"
Un environnement capable de stimuler et d'étayer l'innovation
" :
Mémoire
sur la Stratégie d'innovation
Par
David J. McGuinty
Président-Directeur général
Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie
(version PDF) |
I.
LE CONTEXTE
En
février 2002, le gouvernement fédéral
a publié deux documents d'orientation, Atteindre l'excellence
et Le savoir, clé de notre avenir, qui décrivent
la Stratégie d'innovation du Canada.
Le
gouvernement fédéral consulte actuellement les
secteurs, institutions et régions clés de l'économie
canadienne afin d'intégrer leurs observations à
la Stratégie d'innovation. Le processus de consultation
débouche sur une conférence qui se tiendra en
novembre 2002, à la suite de laquelle le gouvernement
fédéral lancera son Plan d'action pour l'innovation.
Le
présent document souligne particulièrement que
pour atteindre ses objectifs économiques, la Stratégie
d'innovation doit avant tout y incorporer des objectifs environnementaux.
Ce document offre aux ministères de l'Industrie et
du Développement des ressources humaines des recommandations
précises visant à aider le gouvernement à
intégrer des considérations environnementales
à la Stratégie d'innovation.
II. POURQUOI L'ENVIRONNEMENT DOIT-IL S'INSCRIRE DANS LA
STRATÉGIE D'INNOVATION
L'intégration
de considérations environnementales dans la Stratégie
d'innovation est essentielle pour garantir d'avantages économiques
à long terme. Les travaux de Michael Porter démontrent
clairement ce point, notamment dans un article publié
en 1995 1 où il
indique que des exigences environnementales strictes mais
bien conçues mènent à un accroissement
de la productivité des ressources et stimulent l'innovation.
Cette conclusion est fondée sur les cinq raisons suivantes
:
-
L'intégration de considérations environnementales
dans la Stratégie générera une réduction
des coûts par l'efficience de l'utilisation des ressources
et de l'énergie. La pollution est toujours quelque
chose qu'on a payé, puis gaspillé. Mettre
un frein à la pollution, c'est éviter des
coûts. En outre, la réduction de notre dépendance
envers l'énergie offrira un avantage concurrentiel
à notre industrie et à notre société
au cours de la transition prévisible vers un monde
qui restreint les combustibles fossiles.
-
Les dommages pour la santé, les biens et l'environnement
liés à la pollution coûtent très
cher à la société, au gouvernement
et à l'industrie.
- Les
écosystèmes sains sont d'importants producteurs
de richesse. La présence de l'air pur, de l'eau propre,
de forêts, d'une faune et d'une flore saines est évidemment
le moteur des industries des ressources et du tourisme,
mais elle sert également à attirer des personnes
et des sociétés qui sont à la base
des entreprises modernes et autonomes d'aujourd'hui. Qui
plus est, à l'aube d'un siècle où les
sciences de la vie et la biotechnologie auront sur l'industrie
le même effet d'entraînement que la technologie
informatique depuis quelques décennies, on peut considérer
la protection de la biodiversité comme un solide
investissement économique. 2
-
L'invention ou l'adaptation de nouveaux équipements,
procédés ou produits écologiques crée
des possibilités d'exportation, tant des équipements
(ou des procédés) que des produits eux-mêmes.
Les produits créés avec plus d'efficacité
et moins de pertes sont souvent fabriqués avec une
précision accrue; ils sont donc plus fiables et généralement
moins coûteux sur l'ensemble de leur cycle de vie.
Nous avons un besoin urgent de technologies capables de
nous aider à relever les nombreux défis environnementaux
auxquels notre pays fait face :
- la
pollution atmosphérique;
- la
pollution de l'eau;
- les
changements climatiques;
- la
dépendance à l'énergie à
base de carbone;
- la
durabilité des services offerts par les écosystèmes
naturels;
- la
réduction des dangers pour la santé transmis
par l'environnement.
Actuellement,
l'industrie canadienne de la technologie et de l'expertise
environnementales génère 23 milliards de
dollars par année; ce marché est nécessairement
appelé à grandir d'ici dix ans.
