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Étude
de cas sur la politique fiscale et l’efficacité
énergétique
Sommaire
Le
4 juin 2004
Préparé
par
M.K. Jaccard & Associates |
|
|
Introduction
La Table ronde nationale sur l’environnement
et l’économie (TRNEE) a lancé un programme afin
d’étudier l’écologisation de la fiscalité
(EF) au Canada. Dans le cadre du programme d’EF, on examine
la possibilité d’harmoniser la politique fiscale à
d’autres instruments de politique pour atteindre des objectifs
environnementaux et économiques. La présente étude
fait partie de trois études de cas parallèles sur
la façon dont la politique fiscale peut favoriser le développement
des énergies renouvelables, des technologies de l’hydrogène
et de l’efficacité énergétique dans le
secteur industriel canadien. Dans cette étude, nous analysons
le rôle de la politique fiscale en rapport avec l’atteinte
d’un objectif : des réductions à long terme
des émissions de carbone dues à l’énergie,
au moyen de l’efficacité énergétique.
Contexte
Aux fins de cette étude de cas, le terme «
industrie » désigne les établissements des secteurs
de la fabrication et des mines; il exclut donc les établissements
des secteurs de la production d’électricité,
de l’agriculture ou de la prestation des services.
L’« efficacité énergétique
» désigne le rapport entre l’extrant (service)
d’un dispositif ou système et l’énergie
qui y est consommée. Améliorer l’efficacité
énergétique suppose faire davantage avec un intrant
énergétique égal ou moindre. L’analyse
de l’efficacité énergétique peut s’appliquer
aux activités industrielles en nombre de points divers; elle
peut s’appliquer à l’équipement utilisant
l’énergie, aux grands procédés industriels,
aux approvisionnements en énergie, aux réseaux d’acheminement,
et même à la forme et à l’infrastructure
des villes.
L’« intensité énergétique »
est un indicateur courant en analyse énergétique,
puisque l’efficacité énergétique ne peut
se mesurer directement à un niveau global. L’intensité
énergétique se définit en unités d’énergie
par unité d’extrant. Elle peut se mesurer en unités
physiques ou en unités monétaires, en termes de produit
intérieur brut (PIB).
Il existe diverses façons de réduire
l’« intensité en carbone de l’énergie
» (tonnes de carbone par gigajoule d’énergie).
Apporter des améliorations au niveau de l’efficacité
énergétique n’entraînera une baisse des
émissions de carbone que si l’intensité en carbone
de l’énergie consommée n’augmente pas
considérablement, ce qui pourrait bien être le cas.
Dans la conception des politiques et l’évaluation
de leurs répercussions et coûts, il est utile d’établir
une nette distinction entre actions et politique. On entend par
action un changement dans l’acquisition d’équipement/des
technologies, le rythme d’utilisation de l’équipement,
le mode de vie ou les pratiques de gestion des ressources; changement
qui entraîne des changements dans les émissions nettes
de gaz à effet de serre (GES). L’étude porte
sur les actions qui constituent des changements dans l’acquisition
de la technologie, mais elle en tient également compte par
rapport à d’autres actions visant la réduction
des émissions de carbone.
Pour décrire les émissions à
base de carbone pour le secteur industriel, il est utile de recourir
au concept d’« émissions directes » et
« émissions indirectes ». Les émissions
directes sont produites par une source contrôlée par
le secteur, alors que les émissions indirectes résultent
de l’activité de ce secteur, mais sont produites par
une source extérieure. Dans l’étude des répercussions
des actions, nous tenons compte des effets combinés des émissions
directes et indirectes, puisque ne tenir compte que des émissions
directes ferait constater une hausse des émissions, dans
le cas d’une action comme la cogénération.
Caractéristiques
du secteur industriel
Le secteur industriel au Canada est celui qui produit
le plus de GES. Ainsi, en 2000, il a émis 237 Mt de gaz carbonique
(CO2e), la plus grande partie étant le résultat
de la consommation énergétique. La consommation énergétique
rend compte des niveaux d’activités, de la structure
de l’industrie et de l’efficacité énergétique
de l’énergie utilisée, alors que les émissions
de GES reflètent également l’intensité
énergétique et les émissions liées aux
procédés. L’utilisation de l’énergie
est particulièrement lourde dans les industries primaires,
par exemple le fer et l’acier, les pâtes et papiers,
la fonte des métaux, le raffinage du pétrole, la fabrication
de produits chimiques et les minéraux industriels; biens
primaires destinés à la consommation finale au Canada
ou à l’extérieur. Ces industries interviennent
pour plus de 80 p. 100 du total de la consommation énergétique
industrielle. Les industries restantes sont nombreuses et diversifiées
(transformation des aliments, fabrication de matériel de
transport, etc.), mais elles utilisent relativement peu d’énergie,
soit 15 p. 100 de la consommation énergétique industrielle
totale, même si elles sont responsables de 60 p. 100 de la
production économique industrielle.
En 2002, l’intensité énergétique
(par rapport au PIB) dans l’industrie canadienne a diminué
de façon générale à un niveau de 27
p. 100 inférieur à celui des années 1990. Cette
baisse de l’intensité énergétique est
due à une meilleure efficacité chez les utilisateurs
d’énergie, ainsi qu’à des changements
structurels dans l’industrie. Dans ce contexte, le terme
« changement structurel » désigne un changement
dans la composition des produits ou de l’industrie qui détermine
le volume total de production. Entre 1995 et 2001, la part de l’activité
économique des industries moins énergivores a augmenté,
alors que la part représentée par les industries primaires,
plus énergivores, a diminué, d’où un
déclin de l’utilisation énergétique totale
de 11,5 p. 100 par rapport aux niveaux de 1995.
Toutefois, les tendances reposant sur la production
économique ne peuvent donner un tableau précis de
l’intensité énergétique parce que les
unités monétaires subissent l’influence de nombreux
autres facteurs, par exemple le coût de la main-d'œuvre
ou le prix de vente. Les tendances en matière d’intensité
énergétique mesurées en termes d’unités
physiques laissent supposer un déclin plus faible de l’intensité
énergétique que les tendances mesurées en termes
de PIB.
