefois une distinction importante entre les efforts de conservation qui visent à rétablir des couloirs naturels et la création de couloirs artificiels à d'autres fins (et qui peuvent nuire).

Les couloirs sont devenus un des principaux éléments constituants de la conception des réserves, avec les réserves de base (qui constituent l'assise d'une stratégie de conservation) et les zones à usages multiples ou tampons. Même s'il est possible d'avoir un tout qui est plus grand que la somme de ses parties en mettant en pratique le principe de la connectivité, les conservationnistes doivent en faire une réalité en mettant en œuvre des concepts intelligents.

Afin de répondre à la question difficile sur la façon de concevoir des couloirs, il faut tenir compte des besoins d'espèces en particulier. On a tendance à oublier des espèces dans une stratégie de gestion écosystémique. Les " éléments spéciaux " et les démarches fondées sur la " représentation " décrits plus tôt permettront de dégager certains aspects clés de la conservation, mais ils ne disent rien de la configuration de l'habitat nécessaire pour assurer la viabilité des espèces.

La démarche fondée sur les " espèces principales ", qui définit quatre catégories d'espèces, aide toutefois en partie à combler cette lacune. Sur les quatre catégories d'espèces-soit les espèces limitées par la superficie, par la dispersion, par les ressources et par les processus-les deux premières sont celles auxquelles il faut consacrer le plus d'attention dans cette optique. M. Noss explique qu'une combinaison des efforts concentrés sur les gros carnivores et les mésocarnivores forestiers produit une bonne espèce principale pour la planification de la conservation à l'échelon de la région. Il donne deux ou trois exemples portant sur les tentatives faites depuis le milieu des années 80 pour établir des zones de connectivité afin d'assurer la survie de la panthère de la Floride et de l'ours noir de la Floride, deux espèces menacées. La modélisation informatique de l'habitat, qui aide à prévoir la valeur de l'habitat pour 10 espèces, et la modélisation dynamique des populations, qui permet d'examiner comment des espèces durent dans des scénarios différents de changements de l'écopaysage, constituent deux autres exemples de démarches axées sur des espèces principales.

M. Noss résume son intervention en énonçant les leçons apprises jusqu'à maintenant. Il recommande de fonder les concepts de la connectivité sur les espèces les plus sensibles à la fragmentation et ajoute qu'il importe de juger avec soin l'échelle d'évaluation de la connectivité. Il insiste sur le besoin de fournir aux animaux des " voies de moindre résistance dans l'écopaysage " et non simplement de réserver ces voies à la circulation des êtres humains. Lorsque les distances entre les réserves dépassent les tendances de la dispersion, il faut maintenir des populations résidentes d'animaux dans les zones intermédiaires. Idéalement, il faudrait fournir un habitat de source continue. En cas de doute, il faut maintenir la connectivité naturelle et imposer le fardeau de la preuve à ceux qui veulent fragmenter l'écopaysage.

M. Noss conseille aux participants d'essayer d'unifier les méthodes distinctes de conservation à base scientifique pour atteindre des buts divers. Il les encourage à réfléchir aux connexions et à l'intégration en fonction de la stratégie et de l'habitat. Il propose de plus une démarche qui conjugue les meilleurs éléments d'une stratégie descendante de " responsabilisation " à une stratégie ascendante qui tient compte des préoccupations locales. Il reconnaît le défi qui nous attend, car ce défi exige un engagement commun entre niveaux de compétences et frontières politiques. En terminant, il encourage les participants à reconnaître que la " situation de la conservation dans son ensemble " est dans l'intérêt de chacun.

La protection des aires naturelles

Animatrice : Gaile Whelan-Enns, Directrice pour le Manitoba, Campagne sur les terrains en friche, Fédération canadienne de la nature

Gaile Whelan-Enns signale que les outils techniques d'évaluation de l'écopaysage et les méthodes de biologie de la conservation jouent un rôle essentiel dans son travail qui vise à garantir un habitat pour la faune. Elle signale que le Manitoba est à l'avant-garde du reste du pays dans ce domaine et ajoute que la campagne sur les espaces en danger lancée au Manitoba pour le Fonds mondial de la nature du Canada a permis de protéger plus de 6 millions d'hectares de terres publiques.

Certitude, clarté et prévisibilité : principes de protection des aires naturelles

David Luff, Vice-président, Environnement et Opérations, Association canadienne des producteurs pétroliers (ACPP)

Un des besoins fondamentaux de l'industrie du pétrole consiste à avoir accès à des ressources enfouies profondément dans le sol, déclare David Luff. Dans certains cas, ces ressources se trouvent sous des aires importantes d'habitats de la faune (habitats terrestres et marins), pour les utilisateurs traditionnels des terres ou pour leurs valeurs panoramiques. Trouver des moyens de tenir compte de ces intérêts variés à l'égard des terres constitue une priorité importante pour l'industrie pétrolière. Les membres de l'ACCP produisent 95 % du pétrole et du gaz canadiens. En 2000, l'industrie a investi 42 milliards de dollars en immobilisations, employé 500 000 Canadiens et versé 15 milliards de dollars dans les coffres de l'État.

Dans le contexte de la collaboration avec les intervenants, il y a cinq aspects de l'engagement à comprendre :

  • protéger l'environnement;
  • veiller à ce que le processus soit compris par tous;
  • respecter les valeurs des intervenants;établir des partenariats innovateurs;
  • assurer la croissance de l'économie.

M. Luff ajoute qu'il importe de déterminer ce que l'on protège, et pourquoi et contre quoi on le fait. Il cite Bill Hunter, Président de l'Alberta Chamber of Resources, qui a déclaré : " C'est seulement en adoptant ou optimisant ces pratiques que nous réussirons à mobiliser le gouvernement et le grand public. "

M. Luff cite aussi James Wooder, Directeur général de l'Atlantic Canada Petroleum Institute, qui a déclaré : " Il est crucial de mobiliser les gens pour trouver des solutions fondées sur la recherche, la formation et l'éducation qui faciliteront à la fois la croissance de l'industrie et la participation de la population de la région de l'Atlantique. "

Le processus de consultation doit inclure l'acceptation de l'exploitation par le public, des choix éclairés, des idées communes et des valeurs sociales. Ce processus doit aussi comporter des discussions personnelles, les retombées des activités, le savoir traditionnel, les besoins socio-économiques et des facteurs liés à la qualité de vie.

Toutes les parties doivent être présentes à la table lorsqu'on discute des antécédents de l'industrie et planifie des projets en ce qui concerne les décisions stratégiques et réglementaires et les valeurs changeantes.

L'industrie agissait auparavant de façon très dictatoriale et ne répondait pas aux préoccupations locales de façon exemplaire, déclare M. Luff. La situation a maintenant changé et l'industrie consulte beaucoup plus à fond. Les engagements de tous les intervenants les obligent maintenant à rendre des comptes; l'honneur, la crédibilité et le respect mutuel règnent. Des critères de mesure acceptés par toutes les parties en rendent le processus plus sûr et prévisible.

La pratique de l'intendance repose sur la responsabilité des membres, l'amélioration continue des technologies et des relations, et une grande considération que l'on accorde constamment à l'adoption des pratiques optimales, à la comparaison des résultats et à la mesure de l'efficacité.

La publication des résultats, la consultation continue du secteur public et l'élargissement de la représentation de l'industrie (qui vise une participation de 100 %) améliorent en outre l'engagement de l'industrie envers l'intendance.

L'ACPP a tiré des leçons de ses erreurs et s'est engagée dans un processus intégré de mobilisation des intervenants qui comprend la consultation, l'inclusion, l'imputabilité et l'amélioration continue.

Manitoba - Protocole d'entente sur les terrains protégés des Premières nations - la zone protégée de Poplar Nanawin

Chef Vera Mitchell, Première nation de Poplar River

Le chef Mitchell est heureuse d'avoir été invitée à prendre la parole devant un si " vaste éventail de participants " et affirme qu'il est vraiment rare de voir des représentants des Premières nations se réunir et mettre leurs préoccupations, qui sont les mêmes, en commun avec divers représentants de la société. Elle espère qu'après s'être écoutés les uns les autres, les participants pourront dégager un consensus sur les problèmes qui règnent dans l'environnement de chacun en s'informant sur les préoccupations communes et en trouvant une conclusion pratique à la fin de la journée.

Elle présente ensuite un vidéo de scènes de la rivière Poplar qui décrivent la nature dans un de ses états les plus purs et les plus vierges.

Mme Mitchell décrit la vision de sa collectivité. Elle présente un aperçu historique depuis l'époque d'avant la signature des traités jusqu'à aujourd'hui, décrit l'impact des réserves et de la dépendance de la charité de l'État. Ses arguments les plus solides ont trait au mode de vie traditionnel de sa collectivité dont les membres, précise-t-elle, coexistent sur leurs terres dans un écosystème libre d'ingérence de l'extérieur.

Les membres des Premières nations considèrent la terre non pas du point de vue du propriétaire, mais de celui de l'intendant. La terre est un don qui offre des moyens de subsistance, et qu'il faut protéger comme patrimoine des générations à venir. Il faut protéger les terres de la nation Poplar River afin que les enfants de la collectivité puissent continuer d'en jouir et de les partager.

Mme Mitchell décrit les obstacles qu'érigent les gens en se définissant en fonction des groupes qu'ils représentent, de leur employeur et de leur origine. L'identité devrait reposer plutôt sur nos croyances intérieures et sur " l'endroit idéal " qui nous permet de tout " oublier " et d'être " en harmonie avec la nature ".
Elle termine son exposé en affirmant que les terres de la nation Poplar River sont une région traditionnelle que son peuple a toujours utilisée pour survivre. La collectivité ne peut laisser quelqu'un d'autre ni le gouvernement déterminer ce qui convient le mieux pour elle ou pour l'économie. L'existence de sa collectivité et ses moyens de subsistance sont tributaires de cette région protégée.

Des obstacles et des solutions pour protéger les milieux naturels marins

Martin Willison, professeur, Département de biologie, Dalhousie University

Martin Willison commence par affirmer que des activités économiques et de nouveaux progrès-notamment dans les domaines de la pêche, de l'exploitation minière, de la pollution et de l'aquaculture-menacent la biodiversité marine. La stratégie des zones protégées constitue la meilleure mesure de conservation qui a fait ses preuves; elle est aussi valable en mer que sur terre (mais avec quelques modifications). Les zones de protection marines sont nécessaires pour conserver la biodiversité, surveiller l'environnement, effectuer des recherches scientifiques, protéger les ressources marines et assurer la gestion générale des océans.
Dans la plupart des cas, le Canada dispose des mesures législatives convenables pour établir et gérer les zones de protection marines, mais l'élaboration de politiques convenables et leur mise en œuvre présentent toutes deux des faiblesses. Comme les zones marines sont un bien public géré par l'État fédéral, il est préférable de recourir à des processus socio-communautaires (" ascendants ") pour les gérer. Le besoin d'appliquer la théorie de la biologie de la conservation marine à l'élaboration des politiques sur la conservation au Canada est dicté par plusieurs facteurs, dont la conservation du poisson et la gestion conservatrice des pêches sont les plus importants.

La pêche pratiquée au moyen " d'engins mobiles " constitue probablement la menace la plus lourde pour la biodiversité marine au Canada. Les engins mobiles de " pêche de fond " sont lourds et grattent le fond de l'océan, le nivellent et le modifient. Le Canada ne compte plus que quelques vestiges de certains habitats marins non altérés et même ces quelques vestiges sont exposés à l'exploitation continue avec l'évolution des techniques de pêche. Restreindre l'utilisation des engins de pêche mobiles ne signifie pas nécessairement que le total des prises diminuera parce qu'il existe d'autres techniques de pêche qui ont été utilisées de façon traditionnelle.

Le corail de profondeur constitue un bon exemple de cette situation. Même s'il faut aborder avec prudence la gestion du corail du Canada et même si l'on recommande au gouvernement de prendre des précautions, les autorités canadiennes n'ont encore rien fait. En revanche, des autorités européennes (Norvège et Royaume-Uni) ont établi des zones de protection de récifs de corail en appliquant les dispositions de la directive sur les habitats de l'Union européenne (UE). L'UE a aussi lancé un programme de recherche d'envergure conçu pour établir les bases d'un programme de conservation du corail de profondeur.

La pêche ne représsente pas la seule menace pour le corail du Canada et d'autres animaux marins qui constituent l'assise des collectivités benthiques. Sur la côte Est du Canada, des travaux d'exploration pétrolière se poursuivent. On exploite activement des champs de pétrole et de gaz. Le processus d'octroi de permis actuellement en vigueur tient peu compte des menaces éventuelles pour les habitats marins et la biodiversité marine.

Les zones de protection marines (ZPM) offrent un vaste éventail d'avantages. Si l'on élimine la pêche dans certaines régions choisies avec soin, elles gardent des stocks de base de beaucoup d'espèces, ce qui constitue une " assurance " en cas d'échec des politiques de gestion des pêches qui régissent les stocks exploités. Des preuves de plus en plus nombreuses montrent que les ZPM peuvent aussi améliorer directement les pêches lorsque des larves et des adultes " débordent " dans les zones exploitées.

Le Canada a adopté plusieurs mesures législatives qui permettent de créer des ZPM, la Loi sur les océans (1997) étant la plus robuste et applicable à la plus grande échelle. Même si la loi oblige le ministre des Pêches et Océans à établir un réseau de ZPM au Canada, une seule avait été publiée dans la Gazette en juillet 2001 en vertu des dispositions de la Loi sur les océans, ce qui est regrettable. Cette lenteur indique que même si le Canada dispose de mesures législatives convenables pour assurer la conservation de la biodiversité marine, la mise en œuvre des politiques est faible.

La planification des réseaux de zones de protection terrestres constitue une science relativement évoluée. Dans l'environnement marin, elle en est à ses débuts. Sur terre, le Canada a atteint le stade où l'on a comblé les lacunes en choisissant des sites supplémentaires au moyen de méthodes systématiques. Le processus est en train de passer à l'étape suivante, soit celle de l'élaboration d'une assise scientifique pour l'établissement d'un réseau connecté de zones protégées qui comportera des zones " tampons " et des couloirs. En ce qui concerne les océans, le Canada vient d'entreprendre l'étape préliminaire que constitue la sélection et la protection de quelques sites jugés importants. C'est pourquoi il est illusoire d'attendre l'élaboration d'une théorie adéquate de planification des ZPM pour intervenir afin de protéger quelques ZPM " de base ".

La théorie des couloirs n'est pas la même en mer que sur terre parce que l'eau constitue pour presque toutes les espèces un milieu de dispersion tridimensionnel continu, tandis que le paysage relativement bidimensionnel bloque plus facilement la dispersion. C'est pourquoi il est très important de protéger les couloirs de migration aux endroits spéciaux à cause de la biogéographie côtière.

Il faut porter une attention spéciale aux sources de population et aux puits dans l'océan. La frayère des larves se trouve rarement près du lieu d'établissement et les relations entre sources et puits sont en général tributaires des courants.

Beaucoup d'espèces marines ont besoin d'habitats différents à des stades différents de la vie. Il faut protéger l'habitat de certains animaux marins tout, comme il faut le faire pour celui des oiseaux migrateurs dans tout leur champ de rayonnement.

Afin d'intégrer la planification des ZPM à l'échelon continental, il est logique de placer les " bornes " de chaque réseau national de ZPM aux frontières internationales. La planification des ZPM et celle de l'utilisation des ressources marines devraient se poursuivre en parallèle et non constituer des efforts distincts.

Des expériences menées récemment à des endroits comme la péninsule Eastport, à Terre-Neuve (où les pêcheurs locaux contrôlent leur propre pêche et ont mis en œuvre volontairement des mesures de conservation) et Gwaii Haanas, en Colombie-Britannique (où la collectivité autochtone Haida collabore efficacement avec Parcs Canada et Pêches et Océans Canada pour intégrer la protection du patrimoine culturel et naturel) sont porteuses de promesses.

L'ignorance de l'écologie marine, la non-sensibilisation du public aux menaces à l'environnement marin, la compréhension erronée que le public a de l'ordre de grandeur relatif de ces menaces et la léthargie administrative découlant de l'importance politique relativement faible que l'on accorde aux enjeux de l'environnement marin constituent les plus grands obstacles à la protection des zones naturelles marines.

La " biologie de la conservation " comme discipline universitaire est transdisciplinaire par sa démarche intellectuelle (ce n'est ni une science naturelle, ni une science sociale, ni un art de la gestion : c'est plutôt un amalgame des trois). À cause de sa nature transdisciplinaire, la biologie de la conservation offre d'importantes possibilités de fonction de catalyseur utile dans l'intégration des efforts de gestion dans les régions côtières communes.

Discussion

Alan Morin, du Ralliement national des Métis, déplore que les Métis n'aient pas été invités à la conférence. Il signale que les Métis sont un des trois groupes qui constituent les peuples autochtones. Il déclare que le développement marin devrait porter non seulement sur les océans, mais aussi sur les cours d'eaux qui se déversent dans les lacs et, ensuite, dans les océans. Il ajoute que le gouvernement, qui persiste à considérer les terres comme une denrée, devrait changer radicalement d'idée.

Les membres du groupe formulent des réflexions personnelles sur ses commentaires, qui varient du besoin de chercher un sentiment d'équilibre à un avertissement selon lequel le seul moyen d'établir un équilibre face à ce problème consiste à prendre sans tarder des mesures favorables à l'environnement.

Un porte-parole de la nation métisse de la Saskatchewan insiste sur le fait que tous les intervenants doivent participer, y compris les trappeurs et les pêcheurs, que l'on ne les respecte pas actuellement.

Caroline Bruyère, de l'Assembly of Manitoba-Chiefs Turtle Island Elders' Council, signale que les Premières nations n'ont pas participé à beaucoup de processus environnementaux. Elles doivent y participer car beaucoup de ces questions ont des répercussions sur leurs terres et leur culture traditionnelles. Elle s'interroge sur l'engagement réel des membres du groupe envers l'environnement.

La réponse des membres du groupe varie de celle de M. Luff, qui reconnaît qu'il faut travailler davantage avec la collectivité autochtone, jusqu'à la remarque de Mme Mitchell qui, comme représentante des Autochtones, affirme qu'elle " n'est pas achetable ". M. Willison admet qu'il s'est fait très peu de choses dans ce domaine, tant dans le secteur public que dans les milieux universitaires, et qu'il y a beaucoup de chemin à faire. La relation doit reposer sur la reconnaissance et le respect.

L'intendance et les communautés

Animatrice : Julie Gelfand, Directrice générale, Fédération canadienne de la nature

Leçons apprises " sur le terrain "

Bob Peart, Directeur général, Section de la Colombie-Britannique de la Société pour la protection des parcs et des sites naturels du Canada

Bob Peart explique que son exposé repose sur l'expérience qu'il a acquise avec la Table ronde de la Colombie-Britannique et ses 25 ans d'activité de représentation.

M. Peart signale que la Table ronde de la Colombie-Britannique est un programme qui connaît du succès, mais qui ne s'est pas fait très bien connaître : le programme fait beaucoup de bon travail, mais il n'excelle pas à faire passer le message. Il indique que le problème réside en partie dans le fait qu'il est très difficile de faire circuler l'information. La Table ronde a toutefois eu un impact à long terme en Colombie-Britannique.

