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Étude de cas d'Al-Pac
PARTIE III - Obstacles et options d’ordre fiscal

Daniel Farr, Biota Research
Steve Kennett, Institut canadien du droit des ressources
Monique M. Ross, Institut canadien du droit des ressources
Brad Stelfox, Forem Technologies
Marian Weber, Alberta Research Council

Cette étude de cas a été commandée comme recherche de base pour La Conservation du capital naturel du Canada: Le programme de la forêt boréale. Les opinions exprimées dans l’étude de cas sont celles des auteurs et ne représentent pas nécessairement celles de la Table ronde nationale, de ses membres ou des membres du Groupe de travail du programme.

Le 16 juillet 2004

2. ARGUMENTS EN FAVEUR DES INSTRUMENTS ÉCONOMIQUES

Pour comprendre le rôle des instruments économiques dans la gestion du capital naturel, il faut comprendre le rôle des instruments économiques sur le marché. Les terres forestières produisent de nombreuses valeurs non marchandes, telles que la biodiversité, qui entrent en conflit avec les activités d’extraction des ressources. Toutefois, elles sont souvent gérées exclusivement en fonction des ressources d’extraction, plutôt que pour des avantages multiples. Dans un marché parfaitement concurrentiel, les produits dérivés des matières premières tels que les biens pétroliers, ligneux et agricoles, sont déterminés par la loi de l’offre et la demande. Les consommateurs achètent des produits tant que leur volonté de payer pour ces produits est plus grande que le prix. En même temps, les fournisseurs fabriquent des produits tant que le coût est inférieur au prix qu’ils reçoivent. Ainsi, en théorie, le marché de la concurrence répartira les biens tant que la volonté de payer est égale au coût de production. Par conséquent, les prix du marché reflètent à la fois le coût et le bénéfice de la production. Toutefois, les problèmes surgissent lorsque les coûts et avantages privés ne sont pas les mêmes que les coûts et avantages publics ou sociaux de la production. Par exemple, lorsque les entreprises extraient le bois, elles songent à la valeur du bois sur le marché, mais elles ne tiennent pas directement compte de la valeur de la perte d’habitat en déterminant la quantité de bois à produire (quoique les règlements forcent de plus en plus les entreprises à encourir des frais pour la protection de la biodiversité). De même, les consommateurs ne tiennent pas compte des incidences sur la société de leurs choix de consommation. Par exemple, les adeptes du plein air risquent d’imposer des coûts de gestion aux entreprises qui exercent leurs activités dans la forêt, et ces activités risquent aussi de se faire au détriment de certaines espèces.

Les différences entre les coûts et avantages privés et sociaux de la production, et les décisions des consommateurs sont qualifiées d’externalités. Lorsque ces externalités sont présentes, un mélange inefficace de biens et services est produit par l’économie de marché par rapport à ce qui est souhaitable du point de vue de la société. Plus précisément, le marché produit trop de biens qui portent atteinte à l’environnement, et ne produit pas assez de biens et services environnementaux. Les externalités sont souvent causées par des droits fonciers incomplets et par le manque d’attribution d’un prix à certaines ressources. Par exemple, lorsque l’eau est gratuite, il n’y a aucun « coût » lié à l’utilisation de l’eau, même si elle risque de devenir une ressource rare. De nombreux biens et services environnementaux qui proviennent de terres boisées ne font pas l’objet d’un prix approprié, ni même d’un prix déjà fixé. Les exemples comprennent les valeurs correspondantes au carbone et aux loisirs. Il y a de nombreuses raisons pour lesquelles certains biens et services sont dénués de prix. Premièrement, certains biens non marchands, tels que l’air et l’eau purs, étaient autrefois considérés comme un dû qui n’était pas remis en question à une époque où les terres publiques intactes abondaient, hypothèse qui ne tient plus aujourd’hui. En outre, nombre de biens et services non marchands, tels que la biodiversité, ne se prêtent pas à la tarification, surtout en raison des difficultés d’attribution des droits fonciers. Souvent, les droits fonciers évoluent lorsque les biens qui étaient auparavant considérés comme gratuits parce qu’ils étaient abondants deviennent plus rares. Toutefois, les droits fonciers risquent également de faire défaut en raison de problèmes de biens publics.