Les dirigeants de l’industrie, estime-t-on,
sont plus disposés à réduire les coûts
de la consommation énergétique que les consommateurs
résidentiels et commerciaux. Ainsi, nombre d’établissements
ont peut-être déjà pris diverses mesures rentables
pour réduire leur consommation d’énergie, particulièrement
quand on sait que les coûts de l’énergie constituent
un pourcentage élevé du coût total de production.
Certains secteurs, en raison du lieu où ils sont établis,
sont moins en mesure de réduire leur utilisation de l’énergie,
particulièrement des combustibles fossiles. Néanmoins,
les possibilités d’améliorer l’efficacité
énergétique peuvent être importantes, notamment
dans certains secteurs industriels.
Politique actuelle
Les politiques actuelles sur l’efficacité
énergétique dans l’industrie ont pris naissance
dans les années 1970. Le choc des prix pétroliers,
en 1973, a fait de la sécurité énergétique
une préoccupation prioritaire et a suscité, notamment,
la création de nombreux programmes d’efficacité
énergétique à l’échelon international
et au Canada. Dans notre pays, les premiers programmes en ce sens
pour l’industrie étaient le Programme d’économie
d’énergie dans l’industrie canadienne (PEEIC)
de Ressources naturelles Canada et l’Initiative des innovateurs
énergétiques industriels (IIEI). Depuis, l’efficacité
énergétique industrielle est devenue étroitement
liée aux initiatives de politiques concernant le changement
climatique. Elle a figuré en tête de liste des efforts
volontaires de l’industrie pour réduire ses émissions
de GES dans le cadre du programme Défi-Climat appelé
aussi Mesures volontaires et Registre (MVR), lancé au départ
par le gouvernement pour inciter les organismes privés et
publics à limiter leurs émissions nettes de GES. Juste
avant la ratification du Protocole de Kyoto, en décembre
2002, le gouvernement du Canada publiait son Plan sur le changement
climatique, dans lequel il établissait une approche
pour maîtriser les émissions de GES des grands émetteurs
industriels.
Le budget fédéral de 2003, en suivi
du Plan sur le changement climatique, comportait des affectations
budgétaires pour soutenir, à long terme, la recherche-développement
(R-D) sur les technologies naissantes à haut rendement énergétique
(250 millions de dollars), et pour subventionner les mesures d’efficacité
énergétique et les contreparties de fixation du carbone
de l’industrie (303 millions de dollars). La R-D sur les technologies
perfectionnées d’efficacité énergétique
finale est l’un des cinq secteurs prioritaires dans le domaine
de la science et de la technologie. Au-delà des politiques
et initiatives fédérales, les gouvernements provinciaux
et les sociétés publiques ont aussi beaucoup travaillé
à la promotion de l’efficacité énergétique
dans l’industrie, et dans la politique concernant le changement
climatique en général.
Il est possible que les politiques financières
n’offrent pas de règles du jeu égales en matière
de concurrence pour les investissements énergétiques,
en raison des traitements fiscaux différents des investissements.
Une catégorie spéciale d’équipements
pour la conservation de l’énergie et les énergies
renouvelables aux fins de la déduction pour amortissement
(catégorie 43.1) rend certains investissements admissibles
à un taux annuel d’amortissement de 30 p. 100. Cette
catégorie vise spécifiquement les systèmes
combinés de chauffage et d’énergie et le matériel
à haute efficacité de production de gaz et de récupération
de chaleur en tant qu’investissements pertinents dans l’efficacité
énergétique pour le secteur industriel. Le Canada
n’a recours à aucun autre incitatif fiscal pour encourager
l’efficacité énergétique dans le cadre
du régime fiscal des particuliers ou des entreprises.
Pour la plupart, les programmes du gouvernement et
des sociétés de services publics pour promouvoir l’efficacité
énergétique dans l’industrie s’inscrivent
dans des politiques plus globales qui visent à informer.
Ainsi, dans le Plan sur le changement climatique, on cherche
à élaborer un système de permis négociables
comme incitatif à la décarbonisation chez les grands
émetteurs industriels. Le gouvernement étudie actuellement
en quoi la conception d’un système de ce type serait
susceptible de profiter au maximum à ce marché. Toutefois,
un régime pilote d’échanges d’émissions
« volontaire » fonctionne actuellement : le Projet pilote
d’élimination et de réduction des émissions
et d’apprentissage (PPEREA).
Comme nous l’avons mentionné précédemment,
le Plan sur le changement climatique prévoit un
financement direct à la R-D dans les technologies d’efficacité
énergétique. Le Bureau de recherche et de développement
énergétiques (BRDE) coordonne les activités
fédérales de R-D en efficacité énergétique
et dirige le Programme de recherche et de développement énergétiques
(PRDE), qui inclut une stratégie pour l’efficacité
énergétique dans l’industrie. Le Centre de la
technologie de l’énergie de CANMET (CTEC) et l’Initiative
de recherche innovatrice (IRI) de RNCan pour l’atténuation
des GES financent également des programmes de recherche qui
comportent des projets d’efficacité énergétique.
Globalement, le Canada a privilégié les incitatifs
financiers, les préférant au financement direct pour
appuyer la R-D sur l’efficacité énergétique,
établissant ainsi l’un des systèmes les plus
généreux des pays membres de l’Organisation
pour la coopération et le développement économiques
(OCDE).
Perspectives d’efficacité
énergétique
La compréhension de l’utilisation de
l’énergie dans l’industrie se fait en termes
de services énergétiques génériques
ou auxiliaires et de procédés spécifiques.
Les services énergétiques génériques
ou auxiliaires sont ceux qui ne sont pas propres à une industrie
en particulier. Ils entrent dans quatre grandes catégories
: systèmes de chaudières à vapeur (centrales
à vapeur et cogénération); systèmes
d’éclairage, de chauffage, de ventilation et de climatisation
(CVC) et systèmes à moteur électrique (pompes,
ventilateurs, compresseurs et convoyeurs). Il est possible de réduire
considérablement la consommation d’énergie par
l’amélioration de l’efficacité énergétique
des systèmes de génération de vapeur, et des
moteurs électriques et de leurs dispositifs périphériques.