Il décrit la durabilité en la comparant à un tabouret à trois pattes que constituent les préoccupations environnementales, économiques et sociales. Lorsqu'on lui enlève une patte, le tabouret tombe. Toutes les pattes doivent être de la même longueur, ce qui est tout aussi important. Celle des préoccupations sociales, qui englobent les besoins humains, l'a toujours emporté. C'est pourquoi l'environnement a subi de sérieux dommages. Le défi est le suivant : si toutes les pattes du tabouret ont la même importance, laquelle passe en premier?

M. Peart signale qu'il n'est pas convaincu que les pratiques actuelles témoignent vraiment de notre durabilité réelle. Elles visent en grande partie l'économie, au détriment de l'environnement et de la société. C'est pourquoi il n'y a ni équilibre, ni durabilité.

Il recommande aux environnementalistes présents de ne pas oublier de tenir compte des besoins sociaux des collectivités lorsqu'ils cherchent à faire avancer leur programme. Il faut à cette fin tenir des discussions ouvertes et équilibrées débouchant sur des décisions qui améliorent la qualité de vie; l'éducation, l'emploi, les services de santé, les loisirs et l'environnement naturel en sont les indicateurs. Pour réussir, il faut mobiliser et convaincre les gens " sur le terrain ". Les discussions sont une perte de temps jusqu'à ce qu'on mette en œuvre sur le terrain une politique ou un plan.
M. Peart lit des extraits d'un éditorial de Ted Mosquin intitulé " C'est sur le terrain, idiot! " L'auteur de l'article lance un cri de ralliement aux environnementalistes en leur demandant de demeurer attentifs et en affirmant que " la preuve de la réussite ou de l'échec de notre travail se trouve dans l'environnement même-dans ce qui arrive aux forêts, aux lacs, aux rivières, aux écosystèmes marins, aux sols, aux pêches, à la faune et à l'humanité ". L'auteur de l'article reproche à la plupart des activités d'écologisation de viser à endormir le public pour lui faire croire que le gouvernement et l'industrie s'intéressent à l'environnement.

Les environnementalistes doivent surveiller constamment leurs grands dossiers, déclare M. Peart; ils doivent surveiller les détails, demeurer en contact avec ce qui se passe vraiment et se montrer d'une vigilance constante. Les militants qui font du bénévolat ont tendance à changer, ce qui constitue un défi : il y a " une foule de guerriers actifs, mais rares sont ceux qui restent jusqu'à la fin. "
Il prévient les participants qu'une annonce d'un premier ministre ne constitue pas l'aboutissement d'un effort environnemental : c'est plutôt le début. Il répète les leçons qu'il a apprises : persévérer jusqu'à la fin, conclure le marché et ne pas baisser les bras prématurément. Tous les militants environnementaux doivent faire reculer les limites. M. Peart leur conseille de fixer leurs buts, d'établir leur programme, de trouver des partenaires et de se lancer à l'attaque. Il les exhorte avant tout à être " audacieux, braves et courageux ".

En indiquant qu'il faut commencer à réfléchir en fonction de la situation globale, M. Peart lit des extraits de l'ouvrage de Michael Suley et John Trooper intitulé Continental Conservation, où l'on affirme que pour être efficace, " il faut que la conservation soit planifiée et mise en œuvre sur une vaste échelle ". La situation a changé par rapport à ce qu'elle était il y a 30 ans : à l'époque, on cherchait seulement à créer des parcs.

Prévenant les intervenants que la question peut devenir personnelle et qu'ils peuvent devenir la cible d'attaques personnelles, il leur conseille de respecter les opinions différentes et de convenir de ne pas être d'accord. La voie la plus efficace consiste à discuter avec tous les groupes et à travailler ensemble. Après avoir affiché l'équation " 1+1=3 ", il explique qu'en Colombie-Britannique, lorsque les environnementalistes et les Premières nations se sont réunis, ils ont créé une force redoutable-non seulement sur le plan politique, mais aussi sur celui des connaissances et de la capacité.

Il conseille ensuite aux participants de " partager votre amour ". Une façon de convaincre les gens d'accepter un message environnemental consiste à les faire sortir pour vivre des expériences de la nature. Il est beaucoup plus facile de convaincre quelqu'un de son point de vue lorsque l'intéressé a " vu voler des oies et entendu l'appel du huard ". Les environnementalistes doivent aider le public à avoir des contacts différents avec l'environnement, le faire sortir, l'informer et partager le vécu.

M. Peart résume les défis posés par la conservation au moyen d'une citation à l'effet que " la conservation ne progresse nullement parce qu'elle est incompatible avec l'utilisation que nous faisons de la terre ". Il montre une lettre adressée au Président Bush dans laquelle on explique qu'il y a de nombreuses façons de réduire les émissions de gaz à effet de serre sans ralentir la croissance de l'économie.

L'équilibre entre la nature et le commerce : les principes du succès des communautés carrefours

Ray Rasker, Directeur, Bureau du Nord-Ouest, Institut Sonoran

Ray Rasker décrit les communautés carrefours comme étant celles qui sont situées au seuil de la nature et où l'on trouve " des montagnes, des ours grizzly et des créatures sauvages dans sa cour arrière ". Il s'agit souvent de communautés magnifiques qui ont un centre-ville magnifique, mais où la nature est tout près.
M. Rasker présente un aperçu de la croissance historique de ces communautés. Les premiers pionniers ont été attirés vers l'Ouest à cause de sa richesse, provenant habituellement du bétail, du bois d'œuvre, de l'exploitation minière, du pétrole ou du gaz.

Dans l'Ouest " nouveau ", on a commencé à délaisser les ressources brutes en faveur de l'écopaysage et de l'utilisation récréative des ressources naturelles. Les gens veulent maintenant vivre dans de beaux environnements naturels et avoir une vue magnifique de leur fenêtre. Les propriétaires ne sont pas les seuls à avoir découvert les avantages de la vie rurale : les entreprises les ont découverts elles aussi. Ce style de vie a attiré un important groupe d'employeurs.

Le conflit découle du fait que " le paysage attire des gens qui ont des répercussions sur le paysage (et la faune) ". Les communautés carrefours ont un impact énorme sur l'écologie. Cette croissance résidentielle énorme a en outre de fortes répercussions sur les exigences des administrations locales, qui tiraient auparavant une grande partie de leurs recettes fiscales des activités agricoles et forestières. M. Rasker montre un calcul selon lequel l'administration locale dépense 0,37 $ par dollar de recettes fiscales tirées des activités agricoles ou forestières. En guise de comparaison, l'administration locale doit dépenser environ 1,15 $ par dollar de recettes tirées des taxes foncières résidentielles.

Le gouvernement est attiré vers les communautés carrefours parce qu'on y promet des " emplois ", et l'emploi a en fait augmenté considérablement. Ce qui a fait la viabilité des communautés carrefours, c'est la " chaîne de montage globale dispersée ". Autrement dit, une entreprise peut avoir son siège dans une communauté carrefour, son centre de recherche et de conception sur la côte Est, son entrepôt et son centre de distribution au milieu du pays et son usine en Corée.

Dans l'économie mondiale, les matières premières et la main-d'œuvre représentent un pourcentage beaucoup moins élevé que la valeur des biens. La main-d'œuvre et les capitaux sont en outre beaucoup plus mobiles.

Le changement le plus important a été la montée de la valeur à base de connaissances. Autrement dit, l'ingénierie et le marketing constituent la valeur d'un produit, ce qui permet aux personnes qui ont les connaissances de choisir où elles veulent vivre, travailler et faire affaire. Elles choisissent de vivre dans des endroits attirants sur le plan naturel et de s'éloigner des endroits où les taux de criminalité sont élevés et qui présentent d'autres caractéristique indésirables.

M. Rasker résume en affirmant que la croissance des régions riches en ressources est attribuable non pas à l'utilisation des ressources, mais plutôt au nombre de professionnels, d'investisseurs et de retraités qui déménagent dans des environnements naturels. Cette migration attire en retour les entreprises de services qui répondent aux besoins de la population croissante. La croissance de l'industrie touristique est un autre changement. On a suivi ces tendances dans l'Ouest des États-Unis et elles se manifestent en Colombie-Britannique et en Alberta.
Que devraient faire les communautés et quelles sont les caractéristiques de celles qui réussissent le plus- M. Rasker conseille d'abord de réunir beaucoup de gens qui ont des intérêts divers. Il signale que " souvent, les divergences de vues ne résident pas dans les valeurs des gens-elles résident plutôt dans la façon d'atteindre un but commun ".

Il faut ensuite comprendre l'économie locale. Il faut montrer aux communautés à produire un profil économique comportant des statistiques " réelles " qui appuient les affirmations.

En fin de compte, la communauté doit élaborer une vision généralement acceptée. C'est l'aspect du processus qui exige le plus de travail. M. Rasker raconte l'expérience qu'il a vécue face à un exercice qui a fini par prendre deux ans pour produire un plan et deux autres années pour le mettre en œuvre. Pour dégager cette vision commune, les collectivités doivent mobiliser tout l'éventail des membres de la population, y compris les jeunes. Elles doivent en outre compter sur les dirigeants locaux, leadership qu'elles ne trouvent pas nécessairement chez les dirigeants locaux élus-il faut donner à de nouvelles personnes la chance de faire une différence.

Les éleveurs, gardiens de la terre

Peggy Strankman, Gestionnaire des Affaires environnementales, Canadian Cattlemen's Association (CCA)

Signalant que les éleveurs sont naturellement de bons gardiens de la terre, Peggy Strankman explique leur façon d'aborder la terre par l'expression " prenez soin de la terre et elle prendra soin de vous ".

Elle commence par présenter un résumé des statistiques de l'industrie. Les 103 000 éleveurs de bovins produisent actuellement quelque 13 millions de têtes. La majeure partie du troupeau de bovins de boucherie appartient à de petites entreprises agricoles mixtes. L'industrie bovine du Canada est la principale source de recettes agricoles et produit plus de 6,6 milliards de dollars, soit 22 % des recettes monétaires agricoles au Canada. Environ 52 % des exportations de bovins, qui dépassent les 3 milliards de dollars, sont expédiés aux États-Unis. Le Canada est le troisième exportateur de bœuf en importance et produit 12 % des exportations mondiales. Les producteurs de bœuf du Canada sont " extrêmement tributaires du commerce ".

Mme Strankman affirme que les éleveurs du Canada fournissent un habitat important pour la faune. Elle énumère des statistiques indiquant que 24 % des 68 millions d'hectares de terres agricoles sont recouverts d'herbe indigène et environ 6 %, d'herbe cultivée, ce qui donne au total quelque 16,5 millions d'hectares d'herbe. Elle indique à l'assemblée qu'environ le tiers des fermes du Canada produisent en moyenne 38 bovins de boucherie. Elle ajoute que " beaucoup de producteurs travaillent à l'extérieur de la ferme pour subventionner leurs activités d'élevage ".

L'intendance de la terre est inhérente en agriculture : " Qui abuse de la terre la perd. " La CCA soutient que le gouvernement ne peut imposer l'intendance de la terre par des mesures législatives ou réglementaires. L'Association est d'avis que l'intendance est volontaire et repose sur une éthique de la responsabilité envers la terre, qu'il faudrait l'appuyer par des politiques et des programmes. " Une industrie de l'élevage économiquement viable à long terme, affirme-t-elle, est aussi durable sur le plan environnemental. "

Mme Strankman donne des exemples de projets qui visaient à améliorer les aspects économiques de l'industrie de l'élevage tout en ayant des effets positifs sur l'environnement. Elle affirme qu'un des meilleurs programmes est le Plan d'action sur la conservation des Prairies, piloté par la Saskatchewan Stock Growers Association. Les membres de ce groupe ont le plus à perdre, mais le programme a été couronné de succès parce qu'ils ont tous appuyé les mesures convenues et ils ont ensuite rendu leur engagement public.

Le mécanisme de surveillance de la mise en œuvre du plan est une des caractéristiques particulières du programme. Une étude a montré que le pâturage en rotation et la gestion des zones riveraines sont bons pour le bénéfice net du producteur et améliorent l'habitat pour les oiseaux des hautes terres. Après avoir remplacé le pâturage continu par le pâturage en rotation, 80 % des répondants ont signalé une augmentation des gains de poids de leur bétail. Mme Strankman qualifie le projet de situation gagnante pour toutes les parties.

Un autre programme lancé dans le Sud de l'Alberta a connu moins de succès. Des éleveurs qui ne faisaient pas confiance aux groupes environnementaux pour s'occuper des servitudes ont créé la Southern Alberta Land Trust Society. Ils ont publié une brochure décrivant le processus d'octroi de servitudes du patrimoine et ses avantages. L'établissement d'une fiducie foncière communautaire dirigée par les éleveurs n'a toutefois pas donné de résultats parce que les éleveurs n'aimaient pas cette option, même lorsqu'elle leur a été présentée par un groupe de pairs.

La CCA n'accepte pas la prémisse selon laquelle il est bon de " finir le bétail sur l'herbe " déclare Mme Strankman, en expliquant que c'est difficile à faire de façon efficace et que ce n'est pas avantageux sur le plan économique dans la majeure partie du pays. Elle déclare ne pas croire que l'agriculture intensive soit naturellement mauvaise et soutient qu'il s'agit là surtout d'une question de perception. Par ailleurs, elle fait remarquer que le pâturage dans la prairie est bon, comme le prouvent de nombreuses recherches. La pratique est bonne dans l'ensemble : bonne pour l'économie, bonne pour les collectivités rurales (car elle génère des dépenses) et bonne pour la faune parce qu'elle maintient la biodiversité.

Même s'il existe toute une masse de connaissances scientifiques qui aident l'industrie de l'élevage à prendre en charge les défis posés par l'agriculture durable, les connaissances et les moyens financiers des producteurs sont limités. Ils doivent fonctionner dans un marché où les marges sont très minces et ils " n'ont pas les moyens de prendre une chance ". En Colombie-Britannique, Pêches et Océans Canada a fourni de l'argent pour recruter un spécialiste en gestion des zones riveraines. Agriculture Canada a en outre fourni du financement pour aider les producteurs à mettre en œuvre de bonnes pratiques de gestion.

Le dernier exemple que cite Mme Strankman, est celui du guide de gestion des lieux d'hivernage du bétail de l'Alberta. Le guide a été produit par quatre partenaires : l'Alberta Cattle Commission, l'Administration du rétablissement agricole des Prairies
(ARAP), Alberta Agriculture et l'Environmentally Sustainable Agriculture Program de l'Alberta (AESA). Une saine gestion et le choix approprié des lieux d'hivernage ont joué un rôle important dans la santé du paysage agricole et dans celle de l'écologie.

Mme Strankman termine par quelques conseils sur " la façon d'établir un partenariat avec un agriculteur ". Il faut :

  • apprendre à parler " agro ";
  • apprendre à comprendre le point de vue des agriculteurs : " Nous gagnons notre vie dans des circonstances difficiles et, souvent, vos grandes questions ne nous intéressent pas sur-le-champ ";
  • respecter les droits reliés aux biens privés des producteurs;
  • réduire la paperasse au minimum : les éleveurs sont " allergiques au papier ".

Un partenariat est " bénéfique pour les deux parties ", affirme Mme Strankman. Elle invite les participants à " venir voir un peu d'herbe, prendre le café et discuter ".

Discussion

Don McCabe, de l'Association des producteurs de maïs en Ontario, demande au groupe quels conseils directs la Table ronde devrait donner au Premier ministre. Mme Strankman répond que chaque partie doit écouter l'autre, qu'il faut agir, injecter davantage d'argent dans la conservation et " manger plus de bœuf ". M. Peart suit avec un message semblable : " Il faut garder les éleveurs au travail ". Il ajoute qu'il semble y avoir de l'argent pour les initiatives de premier plan, mais il est difficile d'en obtenir pour les projets d'envergure limitée " moins attrayants ", comme la protection des prairies. M. Rasker conseille d'accorder des allégements fiscaux pour les terres et les servitudes foncières, car le public veut préserver les fermes et les ranchs.

Un autre participant est d'avis que le Canada devrait prendre un peu de recul, jeter un coup d'œil sur le tableau d'ensemble et réaliser que les pratiques agricoles ne sont ni saines ni durables. Ruth Pryzner, de la Manitoba Sheep Association, croit que l'on s'attend à ce que les agriculteurs paient pour tout. Entre-temps, les six gros fournisseurs d'aliments pour animaux des États-Unis ne se préoccupent nullement de l'environnement. Elle affirme que l'on pourrait pratiquer l'agriculture d'une façon bénéfique pour tous, mais les entreprises de production intensive de bœuf, de porc et de volaille en sont l'antithèse et ne sont pas bonnes pour l'environnement.

Mme Strankman répond par deux observations. Elle déclare que le rapport du commissaire à l'Environnement a soulevé des questions importantes, mais qu'il a accordé beaucoup trop d'attention à la mesure du volume de fumier produit. Elle invite fortement les personnes qui pensent ainsi à se rendre à un parc d'engraissement voir ce qu'on y fait pour réduire au minimum les problèmes environnementaux.

Les approches novatrices : la gestion intégrée et adaptative de l'écosystème

Animateur : Art Hanson, scientifique distingué, Institut international du développement durable

Art Hanson lance la dernière séance de travail de la journée par un commentaire sur le thème en faisant remarquer que " la gestion de l'écosystème, ce n'est pas une expression nouvelle ", mais que pour beaucoup de gens, c'est en même temps une des nouvelles approches, surtout en ce qui concerne le concept de la " gestion adaptative " (qui consiste en réalité simplement à " apprendre en faisant ").

M. Hanson énumère plusieurs grandes questions sur lesquelles des stratégies de gestion intégrée (GI) doivent porter :

  • quel est le mélange optimal d'objectifs et de calendriers de mise en œuvre?
  • quels sont les coûts acceptables?
  • comment maintenir l'intérêt soutenu envers la GI lorsque " ça devient difficile "?
  • quels sont les outils et moyens appropriés pour rendre la GI possible?

L'Accord sur le processus forestier au Labrador

Larry Innes, conseiller en politique environnementale

Larry Innes présente aux participants une " expérience " entreprise par la nation Innu et le gouvernement de Terre-Neuve et Labrador dans une des dernières forêts boréales. Les forêts du Labrador sont très diversifiées et ont un rôle à jouer dans les moyens de subsistance de la population Innu depuis la dernière ère glaciaire, qui remonte à 8 000 ans.

Les Innu, rappelle M. Innes aux participants, sont maintenant reconnus pour leur résistance ferme et déterminée à la mise en valeur indésirée de leurs terres. Après une décennie de blocus et la décision Sparrow qui a marqué un virage important, les gouvernements et les promoteurs ont commencé à reconnaître qu'ils étaient légalement et moralement tenus de consulter vraiment les Innu dans le contexte des décisions qui mettent en cause leurs terres et leurs droits. C'est pourquoi la négociation a remplacé la confrontation comme moyen d'aller de l'avant. Les Innu participent actuellement aux discussions en cours avec le Canada et Terre-Neuve, qui portent sur les négociations relatives aux droits fonciers intégrés, avec INCO au sujet d'un accord sur les répercussions et les avantages en ce qui a trait à Voisey Bay, et sur d'autres questions.