-
À
l'inverse, il faut améliorer une performance environnementale
médiocre ou même douteuse afin d'éviter
à notre pays de lourdes pertes dans sa part des
marchés, particulièrement dans le secteur
primaire.
III.
COMMENT INTÉGRER L'ENVIRONNEMENT DANS LA STRATÉGIE
D'INNOVATION
- La
Stratégie d'innovation doit investir dans la commercialisation
de produits, de services et de technologies de l'environnement.
L'atteinte de cet objectif passe par l'injection de nouvelles
sommes d'argent dans la technologie environnementale, au
moyen de mécanismes tels que le Partenariat technologique
Canada (PTC), la Fondation canadienne pour l'innovation,
le programme PARI du Conseil national de recherches du Canada,
le Fonds d'appui technologique au développement durable,
le financement de l'infrastructure nationale et de nouveaux
programmes de promotion des technologies visant à
freiner des changements climatiques.
- La
Stratégie d'innovation doit contribuer au développement
des ressources humaines nécessaires aux entreprises
pour intégrer la planification environnementale dans
la prise de décisions économiques. Elle pourra
favoriser ce développement par des subventions et
par la création de chaires à des universités
qui mettent l'accent sur les questions environnementales
dans leurs programmes de génie et de sciences de
l'administration.
- Afin
de favoriser l'adoption généralisée
de " pratiques exemplaires " dans divers secteurs
industriels, la Stratégie d'innovation doit prévoir
des subventions de démarrage visant à mettre
sur pied des associations de cadres responsables de l'environnement.
De telles associations devraient se former dans chaque secteur
pertinent, sous le parapluie d'une association nationale.
- Afin
d'aider le Canada à occuper une position de premier
plan dans notre siècle de l'industrie biologique,
la Stratégie d'innovation doit établir et
financer la Commission biologique du Canada (CBC), qui jouera
un rôle analogue à celui de la Commission géologique.
La CBC pourrait entreprendre l'étude, la classification
et la préservation de l'ADN résultant de millions
d'années d'évolution qui est unique à
chaque espèce.
-
Afin de favoriser une approche mieux intégrée
de la prise de décisions et d'aider la population
à vivre le progrès et le changement, la Stratégie
d'innovation doit établir des groupes de travail
multilatéraux chargés d'examiner les mesures
controversées. Au moyen d'un modèle typiquement
canadien déjà éprouvé, on a
rassemblé des personnes aux points de vue divergents
pour les mener à un règlement; ce rassemblement,
c'est la Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie
(TRNEE). Le processus " L'État du débat
" de la TRNEE ne débouche pas sur un "
plus petit dénominateur commun ", pas plus qu'il
n'essaie de dissimuler de profonds différends sous
des expressions forgées de toutes pièces.
- La
Stratégie d'innovation peut stimuler l'innovation
dans l'économie en favorisant le développement
de l'écologisation de la fiscalité (EF). L'EF
restreint la réglementation et les subventions dommageables
pour l'environnement, tel l'investissement de fonds publics
dans des sources d'énergie non renouvelables, et
relie la fiscalité à la performance environnementale,
p. ex. par une taxe sur les polluants. Cette mesure générera
de nouvelles recettes qui pourront servir à compenser
les coûts environnementaux ou à instaurer des
réductions d'impôt personnelles ou d'entreprise.
Les objections concernent le refus d'utiliser le régime
fiscal uniquement pour percevoir l'impôt et la réticence
à mettre en uvre une taxe qui, théoriquement,
produirait de moins en moins de recettes avec le temps.
Aucune de ces objections ne résiste à un examen
logique.
- La
Stratégie d'innovation doit offrir des récompenses
et une marque de reconnaissance aux entreprises qui présentent
volontairement un rapport détaillé des pratiques
environnementales et du développement durable dans
l'entreprise, qu'il s'agisse d'efficacité énergétique,
des trois niveaux de rentabilité ou d'autres concepts
du même genre. Cette approche a bien fonctionné
pour la conservation de l'énergie; le Programme d'économie
d'énergie dans l'industrie canadienne (PEEIC) a suscité
des progrès considérables.