L’efficacité des centrales à vapeur varie considérablement
selon la conception des chaudières, leur âge et le
combustible utilisé. Des améliorations importantes
de l’efficacité énergétique sont également
possibles par le recours à la cogénération,
plutôt que simplement à des chaudières à
vapeur. Il est possible d’augmenter l’efficacité
énergétique des moteurs électriques, mais il
y a encore plus de possibilités d’augmenter l’efficacité
des équipements qu’ils actionnent, par exemple les
matériels de pompage, de déplacement d’air,
de compression, de transport et autres types de mécanismes,
et d’améliorer la demande pour ces services énergétiques.
Les perspectives d’efficacité énergétique
qui restent sont assez spécifiques aux procédés
propres à chaque industrie. Certaines industries utilisent
d’énormes quantités de chaleur dans leurs activités.
Ainsi, les industries produisant des matériaux comme le fer,
l’acier et autres métaux primaires, ou des matériaux
de construction, se caractérisent par une forte utilisation
de chaleur de procédé directe. D’autres industries
dépendent fortement de l’électricité
pour actionner de gros moteurs ou générer ou purifier
des produits chimiques ou des métaux dans les piles électrolytiques.
Habituellement, les industries énergivores ont moins de choix
en matière de réduction de l’énergie
(ou du CO2 ), car les procédés sont simples et à
fort apport énergétique, comparativement aux industries
qui peuvent recourir à des dizaines, voire des centaines
de procédés plus modestes, chacun n’exigeant
qu’une modeste quantité d’énergie pour
transformer des produits semi-finis en produits manufacturés.
Il existe de nombreuses technologies efficaces sur
le plan de l’énergie. Certaines existent probablement
depuis quelque temps dans le commerce, mais pourraient encore effectuer
des percées plus considérables. D’autres sont
sur le point d’émerger et sont au stade de la démonstration
ou se sont implantées dans un créneau relativement
étroit (p. ex. réduction directe dans les industries
du fer et de l’acier). D’autres ne se sont pas encore
concrétisées sur le plan technique et font l’objet
de programmes dynamiques de R-D (p. ex. anodes permanentes/cathodes
humides dans l’électrolyse de l’aluminium). L’innovation
technologique peut être radicale (perturbatrice)
ou progressive. L’innovation technologique radicale
est une transition vers une nouvelle technologie ou un nouveau paradigme,
qui, souvent, modifie la façon de percevoir le produit ou
le procédé. L’innovation progressive est une
innovation modeste et graduelle des technologies existantes.
Obstacles à
l’adoption
Ces trente dernières années, les chercheurs
ont constaté que les consommateurs et les établissements
se privent, assez souvent, d’investissements rentables évidents
dans l’efficacité énergétique. Ils ne
semblent pas tenir compte des économies futures qui résulteraient
des investissements dans l’efficacité énergétique
à des taux dépassant de beaucoup les taux du marché
pour les emprunts ou les épargnes. C’est là
un phénomène souvent appelé « écart
d’efficacité énergétique » et qui
est l’un des grands obstacles analysés par cette étude
afin d’évaluer le coût et le potentiel économiques
de la politique d’EF pour exercer une influence sur l’adoption
des technologies efficaces sur le plan énergétique.
Comprendre les possibilités qu’ont les
établissements industriels d’améliorer leur
efficacité énergétique est une tâche
complexe. Tout d’abord, les nouvelles technologies comportent
des risques plus grands d’échecs que les méthodes
éprouvées. L’existence de cette incertitude
peut être un obstacle important à l’investissement
dans des technologies nouvelles efficaces sur le plan énergétique.
Qui plus est, les coûts d’acquisition et d’installation,
et les frais d’exploitation varieront selon l’endroit,
et certains matériels seront plus appropriés dans
certaines situations que dans d’autres.
En outre, les incidences de l’adoption de possibilités
d’efficacité énergétique sur la consommation
énergétique globale et la décarbonisation sont
un aspect complexe à saisir. Tout d’abord, même
si une meilleure efficacité énergétique peut
déboucher sur la décarbonisation, il ne faut pas oublier
que les combustibles primaires diffèrent considérablement
par leurs émissions de carbone. Des réactions importantes
du second degré pourraient également se produire,
dans l’économie, entre l’offre et la demande
d’énergie. Ainsi, l’adoption généralisée
de moteurs électriques et systèmes auxiliaires très
efficaces se répercuterait sur la demande d’électricité,
ce qui risquerait d’avoir des effets sur les prix qui, en
retour, influeraient sur les décisions liées à
l’énergie dans l’ensemble de l’économie.
Lorsque les technologies efficaces sur le plan de l’énergie
parviennent à s’implanter sur le marché, la
baisse de coût des services d’énergie qui en
découle entraîne un effet de rebond, soit
une hausse de la demande de services énergétiques
et donc, de la consommation d’énergie.
Méthodologie
de modélisation
On peut utiliser toute une gamme de modèles
énergétiques/économiques pour tracer une ligne
de base concernant les émissions de GES du secteur industriel,
pour ensuite évaluer en quoi les changements en matière
d’efficacité énergétique, de type de
combustible ou de technologie de contrôle des émissions
pourraient déboucher sur des niveaux différents d’émissions
de GES. Le modèle du Système canadien de modélisation
intégrée (SCMI), élaboré par l’Energy
and Materials Research Group (EMRG) de l’Université
Simon Fraser, est celui utilisé dans cette analyse. Dans
le modèle du SCMI, les technologies, procédés
et interactions technologiques dans le secteur industriel canadien
sont illustrés en détail; il est donc possible d’étudier
à fond la relation entre le processus sous-jacent et la structure
technologique du secteur par rapport à l’ensemble des
utilisations énergétiques et des émissions
de GES. Le modèle du SCMI illustre, en outre, les décisions
sur l’acquisition de la technologie d’après une
combinaison de coûts financiers et de paramètres comportementaux
projetés à partir d’études empiriques
des mécanismes décisionnels des consommateurs et des
entreprises. Cette approche est celle retenue de préférence
à une autre qui utilise une estimation unique ex ante (anticipée)
des coûts financiers en tant que base de choix entre technologies
concurrentes, ce qui ne règle pas la question des complexités
décisionnelles, comme le prouve l’écart d’efficacité
énergétique. Le modèle du SCMI permet également
d’intégrer les effets sur les prix de l’énergie
par la demande et l’offre d’énergie par secteur,
de même que les réactions de la demande de services
énergétiques.