Le Forest Process Agreement (FPA) est un nouvel accord négocié entre le gouvernement de Terre-Neuve et Labrador et la nation Innu en 2000 pour répondre aux pénuries pressantes de bois sur l'île de Terre-Neuve. L'Accord vise à faire progresser la gestion écosystémique et la mise en valeur durable des ressources forestières du Labrador. Même s'il se situe en dehors du contexte habituel des " revendications territoriales ", l'accord complète ce processus. Le FPA comporte trois volets :

  • l'élaboration d'un plan de gestion écosystémique de huit millions d'hectares dans le district de gestion forestière 19;
  • une table qui visera à déterminer les pratiques forestières appropriées " sur le terrain ";
  • des négociations sur la cogestion entre la nation Innu et le gouvernement pour la mise en valeur future des forêts du Labrador.

Pour la nation Innu, le plan, qui comporte un " calendrier ambitieux ", devra faire trois choses : protéger la fonction de la forêt dans le temps, soutenir, dans les limites de l'écologie, tout un éventail d'utilisations humaines et autres, et refléter les besoins économiques locaux et une vision à long terme de la santé écosystémique et communautaire.

M. Innes présente des détails sur la région et indique que la planification est concentrée dans un sous-district de plus de trois millions d'hectares, où les arbres sont de petite taille et prennent énormément de temps à pousser. On a classé comme forêt commerciale 18 % seulement de la superficie de la forêt. Cette dernière est reconnue pour être difficile à exploiter et ne soutient qu'une exploitation locale restreinte.

Les Innu, affirme M. Innes, abordent le processus de façon globale et considèrent leurs relations avec leurs voisins de Terre-Neuve et Labrador comme un défi à relever. Il présente des réflexions sur le besoin de comprendre le fonctionnement des choses et de faire preuve de prudence. Dans le contexte d'un cadre de gestion écosystémique, cela signifie qu'il faut maintenir des types forestiers représentatifs aux échelons de paysages d'envergure dans le contexte d'un réseau de réserves protégées, maintenir la diversité des écosystèmes forestiers dans des unités individuelles de planification à l'échelle de bassins hydrographiques et protéger les fonctions forestières au niveau du peuplement ou du site. M. Innes distingue cette approche des méthodes occidentales et explique que les Innu " croient que la seule chose qu'ils peuvent gérer, c'est eux-mêmes ". Les efforts portent avant tout sur ce qu'il faut laisser et non ce qu'il faut prendre. L'Interim Forest Activities Committee (IFAC) en tient compte dans son travail.

Il décrit ensuite le volet gardiens de la forêt prévu à l'accord : on a donné à quatre Innu de la formation en techniques forestières pour qu'ils travaillent avec des bûcherons et d'autres intervenants. Établissant un " lien entre les gens de subsistance et ceux qui y 'gagnent leur vie'", les gardiens protègent la forêt et surveillent les activités d'exploitation. Ils tiennent compte du savoir Innu dans leur travail. Ils utilisent un SIG pour trouver des " façons créatrices de transformer 25 ans de recherche sur l'utilisation des terres " en représentation de valeurs liées à l'utilisation des terres.

M. Innes signale que cet accord " ne serait rien " s'il n'atteignait pas son but principal, qui est de maintenir un mode de vie Innu tout en essayant de trouver des solutions de rechange aux pratiques non durables des économies fondées sur les matières premières. Il résume la planification écosystémique en affirmant que cette démarche oblige à bien évaluer les contraintes écologiques, économiques et culturelles-évaluation qui porte avant tout sur ce qu'il faut laisser plutôt que sur ce qu'il faut prendre et qui reconnaît les limites écologiques, protège les fonctions de la forêt et soutient les communautés locales.

Il aborde brièvement certaines des premières réussites comme la participation des Innu et la création de compétences chez les gardiens de la forêt. Les défis à relever portent sur le maintien d'un financement suffisamment et d'un engagement politique réel, ainsi que sur le dégagement d'un consensus au sein d'un groupe diversifié d'intervenants. Le FPA n'est " qu'une étape ". Il ne porte pas sur l'exploitation forestière, mais il vise plutôt à établir des relations significatives. Pour les Innu, il s'agit d'une question de justice et de compétence sur le territoire, sans oublier la participation à l'économie. " J'ai fini par réaliser, déclare M. Innes, que, comme Canadiens, la protection des terres autochtones, des droits des Autochtones et de leur mode de vie constitue un de nos buts… Leur réussite est la nôtre. "

La consultation sur les aires protégées du secteur minier du Manitoba

Ed Huebert, Premier vice-président, Mining Association of Manitoba

Ed Huebert parle de la consultation du secteur minier du Manitoba comme d'un travail en cours pour la gestion adaptative des systèmes. Il commence par présenter le contexte des événements en cours. En 1990, le Manitoba est devenu la première province à signer l'accord sur la biodiversité des aires protégées. À l'époque, on protégeait 0,5 % seulement des terres du Manitoba. Ce total atteint aujourd'hui 8,16 %, en partie à cause de la consultation menée par le secteur minier. En 1990, une superficie importante-environ 10 %- des terres était frappée de restrictions et d'interdictions qui visaient l'industrie minière, mais d'une façon " illogique pour tout un éventail de programmes ".

M. Huebert définit quatre stades de la consultation des milieux de l'exploitation minière, des parcs et de l'écologie. Ces stades sont les suivants : consultation initiale (1991-1994), élaboration d'un nouveau processus (1995-1997), achèvement du nouveau processus (1997-2000) et poursuite des travaux sous une nouvelle direction (à compter de 2000). Il décrit ensuite ces stades en détail.

Il considère le premier stade comme celui de la " démarche intégrée traditionnelle " structurée officiellement et dans le contexte de laquelle toutes les autres parties se sont contentées de " réagir " aux propositions du gouvernement. On a dit que les consultations des Premières nations n'étaient pas à la hauteur des attentes. Le secteur minier s'est opposé à ce qu'il considérait comme de l'information erronée et l'on a dit que les milieux écologique étaient " déçus ". Tous les intervenants étaient " loin d'être heureux ". En dépit de ces reculs, on a annoncé la création de quatre parcs dans le Nord : Amisk, Caribou River, Sand Lake et Numaykoos.

Au cours du deuxième stade, on a cherché une meilleure façon de procéder. Pour le secteur minier, il fallait réduire l'incertitude. Ce stade a produit un résultat qui ne correspondait pas au programme initial. En discutant avec des contacts des milieux environnementaux, les parties ont fini par réaliser qu'elles ne se comprenaient pas " sur le plan scientifique ". Elles ont demandé à un comité du gouvernement et de l'industrie, le MECL(Mineral Exploration Liaison Committee), d'établir un protocole pour la consultation.

M. Huebert signale qu'il y a d'autres consultations en cours avec les Premières nations, le secteur forestier et d'autres intervenants, mais il indique qu'il ne parlera que du volet minier. Le processus du MELC a produit deux résultats : on a établi des zones dites " d'intérêt spécial " et le secteur minier a reconnu la valeur des bonnes connaissances en écologie des conservationnistes.
Lorsqu'on a abouti à une impasse avec les environnementalistes au cours de l'exercice qui visait à prendre une décision sur les zones protégées, Jamie Robertson, de Falconbridge, a proposé un système de classement fondé sur une démarche " non scientifique ". M. Huebert précise que cette démarche n'était " pas prévue dans la loi ", mais qu'elle était néanmoins " logique ". Le système de classement à quatre points désigne les zones en fonction du niveau d'entente entre les parties et de la priorité qu'elles y accordent. Lorsque toutes les parties s'entendent pour protéger une zone, on lui accorde la désignation " rang 1 " et l'approuve. Le rang 4 représente des " engagements miniers de grande valeur " qui n'appuient pas la désignation de zone protégée. Non seulement le système de classement a produit un processus de ratification et de communication qui n'était pas disponible auparavant, il a aussi " permis de faire avancer le débat " en donnant à chaque partie quelque chose à ramener dans sa collectivité respective.

Au cours du troisième stade, le processus s'est poursuivi comme initiative volontaire et l'on a abordé de nouvelles zones que l'on envisageait de protéger.

Le quatrième stade a marqué l'achèvement de la Campagne sur les espaces en danger du Fonds mondial pour la nature, mais le travail se poursuit néanmoins sous l'égide de la Fédération canadienne de la nature. En mai 2001, on avait défini 138 zones d'intérêt spécial représentant 12,8 % de la superficie totale des terres. Il insiste sur le fait qu'il s'agit de suggestions seulement, car l'exercice de consultation n'a aucun pouvoir de décision.

Pour résumer, M. Huebert signale plusieurs éléments qui font que le processus fonctionne :

  • un milieu de travail commun qui favorise l'établissement de relations;
  • on évite le " jargon scientifique ";
  • la participation du gouvernement à la " diffusion de l'information ".

À la fin de la Campagne sur les espaces en danger, le Fonds mondial pour la nature a reconnu que le Manitoba affichait le pourcentage le plus important d'augmentation des zones protégées au Canada. " Ce genre de travail, conclut M. Huebert, n'est pas un obstacle aux affaires. "

Muskwa Kechika

Wayne Sawchuk, Chetwynd Environmental Society

Wayne Sawchuk parle des processus de planification de l'utilisation des terres du point de vue de la Colombie-Britannique. Il décrit le Nord de la Colombie-Britannique comme " un des panoramas les plus variés et magnifiques qui soit ", mais qui comporte un volet humain qu'il faut intégrer dans un plan. Il présente des diapositives de certains des bassins hydrographiques non aménagés en 1992, y compris une zone " d'importance primordiale " dans le Nord de la Colombie-Britannique. Il affirme que sa décision de protéger la zone en question constitue l'issue naturelle de toute une vie passée dans le Nord des Rocheuses. Il projette ensuite une diapositive de la zone d'étude qui s'étend de " Yellowstone au Yukon " et qu'il décrit comme " point d'ancrage de la biodiversité du continent au complet ". On y trouve notamment des caribous, des chèvres de montagne, des mouflons de Stone, des bisons et de nombreuses espèces de poisson. Ces animaux laissent dans le paysage des signes qui " racontent leurs interactions ".

L'utilisation de la terre par les êtres humains fait partie de ce vaste système qui varie de la chasse aux services de guides, en passant par l'utilisation qu'en font les Premières nations. Il affirme que celles-ci utilisent la terre depuis des milliers d'années, tout en y maintenant de bonnes populations animales. L'écotourisme prend de plus en plus d'importance dans la région depuis quelque temps.
Les conflits que peut susciter l'écopaysage découlent notamment des loisirs motorisés, des activités voisines d'abattage, de l'exploitation minière et de l'exploration pétrolière et gazière. M. Sawchuk décrit la colère qu'il a ressentie lorsqu'il a trouvé 95 barils de combustible de diesel abandonnés dont le contenant s'échappait sur le sol. Parmi les autres répercussions, mentionnons les lignes sismiques, la construction routière et les pipelines de l'industrie pétrolière et gazière. À cause de ces répercussions, on se demande comment aborder les utilisations contradictoires des terres par des personnes qui ont des opinions différentes du paysage, des intérêts différents et des régimes différents d'utilisation des terres. La ville de Mackenzie a adopté comme symbole le broyeur d'arbres, témoignant ainsi de l'opinion selon laquelle le paysage est là pour que des humains l'utilisent comme ils le jugent bon. " J'ai un point de vue plus général ", déclare M. Sawchuk.

Il décrit ensuite les efforts que George Smith (Directeur national de la Conservation à la Société pour la protection des parcs et des sites naturels du Canada) et lui ont déployés, au début chacun de leur côté, pour protéger le Nord des Rocheuses. Ils ont conjugué leurs efforts en 1992 pour collaborer afin de faire connaître la question en produisant des affiches de la région. Ils ont commencé à travailler avec des groupes locaux afin d'élaborer une vision commune du point de vue de la conservation.

À la même époque, le gouvernement de la Colombie-Britannique a lancé un exercice de planification de l'utilisation des terres qui est devenu un moyen efficace de régler la question. Cet exercice de planification a débouché notamment sur la création de Muskwa Kechika, où l'on trouve des parcs où le développement industriel est interdit, ainsi que des zones de gestion spéciales. On a ensuite créé le Muskwa Kechika Advisory Board, doté d'un financement annuel de 3 millions de dollars.

M. Sawchuk conclut en affirmant que le processus de planification de l'utilisation des terres donne des résultats pour des générations à venir, autant fauniques qu'humaines.

Discussion

Une représentante de la Première nation Sagkeeng affirme qu'il faut informer les collectivités locales de ce qui se passe actuellement à leur insu. Elle demande qu'on termine les études sur l'utilisation traditionnelle des terres avant d'accorder des permis de mise en valeur. Elle parle des effets de levier avantageux pour les méga-entreprises, mais non pour les Premières nations. Elle ajoute que Tembec possède maintenant la Pine Falls Paper Company, mais que " nous devons nous présenter devant des tribunes comme celle-ci " pour demander de l'aide afin de créer des compétences et d'établir des plans de gestion forestière. " Vous devez comprendre que nous sommes les peuples des Premières nations du Canada et que nous devons maintenir ce que nous avons pour les générations qui nous suivront tous, " dit-elle en ajoutant que " nous n'avons pas vu de partenariat… il faut nous parler ".

Un autre participant se dit heureux d'être présent à la conférence, mais il parle aussi de sa réaction " négative " face à son thème, " La conservation : ça fonctionne! ". Il explique que le gouvernement n'a pas mis en œuvre un article d'un traité signé avec la Première nation Cross Lake en 1977-article qui a trait au nettoyage de l'environnement. Il signale que le gouvernement veut effectuer ce travail de conservation " à compter de maintenant ", mais qu'il ne veut pas le faire avec la Première nation Cross Lake. Même s'il est d'accord au sujet de la possibilité de transformer des situations négatives en situations positives, il insiste sur le fait que " si une partie veut se servir d'un partenariat pour entrer en contact avec une Première nation et la laisser ensuite derrière " tout en s'approprient les retombées, " c'est autre chose ". Il est temps, dit-il, que le gouvernement tienne ses promesses : " Il faut nettoyer notre environnement. Lorsque nous affirmons nous intéresser à l'environnement, joignons le geste à la parole. "

Clôture de la première journée

Stuart Smith, Président, TRNEE

Stuart Smith clôture à la séance de travail en remerciant tous les conférenciers. Il félicite les organisateurs de la réunion et la Table ronde manitobaine pour une journée de contacts avec des " êtres humains exceptionnels ". Même s'il affirme qu'il est trop tôt pour " résumer ", il signale certains des thèmes abordés. Il parle de l'inspiration donnée par Roberta Bondar d'un point de vue inaccessible pour la plupart des gens. Il signale que les exposés ont soulevé la question de " l'éthique de la nature "-y compris la question de savoir si la nature existe pour que les êtres humains en fassent ce qu'ils en veulent, ou si elle a le droit d'exister en sus du service qu'elle rend aux être humains. La réponse à cette question sous-tend notre façon d'utiliser la nature et de la respecter.

Par ailleurs, la société doit trouver un moyen de respecter les personnes, y compris celles qui ont besoin de gagner leur vie et celles qui connaissent une nature traditionnelle. On a appris une leçon : si l'on traite la nature comme il se doit, il est possible d'en tirer plus d'avantages économiques. " La nature a tellement plus à offrir lorsque nous l'abordons d'un point de vue différent "-comme contexte, par exemple, que l'on paiera pour le conserver et pour en profiter.

Rappelant certains des points clés soulevés au cours de la journée, il signale que les participants ont entendu parler d'écopaysages actifs et qu'il est difficile de s'entendre sur des façons pour tous les intéressés d'en tirer ce dont ils ont besoin. Il rappelle le rôle des servitudes par rapport aux écopaysages actifs, dont on entendra parler davantage demain.

L'" excellent " exposé sur les zones de protection marines reflète l'énergie dont il est très important de tenir compte au Canada, pays qui compte trois océans et où les scénarios de protection pourraient offrir des situations gagnantes pour tous. Un autre point clé a porté sur le " rôle vital " des Premières nations et sur le besoin à la fois de négocier équitablement et d'utiliser les connaissances traditionnelles des peuples autochtones.

M. Smith se dit particulièrement impressionné par l'exposé de M. Noss et par le point qu'il a fait valoir au sujet du besoin de buts énoncés clairement dans l'établissement de zones protégées et des moyens précis de rendre compte des buts en question. Dans son exposé. M. Noss a insisté sur le fait qu'il faut non seulement préserver les " points chauds ", mais aussi protéger la terre afin de protéger les espèces et, en fin de compte, les écosystèmes.

Les participants ont entendu parler du rôle des gros carnivores et de leur besoin de couloirs, de zones tampons et de réseaux en plus des zones protégées qui ne suffisent pas à elles seules pour assurer leur survie. Sans carnivores, signale M. Smith, le nombre des herbivores augmenterait, ce qui créerait un système naturel qui n'est pas idéal.

M. Smith conclut en affirmant que " nous avons pris un départ exceptionnel ".

Le 8 novembre 2001

Discours principal

Michael Harcourt, membre de la TRNEE, associé principal, Sustainable Development Research Institute, University of British Columbia

M. Harcourt se dit heureux de pouvoir présenter une rétrospective qui porte sur le processus de planification de l'utilisation des terres (appelé couramment processus CORE), qui remonte au moment où la Colombie-Britannique a adoptée la Commission on Resources and Environment Act, en 1992. Le processus CORE, dit-il, porte sur des méthodes de participation du public et de règlement des différends qui sont directement pertinentes au travail de la conférence. Le processus CORE, qui a vu le jour pendant son mandat comme Premier ministre, a été mis sur pied par Stephen Owen, premier commissionaire provincial des ressources et de l'environnement. Le processus est issu d'une conversation entre deux " pères de soccer ", MM. Harcourt et Owen, vers la fin des années 80, au moment où ils cherchaient à régler des différends sur l'utilisation des terres qui avaient surgi dans le contexte des luttes entre exploitants forestiers, environnementalistes et peuples autochtones et qui ont causé des " agitations civiles ". Ces groupes ont présenté des arguments différents mais " convaincants " en faveur de la protection des forêts anciennes et des moyens de subsistance, du règlement des questions reliées aux terres autochtones et à la gouvernance, sans oublier l'allégement des pressions exercées par la concurrence.

À la suite de l'élection d'un nouveau gouvernement néo-démocrate en 1991, l'Assemblée législative de la Colombie-Britannique a approuvé à l'unanimité l'établissement du processus CORE en 1992. La commission avait pour mandat initial de faire fonction de " catalyseur " de la durabilité en élaborant une stratégie provinciale globale et des plans d'utilisation des terres qui établiraient, aux échelons local et régional, un équilibre entre les intérêts sociaux, économiques et environnementaux. Le processus visait à encourager la participation du public et des Autochtones à la prise des décisions, à renforcer les mécanismes de règlement des différends et à resserrer la collaboration et la coordination des initiatives à l'intérieur des administrations publiques et entre elles. La commission CORE, déclare M. Harcourt, a traduit son mandat législatif dans les cinq volets de sa stratégie d'utilisation des terres : une vision gouvernementale claire de la durabilité; la participation réelle du public; la coordination attentive entre tous les organismes gouvernementaux; un mécanisme intégré et uniforme de règlement des différends, ainsi que la surveillance indépendante du processus global et des progrès réalisés vers la durabilité.

