Coûteaus
et difficile
« Nous devrons consacrer beaucoup de temps et d’argent
à l’assainissement de nos eaux. »
The
Telegram
St. John’s (Terre-Neuve)
22 août 2001
Par
David J. McGuinty
Président-Directeur général
Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie |
Une
fois de plus, les résidents de St. John’s ont été
invités à faire bouillir leur eau cet été.
Un
geste qui est bien souvent le signal de la préparation
d’un bon repas, pourrait bien devenir une étape
essentielle à la purification de l’eau du robinet
destinée à la consommation. Hélas, l’avis
de faire bouillir l’eau n’a rien de neuf pour
les dizaines de milliers de personnes qui ont dû s’y
plier dans la capitale de la province.
Les
résidents de la deuxième ville de la province,
Corner Brook, et ceux de plus de 200 autres municipalités
de Terre-Neuve, ont aussi été invités
à faire bouillir leur eau. Les chiffres ont plus que
doublé en un an. Dans certains cas, l’eau bout
depuis le milieu des années 80! Près de 90 municipalités
de la province n’ont même pas de système
de désinfection de l’eau.
Pendant
que la salubrité des eaux potables municipales hante
un grand nombre de résidents de Terre-Neuve, les canalisations
d’eau s’effritent et laissent échapper
leur précieux flot dans l’ensemble du Canada;
il est évident que le pays est aux prises avec un grave
problème de réseaux d’aqueduc et d’égout.
Comme
en témoignent les manchettes de Walkerton et de North
Battleford, la situation de Terre-Neuve n’est ni unique
ni pire que les autres.
Walkerton,
où sept résidents sont décédés
l’an dernier et des milliers d’autres ont été
incommodés, n’est que la pointe de l’iceberg
d’un problème national de mauvais traitement
de l’eau. À North Battleford, des centaines de
personnes ont été malades après avoir
bu de l’eau contaminée au cryptosporidium. Cette
ville n’avait pas le système de filtration nécessaire
à l’élimination de ce microbe résistant
au chlore.
Et
bien que leur source d’approvisionnement d’eau
rende presque impossible la présence de cryptosporidium,
ni Vancouver ni Winnipeg, deux villes importantes qui ont
recours à des systèmes de traitement d’eau
primitifs, ne pourraient protéger leurs citoyens contre
ce type de contamination.
Notre
nation a négligé l’état de l’équipement
qui traite son eau et les canalisations qui la transportent.
Depuis trente ans, les Canadiens ont très peu investi
dans les nouvelles installations, la technologie ou la gestion
du traitement des eaux. Dans certains endroits, on utilise
encore des systèmes antérieurs à la Confédération.
C’est
pourquoi les Canadiens font maintenant face à une crise
dans le secteur du traitement des eaux et des égouts.
D’un
océan à l’autre, les municipalités
imposent de temps en temps à leurs citoyens la nécessité
de faire bouillir leur eau. À Charlottetown, dans des
douzaines de villes de la Colombie-Britannique et dans plus
de 200 municipalités du Québec l’an dernier,
on a relevé dans l’eau, cette ressource essentielle,
des traces de souillure ou de toxicité.
Ailleurs,
on n’a pas encore mis les marmites à bouillir,
mais les usines et les canalisations qui transportent l’eau
saine et traitent les eaux d’égout se détériorent,
au nez des conseils municipaux qui s’inquiètent
et se demandent où ils vont bien trouver les fonds
nécessaires à l’amélioration des
réseaux.
C’est
un grave problème. La Table ronde nationale sur l'environnement
et l'économie estime que les coûts de réparation
et d’expansion essentielles de la décennie pourraient
atteindre 38 à 49 milliards de dollars. Dans bien des
cas, les municipalités s’acharnent plutôt
à réduire les ressources, et l’ombre de
ces coûts les paralysent.
Le
tableau financier de la situation a été établi
il y a cinq ans par la Table ronde, qui avait même alors
fait état de la forte détérioration des
infrastructures découlant de la pénurie de fonds
injectés depuis les années 70.
Le
rapport de la Table ronde confirmait que le prix de la consommation
de l’eau au Canada était le moins élevé
de la planète. La plupart des municipalités
canadiennes subventionnaient 50 pour 100 des services de consommation
d’eau et d’élimination des eaux usées.
Près des deux tiers des foyers canadiens n’avaient
pas de compteur d’eau et étaient tout simplement
facturés à un taux fixe, sans égard à
la consommation.
Le
rapport prédisait une détresse des ressources
en eau du pays si l’on n’adoptait pas rapidement
de nouvelles dispositions financières. Cinq années
se sont écoulées. Nous constatons aujourd’hui
les résultats de l’inaction par le biais des
incidents de contamination et les cris des dirigeants provinciaux
et municipaux, qui réclament l’aide du fédéral.
Or, la solution pourrait bien résider dans la cour
de chacun.
Il
est temps de reconnaître que l’eau saine est un
bien beaucoup plus précieux qu’on l’avait
cru et qu’il faut l’évaluer comme tel.
C’est
un changement d’attitude dont nous pourrions bénéficier
sur deux plans. D’abord, l’établissement
du prix de l’eau à partir du coût complet
produira des recettes qui aideront à maintenir l’infrastructure.
Ensuite, il découragera l’utilisation à
outrance de la précieuse ressource par les individus
et les entreprises. Les Canadiens boivent environ 200 millions
de litres d’eau par jour et utilisent en plus 19 milliards
de litres à d’autres fins. Nous sommes le deuxième
utilisateur d’eau par habitant, au monde.
L’établissement du prix à partir du coût
complet signifie que l’eau nous coûtera plus cher.
C’est un coût que nous avons toujours refusé
de voir. Nous avons réalisé des économies
sur le prix de l’eau et des eaux usées, mais
nous avons accepté la détérioration d’un
service municipal essentiel et de la santé.
Il
faut relever le défi de la compétence et du
coût. Nous devons reconnaître que les demandes
de capitaux qui devront être consacrés au rajeunissement
de l’infrastructure sont tellement élevées,
que bon nombre de municipalités devront faire appel
au secteur privé.
Les
règlements gouvernementaux et la participation du secteur
privé pourraient contribuer à relever le défi
et nous assurer une eau saine et propre.
«
Il est temps de reconnaître que l’eau propre est
un bien beaucoup plus précieux que nous l’avions
cru, et qu’il faut l’évaluer comme tel.
»
David
J. McGuinty est Président-Directeur général
de la Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie.
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