Aperçu du
modèle
Le modèle de simulation du SCMI suppose six
étapes fondamentales :
- Évaluation
de la demande : Les technologies sont illustrées dans
le modèle en termes de quantité de services et/ou
de produits offerts (p. ex. tonnes de papier produites). La prévision
de la croissance des services détermine la simulation en
tranches quinquennales.
- Retrait
: Dans chaque période à venir, une partie du stock
technologique de l’année de départ est retirée
en fonction de l’âge. Le parc technologique résiduel
dans chaque période est soustrait de la demande prévue
de services énergétiques.
- Concurrence
des nouvelles technologies/concurrence des améliorations
éconergiques : Les technologies prospectives se font
concurrence pour obtenir les nouveaux investissements, d’après
non seulement l’atténuation des coûts annualisés
du cycle de vie, mais aussi des coûts liés aux risques
d’échec, et d’après les préférences
(non financières) des consommateurs. Dans ce modèle,
on répartit les parts de marché entre technologies,
de façon probabiliste, pour rendre compte de la variation
des coûts d’acquisition et d’installation, des
frais d’exploitation, ainsi que de l’équipement.
Il y a concurrence dans chaque période avant les achats
de nouveaux stocks pour simuler l’amélioration éconergique
du stock résiduel.
- Équilibre
de l’offre et de la demande d’énergie
: Dans chaque période de l’avenir, un cycle intervient
entre le choix des technologies dans les modèles de demande
énergétique et les prix des modèles d’offre
d’énergie, jusqu’à ce que les prix (offre)
et la demande parviennent à un équilibre.
- Équilibre
de la demande de services énergétiques
: Lorsque le cycle offre/demande d’énergie s’est
stabilisé, cette étape ajuste la demande de services
énergétiques d’après les élasticités
de prix. Si l’ajustement est important, le système
entier redémarre à l’étape 1, en tenant
compte des nouvelles demandes.
-
Résultat : On peut dériver l’ensemble
des données sur l’énergie, les émissions
et les coûts à partir des résultats finals
du modèle, puisque chaque technologie a une utilisation
énergétique nette, des émissions nettes liées
à l’énergie et des coûts associés.
Le
modèle du SCMI sert à construire le scénario
de base et à mettre au point deux scénarios de rechange
où l’on évalue comment les changements en matière
d’efficacité énergétique, de type de
combustible ou de technologie de contrôle des émissions
peuvent aboutir à des niveaux différents d’émissions
de GES dans le secteur industriel.
Scénario
de base
Le scénario de base se prépare à
l’aide des étapes 1 à 3 et de l’étape
6 décrites ci-dessus (on n’utilise pas l’étape
5 dans l’étude de cas). La période prévisionnelle
de base s’étend de 2000 (année de base du SCMI)
à 2030. Aux fins de cette étude, les hypothèses
sur la croissance économique (plus précisément
les taux de croissance régionaux du PIB de 2000 à
2020) et les prix futurs de l’énergie sont tirées
de Perspective des émissions du Canada : une mise à
jour (PEC-MJ) de Ressources naturelles Canada (RNCan). Au-delà
de 2020, pour la simulation, nous partons de l’hypothèse
que les tendances annuelles de prix et de croissance de 2015 à
2020 se maintiendront entre 2020 et 2030. Les prévisions
d’émissions générées par le SCMI
sont calibrées en fonction des prévisions officielles
d’émissions de GES (de décembre 2003) formulées
depuis la publication de PEC-MJ.
Nous donnons au tableau 1, ci-dessous, un résumé
du scénario de base pour le secteur industriel (tel que défini
aux fins de cette étude de cas) au Canada. Globalement, les
émissions du secteur industriel croissent de 50 p. 100 sur
les 30 années de la période de simulation, les émissions
directes augmentant et les émissions indirectes diminuant.
La part de l’électricité produite par cogénération
augmente sur la période de simulation, particulièrement
dans l’exploitation des sables bitumineux. Le secteur du pétrole
et du gaz est responsable de la plus forte hausse des émissions
de GES, en raison d’une forte croissance des exportations
de pétrole et de gaz aux États-Unis.
Tableau 1 : Prévision de base des
émissions de GES et de la consommation énergétique
au Canada (secteur industriel)
|
Année |
Croissance
annuelle moyenne (%) |
|
2000 |
2010 |
2020 |
2030 |
Émissions
de GES (Mt CO2e)
|
|
|
|
|
|
Totales |
288 |
343 |
396 |
453 |
1,53
% |
Directes |
237 |
307 |
358 |
407 |
1,82
% |
Indirectes |
50 |
36 |
38 |
46 |
-0,30
% |
Consommation
d’énergie (petajoules ou PJ) |
4
239 |
5
030 |
5
783 |
6
579 |
1,48
% |
Scénarios de
rechange
Nous avons préparé deux prévisions
de rechange afin de simuler deux prix fictifs différents
sur les 25 ans visés (2005–2030). Nous partons de l’hypothèse
d’un prix de 15 $ la tonne de CO2e, comparativement
à un prix de 30 $ la tonne de CO2e, afin d’indiquer
un changement dans les profils d’investissement. En plus d’appliquer
ces prix fictifs à des sous-modèles du secteur industriel,
nous les appliquons aussi au secteur de l’électricité
pour pouvoir refléter un prix fictif des émissions
de carbone dans le prix de l’électricité constaté
dans les sous-secteurs de l’industrie.
Les technologies naissantes offrent de meilleures
perspectives d’acceptation sur le marché sur une période
de 25 ans. Afin d’intégrer la promotion, à long
terme, de ces technologies par le soutien à la R-D et à
la commercialisation, nous pondérons les « coûts
intangibles » d’une sélection de technologies
naissantes pour rendre compte d’un effort plus ciblé
de R-D et de commercialisation.
La simulation d’un prix fictif des émissions
de carbone dans les sous-modèles du secteur industriel indique
la possibilité de réduire les émissions par
des mesures d’efficacité énergétique.
Ce type de simulation fait ressortir les possibilités de
réduction des émissions réalisables grâce
à des mesures d’efficacité énergétique
jusqu’à concurrence d’un coût marginal
spécifique de réduction pour le carbone. Cette méthodologie
repose sur le principe que l’objectif (la décarbonisation)
susciterait la formulation d’un autre scénario concernant
les GES (tel que simulé par un prix fictif pour les GES)
qui ferait ressortir le rôle possible des investissements
dans l’efficacité énergétique en ce qui
a trait à la décarbonisation (parmi d’autres
options). Le choix des prix du carbone rend compte d’un potentiel
atteignable relativement modeste, qui pourrait être influencé
par la politique d’EF.