En 1995, on avait approuvé des plans stratégiques d'utilisation des terres dans quatre régions en particulier qui étaient sources de conflit : l'Île Vancouver, Cariboo-Chilcotin, West Kootenay Boundary et East Kootenay. M. Harcourt cite M. Owen qui, dans un article publié en 1998 dans Environments, déclarait que : " Le défi clé consistait à établir un processus de participation qui permettrait à des groupes aux intérêts fortement divergents et avec de l'influence politique d'essayer de concilier leurs divergences de vues de façon à permettre au gouvernement d'intervenir de façon décisive à l'égard de nombreuses questions controversées reliées à l'utilisation des terres ". Aucune des régions n'a réussi à dégager une entente sur toutes les questions, mais elles ont toutes réalisé des progrès importants à l'égard d'ententes auxiliaires.

Le deuxième mandat de " surveillance " de la commission CORE remonte à 1995 : la commission est alors devenue un organisme consultatif plus indépendant, conseillant le gouvernement sur la question de la durabilité, un peu comme la TRNEE. Contrairement à la TRNEE, toutefois, la commission CORE a été dotée de pouvoirs complets pour mener des enquêtes publiques qui lui permettaient d'organiser des audiences et de convoquer des témoins. M. Owen considère ce rôle d'ombudsman permanent comme un " élément clé " de la stratégie de durabilité. Le gouvernement en a profité pour lancer une série d'initiatives complémentaires, y compris une stratégie visant à protéger 12 % des terres, un nouveau code de pratiques forestières et un processus de conclusion de traités avec les Autochtones comportant un mécanisme distinct pour les Nisga'a. Lorsque la commission CORE a terminé ses travaux en 1996, l'initiative visant à protéger 12 % des terres avait atteint son but, le nouveau code de pratiques forestières était en vigueur, des méthodes d'exploitation forestière plus sélective et à valeur ajoutée avaient remplacé les coupes à blanc et le traité avec les Nisga'a était devenu loi.

M. Owen, déclare M. Harcourt, a accepté " avec grâce " la décision que le nouveau gouvernement a prise en 1996 de maintenir le mandat de la commission CORE au moyen de plans de gestion des terres de moindre envergure et axés davantage sur la collectivité. Dans son article de 1998, M. Owen a toutefois déclaré: " Pour instaurer la durabilité, il faudra un engagement à long terme et une attention vigilante. C'est tout aussi réel que la réduction de la dette publique, mais d'une importance encore plus fondamentale… Même s'il reste en Colombie-Britannique de nombreux mécanismes d'examen des questions reliées aux ressources et à l'environnement… il n'y a pas de système global de surveillance des aspects complexes et interreliés de la durabilité. "
Le mécanisme CORE, explique M. Harcourt, peut présenter de nombreux aspects parallèles aux objectifs de la conférence en cours sur la conservation. Le mécanisme d'établissement d'une stratégie intégrée de planification de l'utilisation des terres peut constituer un point de repère utile pour une conférence qui vise à la fois la nature, les collectivités et l'économie.

Le mécanisme CORE a en outre donné naissance à une réflexion nouvelle et innovatrice qui peut aider au moment où l'on explore les défis posés par les écopaysages reliés, les promesses qu'ils offrent et leurs aspects pratiques. Les plans régionaux d'utilisation des terres de la commission CORE comprenaient, par exemple, des dispositions sur des zones de gestion spéciales, des couloirs pour la faune migratrice, des zones écologiques spéciales, des sites d'importance pour les cultures autochtones. Ils obligeaient aussi les industries forestière et minière à tenir compte des zones protégées voisines.

e mécanisme CORE a de plus établi de nouveaux modèles de mobilisation des intervenants. On a appris qu'il ne faudrait obliger aucune collectivité à importer des solutions sans pouvoirs les adapter. Il est possible d'utiliser efficacement la participation du public lorsqu'on met à contribution ce qu'il y a de mieux à la fois de la démocratie directe et des négociations sectorielles. Lorsque de telles négociations sont " ouvertes, responsables et équitables ", elles peuvent être une source de connaissances et de conseils précieux.

Il y a trois façons d'organiser la participation publique, affirme M. Harcourt : dans deux cas, c'est la catastrophe et la troisième façon est " risquée ". Dans le premier cas, des spécialistes disent à la population ce qu'il faut. Dans le deuxième, on présente aux participants une feuille vierge qu'on leur demande de remplir. La troisième façon de procéder établit le " bon équilibre " entre le leadership éclairé, l'absence d'intentions cachées et un consensus que l'on espère dégager (sans toutefois compter sur le consensus pour prendre des décisions). Ce modèle de " prise de décision en commun " signifie, selon M. Owen, que ceux qui ont le pouvoir de prendre une décision et ceux qui en subissent les conséquences " ont conjointement le pouvoir de chercher à atteindre un résultat qui accommode les intérêts de tous les intervenants intéressés au lieu d'établir des compromis ". Lorsqu'on dégage un consensus, déclare M. Harcourt, les résultats devraient être " irrésistibles pour le gouvernement ". Sans consensus, la contribution demeure un moyen important de définir l'éventail des options disponibles. Même si aucun des plans d'utilisation des terres n'a fait l'objet d'un consensus complet, admet M. Harcourt, des sondages ont montré que la population accepte le résultat dans une proportion de 80 à 90 %. L'hypothèse qui sous-tend le mécanisme CORE, c'est qu'il exigerait une contribution générale des intervenants, mais qu'il y aurait des changements même si l'on ne réussissait pas à dégager un consensus.

L'expérience que les conseillers techniques ont acquise en travaillant comme équipe intégrée a constitué un des " avantages secondaires " du processus CORE. Beaucoup ont appris à collaborer pour la première fois, ce qui a favorisé le respect entre conseillers gouvernementaux et intervenants.

M. Harcourt " résume " les avantages du processus CORE en signalant qu'il a créé un moyen d'instaurer des écopaysages et des collectivités durables. On a mis en place un mécanisme efficace de règlement des différends et mobilisé efficacement le public pour produire des solutions fondées sur la collaboration. L'expérience issue de l'apprentissage et des efforts en commun constitue le " cœur même d'un mécanisme d'intervention fructueux ".

En terminant, il répète qu'il regrette que Stephen Owen ne puisse être présent. Il signale aussi l'engagement du Premier ministre Jean Chrétien envers la mission que constitue la conservation du patrimoine naturel. À cet égard, on dispose maintenant de " nouveaux outils " pour orienter la prise de décisions-ces outils varient de la réflexion nouvelle sur les réseaux et les couloirs aux mesures nouvelles qui ont trait aux fiducies de conservation, en passant par les mécanismes d'écologisation de la fiscalité et par les partenariats entre les secteurs public et privé.

Les outils de planification

Animateur : Peter Miller, professeur, Université du Manitoba

Peter Miller présente un changement d'orientation par rapport aux stratégies de conservation fondées sur les zones protégées dont il a été question la veille. Les discussions d'aujourd'hui, affirme-t-il, porteront sur la conservation, la biodiversité et les fonctions écologiques possibles dans le cas des écopaysages actifs où l'on extrait des ressources.

Les effets cumulatifs de l'utilisation des ressources naturelles des terres : limiter les traces

Brad Stelfox, écologiste du paysage forestier, Forum Technologies/Alberta-Pacific

L'exposé de Brad Stelfox porte sur les effets cumulatifs de l'utilisation des ressources naturelles de divers secteurs des forêts boréales du Nord de l'Alberta. Cette région ne subit pas seulement les effets de l'exploitation forestière : le secteur agricole y prend de l'expansion pour transformer un type de paysage (forêt) en un autre (agriculture). Comme humains, ajoute-t-il, nous avons tendance à " accuser " les secteurs de l'exploitation forestière et de l'énergie, mais nous oublions de reconnaître l'impact des établissements humains, de l'infrastructure, des activités récréatives, de la chasse et du piégeage. Le secteur de l'énergie laisse en outre dans le paysage des traces importantes sous forme de lignes sismiques, de sites de puits, de voies d'accès aux sites des puits et de pipelines. L'émergence récente d'une industrie de la tourbe contribue aussi à laisser des traces.

Ces répercussions présentent globalement un tableau de traces humaines en train de s'implanter. Pendant 10 000 ans, des phénomènes naturels ont formé le paysage, qui subit maintenant l'effet de multiples pratiques d'utilisation des terres illustrant des mandats de croissance qui sont tous d'une " envergure limitée inacceptable pour l'industrie ". Devant ce phénomène, dans quelle mesure le Canada dispose-t-il des moyens nécessaires pour maintenir des paysages diversifiés sur le plan biologique dont la qualité et la quantité seront acceptables à mesure que les paysages en question évolueront au cours des prochaines décennies?


M. Stelfox présente un aperçu plus détaillé de chacun des secteurs d'utilisation des terres. Il commence par jeter un coup d'œil sur les tendances des établissements humains en Alberta, où la population augmente actuellement de 2 % par année. Il présente une photographie aérienne de Calgary en 1924 : la ville occupait alors sept milles carrés. En 1949, sa superficie avait doublé pour atteindre 15 milles carrés. Selon des données récentes, Calgary s'étendait sur 154 milles carrés en 1998. La population augmente aux dépens des paysages agricoles qui, eux, se sont étendus aux dépens des collectivités indigènes des Prairies.

En outre, l'abattage annuel a augmenté considérablement en Alberta à compter de 1930. Les expéditions de bois mou ont augmenté, tout comme leur valeur. Or, déclare M. Stelfox, le secteur forestier est d'une " envergure restreinte inacceptable " et " doit prendre de l'expansion ". Les tendances prévues comprennent une production deux fois plus élevée au cours de la prochaine décennie avec l'adoption de techniques visant à intensifier la production par des programmes d'amélioration génétique, par l'utilisation d'herbicides et par d'autres moyens.

De même, le secteur de l'énergie est lui aussi trop limité. M. Stelfox signale que le nombre de puits de gaz est à la hausse, les dépenses d'exploration augmentent, les pipelines s'étendent, sans oublier une tendance générale à l'augmentation des traces. Cette industrie " a beaucoup contribué à l'économie sociale et au mieux-être de la province ", mais elle a besoin de prendre de l'expansion pour le bénéfice des consommateurs, affirme-t-il. Il mentionne que l'on pense de plus en plus qu'il faut compter sur la production nord-américaine d'hydrocarbures pour l'approvisionnement futur. La province a engagé jusqu'à maintenant 70 milliards de dollars en capitaux de risque pour de nouveaux projets.

On signale aussi que le secteur agricole est d'une envergure trop restreinte, même si la superficie des terres cultivées a augmenté considérablement entre 1900 et 2000 et si la production de bétail a augmenté elle aussi. Le ministère de l'Agriculture a proposé de doubler la production primaire et de quadrupler la valeur ajoutée d'ici à 2005. Il est possible d'atteindre ces objectifs par la modification génétique des aliments, en comptant davantage sur les engrais et les systèmes d'irrigation, et en augmentant la superficie des terres agricoles.

Globalement, ces scénarios montrent que les méthodes d'utilisation des terres commencent à s'arracher de l'espace. Le secteur de l'énergie empiète sur les terres forestières, le secteur forestier envahit par ses plantations des terres agricoles (et vice versa), les établissements humains occupent des terres agricoles, et ainsi de suite. Selon M. Stelfox, on comprend de plus en plus que, comme la superficie des terres est limitée, il ne peut y avoir de croissance par l'expansion dans l'espace : elle doit plutôt découler de l'intensification des processus-par le recours accru aux pesticides, la production plus intensive de bétail, l'expansion des réseaux d'irrigation, l'utilisation accrue des technologies génétiques, notamment.

Compte tenu de l'impact prévu, il faut chercher à établir des stratégies d'atténuation, ce qu'il est possible de faire au moyen du simulateur des effets cumulatifs sur le paysage (A Landscape Cumulative Effects Simulator) ou ALCES. Le système ALCES permet d'analyser le paysage de façon à déterminer les traces associées à un secteur en particulier. Après avoir entré dans le système l'information provenant des intervenants, défini et caractérisé la zone d'étude et les zones de croissance prévues, le système projette dans l'avenir une simulation de la répartition dans l'espace des traces collectives découlant de toutes les méthodes d'utilisation des terres. Lorsqu'on y intègre des méthodes modifiées (" optimales "), on constate que les effets diminuent considérablement.

En terminant, M. Stelfox formule la théorie selon laquelle il est possible de réduire au minimum un grand nombre d'effets indésirables en définissant des stratégies d'atténuation (suivies par le système ALCES) et en adoptant ces " pratiques optimales ".

Révision par les pairs de la planification de la conservation des terres adjacentes

Barbara Dugelby, écologiste du milieu sauvage, Projet Wildlands

Le temps presse pour la nature sauvage, déclare Barbara Dugelby. Si nous ne réagissons pas rapidement pour définir et protéger les points chauds, les couloirs naturels et d'autres zones importantes, l'expansion résidentielle, les activités récréatives indues et l'exploitation excessive des ressources " fermeront alors la porte " aux dernières possibilités de protéger les terres sauvages. Elle indique que le Projet Wildlands a pour mission de protéger et de restaurer le patrimoine naturel de l'Amérique du Nord en établissant un réseau interconnecté de zones sauvages. Son but à long terme est de produire un plan directeur scientifique de conservation continentale qui sera mis en œuvre au cours des 100 prochaines années. La vision continentale est cruciale, étant donné que la planification de la conservation doit se faire à grande échelle pour être efficace.

Elle définit ainsi les buts principaux du Projet Wildlands : représenter tous les types d'écosystèmes, maintenir des populations viables de toutes les espèces, maintenir les phénomènes écologiques et évolutifs, et permettre le changement. Des buts plus précis sont établis au niveau régional. Ces buts sont fondés sur une démarche qualifiée de " remise à l'état sauvage " et ces buts mettent l'accent sur l'intégration de l'examen par les pairs.

La remise à l'état sauvage comporte trois éléments indépendants : soit de vastes réserves de base, la connectivité et des espèces clés. Jusqu'aux années 80, la protection des étendues sauvages était justifiée principalement par des raisons morales et esthétiques. La remise à l'état sauvage présente toutefois l'argument scientifique en faveur du rétablissement des grandes étendues sauvages et de leurs populations complètes de prédateurs indigènes. Elle décrit trois grands arguments scientifiques qui appuient la stratégie de remise à l'état sauvage et justifient l'importance accordée aux gros prédateurs. On reconnaît que l'élément réserve de base joue un rôle important dans le maintien de l'habitat des prédateurs, de la biodiversité et des phénomènes naturels. En fait, des biologistes de la conservation ont affirmé qu'il fallait au moins entre un et dix millions d'hectares de zones protégées pour assurer la viabilité à long terme de populations de carnivores et d'ongulés. Les réserves de base n'assurent néanmoins pas une protection suffisante sans connectivité. La science confirme en outre que des interactions écologiques " descendantes " déclenchées par les principaux prédateurs maintiennent souvent la structure des écosystèmes, leur résistance et leur diversité.

L'importance accordée aux rôles écologiques des grands carnivores, élément central de la stratégie de remise à l'état sauvage, repose sur l'hypothèse selon laquelle des réseaux de terres sauvages stables et fonctionnelles ont besoin d'espèces clés pour stabiliser des populations de projets et de prédateurs plus petits. La protection des carnivores peut toutefois se justifier aussi par des considérations d'ordre esthétique, spirituel et éthique. Certains soutiennent que les êtres humains doivent corriger des politiques qui ont fait disparaître ces prédateurs du continent.

Sur le plan scientifique, un argument important en faveur de la protection de grandes zones de base repose sur le fait que l'architecture des réseaux régionaux de conservation doit refléter les besoins des espèces clés-c'est-à-dire des espèces qui ont une influence " disproportionnée " par rapport à leur abondance. Elle cite deux cas solides à l'appui de cet argument " controversé ". Le premier est celui du rétablissement de la loutre de mer et de son rôle si l'on veut recommencer à régulariser une population d'oursons de mer, qui échappe au contrôle. Le deuxième est celui d'une explosion des populations de mésoprédateurs et la disparition subséquente d'oiseaux chanteurs et d'autres petits vertébrés qui a suivi celle des coyotes à un niveau supérieur de la chaîne alimentaire dans les régions urbaine et rurale.

Si la régulation descendante est un phénomène écologique critique dans beaucoup d'écosystèmes, elle affirme qu'il faut alors définir les conditions qui appuient des populations robustes de grands carnivores. De vastes zones protégées sont nécessaires, mais sans la connectivité intrarégionale et interrégionale, elles ne suffisent pas pour assurer la viabilité à long terme des grands carnivores. La connectivité facilite les échanges génétiques et une dispersion adéquate. Les liens à grande échelle entre des terres offrent aussi le meilleur espoir d'assurer la persistance d'espèces face aux changements climatiques prévus. Dans le cadre du Projet Wildlands, on n'insiste pas pour que les zones de base soient immaculées lorsqu'on les établit, mais on applique l'hypothèse selon laquelle la remise en état pourra prendre des dizaines d'années.

Mme Dugelby reconnaît que les trois éléments centraux de la remise à l'état sauvage soulèveront inévitablement des oppositions sociales et politiques qu'il faut néanmoins surmonter afin de protéger la biodiversité.

Elle consacre quelques minutes à la description d'un projet fondé sur une stratégie de remise à l'état sauvage, soit le plan de conservation du réseau de terres sauvages de Sky Islands, dans la zone de chevauchement entre les Rocheuses et la Sierra Madre mexicaine. Le plan a été élaboré par une équipe de conception de base qui a bénéficié de la participation et de la rétroaction de scientifiques régionaux, de politiciens, de propriétaires et de conservationnistes locaux. Le plan a été mis au point de façon itérative, fondé sur la rétroaction d'experts pendant tout l'exercice et basé sur des réserves de base tant privées que publiques. La relation que les groupes locaux ont établie avec les éleveurs est un de ces résultats. Il s'agit d'un plan transfrontalier dont la mise en œuvre est différente au Mexique, où les terres sont en majeure partie privées.

Elle décrit ensuite le volet examen par les pairs du travail effectué dans le contexte du Projet Wildlands, élément qu'elle juge " vital " pour plusieurs raisons : l'examen débouche sur le meilleur produit, assure que le plan proposé sera crédible auprès des experts et aide à susciter des appuis publics et politiques. L'examen par les pairs comporte un mécanisme d'évaluation continue qui suit quatre voies : examen par des spécialistes internes, examen par des spécialistes de l'extérieur, consultation de groupes d'intérêt et examen par des pairs des milieux universitaires.

L'examen interne met à contribution un réseau de scientifiques et de propriétaires régionaux qui participent à la conception. Suit alors un examen externe effectué par des gens qui ne participent pas au projet et qui peuvent même ne pas l'appuyer. Ils formulent des commentaires avant que le projet soit rendu public. Le mécanisme de consultation met à contribution quatre groupes régionaux : les milieux de la conservation, d'autres alliés, le grand public, les décideurs et les stratèges. L'examen final par des pairs des milieux universitaires comprend la publication d'analyses individuelles réalisées dans le contexte du mécanisme d'élaboration.

En terminant, Mme Dugelby répète trois points : il faut planifier à grande échelle; il est urgent de protéger les zones sauvages, sans oublier la valeur de plans de conservation crédibles " aux yeux des experts ".

Connaissances traditionnelles et planification de la conservation
Joanne Barnaby, consultante, Réserve Hay River, T. N.-O.
Présidente fondatrice du Dene Cultural Institute, Mme Joanne Barnaby explique que les connaissances écologiques traditionnelles (CET) et les méthodes traditionnelles de prise de décision sont d'une importance vitale dans la vie quotidienne des collectivités autochtones. Elles constituent le pilier de relations durables entre les gens et leur environnement, et elles peuvent aussi offrir aux cultures occidentales des possibilités d'échanger et de trouver des solutions aux défis de l'heure.