Les biens publics se distinguent par « l’absence de droit d’exclure », ce qui signifie que les personnes, même celles qui ne payent pas, ne peuvent pas être privées de la jouissance des avantages des biens publics une fois qu’ils sont fournis. Ceci a un effet de resquillage. Par exemple, les personnes qui ne payent pas directement pour la protection de la biodiversité jouissent néanmoins des avantages de la biodiversité. Le marché a tendance à sous-produire des biens et services environnementaux qui sont soumis à ce parasitisme, parce que la véritable volonté de payer pour un bien est plus grande que la valeur produite par le marché. En général, les gens n’ont pas les bons incitatifs pour manifester leur véritable volonté de payer pour des biens publics qui sont soumis au resquillage.

Les instruments de marché, tels que les permis échangeables, comportent la création de droits de propriété sur les biens publics. En vertu de ces systèmes, les droits d’utiliser (c. à-d. de polluer) des ressources qui appartiennent au secteur public, telles que l’eau ou l’air, sont plafonnés, puis négociés entre les utilisateurs des ressources. La création de droits de propriété sur un bien qui était auparavant « gratuit » établit un mécanisme de tarification qui, à son tour, rationne l’utilisation de la ressource. Ce mécanisme de tarification fait en sorte que les utilisateurs du bien public respectent les objectifs environnementaux et a pour effet de maximiser le bénéfice des ressources. Une autre solution consiste à ce que les gouvernements imposent les résultats néfastes tels que les émissions ou les activités néfastes. En théorie, des taxes bien appliquées augmenteront le coût privé d’activités et de résultats néfastes jusqu’à ce qu’ils soient égaux au coût social, ce qui entraînera une réduction du dommage environnemental.

On a déjà dit que si les droits de propriété sont bien définis, les dispositions contractuelles entre particuliers élimineront les externalités. Ce type de négociation se produit lorsque les entreprises conviennent de planifier ensemble des activités, de partager des coûts ou de payer des parties externes pour réduire les incidences, ce qui est manifeste dans le cas de la ZGF d’Al-Pac. Par exemple, les entreprises d’exploitation pétrolière et gazière qui mènent des activités sismiques dans la ZGF d’Al-Pac doivent payer les frais pour dommages causés au bois à Al-Pac afin de compenser le dommage causé à l’approvisionnement en fibre. Toutefois, Al-Pac ne réclame pas ces frais lorsque les sociétés énergétiques utilisent les techniques sismiques à faible impact dans leurs activités d’exploration. Comme le contrat est conclu au gré des parties, nous supposons que l’avantage pour Al-Pac de la réduction des perturbations de son approvisionnement en bois dépasse la perte du versement pour dommages causés au bois. En même temps, nous pouvons supposer que la valeur de la renonciation à l’évaluation des dommages causés au bois dépasse le coût de la conversion à la technologie sismique à faible impact. L’évaluation des dommages causés au bois découle du conflit entre les droits d’Al Pac sur des ressources ligneuses de surface et les droits du secteur énergétique sur les ressources souterraines. Al-Pac se voit accorder des droits de propriété sur le bois sur pied en vertu du paragraphe 2 de l’article 16 de la Forest Act, et c’est à ce titre de « propriétaire » du bois sur pied qu’un détenteur de ZGF a droit à une indemnité pour le dommage causé au bois. La définition claire des droits d’Al-Pac crée un climat où cette dernière et les sociétés énergétiques peuvent négocier les dommages causés au bois jusqu’à ce qu’ils aboutissent à une solution efficace.