Les scénarios hypocarbonés I et II
illustrés au tableau 2 donnent des réductions de 46
Mt de CO2e et de 58 Mt de CO2e respectivement
en 2030. En majeure partie, ces réductions touchent les émissions
directes, bien que la réaction des émissions indirectes
à l’imposition d’un prix fictif soit plus forte
que celle des émissions directes (les émissions indirectes
déclinent dans une proportion allant de 53 à 62 p.
100 en 2030, alors que les émissions directes ne régressent
que de 5 p. 100 à 7 p. 100). Les mesures qui sous-tendent
cette forte réaction des émissions indirectes comprennent
une adoption accrue de systèmes de cogénération,
ainsi que des mesures relevant l’efficacité globale
des systèmes électriques auxiliaires. Les secteurs
de la fonte et de l’affinage des métaux, le raffinage
du pétrole et les sous-secteurs du fer et de l’acier
contribuent à la plus grande partie des réductions
des émissions en raison d’une meilleure efficacité
énergétique.
Tableau 2 : Émissions
de GES et énergie pour les scénarios de remplacement,
Canada
|
Année |
|
2000 |
2010 |
2020 |
2030 |
Émissions
totales de GES
(Mt CO2e) |
|
|
|
|
Ne
rien faire (NRF) |
288 |
343 |
396 |
453 |
Hypocarboné
I |
288 |
322 |
365 |
407 |
Hypocarboné
II |
288 |
316 |
355 |
395 |
Émissions
directes de GES
(Mt CO2e) |
|
|
|
|
NRF |
237 |
307 |
358 |
407 |
Hypocarboné
I |
237 |
292 |
339 |
386 |
Hypocarboné
II |
237 |
293 |
335 |
378 |
Émissions
indirectes de GES (Mt CO2e) |
|
|
|
|
NRF |
50 |
36 |
38 |
46 |
Hypocarboné
I |
50 |
29 |
26 |
22 |
Hypocarboné
II |
50 |
23 |
20 |
17 |
Énergie
(petajoules ou PJ) |
|
|
|
|
NRF |
4
239 |
5
030 |
5
783 |
6
579 |
Hypocarboné
I |
4
239 |
4
822 |
5
537 |
6
298 |
Hypocarboné
II |
4
239 |
4
818 |
5
497 |
6
232 |
Lorsque les technologies efficaces sur le plan énergétique
parviennent à bien s’implanter sur le marché,
la baisse résultante des coûts des services énergétiques
entraîne un effet de rebond par une demande accrue
de services énergétiques et donc, une plus grande
consommation d’énergie. Les scénarios de remplacement
ne donnent pas le même effet.
Analyse économique
et de la politique
Les simulations des scénarios de remplacement
ont permis de constater qu’il serait possible de parvenir
à une réduction pouvant aller jusqu’à
58 Mt de CO2e d’ici 2030, en partie par des mesures
qui permettraient à l’industrie d’atteindre une
plus grande efficacité énergétique. Nous calculons
les coûts financiers ex ante des scénarios
(illustrés au tableau 3) représentant la différence
entre la valeur actuelle nette des coûts du capital, de l’énergie,
de l’exploitation et de l’entretien entre le scénario
de base, et chacun des scénarios de remplacement en 2004
($CAN 2000) escomptés à un taux d’actualisation
public de 2005 à 2030. Tous les sous-secteurs de l’industrie
affichent des coûts négatifs, car la valeur des économies
d’énergie est supérieure à l’augmentation
des coûts de capital préliminaire découlant
de l’adoption de ces mesures. Les coûts économiques
peuvent être, et sont habituellement, beaucoup plus élevés;
ils sont intégrés dans les choix technologiques
des entreprises et des ménages.
Puisque la simulation du SCMI ne comportait pas les
réactions finales de la demande (étape 5 de la simulation
du SCMI), les résultats ne donnent qu’un portrait d’équilibre
partiel de la réponse au prix fictif du CO2e.
Tableau 3 : Coûts
financiers ex ante (prévus) pour 2005 à 2030 (milliards
$)
|
Hypocarboné
I |
Hypocarboné
II |
Produits
chimiques |
-4,98 |
-4,04 |
Mines
de charbon |
-0,99 |
-2,19 |
Minéraux
industriels |
-1,16 |
-2,08 |
Fer
et acier |
-1,84 |
-1,93 |
Fonte
et affinage des métaux |
-1,42 |
-1,76 |
Exploitation
minière |
-0,26 |
-0,59 |
Autre
fabrication |
-1,92 |
-2,75 |
Extraction
de brut |
-0,04 |
-0,03 |
Raffinage
du pétrole |
-0,19 |
-0,38 |
Pâtes
et papiers |
-3,39 |
-4,80 |
Industrie
du gaz naturel |
-1,45 |
-4,32 |
Total |
-17,64 |
-24,87 |
Remarque : Les chiffres sont en $CAN de 2000.
La recherche de la décarbonisation en misant
sur l’efficacité énergétique de l’industrie
peut offrir d’autres avantages en plus de réduire les
émissions de GES et les dommages écologiques liés
au réchauffement mondial. Tout d’abord, la baisse de
l’intensité énergétique réduira
les coûts de l’énergie par unité de production
du service, de sorte que la croissance économique sera moins
freinée par les coûts énergétiques futurs.
Deuxièmement, l’innovation et les technologies énergétiquement
plus efficaces seront encouragées, ce qui pourrait offrir
l’occasion d’augmenter les exportations. Troisièmement,
il est possible que l’on parvienne à réduire
les effets néfastes, sur la santé, découlant
de la piètre qualité de l’air.
L’EF, telle que définie par la TRNEE,
est une approche globale permettant de recourir à tout un
éventail d’instruments pour appuyer le changement vers
le développement durable, comme l’explique le rapport
intitulé : Vers un programme canadien d’écologisation
de la fiscalité : Les premiers pas. L’objet commun
à ces instruments est d’établir des dissuasifs,
en intégrant les coûts environnementaux à la
structure fiscale, ou d’offrir des incitatifs afin de récompenser
les producteurs et les consommateurs qui modifient leurs décisions
et comportements en adoptant des pratiques plus durables. Nous établissons
un lien entre trois outils de politique clés et l’analyse
de modélisation : l’application de taxes environnementales,
les permis échangeables (dans le cadre de la réglementation
axée sur le marché) et les subventions.