L'environnement est presque assez dégradé pour que les ressources en eau et les aliments de base deviennent bientôt nos ressources les plus précieuses, affirme Mme Barnaby. La société doit changer radicalement sa façon de voir le monde et d'utiliser ses ressources si nous voulons éviter un état de " survie de désespoir ".

Mme Barnaby présente aux participants quelques éléments clés des connaissances traditionnelles. Plus qu'une simple compilation de faits, les connaissances traditionnelles constituent un système complexe et sophistiqué de connaissances qui repose sur des siècles de sagesse et de vécu. Elles augmentent et changent constamment face à des renseignements nouveaux, elles sont transmises oralement d'une génération à l'autre et elles évoluent pour intégrer le vécu de chaque génération. Acquises grâce à une relation étroite avec l'environnement qui est à la fois spirituelle et économique, ces connaissances comportent la mise en commun d'expériences et d'observations entre chaque membre d'une collectivité. Cette expérience est intégrée aux compréhensions et aux interprétations collectives.

Accumulées pendant des milliers d'années de vécu dans un environnement, les connaissances traditionnelles constituent le savoir de base des régions qui sert à planifier, à prévoir les résultats, à surveiller et à évaluer les répercussions d'événements naturels et d'activités humaines. Les compréhensions et les interprétations des connaissances traditionnelles orientent les comportements, les croyances et les décisions socio-économiques.
La pertinence actuelle des connaissances traditionnelles est évidente compte tenu du fait que les connaissances scientifiques de certaines régions en particulier sont limitées et que l'on connaît très peu ou pas du tout les conditions qui ont précédé le développement. Les connaissances écologiques traditionnelles peuvent éclairer la planification de l'utilisation des terres en aidant à limiter ou à atténuer les retombées de la mise en valeur ou en assurant la protection de zones fragiles. Les connaissances écologiques traditionnelles servent habituellement à surveiller les répercussions et le changement par rapport à des connaissances de base bien connues et comprises, ainsi qu'à gérer l'utilisation que l'espèce humaine fait de l'environnement naturel.

Conscients du besoin de modifier les pratiques actuelles de gestion, les gouvernements commencent à comprendre l'importance des connaissances écologiques traditionnelles et les incluent dans les exigences relatives aux recherches et les régimes de cogestion, et ailleurs aussi.

Mme Barnaby propose des moyens par lesquels des connaissances écologiques traditionnelles peuvent appuyer l'industrie et le secteur public dans la gestion de l'environnement. Les connaissances écologiques traditionnelles peuvent permettre de comprendre les conditions qui existaient avant le développement, ce qui manque souvent. Sans cette compréhension, les gestionnaires ne peuvent en fait effectuer des évaluations, surveiller les répercussions ou réaliser des programmes de remise en état. Les efforts déployés pour gérer les effets cumulatifs sans information de base seraient futiles. Les connaissances écologiques traditionnelles peuvent aussi produire de l'information sur les tendances historiques afin d'éclairer les plans futurs de développement ou de remise en état.

Elle parle du besoin de trouver des moyens d'évaluer et d'utiliser les connaissances écologiques traditionnelles. Idéalement, des participants autochtones et non autochtones devraient effectuer leur travail ensemble dans un climat de respect, de confiance, de responsabilisation et d'équité. Le respect inclut le respect par chaque partie de la culture, des processus décisionnels et des langues de l'autre partie. On gagne la confiance en donnant suite à des ententes et en assurant que le travail qui consiste à inclure les connaissances écologiques traditionnelles produit un résultat qui veut dire quelque chose. L'équité commence par la création de compétences, ce qui permet aux personnes en cause de travailler ensemble. Elle accorde aux connaissances écologiques traditionnelles la même autorité qu'aux connaissances scientifiques dans le processus de développement.

Mme Barnaby préconise l'utilisation de la recherche-action participative (RAP), modèle qui comprend la création d'un Conseil des aînés, la formation de chercheurs locaux pour leur apprendre à utiliser des techniques d'entrevue et la conception d'une méthodologie qui convient aux collectivités. Cette façon de procéder inclut la préservation des langues autochtones afin de trouver les mots racines et la langue " ancienne " qui ne sont pas d'usage courant dans les collectivités modernes. Comme il est irréaliste de demander à des chercheurs autochtones d'interpréter des connaissances traditionnelles et de représenter en même temps la collectivité à des conseils et des comités, elle leur recommande d'ajouter une autre strate de représentation.

Au cours du remaniement des systèmes de gestion qui vise à inclure le savoir issu des connaissances traditionnelles, les chercheurs doivent tenir compte des systèmes de classification distincts et des écosystèmes reconnus par les aînés. Il faut en outre inclure les observations des aînés et des cueilleurs dans les initiatives de surveillance, et il faut modifier les plans de gestion par leur participation directe.

À mesure que les ressources de la planète s'épuisent, les sociétés modernes doivent réévaluer les croyances et les valeurs sous-jacentes associées aux habitudes destructrices pour l'environnement. Le respect de différents systèmes de connaissances contribuera à accroître la capacité de gérer nos ressources communes.

La société doit rebâtir sa relation d'intendance avec la terre, conclut Mme Barnaby, afin de garantir des choix aux générations futures. L'adoption d'une partie du savoir et de l'enseignement qu'offrent les connaissances traditionnelles peut très bien contribuer à établir l'équilibre que l'on recherche entre l'éthique environnementale et le mieux-être économique.

Discussion

Un participant demande à M. Stelfox de parler de l'impact du manque de planification gouvernementale coordonnée sur la stratégie relative aux zones protégées. M. Stelfox répond que des organismes gouvernementaux commencent à reconnaître que leur existence comme " couloirs " doit céder la place à des démarches plus intégrées. En Alberta, ajoute-t-il, il est néanmoins très difficile d'obtenir des zones protégées parce que les décisions sur la répartition sont habituellement prises avant qu'on aborde les questions importantes de planification de l'utilisation des terres.

Un autre participant transmet les salutations du Conseil Mohawk d'Akwesasne et des membres de la nation métisse. Il informe les participants de l'existence du groupe de travail des Indiens, des Inuit et des Métis établi dans le contexte du processus prévu dans la Loi sur les espèces en péril et invite Mme Barnaby à participer aux activités du groupe. Se disant reconnaissant de participer à la conférence, il ajoute que " nous ne voulons plus être laissés de côté ", mais " nous avons rarement la chance de participer comme il se doit ".

Une question posée à Mme Dugelby porte avant tout sur le Projet Sky Island. Le participant lui demande comment on a réussi à établir des relations de travail avec les propriétaires. Mme Dugelby parle de l'importance de collaborer avec les gens qui habitent depuis longtemps la région. Ils ont aussi appris par l'expérience que " le messager est tout aussi important que le message ", ce qui signifie qu'il importe que le Projet Wildlands soit le premier organisme à parler aux propriétaires de ses raisons d'être et de ses méthodes. Une phase de préconception, qui consiste à parler aux populations des régions rurales, joue un rôle crucial dans ce processus.

Un autre participant parle avec fierté d'un nouveau processus d'exploitation forestière qu'on est en train de mettre au point en Saskatchewan et qui prévoit qu'on ne pourra conclure d'autres accords de gestion forestière sans la participation d'un partenaire des Premières nations. Ce processus est le seul qui existe à avoir été " approuvé " à six paliers de gouvernement, y compris le Saskatchewan Indian Council et deux bandes des Premières nations.

Réunion A en petits groupes : Réaliser la conservation par le biais des programmes de dépenses fiscales

Animateur : Jean Bélanger, Président, Programme de la TRNEE sur l'écologisation de la fiscalité

Jean Bélanger explique que le programme de la TRNEE sur l'écologisation de la fiscalité vise à appuyer le virage vers le développement durable.

Écologisation de la fiscalité : Modification des taxes municipales
Nancy Olewiler, professeure, Département d'économie, Simon Fraser University

Nancy Olewiler lance la discussion par le message selon lequel la conservation et les buts reliés au patrimoine naturel passeront par une stratégie à facettes multiples et un éventail de politiques.
Les crédits d'impôt foncier (CIF) sont un moyen que l'on peut utiliser comme politique fondée sur des mesures d'encouragement pour accroître la conservation sur les terres privées. Les CIF peuvent permettre d'accroître la sensibilisation, de modifier et de faire changer des comportements. Mme Olewiler insiste sur le fait qu'il n'y a pas une seule politique qui réglera tous les problèmes de conservation-il en faudra tout un éventail.

La gestion des terres agricoles produit deux types génériques de retombées. Il y a d'abord les retombées privées dont profite la personne, celles que le propriétaire retire de la terre, principalement à des fins de production. Les produits issus de la terre pourraient inclure les fruits de l'agriculture, l'exploitation forestière, les récoltes des ménages et les utilisations domestiques et récréatives. Le deuxième type est celui des retombées sur la société. Il s'agit de ce que la société peut tirer de l'utilisation des terres, que ce soit à l'échelon local, régional ou national. Ces retombées pourraient inclure des éléments comme la purification de l'eau, la rétention des eaux et le contrôle des inondations, l'habitat pour la faune et les végétaux, la séquestration du carbone et la stabilisation des terres.

Le problème que posent les retombées sur la société, c'est qu'elles sont difficiles à mesurer et que l'on a tendance à les sous-évaluer. Il y a aussi conflit entre les intérêts privés et ceux de la société, parce que le propriétaire ne touche aucun paiement pour des activités qui ont des retombées sur la société. Même si le propriétaire veut participer aux pratiques de conservation, qui l'indemnisera lorsqu'il retirera la terre de la production- Comme il n'y a aucun paiement à l'égard de ces retombées sur la société, on aura tendance à en produire trop peu. Il s'ensuit une tendance à la surproduction d'activités dommageables sur le plan écologique lorsqu'il en découle des retombées privées.

Les méthodes de gestion des terres agricoles peuvent entraîner d'énormes coûts pour la société; ils peuvent inclure la pollution causée par le fumier, les engrais, les herbicides et les pesticides. En outre, les pratiques agricoles peuvent contribuer à l'érosion ou à la destruction de l'habitat et des terres inondées. La société est tenue d'inciter les propriétaires privés à changer de comportement, déclare Mme Olewiler.

Il y a deux façons de procéder pour maximiser les retombées sur la société. Celle que l'on a toujours utilisée met en cause des mesures de contrôle établies par des politiques de réglementation, ce qui comprend notamment le zonage, l'utilisation des terres et la pollution, les compensations riveraines et les mesures qui ont trait aux pratiques agricoles. L'autre option que l'on peut explorer est celle d'une stratégie fondée sur des mesures d'encouragement. Il s'agit d'une politique par laquelle le gouvernement indemnise les propriétaires qui abandonnent la production agricole afin d'encourager les retombées pour la société. Cette politique établit un mécanisme financier afin d'encourager les gens à changer de comportement.

Les politiques fondées sur des mesures d'encouragement peuvent être une " carotte " ou un " bâton ". Le " bâton ", représenté par les pénalités, est l'outil du gouvernement à l'ancienne mode. La " carotte " est beaucoup plus efficace parce que les propriétaires renoncent à des avantages particuliers pour permettre à la société de tirer des retombées plus importantes. Souvent, il y a aussi une question de territoire lorsque les retombées profitent à ceux qui habitent à l'extérieur de la municipalité, voire en dehors de la province.

Mme Olewiler parle brièvement des impôts fonciers et soutient que même si les taux des impôts fonciers peuvent établir une distinction entre les types d'utilisations des terres, certains propriétaires ne le savent pas ou ne le comprennent pas. Souvent, l'écart entre les taux peut être trop mince pour constituer une mesure d'encouragement pour le propriétaire. Les impôts fonciers constituent toutefois un moyen visible et concret de provoquer des changements d'utilisation des terres.

Elle décrit deux projets pilotes réalisés dans des municipalités rurales du Manitoba au cours d'une période de trois ans qui a commencé en 1999. On a utilisé comme mesure d'encouragement un crédit d'impôt d'un dollar l'acre accordé aux propriétaires qui adoptaient des mesures précises d'utilisation des terres fondées sur la conservation, y compris du fourrage cultivé, des prairies indigènes, des terres humides et des zones tampons riveraines.
Un système de surveillance des activités a constitué une des caractéristiques de ce programme à participation volontaire. Les propriétaires devaient présenter leur demande avant le 31 mars et les municipalités utilisaient des systèmes d'imagerie par satellite, entre le 1er mai et le 1er juin, pour vérifier l'utilisation des terres. On a procédé ensuite à une surveillance aléatoire sur place pendant la saison de croissance. Des crédits d'impôt ont été versés à ceux qui se conformaient au programme, lorsque les impôts fonciers sont devenus exigibles à l'automne.

Les résultats des deux premières années indiquent qu'il y a eu 230 participants, total qui représente le tiers des propriétaires, et que le programme s'est appliqué à plus de 67 000 acres dans des secteurs fragiles sur le plan écologique. Le crédit d'impôt moyen s'est établi à 261 dollars. Le programme total a coûté 76 000 $, dont 51 000 $ ont été payés sous forme de prestations et le solde a servi à la formation, ainsi qu'à la sensibilisation et à l'éducation de la collectivité. Lorsqu'on a sondé les participants, 86 % ont déclaré que le programme valait la peine et 88 % ont reconnu qu'un crédit d'impôt foncier d'un dollar l'acre représente une indemnisation efficace.

Il y a de nombreux facteurs dont il faut tenir compte pour encourager le succès. Il faut d'abord l'appui général des parties en cause (les propriétaires, le public, le gouvernement et les organisations non gouvernementales [ONG]). Il faut avant tout que le programme soit à participation volontaire et ne pénalise pas les propriétaires pour leur activité de conservation antérieure. Le programme devra être administré par les autorités municipales, ce qui lui donne de la flexibilité (et lui permet de s'adapter aux retombées sur l'environnement), et il faut déterminer une fois par année le montant du crédit d'impôt foncier. Cette flexibilité permettra aussi de verser le crédit d'impôt foncier seul ou de l'intégrer à d'autres politiques.

Le crédit d'impôt foncier pose des défis importants à relever, prévient Mme Olewiler. Le plus gros est celui du besoin d'un financement de programme durable. Il est associé au défi connexe qui consiste à mesurer les retombées sur l'environnement afin de justifier le programme. La méconnaissance et le faible taux de participation peuvent empêcher de produire des changements importants de l'utilisation des terres. Comment une municipalité détermine-t-elle l'importance du crédit d'impôt foncier et les propriétaires prendraient-ils des mesures de conservation s'il y en avait pas?


Mme Olewiler termine son exposé en rappelant le potentiel qu'offre la politique des crédits d'impôt foncier. Il s'agit d'une mesure d'encouragement modeste qui offre de nombreux avantages. Elle peut sensibiliser davantage la population aux compromis et aider à changer des comportements. Elle peut aider à prendre de meilleures décisions sur l'utilisation des terres et améliorer en fin de compte la qualité de l'environnement. Le meilleur, c'est que ces coûts peuvent être efficaces et entraîner une réduction des dépenses publiques consacrées à l'infrastructure, à la remise en état et à l'atténuation des dommages causés aux ressources.

Dispositions fiscales pour dons de biens écosensibles

Robert McLean, Directeur, Direction générale de la conservation de la faune, Environnement Canada

M. Robert McLean explique que son exposé portera sur la politique publique relative à l'écologisation de la fiscalité qui, selon lui, doit reposer sur les dispositions de l'impôt sur le revenu qui favorisent les dons de terres écosensibles : " Le programme de dons écosensibles est très sensé. "

On oublie souvent que les questions de conservation vont plus loin que l'habitat, signale-t-il en ajoutant qu'il y a d'autres facteurs en jeu en ce qui concerne la conservation des espèces. On a toutefois tendance à se concentrer sur l'utilisation et la gestion des terres. Il importe de savoir que des décisions relatives à l'utilisation des terres peuvent contribuer considérablement au maintien de l'intégrité et de la biodiversité écologiques. Lorsqu'il est question de conservation et de protection des espèces en péril, il faut penser en fonction de l'habitat. Même si ces mesures exigent de l'argent, la terre est la devise commune lorsque l'on pense à la protection de l'habitat.

M. McLean affiche une liste des avantages de l'intendance des terres, mais il ajoute qu'il ne veut pas répéter ce que vient de dire Mme Olewiler. Les avantages sont nombreux, mais ils se résument en fin de compte à l'air et à l'eau propres, ainsi qu'à l'amélioration de l'habitat de la faune et du poisson. En ce qui concerne l'utilisation des terres, les propriétaires finiront néanmoins par prendre des décisions fondées sur les avantages privés qu'ils en tirent.

Au sujet des coûts de l'intendance, il signale que " le marché paie principalement les produits économiques et non pas nécessairement les produits écologiques issus de la terre ". Il importe de comprendre qu'il n'est pas nécessaire que l'appui soit financier : les personnes qui veulent agir font ce qui convient pour l'environnement. L'appui peut parfois prendre la forme de services d'information, de formation ou de vulgarisation. Souvent, tout ce dont le producteur a besoin, c'est d'aide et de services techniques ou professionnels. Il convient toutefois de signaler que la prestation des services écologiques ne sera pas toujours sans effet sur les coûts.

McLean reformule l'affirmation de Mme Olewiler selon laquelle " les stratégies de contrôle ne règlent pas le problème de l'intendance ". Même si Environnement Canada dispose de solides outils législatifs, la réglementation constitue en réalité la mauvaise voie à suivre. La démarche fondée sur la réglementation, soit celle du " gros bâton ", ne tient pas compte des raisons sous-jacentes de l'intendance et bloque les progrès.

M. McLean déclare que son sous-ministre lui rappelle souvent l'influence du marché sur la prise des décisions. Pour encourager le changement, il faut s'en remettre aux instruments budgétaires. Il faut toutefois utiliser aussi d'autres outils, car le marché " ne suffit pas ". Il faut plus précisément encourager des programmes fiscaux (mesures d'encouragement fondées sur les impôts fonciers et l'impôt sur le revenu).

Environnement Canada a appris que les coûts des programmes d'intendance sont efficaces. Les activités bénévoles ont une valeur énorme-M. McLean mentionne les quelque 14 millions d'heures de bénévolat faites par les chasseurs depuis 1985 pour appuyer la conservation. La mise en œuvre de moyens budgétaires permettra de mobiliser d'autres bénévoles. Ces mesures encourageront aussi l'établissement, entre différentes organisations, de partenariats qui leur permettront de réaliser beaucoup plus de choses qu'elles ne pourraient le faire seules.
Le programme de dons écosensibles encourage les dons de terres écosensibles par les avantages reliés à l'impôt sur le revenu. Ces dons peuvent se faire sous forme de titres de propriété ou de servitudes pour la conservation. Le gouvernement fédéral a pris des initiatives à cet égard et a adopté, en 1995, une série de modifications de l'impôt sur le revenu. Ces modifications ont permis deux ou trois changements : la valeur des dons écosensibles peut-être traitée comme un don de charité et déduite du revenu. Il y a encore plus important : le montant imposable des gains en capital connexes diminue considérablement.

