« L’application du protocole
sur les émissions ayant, plus que jamais, placé le
Canada à l’avant-scène dans le monde de l’environnement,
le pays devrait mobiliser d’autres intervenants. »
Gene Nyberg
L’entrée en vigueur du Protocole
de Kyoto sur les émissions de gaz à effet de serre
place le Canada, plus que jamais, à l’avant-scène
dans le monde de l’environnement. Depuis le 16 février,
le Protocole est un accord international qui lie le Canada : cet
automne, Montréal accueillera 10 000 scientifiques, politiciens
et diplomates dans le cadre d’une conférence des Nations
Unies sur le changement climatique.
Le monde entier ayant les yeux tournés
vers le Canada, le moment est bien choisi pour nous de prendre des
décisions clés concernant notre avenir énergétique.
Devant des représentants de 181 pays regroupés à
Montréal, le contexte indique, à lui seul, que nous
devrons donner l’exemple.
Il y a toutefois plus important que le contexte.
Le Canada s’est engagé à Kyoto à réduire
ses émissions de 6 % (par rapport aux niveaux de 1990) entre
2008 et 2012. Une des raisons pour lesquelles on organise la réunion
de Montréal, qui doit avoir lieu en novembre, c’est
qu’il est déjà clair que nous devrons tous aller
plus loin que nos engagements de Kyoto pour que le monde s’attaque
mieux au problème posé par le changement climatique.
Même si le Canada jouit d’une abondance
de ressources, notre avenir énergétique est loin d’être
garanti. Les fluctuations récentes des prix de l’essence
offrent en réalité un avant-goût des incertitudes
qui nous attendent si nous n’entreprenons pas une réflexion
sérieuse et à long terme au sujet de l’énergie
– pour nous préparer à des restrictions de l’offre
et à un monde où les émissions de carbone sont
limitées.
D’autres pays, y compris les États-Unis,
investissent déjà énormément dans l’énergie
durable et élaborent les politiques nécessaires pour
affranchir l’économie des carburants et combustibles
fossiles. Même s’ils ne sont pas signataires de l’Accord
de Kyoto, les États-Unis investissent 1,7 milliard de dollars
dans des programmes d’énergie à base d’hydrogène.
Le Canada n’est pas sur le point de manquer
de pétrole, mais l’époque heureuse de l’énergie
bon marché ne semble pas sur le point de retourner. Des pays
comme la Chine et l’Inde consomment maintenant de plus en
plus de pétrole. La Chine, qui a dépassé le
Japon sur le plan de la demande de pétrole, est de plus en
plus énergivore.
Les sables bitumineux du nord de l’Alberta
renferment, il est vrai, d’énormes réserves
d’hydrocarbures – environ 175 milliards de barils, selon
l’Alberta Energy and Utilities Board. Il faut toutefois extraire
les sables bitumineux, mélange de pétrole lourd et
de sable, en dégager le bitume puis le transformer en un
produit qui ressemble un tant soit peu au pétrole brut classique.
Le coût est énorme et le prix à payer sur le
plan environnemental est tout aussi important. Sans compter les
obstacles technologiques.
Il serait possible de surmonter ces obstacles,
mais cela ne nous donnera qu’un court répit. Le Canada
devra quand même réfléchir plus sérieusement
à l’après Kyoto – un monde où,
selon la plupart des scientifiques, la consommation de carbone sera
limitée si l’on veut éviter les conséquences
du changement climatique, qui pourraient être catastrophiques.
Le gouvernement fédéral cherche
à mettre en place un cadre de programmes et de politiques
susceptibles de faciliter le respect par le Canada de son engagement
de Kyoto. Ottawa a aussi reconnu qu’il faudra aller au-delà
du calendrier de Kyoto. À cette fin, le Premier ministre
a demandé à la Table ronde nationale sur l’environnement
et l’économie (TRNEE) de formuler des conseils sur
deux enjeux importants pour le Canada.
Il y a d’abord le système international
du changement climatique et la meilleure façon pour le Canada
de protéger ses intérêts dans le cadre de l’évolution
future de ce régime. La TRNEE analysera les façons
de mobiliser des pays clés (comme les États-Unis,
l’Inde, la Chine et d’autres grandes économies
émergentes) dans le processus du changement climatique ;
il formulera des conseils à cet égard et sur la façon
de garantir qu’on tiendra compte de nos intérêts
dans les mécanismes de flexibilité intégrés
à l’Accord de Kyoto qui permettent d’établir
un régime international d’échange de crédits
d’émission de carbone. Sur un plan plus général,
la Table ronde cherchera des moyens de mieux intégrer le
changement climatique à nos politiques sur les relations
avec l’étranger, le commerce et l’aide extérieure.
La TRNEE se penchera ensuite sur ce que devrait
être l’objectif final et donc, à long terme,
de l’intervention du Canada et du monde face au changement
climatique, et sur ce que cela signifiera pour les ressources d’énergie.
À quoi ressemblera l’avenir énergétique
du Canada en 2050 et par la suite ? Comment assurer que les choix
que nous faisons aujourd’hui dans le domaine de l’énergie
étayent nos objectifs à long terme dans le domaine
du changement climatique tout en continuant de soutenir le rôle
crucial que l’énergie joue dans notre économie
? Qu’est ce que d’autres pays font qui devrait nous
servir d’exemple ? Nous sommes actuellement le plus gros consommateur
d’énergie au monde par habitant – que pouvons-nous
faire pour que le Canada de nos enfants et de nos petits-enfants
devienne le leader du rendement énergétique et de
la conservation de l’énergie ?
D’aucuns diront que ces questions sont
tirées par les cheveux. Mais rappelons-nous que cela semblait
aussi être le cas du réchauffement de la planète
il y a peu de temps encore. Préparons-nous donc à
l’avenir et montrons au monde de quel bois les Canadiens se
chauffent…
Gene Nyberg est Président
et premier dirigeant par intérim de la Table ronde
nationale sur l’environnement et l’économie.
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