Taxes liées
à l’environnement et redéploiement fiscal
Les résultats de la modélisation pointent
directement vers l’application d’une taxe sur les GES,
payée sur chaque combustible fossile et proportionnelle à
la quantité de GES émis pendant la combustion 1.
Toutefois, puisque le prix du carbone a été appliqué
à toutes les émissions de GES dans les sous-secteurs
industriels, y compris les émissions des procédés
et fugitives, les émissions ne provenant pas de la combustion
de combustible ont été également soumises au
prix du carbone. Le scénario hypocarboné I décrit
une taxe de 15 $ la tonne de CO2e et le scénario
hypocarboné II, une taxe de 30 $ la tonne de CO2e.
Une taxe sur les GES, appliquée dans l’ensemble du
secteur industriel, encourage chaque sous-secteur à accroître
ou à diminuer ses efforts de réduction des émissions
jusqu’à ce que chacun affiche un coût marginal
identique pour l’unité suivante de réduction
des émissions.
Les recettes provenant des taxes environnementales
peuvent servir à de nombreuses fins; ainsi, on peut les utiliser
dans le cadre des recettes générales, les réserver
à des projets environnementaux spécifiques, les offrir
en tant que rabais ou s’en servir pour réduire d’autres
taxes. Chaque option donne lieu à des coûts différents
pour des participants et secteurs différents de l’économie.
Dans la pratique, la conception de l’écofiscalité
a tenu compte des préoccupations d’équité
et de compétitivité en faisant appel à une
combinaison de remboursements, de différences dans les taux
d’imposition appliqués à l’industrie et
aux ménages, ainsi que d’exonérations fiscales
à divers degrés.
Permis échangeables
(réglementation axée sur le marché)
Il faut mentionner un domaine important d’innovation
en matière de politique, soit l’établissement
de règlements axés sur le marché qui, comme
une taxe sur les GES, permet une souplesse individuelle dans l’atteinte
d’une exigence ou limite obligatoire. Contrairement à
la réglementation classique fondée sur le pouvoir
hiérarchique, le choix de participer (qu’il s’agisse
de réduire les émissions, d’acquérir
la technologie désignée ou de payer d’autres
intervenants pour le faire) est laissé à la discrétion
de chaque établissement ou ménage.
Les résultats du modèle laissent entrevoir
un système de plafonnement des émissions et de permis
négociables (PEPN) qui pourrait être appliqué
à toute l’industrie, avec des permis et plafonnements
aux enchères équivalant aux niveaux d’émissions
signalés dans les scénarios de remplacement [c.-à-d.
407 Mt de CO2e en 2030 dans le scénario hypocarboné
I et 395 Mt de CO2e dans le scénario hypocarboné
II (tableau 2). Les prix des permis négociables correspondent
aux prix fictifs appliqués dans ces scénarios (15
$ la tonne de CO2e et 30 $ la tonne de CO2e
respectivement].
De plus, la réglementation axée sur
le marché peut s’appliquer dans divers contextes, par
exemple en spécifiant le résultat souhaité
sur le marché, plutôt que le résultat environnemental.
Les systèmes de PEPN offrent une gamme considérable
d’options de conception.
Subventions
L’EF peut appuyer la décarbonisation
par l’élimination ou la réorientation des subventions
actuelles et la mise en place de nouvelles subventions. Le soutien
financier, sous forme de subventions directes, de prêts garantis
ou à faible taux d’intérêts et d’incitatifs
fiscaux, peut servir à favoriser directement l’adoption
accrue des technologies efficaces sur le plan énergétique
et la R-D à long terme sur des technologies éconergiques
nouvelles.
D’après les scénarios de remplacement,
on pourrait parfaitement concevoir un programme de subventions
axées sur les mesures rentables. On peut estimer l’ampleur
de l’incitatif requise pour cibler ces actions en calculant
les coûts privés perçus des scénarios
de rechange (voir le tableau 3). Les estimations s’établissent
par le calcul de l’aire sous une courbe traçant des
réductions cumulatives des émissions par rapport à
l’augmentation des prix fictifs du CO2e. L’aire
située sous la courbe de coût marginal résultante
jusqu’au prix fictif du scénario de remplacement est
le coût du programme de subventions nécessaire pour
que les entreprises prennent des mesures qu’elles n’adopteraient
pas autrement (leurs coûts privés perçus).
Tableau 4 : Coûts des mesures
incitatives (coûts privés perçus) pour 2005
à 2030 (milliards $)
|
Hypocarboné
I |
Hypocarboné
II |
Produits
chimiques |
0,528 |
1,284 |
Mines
de charbon |
0,026 |
0,104 |
Minéraux
industriels |
0,047 |
0,194 |
Fer
et acier |
0,070 |
0,158 |
Fonte
et affinage des métaux |
0,124 |
0,309 |
Exploitation
minière |
0,015 |
0,036 |
Autre
fabrication |
0,189 |
0,436 |
Extraction
de brut |
0,101 |
0,093 |
Raffinage
du pétrole |
0,003 |
0,026 |
Pâtes
et papiers |
0,203 |
0,608 |
Extraction
du gaz naturel |
0,707 |
1,636 |
Total |
2,012 |
4,885 |
Remarque : Les chiffres sont donnés en
$CAN 2000.
Ces estimations excluent les dépenses nécessaires
pour subventionner les entreprises qui auraient commencé
à acquérir les technologies efficaces sur le plan
énergétique dans le scénario de base («
resquilleurs »). Si l’effet était intégré,
le coût du programme de subventions serait plus élevé
que celui illustré au tableau 4. D’après les
évaluations des programmes incitatifs d’efficacité
énergétique, la part des resquilleurs peut être
importante, souvent de l’ordre de 85 p. 100 des bénéficiaires
des programmes. Les programmes de subventions peuvent donc exiger,
par unité d’effet, des dépenses publiques relativement
importantes. Qui plus est, les coûts administratifs de l’exécution
du programme et les coûts de transaction de la participation
des établissements, qui dépendent beaucoup de la conception
des mesures spécifiques, n’ont pas été
pris en compte dans les chiffres donnés au tableau 4.