M. McLean explique ensuite certains des rouages complexes du programme qui s'applique aux terres privées. Le donateur collabore avec un organisme bénéficiaire, qui pourrait être un organisme de bienfaisance enregistré, une municipalité, ou un organisme provincial ou fédéral. L'organisme bénéficiaire doit délivrer un certificat de don de terres écosensibles. Pour qu'il puisse bénéficier d'un crédit d'impôt, il faut remettre au donateur un reçu du don, certifié et fondé sur un mécanisme d'examen de l'évaluation qui permet d'en établir la juste valeur marchande.
Environnement Canada participe à une mission très critique d'écologisation de la fiscalité, déclare M. McLean. Le programme est tributaire de l'effet net d'une série de programmes fiscaux et budgétaires. La clé de la réussite réside dans l'établissement de partenariats fondés sur une échelle géographique appropriée. Le Ministère doit penser au niveau régional et collaborer avec les gouvernements provinciaux, les Premières nations et les ONG pour concevoir des programmes d'intendance qui conviennent à chaque région. La flexibilité de cette façon de procéder permet de tenir compte de différences écologiques et économiques.

M. McLean souligne l'importance de partenariats de planification de la conservation. Il doit y avoir un lien entre le tableau d'ensemble et les réalités locales. L'objectif du partenariat consistera à élaborer une vision qui maintient les fonctions écologiques, culturelles, sociales et économiques. L'intendance va plus loin que l'utilisation des terres et la protection de l'habitat-les environnementalistes ne doivent pas oublier l'importance des retombées économiques.

Il conclut son exposé en résumant brièvement le travail à faire pour améliorer le programme de dons écosensibles. La " vente à rabais " est une des options qu'il faut envisager. Souvent, l'avoir propre du propriétaire est immobilisé dans ses terres, et il n'a pas les moyens d'en faire don. Il pourrait toutefois le faire si le régime fiscal permettait qu'un don soit constitué en partie d'une vente et en partie d'un don. D'autres changements nécessaires consistent à ramener à 0 % l'impôt sur les gains en capital. Il n'y a pas grand-chose qui incite les propriétaires qui détiennent des terres pour en tirer un bénéfice à faire un don lorsqu'ils perdent de l'argent en impôt sur les gains en capital.

Le bassin hydrographique de New York : Indemniser les fermiers pour garder le bassin propre

Richard Coombe, Président, Watershed Agricultural Council

Richard Coombe explique que son expérience et le point de convergence de ses efforts portent principalement sur le réseau Croton, qui englobe un développement résidentiel intensif, ainsi que des fosses septiques, des écuries et des zones d'aménagement industriel. Ce réseau hydrographique alimente en eau 9 millions de consommateurs de l'État de New York. La propriété des terres est concentrée entre les mains de quelques agriculteurs relativement peu nombreux.

Les partenaires du programme sont la Ville de New York et les agriculteurs. Maintenant que la plupart des agriculteurs ont adhéré au programme, la prochaine priorité portera sur la pollution qui ne provient pas de sources ponctuelles. La Ville de New York en profite, car le programme offre une solution de rechange importante et rentable à la filtration, et les agriculteurs sont motivés parce que le programme remplace la réglementation.
M. Coombe décrit en détail pourquoi le programme fonctionne, du point de vue des agriculteurs. Il reprend les propos de conférenciers précédents : ce qui caractérise sa réussite, c'est qu'il s'agit d'un programme a participation volontaire et piloté par les dirigeants locaux. Il dispose en outre de fonds suffisants et complets, ce qui encourage les agriculteurs à y participer, car le programme repose sur des mesures d'encouragement et maintient la viabilité et l'intégrité des fermes. Ces éléments sont essentiels, car les agriculteurs finissent par relier au bilan les décisions qu'ils prennent dans le domaine de la conservation.

M. Coombe présente les détails de la " planification agricole propre " qui affiche un taux de participation de 91 % chez les agriculteurs. Le programme comporte un volet éducation des agriculteurs qui leur permet de mieux comprendre le ratio entre l'épandage du fumier et les besoins du sol. Ce programme est jumelé à la gestion d'aliments pour animaux nutritifs, parce que " 75 % du phosphore contenu dans le fumier provient des intrants ". Il y a en outre un plan de gestion du fumier, surtout dans le cas des veaux malades qui contribuent le plus à la pollution. Les agriculteurs sont encouragés à pratiquer de bonnes méthodes d'agriculture, car l'argent va au bon gestionnaire agricole.

De bonnes méthodes de gestion doivent reposer sur de solides connaissances scientifiques, affirme M. Coombe, ce qui non seulement aide à trouver la source des problèmes réels, mais aussi évite beaucoup de travail et, en fin de compte, beaucoup de dépenses. La recherche est nécessaire, ajoute-t-il, mais il ne faut pas " réinventer la roue ".

M. Coombe parle des changements qui se produisent en agriculture. À mesure que les fermes grossissent et que le nombre des agriculteurs diminue, un des changements qui a fait son apparition dans le domaine de la gestion de l'eau consiste à penser plus gros et en fonction de bassins hydrographiques. Pour protéger la qualité de l'eau, il faut concentrer son attention sur le bassin hydrographique au complet, ce qui est particulièrement vrai compte tenu des réalités actuelles que constituent les lotissements urbains et résidentiels, et la croissance industrielle.
Sur le plan personnel, comme agriculteur qui veut transmettre la ferme à son petit-fils, M. Coombe déclare que le retrait de tous les règlements par les organismes de réglementation a constitué le facteur clé qui l'a incité à participer au programme; c'est ce qui l'a amené à changer d'attitude.

M. Coombe conclut sont intervention en résumant ce qu'il a appris:

  • inclure tous les intervenants : " les réunir autour de la table ";
  • compléter ces efforts par un programme de communication afin de susciter davantage d'intérêt et d'appui;
  • assurer la collaboration et l'information des ruraux et des urbains, y compris des jeunes;
  • relier la qualité de l'eau à la viabilité de l'économie pour obtenir une plus grande acceptation;
  • fixer des buts et les atteindre;.
  • penser à long terme : " régler définitivement le problème ".

Discussion

Un agriculteur signale qu'il faudra plus qu'un dollar l'acre de crédit d'impôt foncier pour obtenir un taux élevé de participation aux modifications de l'utilisation des terres. Il ajoute que la pollution provient de fosses septiques résidentielles et d'agriculteurs amateurs, et non pas des " vrais " agriculteurs.

Un participant des Territoires du Nord-Ouest demande si l'on utilise au Canada la mise en réserve des mesures d'atténuation (pratiquée sur la côte Ouest des États-Unis). Mme Olewiler répond que ce n'est pas courant, mais que l'achat de terres inondées par Canards Illimités en est un exemple.

Lorsqu'on lui pose une question sur l'impact des petites fermes, M. Coombe réplique qu'elles causent un pourcentage important de la pollution.

En réponse à un commentaire selon lequel les réductions d'impôt ne constituent pas la solution et que l'évaluation des terres doit changer, Mme Olewiler déclare que les crédits d'impôt foncier ne feront pas que ramener les impôts à zéro; ils signifient aussi que le propriétaire est payé. L'expérience démontre en outre que la réduction des impôts ne produit pas d'aussi bons résultats que le fait de payer les gens. Un autre participant laisse entendre que les avantages fiscaux reliés aux dons ont tendance à être basés sur les grandes propriétés et demande si les propriétaires de terres moins vastes et de petits boisés pourraient aussi contribuer de façon significative. M. McLean répond qu'il est d'accord avec cette personne et qu'il faudrait généraliser ce qui se fait actuellement.

Réunion B en petits groupes : Utiliser le marché pour encourager la conservation

Animatrice : Karen Brown, Sous-ministre adjointe, Service de la conservation de l'environnement, Environnement Canada

Le Programme des réserves de conservation : soumissions pour la conservation des terres privées

Robert Stephenson, Directeur, Conservation and Environmental Programs Division, US Department of Agriculture, Four Service Agency

Le Conservation Reserve Program (CRP) constitue le plus important programme d'amélioration de l'environnement sur les terres privées lancé par le gouvernement des États-Unis, déclare Robert Stephenson. Dans le contexte de contrats volontaires d'une durée de 10 à 15 ans conclus avec des agriculteurs, environ 10 % des terres agricoles des États-Unis sont actuellement inscrites au programme.

Le programme remonte aux années 30, époque où l'érosion du sol constituait un problème sérieux. Au cours des années 60, le gouvernement a administré un programme de démobilisation des terres. La décennie 80 a été une période de prix très faibles des marchandises et de paiements gouvernementaux énormes. C'est ce qui a entraîné l'adoption, en 1985, de la Food Security Act; quelque 33 millions d'acres de terres ont été inscrites au programme, surtout dans le contexte d'un programme de démobilisation des terres visant à retirer des terres de la production (et à créer des avantages secondaires pour l'environnement), en contrepartie d'un loyer payé aux participants. Afin de préserver l'assiette fiscale locale, on n'inscrivait pas plus de 25 % des terres d'une région donnée. Le programme a entraîné une réduction importante de l'érosion et produit des " avantages massifs " pour la faune. Le programme a bénéficié d'un appui politique généralisé.

Pour le Farm Bill de 1990, on s'est inspiré de l'expérience des cinq années précédentes et l'on a adopté une stratégie fondée sur l'Environmental Benefit Index (EBI) en ajoutant à l'objectif qui existait déjà, soit réduire l'érosion du sol, deux nouveaux objectifs : la faune et la qualité de l'eau. Le gouvernement a maintenu le secret au sujet de l'EBI afin de réduire les " tactiques de diversion ", ce qui lui a toutefois attiré de virulentes critiques. Il a appris qu'il était possible de classer les offres en fonction des retombées estimatives sur l'environnement dans des écopaysages très divergents.

Avec le Farm Bill de 1996, le Congrès a répété qu'il appuyait la maximisation des retombées sur l'environnement. Les groupes de protection de la faune étaient devenus de proches collaborateurs et la plupart des agriculteurs inscrits auparavant voulaient continuer de participer au programme. Le Congrès a aussi supprimé le lien de contrôle avec l'approvisionnement en indiquant que les agriculteurs devaient réduire leur production de denrées dans le reste de la ferme. Ce projet de loi a fait des agriculteurs " un livre ouvert en ce qui concerne l'EBI "; il a permis de réviser les taux de location (en les fixant en fonction du type de terres) et mettre davantage l'accent sur la faune. Les agriculteurs peuvent rendre leur offre plus concurrentielle en réduisant le prix demandé et en offrant les terres les plus désirables sur le plan environnemental. On a remplacé la monoculture d'herbe par un programme d'ensemencement plus diversifié et les superficies inscrites de terres inondées et d'autres zones prioritaires ont augmenté considérablement.

Compte tenu des leçons tirées du Farm Bill de 1996, M. Stephenson signale que les taux de location sont difficiles à fixer. Les taux sont révisés fréquemment et le programme s'étend maintenant aux régions côtières où les taux ne sont pas bien établis.

Il ajoute qu'il importe de mobiliser des groupes de protection de la faune pour qu'ils participent à l'évaluation de la pondération accordée aux divers facteurs environnementaux. Il n'y a pas d'analyse concrète qui explique comment on évalue l'érosion des terres et la qualité de l'eau, par exemple-l'évaluation constitue un compromis entre les divers intérêts en cause.

Il est difficile de quantifier les retombées sur l'environnement et l'on a essayé de simplifier autant que possible le processus. Il y a encore beaucoup d'erreurs au sujet de l'EBI et l'on est en train de créer un système Internet qui permettra aux agriculteurs de donner plus d'information au sujet de leur ferme.

L'EBI couvre un certain nombre de facteurs : couverture de l'habitat faunique, avantages pour la qualité de l'eau, retombées sur la ferme de la réduction de l'érosion et enjeux liés à la qualité de l'air. On tient compte aussi du coût. On attribue des notes qui font l'objet de comparaisons nationales et le secrétaire à l'Agriculture choisit les offres. En ce qui concerne la faune, un agriculteur peut obtenir plus de points en offrant une couverture plus diversifiée. Les facteurs secondaires dont il est tenu compte à l'égard de " l'habitat faunique " comprennent les espèces en péril, la proximité de l'eau ou d'une zone protégée, la mise en valeur de la faune et la présence de terres humides remises en état.
Le CRP comprend d'autres initiatives, entre autres : un système d'inscription continue non concurrentielle pour les superficies moindres, une initiative tampon afin d'encourager d'autres programmes de conservation à imiter le CRP et une initiative de collaboration avec les gouvernements des États afin d'inscrire davantage de terres. La contrainte réelle du CRP, c'est la limite de la superficie qu'il est possible d'inscrire (même si le programme n'est pas limité dans son budget).

La certification et l'industrie forestière : Questions à examiner dans le contexte canadien

Jean-Pierre Kiekens, Directeur général, Sustainable Forestry and Certification Watch

M. Jean-Pierre Kiekens explique que la certification des forêts est un enjeu mondial sur lequel agissent des questions liées à la compétitivité du commerce international et qu'il faut comprendre les problèmes canadiens dans ce contexte.

Il indique que la certification des forêts remonte aux préoccupations soulevées au cours des années 80 par le déboisement dans l'hémisphère Sud. Cette préoccupation s'est mondialisée rapidement et a visé aussi les forêts du Nord. La certification remonte au début des années 90. L'étape critique a été l'assemblée de fondation du Forest Stewardship Council en 1993, qui a été suivie de l'approbation, par le Conseil canadien des normes, du Système d'aménagement forestier durable de l'Association canadienne de normalisation (ACNOR) en 1996. On a mis au point récemment des identificateurs dans divers systèmes et il y aura bientôt un système canadien de fermes forestières.
Il y a tout un éventail d'options disponibles au Canada :

  • ISO14001, le système le plus répandu, est un système à base de SGE;
  • le SFI , lui aussi système à base de SGE, a été mis au point aux États-Unis et est contrôlé par le Sustainable Forestry Board.
  • C'est le système qui se répand le plus rapidement au Canada;
  • le Forest Stewardship Council (FSC) a été fondé en 1993;
  • le système de l'ACNOR, approuvé en 1996 par le Conseil canadien des normes, est fondé sur les critères d'aménagement durable du Conseil canadien des ministres des forêts. On a lancé récemment un régime d'identification.

On peut trouver de l'information au sujet des tendances prévues sur le site Internet suivant : www.certificationcanada.com. Les tendances attendues comprennent la croissance continue des zones de certification de l'ISO (qui a atteindra un plateau), de l'ACNOR et du SFI, ainsi qu'une augmentation importante des zones de certification du SFC.

À l'arrière-plan de la question de la certification des forêts, il y a une course au logo. Ce qui signifie qu'on veut apposer une étiquette à un produits provenant d'une forêt certifiée et cultiver la préférence des consommateurs à l'égard d'une marque en particulier. On veut en fin de compte contrôler le régime d'identfication qui sous-tend la marque.

M. Kiekens parle des principaux intervenants de la certification :

  • les groupes environnementaux (dont un grand nombre, y compris la Fondation Suzuki, appuient activement le Forest Stewardship Council);
  • l'industrie (des entreprises comme Tembec et Weyerhauser);
  • les détaillants (auxquels les groupes environnementaux ont reproché d'adopter des politiques d'achat);
  • le gouvernement de l'Ontario (qui s'est engagé à faire certifier par le FSC toutes les terres publiques de la province);
  • la Fondation Ford et d'autres fondations américaines (qui financent les efforts de certification des forêts régies par le Forest Stewardship Council);
  • l'Association nationale de foresterie autochtone;
  • les syndicats (les syndicats appuient le programme au Canada et l'appuient fermement aux États-Unis, même si le SFI n'a pas d'élément social);
  • des " intervenants réputés " comme le prince Philip, le prince Charles et plusieurs vedettes de cinéma.

Dans le cadre d'un régime d'identification proposé aux Pays-Bas, on accorde une étiquette écologique aux produits certifiés, et ceux qui ne le sont pas doivent obligatoirement porter une étiquette rouge. M. Kiekens mentionne une campagne lancée contre l'exploitation de forêts anciennes, organisée par la Coastal Rainforest Coalition des États-Unis, qui vise Home Depot et préconise un boycott des produits issus de forêts anciennes. De telles pressions ont poussé les entreprises et le secteur public à annoncer des politiques d'achat. La principale activité du Fonds mondial pour la nature (FMN) consiste à coordonner les groupes d'acheteurs. Il y en a maintenant un au Royaume-Uni et un autre en Amérique du Nord. L'industrie a réagi en préconisant des politiques dites inclusives qui reconnaîtront plus qu'un organisme de certification.

Il convient de signaler que beaucoup d'autres facteurs contribuent à l'évaluation d'édifices écologiques et que la gestion forestière représente un élément seulement du cycle de vie des produits, affirme M. Kiekens.

Une façon de s'y retrouver dans toutes les initiatives consiste à comparer les efforts de reconnaissance mutuelle. Le Meridian Institute a terminé récemment aux États-Unis un projet de comparaison du SFI et du FSC. L'industrie forestière mondiale a mis de l'avant une proposition qui vise à créer un cadre de reconnaissance mutuelle afin de reconnaître un système crédible de certification des forêts. Le FMN, Greenpeace et d'autres intervenants ont rejeté la proposition. Le FSI, l'ACNOR, l'American Tree Farm System et le PFC ont déployé d'énormes efforts de reconnaissance mutuelle. Le gouvernement canadien favorise l'équivalence ou la comparabilité des systèmes de certification, même si l'on n'a pas fait grand-chose à ce sujet.

M. Kiekens signale que des sondages ont révélé que les consommateurs étaient disposés à payer plus cher pour acheter du bois certifié, même si un détaillant en particulier s'oppose vivement à payer davantage. Le pourcentage du bois certifié chez les détaillants de produits de bricolage est très faible et les habitudes d'achat de certains consommateurs semblent indiquer que la question ne les intéresse pas beaucoup. Le Canada doit néanmoins accorder une certification quelconque.

Il dresse la liste de certains des obstacles à la certification au Canada :

  • Les terres de l'État et la propriété publique, comme la question des occupations fondées sur la superficie plutôt que sur le volume, posent des problèmes. Le premier système fonctionne bien dans un contexte de certification, tandis que le deuxième est plutôt compliqué. Les revendications territoriales posent un autre problème. Sans oublier les questions de légitimité : qui devrait fixer les règles de gestion de ces ressources forestières?

  • Les terres privées contiennent 7 % seulement des forêts, mais posent un problème. La National Forest Owners' Association prépare un nouveau système de certification qui portera sur les terres privées. Le FSC offre un processus d'élaboration de normes régionales qui s'est toutefois révélé laborieux. Les ONG ne font pas confiance au processus de l'ACNOR.

Toutes ces activités ont des répercussions sur la compétitivité. En Suède, plus de 50 % des superficies sont certifiées, tandis qu'au Canada, si l'on exclut l'ISO (qui n'est pas très reconnue sur le marché), moins de 10 % des superficies le sont. Le Canada n'affiche pas de très bons résultats face à des concurrents comme la Finlande et les États-Unis.

M. Kiekens discute des activités du groupe Sustainable Forestry and Certification Watch, qui produit un bulletin, Forest Certification Watch, et organise une conférence. La prochaine, qui doit se tenir du 31 janvier au 1er février 2002, portera sur la certification des forêts et la responsabilité des entreprises.
Il termine en affirmant que la certification des forêts n'est pas un instrument conventionnel fondé sur le marché. Les avantages de la certification restent à préciser et il faut pousser plus loin la recherche. La certification des forêts devient toutefois un élément de la responsabilité des entreprises et elle est là pour rester. La certification devient une activité générale dans les pays industrialisés (ce qui est très différent de ce qui se passe dans le Sud) et le Canada jour un rôle stratégique pour son évolution.