- Dans
le cadre de la Stratégie d'innovation, les gouvernements
fédéral et provinciaux devraient collaborer
à présenter à l'industrie un ensemble
coordonné d'exigences et de normes réglementaires,
toutes en même temps. Si on demande à une entreprise
de respecter une norme à la fois, elle trouve souvent
plus rentable d'adopter chaque fois une solution par adjonction,
ce qui est à long terme une source d'inefficacité
économique. Si on présente toutes les exigences
simultanément plutôt qu'une après l'autre,
l'entreprise constate souvent que la meilleure solution
et la moins coûteuse à long terme serait de
transformer à la base son processus industriel, ce
qui apporte généralement des avantages secondaires
considérables.
- La
Stratégie d'innovation devrait aider les villes à
entretenir une infrastructure locale durable et saine afin
de rendre l'environnement naturel attrayant pour les entreprises
et les travailleurs spécialisés. Cette aide
peut se concrétiser par des mesures de soutien pour
l'infrastructure urbaine écologique, le transport
en commun, la réhabilitation des sites contaminés,
la réduction du smog, etc.
- Pour
assurer l'appui du public aux types de mesures recommandés,
les programmes d'information du public doivent s'inscrire
dans la Stratégie d'innovation, en se fondant sur
des indicateurs de développement durable et de l'environnement
(IDDE), un nouveau système de comptes nationaux qui
présente les éléments d'actif et de
passif environnementaux, et sur le nouveau Système
canadien d'information sur l'environnement (SCIE). Toutes
ces recommandations seront exposées en détail
dans le rapport de la TRNEE à paraître sous
peu.
IV.
CONCLUSION
Le
monde fait face à un nombre croissant de restrictions
et de défis environnementaux. Il est clairement démontré
que les pays dont les secteurs public et privé produisent
des produits et services qui répondent le plus efficacement
aux défis environnementaux sont gagnants sur le plan
concurrentiel.
Notes
pour une allocution de
l'honorable Allan Rock, Ministre de l'Industrie
Session inaugurale du Sommet national
sur l'innovation et l'apprentissage
Toronto (Ontario)
Le 19 novembre 2002
«
Sur le plan de l'environnement, nous tendons à
aborder le changement climatique comme un autre fardeau
plutôt que comme une possibilité. Et soyons
clair, le monde devra faire quelque chose à propos
du changement climatique. Alors pourquoi le Canada n'ouvrirait-il
pas la voie, pour jouir d'un avantage concurrentiel?
Pourquoi ne pas faire du Canada le pays des nouvelles
technologies, en tirant profit de nos forces, en tirant
parti des tendances émergentes dans les domaines
de l'énergie et des procédés de
production? Certaines personnes parlent de l'économie
de l'hydrogène du XXIe siècle. Pourquoi
ne tirons-nous pas profit de nos réalisations
dans le domaine des piles à combustible et n'inventons-nous
pas l'économie de l'hydrogène ici même
au Canada? Pourquoi ne pas développer ici au
Canada la fabrication basée sur les bioprocédés
non polluants, ainsi que l'énergie renouvelable
(soleil, vent, biocarburants, hydroélectricité)?
Pourquoi ne nous fixons-nous pas comme objectif de construire
d'ici 2015 une automobile ne produisant aucune émission?
Notre secteur de l'automobile a toujours été
un chef de file dans la recherche. Imaginez les possibilités
pour la fabrication de pièces, pour la production,
grâce à un progrès révolutionnaire
dont le Canada pourrait s'attribuer le crédit.
Si nous réussissons, le monde reconnaîtra
les forces et la véritable valeur de notre économie.
»
(Discours)
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1
Journal of Economic Perspectives, vol. 9, 1995, p. 97-118.
2
Éditorial de Science (27 mars 1998) : " Des changements
aux effets comparables à ceux de la Révolution
industrielle et de la révolution informatique commencent
à se produire. Nous sommes au premier stade de la prochaine
grande époque, la révolution génomique.
"
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