Les voies possibles, en matière de nouvelles
subventions, peuvent comprendre les transferts financiers directs
(subventions, prêts préférentiels ou à
faible taux d’intérêts) ou les incitatifs fiscaux,
par exemple l’expansion de la déduction spéciale
pour amortissement (catégorie 43.1), pour y inclure les technologies
plus efficaces sur le plan de l’énergie. Le recours
à des programmes de crédits renouvelables est aussi
devenu plus populaire dans le secteur commercial/institutionnel
canadien et pourrait s’appliquer au contexte industriel.
La même valeur monétaire d’une
subvention pourra avoir un effet différent selon la conception
du programme. Les incitatifs financiers peuvent être orientés
de manière à réduire les coûts initiaux
ou les coûts d’exploitation, dans le cas des investissements
dans l’efficacité énergétique, et peuvent
reposer sur des critères prescrits ou personnalisés
(fondés sur le rendement). Les subventions axées sur
les coûts d’immobilisation préliminaires tiennent
compte du fait que le coût d’immobilisation plus élevé
des technologies efficaces sur le plan énergétique
peut avoir un effet dissuasif sur les investissements. Les mesures
axées sur les coûts initiaux ne reposent pas sur la
capacité réelle de l’investissement d’atteindre
l’objectif de politique voulu. Les subventions fondées
sur le rendement peuvent être plus souples et permettre aux
entreprises d’atteindre les améliorations « prouvées
» en matière d’efficacité énergétique
ou de réduction des émissions de carbone.
Il faut aussi que la conception des subventions tienne
compte des différences dans la façon dont les établissements
peuvent réagir aux mesures incitatives. Les PME pourraient
ne pas avoir autant accès aux capitaux que les grandes entreprises
pour profiter des incitatifs fiscaux; elles pourraient estimer que
les prêts, les garanties de prêt et les programmes de
taux d’intérêts subventionnés, jumelés
à des mécanismes de soutien du secteur privé
comme les contrats de rendement énergétique, les baux
et le capital-risque, ont plus de valeur qu’un instrument
fiscal.
Facteurs de conception
de la politique
Le choix des outils de la politique d’EF et
la conception définitive d’un ensemble de politiques
supposent de nombreux points à considérer. Ainsi,
ce qui pourrait sembler le plus efficient ou le plus efficace sur
le plan économique pour atteindre les avantages environnementaux
pourrait être peu réalisable sur le plan de la faisabilité
administrative ou de l’acceptabilité politique. La
section ci-après donne une analyse générale
du lien entre les outils de la politique d’EF et les critères
courants de conception des politiques.
Efficacité
dans l’atteinte des objectifs environnementaux
Comme dans un système de PEPN, on précise
le niveau de réduction des émissions, ce type d’instrument
de politique serait le plus efficace pour atteindre les objectifs
environnementaux. Dans le cas d’une subvention, il est possible
qu’on ne parvienne pas à des réductions suffisantes
si la subvention est trop faible ou mal dirigée. Dans les
deux cas, les lacunes conceptuelles peuvent freiner l’atteinte
des effets visés par la politique. Les instruments économiques
généraux (systèmes de taxes et de permis) sont
plus efficaces que les subventions, si l’on veut prévenir
l’effet de rebond et encourager une décarbonisation
à long terme du système énergétique.
Efficacité
économique
En théorie, imposer un système uniforme
de taxes sur le carbone ou de PEPN serait la façon la plus
efficace d’atteindre l’objectif de décarbonisation,
car ces moyens incitent à amorcer d’abord, dans l’ensemble
de l’économie, les réductions les moins coûteuses.
Il est possible que les subventions soient accaparées par
les entreprises dont les coûts de réduction des émissions
sont les plus élevés (sauf si l’on accorde des
permis négociables par soumissions concurrentielles), ce
qui pourrait exiger par unité d’effet des dépenses
publiques importantes, en raison de la présence des resquilleurs.
De plus, les subventions exigent la perception de recettes dans
d’autres secteurs de l’économie, ce qui peut
donner lieu à des pertes économiques.
Faisabilité
administrative
La conception d’une politique d’EF doit
tenir compte du fardeau des entreprises, lorsqu’elles se conforment
à une taxe (ou à une réglementation axée
sur le marché) ou demandent des subventions et des crédits
d’impôt. Le travail pourrait être particulièrement
lourd pour les petites entreprises. De plus, pour faire une surveillance
et une évaluation adéquates du programme, on doit
avoir des données, et la collecte de ces données doit
se concentrer sur les effets réels sur les émissions
de carbone, plutôt que sur des indicateurs comme le nombre
de demandes ou de bénéficiaires d’aide financière,
etc.
Acceptabilité
politique
Le recours à des outils de politique comme
la taxe sur les GES pour parvenir à la décarbonisation
a été freiné par des craintes en matière
d’acceptabilité politique, même dans des pays
où ce genre de taxe est appliqué. Le recours aux subventions
permet d’éviter d’imposer des coûts aux
établissements; au lieu de cela, elles augmentent les perspectives
de compétitivité des technologies efficaces sur le
plan énergétique. Toutefois, puisque le gouvernement
doit se procurer des fonds provenant d’autres secteurs de
l’économie, l’option « subventions »
n’a pas échappé aux critiques. (Les incitatifs
fiscaux sont une forme moins visible de subventions de l’État.)
Les groupes industriels ont en général
favorisé des approches par incitatifs fiscaux volontaires
dans la politique concernant le changement climatique, soutenant
que les mesures de réduction des émissions de GES
doivent être conformes à l’orientation économique
et financière générale du pays.
Répercussions
en matière de distribution et de compétitivité
Dans le cas d’une taxe sur les GES ou d’un
système de PEPN, chaque établissement a le choix de
participer. Il y aura des répercussions sur la compétitivité
si la politique impose des niveaux différents de coûts
aux établissements concurrents, car les politiques sont différentes
selon les pays, la réglementation diffère entre établissements
sur le territoire national ou simplement du fait que les établissements
n’utilisent pas des énergies ayant les mêmes
intensités de carbone, qu’elles ont des perspectives
différentes de substitution ou qu’elles fonctionnent
à des échelles différentes.