Reconnaissance publique de l'excellence de l'intendance de l'environnement par l'entreprise

William Howard, Président, Wildlife Habitat Council

William Howard décrit les origines du Wildlife Habitat Council (WHC), fondé en 1988. Le WHC favorise le leadership des entreprises et leur intendance de l'environnement avec des partenaires communautaires d'un bout à l'autre du pays. Il a des projets dans 45 États et 10 pays, dont le Canada. Sa mission consiste à accroître la superficie des habitats fauniques de qualité sur les terres d'entreprises et d'autres terres privées. Les entreprises et les groupes environnementaux se chargent conjointement du contrôle fiduciaire et stratégique de l'organisme.
Le WHC a aidé à planifier des programmes de gestion de la faune à plus de 700 sites d'entreprise et a fait certifier 125 millions d'acres. La certification constitue un volet de son programme de reconnaissance.

M. Howard présente une diapositive d'une usine de Dupont où l'on a créé une zone humide dans le contexte du processus de traitement final des eaux usées de l'établissement. On y trouve maintenant une aire d'observation qui permet aux étudiants locaux d'apprendre à connaître le secteur inondé. Le projet a " changé totalement la dynamique entre les groupes environnementaux et les entreprises de la collectivité en question ".

Formosa Plastics a créé au Texas un autre secteur de zones humides avec la participation des élèves des écoles locales. Un tel exercice instaure dans la collectivité un type différent de reconnaissance et de relations. Lorsqu'on a construit sans le savoir le stationnement des employés sur le site de nidification d'un oiseau qui est presque menacé, on a réglé la question en fermant le stationnement à toutes les années et en y déposant des coquilles d'huîtres pour que les oiseaux y fassent leur nid.
Des entreprises n'ont pas beaucoup de terres, mais participent quand même aux activités. Une entreprise de Houston qui n'a pas d'espace vert voulait inciter ses employés à accepter le concept de la faune. Dans un parc situé face à ses bureaux, l'entreprise a établi avec d'autres organisations un partenariat afin de planter des jardins de fleurs sauvages qui serviraient aussi de lieux importants pour les agents de pollinisation, et de créer un site témoin d'envergure restreinte qui offrirait une vitrine sur les phénomènes des zones humides.

Le secret de ces programmes réside dans le fait qu'ils visent autant les être humains que la faune. La participation communautaire joue un rôle clé et l'on encourage les employés à participer partout où c'est possible.

Un autre site a été transformé en centre d'éducation. L'entreprise a collaboré avec le système scolaire et des groupes de bénévoles locaux pour faire certifier le site et obtenir la reconnaissance à l'échelon local et national. Toutes ces activités ont été le fruit d'efforts volontaires appuyés par les entreprises, efforts qui ont aussi bénéficié de subventions du gouvernement et de fondations.

Discussion

Un participant aborde la question de la séquestration de carbone dans les peupliers. Il invite les participants à échanger de l'information et à prendre des mesures pour planter des peupliers, que le gouvernement s'intéresse ou non à la question.

Un membre de l'Agriculture Producers Association of Saskatchewan déclare que l'Association a mis au point un modèle de certification qu'elle a soumis à Ottawa. Le programme prévoit notamment une obligation de diversification afin d'aider à mettre en valeur des collectivités. Il demande s'il est possible d'obtenir une certification agricole des gouvernements mondiaux.

M. Stephenson signale que les négociations commerciales en cours sont déjà difficiles et que cette idée serait aussi complexe que n'importe quelle autre.

Un participant demande à M. Stephenson comment on justifie le programme CRP au près des contribuables américains. M. Stephenson répond que l'on mesure les avantages pour l'environnement et qu'on en fait rapport au Congrès. On essaie maintenant de mettre au point des mesures quantifiables de la valeur de ces retombées pour la population en général.

Un autre intervenant demande si le système vise aussi des terres qui sont déjà dans un état naturel; il craint que des agriculteurs ne détruisent des terres afin d'avoir droit au programme. M. Stephenson déclare qu'avant d'inscrire des terres au programme, " il faut qu'il y ait un besoin ". Lorsque des terres sont déjà remises en état, elles ne sont pas admissibles au programme. Il ajoute que l'obligation de cultiver la terre pendant deux ans constitue un risque important pour un agriculteur qui veut présenter une demande au programme et il ne croit pas que l'on détruise beaucoup de terres.

En réponse à une question sur le coût, M. Kiekens établit une distinction entre divers coûts, y compris les coûts de vérification, les coûts de main-d'œuvre liés à la certification et le coût du bois non vendu. Il y a aussi la question de l'accès au marché, car la certification des forêts devient une condition des transactions commerciales.

Lorsqu'on lui demande comment l'on rapproche le système de subventions du Agriculture Department aux États-Unis et le programme CRP, M. Stephenson déclare que le CRP est la seule source à long terme de revenus dont disposent les agriculteurs et qu'il les aide à retarder les interventions réglementaires dans le domaine de l'environnement.

Discours principal : Les partenariats-un principe ou une réalité?

Monte Hummel, Président, Fonds mondial pour la nature (Canada)

Monte Hummel présente un bref exposé qui comporte un double message. Premièrement : " Les partenariats ne sont pas simplement agréables : ils sont nécessaires. " Deuxièmement : le secret de tout partenariat fructueux consiste " à demander non pas ce que vos partenaires peuvent faire pour vous, mais ce que vous pouvez faire pour eux ".

Un partenariat produit des résultats lorsque les partenaires ont vraiment besoin les uns des autres. Au Canada, on reconnaît que " pas une seule organisation-gouvernement, Premières nations, entreprises, universités ou groupes de conservation "-n'a suffisamment de ressources ou de crédibilité pour accomplir sans aide le travail de conservation.

Des partenariats sont d'envergure limitée tandis que d'autres sont très gros. M. Hummel décrit plusieurs partenariats d'envergure, y compris le Plan nord-américain de gestion de la sauvagine de 1,4 milliard de dollars qui a 15 ans et qui vise à conserver l'habitat de la sauvagine au Canada. Ce partenariat regroupe des ONG, les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux, les Premières nations, les gouvernements d'État et le gouvernement fédéral des États-Unis, des propriétaires privés et des entreprises. Au moins 90 % du financement nécessaire du projet provenaient d'ONG, ou de bailleurs de fonds américains trouvés par des ONG.

Un autre partenariat d'envergure et de longue date, le Fonds de rétablissement des espèces canadiennes en péril, regroupe le Fonds mondial pour la nature (Canada), Environnement Canada (EC), quelques provinces et tout un éventail de bailleurs de fonds du secteur privé, y compris des banques et des entreprises. Avec un investissement de 4 millions de dollars d'EC, le Fonds a subventionné presque 300 projets d'une valeur totale de 15 millions de dollars depuis 1987. Ce n'est pas seulement bon pour la faune : cela donne un bon effet de levier aux fonds fédéraux et c'est par conséquent une " bonne valeur pour des contribuables canadiens comme vous et moi ".

Un troisième exemple de partenariat d'envergure, c'est celui des quatre groupes nationaux de conservation-Canards Illimités, La Société canadienne pour la conservation de la nature, le Fonds mondial pour la nature (Canada) et la Fédération canadienne de la nature-qui se sont réunis de 1998 à 2000 afin de transformer une subvention de 10 millions de dollars du Bureau du Canada pour le millénaire en 40 millions de dollars affectés à des centaines de projets de terrains communautaires de conservation d'un bout à l'autre du Canada. Certains de ces projets ont porté notamment sur les servitudes et la protection d'habitats sur des terres privées.

La valeur de partenariats d'une telle envergure, c'est qu'ils mobilisent d'importantes sommes d'argent pour appuyer des centaines de projets locaux qui " font une différence remarquable sur le terrain ". Ils illustrent une tendance à " une migration du leadership vers les milieux des ONG ", car le gouvernement a appris à partager le pouvoir afin d'atteindre ses buts. M. Hummel affirme que les ONG et les gouvernements sont " devenus indispensables les uns pour les autres ".

Il parle aussi de l'importance des partenariats d'envergure limitée. Chaque année, des membres de la collectivité améliorent l'habitat du poisson en nettoyant des cours d'eau, en remettant en état des frayères et en installant des murs de gabions afin de stabiliser les rives de cours d'eau. Des membres de clubs de naturalistes inspectent de petits lopins de terre, réunissent des données que l'on regroupe ensuite en atlas provinciaux sur les oiseaux. Dans ce dernier cas, un grand nombre de partenariats d'envergure limitée " finissent par créer un produit final de plus grande envergure ". M. Hummel insiste sur l'importance de ces partenariats d'envergure limitée, qu'il considère comme " des blocs de base critiques qui font que le tout fonctionne ".

" Cessons donc de parler des partenariats comme s'ils étaient discrétionnaires ou facultatifs, recommande-t-il. L'union fait la force ".

Il passe ensuite à son deuxième point clé, c'est-à-dire qu'un bon partenaire est celui qui " apporte quelque chose d'unique et d'important " et qui aide les autres membres du partenariat à atteindre un but commun. Celui qui se présente à la table les bras croisés, avec une attitude grincheuse, et qui insiste pour que l'on satisfasse à ses propres exigences peut causer une impasse. Les bons partenaires essaient plutôt d'atteindre leurs buts en aidant les autres à atteindre les leurs. Ils écoutent surtout. Ces partenaires pratiquent l'autocritique plutôt que l'égocentrisme et se demandent s'ils font " leur juste part " ou s'ils se contentent simplement de " profiter des autres ". Ces partenaires " se demandent constamment comment ils peuvent aider les autres membres du partenariat à atteindre leurs objectifs afin d'accomplir quelque chose d'important ensemble ".

Le processus Des terres pour la vie en Ontario est un exemple qu'il tire de son expérience personnelle. On a cherché à atteindre les objectifs que l'industrie, le gouvernement et les ONG ont apportés à la table de telle façon que " chaque partenaire a aidé les autres à obtenir ce dont ils avaient besoin ". Après avoir amorcé le processus comme négociateurs, ils l'ont terminé comme partenaires. Le partenariat a créé 378 nouvelles zones protégées, où l'exploitation forestière est interdite et qui totalisent 6 millions d'acres recouvertes presque entièrement de terres boisées. Par ailleurs, ils ont maintenu le volume, la qualité et le coût du bois livré à la scierie.

On suppose dans tout cela que les partenaires se respectent. Des partenariats " imposés par la nécessité mais dont les partenaires ne se respectent pas sont voués à l'échec. " La loyauté que manifeste chaque partenaire en intervenant pour défendre les réalisations du partenariat au lieu " d'aller se cacher à la première critique " constitue une mesure importante de ce respect mutuel. Par ailleurs, les bons partenaires partagent aussi le crédit lorsque " les bonnes nouvelles commencent à arriver ".

Il termine en résumant ses deux points : les partenariats fructueux sont " issus de la nécessité " et constitués de partenaires qui s'entraident vraiment pour obtenir satisfaction à leurs besoins. Un partenariat fructueux repose obligatoirement sur ces deux ingrédients; sinon, ce sera l'échec.

Partenariats I

Animateur : William (Bill) Oppen, Sous-ministre, Yukon Department of Renewable Resources

Construire des partenariats pour la nature

Mary Granskou, Directrice, Service des politiques et de liaison pour les parcs, Patrimoine canadien

" Vous êtes la force motrice des partenariats ", affirme Mary Granskou aux délégués. Elle explique que chacun doit contribuer à maintenir le patrimoine du Canada en créant des partenariats réunissant des gens qui cherchent des solutions axées sur la collaboration et visant un but commun. Elle décrit certain des éléments clés du processus :

  • Il doit y avoir une vision convaincante que tous les intervenants acceptent.
  • Les résultats doivent être tangibles et clairs. " Le processus doit porter avant tout sur les résultats et non sur l'argent. "
  • Le projet doit établir un bilan solide démontré par la responsabilité financière et la stabilité de la réalisation du programme.
  • Il faut rendre compte à la population canadienne; les stratégies décisionnelles et les méthodes de production de rapports d'étape doivent être claires. Il doit être clair en tout temps que l'on prend au sérieux la question de l'imputabilité.
  • La synergie et la synchronisation doivent reposer sur un groupe d'appui : il faut choisir avec soin les stratégies envisagées et le calendrier de leur mise en œuvre.
  • Les buts visés doivent être réalistes et le processus suivi doit être transparent et franc.
  • Le niveau de l'énergie et de l'engagement doit être élevé en tout temps, car il faut à la fois de la passion et du dynamisme pour traiter avec les participants et comprendre les partenaires et leurs rôles.
  • Un esprit de collaboration, de flexibilité et de compromis est essentiel..
  • Il faut faire preuve d'une extrême patience pour " maintenir le cap ". Le dialogue et l'apprentissage continus sont des éléments précieux de la réussite.

Collaboration avec les producteurs agricoles dans le cadre du Plan nord-américain de gestion de la sauvagine (PNAGS)

Karla Guyn, biologiste, Programme de conservation, Canards Illimités

Karla Guyn présente de l'information de base sur le Plan nord-américain de gestion de la sauvagine (PNAGS). La baisse reconnue de la population de sauvagine est à l'origine du plan. Les États-Unis et le Canada ont signé, en 1986, le PNAGS qui constitue l'initiative de conservation de la faune axée sur la collaboration la plus vaste jamais lancée sur le continent. Le plan est unique parce qu'il reconnaît que les efforts de conservation doivent dépasser les limites des terres publiques consacrées aux ressources naturelles et viser des écopaysages au complet, y compris des terres privées et des terres communes. Le PNAGS a démontré qu'il fallait protéger les habitats de la sauvagine dans les Prairies et sur des terres privées. Depuis 1986, les partenaires subventionnaires ont contribué plus de 1,4 milliard de dollars à la réalisation de programmes de conservation sur plus de 2 millions d'hectares, dont presque le quart se trouvent dans les Prairies canadiennes.
Il a fallu suivre une stratégie différente face aux propriétaires privés. Le PNAGS reconnaît que l'avenir de la sauvagine nord-américaine dépend en fin de compte de l'intendance pratiquée sur les terres privées.

Les programmes " Praires Core " ont constitué un virage majeur dans la conservation de la sauvagine. Ils étaient constitués principalement de pratiques agricoles modifiées bénéfiques pour la conservation à la fois des terres et de la faune. Les défis étaient énormes : certains ont même dit que les buts étaient inatteignables.

Deux autres programmes sont bien avancés, soit le programme de clôture et d'abreuvement des animaux de ferme dans la région de l'atlantique (Île-du-Prince-Édouard, Nouveau-Brunswick et Nouvelle-Écosse) et le projet d'amélioration de l'approvisionnement en eau du comté de Norfolk, en Ontario.

Quant à la démarche axée sur l'écopaysage, Mme Guyn signale que la production de récoltes annuelles occupe 63 % des terres des Prairies, dont Canards Illimités touche 1 % seulement.

Le grand défi demeure le but qui consiste à réaliser les effets souhaités sur l'écopaysage. Le blé d'hiver et le seigle d'automne sont les principales cultures d'intérêt. Une superficie très limitée des terres ensemencées au Canada produit du blé d'hiver. Il est impératif que les producteurs y voient un avantage financier pour participer au programme.

La chaire d'éco-agriculture de l'University of Saskatchewan, les laboratoires Double Hophold, la Station de recherche du FMN à Lethbridge et des entreprises partenaires ont lancé des programmes.

Dans le contexte de son programme national, c'est-à-dire le Programme d'encouragement à l'implantation de cultures couvre-sol (PEICC), Canards Illimités propose que le gouvernement fédéral élabore un programme d'implantation de cultures couvre-sol qui encouragera financièrement les propriétaires à remettre en état un avantage protégé. On calcule qu'il en coûtera environ 90 millions de dollars par année.

Pour réussir, il faut gagner la confiance, sensibiliser davantage et cultiver la confiance en soi des partenaires. Les contacts personnels sont la meilleure façon de trouver un terrain d'entente. Une " stratégie de couloir " ne convient pas-les partenaires doivent " sortir des sentiers battus ". Il faut définir des partenariats à divers niveaux et établir des buts clairs.

Les partenariats d'intervenants pour réaliser la conservation au sol : l'expérience de Cape Burnt, Terre-Neuve

Thea M. Silver, Directrice des relations extérieures et gouvernementales, La Société canadienne pour la conservation de la nature

Thea Silver aborde la question en mentionnant que les activités de La Société canadienne pour la conservation de la nature sont habituellement limitées aux terres privées, mais que dans le cas de Cape Burnt, il s'agissait de terres publiques qui ont été désignées réserve écologique.

Cape Burnt, à Terre-Neuve, est une longue péninsule de calcaire qui avance dans l'Atlantique Nord, à l'extrémité de la péninsule Great Northern. Il s'agit d'un partenariat avec le gouvernement de Terre-Neuve et les municipalités locales. Le paysage est très varié, dominé par les zones désertiques de calcaire. On y trouve plus de 300 espèces de végétaux dont 35 sont rares, même à Terre-Neuve. À cause de la ressource en calcaire, les activités d'extraction menaçaient ce site écologique exceptionnel. En 1994, des botanistes ont attiré l'attention de la province sur le site qui a été désigné terre publique en 1995 et est devenu réserve écologique en 1997. Le projet a été réalisé de 1997 à 2000.

Le processus de mise en œuvre du projet visait principalement à réaliser avec succès les activités nécessaires pour élaborer un plan de gestion et mobiliser les collectivités locales afin qu'elles prennent en charge le projet, qui compte cinq grands éléments constituants : inventaire botanique, remise en état du site, inventaire de l'avifaune, formation de guides/interprètes et promotion/communications.

Mme Guyn résume ainsi les facteurs critiques de la réussite :

  • il faut mobiliser la population dès le départ, y compris les membres de la collectivité locale et les professionnels;
  • il faut assurer que les rôles et les responsabilités sont définis clairement et que des ententes légales sont rédigées et signées;
  • il faut que les décisions clés soient gérées sur la scène locale de façon à assurer que le projet est accepté comme il se doit;
  • il faut être prêt à faire " un peu plus " afin de répondre dans la mesure du possible aux besoins des partenaires;
  • il faut créer des possibilités de gérer indépendamment les attentes;
  • il faut garder l'esprit ouvert;
  • il faut en faire une grande expérience parce que cela signifie tellement pour chacun.

Discussion

Des agriculteurs et des éleveurs surtout posent plusieurs questions qui sont adressées au représentant de Canards Illimités. Les sujets des questions varient du repérage de marchés pour le blé d'hiver et le seigle d'automne jusqu'à la biodiversité des secteurs retirés de l'agriculture (et en particulier les pâturages) et les répercussions qui en découlent sur les prix des terres.