En théorie, des droits intégraux de propriété aboutiraient à une répartition efficace de toutes les ressources et résolveraient le problème de choix social auquel se heurtent les décideurs pour déterminer combien de capital naturel fournir. Hélas, les solutions qui ont trait aux droits de propriété tendent néanmoins à être moins efficaces pour les problèmes environnementaux qui concernent les biens publics, parce que les droits sont difficiles à définir et à appliquer en raison de leur caractère non exclusif. Il est souvent possible de surmonter les problèmes de biens publics en créant, par la voie de règlements, des marchés artificiels pour des activités qui « consomment » de l’air ou de la « biodiversité ». Tel est le rôle des droits négociables, où l’organisme de réglementation plafonne le montant total des dommages environnementaux et permet aux entreprises de négocier des droits en fonction des dommages. Les systèmes de droits négociables fournissent également un mécanisme qui permet au public d’accroître la fourniture du bien environnemental au delà de ce plafond. Toutefois, même si le public peut participer à ce marché, les systèmes de permis négociables n’aboutiront pas au niveau « optimal » d’un bien environnemental en raison du problème de resquillage. Un des avantages essentiels des systèmes de permis négociables est qu’ils sont rentables dans le sens où ils maximisent la valeur de l’utilisation de la ressource et dotent les entreprises d’incitatifs qui leur permettent de respecter les objectifs de gestion au moindre coût.

Les instruments de marché sont parfois difficiles à mettre en œuvre en raison des frais élevés de transaction. Les firmes encourent les frais de recherche pour trouver les parties avec lesquelles conclure un contrat, et ces dernières ne sont pas toujours certaines de la véritable valeur des biens qui font l’objet de la négociation. Si les décisions comportent des risques importants, ou si les résultats sont incertains, les dispositions contractuelles sont moins susceptibles de se conclure. De même, il est parfois difficile pour les entreprises de conclure un contrat avec tous les bénéficiaires possibles d’une intervention. Par exemple, si les avantages de la protection de l’habitat d’espèces en péril sont répartis entre un grand nombre de personnes, et si les frais de protection sont élevés, il est peu probable que les entreprises conclueront un contrat avec chaque bénéficiaire.

Les instruments fiscaux tels que les taxes (subventions) et les frais se répercutent indirectement sur la prestation de biens et services environnementaux en portant atteinte à la rentabilité liée aux activités qui causent des dommages. Ces instruments sont indirects dans le sens où il n’y a pas de seuil fixé. Les résultats environnementaux dépendent de la capacité de réaction des entreprises à cet incitatif. Cette capacité de réaction dépend à son tour d’autres facteurs tels que le prix du produit, qui influe sur la rentabilité des activités de l’entreprise. Certains instruments fiscaux produisent des revenus qui peuvent également être directement affectés à la prestation de biens ou services précis. Par exemple, le gouvernement peut recourir aux redevances et aux frais d’utilisation pour fournir des biens environnementaux et pour assurer la surveillance et l’application de la réglementation. Par contre, le droit de prélever des redevances peut être accordé à des tierces parties qui se chargent de la gestion de l’environnement. La volonté de payer pour la conservation est souvent liée à la question de savoir si les frais sont perçus pour être affectés à une fin particulière ou comme moyens supplémentaires de prélever des impôts.

En résumé, le rôle des instruments économiques dans la conservation du capital naturel dans la ZGF d’Al-Pac peut s’expliquer en termes d’un manquement du marché qui résulte d’incitatifs faussés, inhérents aux institutions économiques, et qui se répercute sur le comportement dans le paysage. Les instruments économiques peuvent servir à la fois à générer des revenus pour entretenir le capital naturel et pour modifier le comportement. En intégrant les coûts réels de la détérioration de l’environnement et les avantages des améliorations apportées directement à l‘environnement dans la structure des incitatifs envers les producteurs et les consommateurs, l’affectation des ressources s’orientera vers des activités écologiques et présentant à la fois un attrait économique. En outre, les instruments économiques sont généralement rentables dans une perspective réglementaire hiérarchisée et stricte, parce qu’ils donnent aux entreprises la souplesse voulue pour atteindre les objectifs environnementaux de façons qui minimisent les coûts.