Atténuer le plus possible ces répercussions
en matière de distribution et de compétitivité
est un volet essentiel de la conception de la politique. Ainsi,
une réglementation sectorielle spécifique axée
sur le marché pourrait réduire les hausses moyennes
de prix parce que seulement un faible pourcentage du marché
se consacre à des technologies plus récentes et plus
coûteuses, et que les fabricants calculeront la moyenne de
ces coûts par rapport à leur technologie classique
moins coûteuse pour établir leur prix de revient.
Innovation technologique
Le niveau d’innovation dans les technologies
environnementales sera inférieur à l’optimum
social théorique en raison de l’existence de coûts
externes, par exemple les dommages environnementaux. Dans cet instrument
de politique, on s’efforce de recourir à des dissuasifs,
par exemple les taxes environnementales et les outils axés
sur le marché, afin d’internaliser ces coûts
externes et de stimuler l’innovation et le déploiement.
Aux premiers stades du déploiement, d’autres politiques
favorisant directement l’innovation par une réduction
des coûts de R-D, par exemple en subventionnant les dépenses
de R-D ou en encourageant les co-entreprises, pourraient être
les plus utiles; toutefois, en recourant aux subventions, on court
le risque d’appuyer des efforts de R-D privés, qui
auraient de toute façon été consentis, et d’appuyer
des technologies non appropriées.
Conclusions
Les perspectives offertes par les mesures industrielles
d’efficacité énergétique de contribuer
à la décarbonisation du système énergétique
sont complexes et dépendent de la mesure dans laquelle l’innovation
permet de pousser plus loin le potentiel technique, de la mesure
dans laquelle on adopte des habitudes et des technologies efficaces
sur le plan énergétique, de la mesure dans laquelle
cette adoption se traduit par une diminution globale de l’énergie
utilisée, et l’intensité des émissions
de carbone de l’énergie économisée. L’adoption
de l’efficacité énergétique en tant que
moyen de réduire les émissions de carbone des activités
industrielles est compliquée car l’efficacité
énergétique n’est que l’une des nombreuses
options auxquelles l’industrie peut recourir pour réduire
les émissions de carbone.
Dans la formulation et la transmission des recommandations
de politique issues de cette étude de cas, il importe de
tenir compte de la mesure dans laquelle la politique d’EF
doit spécifiquement se concentrer sur la promotion de l’efficacité
énergétique industrielle proprement dite, par opposition
à une orientation plus large sur l’objectif, à
savoir la décarbonisation. Il est établi, d’après
les simulations dans les scénarios du modèle, que
l’amélioration de l’efficacité énergétique
dans l’industrie est étroitement liée à
un changement de combustibles et à d’autres moyens
de réduire les émissions de carbone, ce qui laisse
supposer que, pour aller vers un système énergétique
décarbonisé, il faut tenir compte de l’efficacité
énergétique dans le contexte d’autres mesures
pertinentes. Se concentrer uniquement sur l’efficacité
énergétique dans l’industrie en tant que moyen
de parvenir à la décarbonisation risque d’orienter
les mesures incitatives dans une voie non rentable.
Nous avons décrit certains instruments de
politique dans le contexte des résultats de la modélisation
et signalé un certain nombre de facteurs conceptuels pour
chaque outil, mais aucun outil de politique n’offre un rendement
supérieur par rapport aux critères que sont l’efficacité
environnementale, l’efficacité économique, la
faisabilité administrative et l’acceptabilité
politique. Les gouvernements peuvent, à l’aide de toute
une gamme d’instruments de politique, jumeler les points forts,
tout en compensant les faiblesses des instruments de politique pris
individuellement. Cet ensemble de politiques devrait se concentrer
sur des mesures qui sont actuellement politiquement acceptables,
tout en favorisant néanmoins l’innovation technologique.
Le recours à l’EF offre des perspectives considérables
de créer des conditions susceptibles de faire émerger
des solutions « gagnantes » qui attireront des investissements
suffisants, se développeront et seront grandement acceptées.
Compte tenu de ces perspectives, nous recommandons
d’insister sur les permis négociables, dans le cadre
de la réglementation axée sur le marché, pour
susciter des changements fondamentaux, et d’attribuer un rôle
complémentaire aux subventions qui appuient les technologies
efficaces sur le plan de l’énergie. Les subventions,
et les incitatifs fiscaux notamment, offrent de bonnes perspectives
en matière d’acceptabilité publique et pourraient
être efficaces, moyennant une conception soignée et
une compréhension des coûts relatifs dans des activités
et secteurs différents de l’économie. Quoi qu’il
en soit, dans la conception d’un programme, on doit mesurer
avec réalisme les répercussions et les coûts
(y compris les coûts des « resquilleurs ») des
mesures incitatives. Les incitatifs fiscaux et les subventions directes
doivent être conçus de façon à réduire
le plus possible le rôle du gouvernement dans le choix des
technologies efficaces sur le plan énergétique et
doivent donc reposer sur le rendement; ils doivent aussi réduire
les coûts de transaction de la participation.
Dans le passé, le Canada a eu recours à
des politiques pour promouvoir l’efficacité énergétique
au moyen de programmes d’information et de sensibilisation,
et par des subventions à la R-D. Les programmes volontaires
ont non seulement établi les fondements des politiques d’EF
en faisant connaître les possibilités de décarbonisation,
mais ils offrent en outre les éléments complémentaires
essentiels à une nouvelle initiative de politique d’EF
qui serait élaborée. En outre, il est possible que
l’EF soit liée au système classique des politiques
fondées sur le pouvoir hiérarchique. Même si
une politique d’écologisation de la fiscalité
peut être un déterminant de gains technologiques, l’existence
de normes favorisant l’élimination progressive des
équipements inefficaces peut permettre d’enraciner
solidement le changement.
Notes
1 La taxe sur le
CO2 est établie par tonne de CO2, au
lieu de carbone émis. On peut facilement la traduire en taxe
sur le carbone – une tonne de carbone correspond à
3,67 tonnes de CO2. La taxe sur les GES couvre les autres
GES et se mesure en tonnes de CO2e.
2 La projection
de l’utilisation de l’énergie dans le secteur
industriel est particulièrement complexe, en raison du grand
nombre d’utilisations finales et des interactions entre les
procédés producteurs et utilisateurs d’énergie.
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