On
ne peut se cacher derrière un écran solaire
Paul Martin a raison, le PIB ne reflète
pas fidèlement la réalité, selon l’économiste
David McGuinty.
Nous faisons fi de l’environnement
The
Globe and Mail
Le 25 mai 2001
Par
David J. McGuinty
Président-Directeur général
Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie
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Ce
matin à Toronto, le ministre des Finances, Paul Martin, entretiendra
500 dirigeants provenant d’entreprises, d’ autorités
municipales et du milieu des ONG, sur la nécessité
d’élaborer de nouveaux indicateurs pour l’environnement
et l’économie.
Le
Canada doit faire face au fait que les moyens actuels de mesurer
le progrès sont inadéquats, a déclaré
M. Martin. Les indicateurs de durabilité pourraient
bien avoir, sur les politiques publiques, un effet plus grand
que n’importe quelle autre mesure que nous pourrions
instaurer, a-t-il annoncé dans son Discours du budget
de 2000.
La
Table ronde nationale sur l’environnement et l’économie,
qui tente de trouver des solutions qui tiennent autant compte
de l’environnement que de l’économie, s’est
vu confier la tâche d’élaborer ces indicateurs.
Ces travaux seront menés en étroite collaboration
avec Statistique Canada.
Si
l’on prend un peu de recul, qu’est-ce qui ne va
pas dans les indicateurs économiques que nous utilisons
actuellement, tels que le produit intérieur brut? Pourquoi
consacrer du temps et de l’argent à des mesures
de durabilité?
Eh
bien, réfléchissons-y un instant. Est-il sensé
de fabriquer un climatiseur qui utilise un gaz appauvrissant
la couche d’ozone? Pourtant, cela fait grossir notre
PIB, tant par la fabrication du dispositif de refroidissement
que d’écrans solaires pour nous protéger
de la radiation solaire accrue, mais à quel prix à
long terme?
Alors,
plusieurs années après que le Protocole de Montréal
ait éliminé progressivement les CFC, nous subissons
encore les conséquences des gaz appauvrissant la couche
d’ozone.
Le
PIB n’était pas censé nous indiquer si
les fondements environnementaux de l’activité
économique – le « capital naturel »
- sont exploités de manière durable. Le PIB
ne nous signale pas que nous détruisons les écoservices,
tels que la couche d’ozone, qui protège les gens
des radiations excessives d’ultraviolets, qui causent
le cancer de la peau. Le PIB fait fi des services fournis
par la nature, et ne reconnaît pas que certaines activités
économiques portent atteinte à ces services.
Trop
de gens, qui ont des attentes trop grandes, vivent sur une
planète trop petite pour que cette approche demeure
beaucoup plus longtemps durable, et nous avons besoin d’unités
de mesure économiques qui reflètent la réalité.
Nous
manquons d’information. Pour combler cette lacune, nous
sommes en train d’élaborer une série d’indicateurs
nationaux qui :
- nous
aideront à déterminer si l’activité
économique actuelle est durable;
-
tenteront, surtout, de repérer les tendances (plutôt
que de simplement illustrer le statu quo);
-
seront utiles aux décideurs, parce que ces indicateurs
sont peu nombreux, clairs, concis et solides sur le plan
analytique;
-
sont accessibles et faciles à comprendre;
-
peuvent être utilisés à court terme.
Il
est certes plus facile de décrire ces vertus que de
les mettre en pratique. Par exemple, même s’il
est facile de décrire le capital naturel, il est difficile
de le mesurer de manière significative.
Le
capital naturel comprend les ressources naturelles, la terre
et les écosystèmes. Tous ces éléments
sont indispensables si l’on veut préserver les
options économiques pour les générations
futures. Les ressources naturelles fournissent les matières
premières nécessaires à la production
de biens et de nombreux services. La terre fournit l’espace
nécessaire au déploiement de l’activité
économique. Les écosystèmes fournissent
les services, dont l’assainissement de l’eau et
de l’air viciés, des sols fertiles, la biodiversité
et un climat relativement stable.
Des
indicateurs de durabilité significatifs contribueront
à lancer les signaux d’alarme voulus si les activités
humaines perturbent le fonctionnement des écosystèmes.
Ou bien, s’ils détériorent ou appauvrissent
les réserves de ressources naturelles au point d’affecter
l’activité économique. Ou encore, s’ils
changent les modes d’occupation des sols au point de
réduire les options économiques futures à
néant.
Il
est peut-être très difficile de fournir ces indicateurs
à l’échelle nationale. Par exemple, il
est difficile d’observer les processus des écosystèmes
et d’évaluer ces écoservices (tels que
la qualité de l’eau, la productivité des
sols et la qualité de l’air) en dollars. Les
mesures physiques sont peut-être la seule manière
d’exprimer certains indicateurs.
Les
travaux que nous avons menés jusqu’à présent,
laissent entendre qu’il sera impossible d’attribuer
une valeur monétaire à tous les indicateurs.
Nous comptons élaborer un mélange d’indicateurs
monétaires et physiques. Il semble tout aussi clair
que la meilleure solution consiste à reconnaître
que les services fournis par les écosystèmes
sont irremplaçables.
Pourquoi
passons-nous trois ans à formuler ces nouveaux indicateurs
importants? Parce qu’un écran solaire ne peut
se substituer à une couche d’ozone.
David
J. McGuinty est Président-Directeur général
de la Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie.
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