Partenariats II

Animatrice : Patricia McCunn-Miller, Vice-présidente, TRNEE, et Directrice, Affaires environnementales et réglementaires, PanCanadian Petroleum Limited

Approche à la satisfaction des parties vers un terrain d'entente commun

Harvey Locke, agent de programme principal, Fondation Kendall

Harvey Locke déclare qu'il veut parler aux participants " de personnes, d'animaux sauvages et de lieux sauvages ". Il affirme qu'il est extrêmement urgent que chacun fasse quelque chose pour protéger l'habitat faunique. Signalant qu'au cours du XIXe siècle, on a constaté des progrès sur les plans de la transformation du paysage et de l'instauration de changements, il parle des changements ultérieurs de l'environnement et de l'habitat. Il illustre ses propos de façon plutôt spectaculaire en projetant une série de photographies surimposées illustrant la disparition de l'aire de distribution naturelle de l'ours grizzly. Au début, cette aire couvrait un vaste couloir qui s'étendait du Nord du Mexique jusqu'au Nord du Canada et en Alaska. Aujourd'hui, cet habitat réduit supporte une faible population d'ours à Yellowstone et de minuscules " îlots " de spécimens dispersés dans des secteurs très limités. L'ours est maintenant disparu de la plupart de ses habitats d'origine.

La situation actuelle constitue une crise non seulement parce que l'habitat du grizzly a diminué, mais aussi parce que le couloir où il se déplace a presque disparu. Ce problème aura des répercussions sur d'autres espèces aussi, et en particulier les carnivores. M. Locke cite l'exemple d'un loup auquel on a fixé une balise de repérage. On a découvert qu'à lui seul, ce loup couvrait une aire de distribution naturelle de 11 000 milles carrés. La disparition du couloir de déplacement entraîne une grave perte de matériel génétique, ce qui met des espèces davantage en péril.

M. Locke parle du premier parc public naturel créé à Yellowstone, suivi du Parc national de Banff. Il aborde ensuite l'éventail des terres de conservation. Il y a cinq catégories différentes de terres préservées qui s'inscrivent dans une hiérarchie d'espaces naturels. Les espaces sauvages primaires sont les zones sauvages de réserve écologique. Les plus visibles sont les parcs nationaux et provinciaux à proximité desquels on peut trouver des aires de gestion de la faune et des forêts gérées voisines.

M. Locke aborde ensuite " l'initiative de conservation de Yellowstone au Yukon ", ainsi que la collaboration dont il a fallu faire preuve pour la réaliser. Cette initiative a débouché sur une stratégie de conservation fondée sur l'écopaysage. Le principe fondamental consiste à bâtir à partir de la base (l'habitat actuel) pour passer ensuite au couloir et dans les zones de transition de cet écopaysage de conservation. Cette nouvelle démarche tient compte des habitudes de déplacement des animaux sauvages qui circulent du Nord vers le Sud en empruntant la vallée naturelle que constitue ce couloir.

Le problème, c'est que le couloir est essentiellement vierge dans le Nord tandis que les parcs du Sud sont très utilisés. Le problème plus important, c'est toutefois qu'il y a une rupture sérieuse dans le couloir, au niveau de la frontière canado-américaine, dans le secteur des parcs nationaux de Waterton et des Glaciers. Cet obstacle aux déplacements entraîne une sérieuse rupture du matériel génétique. Il existe des aires d'habitat naturel qui ne sont toutefois pas reliées. Cette rupture suit essentiellement un axe Est-Ouest.

M. Locke dresse la liste des facteurs qui ont contribué à cette rupture. Il y a d'abord la route (Route 3), ainsi que le développement et la croissance démographique ininterrompus. Il y a en outre d'importantes parcelles de terres privées et divers sites d'exploitation minière à ciel ouvert. C'est néanmoins l'industrie forestière qui a le plus d'impact sur ce couloir et les Industries Tembec sont le plus gros propriétaire.

Les terres détenues par Tembec sont considérées comme la principale parcelle et le moyen clé d'améliorer l'écopaysage de ce couloir. Des environnementalistes ont consacré la majeure partie de leurs efforts à ces terres et à l'établissement d'un partenariat avec Tembec. Les défis ont consisté à trouver un moyen de répondre aux besoins commerciaux de Tembec tout en évitant le lotissement. Le problème sous-jacent, c'est qu'il faut réunir de l'argent pour acheter des terres de Tembec (terres que cette société n'a pas nécessairement envie de vendre).

Il y a deux façons de régler le problème : " la grosse bataille ou les négociations ". Les environnementalistes ont choisi le deuxième moyen et ne ménagent pas leurs efforts depuis plus d'un an et demi. De plus, lorsque les deux parties ont commencé à discuter, il y avait deux styles possibles de négociation. Elles pouvaient soumissionner et négocier, ou garder leurs " cartes fermées ". On a choisi la discussion franche et ouverte au cours de laquelle chaque partie a énoncé son problème et ses besoins.

Cette façon de procéder a permis aux environnementalistes de trouver un moyen de répondre aux besoins commerciaux légitimes de Tembec, qui doit faire de l'argent et exploiter ses scieries. Par ailleurs, ils ont convaincu Tembec des besoins incontestables reliés à la conservation. Les environnementalistes doivent organiser plus d'activités du genre-cet effort repose sur l'intérêt, la confiance, le respect mutuel, la force mutuelle, l'ouverture et l'honnêteté, sans oublier la négociation.

M. Locke termine en exhortant tous les participants à faire quelque chose. " Le Canada est dans une position unique de pouvoir faire quelque chose d'exceptionnel dans le monde ", déclare-t-il. Le monde est au cœur même du prochain stade de l'évolution, soit la " sixième grande extinction " qui, elle, sera causée par les êtres humains. Il insiste sur le fait que dans l'histoire de la vie de la planète qui a des millions d'années, cette " grande extinction " est des milliers de fois plus grave que la normale-il s'agit d'une crise d'extinction. Actuellement, plus de 70 espèces de vertébrés et 200 espèces de végétaux sont sur le point de disparaître.

Une approche pragmatique

Jim Lopez, Vice-président, Gestion des ressources forestières, Tembec Inc.

Jim Lopez présente un bref profil de l'entreprise et décrit Tembec comme un producteur canadien intégré de premier plan de produits forestiers qui emploie plus de 9 000 personnes et vend ses produits dans plus de 50 pays.

Il montre une copie de l'énoncé de mission de l'entreprise et indique que cette mission est axée sur la promesse de travailler " tout en préservant l'environnement et en créant un climat social, culturel et économique bénéfique pour la région et sa population, ses employés et ses actionnaires ". Il subdivise l'énoncé en ses éléments, en parle et fait comprendre aux délégués qu'il s'agit non pas de belles paroles de l'entreprise, mais d'un engagement réel.
M. Lopez passe ensuite aux obstacles inhérents à la relation traditionnelle entre l'industrie et les organisations environnementales non gouvernementales (OENG). Même s'il parle des obstacles historiques, il prévient que les positions traditionnelles des deux parties et leurs belles paroles donnent l'impression que l'écart entre elles est plus vaste qu'il ne l'est en réalité. Un des problèmes se trouve au cœur même de l'industrie : il a été difficile de dégager un consensus sur des positions progressistes au sujet de l'économie et de l'environnement. La grande méfiance entre les ONG et l'industrie a exacerbé la situation.

La méfiance à l'égard du gouvernement est un point qu'ont un commun l'industrie et les OENG. Selon leur point de vue, elles croient que le gouvernement est " trop à gauche " ou " trop à droite ". Le gouvernement a commencé à réaliser qu'il doit " occuper le centre ". Les deux parties pensent aussi que les gouvernements ont toujours senti le besoin de contrôler le processus et les résultats. Exacerbée par les limites imposées aux ressources naturelles, cette attitude pousse les deux parties à défendre leurs acquis et chercher à en obtenir d'autres.

Le processus " des terres pour la vie " a abaissé un grand nombre de ces obstacles. Ce point tournant pour la stratégie environnementale de Tembec a aidé l'entreprise à passer de la confrontation à la collaboration. Tembec a ensuite pris un risque et l'exercice a aidé à faire disparaître de vieilles perceptions et à dégager de nouvelles ententes. Cette nouvelle façon de collaborer a montré que l'industrie et les OENG peuvent aller de l'avant ensemble et trouver des solutions gagnantes pour les deux parties.
Au cours de ce processus, Tembec a aussi appris quelque chose au sujet des besoins sociaux. L'entreprise avait toujours cru qu'elle pratiquait de bonnes méthodes d'exploitation forestière, mais elle a appris que la société attend davantage. Elle reconnaît que la société souhaite établir un équilibre entre la protection de l'environnement et le développement industriel. Le défi pour Tembec consiste à protéger les valeurs des actionnaires (par un rendement financier) et à protéger aussi les collectivités qui sont tributaires des ressources.

Tembec a dû changer d'attitude comme entreprise. La leçon la plus importante qu'elle a apprise, c'est que les solutions passent tout d'abord par un dialogue ouvert, honnête et direct entre les décideurs. Lorsqu'elles conjuguent leurs efforts, les OENG et l'industrie peuvent découvrir qu'elles ont beaucoup plus en commun qu'elles ne le pensent.

M. Lopez déclare qu'on l'avait convaincu que les solutions doivent viser avant tout à protéger les valeurs des actionnaires, étant donné qu'il peut être difficile (voire impossible) pour des groupes de parvenir à un consensus total. Une des leçons que Tembec a apprises, c'est que les gouvernements doivent être prêts à céder une partie du contrôle sur le processus. Il faut aussi que quelqu'un soit prêt à prendre des risques.

Il décrit certaines des étapes de la collaboration qui vise à trouver des solutions gagnantes pour toutes les parties. Tout d'abord, les défenseurs de l'environnement et l'utilisateur de la ressource (l'industrie) doivent définir et comprendre les valeurs que chaque partie souhaite protéger. Il faut ensuite élaborer une proposition qui protège les valeurs écologiques tout en réduisant au minimum l'impact sur les valeurs de l'utilisateur de la ressource. M. Lopez signale qu'il y a parfois des terres qui ont peu de valeur pour l'industrie forestière et auxquelles des groupes écologiques attachent une valeur écologique. L'industrie ne l'aurait jamais su si elle n'avait pas pris le temps d'en discuter avec les groupes écologiques.

L'étape suivante du processus consiste à " définir les lacunes ". Il peut s'agir des valeurs écologiques qui ne sont pas atteintes, ou d'impacts négatifs sur l'utilisateur de la ressource. La négociation pourrait déboucher sur des mesures d'atténuation à l'appui de l'utilisateur de la ressource. M. Lopez conclut en faisant remarquer que ces efforts ne serviront à rien si l'on n'établit pas de processus à plus long terme pour protéger la valeur écologique.

Au sujet de l'assemblée annuelle des actionnaires de Tembec et de la " déclaration conjointe sur l'intendance des forêts " qui a suivi, il signale qu'il s'agit d'une stratégie à deux volets qui vise avant tout les forêts bien gérées dans des zones protégées représentatives sur le plan écologique. On veut obtenir la certification FSC, ce qui signifie qu'on a atteint des normes internationales indépendantes qui établissent un équilibre entre les enjeux économiques, sociaux et environnementaux. La population ne fait confiance ni à l'industrie ni au gouvernement pour ce qui est de gérer comme il se doit les ressources publiques. La certification du FSC accorde à Tembec une certification et la reconnaissance d'une tierce partie comme gardien responsable de la ressource.

" Le monde est dynamique et non statique, et il évoluera constamment ", conclut M. Lopez. Le changement environnemental est une adaptation naturelle aux répercussions des nouvelles connaissances scientifiques, du développement économique et de la consommation.

Collaborer pour assurer la durabilité de la forêt boréale du Canada

Stewart Elgie, Directeur exécutif, Canadian Boreal Trust (CBT)

Stewart Elgie explique le rôle du Canadian Boreal Trust (CBT), qui est d'aider à maintenir la santé de la forêt boréale du Canada, ainsi que celle des écosystèmes et des collectivités qui en sont tributaires. Le CBT est une nouvelle fondation canadienne actuellement sous l'égide de Canards Illimités, qui lui fournit des bureaux et du soutien administratif. Le CBT a deux rôles fondamentaux : à titre d'organisme subventionnaire, fournir de l'argent à des organisations qui œuvrent pour assurer la durabilité de la forêt boréale (plus de 1,5 million de dollars cette année) et comme partenaire stratégique, aider à créer des compétences et faire fonction de convocateur. Le CBT " n'est pas une fondation passive : c'est plutôt un partenaire actif à la recherche de possibilités sur le terrain ".

M. Elgie passe ensuite à l'importance de la forêt boréale du Canada. Signalant qu'un sondage indique que la plupart des gens ne savent pas ce qu'est la forêt boréale, il explique qu'elle couvre 53 % de la superficie du Canada, d'un océan à l'autre, et qu'elle demeure en grande partie intacte. À l'échelle planétaire, la forêt boréale du Canada offre une importante possibilité de conservation. Il déclare qu'il ne reste que 20 % des forêts frontalières dans le monde-dont le quart se trouve au Canada.
Pourquoi conserver la forêt boréale- On croit habituellement que la forêt boréale est constituée seulement de " marécages, d'arbres chétifs et de moustiques ". On y trouve toutefois une grande partie de la végétation naturelle originale et une grande variété d'arbres. C'est l'habitat d'un vaste éventail d'espèces fauniques où le système prédateur/proie demeure intact et sain. La forêt boréale est le lieu de nidification de 40 % de la sauvagine du continent. C'est un habitat pour les oiseaux migrateurs et les oiseaux chantants, et c'est là que plus de 139 espèces d'oiseaux se reproduisent principalement. Les oiseaux migrateurs " néotropicaux " utilisent la forêt boréale comme lieu d'hébergement saisonnier.

M. Elgie signale aussi la valeur des terres et des eaux boréales. La forêt boréale contient les eaux d'amont de la plupart des cours d'eau du Canada et elle constitue " le plus important nettoyeur, purificateur et filtre d'eau de la nature ". La forêt boréale fait aussi fonction de purificateur d'air, car elle constitue le plus important puits de carbone terrestre sur la planète et ce carbone est filtré en grande partie dans le sol, et en particulier le sol de tourbe; c'est extrêmement important, compte tenu des changements climatiques mondiaux. Enfin, plus d'un million de Canadiens vivent dans la forêt boréale.

On reconnaît de plus en plus la forêt boréale. Les Canadiens y attachent de la valeur, même s'ils n'en connaissent pas le nom. La majeure partie de la forêt boréale comprend " la forêt frontalière originale assez vaste pour maintenir toute la biodiversité indigène ". L'Institut des ressources mondiales (mars 1997) et le Sénat du Canada, dans un rapport de juin 1999, souhaitent vivement que l'on agisse rapidement pour conserver la forêt boréale. Dans le Rapport sur les forêts du monde (août 2000), le Programme des Nations Unies pour l'environnement reconnaît que le Canada contient la deuxième forêt à couvert fermé en importance au monde, forêt qui est principalement boréale. Le même rapport signale que le Canada est le pays le plus important du G7 pour ce qui est de la conservation des forêts.

En ce qui concerne la façon d'assurer la durabilité de la forêt boréale, M. Elgie présente quelques suggestions. Il propose de voir grand (" d'un océan à l'autre à l'autre ") et différemment. Il prévient toutefois que les décisions doivent se prendre à l'échelle régionale. Il ne s'agit pas simplement d'une question environnementale-la protection des forêts et de la nature est sensée sur le plan économique. Les régions sauvages du Canada sont un élément de son identité et en constituent la " marque " à l'échelle planétaire.

Signalant qu'il faudrait planifier efficacement l'utilisation des terres en se fondant sur la participation et en mobilisant tous les intervenants, il ajoute qu'une bonne planification passe par une bonne information. La planification doit en outre précéder les approbations reliées au développement. Il incite les participants à se mettre à l'œuvre parce que " le créneau se referme ". Il affirme que s'il n'y a pas de consensus, le gouvernement doit être prêt à prendre des décisions. Il met en outre les groupes environnementaux au défi de changer d'attitude et " d'intervenir dans les collectivités et de se salir les mains ".

Discussion

Un participant laisse entendre que la politique gouvernementale des années 80 ressemble à celle des années 20, à l'origine de la Grande Crise. Comment peut-on faire quoi que ce soit maintenant, compte tenu de la réalité économique de l'heure?

Une autre participante signale que la conférence a attiré peu de jeunes et demande comment les jeunes pourraient s'impliquer davantage. M. Locke répond qu'ils sont très conscients, mais qu'ils ne sont pas très motivés. Elle réplique que la solution passe par l'éducation et laisse entendre qu'il y a beaucoup de professeurs à la retraite disponibles, comme elle, qui pourraient faire le travail.

Clôture

Stuart Smith, Président, TRNEE

M. Stuart Smith commence par remercier sincèrement le personnel qui n'a pas ménagé ses efforts pour que l'événement ait lieu. Il décrit la conférence comme une réunion " étonnante "-la plus importante jamais tenue, la plus diversifiée et celle qui fait le plus autorité sur la conservation. Il se dit très heureux de voir les nouveaux contacts et les nouveaux partenariats en train de s'établir et il encourage les participants à poursuivre ces entretiens.

M. Smith affirme de nouveau que la conférence guidera la TRNEE et que les membres du groupe de travail se baseront sur ce qu'ils y ont appris pour produire leur rapport, ce qu'ils feront bientôt, car le Premier ministre attend le rapport et les orientations qu'il contiendra. Il ajoute que le Premier ministre a déclaré publiquement son engagement envers l'environnement et l'économie, et qu'il a nommé personnellement chaque membre de la TRNEE.

M. Smith se dit certain que les terres publiques et privées contribueront considérablement aux buts du développement durable. La TRNEE est d'avis que le Canada devrait réserver des terres et compléter le réseau des parcs nationaux. Le groupe de travail a toutefois entendu aussi l'affirmation collective selon laquelle le Canada devrait réserver des sites marins en plus des terres. En fin de compte, il doit y avoir chevauchement de terres publiques et privées si l'on veut créer des zones tampons, des réseaux et des couloirs. De plus, des conférenciers ont suggéré de retirer des terres marginales de la production et de les réserver tout en protégeant le gagne-pain des agriculteurs.

La TRNEE a entendu répéter à maintes reprises les messages importantes sur les partenariats, déclare M. Smith. Il comprend que l'on pense qu'il faut tout ramener à l'échelle locale-y compris les collectivités locales, les Premières nations, les Métis et les Inuits. " Ce sont les populations locales qui seront les gardiens de ce que vous voulez préserver et sans leur participation, il ne se passera rien ", insiste-t-il. La Table ronde a appris qu'il faut négocier des buts qui doivent reposer sur la science. Il faut commencer par quelque chose qui est " réel et dont tous les intéressés reconnaissent la signification ".

Il affirme que la vieille façon de dégager des consensus ne porte pas fruit-on a " cherché à cacher des fissures par de belles paroles ", et c'est pourquoi on n'a obtenu aucun résultat. La TRNEE a entendu répéter à maintes reprises qu'il faut changer le style de négociation pour remplacer la confrontation par la concertation (ce qui inclut s'entendre sur les divergences de vues). Les membres de la Table ronde ont en outre appris que les divergences doivent être très précises afin d'éviter que les groupes finissent par se disputer pour des choses sans importance et qu'ils puissent se " mettre immédiatement à la tâche ", ce qui rapproche habituellement les gens et aboutit à une entente raisonnable.

En terminant, il signale que les membres ont appris qu'il est acceptable de ne pas s'entendre sur tout. Il en découle en bout de ligne une honnêteté et une confiance plus grandes. La TRNEE recherche une conservation qui donne des résultats et repose sur des partenariats fondés sur l'honnêteté et le respect mutuel. Il termine en remerciant tous les participants de deux journées fructueuses et en signalant que la Table ronde a maintenant des idées avec lesquelles elle peut travailler.