Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie
Canada
English
Contactez-nous
Aide
Recherche
Site du Canada
À notre sujet
Salle des médias
Bibliothèque
Carte du site
Accueil
Atteindre un équilibre
" " Salle des médias
Contacts
Communiqués
Articles
Membres de la TRNEE
   
" " Énergie et de
changement
climatique
" " Marchés financiers
" " Écologisation de la fiscalité et énergie
" " Écologisation du budget fédéral
Subscribe to NRTEE e-briefs
-

© 2006

-
""
" "

Découvert à la banque de la nature
Les sommets de la terre ne permettront pas d’atteindre le développement durable. Nous devons entreprendre une véritable comptabilisation de l’utilisation du capital naturel, affirme David McGuinty.

The Globe and Mail
Le 4 septembre 2002

Par David J. McGuinty
Président-Directeur général
Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie

Le Premier ministre a droit à des félicitations pour les deux annonces faites au Sommet mondial sur le développement durable de Johannesburg. La promesse de soumettre l’accord de Kyoto à un votre de ratification du Parlement canadien et la création de quinze nouveaux parcs nationaux, contribueront certainement à conforter le patrimoine environnemental de M. Chrétien.

Aussi importantes que soient ces décisions, leur importance réside moins dans les initiatives elles-mêmes que dans ce qu’elles représentent – rien de moins que le début d’une nouvelle ère dans laquelle nous valoriserons la nature et l’appellerons par son nom économique véritable : le capital naturel.

Nous avons besoin d’une nouvelle science économique qui reconnaisse la valeur du capital naturel, souvent en lui attribuant une valeur monétaire. La nouvelle science économique repose sur la reconnaissance du fait que le capital naturel mondial nous assure des produits et des services, et possède une valeur nette.

Les services assurés par le capital naturel rendent la vie possible sur le plan biologique. Ils comprennent la purification de l’air et de l’eau, la productivité des sols, la faune, la régulation climatique, la lutte contre les inondations et la pollinisation des cultures. Pourtant, nous les tenons pour acquis au plan économique et ne leur attribuons pas de valeur monétaire.

Les « produits » du capital naturel enrichissent notre économie. Ils vont bien au-delà des ressources naturelles comme les minerais et le pétrole. Depuis des millénaires, nous avons rempli nos pharmacies de remèdes tirés de la nature : la pénicilline provient d’une moisissure; la codéine provient d’une espèce de pavot. La nature inspire également nos innovations technologiques : les ingénieurs ont produit une substance plus résistante que l’acier en examinant les toiles des araignées. Le chardon est à l’origine du Velcro.

Une grande partie de notre activité économique est financée par la Banque de la nature ADN, laquelle recueille le capital accumulé de 500 millions d’années d’évolution. Pourtant, nous ne tenons pas compte de la valeur de la nature dans nos décisions. Comme le dit le vieil adage commercial, vous ne pouvez gérer ce que vous ne mesurez pas.

Pour réaliser de véritables progrès, nous devons apprendre à compter. Nous n’avons pas appris à comptabiliser le coût du pavage des ruisseaux, de l’utilisation des carburants fossiles ou de l’aspiration des fonds océaniques. De la même façon, nous n’avons pas appris à comptabiliser la valeur des possibilités qui nous sont offertes par notre patrimoine naturel.

L’attribution d’une valeur monétaire à une partie du capital naturel, est un préalable à la mesure précise de l’activité économique. C’est également un préalable à une prise de décision éclairée, tenant compte des limites mesurées de la capacité portante de la Terre.

Nous risquons fortement d’épuiser notre capital naturel sans même nous en apercevoir. Nous ne tenons pas compte du coût et des bénéfices véritables et entiers de nos décisions économiques, soit parce qu’aucune valeur monétaire n’a encore été attribuée à ces coûts et bénéfices, soit parce qu’ils sont assumés par des parties extérieures à la transaction. Ces coûts, acquittés par d’autres, mènent à la prise de décisions inefficaces et inappropriées – des déficiences du marché.

Un exemple de déficience du marché, découlant du fait que certains coûts sont acquittés par d’autres, est l’utilisation du charbon dans la production de l’électricité. Il s’agit d’une activité économique qui contamine l’air – un élément du capital naturel – par des polluants qui nuisent à la santé humaine. L’Association médicale de l’Ontario estime que les coûts pour le système de santé provincial associés à ces polluants sont de l’ordre de 500 millions de dollars par année. Les journées de travail perdues par les travailleurs malades ajoutent encore 500 millions de dollars à la facture des employeurs de la province.

Par contre, l’incidence sur la valeur de l’air en tant que tel n’est pas évaluée en termes monétaires. L’entreprise de production d’électricité ne paie pas pour la pollution de l’air et les coûts qui en découlent sont acquittés par d’autres. En conséquence, tout en agissant de façon absolument rationnelle dans un système économique imparfait, le pollueur achète le combustible « le moins cher », sans tenir compte des effets sur la santé qui influent sur le budget d’autres intervenants.

Nous devons apprendre à tenir compte des coûts et des bénéfices du capital naturel, pour en arriver à modifier ces décisions économiques rationnelles au plan personnel (mais irrationnelles au plan social), et rendre notre comportement économique plus durable.

Comment pouvons-nous aller de l’avant?

Nous devons d’abord reconnaître la valeur de notre capital naturel et, le cas échéant, lui attribuer une valeur monétaire. Si le Protocole de Kyoto est ratifié par un nombre suffisant de pays pour assurer son entrée en vigueur, son effet le plus important pourrait bien être la monétarisation du carbone sur le marché international des échanges d’émissions. Lorsque les forces du marché auront attribué une valeur monétaire à la réduction des émissions de carbone, notre système économique sera en mesure de résoudre un problème environnemental dans le cours normal des affaires.

La monétarisation et le commerce des crédits de réduction des émissions de carbone, nous offrent également une occasion d’amélioration de l’efficacité économique. Les émetteurs qui sont en mesure de réduire leurs émissions à un coût moindre, trouveront rentable de réduire davantage et de vendre leur surplus de réduction à ceux dont les coûts de réduction des émissions sont plus élevés, donnant ainsi à la société, la possibilité de réaliser les objectifs globaux de réduction à un coût moindre. En fait, le coût de mise en œuvre du Protocole de Kyoto au Canada pourrait diminuer de plus de 50 pour 100 avec la mise en œuvre d’un programme d’échange de droits d’émissions, selon les conclusions d’une étude menée pour la Table ronde nationale sur l’environnement et l’économie.

Nous devons ensuite élaborer des façons de mesurer le capital naturel et de suivre son évolution, de façon à pouvoir ensuite refléter de manière honnête et intelligente, la santé et la richesse véritables de notre pays. Pour cette raison, la TRNEE a entrepris de mettre au point un ensemble d’indicateurs et de comptes nationaux du capital naturel.

La ratification du Protocole de Kyoto par le Parlement entraînera un débat national sérieux sur les coûts et les avantages véritables de faire face – ou non – au changement climatique.

Le débat qui s’ouvrira bientôt sur le Protocole de Kyoto arrive à point, entre autres, parce qu’il nous permettra de voir si le Canada est prêt à adopter de nouveaux principes économiques accordant une valeur au capital naturel et assurant l’intégration de l’environnement et de l’économie.

David J. McGuinty est Président-Directeur général de la Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie.